CAIRN.INFO : Matières à réflexion
La revue Flux livre ici un deuxième numéro consacré aux enjeux socio-territoriaux de l’énergie. Après le dossier coordonné par Sylvy Jaglin et Éric Verdeil sur les enjeux urbains de l’énergie dans les métropoles des pays émergents (Flux 93-94, Juillet-Décembre 2013), Hélène Subrémon aborde les questions des usages de l’énergie dans l’habitat.

1Débats politiques et rencontres scientifiques abondent sur le changement des modèles énergétiques des sociétés occidentales pour atteindre les objectifs de diminution des émissions de gaz à effet de serre, d’assurer un accès équitable à l’énergie et de promouvoir une plus grande sobriété des modes de vie. Si, à l’échelle européenne, les objectifs sont connus et globalement partagés, le cœur des négociations porte sur les moyens d’y parvenir et sur la répartition des efforts à engager ; si bien que les sciences sociales sont particulièrement sollicitées et en charge d’apporter des connaissances opératoires sur les modes de consommation d’énergie, la réception des politiques publiques par les ménages, et la capacité des usages quotidiens à se réformer et à se conformer aux exigences des normes environnementales nouvelles.

2Hormis les transports, c’est dans la consommation d’énergie du secteur résidentiel que se trouvent les plus grands gisements d’économie. Pour la France [1], le secteur résidentiel consomme près de 44% de l’énergie (MEDDE, 2013). Le gisement d’économie est discuté, mais il serait compris selon les calculs des experts entre 80 et 50% (Laurent, 2014) : il s’agit donc de considérer le poids des consommations résidentielles par rapport à l’ensemble des consommations, mais également les marges d’économies réalisables [2]. La consommation d’énergie des ménages porte ainsi un enjeu majeur de diminution par quatre des émissions de gaz à effet de serre (c’est, pour le moins, la réponse de la Communauté européenne aux rapports du GIEC). C’est aussi un garant de l’appropriation des bâtiments basse consommation et des objets technologiques innovants (au premier rang desquels les compteurs intelligents) censés produire les conditions favorables d’une baisse notable de la consommation et accompagner le changement des modes de vie. Cependant, ces initiatives publiques et industrielles semblent toujours, nous disent-elles, se heurter au social, aux usages et à leur inertie, à leurs effets rebonds ou à leur résistance.

3En réponse à ces pressions, les politiques énergétiques nationales s’appuient sur des mesures à l’adresse des ménages. Hormis quelques ajustements locaux, ce sont des dispositifs comparables qui sont mis en place. La mise sous tension des enjeux environnementaux et sociaux ne se manifeste explicitement que par :

  • un processus de gouvernement des usages : discours moraux, injonctions normatives, éducation à l’environnement qui adressent les impératifs de protection environnementale,
  • et des dispositifs économiques et techniques : tarifs sociaux de l’énergie, aides au paiement des factures, accompagnements des ménages, encouragements à davantage d’efficacité énergétique des bâtiments et des équipements, chargés de construire la sobriété énergétique.

4Mais on mesure mal aujourd’hui les effets concrets de la pluralité des dispositifs techniques et financiers mis en œuvre. Or, l’étude des usages de l’énergie dans le résidentiel permet justement d’y accéder et d’identifier à la fois les conditions des changements engagés et leurs limites.

Logiques d’usages, normalisations et processus de changement : les sociologies des usages de l’énergie

5Ce dossier, dédié aux usages de l’énergie dans l’habitat, publie une partie des interventions d’un colloque européen organisé en janvier 2012 à l’École des Ponts ParisTech. L’intention de ce colloque était d’explorer d’autres modes d’interprétations de ces usages que celles proposées par des approches dominantes – économiques notamment – et de mettre en avant les apports des travaux sociologiques. Ceux-ci s’organisent autour de trois corpus principaux (Subrémon, 2011).

6Le premier est consacré à la grande diversité des pratiques liées à la consommation d’énergie et à la nécessaire articulation des méthodes pour l’examiner. Cette large dispersion des dépenses d’énergie est abondamment documentée, sans pour autant mettre à jour clairement la part comportementale dans le volume des consommations ni la distinguer d’autres variables, notamment techniques (Wall, Crosbie, 2009). Ainsi, le contenu explicatif de ces pratiques sociales s’obtient davantage par l’emploi d’indicateurs plus qualitatifs comme les cycles de vie, la distinction sociale, les pratiques de consommation, la diversité culturelle … (Desjeux et alii, 1996 ; Bovay et alii, 1987 ; Subrémon, 2009 ; Wilhite et alii, 1996).

