CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1L’un des principes-guides de la politique publique française de préservation de l’environnement réside dans le principe du pollueur-payeur, selon lequel « les frais résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par le pollueur » [1]. Parmi d’autres secteurs, le service public de gestion des déchets ménagers est une composante importante de cette politique publique. Comment décliner le principe du pollueur-payeur à son égard ?

2Les modes de financement du service public peuvent avoir un impact sur le comportement des producteurs, des distributeurs et des consommateurs, à travers des incitations aux comportements vertueux. Dans les faits, de nombreux outils ont été mis en place au niveau des entreprises productrices et distributrices, mais peu de choses concernent les ménages usagers du service public. Bien qu’un mode de financement incitatif existe, les collectivités locales y ont peu recours.

3Ce mode de financement, appelé redevance, fait toutefois l’objet d’un regain d’intérêt depuis quelques années. L’analyse de certains retours d’expérience a confirmé sa pertinence, largement rappelée dans le cadre du Grenelle de l’environnement, à tel point qu’il pourrait constituer l’un des enjeux de la nouvelle mandature municipale. Le basculement du modèle financier ferait ainsi passer le service public de gestion des déchets d’une logique fiscale à une logique économique dont nous proposons d’étudier les enjeux.

4Après un rappel du dispositif français de redevance, nous analyserons l’impact de ce basculement sur le comportement des usagers, sur l’organisation technique du service ainsi que sur son économie générale à partir d’une recherche portant sur une dizaine de collectivités locales ayant opté pour la tarification incitative (MEDD, 2005).

Présentation de la redevance

Naissance de la redevance

5En France, la plupart des services publics de gestion des déchets sont à caractère administratif et se financent donc par l’impôt. C’est en 1926 que la nécessité de dégager de nouvelles ressources a conduit le législateur à autoriser les communes à prélever une taxe spécifique, la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM), assise sur le foncier bâti. Bien que son instauration soit facultative, la TEOM est rapidement devenue la ressource principale des services.

6Avec la montée des préoccupations environnementales dans les années 1950 et 1960 s’est propagée une organisation alternative des services publics, en tant que services publics à caractère industriel et commercial (SPIC) : ils permettent de faire peser la charge du service sur les redevables (et non plus sur les contribuables) en individualisant le prix payé sur la base du service effectivement rendu [2]. D’abord utilisé pour les services de transport urbain puis pour ceux d’eau et d’assainissement, le statut de SPIC n’est apparu que progressivement dans le service public de gestion des déchets. Dans un premier temps, le législateur a autorisé par la loi de finances pour 1974 la coexistence d’un service public administratif et d’une redevance d’enlèvement des ordures ménagères pour les terrains de camping [3]. L’année suivante, la loi du 15 juillet 1975 autorise [4] la création d’une redevance spéciale pour les professionnels dont les déchets sont, eu égard à leurs caractéristiques et aux quantités produites, assimilables aux ordures ménagères. Ce n’est que dans la loi de finances pour 1975 que le principe de la redevance d’enlèvement des ordures ménagères (REOM) et donc le statut de SPIC sont rendus possibles pour le service public de gestion des déchets, lequel peut dès lors s’affranchir d’une logique fiscale. [5]

Un succès relatif

7Depuis 1975, la redevance a connu un relatif succès (en 2004, elle concernait 30,4% des communes (DGCL, 2005)), mais ce succès est amoindri par deux facteurs :

  • d’une part, si la redevance concerne près d’une commune sur trois, elle ne touche que 11% de la population française (DGCL, 2005, op. cit.). Cette distorsion s’explique par le caractère essentiellement rural des collectivités concernées ;
  • d’autre part, les termes de la loi de finances pour 1975 précisent que la redevance doit être « calculée en fonction du service rendu ». De nombreuses modalités de tarification peuvent refléter ce service rendu ; toutefois les collectivités ayant mis en place une redevance l’ont quasiment toutes assise sur le nombre de personnes par foyer (redevance dite classique), un critère qui s’avère non incitatif à la réduction des déchets. Or, d’autres critères reflétant plus directement la quantité de déchets produits (tarification au poids, au volume, etc.) peuvent servir de base à la facturation ; on parle alors de redevance incitative.
En 1983 déjà, le service public de gestion des déchets était qualifié de « service mutant » (Gruson et Cohen, 1983, p. 83), passant d’une logique fiscale (taxe) à une logique économique (redevance) ; mais la mutation, vingt ans plus tard, n’a toujours pas abouti. Pourtant le système de redevance incitative, encore embryonnaire en France, intéresse un nombre croissant de collectivités : la première a été instaurée en 1997 (ADEME, 2006), en Alsace. En 2001, six autres l’avaient rejointe (Le Bozec, 2004, p. 5). En 2004, AMORCE en recensait neuf (AMORCE, 2004). En 2006, quatorze collectivités l’ont instaurée, regroupant 280 communes (soit 0,76%) et environ 385 000 habitants (soit 0,63%) [6]. Près d’une dizaine de collectivités supplémentaires auraient aujourd’hui le projet de mettre en place une redevance incitative. Les collectivités en redevance incitative restent peu nombreuses, mais une dynamique est observée : les exceptions se multiplient [7].

8Quels sont les enjeux sous-tendus par ces évolutions ? La mise en place d’une redevance n’est pas neutre sur la gestion du service. Quels sont donc les impacts de cette transformation ? Nous proposons d’étudier ces conséquences sous trois aspects : premièrement, le passage d’une logique fiscale à une logique économique implique une transformation de l’usager du service public (égalité de la contribution) en consommateur de ce service (équité de la contribution). Dans quelles mesures la mise en place d’une redevance incitative affecte-t-elle les comportements des ménages ? Nous étudierons l’évolution des comportements en termes de développement de recyclage, de production globale de déchets et de propension à payer le service. Deuxièmement, l’organisation technique du service doit être modifiée : définition d’une grille tarifaire, modalités de collecte, moyens humains et matériels supplémentaires… Le modèle économique suppose en effet une gestion technico-organisationnelle spécifique qu’il convient de préciser. Enfin, quel est l’impact de la redevance incitative sur l’économie générale du service ? Ce point sera analysé à la fois sur l’équilibre coûts/recettes d’un service en particulier, et en comparaison avec les services financés par la taxe.

Problématique de l’étude

9Pour répondre à ces questions, nous nous appuierons sur une étude menée pour le compte du Ministère de l’Écologie et du Développement Durable (MEDD) en 2004-2005 à laquelle nous avons contribué (MEDD, 2005) et qui analyse dix expériences françaises de collectivités ayant modifié leur mode de financement [8].

10Cette étude est partie du constat du faible développement de la redevance incitative. En effet, celle-ci était accusée d’engendrer plusieurs dérives dont il convenait de vérifier la légitimité :

111. Comportements inciviques : dès lors que le mécanisme économique de la redevance est incitatif à la réduction des déchets, l’usager peut être incité à les détourner illégalement sous certaines conditions. Brûlages dans les jardins, dépôts discrets chez le voisin, sur le lieu de travail, dans les corbeilles de la commune limitrophe ou en pleine nature, les modalités imaginables du détournement sont nombreuses. La redevance affectant uniquement les ordures ménagères résiduelles dans la pratique (et non les déchets issus des collectes sélectives), on peut supputer par ailleurs une dégradation volontaire de la qualité du tri et une augmentation corrélative du taux de refus, des ordures non valorisables étant transférées de la poubelle grise vers la poubelle de tri pour diminuer l’assiette de facturation. Afin d’éviter ces dérives, la théorie économique nous enseigne que le gain financier attendu par l’usager sur sa facture par la diminution de sa quantité d’ordures ménagères résiduelles doit être inférieur à l’effort marginal du détournement illégal [9] ; mais cet effort marginal demeure difficilement quantifiable. En tout état de cause, ce risque est systématiquement souligné par les détracteurs de la redevance incitative.

