CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Dès qu’une population s’établit sur un territoire, elle fait le geste d’adopter un environnement qui réponde à ses aspirations. Pourtant, aussitôt établie, elle tente d’en reconfigurer les aires d’accueil, d’en remodeler le paysage, de construire des lieux d’accès, de tracer tout un réseau de passages, de voies, de routes. En d’autres mots, la population se met à la tâche d’aménager son territoire ; comme l’écrivait Vidal de La Blache (1913) voilà déjà cent ans, « l’homme dérange incessamment ou, suivant le cas, redresse, en y portant la main » le milieu physique qu’il a pourtant choisi d’habiter. En Amérique, la genèse du processus originel de « modelage » puis de « remodelage » des territoires aux fins de peuplement selon les modèles urbains européens est plus facilement observable du fait qu’on en connaît le « Temps 0 », soit la période des grandes découvertes et la fondation des villes coloniales. Nous savons aussi que ce sont les infrastructures urbaines et les services techniques en réseaux les premiers et principaux agents de transformation physique des villes et que c’est au XIXe siècle que tout se joue en quelque sorte, c’est-à-dire que le « vivre en ville » devient progressivement – et définitivement – technique, que naît la ville des réseaux (Tarr, Dupuy, 1988). Le développement de l’hydraulique urbaine moderne est évidemment un exemple phare de ce processus, particulièrement en raison de son antériorité dans l’ordre d’apparition des réseaux, de ses impacts sur la santé et sur la sécurité des populations, et de son incidence sur la structuration du tissu urbain construit.

2Évidemment, Montréal illustre ces évolutions. Plus encore, cette ville s’avère en être un fabuleux laboratoire (et territoire) pour quatre raisons spécifiques : sa localisation sur le continent, sa dualité ethnolinguistique l’amenant à suivre les expériences tant anglaise que française, les qualités géophysiques de son site d’implantation et la place qu’elle occupe dans l’échiquier économico-politique du pays en devenir qu’est le Canada (Fougères, 2012). En ce qui concerne spécifiquement l’hydraulique urbaine montréalaise, celle-ci, à l’instar des autres villes occidentales du XIXe siècle, se développe à coup d’essais-erreurs, au rythme d’une course-poursuite où les impératifs du moment jouent périodiquement à cloche-pied avec les solutions techniques puis scientifiques qui y sont apportées. Fait remarquable, cela se produit à Montréal au même rythme que dans les grandes villes (nouvelles) des États-Unis et dans les villes (anciennes) d’Europe, bien que Montréal soit en comparaison à ces dernières de taille très modeste.

Montréal à la rencontre des expériences européennes et américaines

3Il est vrai qu’au XIXe siècle, les fortes poussées démographiques et les transformations de l’économie bouleversent profondément le monde urbain. Il est vrai également que les savoirs de l’hydraulique urbaine moderne se constituent pour l’essentiel au même moment, au cours d’une période d’instabilité et d’incertitude, où les génies, civil puis sanitaire, montent l’un après l’autre au front afin de remporter la bataille des eaux urbaines. Mais au début du XIXe siècle, les grandes transformations démographiques et économiques atteignent un premier palier et se stabilisent pour un temps, alors que les principaux savoirs de l’hydraulique urbaine sont maîtrisés et que les réseaux d’eau potable et d’eaux usées entrent dans le « modèle générique » des systèmes techniques des villes. Évidemment, si la présence de ces réseaux tient dorénavant de l’organisation courante et familière des villes, ils vont connaître ensuite une adaptation continue et sans relâche.

4L’histoire de l’établissement des réseaux montréalais d’eau potable et d’assainissement est riche à la fois d’exceptions et de particularismes, et d’éléments généraux et communs, ceux-là se retrouvant tant dans les villes européennes que dans les villes américaines. La similarité entre les villes d’Amérique du Nord vient de ce qu’elles développent leurs réseaux d’eaux en terrain neuf, si l’on peut s’exprimer ainsi, dans un cadre bâti peu développé en comparaison des vieilles villes d’Europe, et où est partagé le sentiment d’une destinée positive, faite de croissance, de découvertes et de succès. New York, Philadelphie et Boston, trois villes ouvertes sur l’Atlantique, trois « portes d’entrée » vers l’intérieur du continent, trois villes phares du développement américain du XIXe siècle, sont toutes trois précurseures de l’hydraulique urbaine de l’époque (Blake, 1956). La parenté entre Montréal et les villes américaines vient aussi du fait que le monde urbain Nord-Américain ne vit pas en vase clos et, au premier chef, ceux qu’on peut appeler les producteurs et constructeurs de la ville, c’est-à-dire les ingénieurs, les promoteurs et les politiciens urbains, voyagent d’une ville à l’autre, se rencontrent, échangent entre eux. Pour Montréal, cette situation est particulièrement observable du fait que celle-ci est au croisement des échanges et des transferts des savoirs urbains qui circulent le long de la communauté des villes des axes fluviaux Saint-Laurent/Hudson : le Saint-Laurent en remontant d’est en ouest, de l’Atlantique jusqu’au pied des Grands Lacs ; et l’Hudson, aux États-Unis, en remontant cette fois du sud au nord, de New York à son embouchure, jusqu’au lac Champlain puis, de là, à la grande région de Montréal via le Richelieu. Ces deux routes fluviales font partie d’une même aire géographique et se rencontrent à Montréal – point de jonction, pivot, plaque tournante – pour y dessiner un double axe de transport et d’échange en forme de « T ». Cette situation explique en partie selon nous pourquoi, malgré sa taille relativement modeste au XIXe siècle, Montréal participe, au même titre que ses voisines plus grandes, à une même actualité novatrice en matière d’hydraulique urbaine. Mentionnons que si Philadelphie et Boston ne sont pas riveraines de l’Hudson, toutes deux cherchent à s’en approcher (ce que le chemin de fer aidera à faire dans la seconde moitié du siècle) car l’Hudson puis le Saint-Laurent sont les routes d’accès à l’intérieur du continent.

