CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1Au cours de la dernière décennie, Johannesburg, Ibadan et Nairobi ont vu se multiplier les quartiers enclos, c’est-à-dire les quartiers dont les résidants tentent de contrôler l’accès grâce à la fermeture, partielle ou complète, temporaire ou permanente, des rues les desservant. Ces développements, qui constituent dans les trois villes une réponse locale à un fort sentiment d’insécurité, s’opèrent toutefois dans des contextes politiques, économiques et urbains contrastés.

2À Johannesburg (4 millions d’habitants), les fermetures de rues correspondent à la montée de la criminalité au sein d’une société marquée par une extrême inégalité sociale, où la transition politique, en 1994, a conduit à la nécessaire restructuration des forces de police qui a obéré son fonctionnement. La criminalité, autrefois concentrée dans les townships grâce à une surveillance militaire et politique, s’est rapidement diffusée dans les anciennes banlieues blanches et aisées du nord de la ville (Leggett, 2005), où les résidants ont été encouragés à organiser leur propre sécurité – ce qui a notamment conduit à la multiplication des enclosures à partir du milieu des années 1990 (Landman, 2004). À Nairobi (3 millions d’habitants), la crise économique exacerbée dans les années 1980 par les programmes d’ajustement structurel (Bocquier, 2003), a conduit à la criminalisation de l’activité économique et politique métropolitaine – sur la base d’une compétition ethnique et régionale pour le pouvoir, fondée sur des quartiers résidentiels souvent très ségrégés (Goux, 2003). Cette évolution a encouragé des initiatives locales d’auto-organisation s’appuyant sur une tradition ancienne d’associations de résidants. À Ibadan (1,2 million d’habitants), les enclosures sont plus anciennes, la majorité étant apparue dans les années 1980 dans un contexte de très fortes inégalités sociales et de chômage massif (aggravés également par les programmes d’ajustement structurel : Agbola 1997, Onibokun 2003), et d’instabilité politique alimentée par l’extrême fragmentation de l’État – notamment la compétition entre pouvoir fédéral et États fédérés. L’incapacité des pouvoirs publics à gérer la ville – et à assurer la sécurité civile des résidants - a conduit à la multiplication de formes d’auto-organisation à l’échelle locale.

3Cette forme de repli territorial à préoccupation essentiellement sécuritaire pose d’importants défis au fonctionnement métropolitain – en termes de circulation et de mobilités, en termes d’exclusion et de fragmentation urbaines. En effet, les rues ne sont plus considérées en premier lieu comme éléments d’un réseau de circulation, dont la fonction dominante est de relier les lieux et les citadins au sein de l’aire métropolitaine. Elles sont désormais perçues comme le point faible de territoires qui cherchent à assurer leur propre protection, contre un extérieur considéré comme menaçant. Le changement d’équilibre dans l’usage et la représentation de la rue chez les résidants riverains a d’importantes implications en termes de mobilité urbaine, conduisant à une congestion automobile sur les axes principaux liée à la difficulté croissante à emprunter ce qui est devenu un labyrinthe de rues résidentielles. Ce glissement conduit également à un changement d’échelle – du métropolitain au local - dans la gestion de ces rues résidentielles, qui, bien que demeurant espaces publics, sont appropriées par des groupes de résidants.

4Face à cette fragmentation de l’espace urbain en multiples enclaves défensives, dans un contexte d’insécurité et de faible capacité publique à la combattre, rares sont les acteurs urbains à revendiquer le retour à la fonction publique, circulatoire et métropolitaine de ces rues résidentielles fermées. L’article se propose d’analyser les conflits de pouvoir multiscalaires engendrés par les fermetures de rues et leurs conséquences en termes de recomposition de la gouvernance urbaine, dans une perspective comparative [1]. En premier lieu est examiné l’impact des enclosures sur les mobilités, en fonction des formes urbaines autant que de la nature des enclosures. La seconde partie présente les dynamiques de construction territoriale enclenchées par la fermeture de rues, dans leurs effets d’intégration et surtout d’exclusion. Enfin, on analysera les conflits politiques opposant l’échelle locale et l’échelle métropolitaine de gestion des espaces résidentiels, cristallisés autour de la question des fermetures de rues.

Fermetures de rues et forme urbaine : un défi croissant à la mobilité

5Les enclosures se distinguent des quartiers fermés (gated communities) en plusieurs sens. Ces derniers sont des développements privés, conçus et construits sous forme de quartiers entourés de murs, au nombre d’accès limité de manière à en faciliter le contrôle. Ils sont entièrement privés, chaque résidant versant une contribution obligatoire à un syndic de copropriété. En revanche, les enclosures sont des quartiers fermés a posteriori par un groupe de résidants qui érigent des barrières et des grilles afin de contrôler l’accès à ce qui demeure des rues et des espaces publics. Leur effet sur la mobilité urbaine métropolitaine est donc bien supérieur ; leur statut légal est incertain (puisqu’ils consistent en une privatisation de facto de l’accès à l’espace public) ; et leur gestion est, au moins à l’origine, beaucoup plus informelle.

6Enfin, contrairement aux quartiers fermés, habituellement localisés dans les périphéries urbaines, les enclosures sont inscrites dans un tissu urbain préexistant, plus dense. À l’évidence, leur localisation est également très dépendante de la structure sociale et spatiale des villes. Les enclosures se concentrent en effet essentiellement dans les quartiers résidentiels de classes moyennes à aisées – bien que, dans les cas de Nairobi et d’Ibadan, l’on en trouve aussi dans certains quartiers populaires.

7Johannesburg (Carte 1), ville ségrégée s’il en est, présente un contraste structurant entre les anciens quartiers blancs, dans la partie nord de la ville – espaces suburbains relativement aisés - et les anciens espaces non-blancs, townships denses localisés pour leur majorité dans le sud de la métropole (Soweto en étant l’exemple le plus célèbre). Les enclosures, apanage des quartiers aisés, se concentrent donc dans les quartiers nord de la ville, et en particulier dans la partie nord-est, l’ancienne municipalité de Sandton et l’actuelle zone de croissance économique et urbaine. La métropole, après plusieurs restructurations successives du gouvernement local, est gérée par un conseil métropolitain unifié et puissant.

Carte 1

Johannesburg : localisation des enclosures (2004)

Carte 1

Johannesburg : localisation des enclosures (2004)

8Nairobi (Carte 2) est marquée par un très fort étalement urbain. Gouvernée par un conseil métropolitain (divisé en trois municipalités – Westlands, Eastlands et Southlands, elles-mêmes subdivisées en huit secteurs administratifs), la métropole, marquée par son passé colonial, est assez ségrégée. La partie occidentale est plutôt aisée, tandis que la partie orientale, très densément peuplée, est plus populaire ; le Southlands est mixte, mêlant quartiers informels et quartiers de classes moyennes. Les enclosures se localisent principalement dans les quartiers de classes moyennes et aisées (Mountain View, Lavington, Thomson, Buruburu) mais aussi dans certains quartiers populaires formels (Ayani, Olympics), notamment les cités municipales.

Carte 2
Carte 2

9Ibadan (Carte 3), de taille plus réduite, est divisée en cinq districts administratifs sans grands pouvoirs. Sa structure, marquée par la période coloniale, oppose un centre taudifié à des périphéries plus variées, où se localisent notamment les quartiers aisés. Les enclosures sont courantes à la fois dans les quartiers aisés (Old Bodidja, New Bodidja, Iyaganku, Oluyole, Akobo Estates), et dans les quartiers populaires denses (Agbowo, Bashorun, Feleye, Challenge et Molete).

Carte 3
Carte 3

Fermer sa rue : contrôler l’espace et le temps

10La fermeture d’une rue obéit à des logiques sécuritaires, et plus généralement à la quête d’un plus grand contrôle des résidants sur leur environnement immédiat. Les formes de ce contrôle varient considérablement dans les trois villes, en dépit de leur instrument commun, l’enclosure : elles témoignent des pratiques considérées ou non comme légitimes par les résidants de chaque société urbaine.

11À Ibadan, le contrôle porte avant tout sur le temps : la plupart des grilles et des barrières sont ouvertes durant la journée, mais totalement fermées de nuit (Photo 1). Des arrangements peuvent être trouvés pour permettre à un résidant de rentrer chez lui après minuit ; mais c’est loin d’être toujours le cas, et cela doit faire l’objet d’une négociation entre le retardataire et le résidant qui conserve la clef. Ce couvre-feu est à l’évidence un obstacle majeur à la circulation, notamment pour les patrouilles nocturnes de la police ou pour les cas d’urgence. Pour des raisons financières en effet, il est rare qu’un garde soit formellement en charge de la grille, d’où ce choix radical : il faut que la grille soit ouverte ou fermée !

