CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1 En France, la lutte contre le décrochage scolaire est devenue une priorité nationale depuis l’adoption, en juin 2010, de la stratégie Europe 2020, dont l’un des objectifs centraux était de faire passer le taux d’abandon scolaire avant l’obtention du niveau de diplomation requis [1] sous la barre des 9,5 % d’ici l’année 2020. L’objectif a été rapidement atteint puisque le taux de décrochage scolaire, passé de 13 % en 2010 à 8 % pour l’année 2020, a franchi les 9,5 % dès 2015.

2 Si le but mis en avant par l’État est celui d’une réduction des inégalités et d’une « école de la confiance », la réduction du décrochage scolaire est également perçue comme un enjeu social (Vollet, 2016) et surtout économique (Weixler et al., 2014). À ce titre, le rapport d’évaluation partenariale de la politique de lutte contre le décrochage scolaire estime le « coût » financier pour l’État d’un jeune décrocheur à 230 000 € sur une vie, soit une perte de l’ordre de 30 milliards par an (ibid.).

3 Au niveau individuel aussi, l’enjeu est important dans une société où, malgré une inflation du diplôme (Duru-Bellat, 2006 ; Dubet et Duru-Bellat, 2020), ce dernier semble être et demeurer la meilleure protection des jeunes contre les difficultés d’accès à l’emploi et à l’indépendance financière (Zaffran et Vollet, 2018). Notons que le taux de chômage des jeunes non diplômés sortis depuis un à quatre ans de formation est de 48 %, contre 22 % chez ceux détenant un bac, CAP ou BEP (certificat d’aptitude professionnelle et brevet d’études professionnelles) [2]. En outre, malgré une politique alliant prévention et remédiation au décrochage scolaire et alors que le gouvernement a rendu la formation obligatoire jusqu’à 18 ans à la rentrée 2020 [3], ce sont aujourd’hui encore 95 000 jeunes qui sortent du système scolaire sans le niveau de qualification minimal requis par l’État (Depp, 2020).

4 Si le gouvernement français a su, sans complètement l’endiguer, réduire le phénomène du décrochage scolaire, c’est par la mise en œuvre d’une politique de remédiation (ÉPIDES [4], Écoles de la deuxième chance…) [5], mais surtout grâce à un meilleur repérage – et donc une meilleure prévention – des risques d’abandon précoce. La recherche en sciences humaines et sociales a très largement été mobilisée afin de fournir des explications et réflexions concernant les mécanismes amenant un jeune à décrocher, ainsi que des facteurs de « risque » de décrochage. Or, si nous disposons aujourd’hui de nombreux indicateurs concernant le décrochage scolaire de manière globale et dans les villes (où se situent d’ailleurs les établissements de « raccrochage »), nous ne savons presque rien des particularités inhérentes au décrochage scolaire ayant lieu au sein des espaces ruraux. De manière plus large, l’éducation parmi les espaces ruraux est sous étudiée et nous nous confrontons à un très large manque d’indicateurs (Azéma et Mauhourat, 2019) permettant de saisir les particularités de l’enseignement – et donc aussi de la rupture avec ce dernier – au sein de ces espaces [6]. Si les prérogatives politiques concernant la lutte contre le décrochage scolaire en milieu rural mettent pourtant bien en avant la nécessité d’un pilotage Gouvernement/Région permettant « d’améliorer la gouvernance territoriale des politiques publiques[7] », l’aspect rural n’est pas pris en compte, et cela alors même que les territoires devraient être considérés comme des « structures actives » ne pouvant être réduites à un « simple réceptacle d’activités » (Bel et Berthet, 2009. pp. 34-35). Les espaces ruraux, caractérisés par leur faible densité de population et la discontinuité du bâti (Bouquet et Dubéchot, 2018. p. 16), regroupent pourtant 17 % des jeunes sortants sans diplôme (Zaffran, 2018). Bien entendu, il ne s’agit pas ici d’exposer les phénomènes observés comme étant ceux « du » rural comme d’un tout uniforme et homogène. Les espaces qui composent le milieu rural sont un ensemble relativement hétérogène (ruralité de montagne, espaces ruraux en déclin, rurbanité…) rassemblé par une faible ou très faible densité de population et marqué par l’éloignement entre les lieux de vie. Nous ne souhaitons donc pas imposer une vision trop généralisante « du » rural, mais plutôt éclairer un cas territorial prenant place dans un contexte rural de décrochage scolaire en Nouvelle-Aquitaine.

5 Nous savons que, dans l’ensemble, les espaces ruraux ont une influence sur la scolarité de leurs élèves (Alpe, 2006 ; Depoilly, 2016 ; Azéma et Mauhourat, 2018). Ces derniers réussissent légèrement mieux à l’entrée au collège et se dirigent plus facilement vers des filières courtes et professionnalisantes, dans un rapport de complémentarité entre formation, emploi et territoire (Berthet et al., 2018). Par cet article, nous souhaitons montrer en quoi le décrochage scolaire des jeunes ruraux rencontrés au sein d’espaces ruraux de Nouvelle-Aquitaine se distingue des formes habituellement décrites par la sociologie, et notamment par son caractère extérieurement abrupt et sa discrétion.

6 En effet, si l’aspect « rural » d’un espace peut avoir un impact sur la scolarité des élèves, il semble tout aussi bien qu’il puisse jouer un rôle dans le processus qu’est le décrochage scolaire (Bel et Berthet, op. cit. ; Zaffran et Vollet, op. cit.). Le danger de la non-prise en compte des particularités inhérente à ces espaces est grand dans le cadre des politiques de lutte contre le décrochage scolaire principalement centrées autour du repérage en amont des « risques » d’abandon précoce. Nous ne disposons pas aujourd’hui d’indicateurs propres aux parcours de décrochage de jeunes vivant au sein d’espaces ruraux qui permettraient de mettre en place des politiques adaptées.

7 En positionnant notre approche dans la complémentarité éducation-emploi-territoire (Berthet et al., op. cit.), nous proposons de mettre en lumière une part du phénomène de décrochage scolaire, ici centrée autour d’espaces ruraux de Nouvelle-Aquitaine. En somme, quelles sont les particularités propres au décrochage scolaire au sein de ces espaces ? En répondant à cette problématique, nous souhaitons éclairer un phénomène sous-étudié et qu’il est pourtant nécessaire de comprendre dans le cadre de la mise œuvre d’une politique de lutte efficace contre le décrochage scolaire sur l’ensemble du territoire.