7Un second ensemble porte sur un processus puissant d’homogénéisation et d’uniformisation des pratiques que les usages de l’énergie contribuent à reproduire. Ce processus est le résultat d’une normalisation en cours initiée par des systèmes techniques dessinés à partir de calculs prévisionnels et d’une modélisation des usages qui n’intègre pas leur appropriation et le contournement dans ses prévisions. Lutzenhiser en 1992 observait, à ce titre, que “Combining detailed consumption data with behavioral data gathered through interviews, diaries, and observation has shown that, while the magnitude of total household energy use fluctuates during the day, both underlying behavior and end-use consumption are actually highly patterned” (p. 265). Nous nous appuyons également sur les travaux de Shove (2003) qui aborde les pratiques sociales dans une approche systémique et sociotechnique visant à interroger les dynamiques propres au changement social plutôt que la capacité de l’agent à se conformer. Cette uniformisation se manifeste par une convergence des normes de confort et un déplacement des valeurs de productivité et d’efficacité du monde industriel à la sphère domestique ; valeurs qui deviennent, de ce fait, des indicateurs de bonne gestion domestique : rapidité, modernité des équipements, rationalisation des tâches, etc. (Dard, 1986 ; Ackerman, 2002 ; Seze, 1994).

8Enfin, un troisième ensemble réinterroge la formulation du « changement de comportements » qui viserait à répondre favorablement aux exigences environnementales. Ce diagnostic de la nécessité de devoir changer les « comportements » n’est pas unanimement partagé ou tout au moins, est-il largement nuancé par d’autres pensées du changement social. Les recherches s’organisent autour de trois axes : la compréhension des facteurs de l’inertie, les modalités des pratiques résistantes, l’identification de dynamiques de transformation (Zelem, 2010 ; Giedon, réed. 1983 ; Shove, 2003).

À quels changements assistons-nous ?

9Comprendre les dynamiques du changement des modes de vie et ses freins apparaît comme une question transversale aux articles réunis ici. Les discours politiques et techniques semblent indiquer que le changement est inéluctable pour diminuer notre empreinte écologique. Mais comment les changements s’opèrent-ils ? Quelles leçons tirer des expériences innovantes ? Comment s’appuyer sur les usages pour qu’elles soient un levier vers une plus grande sobriété énergétique ?

10La réponse privilégiée ici s’inscrit dans l’analyse de Shove (2010) pour expliquer le décalage apparent entre les incitations des politiques publiques et le manque de relais à l’échelle des usages : le changement attendu par les politiques publiques ne survient pas, selon l’auteure, parce que celui-ci surdétermine l’action individuelle. En d’autres termes, en n’observant que les « gestes » ou les « comportements » – ce dernier terme est réfuté par l’auteur (Bourdieu, 1980) – les politiques publiques ne perçoivent qu’une interaction simple entre des représentations personnelles et un contexte technique, là où les interactions sont en réalité complexes et intimement déterminées par des systèmes sociotechniques et des maillages d’infrastructures. L’intervention publique, toujours selon Shove, cherche à modifier les actions individuelles par la rationalité et la persuasion, ce qui conduit, en soi, à limiter l’efficacité de son action : “It is so in that it lies behind strategies of intervention (persuasion, pricing, advice) which presume that environmental damage is a consequence of individual action and that given better information or more appropriate incentives damaging individuals could choose to act more responsibly and could choose to adopt ‘pro-environmental behaviors’.” (p. 1275).

11Shove rejette donc cette approche elliptique qui réduit l’enjeu du changement à celui du « changement de comportement ». Selon l’auteure, le changement doit être envisagé dans le cadre d’une refonte du système sociotechnique énergétique (c’est-à-dire qui prend en compte la distribution des capacités d’action des agents, des infrastructures, des décisions politiques plutôt que de centrer la réflexion exclusivement sur l’individu) dans lequel les pratiques sociales sont une des composantes.

12Cette voie esquissée par Shove trouve une pluralité de prolongements pratiques et théoriques dans ce dossier de la revue Flux.