Photo 1

Une grille à Ibadan

Photo 1

Une grille à Ibadan

© Seyi Fabiyi, 2004, Ibadan. Cette grille a été disposée sur la route qui relie un quartier de petites classes moyennes (dans Old Bodija), au quartier populaire et commerçant de Sandogo. La fermeture initiale (à des horaires particulièrement étendus, de 20h00 à 6h00 du matin) est devenue permanente, avec la multiplication des délits dans le quartier – d’où l’aspect abandonné de la grille.

12À Johannesburg, le contrôle s’opère avant tout sur l’espace : chaque enclosure dispose au moins d’une entrée surveillée en permanence par un agent de sécurité - les autres accès étant fermés aux automobiles, offrant parfois un accès piétonnier ouvert en journée. Cet agent de sécurité n’a pas le droit de refuser l’entrée à qui que ce soit, mais il peut relever les plaques d’immatriculation ou mémoriser les traits du visiteur. Il agit donc essentiellement comme agent de prévention et de dissuasion (Photo 2).

Photo 2

Les enclosures à Johannesburg : un contrôle sur l’espace et le temps

Photo 2

Les enclosures à Johannesburg : un contrôle sur l’espace et le temps

© Claire Bénit-Gbaffou, 2006, Johannesburg. Cette entrée principale de l’enclosure de Sandhurst montre plusieurs degrés de contrôle de l’accès, en fonction du moment de la journée. Pendant les heures de pointe, la grille est ouverte, la barrière levée, et les agents de sécurité se contentent de contrôler le passage du regard, depuis leur cabane. Hors heures de pointes dans la journée, la barrière est active, manipulée par les gardes. La nuit, la grille est fermée et maniée par le garde également. Tous les agents de sécurité appartiennent à une compagnie privée, qui s’occupe également de patrouiller le quartier.

13À Nairobi, la situation est intermédiaire : un accès piéton est généralement garanti en permanence (en tout cas de jour), tandis que la grille ou la barrière est fermée, sans garde – mais peut être ouverte par chaque résidant, qui dispose d’une clef.

14À Ibadan comme à Nairobi, le type de fermeture dépend du niveau socio-économique du quartier. Le système le moins coûteux est la barrière, qui empêche le trafic automobile mais laisse passer les piétons (voir photos 3 & 5). Ces barrières sont présentes dans les quartiers populaires (informels ou taudifiés) d’Ibadan, tandis qu’on les trouve surtout dans les quartiers de classes moyennes, associés à des grilles, à Nairobi. Un peu plus coûteuses sont les grilles (habituellement ouvertes de jour, fermées la nuit) ; les quartiers les plus riches se dotent quant à eux de grilles gardées par un agent de sécurité.

Photo 3

Une barrière dans un quartier de classes moyennes à Nairobi

Photo 3

Une barrière dans un quartier de classes moyennes à Nairobi

© Samuel Owuor, 2003, Nairobi. Cette barrière est localisée dans le quartier de classes moyennes de Ngummo Estate. Elle prévient l’accès automobile, mais laisse passer les piétons sans contrôle. La barrière, qui reste fermée en permanence, est une façon de contraindre les automobilistes à emprunter l’entrée principale (non visible sur la photo).

15Le type de fermeture choisi est également très lié à la taille de l’enclosure : plus le système est sophistiqué, plus l’enclosure doit être grande, pour faire baisser le coût par ménage. À Nairobi et Ibadan, les enclosures sont relativement petites, comptant entre 20 et 100 logements ; à Johannesburg elles sont beaucoup plus vastes, de 20 à 500 ménages. Même en prenant en compte cette différence, le coût de l’enclosure par ménage demeure contrasté entre les trois villes. À Nairobi, il est compris entre 5 et 15 euros par mois et par ménage ; à Ibadan (où l’on emploie plus rarement un garde), chaque ménage paie entre 1 et 10 euros par mois (Fabiyi 2005). À Johannesburg, le coût mensuel varie entre 40 et 150 euros.

Enclosures et structure du réseau viaire : enclaves, labyrinthes et culs-de-sac

16La cohésion sociale locale, la nature du contrôle et le coût de l’enclosure ne sont pas les seuls facteurs explicatifs de sa forme ni de son impact sur la ville : la structure du réseau viaire joue également un rôle majeur. À cet égard, chacune des trois villes a développé différents modèles (Figures 1 à 9).

17De manière générale, les trois villes ont en commun les deux formes d’enclosures les plus simples : le cul-de-sac et la fermeture d’une rue unique. Toutefois, on peut signaler des différences sensibles au sein de ce modèle élémentaire : à Johannesburg (Figure 1), l’enclosure est très rigide, souvent composée d’une porte contrôlée électroniquement par les résidants d’un côté, d’une fermeture permanente par une grille de l’autre ; tandis qu’à Ibadan (Figure 4), la grille commandant l’entrée principale reste ouverte durant la journée, et la barrière à l’autre extrémité est souvent maniée par un garde.

18Plus intéressante est la comparaison entre des formes complexes d’enclosures, qui mettent en jeu plusieurs rues et imposent plusieurs points d’entrée. À Johannesburg (Figures 2 & 3), la structure du réseau viaire est très proche de la grille nord-américaine (grid pattern), ce qui implique un nombre élevé de points de contrôle ou de fermeture. La volonté de limiter les coûts de fonctionnement conduit à réduire autant que possible le nombre de points d’entrée (gardés), et de multiplier les fermetures permanentes. Cela conduit à des formes d’enclaves, qui perturbent fortement la lisibilité du réseau métropolitain (Photo 4) et qui sont en définitive rarement traversées par les citadins extérieurs à l’enclosure. Même pour les résidants, le nombre limité de points d’entrée conduit à l’accroissement des distances parcourues pour rejoindre les artères principales, et parfois à des embouteillages au point d’entrée, lors des heures de pointe. La structure ici se différencie peu de celle d’une gated community, au nombre limité de points d’entrée.

JOHANNESBURG

Figure 1

Enclosure de rue isolée ou en croissant

Figure 1

Enclosure de rue isolée ou en croissant

Figure 2

Enclosure à rues multiples, entrée unique

Figure 2

Enclosure à rues multiples, entrée unique

Figure 3

Enclosure à rues multiples, entrées multiples

Figure 3

Enclosure à rues multiples, entrées multiples

JOHANNESBURG

Photo 4

Une nouvelle signalétique urbaine à Johannesburg ? Des plans de quartier pour sortir des labyrinthes suburbains

Photo 4

Une nouvelle signalétique urbaine à Johannesburg ? Des plans de quartier pour sortir des labyrinthes suburbains

© Claire Bénit, 2005, Johannesburg. Ce plan des rues et des accès a été érigé par un groupe de résidants suburbains du quartier enclos de Hurlingham. La multiplication de tels panneaux montre la difficulté croissance de circulation et de repérage au sein de ces espaces résidentiels de plus en plus privatisés.

19À Ibadan, les enclosures ne sont pas faites pour interdire les circulations au cours de la journée. Les barrières, formelles ou informelles (Figure 5), et les grilles (Figure 6) ne créent dont pas de réelles enclaves comme à Johannesburg, en partie parce que la structure du réseau viaire, différent de la « grille », ne permettrait aucun accès à certaines parties de la ville en cas de fermeture totale d’une rue. Le modèle d’enclosure crée donc davantage un labyrinthe qu’une série d’enclaves, où le citadin mobile doit passer à travers un certain nombre de sas (porte ouverte mais marquant une limite, ou barrière qui doit être levée) pour accéder à sa destination. Cela signifie également que la mobilité nocturne est parfois totalement paralysée, dans les zones où les barrières et grilles sont fermées sans agent de sécurité pour les manipuler.

IBADAN

Figure 4

Enclosure de rue isolée, quartier populaire ou de classes moyennes

Figure 4

Enclosure de rue isolée, quartier populaire ou de classes moyennes

Figure 5

Enclosure à entrées multiples et à barrières, quartiers populaires

Figure 5

Enclosure à entrées multiples et à barrières, quartiers populaires

Figure 6

Enclosure à entrées multiples, quartier de classes moyennes à aisées

Figure 6

Enclosure à entrées multiples, quartier de classes moyennes à aisées

IBADAN

20À Nairobi, les enclosures sont les plus fréquentes dans les quartiers formels, notamment les lotissements (qui peuvent atteindre de fortes densités). C’est à l’échelle de la courée, et parfois à celle du lotissement, que l’on retrouve des fermetures de rues, la plupart sous forme de cul-de-sac ou de croissant (Figures 8 & 9). Il y a donc en réalité relativement moins d’impact que dans les deux autres villes sur les mobilités métropolitaines. Néanmoins, dans les quartiers les plus aisés, les enclosures prennent plus d’ampleur et affectent davantage le trafic.