122. Inégalité de la redevance : nous l’avons vu, la redevance modifie le paradigme financier du service en le faisant passer d’un principe d’égalité de la contribution vers un principe d’équité. Or, ce basculement peut aller à l’encontre de la vocation sociale de l’action publique locale. Comparons le prix payé par une personne vivant seule dans un manoir et celui payé par une famille nombreuse vivant en appartement : en taxe, la personne seule s’acquittera d’une contribution élevée permettant d’alléger les charges supportées par la famille nombreuse ; en redevance, la famille nombreuse paiera plus cher que la personne seule, quels que soient leurs niveaux de vie respectifs. Le changement dans la répartition des charges entre les deux modèles, fiscal et économique, décourage certains élus locaux à s’aventurer sur le terrain de la redevance.

133. Lourdeurs de gestion : la mise en place d’une redevance (classique ou incitative) nécessite la constitution puis la mise à jour régulière d’un fichier des redevables, ce qui requiert la connaissance de l’ensemble des usagers, de leurs adresses et des mouvements de population. Ensuite, la collectivité étant responsable de la facturation de la redevance, elle est en charge d’éditer, de mettre sous pli, d’affranchir et d’envoyer l’ensemble des factures correspondantes. Enfin, le recouvrement des recettes implique la gestion des réclamations et des impayés. Dans le cas de la TEOM, la collectivité se contente de transmettre le taux de taxe souhaité à la Trésorerie, laquelle se charge de toute la procédure, de l’identification des contribuables au recouvrement.

144. Coûts de gestion : les charges incombant à la collectivité dans le cadre de la gestion de la redevance induisent des coûts non supportés visiblement dans le cas de la taxe. Création et suivi du fichier des redevables, différentes étapes de la facturation, gestion des réclamations et des impayés nécessitent des moyens humains et matériels particuliers qui génèrent des frais supplémentaires. Pour couvrir ces frais de gestion, la Trésorerie prélève forfaitairement 8% des recettes de la taxe versée à la collectivité. Ces 8% sont-ils plus ou moins élevés que les coûts de gestion de la redevance par la collectivité ? La question était posée ; au demeurant les a priori n’allaient pas en faveur de la redevance qui restait plus complexe à gérer pratiquement.

155. Risques de déséquilibres budgétaires et soucis de trésorerie : si la structure de la grille tarifaire (part fixe/part variable) est incohérente avec la structure des charges du budget de la collectivité (charges fixes/charges variables), des déséquilibres budgétaires peuvent être observés. En particulier, si le degré d’incitation de la redevance est élevé (part variable importante) alors que le budget de la collectivité est essentiellement constitué de charges fixes, la diminution escomptée de la quantité d’ordures ménagères résiduelles aura par principe un impact à la baisse sur les recettes de la redevance et a contrario un impact nul ou quasi nul sur les charges de la collectivité, ce qui plongera le budget dans le déficit. Par ailleurs, dans le cas de la taxe, la Trésorerie verse mensuellement à la collectivité un douzième des recettes, tandis que celles-ci sont perçues uniquement au moment du recouvrement en cas de redevance (à savoir généralement une ou deux fois par an). La trésorerie de la collectivité peut s’en trouver lourdement affectée. Ces deux arguments, subtils et moins fréquemment avancés par les opposants à la redevance, constituent néanmoins une difficulté supplémentaire non négligeable à prendre en compte dans les réflexions préalables à sa mise en place.

16Des a priori négatifs, une résistance au changement et des expériences malheureuses de quelques collectivités n’ont pas facilité l’essor de la redevance. L’étude menée pour le MEDD consiste notamment à vérifier la pertinence des arguments à son encontre, en mesurant l’ampleur effective des effets pervers et de ses difficultés de gestion.

Méthodologie d’enquête

17Sans ambition d’exhaustivité, cette étude vise à alimenter en données de terrain les réflexions sur le sujet, en s’appuyant sur dix études de cas de collectivités ayant modifié leur mode de financement. Les dix collectivités interrogées (voir tableau 1) ont été retenues en raison de l’existence de données techniques et financières exploitables et de leur histoire individuelle, l’objectif étant de disposer d’un panel suffisamment large d’expériences (type et taille de collectivité, degré d’urbanisation, caractéristiques du mode de financement).

Tableau 1

Présentation des dix collectivités étudiées

Tableau 1
Nom de la collectivité Dpt Nb d’hbts Principales caractéristiques Redevance classique (au nb d’habitants par foyer) Communauté de communes du Rougier de Camares 12 2 850 Redevance mise en place en 2003, à la création de la communauté de communes Communauté de communes du Pays Châtillonnais 21 24000 Redevance mise en place en 2003 Retour à la taxe envisagé pour 2003, non effectué SMC du Haut Val-de-Sèvres 79 45800 Redevance depuis 1985. Passage à la taxe en 2002 Retour à la redevance en 2003 Redevance depuis la création du syndicat en 2003. SMICTOM d’Alsace Centrale 67 116 000 Évolution vers une harmonisation progressive des tarifs entre tous les membres Redevance incitative SICTOM Loir et Sarthe 49 45250 Redevance classique mise en place en 2003. Test de la redevance au nombre de présentations sur une partie du territoire en 2004. Généralisation de la redevance incitative en 2007 Communauté de communes de la Vallée de Kaysersberg 98 17000 Redevance à la taille du bac mise en place en 1997 Syndicat Mixte de Montaigu-Rocheservière 85 39000 Redevance à la taille du bac et au nombre de présentations mise en place en 2001 Ville de Besançon 25 12000 Redevance à la taille du bac et au nombre de présentations mise en place en 1999 Communauté de communes du Pays de Villefagnan 16 3 250 1996 : redevance classique 2001 : redevance au sac payant 2004 : adoption de la taxe Communauté de communes de Ribeauvillé 68 18000 Redevance en pesée embarquée mise en place en 2002

Présentation des dix collectivités étudiées

18Après l’envoi aux collectivités interrogées d’un guide d’enquête présentant les thèmes à aborder, des entretiens pendant un à deux jours ont été menés entre fin 2004 et début 2005 avec, pour chaque collectivité, les élus et les services techniques et financiers. Une fois les données traitées, complétées le cas échéant d’échanges supplémentaires, les monographies ont été validées par les collectivités.

19Nous rapprocherons nos résultats de ceux de Le Bozec (2004, op. cit.), qui a étudié en détail deux collectivités.

Impacts du passage de la logique d’usager à consommateur sur les comportements des ménages

20Qu’il paie la taxe ou la redevance, l’usager est prié de respecter les consignes de tri. Dans le cas de la taxe ou de la redevance classique, le non-respect de ces consignes est neutre pour le ménage [10]. En cas de redevance incitative, son comportement est sanctionné par le montant de sa facture, celui-ci étant tributaire de la quantité d’ordures ménagères résiduelles présentée.

Redevance incitative et développement du recyclage

21Le développement du recyclage peut être appréhendé à travers l’évolution des tonnages collectés par type de déchets. Trois flux principaux sont identifiés : les ordures ménagères résiduelles (pour incinération ou stockage), la collecte sélective (i.e. les emballages, les journaux-magazines et le verre envoyés en centre de tri pour recyclage in fine), les déchèteries (différents types de déchets collectés en vue d’une valorisation matière ou de traitement final – une partie des déchets n’est donc pas valorisable).