5Afin de ne pas se tromper dans la chronologie, rappelons que les expériences de Montréal et de nos trois villes des États-Unis en matière d’eau potable et d’assainissement sont contemporaines de celles de Paris et de Londres, et même la devancent sur certains points. De plus, bien qu’il se trouve à l’époque des francophiles aux États-Unis et même chez les Britanniques montréalais et leurs descendants, il n’est pas étonnant que les expériences hydrauliques de Londres, de Liverpool ou même d’Édimbourg ou de Glasgow en Écosse, occupent une place importante dans l’argumentaire des concepteurs d’ouvrages des villes d’Amérique. Si l’appartenance à la même communauté linguistique favorise cette situation, il y a aussi, tout bonnement, le fait que l’expérience britannique est plus précoce : c’est là qu’on apprend d’abord à élever l’eau, avec l’invention puis le perfectionnement de la machine à vapeur, et c’est aussi là qu’on adopte rapidement les tuyaux de fonte et les premiers procédés de filtration de l’eau sur lits de sable. Les ingénieurs des Ponts et Chaussées ne traversent-ils pas la Manche à plusieurs occasions pour visiter les villes des îles britanniques ? Mais l’influence de la France et de Paris est tout de même bien réelle ; et Montréal, de par son identité francophone, en est bénéficiaire. Les jeunes Canadiens (les descendants des Français qu’on appelle ainsi au XIXe siècle pour les distinguer des Britanniques), étudiants et voyageurs, s’arrêtent invariablement à Paris. À titre d’exemple, nous pouvons citer Pierre Beaudry, une personnalité politique importante de Montréal au milieu XIXe siècle. Il étudie et travaille à Paris où il fait sa médecine (1817-1822) puis voyage en Allemagne, en Suisse et en Italie. Il revient à Montréal en 1827. Dans les années 1840, une fois élu au conseil municipal de Montréal, il s’avère être un des plus ardents défenseurs de la salubrité urbaine et de l’expansion du service d’eau (Fougères, 2004, pp. 196-197).

6Ainsi donc, chercher à comprendre l’histoire de l’hydraulique urbaine montréalaise n’implique pas de dresser la liste des choix montréalais (choix techniques notamment) qui tiendraient de l’héritage français, britannique ou américain. En réalité, il semble plus juste d’interroger ici leur appartenance à des questionnements et des défis similaires, voire simultanés, à ceux opérés en Europe et aux États-Unis, de dégager la contemporanéité des projets, et ensuite d’en retracer les « parentés » ou les caractères distinctifs [2]. D’ailleurs, il faut mentionner que si, en Amérique, on n’ignore pas ce qui se fait à Paris ou à Londres, la contrepartie est aussi vraie, comme en témoignent les Annales des Ponts et Chaussées. En 1839 par exemple, les Annales publient dans la série Mémoires et Documents le texte « Travaux public de l’Amérique du Nord » (Stevenson, 1839), un rapport de voyage rédigé par l’ingénieur anglais David Stevenson où il est fait mention des réseaux d’approvisionnement en eau dans les principales villes des États-Unis et à Montréal. En 1863, l’ingénieur Huet y écrit un article sur les eaux de New York et de Washington (Huet, 1863) et encore, en 1872, Malézieux (1872) publie un volumineux rapport de mission sous le titre de « Travaux publics des États-Unis d’Amérique ».

La situation montréalaise et des villes américaines de la côte Est

7La première spécificité de l’environnement montréalais est la richesse en eau, puisque la ville est située sur une île (du même nom) dont le versant inférieur fait face à l’un des plus importants cours d’eau douce au monde, le fleuve Saint-Laurent ; la rive supérieure de l’île longe quant à elle la rivière Des Prairies qui est elle-même alimentée en partie par la rivière des Outaouais et le lac des Deux-Montagnes [3]. Bien que ce site offre des possibilités de captage exceptionnelles (cf. Illustration 1), les premiers développeurs du réseau d’eau potable dans le premier tiers du XIXe siècle sont confrontés à la difficulté de hisser cette même eau à la hauteur de la ville qui occupe un monticule au milieu du fleuve. À l’inverse, cette même caractéristique s’avère à l’époque un avantage du point de vue de l’évacuation et du traitement des eaux usées. Les quelques égouts sanitaires privés et les égouts pluviaux publics (souvent à ciel ouvert) s’écoulent tout simplement dans le fleuve. Ce dernier, croit-on, a un pouvoir de dilution sans limite grâce à la vigueur de ses courants et au volume d’eau qu’il recèle.

Illustration 1

Le réseau hydrographique de Montréal, 1867

Illustration 1

Le réseau hydrographique de Montréal, 1867

Cette carte tracée en 1867 donne une vue d’ensemble de la région de Montréal, le réseau hydrographique auquel elle appartient et sa proximité aux frontières américaines. Tout juste au sud de Montréal, on aperçoit la rivière Richelieu qui mène au lac Champlain dont les eaux sont à la fois canadienne et américaine. Comme son titre l’indique, la présente carte présente les trajets des canaux construits et projetés.
Source : Ville de Montréal – Gestion de documents et archives, Fonds des cartes et plans, VM66-S4P054, « Canaux construits et projetés, district de Montréal, 1867 »

8C’est selon les mêmes croyances que sont rejetés à l’eau, devant la ville, les déchets amenés sur des charrettes et tombereaux. Rapidement toutefois, les rives de Montréal seront baignées d’eaux stagnantes et jonchées de débris qui s’enfoncent plutôt que de s’éloigner avec les courants. Face à cette situation, les édiles municipaux vont construire des jetées afin de déverser les déchets plus en avant dans le fleuve – dans le courant ; l’hiver, les tombereaux munis de patins pourront tout simplement s’avancer sur les glaces. Parce qu’elles sont toutes deux côtières, les villes de New York et de Boston peuvent quant à elles se servir de l’Atlantique comme réceptacle de leurs rejets. Philadelphie peut en faire autant, mais en déversant ses eaux usées dans le fleuve Delaware, lequel se jette dans l’Atlantique à quelque 180 kilomètres [4].

9Quant au réseau d’eau potable montréalais, celui-ci est également particulier du fait de son caractère précoce. En effet, malgré une population d’à peine 9000 habitants, Montréal participe dès 1801 à l’aventure technique et financière, pourtant encore très incertaine, de l’approvisionnement par conduites souterraines. Comme dans les villes américaines, ce sont des promoteurs privés qui en 1801 se lancent dans le projet de munir la ville d’un réseau (Fougères, 1996). Celui-ci revêt un caractère sans doute plus spéculatif encore à Montréal : la nécessité d’une solution collective à l’approvisionnement en eau n’est pas encore pressante, et il suffit d’un seau pour pouvoir puiser cette précieuse ressource sur les rives du fleuve. En comparaison, les villes voisines des États-Unis comptent des populations bien plus nombreuses, de quoi se lancer plus obligatoirement peut-être dans cette aventure : à New York, Boston et Philadelphie vivent respectivement 60000, 25000 et 41000 habitants. On peut expliquer l’empressement des promoteurs montréalais de 1801 par l’esprit entrepreneurial qui les anime (tous sont dans le commerce et dans différentes entreprises coloniales), par leur désir de suivre le rythme et l’esprit de croissance des villes américaines, par les gains qu’ils envisagent d’obtenir et par les appuis financiers qu’ils ont de Londres. Mais le succès n’est pas forcément au rendez-vous dans le domaine de l’eau ! D’ailleurs, si, à la toute fin du XVIIIe siècle, une société privée d’adduction d’eau se constitue à New York, ce n’est pas sans arrière-pensée : en effet, le sénateur républicain Aaron Burr sponsorise la Manhattan Company, qui est créée pour amener de l’eau propre pompée dans des puits dans le Bronx par des conduites en bois. Cette société obtient une charte l’autorisant à fonctionner le 2 avril 1799. Malgré le remplacement des conduites en bois par de la fonte en 1828, le service rendu est fortement critiqué, et complété, puis remplacé de fait par un aqueduc public en 1842. Mais cette société s’intéresse en fait à l’urbanisation, et se transforme en une banque, la désormais célèbre Chase Manhattan Bank. Suite aux investissements publics dans des aqueducs à distance, la société d’eau est marginalisée, et finit par perdre ses pouvoirs corporatifs en 1900.