NAIROBI

Figure 7

Enclosure en croissant

Figure 7

Enclosure en croissant

Figure 8

Enclosure de courrées - quartier de classes moyennes à aisées

Figure 8

Enclosure de courrées - quartier de classes moyennes à aisées

Figure 9

Enclosure de lotissement, quartier de classes moyennes à aisées

Figure 9

Enclosure de lotissement, quartier de classes moyennes à aisées

NAIROBI

Enclosures et perméabilité métropolitaine

21Le réseau viaire est censé permettre et encourager les mobilités – de personnes et de biens – à l’échelle métropolitaine. Lorsque certains segments ou liens au sein de ce réseau sont retirés de l’usage public, cela ne peut qu’affecter l’efficacité de ce réseau et du système métropolitain de mobilités dans son ensemble. Les problèmes rencontrés sont alors multiples (Landman, 2004, Fabiyi, 2004). En particulier, les enclosures détournent le trafic des rues résidentielles vers les axes principaux voisins : la concentration du trafic y provoque une congestion automobile croissante, ainsi qu’une dégradation plus rapide de ces routes liée à leur surfréquentation. Il en résulte une augmentation des distances parcourues et du temps de parcours des usagers – les résidants, les travailleurs domestiques et autres travailleurs, mais aussi les visiteurs ou les automobilistes dans leur ensemble. Ceci pose un problème particulièrement aigu aux services d’urgence (ambulances, pompiers, police) : l’accès aux activités (Photo 5) et aux équipements publics (parcs, hôpitaux, écoles) localisés dans les enclosures, le fonctionnement des services urbains élémentaires (service d’eau, d’électricité et de ramassage des ordures), sont rendus plus difficiles, obligeant parfois à d’importants détours. Enfin, la lisibilité urbaine s’en trouve affectée, d’autant plus que ces enclosures sont informelles et changeantes [2].

Photo 5

Barrière sur une rue commerçante à Ibadan

Photo 5

Barrière sur une rue commerçante à Ibadan

© Seyi Fabiyi, 2004, Ibadan. Cette barrière a été érigée dans le quartier populaire et très commerçant d’Agbowo. Maintenue à un niveau élevé de jour, pour permettre le passage de voitures et de petits camions (mais empêcher la circulation des poids lourds), elle est descendue la nuit – prévenant tout trafic automobile, avec apparemment une efficacité mitigée, si l’on en juge par les avertissements excessifs de la pancarte (ornée d’une tête de mort accompagnée du mot « Danger »).

22L’indice de perméabilité (ou connectivité), développé par Haggett (1977) et par Lowe et Moryadas (1975), constitue une forme de mesure de l’impact des enclosures sur les mobilités, permettant de comparer des degrés d’accessibilité entre quartiers ou entre villes. Cet indice est construit en rapportant le nombre de liens réels existants au sein d’un réseau donné (les accès fermés – barrières et grilles – n’étant donc pas des liens réels existants) au nombre maximal de liens possibles (prenant en compte toutes les rues, qu’elles soient fermées ou non).

23Ibadan apparaît plus « perméable » que le nord de Johannesburg (Cartes 4 & 5) : le taux de perméabilité général pour le nord de Johannesburg est en effet très bas (0,45), tandis que si l’on considère l’ensemble d’Ibadan, où les enclosures sont moins concentrées, le taux s’élève à 0,87. Toutefois, à l’échelle des quartiers, la circulation est plus difficile à Ibadan – les taux de perméabilité sont fréquemment inférieurs à 0,24 et parfois même quasi-nuls, ce qui signifie que la rue fermée est l’unique accès possible à certains espaces. À Johannesburg en revanche le taux de perméabilité reste supérieur à 0,24, ce qui signifie que même si les contraintes à la mobilité sont nombreuses (et plus concentrées dans l’espace), elles conduisent moins souvent à l’absence totale d’accessibilité.

Cartes 4 et 5

Indice de perméabilité à Ibadan (carte 4 à gauche) et à Johannesburg (carte 5 à droite)

Cartes 4 et 5

Indice de perméabilité à Ibadan (carte 4 à gauche) et à Johannesburg (carte 5 à droite)

24Toutefois, il reste difficile de tirer de cet indice des conclusions sur l’impact en termes de congestion automobile et donc de mobilités : il faudrait pouvoir pondérer l’effet des contraintes en termes d’accès absolu et celui des contraintes en termes de concentration spatiale des fermetures.

Les enclosures comme territoires : dynamiques d’intégration et d’exclusion

25On ne peut comprendre les logiques d’une telle réduction de l’efficacité urbaine, en termes de mobilités et de lisibilité, qu’en opérant un changement de l’échelle d’analyse, qui confère à l’espace de la rue un sens différent : d’un élément du réseau viaire métropolitain à un territoire défensif défini localement. À l’échelle locale en effet, les enclosures sont à analyser comme le produit d’un groupe de résidants mettant leurs ressources en commun pour protéger ce qu’ils définissent comme leur territoire, dans un contexte d’insécurité. Ces initiatives conduisent à la construction d’un territoire, défini ici, en suivant Sack (1986), comme une tentative d’« affecter, influencer ou contrôler des gens, des phénomènes et des relations en délimitant et en affirmant un contrôle sur un espace géographique ». Dans ce processus de construction de territoires, dont les limites sont l’objet d’âpres discussions voire de conflits, l’on constate à la fois des dynamiques d’intégration et d’exclusion (Elias et Scottson, 1965), à différentes échelles.

Les enclosures comme territoires d’intégration

26Les suburbs aisées des grandes villes sont généralement marquées par le primat de l’individualisme conduisant souvent à un sentiment d’isolement, accru par un fort sentiment d’insécurité qui conduit les résidants à ceindre leur propriété de hauts murs et à limiter le temps passé dans la rue. Cependant, l’instauration d’un contrôle collectif sur l’espace engendre une forme de vie de quartier. En premier lieu, la mise en place d’une enclosure, puis la gestion de son fonctionnement, requièrent des débats, des consultations ou du moins des rencontres (Bénit, 2004). En outre, il est fréquent de voir les associations de résidants fondées sur la question sécuritaire étendre leurs prérogatives à d’autres domaines de la gestion urbaine quotidienne, comme l’entretien de l’environnement, le ramassage des ordures, la réfection des trottoirs (Owuor and Nyandega, 2003).

27L’enclosure transforme également les pratiques quotidiennes de la rue, qui ne sont plus prioritairement des espaces de circulation, mais deviennent des supports de la vie de quartier. La suppression ou la limitation du trafic automobile traversant permet aux enfants du quartier de jouer dans la rue ; la pratique du jogging s’y développe. En d’autres termes, l’enclosure encourage l’émergence de nouveaux usages de la rue, jusqu’alors interdits ou limités par la prévalence du trafic automobile autant que par le sentiment d’insécurité. Plus généralement (et c’est aussi l’argument des résidants des gated communities pour justifier d’un autre « style de vie »), le sentiment relatif de sécurité à l’intérieur de l’enclosure incite les résidants à s’approprier la rue comme espace de vie, et non plus seulement comme espace craint de la circulation obligée. Évidemment, ces nouveaux usages sont contrôlés et plus ou moins restreints à des usagers sélectionnés en fonction de critères sociaux essentiellement (Encadré 1).

Encadré 1 – La rue fermée à Johannesburg, une nouvelle vie sociale ?

« Mon mari est opposé à l’enclosure ; moi je suis plus ambivalente… la circulation a baissé, ça c’est une certitude. Les enfants jouent dans la rue, font du vélo. […] Désormais il y a des groupes d’employées domestiques qui se rassemblent dans la rue. Il y a des femmes et des jeunes filles qui marchent dans la rue, qui traversent notre quartier à pied : on a créé une rue très sûre. [Mais c’est vrai,] il y a aussi moins de gens qui viennent frapper à notre porte pour demander à manger… »
(Résidante d’enclosure à Observatory, Johannesburg).

28La construction de ce territoire défensif ne va pas toutefois sans conflits pendant la phase initiale et complexe de mise en place de l’enclosure, puis pendant celle plus quotidienne de son fonctionnement. Le processus requiert une intense mobilisation, des débats parfois passionnés et une forte pression collective. Idéalement, tous les résidants sont censés être membres de l’association ad hoc et contribuer (également ou selon leurs moyens) au coût de fonctionnement de l’enclosure. Mais les non-payeurs ou free-riders sont fréquents, et ce d’autant plus que l’enclosure est grande (Fabiyi, 2005).

29Les formes de la pression sociale collective varient selon les villes et le niveau socio-économique des quartiers. À Nairobi, certaines associations de résidants affichent la liste des mauvais payeurs au point d’entrée de l’enclosure ; d’autres demandent aux gardes de ne pas se soucier, en cas d’incident, de leur sécurité. À Johannesburg, certains résidants affichent sur leurs murs leur participation (« Contributeur à l’enclosure », « j’ai payé ma part, et vous ? » : Angot, 2006). D’autres tiennent à jour une base de données recensant les contributeurs, les non-contributeurs et les nouveaux venus qu’il faut persuader (ayant parfois construit un accord avec les agents immobiliers travaillant localement, fondé sur l’échange d’informations et le marketing d’un quartier « sûr » et « à la vie collective dynamique »). À Ibadan, où les enclosures ne se limitent pas aux quartiers aisés et où les fermetures nocturnes sont d’usage, le contrôle social est plus important encore. Les conflits peuvent aussi émerger entre différents groupes de population – notamment entre les jeunes, privés par l’enclosure d’accès aux loisirs nocturnes, et les plus âgés. Dans la plupart des cas, la pression sociale est surtout élevée dans les quartiers populaires, car les résidants pauvres (outre qu’ils ne disposent pas, comme les plus riches, de moyens de protection individuelle) dépendent davantage de leurs voisins en termes d’accès aux ressources en général : l’exclusion du réseau social local peut être dramatique. De plus le recours à la violence physique, notamment collective, y est banal (Encadré 2).