22L’assiette de facturation des redevances incitatives étudiées ne tient compte que des ordures résiduelles, les tonnages de collecte sélective et des déchèteries n’étant pas affichés comme entrant dans le calcul des tarifs. La mise en place d’une redevance incitative induit donc théoriquement un transfert des tonnages d’ordures vers la collecte sélective et les déchèteries.

23Aucune évolution notable des tonnages n’est observée auprès des collectivités en redevance classique. En revanche, l’effet ciseau entre les tonnages d’ordures ménagères et les tonnages de la collecte sélective ou des déchèteries est relativement net dans le cas des redevances incitatives (voir tableau 2).

Tableau 2

Impact de la redevance sur les trois flux

Tableau 2
Nom de la collectivité Mise en place redevance Ordures ménagères résiduelles Collecte sélective Mise en place collecte sélective Encombrants ou déchetteries Redevance classique (au nb d’habitant par foyer) Communauté de communes du Rougier de Camares 2003 2002-2004 : - 5%/an de 525 à 471 kg/an/hab + 13%/an depuis 2003 de 70 à 90 kg/an/hab 2003 2002-2003 : stable 2004 : + 24% Communauté de communes du Pays Châtillonnais 2003 2002-2004 : + 3%/an de 549 à 588 kg/hab/an + 5%/an en 2 ans de 109 à 121 kg/an/hab (hors verre) 2002 2002-2003 : stable 2004 : x 12 SMC du Haut Val-de-Sèvres 2003 2002-2004 : - 1%/an de 265 à 259 kg/an/hab + 4%/an en 2 ans de 70 à 76 kg/an/hab 2003 1999-2000 : + 22% 2000-2004 : - 2%/an SMICTOM d’Alsace Centrale 2003 depuis 7 ans : +/- 1% moyenne : 280 kg/an/hab + 2%/an depuis 7 ans de 134 à 151 kg/an/hab 1994 1997-2004 : + 17%/an Redevance incitative SICTOM Loir et Sarthe 2004 (zone test) voir graphique 1 années 1980 2003-2004 : +7% Communauté de communes de la Vallée de Kaysersberg 1997 1997-2004 : -2%/an de 381 à 332 kg/an/hab 1997-2003 : + 8%/an de 87 à 139 kg/an/hab avant 1996 1997-2001 : + 69%/an 2001-2003 : + 3%/an Syndicat Mixte de Montaigu-Rocheservière 2001 1999-2004 : -12%/an de 244 à 126 kg/an/hab 1999-2004 : + 11%/an de 49 à 81 kg/an/hab 1999 1997-2001 : + 20%/an 2001-2004 : + 1% Ville de Besançon 1999 2000-2003 : - 15%/an de 334 à 207 kg/an/hab 2000-2003 : + 9%/an de 57 à 74 kg/an/hab 1999-2005 non connu Communauté de communes du Pays de Villefagnan 2001 2000-2001 : -64% 2001-2003 : + 6%/an de 313 à 113 kg/an/hab 2001-2004 : + 5%/an de 81 à 93 kg/an/hab 2001 ouverture en juillet 2001 2002-2003 : + 26% Communauté de communes de Ribeauvillé 2002 2001-2004 : -14%/an de 297 à 186 kg/an/hab 2001-2004 : +17%/an de 186 à 297 kg/an/hab années 1990 non connu

Impact de la redevance sur les trois flux

24Il demeure toutefois délicat de généraliser ces résultats, notamment car il convient de les pondérer par des éléments contextuels :

25– Les années 1990-2000 sont marquées par la mise en place des collectes sélectives en conséquence de la loi du 13 juillet 1992, laquelle fixe des dispositions issues de motivations nationales telles que la définition des déchets ultimes et la limitation de la mise en décharge à ces seuls déchets ultimes à échéance du 1er juillet 2002. L’augmentation des tonnages de collecte sélective est donc également observée dans le cas des redevances classiques.

26– De la même façon, la forte augmentation des déchets collectés en déchèteries est principalement due à l’amélioration des réseaux de déchèteries et à l’augmentation du nombre des déchets collectés par ces équipements. Elle s’observe donc dans les deux types de redevances.

27À ce sujet, une expérience est singulièrement intéressante : dans le cadre de la préparation à la mise en place d’une redevance incitative assise sur le nombre de levées du bac, le SICTOM Loir et Sarthe a défini une zone test de son territoire et demandé aux habitants de cette zone d’agir comme si la tarification était incitative alors qu’une redevance classique venait d’être mise en place (le « comme si » est important ; il présage d’un effet plus prononcé lorsque la tarification sera effective). Les résultats sur les performances de tri sont d’autant plus saisissants que la zone test est incluse dans le total du territoire représenté sur le graphique 1, ce qui diminue artificiellement l’écart réel entre la zone test et le reste du territoire.

Graphique 1

Impact de la redevance sur la collecte sélective du SICTOM Loir et Sarthe

Graphique 1

Impact de la redevance sur la collecte sélective du SICTOM Loir et Sarthe

28En l’occurrence, la conclusion est sans équivoque : l’incitation a bien eu un effet sur le comportement des usagers, en augmentant leur effort de tri.

29L’augmentation des performances de collecte sélective peut toutefois occulter un effet pervers défavorable au développement du recyclage : l’augmentation du taux de refus en centre de tri (le tri des ménages se faisant de moins bonne qualité). Cet indicateur a-t-il effectivement crû dans les expériences étudiées ? Les résultats observés ne permettent d’établir aucune corrélation entre le taux de refus et le type de redevance (incitative ou non). En tout état de cause, l’évolution des refus de tri, souvent redoutée par les collectivités qui s’interrogent sur leur mode de financement, n’a donc pas été importante pour les collectivités enquêtées.

Redevance incitative et production globale de déchets

30En sus de la répartition des déchets entre ordures résiduelles et collecte sélective, le mode de financement est susceptible d’influer quantitativement sur les tonnages totaux. Le graphique 2 présente l’évolution de ces tonnages (ordures ménagères résiduelles et collecte sélective, hors déchèteries) sur une base 100 l’année n de mise en place de la redevance. Les courbes continues sont celles des redevances classiques ; les courbes en pointillés celles des redevances incitatives.

Graphique 2

Évolution des tonnages totaux

Graphique 2

Évolution des tonnages totaux

31Nous disposons de peu de suivi concernant les collectivités en redevance classique après sa mise en place, mais nous savons qu’en France la production de déchets ménagers était stable ou augmentait légèrement sur la période considérée. On observe une nette diminution de la quantité de déchets produits sur les collectivités en redevance incitative. La collectivité dont les tonnages chutent (Communauté de communes du Pays de Villefagnan) a souffert d’une évaporation importante des tonnages collectés (sous forme de détournement illégal de déchets ? Aucune donnée ne nous permet de conclure de manière certaine sur ce point…), qui a engendré un solde budgétaire négatif et a conduit à l’adoption de la taxe en n+3.

32Il est important de noter que les tonnages collectés baissent avant même la mise en place de la redevance, par effet d’annonce. L’étude de deux cas particuliers nous permettra de mieux comprendre les mécanismes à l’œuvre.