10Un scénario similaire s’est déroulé à Boston, avec une première société privée, la Jamaica Pond Aqueduct Company, créée en 1795 pour amener l’eau de Roxbury à Boston, avec des tuyaux en bois sur 8 kilomètres. Mais la très forte croissance de la population a rendu cette solution totalement insuffisante, et, après dix ans de débat ‘public-privé’, le parlement de l’État du Massachusetts a autorisé la ville à investir en 1846 dans un réseau public prenant son eau plus loin.

11Quant à Philadelphie, la récurrence d’épisodes de fièvre jaune a conduit cette ville à réaliser, dès 1801, un des premiers réseaux d’adduction et de distribution entièrement public, à partir d’une eau pompée dans une petite rivière, à proximité.

12Au début des années 1840, alors que la ville de Montréal prend possession du service d’eau comme le font la plupart des villes américaines d’importance, sa population n’est encore que de 40000 habitants, et l’hydraulique urbaine n’a toujours pas tenu ses promesses de succès (Fougères, 2004 ; Pothier, 1996). À ce moment, New York compte plus de 325000 habitants, Boston et Philadelphie chacune tout près de 95000 habitants, de quoi rendre plus urgente une solution collective de long terme à l’approvisionnement en eau. Après diverses tentatives entre la fin des années 1830 et le début des années 1850, ces trois villes optent pour de petits cours d’eau intérieurs, avec des prises d’eau plus ou moins éloignées : New York à plus de 60 kilomètres grâce à un aqueduc parallèle au fleuve Hudson (mais on n’a jamais vraiment envisagé de pomper dans ce fleuve lui-même) ; Boston s’approvisionne à 27 kilomètres ; et Philadelphie se sert, juste en amont de la ville, de la rivière Schuylkill [5], par le biais des somptueux Fairmount Waterworks, et pas dans le fleuve Delaware (cf. infra). Aucune des trois villes ne prend l’eau directement dans une grande rivière, contrairement à Montréal.

13Mais, à partir des années 1830, la pollution des rives de cette dernière commence à préoccuper plus sérieusement ses habitants ; et puisque la microbiologie n’existe pas encore, n’importe quel filet d’eau qui ne soit pas souillée serait reconnu comme potable, même si on l’a capté à proximité des immondices. Lorsque les liens entre santé publique et les qualités bactériologiques de l’eau sont clairement établis grâce aux découvertes de Pasteur, les dirigeants montréalais font la découverte que l’eau du fleuve circulant devant la ville est impropre à la consommation. Peut-être par peur du défi technique ou financier que pouvait poser la construction d’une usine de traitement de l’eau jusqu’au tournant du XXe siècle, ou peut-être inspirés par les tracés d’aqueduc réalisés dans les villes voisines des États-Unis comme New York ou Boston, les dirigeants montréalais ont envisagé – pour un temps – d’aller prendre l’eau à plus de 50 kilomètres de la ville, là où l’on croyait pouvoir trouver une ressource qui n’aurait besoin d’aucun traitement. Mais ils ont pu finalement conserver le captage dans le fleuve grâce aux progrès du génie sanitaire.

14En matière d’assainissement, Montréal ne se hisse pas au rang des villes pionnières. S’il y a eu quelque spécificité, elle tient encore à son caractère insulaire, au centre d’un immense cours d’eau : le « tout-à-l’égout et à la rivière » s’est imposé de fait. En effet, ce sont d’abord les inondations printanières et les eaux de pluie qui préoccupent les Montréalais tout au long du XIXe siècle (Fougères, 2006) et jusqu’aux années 1920, donc bien avant la question du traitement des eaux usées. Deux éléments majeurs affectent Montréal au printemps : la fonte des neiges et la crue du Saint-Laurent. (cf. Illustration 2) Les hivers montréalais du XIXe siècle accumulent selon les années des précipitations pouvant dépasser les deux mètres, ce qui occasionne une période de fonte des neiges lente et problématique ; ce n’est qu’au XXe siècle qu’on commence à dégager les rues et ramasser la neige. De fait, le printemps est une période difficile pour les déplacements (la neige est fondante, friable et instable, sa surface cède sous le poids des personnes et des animaux) et les surplus d’eau causent de réelles inondations. La situation est aggravée par le pavage des rues à partir des années 1820, cela notamment afin de répondre à des préoccupations de salubrité urbaine, en lien direct avec les croyances de la théorie miasmatique. Pour faire face aux conséquences de cette imperméabilisation accrue des sols, la solution est la réalisation d’égouts pluviaux ainsi que le nivellement des rues dans le dessein de contrôler les écoulements. Des rues pavées mais maintenant munies d’égouts et tracées avec de bonnes inclinaisons peuvent aussi recevoir plus facilement les eaux de pluies, souvent fortes lors de l’automne montréalais. Face à la crue annuelle du Saint-Laurent, les solutions infrastructurelles des dirigeants municipaux sont le rehaussement des rives de la ville et la construction de murets.

Illustration 2

Embâcle printanier devant le port de Montréal, vers 1900

Illustration 2

Embâcle printanier devant le port de Montréal, vers 1900

Les crues printanières du Saint-Laurent. Des hommes photographiés sur une montagne de glaces accumulées devant le port de Montréal et son marché principal, le marché Bonsecours au XIXe siècle.
Source : Ice Shove in Harbor, 190 ?, Montréal, Montreal Import Co., Bibliothèque et Archives nationales du Québec, CP 021063 CON