Encadré 2 – La pression sociale, plus élevée en quartier populaire (Ibadan)

« Il y avait des attaques à main armée en séries dans le quartier il y a quelques années. Le fils d’un des membres du Bureau [de l’association de quartier fermé] a été arrêté par la police en lien avec un crime. Lorsqu’il a été relâché, on lui a fait signer un mémo disant que les voleurs armés ne rentreront plus jamais dans ce quartier. Il était réticent mais on l’a forcé à signer. Il a signé… et depuis on a la paix dans le quartier. Tout ça n’aurait pas été possible dans les quartiers riches… » (Président de l’Association locale d’Akingbola).
« Tous les propriétaires du quartier ont accusé un résidant d’aider les criminels et de leur vendre des munitions. On lui a demandé de quitter le quartier mais il a dit non. Alors on a appelé la police, mais comme on n’avait pas de preuves, ils ne pouvaient rien faire. Pour éviter des violences, la police lui a quand même conseillé de quitter le quartier, mettre son logement en location et venir chercher son loyer au commissariat de police. En fait on lui a interdit d’entrer dans le quartier. Il s’y est plié récemment. Il a demandé à la communauté l’autorisation de regagner son logement, mais on lui a dit non ». (Secrétaire de l’Association de Propriétaires Akobo Ojurin).

30Toutefois, il serait erroné de sous-estimer la cohésion sociale de certaines associations en quartier aisé. Les comités d’enclosures ont souvent un niveau élevé d’organisation et de mobilisation, rendu nécessaire par le caractère volontaire des contributions des résidants (qu’il faut donc sans cesse convaincre), et surtout par le caractère politique de l’enclosure – qui, privatisant un espace public, confronte ouvertement la municipalité (voir infra). Là est peut-être une différence importante, au moins initiale, avec ce qui a été constaté en gated community, à savoir une vie collective réduite au minimum.

Les conflits de mobilité à l’échelle locale

31Les conflits à propos des enclosures portent en particulier sur les contraintes de mobilité qu’elles entraînent, particulièrement à l’échelle locale. Les employées domestiques à Johannesburg, par exemple, voient leurs trajets piétons rallongés, car les taxis collectifs (leur moyen de transport privilégié) ne peuvent plus accéder à l’intérieur des quartiers résidentiels. Toutefois, leur position à l’égard des enclosures n’est nullement univoque : beaucoup affirment que l’enclosure a accru leur sentiment de sécurité (Mabin et Harrison, 2006). Certaines mesures peuvent être prises pour faciliter les circulations piétonnes, comme des passages piétons aménagés dans les grilles. À Johannesburg c’est d’ailleurs souvent une condition pour la légalisation de l’enclosure par la municipalité. À Nairobi et à Ibadan, ces passages piétons ont parfois été aménagés spontanément (Photo 6) – et, dans le cas des simples barrières, le passage piéton est possible à tout moment (Photo 3 & 5).

Photo 6

Un passage piéton aménagé dans une grille (Ibadan)

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Un passage piéton aménagé dans une grille (Ibadan)

© Seyi Fabiyi, 2004, Ibadan. Ce quartier relativement aisé, localisé à Old Bodija (Ibadan), s’est doté d’une enclosure formelle, gardée en permanence par un agent de sécurité et patrouillée par des maîtres-chiens. Pour ne pas gêner les circulations piétonnes, un passage a été aménagé dans la grille, et reste ouvert en permanence dans la journée.

32Les circulations automobiles sont plus problématiques encore. Les enclosures sont en effet avant tout destinées à prévenir l’accès automobile, en particulier pour se prémunir des agressions motorisées devenues courantes à Johannesburg et à Ibadan – le criminel suivant sa victime en voiture jusqu’à son domicile et profitant de l’arrêt devant la porte pour le dévaliser. À Nairobi, ce sont aussi les taxis collectifs que les enclosures tentent d’exclure du quartier, pour des raisons de confort plus que de sécurité. Ainsi, dans les lotissements de Tena et d’Umoja I (Eastlands), certaines rues à l’intérieur du lotissement ont été barrées afin d’empêcher les taxis collectifs (matatus) de les utiliser comme raccourcis durant les heures de pointe. Selon les résidants, ces passages quotidiens occasionnent des accidents autant que toutes sortes de nuisances (musique à fort volume sonore et nuages de poussière). Toutefois, les opérateurs de matatus, rendus furieux par la suppression de « leur » raccourci vers Kayole et Umoja II, ont à plusieurs reprises détruit les grilles, qui ont dû être abandonnées par les résidants (Photo 7), à cause du coût prohibitif de réparations devenues chroniques, et sans doute également par peur des compagnies de matatus dont certaines s’apparentent à des mafias [3].

Photo 7

Une grille abandonnée à Tena estate (Nairobi, Eastlands)

Photo 7

Une grille abandonnée à Tena estate (Nairobi, Eastlands)

© Samuel Owuor, 2003, Nairobi. Malgré l’affiche « Passage interdit » (No through road), la grille est grande ouverte. Les résidants de Tena l’ont installée pour empêcher les matatus d’utiliser la route comme raccourci vers Umoja II and Kayole. Toutefois, les conducteurs de taxis n’ont cessé de forcer le passage, et les résidants ont finalement renoncé à tenter de l’interdire.

33Les conflits peuvent aussi émerger entre groupes de résidants voisins, comme ce fut le cas à propos de l’enclosure de Sandhurst à Johannesburg. L’enclosure est contestée par le quartier voisin de Hyde Park, dont les résidants utilisaient les rues pour se rendre au centre d’affaires et de commerce de Sandton (Carte 6). Ils se plaignent aussi de l’apparition d’importants embouteillages autour du lycée de Hyde Park, dont l’accès est gêné par l’enclosure. Ils ont donc « pris la loi entre leurs mains » et plusieurs fois détruit physiquement les barrières contestées – ce fut notamment l’œuvre d’un résidant particulièrement mobilisé contre l’enclosure, dont la conjointe malade était mise en danger par la difficulté d’accès des ambulances à leur domicile. L’association de résidants de Sandhurst a répliqué en boycottant le centre commercial de Hyde Park ; l’affaire est actuellement devant les tribunaux.

Carte 6

L’enclosure de Sandhurst, ferment de conflits interquartiers

Carte 6

L’enclosure de Sandhurst, ferment de conflits interquartiers

Les enclosures, territoires de l’exclusion

34Surtout, les enclosures, territoires principalement défensifs, produisent d’importants mécanismes de ségrégation et d’exclusion tant aux échelles locale que métropolitaine.

35À l’échelle locale, elles contrôlent et réduisent l’accès au quartier des non-résidents (automobilistes et piétons), considérés comme des menaces à la sécurité et au bien-être local - surtout lorsqu’ils appartiennent à une classe sociale jugée inférieure à celle du quartier ; et, parfois, à certains groupes ethniques ou raciaux, comme c’est le cas respectivement à Nairobi et à Johannesburg. Les enclosures matérialisent souvent des barrières sociales – même si la prévention de l’accès est plus symbolique que matérielle (puisque, dans la plupart des cas, l’accès piéton est possible).

36Ainsi, de nombreuses enclosures ont été créées dans les quartiers jouxtant des espaces socialement plus défavorisés : à Nairobi les résidants de Mountain View Estate ont érigé une barrière pour écarter les résidants de Kawangware, un quartier informel voisin qui s’étend rapidement ; ceux de Kimathu (Eastlands) ont établi une barrière dans toutes les rues bordant le quartier populaire voisin d’Eastleigh. C’est aussi le cas à Johannesburg, même si la proximité spatiale de quartiers socialement contrastés est plus rare du fait de l’héritage de la ville d’apartheid hyper-ségrégée. Ainsi, le quartier suburbain d’Observatory a construit plusieurs enclosures pour se protéger du quartier dense et taudifié de Yeoville (Photo 8). L’enclosure constitue à la fois une barrière matérielle pour limiter la circulation de vendeurs de drogues et de prostituées (usagers habituels des rues d’Observatory plus discrètes et tranquilles que celles de Yeoville) et une barrière symbolique pour tenter de freiner la « vague » de déclin urbain qui semble balayer le centre-ville d’ouest en est (Photo 8). L’originalité du cas de Johannesburg est que ces barrières sociales se doublent de barrières raciales – les résidants aisés restant, malgré le développement rapide d’une classe moyenne noire, majoritairement blancs tandis que les plus pauvres sont dans leur immense majorité noirs.