33À Montaigu-Rocheservière (redevance assise sur le nombre annuel de levées du bac comptabilisé à l’aide de puces électroniques insérées dans les conteneurs), la mise en place de la collecte sélective a été achevée en 1999, bien que des collectes de verre et de papiers préexistaient, et une troisième déchèterie a été ouverte en 2001 (venant compléter les deux installations précédentes, construites en 1993 et 1994). En outre, la fermeture en 2000 des petites décharges communales accueillant le tout-venant explique partiellement l’augmentation des tonnages accueillis en déchèteries. Par ailleurs, les puces sur les bacs ont été installées à partir de 1999, et dès 2000 la collectivité a communiqué sur un projet concret. Ces éléments expliquent que le transfert des tonnages soit légèrement prématuré par rapport à la facturation effective. Au total, la quantité d’ordures ménagères résiduelles diminue sensiblement (passant de 244 kg/an/hab. en 1999 à 126 kg/an/hab. en 2004), c’est-à-dire dès la mise en place de la collecte sélective et le début des études préalables, compensant ainsi l’augmentation des tonnages de collecte sélective et de déchèterie. À la suite de la mise en œuvre de la redevance à la levée, le taux de présentation des bacs s’est stabilisé en 2003 aux alentours de 25% à 30% (soit une présentation toutes les 3 à 4 semaines) contre quasiment 100% auparavant (présentation du bac chaque semaine) (voir graphique 3).

Graphique 3

Évolution des tonnages totaux du Syndicat Mixte de Montaigu-Rocheservière (redevance incitative en 2001)

Graphique 3

Évolution des tonnages totaux du Syndicat Mixte de Montaigu-Rocheservière (redevance incitative en 2001)

34Au SMICTOM d’Alsace Centrale, la collecte sélective a été mise en place en 1994, ce qui explique les bonnes performances dès le début de la période étudiée. Les premières déchèteries ont été construites en 1991-1992, la huitième et dernière en 1998. On constate une augmentation continue des tonnages accueillis en déchèteries, tandis que dans le cas précédent, ces tonnages se stabilisaient rapidement. De plus, la quantité d’ordures résiduelles est stable sur la même période ; l’augmentation tendancielle de la quantité totale de déchets est donc continue (voir graphique 4).

Graphique 4

Évolution des tonnages totaux du SMICTOM d’Alsace Centrale (redevance classique)

Graphique 4

Évolution des tonnages totaux du SMICTOM d’Alsace Centrale (redevance classique)

35La même conclusion (impact différencié de la grille tarifaire sur la quantité d’ordures ménagères résiduelles en fonction de son caractère incitatif ou non) est invariablement dressée sur toutes les collectivités dans le cadre de l’étude considérée. De la même façon, Le Bozec (2004, op. cit., p. 12) observe une diminution de l’ordre de 40% de la quantité d’ordures résiduelles sur les deux collectivités qu’il a étudiées.

36Encore une fois, les chiffres présentés doivent être pris avec prudence : des facteurs exogènes à la redevance participent également au transfert des tonnages. En effet, la mise en place des redevances étudiées est généralement concomitante aux réorganisations intercommunales, à la montée en puissance des collectes sélectives et au développement des réseaux de déchèteries.

37Outre les transferts vers la collecte sélective, comment peut s’expliquer la diminution des ordures résiduelles dans le cas des redevances incitatives ? Deux types de comportements fournissent des éléments de réponse : la diminution procède soit d’attitudes éco-responsables de la part des usagers (compostage individuel, modification des habitudes d’achat et de consommation en faveur de la réduction des déchets à la source), soit de comportements inciviques (détournement illégal des déchets vers les communes voisines ou les espaces naturels, brûlages domestiques…). En l’absence de « point zéro » sur les comportements inciviques, nécessaire à la comparaison avant/après instauration d’une grille tarifaire incitative, nous ne sommes pas en mesure de conclure sur leur importance. D’après les collectivités interrogées dans le cadre de l’étude du MEDD, ces écueils seraient limités en importance et en durée. Il conviendra de vérifier ce constat à moyen et long terme.

Redevance et paiement du service

38En taxe, le paiement du service apparaît sur la feuille d’imposition des ménages, laquelle est gérée par la Trésorerie. En redevance (classique et incitative), la collectivité émet des factures spécifiques et est chargée du recouvrement. Dans ce cas, les impayés peuvent devenir problématiques, pour deux raisons principales : d’une part il est plus aisé de ne pas payer une facture isolée plutôt que de ne pas payer ses impôts, d’autre part le risque d’impayés est supporté par la collectivité et non par la Trésorerie. Ce point constitue un argument classiquement utilisé par les opposants au système de redevance, qui imaginent des taux d’impayés très élevés.

39Aujourd’hui, les retours d’expérience montrent que les impayés ne s’élèvent pas à plus de 3% à 5%, comme le montre le tableau 3 page suivante.

Tableau 3

Impact de la redevance sur les trois flux

Tableau 3
Nom de la collectivité Mise en place redevance Taux d’impayés Redevance classique (au nb d’habitants par foyer) Communauté de communes du Rougier de Camares 2003 2% Communauté de communes du Pays Châtillonnais 2003 5% SMC du Haut Val-de-Sèvres 2003 Le syndicat n’a pas en charge la perception de la redevance SMICTOM d’Alsace Centrale 2003 Le syndicat n’a pas en charge la perception de la redevance Redevance incitative SICTOM Loir et Sarthe 2004 (zone test) 2,4% à 3,2% Communauté de communes de la Vallée de Kaysersberg 1997 < 3% Syndicat Mixte de Montaigu-Rocheservière 2001 < 2% Ville de Besançon 1999 < 1% Communauté de communes du Pays de Villefagnan 2001 1% Communauté de communes de Ribeauvillé 2002 < 3%

Impact de la redevance sur les trois flux

40De plus, est permis depuis 2005 le recours à une procédure d’opposition à tiers détenteurs en cas d’impayé de la redevance [11]. Ce dispositif permet au comptable public d’immobiliser des fonds appartenant à son débiteur qui se trouvent entre les mains d’un tiers qui les détient pour son compte (créancier, banquier, employeur). La collectivité dispose donc de moyens de lutte contre les impayés, ce qui limite leur risque.

Impacts de la mise en œuvre d’une redevance incitative sur le dispositif technico-organisationnel d’un service

Impact sur les modalités de collecte, tri et traitement

41La mise en place d’une redevance incitative a plusieurs impacts sur les modalités de collecte. Tout d’abord, le temps de collecte peut être allongé si la collecte est effectuée en bacs, et a fortiori si les bacs sont pesés. En contrepartie néanmoins, la diminution des ordures ménagères résiduelles engendre une baisse du taux de présentation des bacs, ce qui induit une diminution des arrêts du camion et donc un raccourcissement parfois substantiel de la durée d’une tournée. Ainsi, à Montaigu-Rocheservière, la stabilisation du taux de présentation à environ 30% a conduit la collectivité à diminuer la fréquence de collecte des ordures résiduelles d’une fois/semaine à une fois tous les quinze jours [12], ce qui impacte avantageusement les coûts du service. La diminution des coûts de collecte issue des réorganisations n’est cependant pas toujours un bénéfice net pour les collectivités, en particulier quand la collecte est encadrée par un marché public dont la formule de rémunération du prestataire ne tient pas compte de l’amélioration de ses ratios de performance (durée moyenne des tournées ou tonnage/heure de collecte par exemple), ce qui est le cas pour les collectivités étudiées. Pour cette raison, nous ne disposons d’aucun retour sur l’évolution des coûts de collecte en redevance incitative. En revanche, la redevance rend possible un nouvel encadrement juridique des prestations de collecte : la délégation de service public, dont l’intérêt par rapport aux marchés publics réside avant tout dans la possibilité de négociation pendant la procédure de choix du prestataire, ainsi que dans le partage des risques entre la collectivité et le délégataire. À notre connaissance, il n’existe pas de délégation de service public pour un service de collecte de déchets ménagers en France. Mais les bénéfices possibles d’une telle procédure devraient inciter les collectivités en redevance à innover en la matière, et il est probable qu’avec le développement des redevances soient entamées des réflexions sur le choix du mode de gestion contractuelle.