15Pour ce qui est des rejets domestiques ou des « privés » comme on appelait encore au début du XIXe siècle les toilettes (de l’anglais privies), ou bien on les laissait s’égoutter dans les cours arrières, ou bien les propriétaires eux-mêmes procédaient au raccordement de leur domicile jusqu’aux conduites municipales lorsque leurs rues en étaient pourvues. Sans trop qu’on s’en rende compte, le « tout-à-l’égout » s’est imposé dès ce moment. Cette façon de faire s’est perpétuée jusqu’à ce que la ville lance son premier grand chantier de pose de conduites dans la décennie de 1860 et construise ses premiers collecteurs (Gagnon, 2006 ; Dagenais, Durand, 2006) (cf. Illustration 3). Une fois lancé un programme de généralisation de l’assainissement collectif dans les années 1920, ses rejets ont été déversés des deux côtés de l’île, dans le Saint-Laurent et dans la rivière des Prairies [6]. À cette époque la ville crée le Bureau des égouts ; les défis sont de taille puisque le territoire de Montréal s’étend maintenant aux rives nord et sud de l’île suite à l’annexion de plusieurs banlieues : la superficie du territoire municipal montréalais est passée de 20 km2 à plus de 360 km2 aujourd’hui (Fougères, 2012 ; Linteau, 1992). Mais le réseau mis en place s’étend à l’échelle de la ville en entier. En 1926, le quotidien montréalais La Presse titrait le 8 janvier : « Sans être une Venise infernale comme ceux de Paris, les égouts de Montréal constituent un système de drainage ultra-perfectionné ». En fait, bien des problèmes techniques resteront à résoudre, malgré les considérables efforts financiers déjà engagés à l’époque ; ils le sont d’ailleurs dans un contexte où la municipalité connaît d’importants problèmes financiers, qui la conduiront à deux occasions à être mise sous tutelle par le gouvernement supérieur au cours des trois premières décennies du siècle.

Illustration 3

Construction d’un égout collecteur, 1939

Illustration 3

Construction d’un égout collecteur, 1939

À partir des années 1920, c’est la configuration de l’ensemble du réseau d’égouts que les dirigeants montréalais veulent revoir. Depuis peu, la ville s’est considérablement agrandie à la suite de plusieurs annexions de banlieues.
Sources : Ville de Montréal – Gestion de documents et archives, Photographies anciennes, Série Z, VM94-Z1418-3, 1939

Un métissage franco-britannique ?

16Comme dans la majorité des villes en Amérique, à Montréal la mise en œuvre de solutions permanentes au rejet puis au traitement des eaux usées a été précédée par la recherche de solutions à l’approvisionnement en eau potable de qualité. Mais comment expliquer la précocité de Montréal dans l’histoire de l’approvisionnement en eau potable, bien qu’elle soit assez petite, entourée par un grand cours d’eau quasi potable, et malgré le caractère encore expérimental des techniques de l’hydraulique urbaine ? Sans doute est-ce en bonne partie à cause de sa position de métropole coloniale. Montréal abrite en effet une bourgeoisie économique dominante issue des îles britanniques, dont les liens avec la mère patrie sont actifs et resserrés. Là-bas comme à Montréal, les investisseurs et autres capitalistes partagent l’ambition d’en faire une grande ville, appelée à jouer à l’égard de l’arrière-pays (l’intérieur du continent, jusqu’au Pacifique) le rôle de centre financier, économique et manufacturier. Les grandes opérations spéculatives sont nombreuses, de la construction de canaux et de lignes de chemin de fer et de l’établissement de lignes de télégraphe, à l’accroissement du nombre de compagnies de navigation à vapeur, à la création d’institutions prêteuses, etc. Plusieurs investisseurs britanniques partagent avec les bourgeois montréalais les risques (et les bénéfices) financiers de toutes ces opérations d’envergure et les réussites observées chez les voisins du sud sont source d’inspiration. Antérieurement établie, la bourgeoisie francophone désire également participer aux transformations qui s’annoncent et certains de ses membres cherchent à s’intégrer au réseau financier britannique.

17Sa double identité, d’origine française et britannique, confère à l’expérience montréalaise de l’hydraulique urbaine une autre de ses caractéristiques distinctives, celle d’être une hydraulique urbaine biculturelle et bi-ethnique. La création de la compagnie d’approvisionnement en eau, la Montreal Waterworks (Compagnie des propriétaires des eaux de Montréal, son appellation légale en français), est d’abord l’affaire d’un groupe d’investisseurs exclusivement d’origine britannique. En 1845, lorsque la compagnie est municipalisée, anglophones et francophones occupent indistinctement des positions importantes aux plans technique, administratif, financier et décisionnel. Quelques années plus tard, l’autorisation donnée par la Couronne de financer le réseau d’eau par des rates (impôts locaux liés à la valeur locative des habitations), inscrit durablement le service de l’eau dans la culture du Commonwealth britannique, davantage que dans celle du service marchand qui se généralise sur le continent européen.

18À Montréal, les connaissances, les savoirs et les savoir-faire, les matériaux et les procédés de fabrication, de même que les sources de financement, sont donc d’abord montréalais et britanniques, anglophones et francophones. En revanche, dans la seconde moitié du siècle, l’influence américaine s’accroît considérablement et l’ouverture aux expériences européennes continentales devient manifeste. La présence d’ingénieurs américains appelés à titre de consultants est de plus en plus marquée. Des techniciens et ingénieurs d’Europe continentale commencent aussi à venir s’établir à Montréal, notamment des Français, une fois rétablis les liens diplomatiques et commerciaux de Paris avec Londres et ses colonies de l’Amérique du Nord britannique. La Capricieuse, premier navire battant pavillon tricolore à remonter le Saint-Laurent depuis la conquête britannique de 1760, pénètre dans les eaux du fleuve en 1855. En 1892, Georges Janin (cf. Illustration 4), ingénieur démissionnaire du Corps des Ponts et Chaussées de Paris arrive à Montréal à l’âge de 39 ans. Il occupera le poste de Surintendant de l’Aqueduc puis deviendra au tournant de la décennie de 1910 Ingénieur en chef et Inspecteur de la cité ; mais auparavant, il aura été responsable des réseaux d’eau et d’assainissement. Il est à l’origine de la construction de la première usine de traitement de l’eau (par chloration) dans la décennie de 1910 et c’est également lui qui introduit l’usage du champ d’épandage au tournant des années 1900 (Anonyme, 1899). L’épandage des eaux usées était pratiqué à Paris depuis 1872 dans la boucle de Gennevilliers, puis développé à partir de 1889, grâce au relèvement des eaux usées à l’usine de Colombes, permettant de rejeter ces eaux plus loin, vers Achères et Pierrelaye. Janin en était informé ; mais Paris n’était certes pas la seule ville d’Europe à pratiquer cette technique d’épuration, employée aussi à l’époque à Berlin, Darmstadt, Fribourg – technique qui d’ailleurs reste d’actualité, malgré les difficultés de commercialisation des boues, liées à leur contamination avérée par des métaux lourds et de nouveaux micropolluants.