Encadré 1. Méthodologie

Cet article repose sur une enquête sociologique menée dans le cadre d’une thèse commandée par la région Nouvelle-Aquitaine, traitant de l’insertion professionnelle et de la transition vers l’âge adulte de jeunes ruraux décrocheurs. Cette recherche a été menée entre 2017 et 2020 sur les départements de la Charente, de la Creuse et de la Gironde. L’analyse transversale du phénomène du décrochage scolaire sur ces trois départements nous permet d’aborder l’aspect rural de ces parcours, sans pour autant les généraliser à l’ensemble du territoire. En prônant une approche compréhensive des expériences et des parcours de ces jeunes, nous avons pu recueillir le témoignage (*) de 100 jeunes décrocheurs ruraux (**), à travers la pratique de l’entretien semi-directif d’une durée d'une à deux heures trente. Ces entretiens ont été réalisés à la fois auprès de jeunes pris en charge par les Missions Locales (ML), les Missions de Lutte contre le Décrochage Scolaire (MLDS) et les Maisons Familiales Rurales (MFR), mais aussi par le biais de réseaux d’interconnaissances extérieurs à ces instances, ce qui a permis de ne pas uniquement se concentrer sur les jeunes pris en charge par une institution de retour en formation ou d’insertion professionnelle.
À ce premier corpus viennent s’ajouter 24 autres entretiens réalisés avec des personnes responsables de l’insertion et/ou du retour en formation de ces jeunes, à travers les institutions mentionnées ci-dessus, ainsi qu’au sein d’agences d’intérim implantées en milieu rural ou bien avec des chefs d’entreprises travaillant dans les campagnes et recrutant à faible niveau de qualification.
Enfin, ce corpus d’entretiens a été complété et étayé par la pratique de l’observation (un mois sur chaque département en cumulé) à la fois au sein des ML, Garanties Jeunes et MLDS sur les trois départements, mais aussi directement auprès des jeunes autour de rencontres conviviales (repas de famille, soirée entre amis, sorties…). Ces observations ont permis à la fois une contextualisation des expériences de ces jeunes, une intégration du chercheur sur le terrain et surtout le recueil de matériau non seulement discursif, mais aussi pratique.
L’ensemble des données collectées ont fait l’objet d’une analyse transversale de contenu grâce à une grille thématique s’intéressant aux différents aspects des parcours de ces jeunes, de la formation vers l’emploi. L’analyse transversale des entretiens, complétée par des observations de terrains, nous a ainsi permis de mieux saisir la complexité des expériences menant au décrochage scolaire en milieu rural.
(*) : Tous les verbatim mobilisés dans cet article ont été anonymisés.
(**) : Annexes électroniques : Tableaux – Caractéristiques socio-démographiques des jeunes rencontrés et de leurs parents.

8 Forts de ces données, nous organiserons notre réflexion en trois parties. Dans un premier temps, nous questionnerons l’impact de l’école et de l’éducation au sein des espaces ruraux (Alpe, op. cit. ; Azéma et Mauhourat, 2018 ; 2019 ; Bouquet, 2018) sur les parcours conduisant à un décrochage scolaire. Les espaces ruraux sont souvent présentés comme ayant un « retard culturel » sur les villes (Orange et Vignon, 2019). Nous souhaitons ainsi comprendre si ces derniers peuvent être un milieu propice au décrochage scolaire. Nous tenterons de proposer une opposition à cette approche culturaliste et dévalorisante en exposant les effets positifs que « l’école rurale » peut apporter à ses élèves. Dans un deuxième temps, nous mettrons en lumière la manière dont se met en œuvre le processus qui a amené les élèves ruraux rencontrés à décrocher scolairement. Le décrochage scolaire n’est pas un acte isolé et irréfléchi (Blaya, 2010 ; Vollet, 2016 ; Zaffran et Vollet, op. cit.), mais doit être compris et analysé dans le temps long du parcours scolaire du jeune. Au cours de leur scolarité, ces jeunes sont ainsi marqués par une dévaluation intériorisée de leurs compétences et une forte volonté de réinvestissement dans le monde professionnel, engendrant un désamour de l’éducation. Ces parcours sont remarquables par l’absence de comportements externalisés (violence, absences, retards…) qui permettent généralement de repérer les « risques » de décrochage. Enfin, nous mettrons en exergue les modalités de l’acte du décrochage chez ces jeunes. Profitant généralement d’une période de vacances, ils ne reviennent pas en formation, portés par une volonté d’insertion rapide sur le marché du travail et d’accès à la vie adulte. Le décrochage scolaire observé parmi ces jeunes est un phénomène extérieurement abrupt et discret, marqué par l’espace au sein duquel il se met en œuvre.

1 L’école des espaces ruraux : un milieu propice au décrochage scolaire ?

9 Les espaces ruraux, dans leur ensemble, font presque toujours l’objet de représentations négatives de lieux en déclin, passéistes et imperméables à la modernité (Orange et Vignon, op. cit.). La question est alors fréquemment soulevée de savoir si ceux-ci souffrent d’un « déficit culturel » (Alpe, op cit.) qui pourrait avoir une influence sur la réussite des jeunes à l’école, mais aussi peut-être sur le décrochage scolaire. De fait, la composition socio-économique des espaces ruraux rentre dans le jeu de ces prénotions puisque ces derniers sont bien plus marqués par des classes populaires – ouvriers et employés peu qualifiés – auxquelles on impute généralement de plus grandes difficultés scolaires et un plus fort taux de décrochage scolaire (Blaya, op. cit. ; Millet et Thin, 2012 ; Vollet, op. cit. ; Zaffran et Vollet, op. cit.). La réalité est pourtant bien différente car malgré des origines socio-économiques plus populaires qu’en ville, les élèves ruraux ont dans leur ensemble des résultats et un taux de réussite assez similaires à ceux des urbains (Alpe, op. cit.)° ; Coquard, 2015 ; Bouquet, op. cit.). Plus encore, leurs résultats à l’entrée au collège sont supérieurs au reste de la population, puis s’égalisent par la suite (Azéma et Mauhourat, 2018).