42L’effet ciseau observé entre les tonnages d’ordures résiduelles et de collecte sélective a par ailleurs des conséquences directes sur les quantités triées (à la hausse) et sur les quantités traitées (à la baisse). Le bilan financier de ce transfert de charges n’est pourtant pas univoque : la baisse des tonnages d’ordures résiduelles peut contenir les coûts de traitement, en forte augmentation depuis plusieurs années en raison du durcissement de la législation, mais le bilan dépend du contexte local, en particulier de la comparaison des coûts du traitement et du tri. Aussi, l’analyse de l’évolution des charges (dans l’étude du MEDD, de +1% à +82%/an en redevance classique, de +6% à +16%/an en redevance incitative) et des recettes de fonctionnement (respectivement de -7% à +70%/an et de +1% à +13%/an) des collectivités étudiées n’a conduit à aucune leçon directe quant au bilan financier de ces prestations, dès lors que le contexte entre fortement en ligne de compte.

43Si l’effet ciseau ne permet pas nécessairement de diminuer les charges, il permet en revanche d’augmenter les recettes de valorisation et les soutiens à la tonne triée parallèlement à l’amélioration du geste tri. Par exemple, ces recettes ont connu une augmentation importante au Syndicat Mixte de Montaigu-Rocheservière sur la période 2000-2003 (+64%), notamment en 2001, l’année de la mise en place de la redevance, où elles ont augmenté de 40%. L’analyse de ces recettes est cependant rendue délicate par les difficultés de leur identification dans les budgets des communes et par l’irrégularité des versements d’Eco-Emballages ou Adelphe.

Impact sur l’organisation administrative du service

44Nous savons que la gestion de la redevance nécessite la constitution d’un fichier exact des redevables (nom, adresse, etc.) mis en relation avec les données individuelles sur la consommation du service. L’élaboration puis la mise à jour de ce fichier à chaque facturation, la gestion de la relation avec les usagers (communication, gestion des réclamations et autres), ainsi que l’édition, la mise sous pli, l’affranchissement, l’envoi et le recouvrement des factures nécessitent l’affectation de moyens humains et matériels (logiciel idoine, etc.) dédiés à ces tâches (voir tableau 4).

Tableau 4

Moyens humains nécessaires en supplément

Tableau 4
Nom de la collectivité En équivalent temps plein pour 1000 factures Création du fichier Gestion du service et relations avec les usagers Redevance classique (au nb d’habitants par foyer) Communauté de communes du Rougier de Camares Non connu -pas d’embauche spécifique Communauté de communes du Pays Châtillonnais 0,06 0,04 SMC du Haut Val-de-Sèvres Le syndicat n’a pas en charge la perception de la redevance SMICTOM d’Alsace Centrale Le syndicat n’a pas en charge la perception de la redevance Redevance incitative SICTOM Loir et Sarthe 0,2 pendant 5 mois 0,06 Communauté de communes de la Vallée de Kaysersberg 0,23 Syndicat Mixte de Montaigu-Rocheservière Effectuée par le prestataire 0,03 (dont la dotation en bacs) Ville de Besançon Non connu Communauté de communes du Pays de Villefagnan Non connu -pas d’embauche spécifique Communauté de communes de Ribeauvillé Non connu 0,18

Moyens humains nécessaires en supplément

45Dans la pratique, la collaboration des mairies dans le cas de structures intercommunales facilite la création et la mise à jour du fichier des redevables. De même, l’implication de certaines Trésoreries dans la facturation (édition des factures, mise sous pli et/ou envoi) est très appréciée par les collectivités. Au total, le travail supplémentaire peut être absorbé par des moyens humains limités.

Impact sur les relations avec les usagers

46Avec la redevance, les usagers deviennent clients du service de gestion des déchets. En ce sens, il leur est proposé de prendre la main sur leur consommation de ce service, dont ils deviennent responsables. Or, nous avons vu que la redevance ne permet pas systématiquement de diminuer les charges du service. Elle est ainsi apparue à certains élus comme difficile à faire comprendre : en effet, elle implique un effort supplémentaire de la part des usagers sans promesse de payer moins cher. Le message selon lequel « la redevance permet non pas de diminuer les coûts, mais de contenir leur prochaine augmentation » peut s’avérer politiquement difficile à assumer.

47Pourtant, l’acceptation du nouveau système par les usagers dépend directement du portage politique du projet et du degré de communication à son égard, dont le manque en amont peut devenir l’une des premières causes de tension entre la collectivité et la population. Un projet mal présenté ou mal défendu est peu susceptible d’emporter l’adhésion des usagers, alors même que ceux-ci sont placés au cœur du dispositif. La communication (sous différentes formes non exclusives : réunions publiques, lettres d’information, articles dans la presse locale, création d’un magazine spécifique, etc.) doit donc refléter l’engagement politique des élus. Les élus de la Communauté de Communes du Rougier de Camares se sont ainsi impliqués dans la création du fichier et sa mise à jour ; ils ont servi de relais auprès de la population pour faire passer le message communautaire. Cette forte implication est liée à la concertation réalisée en amont de la création de la Communauté de Communes (deux ans) et à la qualité du débat sur le projet communautaire. A contrario, si les maires sont réticents au projet, celui-ci risque fort de ne pas aboutir. À la Communauté de Communes du Pays Châtillonnais, où la redevance n’avait été adoptée qu’à douze voix contre onze (et un vote blanc), le bilan après trois ans y est relativement peu favorable.

48Le tableau 5 montre que les collectivités ayant récemment mis en place la redevance incitative semblent avoir tiré les leçons des expériences de leurs prédécesseurs et affectent des moyens conséquents à la communication (SICTOM Loir et Sarthe, Communauté de Communes de Ribeauvillé). Au contraire, lorsque la redevance n’est précédée d’aucune communication, la réception de la première facture est une surprise pour tous les usagers. C’est le cas notamment de la Communauté de Communes du Pays Châtillonnais : après trois ans, les réclamations étaient toujours importantes, à tel point qu’un retour à la taxe a été envisagé.

Tableau 5

Moyens de communication mis en œuvre

Tableau 5
Nom de la collectivité Mise en place redevance Nb d’hbts Communication préalable Charges de communication (hors soutien des sociétés agréées) Redevance classique (au nb d’habitants par foyer) Communauté de communes du Rougier de Camares 2003 2 850 Un courrier et des réunions publiques 0,5 €/hab en 2003 3,1 €/hab en 2004 Communauté de communes du Pays Châtillonnais 2003 24000 Faible : un courrier d’information seulement 0,6 €/hab en 2003 1,7 €/hab en 2004 SMC du Haut Val-de-Sèvres 2003 45800 Le syndicat n’a pas en charge la perception de la redevance SMICTOM d’Alsace Centrale 2003 116 000 Le syndicat n’a pas en charge la perception de la redevance. Ses frais de communication sont relatifs à la collecte sélective. Redevance incitative SICTOM Loir et Sarthe 2004 (zone test) 45250 Importante : guide d’information, réunions publiques… non connu Communauté de communes de la Vallée de Kaysersberg 1997 17000 Création d’un magazine annuel non connu Syndicat Mixte de Montaigu-Rocheservière 2001 39000 Importante : guide d’information, réunions publiques… non connu Ville de Besançon 1999 12000 Insuffisante avant la création de la redevance 0,3 €/hab en 2000 et 2001 Communauté de communes du Pays de Villefagnan 2001 3 250 non connu non connu Communauté de communes de Ribeauvillé 2002 18000 10 réunions publiques 0,7 à 1,3 €/hab/an de 2000 à 2001

Moyens de communication mis en œuvre

49Plus globalement, la redevance incitative est même considérée par les élus comme pouvant constituer un support opportun de communication publique. Elle recouvre en effet quelques-uns des axes majeurs des politiques locales :

  • en matière environnementale, l’application du principe pollueur-payeur ;
  • en matière d’expérimentation locale, la redevance constitue une innovation importante.
Si les critères de communication et de portage politique du projet sont des conditions sine qua non de sa réussite, ils ne sont pas suffisants pour autant.