Illustration 4

Georges Janin, un ancien membre du Corps de Ponts et Chaussées

Illustration 4

Georges Janin, un ancien membre du Corps de Ponts et Chaussées

Georges Janin émigre au Canada en 1892 puis entre au service de la Ville de Montréal. Janin devient membre de la Société des Ingénieurs civils du Canada et occupe également le poste d’Ingénieur consultant pour le Conseil d’Hygiène de la Province de Québec.
Source : (Anonyme, 1899)

19En 1903, de retour d’un voyage à Paris, Janin mentionne clairement son intérêt pour les réseaux parisiens :

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« La canalisation d’eau de Paris a une longueur d’environ 8 millions de pieds ; celle de Montréal, environ 1315000 pieds. Sur la longueur totale de la canalisation d’eau de Paris, environ 7 millions sont posés dans les égouts ou des galeries souterraines spéciales et 1 million seulement dans la terre. Le premier système est celui que je préconise depuis longtemps à Montréal pour des raisons économiques et pratiques… » [7].

21À partir de la seconde moitié du XIXe siècle, cette hydraulique urbaine montréalaise partage donc des liens de parenté avec celle des villes américaines et européennes : l’information sur les découvertes scientifiques et industrielles circule, parce qu’à la même époque la révolution dans les transports terrestres et maritimes (le chemin de fer et la navigation à vapeur transatlantique notamment) facilite les déplacements de personnes entre villes et, évidemment, l’immigration internationale ; et parce que, tout simplement, ici comme ailleurs, il s’agit partout d’eaux, potable et usées, qu’il faut dans tous les cas savoir faire s’écouler, monter, surélever, évacuer, filtrer, traiter… Lorsque Montréal revoit entièrement son système d’approvisionnement en eau potable, au début de la décennie de 1850, et déplace sa prise d’eau plus en amont de la ville, plusieurs ingénieurs étrangers sont invités à évaluer le projet montréalais. À ce moment, il est clair que la prise d’eau en aval de la ville est mal située car elle reçoit les eaux souillées. Un appel à l’expertise étrangère sera aussi lancé lorsque viendra le temps de procéder à l’agrandissement de l’aqueduc, dans les deux premières décennies du XXe siècle, et à la construction d’une usine de traitement de l’eau.

22Et, comme dans les villes américaines et européennes, à Montréal, la mécanique des rapports entre individus lors de l’établissement des réseaux techniques – et de l’eau en particulier – ne laisse place qu’aux personnels techniques, aux décideurs politiques et aux représentants de la bourgeoisie d’affaires. Le citoyen ordinaire en est exclu, et ne se manifeste éventuellement qu’en temps de crise ; car les groupes populaires, militants et organisés, n’existent pas. Rappelons qu’à Montréal la démocratie locale était censitaire, et c’étaient les valeurs foncières qui déterminaient les conditions de droit de vote.

23Évidemment, bien que les règles techniques d’insertion des réseaux et les connaissances scientifiques soient les mêmes partout, il est assez évident que les conditions financières permettant l’installation des systèmes diffèrent d’un lieu à l’autre ; et que les contraintes – et les opportunités – spatiales, environnementales et climatiques présentent des traits particuliers, voire uniques. Ainsi, comme leurs homologues étrangers, les concepteurs de l’hydraulique urbaine montréalaise doivent arbitrer entre le souhaitable, l’envisageable et le possible, en référence à ce double contexte, qui l’inscrit dans le temps et dans l’espace. Trouver une eau potable de qualité et la capter, puis l’acheminer jusqu’à la ville, voilà des défis où se conjuguent des opportunités et des contraintes propres à chaque ville, mais où aussi les contraintes techniques sont implacables. À l’instar de Paris, de New York, ou de Boston, Montréal envisage de prendre son eau à grande distance, dans la région des Laurentides, au nord de la ville. Mais elle y renonce, et comme Philadelphie, elle choisit de traiter l’eau captée à proximité. À la tête des opposants au projet d’aqueduc à longue distance, l’ingénieur Janin soulève deux arguments majeurs : les difficultés et les incertitudes liées aux travaux de génie civil et donc les coûts incertains de l’opération ; en contrepartie, la proximité du fleuve, qui permet un suivi régulier et en « temps réel » de toutes les opérations (rappelons qu’à l’époque les moyens de communication sont encore peu développés). Aussi, pour Janin, les incertitudes techniques de la confection d’une usine de traitement semblent moins nombreuses.

Où prendre l’eau ? La question des villes d’Amérique du Nord

24Les coups de bélier, les fuites, les bris, les baisses de pression, le gel, etc., voilà toute une série de problèmes liés à l’établissement d’un réseau de distribution d’eau. À Montréal, on a su remédier à ces difficultés à partir du milieu du XIXe siècle ; et l’eau courante à l’étage est assurée dès 1865. Après cette date, le prolongement du réseau de distribution suit la progression du cadre bâti et le travail d’entretien devient une opération familière, bien que jamais exempte de difficultés.

25En ce qui concerne le choix du lieu de captage de l’eau, de son transport jusqu’aux réservoirs de stockage avant distribution, la situation montréalaise au long du XIXe siècle ressemble à celle de Philadelphie, qui prend son eau en surface, juste en amont de la ville. À l’inverse, les dirigeants des villes de New York et de Boston font rapidement le choix d’aller prendre leur eau à des distances éloignées (surtout dans le contexte spatial de l’époque), hors des limites de leur ville.

26À Philadelphie, dès 1812, l’usine de Fairmount, avec son architecture de style antique (cf. Illustration 5), pompe l’eau de la rivière Schuylkill qui va se jeter dans le fleuve Delaware juste après avoir tangenté la ville à l’ouest. L’aqueduc Fairmount est construit entre les années 1819 et 1822. Ici, la distance entre les installations (les ateliers, la maison des pompes et des roues…) et le noyau urbain est d’à peine 10 kilomètres, ce qui est tout de même une distance notable vus les moyens de transport et les capacités techniques de l’époque : pour amener l’eau des installations à la ville, il fallait construire un tunnel et poser des conduites d’amenée. Et pour régulariser le débit et hausser les niveaux en amont des installations, on a construit un barrage sur la rivière. L’expérience de Philadelphie est un modèle pour tous les hydrauliciens du XIXe siècle et Fairmount demeure aujourd’hui un site historique inestimable. Pour ce qui est des grands travaux d’aménagement des cours d’eau, Philadelphie n’est pas en reste : en plus du barrage, est ouvert en 1827 sur la même rivière le Canal Schuylkill, qui s’étend sur une longueur de 174 kilomètres jusqu’à Port Carbon, proche de gisements de charbon réputés. À Philadelphie, la cohabitation entre diverses fonctions de l’eau est une réalité et les conflits d’usage peuvent être exacerbés une fois que l’équilibre est rompu (Hagner, 1869). D’ailleurs, des projets ultérieurs d’aqueduc à distance, visant à capter la Schuylkill plus en amont, n’ont pas abouti.