Photo 8

L’enclosure n’empêche pas la taudification

Photo 8

L’enclosure n’empêche pas la taudification

© Claire Bénit, 2003, Johannesburg. La grille a été installée pour faire frontière entre Yeoville, quartier dense et populaire, haut lieu de l’immigration (voir les immeubles à l’arrière-plan), et Observatory, quartier surburbain de classes moyennes. Supposée maintenir à l’écart les prostituées, dealers de drogue et délinquants en provenance de Yeoville, la grille n’a toutefois pas empêché certaines formes de taudification d’Observatory (sur la gauche, une maison abandonnée et squattée).

37Les enclosures ne sont donc pas uniquement des instruments de prévention de la criminalité, elles jouent aussi un rôle de gestion des inégalités sociales dans la proximité spatiale. Elles encouragent la mise en pratique de mécanismes quotidiens de ségrégation et de tri de la population, en fonction des préjugés locaux sur la nature des groupes indésirables. La définition même des limites de l’enclosure est l’occasion d’exprimer de micro-différenciations sociales, dont la meilleure illustration est fournie par l’évolution des enclosures à Ibadan : au sein des enclosures de Salami Estates et d’Onikere, les résidants les plus aisés ont fait sécession, établissant leur propre association et érigeant leur propre enclosure (gardée en permanence par un agent de sécurité), à l’intérieur de la première, plus vaste et moins surveillée…

38Les enclosures produisent donc un sentiment d’exclusion fort – qui peut également être ressenti par les quartiers voisins, soit parce qu’ils sont directement menacés par un effet de domino (les criminels reportant leur activité sur les quartiers non enclos), soit parce qu’ils se sentent discriminés et stigmatisés comme dangereux (Bénit, 2004).

39Enfin, les effets de ségrégation peuvent aussi se lire à l’échelle métropolitaine, dans l’inégalité d’accès à la sécurité, bien de moins en moins considéré comme « public » du fait de sa gestion privatisée et de plus en plus locale. L’enclosure représente, à Johannesburg notamment, un privilège [4] auquel les plus pauvres n’ont pas accès (mais aspirent souvent), du fait de son coût élevé. Surtout, la logique d’un accès inégal, micro-local et privatisé, à la sécurité dépasse largement le phénomène des enclosures ; elle est d’ailleurs encouragée par les politiques publiques de prévention de la criminalité, fondées sur les partenariats, sur l’attention à l’environnement spatial et urbain et sur la recherche de solutions « de proximité » adaptées aux contextes locaux (Bénit-Gbaffou, à paraître).

Les enclosures dans les débats métropolitains : un défi à la gouvernance urbaine

40Au-delà de ces contextes matériels et sociaux variés, les enclosures sont aussi perçues différemment en fonction des contextes politiques locaux et nationaux – qui peuvent avoir une grande influence sur leur forme et sur leur fonctionnement.

41Les trois pays ont entamé et parfois achevé d’importantes réformes de l’appareil de police, instaurant notamment des formes de police communautaire (community policing) [5] à la fin des années 1990 : 1995 en Afrique du Sud (Bénit, 2004) ; 1997 au Kenya (Ruteree et Pommerolle, 2003), années 2000 dans les États du Nigeria (Fourchard et Albert, 2003). Ce n’est pas une coïncidence, en dépit de systèmes policiers très différents : la police communautaire fait partie d’un modèle global, originaire des États-Unis et promu par les grandes institutions internationales [6] – qui considèrent que la sécurité est une condition préalable à la croissance et à l’investissement. Ces réformes, qui se sont imposées dans des contextes historiques de faible présence ou efficacité policières (Fourchard, 2006), de forte privatisation des forces de sécurité (Irish and Schonteich, 1999), de formes d’autodéfense plus ou moins tolérées par les États (Fourchard, 2006 ; Sekhonyane and Louw, 2002 ; Maupeu, 2002), peuvent être comprises comme un encouragement à « se faire justice soi-même ». Elles promeuvent en effet l’idée de coproduction de la sécurité par les résidants, à l’échelle de leur environnement immédiat. Dans ce cadre, les enclosures comme forme de gouvernance locale de la sécurité sont souvent la continuation logique d’initiatives communautaires de sécurité, comme la surveillance du voisinage (Bénit-Gbaffou, à paraître).

42Le statut des enclosures varie toutefois considérablement selon la ville : Johannesburg dispose d’une législation municipale réglementant les enclosures ; Ibadan n’en a aucune, tandis que la municipalité de Nairobi, sans législation spécifique, incite les associations de résidants à s’enregistrer et à légaliser leur enclosure. Ceci influe sur la localisation des enclosures dans la ville : alors qu’elles n’ont pu perdurer que dans les quartiers les plus riches de Johannesburg (qui avaient les moyens d’entamer une procédure de légalisation) [7], elles sont présentes dans les différentes strates sociales à Ibadan et à Nairobi. Surtout, le degré de formalisation témoigne du rapport de forces fluctuant entre associations de résidants et pouvoirs publics, dont chacun cherche à établir la prééminence de son échelle d’intervention (locale contre métropolitaine) dans la gouvernance urbaine [8].

Une majorité d’enclosures informelles, mais une formalisation croissante

43À Nairobi comme à Ibadan, le degré de formalisation et de professionnalisation des enclosures est très bas : la majorité est informelle, spontanée et ad hoc, tandis que seule une minorité des enclosures est enregistrée et légalisée, dans les quartiers les plus riches uniquement (Encadré 3). À Johannesburg, où la tradition d’intervention de l’État et l’appareil administratif sont plus forts – ce qui a permis la formulation et l’application au moins partielle d’une politique spécifique sur les enclosures – la grande majorité d’entre elles est formalisée et, sinon légale, du moins en attente de légalisation.

Encadré 3 – Degrés contrastés de formalisation à Nairobi : Mountain View versus Buru-Buru Estates

Les résidants de Mountain View, un quartier aisé situé dans l’Ouest de Nairobi, se sont constitués en association (MVERA). Le lotissement comporte environ 300 maisons individuelles organisées en courées. Bien que chaque maison comporte son entrée individuelle et ses propres agents de sécurité, MVERA a affiché le besoin de mettre en place une initiative collective de sécurité pour contrôler l’accès au lotissement, bordé par un quartier informel. MVERA, association formelle et enregistrée, est gérée par un professionnel et s’occupe de la gestion collective de la sécurité mais aussi des services urbains quotidiens – ramassage des ordures, nettoyage des rues et des canaux de drainage, éclairage public et entretien des espaces verts. La souscription annuelle est de 137 euros par an, soit 11 euros par mois et par ménage. MVERA a engagé une compagnie privée de sécurité qui fournit véhicules de patrouilles, gardes sur bicyclettes ou piétons, avec contact radio pour tous les agents. MVERA a décidé depuis 2003, pour renforcer la sécurité, que tous les agents de sécurité indépendants engagés par les courées ou les ménages individuels seront désormais coordonnés par cette même compagnie privée.
Contrairement au cas de MVERA, les résidants de Buru-Buru Estate, un vaste quartier de classes moyennes situé dans l’est de la ville, ont établi des associations et des systèmes de sécurité beaucoup plus informels. Buru-Buru Estates (phases 1 à 5) a la plus forte concentration d’enclosures et d’associations locales de la ville, à l’échelle de chaque courée. La première étape a consisté dans la fermeture des points de passage – à l’exception de l’entrée principale- au sein de chaque courée. L’entrée principale est surveillée par un garde, qui ouvre le passage aux résidants et surveille les visiteurs extérieurs. Les gardes sont payés en fonction des moyens de chaque ménage – chacun négocie sa contribution avec eux, en moyenne 6 euros par mois.

44Cela n’est pas sans conséquence sur la nature des agents de sécurité engagés par les résidants. S’ils sont relativement encadrés, contrôlés et formés à Johannesburg (appartenant à des compagnies de sécurité enregistrées : Berg, 2003), ce n’est le cas ni à Ibadan ni à Nairobi (Owuor and Nyandega, 2003), où il s’agit d’individus employés par les résidants sur une base locale. À Ibadan toutefois, la police a mis en place des arrangements pratiques afin de superviser, même marginalement, ces porteurs privés de l’ordre public : les associations de résidants sont censées accréditer leurs gardes auprès de la police. Toutefois, des milices ou groupes de vigilantes peuvent être engagés en dehors de ce cadre semi-formel : ainsi l’Oodua People’s Congress (OPC) [9], dont de nombreux membres sont utilisés comme agents de sécurité dans les enclosures des quartiers populaires, opère clairement hors de tout lien avec la police.