50En aval, de l’implication des usagers dans la mise en œuvre du projet dépend l’évolution du niveau des impayés et du nombre de réclamations. Parfois importantes en début de projet, celles-ci ont tendance à se stabiliser dans le temps. Elles sont principalement relatives à des erreurs de facturation (qui diminuent avec l’amélioration de la qualité du fichier des redevables), au montant de la redevance (dans le cadre de réajustements annuels) et à des demandes d’information (qui reflètent une lacune au niveau de la communication) (tableau 6).

Tableau 6

Nombre de réclamations

Tableau 6
Nom de la collectivité Mise en place redevance Réclamations Redevance classique (au nb d’habitants par foyer) Communauté de communes du Rougier de Camares 2003 Non connu, mais nombreuses la première année (15% d’erreurs dans le fichier) Communauté de communes du Pays Châtillonnais 2003 3,33% des habitants en 2004 SMC du Haut Val-de-Sèvres 2003 Le syndicat n’a pas en charge la perception de la redevance SMICTOM d’Alsace Centrale 2003 70% des usagers sur une communauté de communes Redevance incitative SICTOM Loir et Sarthe 2004 (zone test) 1,6% des habitants en 2004 Communauté de communes de la Vallée de Kaysersberg 1997 Non connu Syndicat Mixte de Montaigu-Rocheservière 2001 Non connu : facturation sous-traitée au collecteur la première année. Création d’une association d’opposition. Reprise en régie de la facturation en 2002. <1% en 2004 Ville de Besançon 1999 Non connu, mais très nombreuses la première année Communauté de communes du Pays de Villefagnan 2001 Non connu Communauté de communes de Ribeauvillé 2002 Faible, mais constitution d’une association d’opposition au projet

Nombre de réclamations

51À titre d’exemple, en 2004 (la deuxième année de la redevance classique), le SICTOM Loir et Sarthe a reçu 770 réclamations (soit moins de 5% des foyers) concernant :

  • des erreurs matérielles à 47% ;
  • l’augmentation de la redevance entre 2003 et 2004 à 27% ;
  • des demandes d’explication sur la structure tarifaire à 14%.

Impacts de la mise en œuvre d’une redevance incitative sur l’économie du service

Définition de la grille tarifaire

52La mise en œuvre d’une redevance incitative nécessite la constitution d’une grille tarifaire spécifique, qui doit être le fruit d’une lourde réflexion préalable. Plus qu’un simple catalogue des prix, cette grille reflète les niveaux de service et, plus globalement, formalise la définition que la collectivité donne de son service.

53Premièrement, la grille tarifaire doit permettre d’apprécier l’importance du service rendu dans sa globalité. Voilà pourtant un exercice difficile : faut-il retenir le mode de collecte (porte-à-porte ou point d’apport volontaire) ? la fréquence de collecte ? le mode de traitement ? la quantité et la nature des déchets jetés ? Comment combiner tous ces critères pour imaginer un facteur objectif de mesure du service rendu ? De nombreuses possibilités existent, parmi lesquelles se trouvent des solutions incitatives. Nécessitant des investissements distincts, les critères retenus peuvent être :

  • des sacs payants ou des vignettes payantes à apposer sur un sac ;
  • en bacs : le litrage des bacs mis à disposition, le nombre de levées par le camion sur une période donnée, le poids des bacs, ces facteurs pouvant être combinés. Ces bacs sont généralement équipés d’une puce électronique permettant au camion de collecte de reconnaître le propriétaire.
Il semble que le choix du critère incitatif (litrage, nombre de levées, poids du bac ou autre comme assiette de facturation) ait un impact limité sur les performances en termes de diminution de déchets, l’important étant la présence d’une incitation ; mais les retours d’expérience sont trop peu nombreux pour avoir valeur d’enseignement. Dans notre étude, les redevances liées au volume des bacs ou au nombre de levées ont des performances proches : baisse d’environ 12%/an des tonnages d’ordures et augmentation parallèle de 10%/an de la collecte sélective. La redevance liée à la pesée embarquée semble plus performante : +17%/an pour la collecte sélective. Toutefois cette évaluation a été réalisée pour une seule collectivité, et ne peut donc avoir valeur d’enseignement général. Enfin, l’expérience de redevance au sac payant étudiée a vu les tonnages d’ordures baisser de 64% l’année de sa mise en place, et les tonnages collectés sélectivement augmenter de 5%. De même, cette évaluation singulière ne peut avoir valeur d’enseignement, d’autant plus que la spécificité du territoire biaise les résultats (comportements inciviques favorisés par une quasi-enclave territoriale au sein de la communauté de communes).

Tableau 7

Soldes budgétaires

Tableau 7
Nom de la collectivité Mise en place redevance Soldes budgétaires Redevance classique (au nb d’habitants par foyer) Communauté de communes du Rougier de Camares 2003 Non connu Communauté de communes du Pays Châtillonnais 2003 2003 : +12% 2004 : -16% SMC du Haut Val-de-Sèvres 2003 Recettes issues des participations des collectivités membres, non de la redevance SMICTOM d’Alsace Centrale 2003 Recettes issues des participations des collectivités membres, non de la redevance Redevance incitative SICTOM Loir et Sarthe 2004 (zone test) Recettes issues des participations des collectivités membres, non de la redevance Communauté de communes de la Vallée de Kaysersberg 1997 En moyenne +10% Syndicat Mixte de Montaigu-Rocheservière 2001 2000 à 2002 : -5% 2003 : +10% Ville de Besançon 1999 En moyenne de +5% à +10% Communauté de communes du Pays de Villefagnan 2001 2000 : +3% 2001 : -14% 2002 : -24% Communauté de communes de Ribeauvillé 2002 2001 : +4% 2002 : -3% 2003 : -6%

Soldes budgétaires

54Deuxièmement, la grille tarifaire doit tenir compte des transferts de charges entre contribuables et redevables : une personne seule dans un grand pavillon paie proportionnellement beaucoup de taxe et peu de redevance ; inversement une famille nombreuse dans un appartement paie peu de taxe et beaucoup de redevance. Par exemple, la Communauté de Communes de Barr, membre du SMICTOM d’Alsace Centrale, a adopté la taxe au 1er janvier 2003. Pour certains habitants de cette Communauté de Communes, le passage en taxe a induit une augmentation de plus de 300% du prix payé. Les nombreuses réclamations ont incité la Communauté de Communes de Barr à repasser en redevance au 1er janvier 2004. Ce transfert des charges n’est pas pénalisant en soi ; il peut résulter d’un projet politique volontaire, et demeure de toute façon modulable. Ainsi, la Ville de Besançon a adopté une redevance dépendant notamment du volume du bac, avec un prix/litre nettement dégressif afin de favoriser les conteneurs de grande capacité et donc les grands collectifs. Cette orientation s’avère cohérente avec les coûts réels de collecte, mais permet en outre – et surtout ? – de compenser l’effet moins redistributif de la redevance. Malgré cela, le transfert de charges se heurte toujours à la résistance au changement, ce qui ne manque pas d’engendrer des réclamations supplémentaires.