10 Trois éléments permettent d’expliquer ces meilleurs résultats à l’entrée au collège et auront une influence sur les parcours des élèves ruraux qui décrocheront scolairement par la suite. Tout d’abord, il existe une implication familiale plus forte dans la scolarité en primaire ainsi qu’une plus grande confiance de la part des parents envers les enseignants, rendue possible par des relations interconnaissances locales plus fortes qu’en ville, au sein d’espaces à faible densité de population (Barrault-Stella, 2014). Ensuite, les écoles primaires des espaces ruraux, dont la progressive disparition porte toujours à débat, ont des effectifs réduits qui permettent une attention plus importante aux besoins de chaque élève, ainsi que des classes multiniveaux qui favorisent l’apprentissage (Azéma et Mauhourat, 2018 ; 2019). Enfin, il semblerait qu’il y ait une implication des enseignants plus importante qu’en ville, ainsi qu’une plus grande facilité d’adaptation des enseignements aux besoins de chaque élève notamment rendue possible par un manque de lisibilité des cadres de politiques publiques urbano-centrées en milieu rural (Grelet et Vivent, 2011). En effet, hors des cadres de politiques urbano-centrées, les enseignants peuvent plus facilement répondre aux besoins des élèves. Pour ces raisons, les jeunes rencontrés parlent de leur parcours scolaire en primaire comme d’une période plutôt bien vécue, où les difficultés de chacun sont atténuées. Inès, une jeune femme de 23 ans au chômage, attendant son premier enfant, a décroché d’un CAP service à la personne à 17 ans. Lors de notre entretien, elle revient avec une certaine nostalgie sur la période de l’école primaire :

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« C’était des beaucoup plus petites classes et les professeurs étaient sympas, ils pouvaient s’occuper de nous et savaient quoi faire pour nous améliorer par rapport à nos faiblesses. On nous disait même qu’on était plus doués que les autres en CM1, c’est pour vous dire ! » (Inès, 23 ans, au chômage)

12 Il alors difficile de considérer les écoles primaires rurales comme un facteur de renforcement de l’échec scolaire ou d’un supposé « déficit » de l’éducation en milieu rural. Les élèves ruraux ne sont pas défavorisés scolairement, mais leurs parcours scolaires sont effectivement marqués, à partir de l’entrée au collège, par une orientation massive vers des filières plus courtes et plus professionnalisantes. Le caractère bref et professionnalisant de la scolarité des élèves ruraux est certainement l’aspect le plus fréquemment mis en avant lorsque l’on traite de la question de l’offre éducative de ces espaces (Grelet et Vivent, op. cit. ; Coquard, 2015). Notons à titre d’exemple que 61 % des élèves en lycées ruraux se trouvent dans des filières professionnelles, contre seulement 39 % parmi les lycées urbains (Azéma et Mauhourat, 2018). Bien que notre échantillon ne permette pas une représentativité statistique suffisante, notons que parmi les 100 jeunes rencontrés, seuls cinq ont suivi une filière générale au lycée et aucun une filière technologique. La plupart, lorsqu’ils n’ont pas arrêté avant, se sont dirigés vers des CAP-BEP et baccalauréats professionnels.

13 L’orientation vers ces filières – renforcée dans le cas des jeunes décrocheurs – n’est pas anodine alors que les attentes en matière de diplômes croissent (Dubet et Duru-Bellat, op. cit.), et que la valeur de ces derniers dans l’insertion professionnelle des jeunes diminue (Duru-Bellat, op. cit. ; Zaffran et Vollet, op cit.). Cette orientation doit être comprise dans un rapport logique au sein des espaces ruraux vis-à-vis de marchés de l’emploi moins qualifiés et avec des attentes plus « professionnelles » qu’académiques [8] (Berthet et al., op. cit.). La coïncidence de ces éléments fait alors que les jeunes vivant au sein de ces espaces se dirigent avec plus d’évidence vers des voies professionnelles et sans que ces dernières ne soient perçues comme un biais de disqualification (Bernard et Michaut, 2014 ; Coquard, 2019). Le niveau de diplôme augmente chez les ruraux comme chez les urbains (Azéma et Mauhourat, 2018), mais la finalité du diplôme paraît souvent plus claire pour les premiers et une distinction entre les parcours scolaires (et le décrochage) se crée alors. En somme, s’ils font des carrières plus courtes et plus professionnalisantes, c’est parce qu’ils « ont une appréciation assez réaliste des possibilités qui s’ouvrent à eux : le choix d’orientation vers l’enseignement professionnel correspond aux opportunités offertes par leur territoire […]. » (Alpe et Barthes, 2014. p. 11)

14 Les orientations à partir du collège des élèves des espaces ruraux ne peuvent cependant pas uniquement être imputées à un choix rationnel des jeunes vis-à-vis de la cohérence entre l’offre de formation et l’offre d’emploi sur leur territoire (Bel et Berthet, op cit.). Que ce soit pour l’orientation scolaire (Grelet et Vivent, op. cit. ; Palheta, 2011) ou dans le cadre du décrochage scolaire (Blaya, op cit. ; Boudesseul et al., 2016 ; Caro, 2017), l’entourage du jeune et aussi le contexte socio-économique au sein duquel il se construit ont une influence certaine en la matière. Notons, à titre d’exemple, que parmi les jeunes rencontrés dans le cadre de cette recherche, seuls quatre ont un père cadre ou de profession intermédiaire, alors que 60 avaient un père ouvrier ou employé avec un niveau de diplôme inférieur au CAP-BEP [9]. Pour Christelle, directrice d’un Centre d’Information et d’Orientation au sein d’une intercommunalité à dominance rurale, ces orientations sont en grande partie dues à la place de la famille dans l’orientation scolaire de leurs enfants :

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« On sait très bien que la réussite scolaire est très liée, en France, aux classes socioprofessionnelles. On sait très bien que dans les familles d’enseignants, il y a très peu de décrocheurs et plus de chances d’une orientation vers des études longues à Bordeaux, Toulouse ou autre. […] On ne peut pas travailler sur les familles de toute façon, mais c’est évident que sur un territoire comme le nôtre, très rural, où on a plutôt des parents ouvriers ou employés à bas niveau, les jeunes s’orientent vers les filières qu’eux, ou que papa et maman connaissent. » (Christelle, directrice de CIO)

16 Cette orientation, encore plus fortement marquée dans les parcours scolaires des jeunes qui décrocheront, n’est pas à comprendre comme un manque d’ambition ou de motivation de la part de ces jeunes. Lorsque l’on interroge ces derniers sur leur « métier de rêve » avant l’entrée au collège, beaucoup expliquent qu’ils voulaient se tourner vers des emplois tels qu’instituteur, vétérinaire, psychologue ou bien même astronaute, et cela alors que leurs résultats scolaires étaient assez faibles. Ces rêves ne durent pas longtemps et sont généralement abrégés par l’entrée au collège, si ce n’est avant. Il semblerait que chez les jeunes rencontrés, le « deuil des grands métiers » (Zunigo, 2010) soit plus exacerbé et précoce, faisant très rapidement paraître ces métiers comme inatteignables. Vivant dans des milieux plutôt populaires, et parfois précarisés (Caro, op. cit.), ils se tournent, par le biais de la sélection et des orientations, vers des emplois plus « concrets » et plus prosaïques : « C’est bien d’avoir des rêves, mais au bout d’un moment, faut aussi avoir les pieds sur terre. » (Louna, 22 ans, ouvrière agricole saisonnière ; a décroché d’un baccalauréat professionnel en restauration). Ce choix est également influencé par l’offre de formation proposée sur place (Bel et Berthet, op. cit.) et qui impose un choix difficile entre migrer en ville pour des études supérieures ou rester sur place et s’adapter à l’offre de formation locale disponible :