45La formalisation des associations de résidants au sein des enclosures est cependant une condition préalable à leur reconnaissance par les pouvoirs publics (policiers et municipaux), nécessaire à tout dialogue. À Johannesburg, le degré élevé de formalisation des enclosures ne peut se comprendre sans l’important cadre légal établi par la municipalité en 2003 [10]. Face à la multiplication des enclosures en effet, la municipalité a été contrainte de légiférer, en dépit de longues hésitations (Mabin et Harrison, 2006) dues à la difficulté de trancher entre sa condamnation théorique et morale de la ségrégation et de toute restriction à la liberté de mouvement d’une part, et le besoin pragmatique de trouver un moyen de protéger ses résidants aisés (et les investisseurs internationaux potentiels) du niveau élevé de criminalité, d’autre part. Le règlement a donc rendu obligatoire pour toute enclosure la demande de légalisation, qui n’est accordée que si elle suit un grand nombre de conditions assez contraignantes (Bénit, 2004). La construction d’un dossier de légalisation est ainsi coûteuse, techniquement et financièrement – de nombreuses enclosures au sein de quartiers modestes n’en avaient pas la capacité et ont été démantelées par la municipalité. En revanche, les comités d’enclosures les plus aisés ont pu sous-traiter la confection des dossiers à des compagnies privées ad hoc, ce qui a accéléré le processus de formalisation (Encadré 4).

Encadré 4 – La formalisation de la « communauté » au sein des enclosures johannesbourgeoises : une évolution nécessaire pour affronter la municipalité

La mise en place d’une enclosure est initialement la conséquence d’une forte mobilisation collective. Toutefois, ces liens sociaux évoluent rapidement vers des relations plus formelles et plus administratives, pour deux raisons :
  • Cette formalisation est rendue nécessaire par le degré élevé de technicité requis pour légaliser l’enclosure auprès de la municipalité, et dans le pire des cas pour poursuivre la ville en justice si elle refuse la légalisation. Ces exigences ont conduit à la création de deux fédérations (rivales) d’enclosures à Johannesburg : le Sandton Precinct, assez agressif, et le Combined Chairpersons Committee, qui se veut plus négociateur avec la Ville (bien qu’ayant été encouragé dans sa formation par le bureau d’avocats engagé dans les poursuites légales contre la Ville). Chaque fédération représente entre 30 et 50 quartiers enclos et joue le rôle de conseiller en matière de gestion et de légalisation des enclosures et de relations avec la municipalité. Elles représentent également le lobby des enclosures au sein des différents forums publics de discussion les concernant (comme la Commission Sud-Africaine pour les Droits de l’Homme).
  • Le deuxième motif de formalisation provient du poids de la gestion quotidienne de l’enclosure : les résidants se lassent vite de la collecte routinière – et ardue – des contributions individuelles, surtout lorsque la criminalité a diminué et que les résidants sont sortis de la logique d’urgence. Ils sous-traitent alors la tâche à des compagnies privées ad hoc, qui gèrent la collecte des contributions aussi bien que les relations avec la compagnie de sécurité privée.

46À Nairobi, bien qu’aucune législation spécifique ne soit en place et que les associations formelles demeurent une minorité, on remarque une tendance croissante à la formalisation des enclosures – car le besoin de reconnaissance par les pouvoirs publics devient plus pressant pour les groupes de résidants qui continuent d’attendre certaines interventions, même minimes, de l’État (comme des patrouilles policières ou l’entretien municipal de l’éclairage public). Selon l’objectif recherché, différentes associations peuvent demander leur enregistrement – de l’échelle de la courée (la plus efficace quant à la gestion quotidienne des espaces communs) à celle du lotissement (plus pertinente lors des négociations avec les pouvoirs publics). Une association peut ainsi demander la légalisation de son enclosure, sous certaines conditions établies par l’autorité locale (Encadré 5).

Encadré 5 – Le lobbying de Lavington Residents Association (LRA)

Le Président de l’association des résidants de Njumbi, s’alliant avec les représentants d’autres associations de résidants de Lavington – et sous le patronage de la Lavington Residents Association (LRA) – a rencontré les représentants officiels du département municipal de l’Urbanisme afin de discuter des besoins et préoccupations des résidants du quartier. Voici les recommandations et demandes exprimées devant la municipalité :
  • Fermeture de tous les kiosques illégaux à Lavington – certains pourront être consolidés et conservés.
  • Interdiction de la conversion du bâti résidentiel en locaux commerciaux (notamment en bars).
  • Interdiction du vol de l’eau.
  • L’association des résidants de Bernard Estate peut être autorisée à imposer une taxe aux poids lourds utilisant leurs rues : Les résidants souhaitent préserver le résultat de leur lourd investissement dans la rénovation du réseau routier du quartier.
  • L’accès au lotissement des non-résidants peut être restreint pour de raisons de sécurité.
  • Les développements résidentiels de forte densité, notamment les immeubles, doivent être découragés.
  • Les espaces envahis illégalement doivent retrouver leur fonction d’espace public et de loisirs.
Njumbi Newsletter Issue 11- March 2003

47À Ibadan, un édit local de 1987 [11] reconnaît le droit aux résidants d’établir des « groupes de vigilants » [12], chargés de surveiller les déplacements des passants et d’arrêter les personnes suspectes. Ils peuvent aussi, en théorie, veiller à la contribution financière de chaque résidant à l’association – notamment les nouveaux venus –, et sanctionner les resquilleurs [13]. Ce règlement, conférant aux résidants un pouvoir appréciable, peut également servir de base à l’établissement d’une enclosure – et d’un couvre-feu local. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard s’il a été édicté sous le régime militaire, pour faire face à une augmentation rapide de l’insécurité dans l’État d’Oyo : son objectif est principalement de transférer le coût de la sécurité aux résidants, une fois reconnue l’incapacité publique à lutter contre la criminalité.

48Dans les trois villes, la répartition des pouvoirs entre autorités publiques et groupes de résidants est donc incertaine, sans doute à cause du caractère contradictoire des politiques publiques qui cherchent d’un côté à conserver (ou établir) un contrôle sur les sociétés urbaines et leurs espaces, et de l’autre font montre d’une grande tolérance envers les initiatives sécuritaires locales - efficaces relativement à l’incapacité de l’État à assurer la sécurité civile, et dont le coût est porté principalement par les résidants. Cette répartition des tâches est toutefois l’objet de constantes redéfinitions et négociations, autour d’expériences locales qui sont parfois allées trop loin dans le sens d’une autonomie voire d’une sécession, et remettent en cause trop ouvertement l’autorité de l’État. Les enclosures en ce sens cristallisent des débats plus vastes sur le thème de la gouvernance et des rôles respectifs de l’État et de la société civile dans les choix cruciaux de politiques urbaines.

La question des enclosures, miroir des débats sur l’échelle légitime de gouvernement urbain

49À Johannesburg comme à Nairobi [14], la question des enclosures est le prétexte à une bataille pour le pouvoir et la légitimation de l’échelle locale de gouvernement urbain [15] – l’échelle du quartier – alors que l’échelle métropolitaine, considérée inefficace et inactive, est fortement contestée. Ce débat devient donc l’emblème de la question de la bonne échelle de gouvernance, opposant le niveau local, représentatif de la « communauté », échelle humaine et adaptée de gestion des affaires quotidiennes, au niveau métropolitain, à fonction de redistribution, de coordination et de planification à long terme. Il offre également une plateforme de débat à l’opposition politique, surtout lorsque l’échelle locale est la seule où cette opposition peut espérer gagner une représentation, comme c’est le cas en Afrique du Sud où l’ANC, parti dominant (Southall, 2001), laisse peu d’espace à des partis d’opposition faibles, minoritaires et fragmentés, si ce n’est à cette échelle locale.

50À Johannesburg, le débat a pris des formes violentes – la Ville de Johannesburg traitant les résidants enclos de racistes, reproduisant à dessein la ville d’apartheid [16] en limitant la liberté de mouvement si chèrement acquise et en attaquant les droits des piétons (majoritairement noirs) – en un mot, en recréant le laager[17] dans leurs enclaves pour riches. La racialisation du débat s’est prolongée à l’échelle nationale, lorsque la Commission des Droits de l’Homme en Afrique du Sud a décrété que les enclosures conduisaient de fait à des pratiques discriminatoires [18]. Mais au-delà de la question raciale sans doute inévitable en Afrique du Sud, le débat s’est étendu à la question de l’échelle légitime de la gouvernance urbaine. Qui peut décider si les résidants de Sandton ont le droit d’ériger des enclosures ? Les résidants avancent qu’ils ont le droit de se protéger – si la municipalité s’en avère incapable – et l’ancienne municipalité de l’Est (qui englobait Sandton, avant d’être dissoute et incluse dans le conseil métropolitain du Grand Johannesburg en 2000) [19] avait de fait donné l’autorisation légale aux résidants d’établir des enclosures. La construction d’un gouvernement métropolitain et la mise en place d’un règlement métropolitain défavorable aux enclosures ont donc privé l’ensemble de ces quartiers de ce qui était antérieurement leurs droits (dûment autorisés par l’ancienne municipalité). Une partie de l’opposition des résidants au nouveau pouvoir métropolitain ANC (Encadré 6) s’appuie sur ce qu’ils considèrent comme le « déni » d’un droit auparavant garanti par un pouvoir local plus proche d’eux.