Illustration 5

Le Waterworks à Philadelphie, d’après d’Orbigny

Illustration 5

Le Waterworks à Philadelphie, d’après d’Orbigny

Le naturaliste et voyageur français Alcide d’Orbigny et son équipage, en Amérique dans les années 1830, parcourent le continent, de l’Argentine au Canada. Il réalisera plusieurs croquis des lieux qu’il considère riches d’enseignements pour ses contemporains, comme cette représentation des ouvrages d’approvisionnement en eau de Philadelphie.
Source : (d’Orbigny, 1836)

27À New York, on construit entre 1837 et 1842 l’aqueduc Croton (au nord de la ville), un imposant ouvrage de 66 kilomètres de long. Dès 1842, John B. Jervis, l’ingénieur en chef du projet, publie un court ouvrage descriptif de cette réalisation (Jervis, 1842). L’année suivante, Charles King du bureau du greffier de la cour du district sud de New York publie aussi un ouvrage, de facture davantage institutionnelle et officielle celui-là, dans lequel sont aussi décrites les célébrations d’inauguration de Croton et la situation de l’eau avant sa mise en service (King, 1843). En 1846, l’ingénieur Schrämke, qui a participé à la construction de Croton, publie à son tour un ouvrage descriptif, cette fois en trois langues, l’allemand et le français en plus de l’anglais (Schrämke, 1846). En cette époque d’effervescence technique et industrielle, l’information circule, bien que les transports soient encore relativement lents. Il est très probable que les hydrauliciens parisiens soient informés de ce grand ouvrage qui a déjà vingt ans au moment où Paris met en service l’aqueduc qui va de la Dhuys au réservoir de Ménilmontant.

28L’histoire de l’aqueduc Croton est complexe et le défi de sa construction est de taille compte tenu des moyens techniques de terrassement et de forage de l’époque. En fait, convaincre les New-Yorkais de la valeur du projet fut un autre défi (Blake, 1956). Mais sans diminuer le mérite des promoteurs de ces travaux gigantesques, il faut soulever le fait que les ingénieurs et constructeurs de New-York n’avançaient pas en terrain inconnu. En effet, bien que ce ne fût pas pour l’approvisionnement en eau, deux projets majeurs de contournement et de dérivation d’eau avaient été réalisés dès la décennie de 1820, pour la navigation : le canal Erie qui va d’ouest en est sur une distance de 450 kilomètres, de Buffalo (au bord du lac Erie) à Albany, la capitale de l’État de New York (située sur le fleuve Hudson en amont de la grande cité) ; et le canal Champlain, sur une distance de 100 kilomètres, qui va du lac Champlain (à la frontière du Québec) à Albany. D’Albany, les navires peuvent évidemment rejoindre la ville de New York par le fleuve Hudson.

29Boston, quant à elle, tire d’abord son eau du lac Cochituate, à une distance d’un peu plus de 27 kilomètres de la ville. Dans les années 1820 déjà, les débats sur la question de l’eau sont bien présents quoique sporadiques car davantage liés aux crises du moment (Blake, 1956, pp. 172-178). Au milieu des années 1830, le Conseil de ville recommande la construction d’un aqueduc et confie à l’ingénieur Laommi Baldwin la réalisation des premières études (Baldwin, 1834 ; Baldwin, 1835). Bien que minimes en comparaison de l’aqueduc Croton de New York, le canal d’amenée nécessite tout de même d’importants travaux entre les années 1845 et 1848. L’effort comprend également l’aménagement hydraulique du territoire puisque le lac Cochituate est créé artificiellement à partir d’un émissaire de la rivière Sudbury. Au tournant du XXe siècle, les Bostoniens ont décidé d’aller encore plus loin pour s’approvisionner en construisant le réservoir Wachusetts, à 56 kilomètres de la ville ; puis, dans les années 1930, le réservoir Quabbin à 105 kilomètres. À ce moment, l’aqueduc de Boston dépassait celui New York en longueur. Toutefois, depuis 1913, Los Angeles, sur la côte Pacifique, dépasse toutes les villes américaines, avec un titanesque aqueduc long de 375 kilomètres. Les installations de l’aqueduc Cochituate ont été abandonnées au tout début des années 1950.

30La situation de Montréal au XIXe siècle est originale, car elle a pour ainsi dire les pieds dans l’eau propre. Et pourtant, elle hésite plus d’une fois à se pencher pour la ramasser : sur un monticule entre le fleuve Saint-Laurent et la rivière Des Prairies, on peut certes ramasser l’eau mais encore faut-il l’élever à la hauteur des points les plus hauts de l’île. Et puis, si la qualité de cette eau se dégrade, que faire même si elle est à ses pieds ? Chaque fois que Montréal a été confrontée à des difficultés avec l’eau du fleuve, la même question revenait : remédier aux difficultés, où prendre l’eau ailleurs – et donc plus loin ?

31En 1801, au moment où est établi le service d’eau, les promoteurs du projet tournent le dos au Saint-Laurent, pourtant puissant et riche d’une eau encore saine, pour aller plutôt puiser l’eau dans une source située à environ 7 kilomètres, sur les flancs du mont Royal. On tente de contourner la difficulté d’élever l’eau par la solution, plus commode croit-on, de la faire s’écouler. Le lieu de captage choisi est surélevé d’environ 50 mètres au-dessus de la ville (cf. Illustration 6). Mais la tentative est un échec, les « coûts » de la distance sont trop élevés, le parcours de 7 kilomètres est énorme pour l’époque : méconnaissance de l’écoulement des fluides, fuites, conduites de bois de trop faible dimension, gel en hiver, manque d’eau dans la source. Au milieu de la décennie de 1810, on se résigne à élever l’eau du fleuve. Car enfin les moyens techniques sont disponibles à Montréal : une pompe à vapeur et des conduites de fonte sont importées de Glasgow en Écosse et un ingénieur de même qu’un plombier sont du voyage afin de mettre en place les équipements. Les coûts de revient resteront trop élevés et, de plus, la prise d’eau est mal située, tout juste devant la ville, là où l’eau est maintenant polluée par les rejets des citadins et par les activités portuaires qui s’y déploient.

Illustration 6

Plan de localisation de la prise d’eau au pied du mont Royal et de la conduite d’amenée projetée, 1799

Illustration 6

Plan de localisation de la prise d’eau au pied du mont Royal et de la conduite d’amenée projetée, 1799

Le caractère rudimentaire du plan réalisé par les actionnaires indique bien que l’opération de génie civil est loin d’être maîtrisée. Au bas du plan, en forme de courbe, le chemin de la Côte-des-Neiges qui mène à la ville. En ligne droite, descendant de gauche à droite en partant du bassin d’eau, la conduite d’amenée à construire, laquelle va rejoindre le chemin conduisant à Montréal.
Source : Bibliothèque et archives nationales du Québec, Greffe du notaire Louis Chaboillez, 1787-1813 CN601, S74. Ce plan a été retracé grâce aux recherches de madame Josette Michaud, architecte, qui en a ensuite généreusement donné copie à l’auteur