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« Nous à la MLDS, nous savons que notre panel d’offre de formations est limité […], il faut prendre ça en compte quand on oriente nos jeunes. » (Nadège, conseillère en MLDS)

18 Quoi qu’il en soit, nous devons retenir que l’éducation en milieu rural n’est pas un espace d’apprentissage « défavorisant » ni même renforçant le phénomène de décrochage scolaire. Toutefois, les parcours scolaires des ruraux sont marqués par une large orientation vers des filières courtes et professionnalisantes (en rapport avec l’offre territoriale), mais surtout par une plus forte évidence du travail « concret » (Coquard, 2019) qui, dans le cas des futurs décrocheurs rencontrés, jouera un rôle important dans le processus amenant au décrochage.

2 L’entrée au collège, point de rupture vers le décrochage scolaire rural

19 La scolarité en primaire des élèves ruraux qui deviendront quelques années plus tard des décrocheurs scolaires se déroule assez convenablement. Bien entendu, et comme cela est généralement le cas lorsque l’on étudie des élèves qui seront pour la plupart en échec scolaire à la sortie du collège, ils connaissent quelques difficultés et « retards » scolaires, mais qui semblent compensés par les caractéristiques de l’éducation rurale énoncées plus tôt (Grelet et Vivent, op. cit. ; Barrault-Stella, op. cit. ; Azéma et Mauhourat, 2018).

20 Ce qui est particulièrement intéressant dans les discours des jeunes décrocheurs rencontrés est lié à la description qui est faite de leur scolarité à cette période. Tous disent avoir apprécié les premières années de leur scolarité, dont ils parlent d’ailleurs souvent avec une certaine nostalgie :

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« C’était mieux [en primaire], on était beaucoup valorisés, beaucoup soutenus et puis j’aimais bien dans l’ensemble et tout. » (Nolwenn, 18 ans, intérimaire ; a décroché d’un CAP d’assistant technique en milieu familial et collectif).

22 Si cette période est parfois entachée par certaines problématiques, elles ne sont pas d’ordre scolaire, mais plutôt familial (décès, violences, alcoolisme parental, pauvreté…), médical et avec parfois quelques cas de harcèlement. La primaire est vue comme une période « plus simple » où ils ne rencontraient ni la précarité d’une insertion professionnelle sans diplôme ni la violence symbolique de hiérarchisation et de sélection qu’ils rencontreront au collège (Palheta, op. cit. ; Dubet et Duru-Bellat, op. cit.). Ces jeunes parlent plutôt d’une scolarité « moyenne » dans laquelle ils n’étaient certes pas « bons », mais où leurs difficultés paraissaient réduites, et surtout où ces dernières n’étaient pas vécues comme une dépréciation de leurs capacités individuelles (et donc de leur image d’eux-mêmes). Les difficultés qu’ils rencontrent ne sont pas comprises comme une dépréciation de leurs capacités, mais plutôt comme provenant de situations extérieures à l’école et envahissantes, qui viennent parasiter leur scolarité.

23 Le tri scolaire et le déclenchement du processus amenant au décrochage scolaire s’entament à l’arrivée au collège, où l’accompagnement est plus faible ; les attentes en matière d’autonomisation dans son travail et la forte hiérarchisation des résultats en fonction des premiers de la classe (ibid.) vont créer un point de rupture mentale – et émotionnelle – avec l’école. De plus, si la primaire semblait pouvoir atténuer d’une certaine manière leurs retards, ces derniers n’ont pas pour autant disparu. Leurs difficultés scolaires finiront, avec l’entrée au collège, par s’amplifier. Clara, une jeune stagiaire de 20 ans ayant décroché d’un CAP employé de commerce à 17 ans, raconte les difficultés qu’elle a pu rencontrer avec le passage aux classes de collèges plus denses qui l’orienteront vers un parcours en SEGPA :

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« On va dire que les classes, elles étaient bien chargées au collège et comme j’avais des difficultés un petit peu, on m’avait laissée de côté. J’avais des problèmes au niveau de l’écriture, de la lecture et du calcul. Qui sont toujours là d’ailleurs. Et du coup, on m’a envoyée en SEGPA[10] parce que sinon mes profs disaient que j’aurais pas pu finir le collège. Que j’avais pas les capacités pour, quoi. » (Clara, 20 ans, stagiaire dans la vente)

25 Durant la période du collège, va se créer un désamour de l’école ; c’est-à-dire une cessation de l’affection qu’ils pouvaient ressentir envers l’école durant leurs années de primaire. Ce désamour se met en place par la confrontation d’une période de construction de soi et d’une dévaluation forte de leurs capacités scolaires. Les retards de ces jeunes deviennent, de manière abrupte, une succession d’échecs (Dubet, 2004 ; Van de Velde, 2016) les hiérarchisant en fonction de normes élitistes (Dubet et Duru-Bellat, op. cit.).

26 Au sein de classes plus grandes et avec moins d’attention envers chaque élève, ils disent se trouver peu à peu en marge de leur expérience de la scolarité en voyant défiler des enseignements dont ils se désinvestissent petit à petit. Ces jeunes ne sont pas en opposition avec l’institution scolaire, mais vivent difficilement leur « épreuve d’investissement » (Dubet, op. cit.), celle d’une succession d’échecs, malgré un investissement et une volonté de réussir. Alors que se forge leur identité individuelle, ils vivent une dépréciation de l’image de soi au sein d’une institution où leur présence est obligatoire. Cette distanciation mentale et émotionnelle ne débouche cependant pas sur une haine ou du ressentiment envers l’école, mais les amène à considérer qu’ils ne sont « pas faits pour l’école ». C’est notamment ce que met en avant Antoine, un jeune de 18 ans sans activité, qui a décroché un an et demi avant notre rencontre d’un BEP menuiserie :

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« J’avais pratiquement rien appris au fil de l’année [de son décrochage] et ma moyenne augmentait pas malgré mes efforts – parce que je m’y mettais réellement à fond – et le truc, c’est que j’y arrivais pas. C’était vain. J’y arrivais pas, ça m’a saoulé et… j’ai l’impression que je suis pas fait pour l’école. J’ai toujours eu l’impression que j’ai pas été fait pour l’école. » (Antoine, 18 ans, sans activité)