13L’article de Anne Dujin et Bruno Maresca propose, en prenant des arguments comparables, d’élargir l’enjeu du changement en soulignant que la transition ne peut pas reposer sur la seule dimension du comportement de l’usager ou du consommateur sans prendre en considération le cadre matériel et normatif qui impacte et détermine ses actions. Poursuivre dans ce sens reviendrait, pour les auteurs, à faire peser sur des choix individuels, et donc une responsabilité individuelle, l’enjeu de modification d’un système dans son entier. Construit théoriquement et appuyé par des cas empiriques principalement issus de recherches menées au sein du CREDOC, l’article précise que les leviers de l’action publique ne peuvent être véritablement efficaces que s’ils s’attellent à envisager frontalement le « système sociotechnique » des modes de vie, c’est-à-dire l’imbrication complexe de leurs dimensions structurelles (habitation, ancienneté du logement, dispositifs de chauffe) et de dimensions plus proprement socioculturelles (composition du foyer, définition du confort, système de valeurs).

14Harold Wilhite rappelle, dans son article, que son approche est empreinte de la théorie de la pratique et d’un héritage plus culturaliste, ce qui lui a permis, dans de précédents travaux, de souligner les grands déterminants socioculturels qui expliquent comment se forgent les habitudes et les routines et comment expliquer leurs variétés. En prolongement, l’auteur ouvre une piste nouvelle qui sollicite la théorie de l’apprentissage social. Ainsi, l’apprentissage par les pairs laisse présager des traductions transposables pour les politiques publiques, notamment grâce aux perspectives offertes par les réflexions en cours sur l’économie collaborative et participative. Le changement, nous dit-il, survient aussi par souci de conformité à une norme sociale jugée légitime, initiée ou transmise par son réseau social, amical ou familial. Rappelons toutefois que des tentatives d’incitations normatives appelées « nudges verts » ont été expérimentées et qu’elles doivent appeler à la vigilance et à la prudence. Le souhait de susciter la conformité sociale pour inciter au changement doit nous interroger sur la teneur de ce type d’action publique et le projet de société que ces dispositifs sous-entendent.

15Gaëtan Brisepierre cherche à comprendre les leviers incitant à la massification de la rénovation énergétique en copropriété. L’auteur s’est intéressé à ce qui a permis à certaines copropriétés encore très avant-gardistes de s’engager dans de tels travaux, c’est-à-dire aux moteurs d’une telle transformation. Ainsi, il identifie le nouveau jeu d’acteurs, plus diffus, moins identifiable et qui « renverse les rapports de pouvoir établi ». Celui-ci se construit en parallèle du jeu d’acteurs classiques entre les copropriétaires d’un côté et le syndic de l’autre, non sans conséquence sur l’organisation interne de la copropriété. C’est en entrant dans le détail des modalités de la rénovation que l’auteur dissèque les conditions essentielles pour constituer les circonstances favorables, et en particulier celle de l’identification d’un leader énergétique : personnalité singulière, porteuse du projet au sein de cette communauté constituée. L’article laisse présager l’utilité impérieuse de dispositifs publics dédiés et d’offres commerciales spécifiques et idoines à destination des copropriétés.

16L’article de Jean-Pierre Lévy, Nadine Roudil, Amélie Flamand et Fateh Belaïd est issu d’un large projet de recherche qui a combiné deux volets. Le premier, socio-économique, repose sur un traitement méticuleux de l’Enquête Nationale Logement de l’INSEE et de la constitution d’une enquête statistique spécifique. Ce volet a cherché à « poser les principes de la modélisation de l’intensité de la consommation énergétique des individus et des ménages ». Le second, socio-ethnographique, s’appuie sur une enquête qualitative auprès d’un échantillon restreint de ménages (issu de l’enquête statistique). Il a « consisté à analyser finement les pratiques domestiques afin de faire émerger des figures de consommateurs d’énergie ». Les résultats du projet constituent une base solide qui vise à la fois à caractériser le poids des usages dans la consommation d’énergie des ménages et à identifier la variété des représentations en jeu explicatives des logiques d’usages.