Encadré 6 – Les pouvoirs de la Sandhurst Heritage Foundation in Johannesburg : la ville en otage ?

La Sandhurst Heritage Foundation fut créée en 2001 afin d’ériger une enclosure autour d’un des quartiers les plus riches de Johannesburg, jouxtant le centre d’affaires suburbain principal (Sandton). Sandhurst est également la plus grande enclosure de Johannesburg, comprenant environ 470 logements et 15 portes et grilles. L’association est dirigée par trois femmes que les media locaux ont surnommées « les trois femmes au foyer », dont la présidente, une américaine énergique, semble avoir importé la culture de la poursuite judiciaire dans cette micro-société johannesbourgeoise.
Au départ, l’enclosure a été mise en place pour faire face au Sommet Mondial sur le Développement Durable, qui s’est tenu à Sandton en 2002 : la peur des manifestations, conflits et émeutes (et leur possible déversement dans Sandhurst) a été le catalyseur de la fermeture des rues – apparemment avec le soutien tacite de la ville et de la police. Mais les grilles sont restées, créant d’importants problèmes de circulation et des conflits avec le quartier voisin de Hyde Park (Carte 6).
La ville a donc envoyé une lettre interdisant l’enclosure, déclarée illégale. La SHF a alors lancé une plainte en justice contre la ville, et a gagné une première manche : la Ville a dû admettre qu’elle (à travers l’ingénieur chargé de statuer) avait commis plusieurs erreurs formelles et qu’elle devait donc recommencer l’examen de la demande de légalisation.
La SHF lance à présent une deuxième manche, utilisant une Loi sur la Justice Administrative pour poursuivre en justice l’ingénieur fautif (licencié depuis par la Ville), qui d’après cette loi peut être tenu personnellement responsable de cette « injustice administrative ». Ceci crée bien sûr une forte pression sur le personnel administratif municipal, qui pourrait bien éviter de prendre toute décision à l’encontre d’un tel lobby, malgré son illégitimité à l’échelle métropolitaine.

51À Nairobi, les enclosures constituent une des manières dont les résidants, sous la bannière de larges associations, se procurent les services urbains élémentaires que les pouvoirs publics s’avèrent incapables de leur fournir. Elles manifestent l’avènement de formes d’auto-gouvernement local (Mérino, 2006). En effet, le ramassage municipal des ordures a cessé depuis longtemps d’être régulier ou même d’exister dans certains quartiers ; l’éclairage public n’est pas entretenu, ni les espaces publics ni les égouts autour et au sein des lotissements ; la gestion de l’eau apparaît calamiteuse. Les lois de privatisation des services urbains ont transformé ce paysage – mais la pluralisation des compagnies est devenue la règle sans réelle coordination ni régulation à l’échelle métropolitaine (Werna, 1998).

52Les associations à l’échelle microlocale rentrent rarement en conflit avec l’État, mais sont opératoires dans l’auto-organisation de ces services de base. La plupart des résidants ont ainsi contracté avec des compagnies privées la sécurité et le ramassage des ordures (Photo 9) et, dans les quartiers populaires, la desserte des points collectifs d’achat d’eau également desservis par des compagnies privées. Tout en continuant à payer leurs impôts locaux, les résidants payent donc des taxes supplémentaires, prélevées par les compagnies privées à l’échelle du quartier ou à celle du ménage, pour garantir leur accès aux services urbains. C’est cette double taxation qui est contestée par des associations d’échelle plus vaste, comme le lobby We-Can-Do-It (Encadré 7) : l’association a même entamé une poursuite en justice contre la ville à ce propos [20].

Photo 9

Privatisation de la security et autres services à Nairobi

Photo 9

Privatisation de la security et autres services à Nairobi

© Samuel Owuor, 2003, Nairobi. Central Ngummo Estate est un quartier riche situé dans l’ouest de Nairobi. L’enclosure atteint ici un haut degré de formalisation – grille entretenue, cabane du gardien, agent permanent. Le quartier a également privatisé certains services comme le ramassage des ordures (voir le panneau « gardez le quartier propre »), l’entretien des rues et l’éclairage public.

Encadré 7 : Pas de services, pas d’impôts locaux ! Dites non à la Ville !

Un appel de l’association We-CAN-do-it – We ‘Care About Nairobi’ do it
« Ça fait des années que les résidants de Nairobi payent leurs impôts locaux, et ne reçoivent pas le moindre service urbain en retour. Ce que l’on reçoit, c’est des tas d’ordures, des routes pleines de nids de poule, des égouts qui débordent, pas d’éclairage public, des écoles et des cliniques délabrées, des bidonvilles qui prolifèrent comme un cancer. Il est temps de prendre la responsabilité de la gestion de notre ville… Pas besoin de rapports supplémentaires (on en a eu 15 en 20 ans), ni de comités spéciaux ou d’unité ad hoc. Il nous faut une action immédiate, pas encore du dialogue. Puisque le gouvernement et la Ville ne semblent rien vouloir faire, nous devons entamer une procédure légale pour arrêter de payer nos impôts locaux, et ainsi les forcer à faire ce que les rapports leurs répètent depuis des années… Si vous en avez ras-le-bol de payer vos impôts sans retour sur votre argent, rejoignez le reste de la ville en intentant un procès contre le conseil municipal ! ».
(Source : The Daily Nation, September 10, 2005).

53Cette dynamique trouve des échos dans les initiatives contemporaines de certains résidants de Johannesburg. Face au déclin fréquent des contributions des résidants (mettant en danger la pérennité de l’enclosure), certains comités tentent d’adapter à leur quartier résidentiel le principe du City Improvement District (CID). Le CID est un périmètre (choisi par une majorité de propriétaires immobiliers) au sein duquel des taxes spécifiques et supplémentaires sont levées par la municipalité mais transférées au Bureau du CID (composé des propriétaires et contributeurs principaux), afin qu’il dépense ce budget localement, selon ses priorités propres. Dans la ville du Cap ce principe a été expérimenté, pour finalement être combattu par la municipalité qui y voyait une dangereuse tendance sécessionniste (Morange and Didier, 2006). À Johannesburg, la question est actuellement débattue : de nombreux résidants, vivant ou non en enclosures, soutiennent le principe de création de ce qui ressemble fortement à un pouvoir local capable de lever ses propres impôts et d’en disposer à l’échelle du quartier. Ils affirment vouloir continuer à payer leurs impôts locaux (dont ils comprennent la légitimité pour la redistribution) et soutiennent que le complément – dépensé localement – permettrait à la municipalité de concentrer ses ressources dans les quartiers plus défavorisés. D’autres résidants s’opposent à ce principe et, dans le même sens que les discours du mouvement We-Can-Do-It à Nairobi, réclament des services municipaux en contrepartie de leurs impôts. Malgré ces débats parfois vifs dans les journaux locaux et les réunions publiques, ce type d’initiative est bien accueilli par la municipalité de Johannesburg, qui encourage très nettement la mise en place de cet outil de gestion urbaine privée comme moyen de collecter des ressources supplémentaires pour le gouvernement de la ville.

Conclusion

54Les trois villes étudiées ont beaucoup en commun – la diffusion des enclosures y est symptôme d’un sentiment croissant d’insécurité auquel les pouvoirs publics sont incapables de répondre. Elle conduit, quoique sous différents modes (notamment selon la structure du réseau viaire particulière à chaque ville), à d’importants problèmes de mobilité et de fluidité métropolitaines. Elle encourage enfin des formes de fragmentation urbaine où l’échelle du quartier devient le niveau le plus significatif d’organisation, de gestion et de pratiques spatiales des citadins. Les enclosures ont aussi réduit la vie urbaine nocturne, et même, dans le cas d’Ibadan, y ont mis fin, en instaurant un quasi-couvre-feu en période de paix… La vie nocturne, certainement réduite avant tout par l’insécurité réelle dans les trois villes, l’est peut-être encore davantage du fait de la matérialité des enclosures, dont la visibilité peut accroître la peur de sortir de son quartier la nuit [21].

55Toutefois, la question des enclosures a été traitée de manière très différente par les pouvoirs publics supra-locaux (métropolitains ou nationaux) dans les trois villes. Au-delà des questions de peur et d’insécurité, elles engagent un débat sur l’échelle optimale et légitime de gouvernance urbaine, dans l’ère de la postmodernité (où la notion d’un État redistributeur et régulateur est souvent contestée), ou, plus justement peut-être pour les cas nigérian et kenyan, dans l’ère de l’absence ou de la faiblesse de l’État qui paraît bien incapable de gérer sécurité civile ou services urbains.