32En 1845, lorsque la municipalité prend possession du service, ses dirigeants tentent, vaille que vaille, d’améliorer le système mais la réalité les rattrape : il faut revoir le système en entier. L’ingénieur Thomas C. Keefer dépose un premier rapport de faisabilité en 1852 (Keefer, 1854), puis est chargé de la réalisation des plans et du projet, lequel est en fonction en 1856 [8]. La prise d’eau est déplacée en amont de la ville, devant les rapides de Lachine, et l’aqueduc fait un peu moins de 7 kilomètres de long. L’eau est élevée à 12 mètres de haut à l’aide de roues hydrauliques qui actionnent six pompes. Ainsi, pas la peine d’aller plus loin pour prendre une eau qu’on considère de bonne qualité et que l’on peut élever à moindre coût grâce à l’utilisation de la force hydraulique [9]. La proposition de Keefer s’avère malheureusement inefficace : trop de pannes pénalisent le système, les glaces en hiver posent problème, la force motrice est inégale, le refoulement des eaux obstrue les roues… Dès les années 1860, il faut revoir les façons de faire. Au tournant de la décennie de 1870 sont notamment mis à contribution les ingénieurs américains James B. Francis de Lowell et Walter Shanly, ainsi que W. J. McAlpine d’Albany, collaborateur de l’ingénieur J. B. Jervis (le concepteur de Croton), E. S. Chesbrough de Chicago et le consultant Samuel Risley, qui se rend à Hamilton au Canada et à Chicago, Détroit et Buffalo aux États-Unis pour étudier le fonctionnement des machines à vapeur qu’on y trouve [10]. Keefer, ardent défenseur de l’utilisation de la force hydraulique (Ross, 2003) doit se faire une raison, les pompes à vapeur sont introduites. Les réticences à l’emploi de la vapeur étaient de deux ordres : il fallait importer le charbon et donc être tributaire des marchés étrangers ; et les coûts économiques associés à son utilisation étaient élevés. À l’époque, on évaluait le million de gallons pompés à 3$ par la force hydraulique et à 20$ par la force actionnée par le charbon. Pour contourner le problème est alors proposé au début des années 1870 d’aller puiser l’eau dans la région des Laurentides, aux environs de Saint-Jérôme, au nord de Montréal, à une distance comprise entre 50 et 100 kilomètres. L’idée est évidemment rejetée comme en témoigne l’achat des pompes. En fait, on arrive en 1872 à la conclusion que la distance serait plus onéreuse et les difficultés techniques plus élevées que ce qu’impose l’emploi de pompes à vapeur.

33

“Last year, a deputation was sent to St. Jerome and the Surrounding territory, to gather more precise information as regards the expediency of obtaining a supply by gravitation from the back rivers and lakes, and the result was, that, although there is in that region an abundant and everlasting supply of water to be had, yet the cost to bring it to the city would be so enormous, and the difficulties which our severe climate in winter offer so great, that the project was not entertained” [11].

34Toujours en 1872, une étude sur la qualité de l’eau est commandée à J. Baker Edwards, professeur de chimie au Collège Bishop de Montréal. En cette période pré-pastorienne, le professeur soutient qu’on détient à Montréal « le plus bel approvisionnement du monde » [12]. En fait, l’évaluation change rapidement, dès les découvertes de Pasteur sur les bactéries au tournant de la décennie de 1880. C’est cette question de la qualité de l’eau qui amènera de nouveau les Montréalais à envisager de prendre leur eau loin de Montréal plutôt que dans le fleuve : traiter l’eau du fleuve qu’on sait maintenant chargée de bactéries (dont plusieurs sont mortelles pour les enfants en bas âge) ou bien procéder à un projet de transfert d’eau sur de longues distances. C’est l’ingénieur Janin qui mène le débat et emporte la décision : construire une usine de traitement de l’eau potable sur le site actuel de l’aqueduc plutôt que de se rendre dans les Laurentides et procéder à l’excavation d’un vaste canal d’amenée. Dans une conférence tenue devant une association de propriétaires montréalais en 1909, il déclare : « j’ai aussi réduit à l’état de légende le dispendieux projet d’amener l’eau des Laurentides » (Janin, 1909).

35Il a tout de même fallu plus de vingt ans pour rendre le choix du traitement irréversible, entre les premières études bactériologiques sur l’eau de Montréal et la construction de l’usine de traitement qu’on appellera Atwater (voir : Dagenais, Poitras, 2007 ; Gagnon, 1998) (cf. Illustration 7). Au début des années 1890, les études sur la qualité de l’eau sont dévoilées. Quinze ans plus tard, entre 1904 et 1906, Janin présente son projet et les plans aux dirigeants municipaux. Entre 1907 et 1910, les évaluations de firmes externes corroborent les plans de Janin et le montage financier est réalisé. Les travaux d’agrandissement de l’aqueduc débutent en 1909 et la construction de la nouvelle usine démarre en 1911. En 1918, la nouvelle usine est mise en service.

Illustration 7

Pavillon principal de l’usine de traitement de l’eau potable Atwater

Illustration 7

Pavillon principal de l’usine de traitement de l’eau potable Atwater

La construction de l’usine Atwater nécessite des efforts considérables et ses concepteurs, dont Georges Janin, comptent bien donner à ses bâtiments une signature architecturale digne de mention.
Source : Ville de Montréal – Gestion de documents et archives, Photographies anciennes, Série Z, VM94-Z58-1, [193-]

Conclusion

36L’histoire de l’hydraulique urbaine montréalaise est plurielle, faite de contraintes et d’opportunités, pour certaines uniques à Montréal, et pour d’autres, communes à toutes les villes du monde occidental. À n’en pas douter, le XIXe siècle est formidable pour les penseurs et concepteurs des réseaux techniques des villes : les défis sont de taille et l’effervescence liée à la recherche de succès est palpable. Dans un univers technique comme celui de l’hydraulique urbaine du XIXe siècle, l’expérience empirique joue un rôle important, les concepteurs étant à la recherche d’un « modèle » à suivre ou à créer ; ou plutôt, d’un modèle à recréer partiellement. À la fois tournée vers les États-Unis au sud puis vers la Grande-Bretagne et la France de l’autre côté de l’Atlantique, Montréal a recréé son propre modèle d’hydraulique urbaine. Janin a fait le choix de traiter l’eau du Saint-Laurent au moment où Paris annonçait enfin avoir complété son système d’approvisionnement à partir de l’usine de filtration lente d’Ivry (1902). Aujourd’hui, Montréal est restée fidèle à la qualité de son fleuve, mais l’île est desservie par six usines d’eau différentes. Janin n’a pas réussi à convaincre la Ville d’adopter le principe des égouts visitables comme à Paris, mais il a stoppé les rejets directs dans le Saint-Laurent, et fait adopter les champs d’épandage, à une époque où les usines d’épuration des eaux usées étaient encore rares.