17Enfin, un entretien a été réalisé avec Pierre Ducret, PDG de la CDC Climat. Filiale du Groupe Caisse des Dépôts, la CDC Climat est en charge de proposer des outils aux décideurs publics pour favoriser l’investissement dans l’économie verte et la rénovation énergétique. La CDC Climat a plus récemment eu la charge de la production d’un rapport sur les financements possibles de la rénovation thermique des logements privés. Le rapport rendu au gouvernement a identifié deux leviers : le signal prix et le signal norme (au sens norme technique), tout en facilitant le crédit de la rénovation thermique pour les propriétaires privés, même les plus modestes ; ce qui reporte au second plan les aspects sociologiques de ces prises de décisions. Pierre Ducret ouvre, toutefois, deux pistes :

  • l’aménagement énergétique qui, par transfert de compétences, territorialiserait, c’est-à-dire, ferait s’imbriquer les enjeux de développement territorial avec ceux de l’efficacité et de la sobriété énergétiques,
  • et les nouvelles technologies dans les logements neufs et la rénovation chargées d’accompagner et soutenir les efforts d’économies des ménages.

Une polarisation en perspective ?

18Une sociologie de l’énergie cherche à répondre à une demande sociale qui grandit sous influence de sa mise sur agenda politique. À mesure que la communauté scientifique (française et européenne) s’empare de ces enjeux, l’on voit se polariser les contributions autour de deux thématiques principales qui pourraient bien occuper une large part des prochaines investigations : d’une part l’enjeu de la conception de nouvelles technologies qui contribueraient à la baisse de la consommation d’énergie et, d’autre part les précarités énergétiques ou comment garantir un accès durable à des énergies à des prix et dans des conditions acceptables sans accroître les inégalités sociales. Ces deux enjeux qui ne sont pas traités frontalement dans ce dossier mériteraient de plus amples développements.

Les technologies de la sobriété

19En termes de volumes de consommation d’énergie, la part des NTIC ne cesse de croître. La diffusion des micro-ordinateurs, de la téléphonie mobile et plus récemment la convergence des supports donnent lieu, d’une part, à une prolifération d’appareils « nouveaux » qui consomment de l’électricité et, d’autre part, à l’individualisation des usages de ces appareils. Ces deux processus vont de pair et se renforcent l’un l’autre, de sorte que la consommation d’énergie spécifique des ménages poursuit son ascension. Face à la diffusion continue de ces nouvelles technologies plusieurs questions se posent :

  • comment s’appuyer sur ces usages quotidiens pour concevoir des objets technologiques qui participeraient à économiser l’énergie : objets communicants, compteurs intelligents, domotique, etc. Quels rôles donner à ces objets ? Comment penser leurs interfaces ?
  • quel sera l’impact de ces technologies sur les usages ? Quelles seront les transformations à venir ? Modifieront-elles la relation offre / demande, fourniture / distribution / consommation ?

20Dans cette perspective, l’introduction de compteurs intelligents dans les logements est très observée, partout en Europe, et soulève des questions de droits (sur les données personnelles) et de choix (d’installation). Darby, chercheure à l’Université d’Oxford, a investi ces questions depuis longtemps. Elle a réuni, au sein d’une revue de la littérature scientifique, datant de 2006, des matériaux qui indiquent que l’information émise par ces dispositifs permet bien de réguler la consommation d’énergie (Darby, 2006). Adoptant une position plutôt favorable à ce type d’installation, elle détaille et émet toutefois quelques réserves : l’information en direct ne suffit pas ; celle-ci doit s’inscrire dans un contexte de synergies avec d’autres informations (notamment la lisibilité de la facture). Shove, quant à elle, émet en revanche de fortes critiques dans la conception des compteurs intelligents tels qu’ils sont pensés aujourd’hui. Dans un article de vulgarisation (Royston, Shove, 2014), elle explique pourquoi les données du problème sont mal exposées : « This vision is based on a simple and implausible equation : if people know about energy, they will use less of it. The problem is that people are never just using energy. They are cooking dinner or washing clothes, consuming energy as they go. They might be reading or chatting in a room that is well lit and warm, and that calls for energy consumption in the background. ». L’auteure attire l’attention sur le fait que l’enjeu ne serait pas tant de savoir combien nous consommons, mais comment nous consommons. L’objectif est plutôt de comprendre ce que nous faisons quand nous allumons le chauffage, plutôt que de savoir combien de kilowatts cela représente.

21Pour l’heure, l’intermédiation des objets communicants a davantage été pensée pour remplir l’objectif de baisse de la consommation d’énergie que comme un objet susceptible de faire changer la posture de l’usager (consommateur mais aussi acteur, interlocuteur, gestionnaire, etc.). Or, il y aurait matière à penser la « relation » nouvelle que créeraient les compteurs intelligents entre l’opérateur et l’usager à travers le contenu même des informations échangées et à penser la montée en compétence des usages déjà en marche.