28 C’est un sentiment profond qui les conduit à intérioriser leurs échecs scolaires et à se désengager petit à petit des enseignements, tout en restant présents au sein de la classe et de l’établissement qui demeure, dans des espaces à faible densité de population, le lieu central des relations amicales juvéniles (Coquard, 2015). Tout en continuant de rester physiquement à l’école et en cours « surtout pour voir les copains » (Victor, 19 ans, stagiaire dans la vente ayant décroché au collège), les jeunes rencontrés s’éloignent mentalement et émotionnellement en créant un rapport de désamour. Il est à noter que la distance physique entre le lieu de vie et l’école et souvent aussi la pénibilité des transports ne sont jamais apparues dans les discours des jeunes rencontrés comme des éléments venant influencer le décrochage. En réalité, ces facteurs joueront bien plus sur l’isolement de la période post-décrochage que sur l’acte d’abandon en soi. Ces jeunes continuent donc d’aller à l’école et malgré l’entretien de sociabilités juvéniles et amicales, ils s’ennuient de plus en plus en ayant l’impression de devoir « rester sur une chaise à rien faire » (Yanis, 20 ans, intérimaire ayant décroché d’un CAP carrosserie). Aussi, si certains bavardent, dessinent ou font les pitres, c’est bien plus pour tuer l’ennui (Depoilly, op. cit.) que par opposition à l’institution. Il n’y a en effet pas de comportements de rébellion ou de « violence aveugle et sans objet » (Dubet, 1987). Ils sont ainsi bien moins contestataires vis-à-vis de l’autorité scolaire que les décrocheurs décrits par la littérature sociologique sur le sujet (Blaya, op. cit. ; Zaffran et Vollet, op. cit.).

29 Ces jeunes, qui pourtant décrocheront, ont intégré la nécessité scolaire et l’importance effective du diplôme, mais ressentent une profonde inaptitude à la poursuite d’une scolarité « classique », qui se traduit par une orientation massive vers des filières professionnalisantes, souvent dévaluées (Palheta, op. cit.). Il n’y a pas tellement de crainte de dévalorisation à s’orienter vers ces filières, mais au contraire un souhait d’une revalorisation de ses capacités à ce qu’ils nomment le « vrai travail » ; un travail plus « concret » que le travail scolaire (Coquard, 2019). Face à une succession d’échecs scolaires et évoluant au sein d’un entourage où la professionnalisation de leur formation n’est pas dévalorisée, ces jeunes se dirigent vers des filières plus modestes qui, ils l’espèrent, devraient déboucher rapidement vers de l’emploi local et leur permettre de ne pas avoir à s’éloigner de chez eux (Zaffran, 2018).

30 Si ceux qui rencontrent les plus grandes difficultés ont été orientés dès la cinquième ou la quatrième en SEGPA ou vers des MFR, la fin du collège semble pour les autres promettre une sortie du cadre « scolaire » (Blaya, op. cit.) vers un monde professionnel qui permettrait de prouver sa valeur par le travail (Crawford, 2009). Ces filières sont également choisies car elles correspondent à une volonté d’insertion rapide sur le marché de l’emploi (Bel et Berthet, op. cit. ; Depoilly, op. cit.) et d’une transition précoce vers l’âge adulte. Ces orientations ne sont cependant pas entièrement libres puisqu’il s’agit le plus souvent d’une « préférence adaptative » où le choix est le résultat du contexte au sein duquel il est fait (Terlazzo, 2016). Une part importante de ces jeunes dit d’ailleurs avoir du mal à comprendre les raisons des orientations proposées par leur établissement. Entre une orientation possible vers des filières dévaluées et la limitation de l’offre de formation en milieu rural, une part importante des parcours scolaires après le collège est consentie plutôt que choisie (ibid.). Ce fut le cas de Félix, un jeune de 20 ans sans activité ayant décroché à 18 ans d’un baccalauréat professionnel, à qui l’on préféra « assurer » un diplôme professionnel plutôt que de le diriger vers son souhait initial en lycée général :

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« En fait, à la base, je voulais faire un lycée général, sauf qu’au niveau des notes, je suis passé de 10-11 de moyenne à 5-6 en troisième. J’ai obtenu mon brevet, mais on m’a dit qu’aucun lycée ne m’accepterait avec ces notes-là, donc je suis parti en maintenance industrielle. Je savais pas trop ce que c’était, mais on m’a dit que j’étais sûr d’avoir un diplôme, donc j’ai dit OK. » (Félix, 20 ans, sans activité).

32 Pour Félix comme pour les autres, la sélection scolaire se fait en fonction du niveau supposé du jeune vis-à-vis de la hiérarchisation de la valeur des filières et des diplômes (Palheta, op. cit. ; Dubet et Duru-Bellat, op. cit.). Ces jeunes, généralement avec de faibles résultats scolaires, ne s’orientent donc pas seulement selon leurs ambitions professionnelles, mais surtout parmi des parcours disponibles localement et avec des attentes assez « basses » pour qu’ils puissent obtenir un diplôme. Bien évidemment, cette forme d’orientation réduit fortement le sens que le jeune peut donner à sa formation (Vollet, op. cit.). Cette perte de sens dans leur orientation va un peu plus amener l’idée d’un potentiel décrochage scolaire puisqu’ils ne sont pas orientés vers des filières qui les stimulent, mais des filières considérées comme suffisamment « déclassées » pour leur permettre d’accéder au diplôme.

33 Pour la majorité, le choix d’un parcours de formation s’opère assez jeune, alors qu’ils n’ont pas forcément une grande connaissance de l’état du marché de l’emploi ni de celui de la formation. Ils choisissent alors généralement des formations correspondant à l’emploi d’un membre de leur entourage, à un stage qu’ils ont réalisé au collège ou bien à un métier connu (boulanger, esthéticienne, mécanicien…). Ce processus, débuté au collège et amenant à une perte de sens dans son orientation, ne fera que renforcer le désamour envers l’école qu’ils pouvaient ressentir en étant relégués vers des filières qui ne les intéressent pas toujours. Ainsi, si le décrochage scolaire résulte d’une accumulation de micro-évènements d’exclusion qui amènent à l’acte de rupture (Blaya, op. cit. ; Millet et Thin, op. cit. ; Zaffran et Vollet, op. cit.), la perte de sens dans une orientation professionnelle est la dernière étape avant la rupture avec l’institution.