37Sur le plan économique et financier, Montréal suit le même chemin que les trois villes américaines de la côte Est, ici présentées plus succinctement, ainsi que les villes anglaises : même si ce sont des entrepreneurs privés qui ont installé les premières conduites, le véritable développement du service intervient après sa prise en charge publique. Et, en règle générale, c’est la mise en place de rates c’est-à-dire d’un financement par l’impôt local, qui permet d’assurer le financement initial. Entre cette obligation de payer pour le raccordement un peu à l’avance et les emprunts obligataires, on arrive à créer un service public local sans trop dépendre de niveaux de gouvernement supérieurs, notamment des États. Ces derniers, dans la deuxième moitié du XIXe siècle et au début du XXe, n’apportent pas d’aide financière aux autorités locales. Enfin, dans toutes ces villes, le financement par les rates se maintient jusqu’à la fin du XXe siècle, et toutes ces villes n’adoptent (éventuellement) les compteurs d’eau que bien plus tard par rapport au continent européen.

38À l’instar des villes d’Europe et d’Amérique du Nord, Montréal participe donc à cette diversité des institutions mises en place pour répondre aux situations (locales, régionales ou nationales) particulières de l’eau (Barraqué, 1995). Toutefois, comme les autres villes, Montréal y participe avec une parenté certaine, une dose de mimétisme, une part d’emprunts et d’influence extérieure. À Montréal, les qualités géophysiques de son site (l’abondance de l’eau et la géographie insulaire notamment) sont déterminantes mais la « lecture » qu’en font au fil du temps les dirigeants municipaux n’est pas déterminée ou prédéterminée. Il reste que les individus en place adoptent des solutions qui ressemblaient à leur compréhension des problèmes de l’eau, aux solutions techniques qu’ils croient pouvoir détenir et à leurs convictions politiques et idéologiques. La lecture des quelques cas américains que nous avons observés avec celui de Montréal permet de constater qu’il n’y a pas une solution unique à la question de l’eau, bien que le parcours emprunté par chaque ville soit à plusieurs égards partagés par d’autres.

Notes

  • [1]
    Cet article est une version remaniée et augmentée d’un texte publié sous le titre « L’hydraulique urbaine à Montréal au XIXe siècle. Au miroir de l’Europe et des États-Unis » (Fougères, 2013).
  • [2]
    Ailleurs au Canada, il faut noter que les services d’eau des villes de Québec et de Toronto sont encore pour l’essentiel à la remorque de ce qui se fait à Montréal.
  • [3]
    Sur le réseau hydrique montréalais, voir notamment : Dagenais, 2011.
  • [4]
    Sur l’histoire des réseaux d’égouts aux États-Unis, voir l’ouvrage incontournable : Melosi, 2000
  • [5]
    À Philadelphie, pas d’aqueduc lointain : c’est le captage local qui sera protégé par l’établissement d’un grand parc le long de la rivière.
  • [6]
    Cela en attendant la construction de la station d’épuration Jean-R.-Marcotte, érigée à la pointe aval de l’île et dont l’établissement du système en entier s’est échelonné sur plus de vingt ans, entre les années 1970 et 1990.
  • [7]
    Ville de Montréal – Gestion de documents et archives, Fonds du Conseil de ville : « Georges Janin, A M. le président et MM. Les membre du Bureau des Commissaires et MM. Les membres du Conseil de ville », le 3 octobre 1903.
  • [8]
    En septembre 1855, un rapport commandé par les autorités municipales confirme la réalisation et la conformité des plans de l’aqueduc. Ville de Montréal – Gestion de documents et archives, Fonds du conseil de ville, ADM 3-14-1, « Rapport des commissaires », le 6 septembre 1855.
  • [9]
    À Paris également, on utilisait des pompes Bélier, capables de monter l’eau au-dessus des maisons grâce à la force du courant de la Seine… quand il y avait du courant !
  • [10]
    Ville de Montréal – Gestion de documents et archives, Rapports annuels du Surintendant de l’aqueduc de Montréal, (1870-1880).
  • [11]
    Annual Report of the Superintendent of the Montreal Water Works for the Year Ending 31st January 1873, Montréal, Louis Perrault & Co., 1874, p. 11.
  • [12]
    « Rapport analytique de l’approvisionnement d’eau par le Dr. J. Baker Edwards, du Bishop’s College, Montréal », in : Rapport annuel de surintendant de l’aqueduc de Montréal pour l’année finissant le 31 janvier 1873, Montréal, J. Starke & Cie., 1873, p. 8.
Français

Malgré sa taille modeste au XIXe siècle, la ville de Montréal a été choisie par les ingénieurs pour expérimenter un système d’approvisionnement en eau, autorisé par la Couronne britannique dès 1798. À l’époque toutefois, des difficultés liées à l’étanchéité des conduites, à la qualité de l’eau des rivières, aux quantités insuffisantes d’eau de source apportées par le mont Royal et à l’absence de solution appropriée pour l’élimination des déchets solides, laissent le système inaccessible aux populations. Au milieu du siècle, la ville rachète la Montreal Waterworks et, ayant obtenu de la Couronne l’autorisation de financer les coûts du réseau par le biais d’impôts locaux, elle parvient à généraliser le service.
Sur le plan technique, l’histoire de Montréal est à la fois spécifique au site lui-même et comparable à celle de l’ensemble des grandes villes de l’époque. Tandis que New York et Boston choisissent d’acheminer l’eau par le biais de sources de plus en plus éloignées, construisant de grands réservoirs et aqueducs, Philadelphie et Montréal choisissent au contraire de tirer partie des eaux de surface de proximité. Les premières influences sont venues d’Angleterre (en particulier avec l’introduction précoce des machines à vapeur) et d’ingénieurs américains, jusqu’à ce que la ville recrute, en 1892, un ingénieur français issu du Corps des Ponts et Chaussées : George Janin.
Celui-ci avait connaissance des aqueducs de longue distance déjà adoptés à Paris, mais choisit plutôt de traiter l’eau du Saint-Laurent et, bien qu’il échouât à convaincre la ville de construire les fameux égouts ovoïdes à l’intérieur desquels il était possible de se déplacer, il réussit à mettre en œuvre un réseau d’eaux usées et leur traitement par épandage, à une époque où le traitement par les sols restait rare.
À la différence des villes européennes et d’Amérique du Nord, Montréal est en conséquence impliquée dans une diversité d’institutions mises en place en réponse à des problématiques (locales, régionales ou nationales) spécifiques au domaine de l’eau. De l’observation du cas de Montréal et des villes de la côte Est, il ressort qu’il n’existe pas de solution unique à la question de l’eau, ce même si l’approche adoptée par chacune des villes étudiées est à bien des égards partagée par les autres.

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Dany Fougères
Dany Fougères est professeur au Département d’histoire de l’Université du Québec à Montréal
Mis en ligne sur Cairn.info le 02/03/2015
https://doi.org/10.3917/flux.097.0088
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