56En ce sens, les débats (ou leur absence) sur les enclosures constituent un indicateur pertinent de la place des pouvoirs publics dans la gouvernance métropolitaine. Elle est importante à Johannesburg, où la bataille entre pouvoir métropolitain et pouvoir local est hautement politisée – dans un contexte où la seule échelle possible d’expression des partis d’opposition est l’échelle locale. À Ibadan, les pouvoirs publics (qu’ils soient fédéraux, étatiques ou locaux) sont ouvertement absents et apathiques, laissant émerger des formes d’auto-organisation locale qui constituent donc les modes dominants de gestion urbaine. Nairobi offre une sorte de voie médiane, où les résidants, de plus en plus enclins à développer des formes d’auto-gouvernement à l’échelle locale (notamment en termes de sécurité et de services urbains), comptent toutefois toujours partiellement sur les pouvoirs régulateurs des autorités publiques, comme le manifeste leur tendance croissante à formaliser et à officialiser leurs associations, ne serait-ce que pour se confronter à l’État.

Notes

  • [1]
    Les trois auteurs ont participé à un programme de recherche financé par trois Instituts Français de Recherche (l’IFAS, Institut Français en Afrique du Sud, l’IFRA-Ibadan et l’IFRA-Nairobi) et intitulé « La privatisation de la sécurité dans les villes d’Afrique Sub-saharienne : dynamiques urbaines et nouvelles formes de gouvernance » (2003-2005).
  • [2]
    À Johannesburg, certaines enclosures sont désormais indiquées sur les cartes commerciales.
  • [3]
    L’industrie lucrative des matatus a été l’enjeu de nombreuses « guerres » à Nairobi, entre différents groupes ethniques rassemblés en milices (« vigilantes ») – comme le groupe Mungiki et le groupe Kamjeshi (Katumanga 2005).
  • [4]
    C’est moins nettement le cas à Ibadan et Nairobi, où les enclosures sont mieux réparties dans l’ensemble du spectre socio-économique.
  • [5]
    Cette formule vise à encourager les coopérations entre police et résidants, mais aussi à développer les formes d’auto-organisation des résidants, comme les initiatives de surveillance de voisinage (neighbourhood watch).
  • [6]
    Par exemple, ce modèle a été promu au Kenya par l’Institut Vera, basé à New York – qui a aussi encouragé plusieurs projets de réforme de la police en Afrique du Sud (Ruteree and Pommerole, 2003). Voir aussi Dixon, 2004, sur la globalisation des modèles de police communautaire.
  • [7]
    Les résidants doivent en effet disposer des ressources (financières mais aussi politiques et techniques) pour constituer le dossier de demande de légalisation de leur enclosure – et assumer les conditions (en termes de nombre de points d’entrées par exemple) qui le leur garantiront.
  • [8]
    On entend par gouvernance urbaine une forme spécifique de gouvernement des villes, en termes de prise de décision autant que de gestion quotidienne. Celle-ci implique des formes de négociation entre pouvoirs publics (qui ne sont plus les uniques détenteurs du pouvoir) et des acteurs non étatiques, comme le secteur privé ou ici, les résidants (qui, lorsqu’ils forment des groupes intervenant dans les débats publics, définissent des « communautés »).
  • [9]
    Une milice ethnique, réputée pour ses pouvoirs magiques, et opérant surtout dans le Nigeria occidental.
  • [10]
    City of Johannesburg, 2003, Security Road Access Restrictions.
  • [11]
    Mobilisation of Community Development Committees Edict, 1987.
  • [12]
    Les termes de vigilantes et vigilantism en anglais désignent habituellement les dérapages de la participation collective à la sécurité (autodéfense, émeutes, lynchages, etc.). L’ambiguïté du terme utilisé au Nigéria reflète le flou des contrôles publics sur ces initiatives sécuritaires privées.
  • [13]
    Le règlement prévoit des peines de six mois d’emprisonnement, ou d’une amende de 200 nairas, pour tout résidant dont le comportement gênerait les activités des vigilants. Il est peu appliqué toutefois.
  • [14]
    La question ne se pose pas dans ces termes à Ibadan, où les pouvoirs publics, notamment municipaux, sont tellement faibles qu’il ne semble pas y avoir de débats explicites de cette nature.
  • [15]
    Ici le contraste est grand avec les débats engendrés par le développement des quartiers fermés (gated communities). Entièrement privés, ces derniers ne posent pas les mêmes défis au partage du pouvoir entre autorités publiques et acteurs non étatiques. Les questions qu’ils soulèvent portent plutôt sur la nature des sociétés urbaines, des identités citadines et sur la forme des villes (Billard et al. 2005) ; les débats sont rarement aussi ouvertement politisés.
  • [16]
    Thème également développé par certains chercheurs : voir Shearing and Kempa 2000.
  • [17]
    Le laager se réfère au cercle de chariots des Afrikaners au cours du Grand Trek, au XIXème siècle, à vocation défensive contre « l’ennemi » africain. Ce terme est utilisé aujourd’hui pour condamner les pratiques discriminatoires et les formes racistes de construction communautaire chez les résidants blancs.
  • [18]
    South African Human Rights Commission, 2005, Report on the issue of road closures, security booms and related measures.
  • [19]
    Sous l’apartheid, les quartiers blancs avaient leur propre municipalité séparée (par exemple Sandton). De 1995 à 2000, l’aire métropolitaine de Johannesburg a été divisée en quatre sous-structures, dont le Conseil de l’Est (Eastern Metropolitan Local Council) avait une forte minorité DA – Democratic Alliance, le principal parti d’opposition – et comportait les quartiers les plus aisés (dont Sandton) et les plus concernés par les enclosures.
  • [20]
    Le mouvement We-Can-Do-It, allié à la Fondation Kényane Pour le Secteur Privé, poursuit en justice la Ville de Nairobi (2004), l’accusant d’avoir « échoué à appliquer la Loi sur le Gouvernement Local », qui lui attribue toute « responsabilité en matière de services et équipements publics ». Ils arguent que « si elle échoue à faire face à ces responsabilités, la Ville perd ses droits à lever impôts, taxes et redevances ».
  • [21]
    Bien que ce phénomène ait surtout été étudié à propos des gated communities (Disurweit 2002), il semble, à travers nos enquêtes, que ce type de comportement soit aussi fréquent au sein des quartiers enclos.
Français

Résumé

Johannesburg, Ibadan et Nairobi ont toutes trois connu récemment le développement rapide de quartiers enclos, c’est-à-dire de quartiers dont l’accès est contrôlé par un groupe de résidants grâce à la fermeture, partielle ou complète, temporaire ou permanente, des rues les desservant. Cette forme de repli territorial à préoccupation essentiellement sécuritaire pose d’importants défis au fonctionnement métropolitain – en termes de circulation et de mobilités, en termes d’exclusion et de fragmentation urbaines. L’article se propose d’examiner les conflits de pouvoir multiscalaires engendrés par les fermetures de rues, et leurs conséquences en termes de recomposition de la gouvernance urbaine, dans une approche comparative. La politisation des débats à Johannesburg où les questions de mobilité et de ségrégation prennent une résonance particulière, l’apathie publique à Ibadan où les formes d’auto-organisation sont domi-nantes, la formalisation croissante d’initiatives de gestion locale à Nairobi, offrent une palette d’interprétations politiques contrastées pour cette forme urbaine contemporaine partagée.

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Claire Bénit-Gbaffou
Maître de conférences en géographie à l’Université d’Aix-Marseille. Elle est actuellement chercheur à l’Institut de Recherche en Sciences Humaines en Afrique du Sud (Human Sciences Research Council). Elle est coéditrice d’un ouvrage à paraître sur « La Privatisation de la sécurité dans les villes d’Afrique subsaharienne », à la suite d’un programme de recherche sur ce thème financé par les Instituts Français de Johannesburg, Ibadan et Nairobi. Ses principaux intérêts de recherche portent sur le gouvernement local, la participation des résidants, la fragmentation urbaine.
Seyi Fabiyi
Maître de conférences en géographie à l’Université d’Ibadan, Nigéria. Il est titulaire d’un doctorat en géographie, avec spécialisation en analyse urbaine et système d’Information géographique. Ses recherches portent sur l’aménagement urbain et le rôle des acteurs privés dans les transformations spatiales, la modélisation des structures spatiales et de leurs dynamiques. Il est l’auteur de Geographic Information Systems : technics and methods. Il a récemment développé ses recherches sur les quartiers fermés à Ibadan et à Johannesburg, où il a séjourné à l’occasion d’un post-doctorat à l’Institut Français d’Afrique du Sud, dans le cadre du programme sur « La Privatisation de la sécurité dans les villes d’Afrique subsaharienne ».
Samuel Owuor
Maître de conférences en géographie à l’Université de Nairobi, Kenya. Il a fait des recherches sur les fermetures de rues à Nairobi, dans le cadre du programme des Instituts Français sur « La Privatisation de la sécurité dans les villes d’Afrique subsaharienne ».
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 01/01/2008
https://doi.org/10.3917/flux.066.0019
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