3 Le décrochage scolaire : un réinvestissement professionnel pour ces jeunes ruraux

34 Chez les jeunes ruraux rencontrés, l’acte du décrochage scolaire correspond à la fin d’un processus long (Millet et Thin, op. cit. ; Zaffran et Vollet, op. cit.) qui a débuté à l’entrée au collège avec un sentiment de désamour de sa scolarité, puis s’est amplifié avec une orientation qui, si elle correspond généralement à un souhait de professionnalisation rapide, amène aussi à une perte de sens. L’acte de rupture avec son parcours scolaire doit donc être compris dans la continuité de cette distanciation avec l’éducation et de la valorisation du « vrai » travail ; un travail rattaché plus au savoir-faire qu’aux savoirs scolaires, plus « abstraits » (Crawford, op. cit. ; Coquard, 2019).

35 En analysant les parcours scolaires de ces jeunes, on se rend compte que leur décrochage n’est que l’aboutissement d’un phénomène long et progressif qui se construit depuis l’entrée au collège avec lequel ils « n’accrochent » tout simplement pas (Zaffran et Vollet, op. cit.). Dans cette période clé de construction de son identité qu’est l’adolescence, la perte de sens et la dévalorisation qu’ils ressentent semblent être le « prix à payer » pour un diplôme. C’est en quelque sorte un laissez-passer vers l’emploi :

36

« Le diplôme, ça aurait pu m’aider, ça ouvre des portes, mais je pouvais plus continuer. » (Théo, 18 ans, en contrat Garantie Jeune, ayant décroché d’un CAP boulangerie).

37 Aussi, si l’on ne considère ces jeunes comme des « décrocheurs » qu’à partir du moment où ils quittent physiquement l’établissement, la plupart ont déjà décroché émotionnellement et mentalement depuis des années déjà. Notamment car leur vision de l’école renvoie au domaine de l’arbitraire pédagogique et à la distance culturelle (Bourdieu et Passeron, 1970). Ils se laissent alors porter sans grande conviction vers un diplôme qui semble à la fois indispensable et sans grande valeur à leurs yeux.

38 Ils savent ainsi que le diplôme a une importance factuelle et permet une insertion professionnelle plus simple, même parmi des espaces ruraux et populaires (Zaffran, 2018 ; Coquard, 2019). Ils refusent cependant de lui attribuer une « valeur morale » puisque ce dernier revient, selon eux, à un tri injuste (Dubet et Duru-Bellat, op. cit.) qui ne représenterait pas la « vraie » valeur au travail d’un individu. Ils concèdent donc à regret la place que peut avoir le diplôme sur leur avenir, mais pensent aussi que puisqu’il ne représente pas la valeur d’un individu, il pourrait être compensé par un fort investissement dans son insertion professionnelle. C’est ce qu’exprime Alexandre, un jeune de 18 ans pris en charge par le service Garantie Jeune et ayant décroché d’un baccalauréat professionnel en métier de la vente et du commerce un an avant notre rencontre :

39

« Je dirais que c’est important d’avoir un diplôme, mais ça représente absolument pas la valeur de quelqu’un au travail. Pour moi, ça représente absolument pas les capacités de quelqu’un et en plus, si tu fais des études, t’as moins d’expérience. Tu vois, moi j’ai deux amis qui ont bac + 3 et ils sont caissiers à Leclerc ! Donc voilà, c’est bien, mais ça veut rien dire de la personne. » (Alexandre, 18 ans, en Garantie Jeune)

40 Décrocher scolairement pourrait alors devenir une voie d’accélération vers une vie active qui, ils le savent, s'avèrera plus complexe sans diplôme, mais qui sera, ils l’espèrent, possible par une forte performance et implication sur le marché de l’emploi local (Bel et Berthet, op. cit.) :

41

« Même sans diplôme, je pense que quand on veut, on peut» (Marine, 22 ans, intérimaire ayant décroché d’un baccalauréat professionnel en élevage équin).

42 Avec cette idée en tête, décrocher permettrait de quitter l’univers dévalorisant qu’est l’école pour revaloriser son image de soi par le « vrai » travail, symboliquement promu parmi les classes populaires rurales (Renahy, 2005 ; Basinski, 2007 ; Coquard, 2019) puisque : « Non seulement l’école est étrangère, mais elle ignore le rôle et la dignité du travail. » (Dubet, 1987, p. 181)

43 Hormis cette volonté d’insertion professionnelle prégnante, le décrochage scolaire de ces jeunes en milieu rural se distingue des formes habituellement décrites par la littérature sociologique par sa discrétion et son caractère extérieurement abrupt. De manière générale, il est possible de répartir les comportements « à risque » de décrochage en deux catégories : les comportements internalisés et les comportements externalisés (Vollet, op. cit.). Les comportements internalisés, issus du sentiment de dévaluation du jeune, correspondent à de la dépression, une faible estime de soi, des idées noires, voire de l’automutilation et des tentatives de suicide. Ces comportements sont dirigés vers soi et souvent difficilement repérables en amont par le corps enseignant. À l’inverse, les comportements externalisés sont orientés vers le monde extérieur et sont donc plus facilement détectables. Il peut s’agir d’actes de rébellion, de violence, de la petite délinquance, de retards en cours et surtout de l’absentéisme croissant qui conduira au décrochage. Les comportements externalisés sont particulièrement utiles afin de repérer les risques de décrochage scolaire puisqu’ils sont dirigés vers le monde extérieur au jeune, et bien souvent vers l’école. Or, ces comportements sont très peu présents chez les jeunes rencontrés dans le cadre de cette recherche, en comparaison avec la contestation observée par la littérature sociologique du décrochage scolaire (Blaya, op. cit. ; Millet et Thin, op. cit. ; Zaffran et Vollet, op cit.).

44 Les comportements internalisés sont tout aussi présents chez les jeunes de cette recherche que chez les autres. Beaucoup ont abordé, lors des entretiens, de longues périodes de dépression en même temps que s’amplifiaient le désamour scolaire et la dévaluation de l’image de soi. Clémence, une jeune femme de 18 ans en service civique, qui a décroché à 16 ans d’un CAP employé de commerce, explique avoir développé une phobie scolaire, allant jusqu’à deux tentatives de suicide avant son décrochage :

45

« C’était juste après ma première année. Mon contrat d’apprentissage s’arrêtait juste avant les vacances en juin ou juillet et j’ai dit “Stop”. Parce que j’arrêtais pas de pleurer. […] J’ai fait une grosse dépression et deux tentatives de suicide. Ça a pas été facile. ».

46 Ces comportements semblent communs à l’ensemble des décrocheurs, puisqu’ils découlent d’un rabaissement de leurs capacités et d’une sélection hiérarchisante par l’échec (Dubet et Duru-Bellat, op. cit.).