Les contours de la précarité énergétique

22L’émergence des travaux sur la consommation des ménages et des usages quotidiens se construit en parallèle d’un autre constat concomitant, celui de grandes disparités en matière de dépenses énergétiques parmi la population : la dépense en énergie est, en effet, un indicateur essentiel des inégalités sociales (pour la France : ADEME, 2008). Les précaires énergétiques approchés comme une catégorie spécifique de la population font l’objet d’investigations particulières. La hausse des prix des énergies fossiles et les contextes économiques et sociaux tendus expliquent que l’énergie soit un indicateur d’inégalités croissantes.

23L’enjeu politique et de société est clair : il faut diminuer les consommations d’énergie des ménages à l’aide de dispositifs dédiés, tout en minimisant les impacts sur les ménages modestes et les précaires énergétiques. Il se situe donc à la croisée de préoccupations environnementales et sociales.

24La précarité énergétique a depuis longtemps fait l’objet d’une littérature scientifique à part, tant les problématiques soulevées et les populations concernées semblaient spécifiques. Il est à relever que la première définition de « précarité énergétique » est d’abord anglo-saxonne. Elle se diffusera dans la recherche et sera reprise, à un niveau international, sur les agendas politiques avec des formulations quelque peu différentes, mais qui recouvrent les mêmes populations pauvres (Boardman, 1991). Il existe donc au Royaume-Uni, depuis plus de vingt ans, une littérature étendue en sciences sociales qui s’attelle à préciser les populations concernées et à analyser les outils politiques déployés (cf. le numéro consacré à la précarité énergétique Energy Policy, 2012/vol. 49). Toutefois, les contours de la catégorie « précaires énergétiques » sont régulièrement réinterrogés : concerne-t-elle ceux qui n’ont pas les moyens de bien se chauffer ou ceux qui encourent des risques sanitaires en cas d’hivers rigoureux ou de canicules ?

25Les divergences qui s’expriment sont en tout cas la preuve que cette catégorie n’est pas stabilisée et qu’elle est sous influence des conjonctures économiques et sociales et de la radicalisation des problèmes sanitaires et sociaux en jeu.

26En conclusion, les connaissances sur les usages existent mais la recherche doit poursuivre ses investigations tant le rythme des évolutions sociotechniques s’intensifie ces dernières années. L’analyse sociologique croise de plus en plus les thématiques : usages, objets technologiques, habitat et espaces urbains. En toile de fond, les usages dialoguent avec les dynamiques socioéconomiques qui traversent les sociétés occidentales en interrogeant sur leurs propres durabilités.

27Néanmoins, il reste un chantier important, celui de mettre en place de véritables ponts et de construire des lieux d’échanges de connaissances. Les acteurs économiques sont nombreux à se positionner sur le marché de la rénovation et de la numérisation. La recherche en sciences humaines démontre de plus en plus l’opérabilité de ses analyses. Cependant l’articulation performative de leurs questionnements reste encore à inventer.

Notes

  • [1]
    Les autres pays européens, en particulier l’Allemagne et le Royaume-Uni, mettent en place des dispositifs similaires pour accéder à ces gisements.
  • [2]
    L’auteur fait notamment la distinction entre les calculs théoriques des gisements et les calculs réalistes qui prennent en compte les usages domestiques (Laurent, 2014).

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Hélène Subrémon
Hélène Subrémon est docteure en sociologie, chercheure au Laboratoire Techniques, Territoires et Sociétés (LATTS, UMR CNRS 8134, Université Paris-Est). Ses travaux portent sur les usages à partir d’une lecture socio-anthropologique de la consommation d’énergie des ménages, des manières d’habiter au regard de l’énergie et de la réception des politiques publiques de l’énergie. Ses terrains les plus récents concernent les petites classes moyennes en Europe et en Afrique du Sud, la précarité énergétique et l’appropriation de bâtiments tertiaires innovants. Elle enseigne également à l’Université Paris-Est et à l’École des Ponts ParisTech et est sollicitée régulièrement pour son expertise au sein de conseils scientifiques et de rencontres professionnelles.
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 12/09/2014
https://doi.org/10.3917/flux.096.0004
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