55Enfin, la grille tarifaire doit prendre en considération les singularités du territoire. Certains types d’habitat appellent en effet une réflexion particulière quant aux modalités de facturation. C’est le cas de l’habitat vertical (dont les bacs collectifs tendent à diluer les responsabilités individuelles des habitants dans la quantité de déchets produits), des résidences isolées (exonérées de taxe mais touchées par la redevance dès lors qu’un service est rendu [13]) et des résidences secondaires. Aucune obligation légale n’incombe aux collectivités dans le principe de facturation pour ces usagers ; c’est au maire de définir sa propre politique à leur égard. Notons que l’attractivité de la redevance en milieu urbain a été renforcée en 2005 en facilitant son recouvrement : le gestionnaire de la copropriété peut être considéré comme l’usager du service public redevable de l’acquittement de la redevance, et chargé d’en répartir ensuite le montant entre les résidents [14].

Impacts sur l’équilibre budgétaire d’un service

56La grille tarifaire définit avant tout la limite entre parts fixe (de type abonnement au service) et variable (facteur d’incitation), un arbitrage laissé à la libre appréciation des collectivités. Pour ce faire, la collectivité doit d’une part établir le niveau d’incitation de sa redevance (suffisamment élevé pour que l’amélioration du tri ait un impact sur la facture des usagers, suffisamment faible pour ne pas les inciter à adopter des comportements inciviques), d’autre part mettre en cohérence les parts fixe et variable avec la structure des charges de son budget.

57En effet, il existe un risque de déficit budgétaire en cas de mauvais dimensionnement de la grille tarifaire : une part variable incitative trop importante relativement à la part fixe peut induire des comportements inciviques et un important manque à gagner sur les recettes perturbant le budget. Pour éviter ces dérives, il est conseillé de calquer la part de la part fixe dans la redevance sur la part des charges fixes du budget et d’adapter si besoin la structure de rémunération des prestataires. Au SICTOM Loir et Sarthe, la collecte d’ordures ménagères était rémunérée selon un forfait par habitant, et la collecte sélective à la tonne. Il en a résulté une augmentation constante des charges de fonctionnement de la Collectivité. Cette configuration constitue une inadaptation manifeste à un mode de financement incitatif : il fait supporter à la Collectivité le coût des évolutions à prévoir (augmentation des tonnages issus de la collecte sélective) sans lui faire bénéficier des avantages (diminution des tonnages d’ordures ménagères). Dans le cadre du renouvellement du contrat de collecte, le SICTOM a modifié le mode de rémunération pour le mettre en correspondance avec le mode de financement incitatif (prix à la tonne pour les ordures résiduelles, forfait à l’habitant pour la collecte sélective).

58Dans notre étude, trois collectivités sont concernées par les déficits budgétaires ; ce sont celles qui connaissent une baisse non négligeable des tonnages globaux. En particulier, la Communauté de Communes du Pays de Villefagnan a subi d’importantes évaporations de tonnages peut-être dues à des comportements inciviques. Or, lors de la mise en place de la redevance incitative, une partie fixe a été arbitrairement instaurée, qui représentait moins de 45% des recettes perçues effectivement. La baisse des tonnages s’est fait immédiatement sentir sur le budget. Face à l’augmentation simultanée de la participation au syndicat de traitement, les recettes issues de la redevance n’étaient plus suffisantes. Malgré une contribution croissante du budget général et l’inversion des parts fixe et variable dans la structure de la redevance pour tenter de pallier les pertes, la Communauté de Communes du Pays de Villefagnan enregistrait des déficits croissants.

59Des difficultés de trésorerie peuvent également apparaître en cas d’inadéquation entre les périodes de recouvrement (entrée de recettes) et celles de règlement des prestataires (paiement des charges). Face à cette difficulté nouvelle, le SMC du Haut Val-de-Sèvres a mis en place une ligne de trésorerie afin de compenser les retards de paiements des collectivités membres. En septembre 2003, les élus du SMC votent à l’unanimité l’imputation de cette ligne de trésorerie sur le montant des participations des « mauvais payeurs ». Le mécanisme est aujourd’hui très efficace. De même, les besoins en trésorerie de la Communauté de Communes du Pays Châtillonnais l’ont obligée à ouvrir une ligne spécifique de fonds de roulement dans son budget, et à rendre possible la mensualisation du paiement de la redevance en 2005. Enfin, pour éviter ces risques et inciter de nouvelles collectivités à passer de la taxe à la redevance, la possibilité d’abonder les recettes de redevance avec le budget général a été introduite pendant une période transitoire de quatre ans maximum [15].

60Au total, la fixation des tarifs de redevance incitative devient l’occasion d’analyser les postes de coûts dans le budget. Ce souci de prendre en main la gestion financière du service est la raison pour laquelle la décision du passage à la redevance s’inscrit parfois dans un projet général de modernisation du service.

Bilan financier de la redevance

61Combien coûte la redevance au total ? Nous savons que la mise en place d’une redevance incitative implique des coûts supplémentaires, à la fois en investissement (dotation en bacs si nécessaire, équipement des bacs en puces électroniques le cas échéant et adaptation du camion de collecte, logiciel de gestion de la facturation…) et en fonctionnement (moyens humains dédiés, communication, frais de gestion divers). Rappelons que si les charges de collecte peuvent être allégées en redevance incitative, le bilan des charges de tri et de traitement est à opérer avec les prix observés localement. En outre, il convient de prendre en considération les impayés, même s’ils demeurent faibles. Enfin, l’augmentation des tonnages collectés sélectivement due à l’amélioration du geste tri induit une hausse des recettes de valorisation (vente des matériaux triés) et des soutiens à la tonne triée versés à la collectivité par les sociétés agréées.

62Trois collectivités de l’étude ont dressé un bilan financier de leur passage à la redevance incitative, qu’il convient de comparer avec les coûts de la taxe (8% des recettes prélevés par la Trésorerie au titre de ses frais de gestion). La Communauté de Communes de Ribeauvillé (en pesée embarquée) estime que les investissements nécessaires à la mise en place de la redevance sont largement couverts par les économies réalisées sur les 8% de la taxe. Au total, l’économie serait d’environ 1,8 €/an/hab. en prenant en compte les impayés. À Besançon, les frais de gestion de la redevance s’élèveraient à 0,38 €/an/hab. contre 5,62 €/an/hab. pour la taxe, soit une économie de 5,24 €/an/hab. Enfin, le SICTOM Loir et Sarthe affiche un coût total de la redevance de 2,20 €/an/hab., soit un gain de 0,90 €/an/hab. par rapport à la taxe. L’écart calculé sur trois ans atteint 128 000 € d’économie.

63Le manque de retour d’expérience sur la redevance incitative laissait un flou sur les coûts de gestion à supporter. D’après les collectivités en ayant dressé le bilan, la redevance serait économiquement avantageuse puisque que l’ensemble des coûts supportés serait inférieur à 8%.

Conclusion

64La redevance incitative semble donc être un outil pertinent d’intervention sur les comportements : les expériences françaises montrent qu’elle influe positivement sur le développement du recyclage, et elle pourrait constituer un moyen efficace pour la réduction des déchets à la source. Les premiers retours d’expérience français sont à ce titre très prometteurs et incitent aujourd’hui de nombreux élus locaux à analyser cet outil de plus près.

65L’intérêt nouveau pour la redevance incitative est symptomatique d’un basculement des problématiques de la gestion des déchets ménagers. Le service étant aujourd’hui entré dans une phase d’optimisation, le gouvernement donne aujourd’hui un nouvel élan à la politique publique, notamment à travers la fixation d’objectifs nationaux plus ambitieux. Conscients de l’intérêt de l’outil pour l’atteinte des objectifs de la politique publique, les pouvoirs publics facilitent progressivement sa mise en place.