47 Les comportements externalisés, quant à eux, sont très rares, si ce n’est quasi inexistants, dans les expériences des jeunes mobilisés ici qui n’ont que peu d’espaces permettant l’expression de comportements de transgression juvéniles (Dubet, 1987 ; Zaffran, 2010). Là où les urbains s’opposent fréquemment à l’autorité scolaire avant de décrochage, notamment en « séchant » les cours dans un « crescendo » de l’absentéisme, les jeunes rencontrés ne connaissent pas un tel comportement (Vollet, op. cit. ; Zaffran et Vollet, op. cit.).

48 Ils justifient cette présence et leur assiduité aux cours par la centralité que représente l’école dans l’entretien de relations amicales juvéniles :

49

« Où est-ce que tu veux aller traîner par ici ? Y’a rien à faire. » (Magdalena, 16 ans, sans activité, ayant décroché d’un baccalauréat professionnel management et gestion).

50 L’école étant le centre de ces sociabilités juvéniles dans les espaces à faible densité de population, l’absentéisme n’a que peu de sens puisque la distanciation entre les lieux de vie et la faible densité de population (notamment jeune) permettent peu la découverte de soi hors des situations d’encadrement de la jeunesse (Dubet, 1987 ; Zaffran, 2010).

51 Leur décrochage est un acte discret qui n’est pas un éloignement progressif de l’institution. Il s’agit d’un décrochage lors des vacances scolaires qui représentent une opportunité. Il a le plus souvent lieu en été (et parfois lors des vacances de fin d’année), ce qui correspond à une période de creux de l’activité scolaire et aussi à la réception des bulletins scolaires. Ce seront ainsi de mauvaises notes, un redoublement ou encore un refus dans une formation souhaitée qui constitueront l’évènement déclencheur du décrochage scolaire (Vollet, op. cit.). Cet échec « de trop » sera l’impulsion que ces jeunes attendaient pour rompre avec leur formation, comme cela fut le cas pour Tony, un jeune de 19 ans embauché en CDI (contrat à durée indéterminée) dans une boulangerie du sud de la Charente après avoir décroché d’un CAP boulangerie trois ans plus tôt :

52

« Au final, j’ai raté à 0,83 point près. […] C’était pas possible [de poursuivre ses études]. Ah non ! J’étais trop dégoûté d’être si proche et qu’ils me laissent pas passer. Ça m’a dégoûté parce qu’à 0,83, j’aurais pu l’avoir quoi. Je voulais même plus entendre parler de la boulangerie à la base. […] Les vacances sont passées après et je voulais plus revenir. » (Tony, 19 ans, boulanger en CDI)

53 Comme Tony, qui n’est tout simplement pas revenu, ces jeunes quittent leur formation de manière abrupte et le plus souvent sans que l’établissement ait pu repérer des comportements laissant présager un risque de décrochage. Bien plus qu’une rupture avec le domaine scolaire, il s’agit d’un souhait de réinvestissement dans le monde professionnel. Le seul intérêt de la poursuite de leur scolarité était l’aboutissement que constituerait le diplôme, mais qui ne représente en définitive « que » la possibilité d’une insertion professionnelle plus simple. .

54 Rompre avec l’école, c’est donc pouvoir se réinvestir dans le domaine professionnel qui, lui, est valorisé parmi son entourage, souvent bien plus que la réussite scolaire (Basinski, 2007 ; Coquard, 2019). Croyant en leur capacité et en la possibilité d’une insertion possible sans diplôme tant que la performance et l’implication seront au rendez-vous, ces jeunes font un pari risqué, qui leur semble difficile, mais réalisable :

55

« Comme je dis, pour moi, ça sert pas à grand-chose d’avoir un diplôme du moment où t’as les expériences professionnelles et la vraie volonté de bosser. » (Kenza, 18 ans, sans activité, a décroché d’un CAP employé de commerce multispécialisé)

56 Alors qu’il est souvent compris sous le prisme de l’abandon, le décrochage est pensé par ces jeunes comme un réinvestissement qui permettra enfin de prouver leurs compétences non scolaires (Crawford, op. cit. ; Giret, 2015). Là où l’école représentait un espace de dévaluation et de rabaissement, le décrochage semble offrir une opportunité bien plus gratifiante. Bien entendu, et malgré un meilleur rapport à l’emploi des jeunes ruraux décrocheurs que des urbains (Zaffran, 2018), l’absence de diplôme au sein des espaces ruraux constitue un frein à l’insertion stable et pérenne sur le marché de l’emploi local. En définitive, il s’agit d’un décrochage discret provenant d’une volonté de revalorisation de ses compétences dans le monde professionnel, et profitant des vacances pour s’exercer.

Conclusion

57 Le décrochage scolaire des jeunes ruraux mobilisés dans cette recherche comporte des caractéristiques propres se distinguant en partie du phénomène habituellement décrit par les sciences humaines et sociales traitant du sujet. Nous l’avons vu, l’école des espaces ruraux, quoique marquée par des élèves aux origines plus populaires qu’en ville (Alpe et Barthes, 2014), n’est pas un facteur renforçant l’échec ni même le décrochage scolaire. Grâce à ses classes plus petites et multiniveaux (Azéma et Mauhourat, 2018), mais aussi un investissement plus important de la part des enseignants et une confiance des parents envers ces derniers, rendue possible par une interconnaissance forte au sein de ces espaces (Grellet et Vivent, op. cit. ; Barrault-Stella, op. cit.), la primaire suivie par ces jeunes permet de limiter les difficultés et d’atténuer les retards.

58 C’est avec l’arrivée au collège, et souvent par la rencontre avec des établissements plus denses (Azéma et Mauhourat, 2018), que commence réellement à se construire le processus de désamour et de distanciation de sa scolarité qui amènera à l’acte du décrochage scolaire. Avec des classes plus grandes, une attente d’autonomie tacite et une hiérarchisation des élèves en fonction de l’élite (Dubet et Duru-Bellat, op. cit.), les retards que leur parcours scolaire en primaire avait pu atténuer se transforment en une succession d’échecs. Commence alors ce processus qui conduira au décrochage scolaire. Les jeunes rencontrés ici entament une relation de désamour avec l’école au sein de laquelle ils se sentent inadaptés.

59 Plutôt que d’exprimer une rébellion ou de se positionner en opposition avec l’école, ils se mettent à la marge de leur parcours scolaire en se laissant porter et orienter par leur accumulation d’échecs scolaires et un souhait de professionnalisation rapide. Se considérant comme responsables de leur supposée incapacité scolaire, ils voient leur image de soi fortement dégradée durant une période de construction identitaire pourtant centrale dans le processus d’individualisation (Zaffran, 2010 ; Van de Velde, op. cit.). Profitant alors d’une période de vacances, ils ne reviennent tout simplement pas à l’école en préférant se réinvestir pleinement dans une insertion professionnelle leur paraissant difficile, mais possible avec une implication et une motivation suffisantes.

60 Rappelons que cette recherche ne propose pas une lecture « du rural » dans son ensemble. Elle repose sur l’étude de trois départements situés au sein de la région Nouvelle-Aquitaine. Il est donc nécessaire de prendre en considération la multiplicité des territoires ruraux et les particularités locales qui entrent en jeu dans le rapport formation, emploi et territoire (Berthet et al., op. cit.). Il serait donc intéressant de poursuivre ce travail par une comparaison plus large parmi les différents espaces qui composent le monde rural (péri-urbain, rural à très faible densité de population, espaces ruraux de montagne…). Les possibilités offertes par le marché de l’emploi local, les offres de formations et de remédiations ou encore les caractéristiques socio-économiques des espaces ruraux jouent évidemment dans les parcours de décrochage, mais aussi d’insertion professionnelle et de retour en formation de ces jeunes. De plus, il serait intéressant d’explorer les données recueillies par cette enquête par un travail quantitatif sur les particularités territoriales du décrochage scolaire des espaces ruraux.

61 Ces résultats restent sans doute à approfondir. Toutefois, nous pouvons avancer que parmi la population étudiée, le décrochage scolaire a des modalités propres qu’il convient de prendre en considération. C’est un décrochage particulièrement discret puisque les comportements externalisés, et notamment le crescendo de l’absentéisme conduisant habituellement à la rupture avec l’institution, ne sont pas présents dans les expériences de ces jeunes. Si nous souhaitons poursuivre une lutte contre le décrochage scolaire reposant sur le repérage en amont des signes annonçant le décrochage, il est impératif de prendre en compte les caractéristiques spatiales de ce phénomène. La faible estime de ses capacités scolaires, la forte volonté d’insertion professionnelle rapide et les comportements internalisés du processus de décrochage scolaire semblent par exemple être des marqueurs significatifs pour ces jeunes, qu’il conviendrait de mobiliser afin de lutter contre ce phénomène. Le manque de signes annonciateurs de ce décrochage scolaire et le caractère extérieurement abrupt de ce dernier rendent ce travail particulièrement complexe et il est nécessaire de créer de nouveaux critères de repérage des risques de décrochage scolaire adaptés à ces espaces.

Tableaux – Caractéristiques socio-démographiques des jeunes rencontrés et de leurs parents

Figure 0

Tableaux – Caractéristiques socio-démographiques des jeunes rencontrés et de leurs parents

Source : Auteur.

Notes

  • [1]
    Bien que l’utilisation du terme de décrocheur scolaire puisse porter à débat, nous nous appuierons sur la définition utilisée par le gouvernement qui considère comme « décrocheur » tout jeune abandonnant sa formation avant l’obtention d’un diplôme de niveau 3 (CAP-BEP).
  • [2]
    INSEE (2021) Taux de chômage selon le niveau de diplôme et la durée depuis la sortie de formation. Données annuelles 2020. Chiffres-clés.
  • [3]
    La mesure s’applique pour les jeunes qui ne sont ni en formation, ni en étude, ni en emploi.
  • [4]
    Établissements Pour l’Insertion Dans l’Emploi.
  • [5]
  • [6]
    Afin d’éviter une approche trop culturaliste du « rural », nous nous reposerons sur la définition morphologique de l’INSEE qui, depuis 2020, considère comme rurale toute commune avec une faible ou très faible densité de population. Cette définition nous permet également d’éviter de considérer les espaces ruraux en fonction de l’éloignement et de la dépendance aux pôles urbains ou par une approche trop « folkloriste ».
  • [7]
    La lutte contre le décrochage scolaire, ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des sports, 2021 https://www.education.gouv.fr/la-lutte-contre-le-decrochage-scolaire-7214
  • [8]
    Plutôt que de parler d’emplois « intellectuels » et « professionnels », Benoît Coquard propose de parler d’emplois « abstraits » et « concrets ».
  • [9]
    Annexes électroniques : Tableau 1 – Caractéristiques socio-démographiques des jeunes rencontrés.
  • [10]
    La Section d’Enseignement Général et Professionnel Adapté accueille au collège les élèves présentant des difficultés scolaires persistantes.
Français

Cet article explore la dimension spatiale du décrochage scolaire en s’intéressant aux expériences de décrochage de jeunes ruraux néo-aquitains. Il mobilise une enquête qualitative menée auprès de 100 jeunes ruraux sans diplôme et de 24 responsables de l’insertion et du retour en formation de ces jeunes en Nouvelle-Aquitaine, entre 2017 et 2020. Si les spécificités de l’éducation en milieu rural peuvent sembler plus favorables aux jeunes présentant un risque de décrochage, ces derniers sont surtout marqués par un phénomène de désamour de l’école et d’attraction vis-à-vis du marché de l’emploi local à l’entrée au collège, qui amènera à un décrochage aussi abrupt que discret.

  • représentation de la formation
  • orientation scolaire-professionnelle
  • abandon des études
  • milieu rural
Deutsch

Von der Schulmüdigkeit zum Schulabbruch : Wie Jugendliche in der französischen Region Nouvelle-Aquitaine fast unbemerkt die Schule abbrechen

Dieser Artikel untersucht die territoriale Dimension des Schulabbruchs : Er befasst sich mit den Erfahrungen von Jugendlichen im ländlichen Raum von Nouvelle-Aquitaine, die die Schule vorzeitig verlassen. Er stützt sich auf eine qualitative Umfrage, die zwischen 2017 und 2020 unter 100 Jugendlichen aus ländlichen Gebieten ohne Schulabschluss und 24 Verantwortlichen für die Eingliederung und Rückkehr dieser Jugendlichen in die Ausbildung in der Region Nouvelle-Aquitaine durchgeführt wurde. Zwar mögen die Besonderheiten des Bildungswesens im ländlichen Raum für Jugendliche, bei denen ein Risiko des vorzeitigen Schulabbruchs besteht, günstiger erscheinen. Doch sind diese Jugendlichen beim Eintritt in das Collège (entspricht der 6. Klasse, A.d.Ü.) vor allem durch ihre „Schulmüdigkeit“ geprägt und fühlen sich zum lokalen Arbeitsmarkt hingezogen, was zu einem ebenso unvermittelten wie unauffälligen Schulabbruch führt.

  • Ausbildungsziel
  • Schul- und Berufsberatung
  • Aufgabe des Studiums
  • Ländlicher Raum
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Clément Reversé
Docteur en sociologie au Centre Émile Durkheim (UMR 5116) – Université de Bordeaux
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Mis en ligne sur Cairn.info le 11/07/2022
https://doi.org/10.4000/formationemploi.10644
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