66Les évolutions récentes vont encore plus loin : en raison notamment des bénéfices affichés dans les retours d’expérience étudiés, l’engagement 243 de la table ronde du Grenelle de l’environnement consacrée aux déchets instaure une tarification incitative obligatoire. Bien que cet engagement doive faire l’objet d’une traduction législative pour être mis en œuvre, les travaux ont été lancés pour réformer le financement du service public de gestion des déchets. À terme, il pourra s’appuyer soit sur la redevance, soit sur une taxe modifiée, issue de la redevance, comprenant une part fixe et une part variable incitative. Ce qui est aujourd’hui le fait de quelques collectivités pionnières deviendra donc obligatoire sur l’ensemble du territoire national.

67L’objectif retenu est d’inclure ce nouveau dispositif dans le projet de loi de finances pour 2009. L’échéance pourra-t-elle être tenue ? Rien n’est moins sûr, le chantier de réforme de la taxe étant colossal. Au demeurant, cet objectif constitue un bouleversement dans l’organisation du service public de gestion des déchets ménagers. Sa mutation, engagée il y a une trentaine d’années, va connaître un nouvel élan.

Notes

  • [1]
    Art. 1er-I de la loi n°95-101 du 2 février 1995 (JO du 3 février 1995, rectificatif du 21 février 1995), codifié à l’article L. 110-1-II-3° du code de l’environnement.
  • [2]
    La distinction entre service public administratif et service public industriel et commercial est effectuée au regard d’un faisceau d’indices établi par la jurisprudence depuis le début du XXe siècle : Conseil d’État, Ass., 16 novembre 1956, Union syndicale des industries aéronautiques, D. 1956, p. 759.
  • [3]
    En effet, les terrains aménagés pour le stationnement des caravanes ne correspondant à aucune propriété bâtie, ils ne sont pas soumis à l’impôt foncier et, partant, ils ne sont pas soumis à la TEOM non plus. La REOMTC est codifiée à l’article L. 2333-77 du Code Général des Collectivités Locales.
  • [4]
    La loi du 13 juillet 1992 a transformé cette autorisation en obligation à compter du 1er janvier 1993. Pour autant, la redevance spéciale peine encore aujourd’hui à se mettre en place.
  • [5]
    Pour un bref rappel des principes d’organisation et de financement du service public, voir : Commissariat Général au Plan, 2004, pp. 56-58.
  • [6]
    ADEME, 2006, intervention de R. Baudry. Il est précisé que cette liste peut ne pas être exhaustive.
  • [7]
    Dans le même temps, la littérature théorique sur la tarification du service des déchets ménagers s’est largement développée depuis le milieu des années 1990. À ce sujet, voir par exemple : Glachant, 2003b ; Glachant, 2006 (ce dernier article étant une version étoffée et actualisée du précédent).
  • [8]
    La mise en perspective des enseignements de ces 10 monographies ainsi qu’une synthèse de l’étude sont disponibles sur la toile, sur : http:// www. ecologie. gouv. fr/ article. php3? id_article= 4709
  • [9]
    Pour une modélisation mathématique de cette affirmation intuitive, voir : Glachant, 2003a ; Glachant, 2004. Il en tire une équation dont la résolution indique le « taux théorique de redevance optimale » au niveau communal.
  • [10]
    En théorie, si les déchets ne sont pas correctement séparés entre d’un côté, les ordures ménagères résiduelles et de l’autre, les déchets collectés sélectivement pour valorisation matière, les bacs concernés ne sont pas ramassés. Dans la pratique, cette consigne est peu observée.
  • [11]
    Voir art. 63 de la loi n°2004-1485 du 30 décembre 2004 rectificative pour 2004 (JO du 31 décembre 2004).
  • [12]
    L’article R. 2224-23 du CGCT précise que « dans les zones agglomérées groupant plus de cinq cents habitants permanents, qu’elles soient comprises dans une ou plusieurs communes, les ordures ménagères sont collectées en porte-à-porte au moins une fois par semaine ». L’organisation retenue par cette collectivité est donc contraire au CGCT. Toutefois, cet article est issu du décret n°77-151 (art. 2) du 7 février 1977. Depuis 1977, le développement de la collecte sélective, l’ouverture des déchèteries, les politiques de prévention et, plus généralement, la rationalisation et la modernisation du service public d’élimination des déchets, ont eu – et continuent d’avoir – un impact fort sur la diminution des ordures résiduelles. Ces évolutions diminuent de fait la légitimité de cet article, qui pourrait faire l’objet d’un amendement.
  • [13]
    L’article 1521-III-4 du Code Général des Impôts précise en effet que, sauf délibération contraire du conseil municipal ou de l’assemblée délibérante de l’EPCI compétent, « les locaux situés dans la partie de la commune où ne fonctionne pas le service d’enlèvement des ordures sont exonérés de la taxe ». La distance à retenir pour apprécier si une propriété doit ou non être regardée comme desservie par le service d’enlèvement des ordures ménagères est celle qui existe entre le point de passage le plus proche du véhicule du service et l’entrée de la propriété. À cet égard, le Conseil d’État tend à considérer comme normale une distance n’excédant pas 200 mètres. En revanche, la redevance ne donne droit en principe à aucune exonération des usagers du service. En contrepartie, elle ne peut pas être exigée à un non-usager. Cette dispense suppose toutefois que l’intéressé assure non seulement le transport de ses déchets, mais également leur élimination, par ses propres moyens.
  • [14]
    Voir art. 67 de la loi n°2004-1485 du 30 décembre 2004 rectificative pour 2004 (JO du 31 décembre 2004).
  • [15]
    Voir art. 125 de la loi n°2006-1771 du 30 décembre 2006 rectificative pour 2006 (JO du 31 décembre 2006).
Français

Résumé

La mise en place d’une redevance incitative fait passer le service public de gestion des déchets ménagers d’une logique fiscale à une logique économique. Après un rappel des principes de la redevance, cet article analyse les conséquences de ce basculement d’un triple point de vue.
Premièrement, l’usager du service public, devenu consommateur, modifie ses comportements en faveur à la fois du recyclage et de la stabilisation de la production de déchets. Face à sa facture, il semble adopter des comportements inciviques limités.
Deuxièmement, le dispositif technique et organisationnel de la collectivité doit être adapté. Les prestations de collecte, de tri et de traitement sont affectées par le changement de mode de financement. En outre, la gestion de ce dispositif nécessite des moyens humains et matériels appropriés. Enfin, le changement de paradigme modifie les relations que la collectivité entretient avec les usagers du service.
Troisièmement, ce modèle économique nécessite l’élaboration d’une grille tarifaire spécifique, qui doit être le fruit d’une lourde réflexion préalable. Malgré la modification de l’équilibre budgétaire du service et les risques qui lui sont associés, la redevance incitative semble néanmoins demeurer économiquement avantageuse.
Pour toutes ces raisons, la redevance incitative fait l’objet d’un regain d’intérêt depuis quelques années, à tel point qu’un mode de financement incitatif est en passe de devenir obligatoire.

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François Bénard
François Bénard, titulaire du MBA de l’ESSEC et d’un DEA de Management Public à l’Université Paris X-Nanterre, est aujourd’hui doctorant en géographie à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne (financement ADEME). Ses travaux portent sur l’intercommunalité et la gestion des déchets ménagers. En parallèle, il dirige un centre de tri/transfert de déchets industriels banals après avoir exercé trois ans en tant que consultant technique, juridique et financier auprès des collectivités en matière de gestion de déchets.
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 22/01/2009
https://doi.org/10.3917/flux.074.0030
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