CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1L’Inde a entamé au début des années 1990 la libéralisation de son économie, un processus qui s’est traduit par une plus grande ouverture aux investissements internationaux et aux échanges. Entre 1995 et 2004, le gouvernement de l’État méridional de l’Andhra Pradesh, dirigé par un parti régionaliste, a saisi l’occasion des réformes pour définir des politiques industrielles autonomes et pour élaborer un plan de développement qui accordent une attention singulière aux évolutions récentes de l’économie mondiale. Une des stratégies principales consistait à miser sur les nouvelles technologies — informatiques, biotechnologies, industrielles — en faisant valoir les avantages comparatifs, mi-réels mi-virtuels, de la région, notamment en termes d’infrastructures et de ressources humaines. L’ambition du premier responsable politique, N. Chandrababu Naidu, qui s’y était investi personnellement, était d’exploiter le potentiel économique des nouvelles technologies de pointe pour créer de toutes pièces des « territoires de l’innovation ». Suivant une recette largement répandue, le gouvernement a construit des parcs industriels et s’est acharné, avec l’aide des partenaires privés, à les équiper d’infrastructures performantes et à implanter des institutions d’éducation et de recherche de premier ordre à proximité, afin d’attirer des entreprises leaders dans ces secteurs. L’objectif global n’était autre que la transformation radicale d’une économie régionale largement agricole en économie de services. Après quelques tergiversations, le gouvernement actuel, en place depuis mai 2004 et dirigé par le parti du Congrès tout comme le gouvernement central à New Delhi, soutient la poursuite de la stratégie hi-tech, et annonce à son tour des initiatives en matière de technologies de l’information et des communications (TIC).

2Ces stratégies de développement économique concernent en premier lieu la capitale de l’État, Hyderabad, agglomération urbaine la plus importante de ce territoire (5,7 millions d’habitants en 2001). C’est dans les zones périphériques de cette métropole émergente que l’État donne forme à sa politique, notamment en faisant construire des parcs d’entreprises dotés d’excellentes infrastructures conventionnelles et spécialisées. L’exemple le plus notoire est celui de HITEC City (Hyderabad Information Technology Engineering Consultancy City), un parc industriel conçu pour accueillir les entreprises spécialisées dans les TIC et les services informatiques, situé au sein de la zone d’aménagement spéciale de Cyberabad. Manifestant un grand dynamisme économique, HITEC City est devenue en quelques années seulement un des premiers pôles informatiques de l’Inde.

3Un premier objectif de cet article est d’examiner les stratégies de croissance du gouvernement régional de l’Andhra Pradesh entre 1995 et 2004, et les logiques spatiales qui les sous-tendent, afin de réfléchir sur la manière dont ces stratégies se situent par rapport aux politiques antérieures et aux tendances actuelles. Cet exemple permet de discuter des possibilités et des limites pour les régions métropolitaines en Inde, de façonner leur insertion dans le processus de mondialisation. Ensuite, nous nous proposons d’analyser à l’échelle locale les politiques industrielles et les nouvelles modalités de planification urbaine à l’appui du développement du secteur des TIC et les transformations spatiales qu’elles induisent dans les périphéries d’Hyderabad, à partir de l’exemple concret de HITEC City. Ces choix politiques, en rupture avec ceux qui les ont précédés tant au niveau national qu’au niveau régional, provoquent des tensions sociales et spatiales, dont une des caractéristiques est de s’exprimer sous forme de conflits autour des ressources et du territoire. Il s’agit principalement des ressources (financières et en nature) dont dispose l’État, que se disputent différents groupes sociaux ou coalitions d’intérêt au travers du jeu démocratique. Ainsi verrons-nous que les terrains consacrés aux nouveaux « espaces » TIC, où sont construits les parcs industriels et où les entreprises sont localisées, appartiennent le plus souvent à l’État et constituent un levier pour ses politiques.

4Dans la première partie, nous situons notre étude par rapport à différents courants de la littérature récente portant sur le rôle croissant des grandes villes dans l’économie mondiale, sur la « reterritorialisation » des États, ainsi que sur les implications sociales et spatiales des nouvelles formes de production et les ajustements qui les accompagnent. Situés à différents niveaux d’analyse, ces travaux offrent des pistes intéressantes pour la discussion de notre exemple, et nous permettent de dégager un certain nombre d’hypothèses. Dans la seconde partie de l’article, les politiques de développement économique sont décrites et mises en perspective avant d’aborder, dans la troisième partie, l’exemple de HITEC City et les contestations qui l’entourent.

Les grilles d’analyse : restructuration du capitalisme et développement urbain

5Une première grille d’analyse s’appuie sur des travaux de géographie économique et politique consacrés au rôle renouvelé et croissant des régions et des grandes villes dans le capitalisme post-fordiste et mondialisé. À la suite des « villes globales », catégorie qui ne concerne qu’un nombre restreint de villes situées dans les pays les plus industrialisés, certains auteurs ont proposé une formulation plus générale, aux contours plus flous : les « villes-régions mondiales » (global city-regions) (Scott ed., 2001) [2]. Situées au Nord et au Sud, ces régions métropolitaines concentrent toutes les formes d’activités productives, et en particulier celles qui se caractérisent par la production flexible organisée souvent au sein de vastes réseaux, et les services. Elles deviennent progressivement les moteurs de l’économie mondiale, et leur développement est de plus en plus lié aux processus de globalisation, bien qu’à des degrés différents. Les grandes villes des pays en développement constitueraient une variante « particulièrement problématique » du phénomène (idem, p. 26), et certains auteurs dans ce courant soulignent les conditions souvent plus difficiles auxquelles sont confrontées les grandes villes du Sud : urbanisation rapide, grande diversité sociale, forte fragmentation physique, revenus municipaux limités, compétences techniques insuffisantes, déficit de démocratie locale (Stren, 2001, p. 205). Aussi convient-il de nuancer la pertinence de cette catégorie pour les villes du Sud, sachant que pour la plupart d’entre elles la transition des formes de production « fordistes » vers des formes flexibles est loin d’être achevée, si toutefois ces formes productives sont significatives dans leurs économies (Dubresson, 2000).

6Cependant la perspective « villes-régions mondiales » paraît pertinente dans le contexte indien actuel, pour trois raisons. Tout d’abord, elle permet de mettre l’accent sur une double tendance : l’émergence d’un régionalisme sur le plan politique et territorial, et l’importance croissante des régions métropolitaines dans le développement économique national. Ensuite, les villes-régions mondiales constituent une source d’inspiration plus ou moins explicite pour les stratégies de croissance actuellement déployées dans plusieurs États de l’Inde, axées sur leurs capitales. Les réformes économiques adoptées depuis une quinzaine d’années opèrent un certain rééquilibrage en faveur des régions, leur permettant de développer une ligne politique plus autonome en matière de stratégies économiques, y compris à l’égard des grandes villes situées sur leur territoire, et ces stratégies se démarquent fortement des politiques centralisées antérieures (Kennedy, 2005). Nous assistons à la mise en place de mesures d’accompagnement sous forme de politiques incitatrices et d’enclaves spécialisées, largement façonnées sur les modèles des villes du Nord [3]. En parallèle, la libéralisation des investissements privés favorise la concentration des capitaux dans les régions métropolitaines, où se développent à la fois des activités manufacturières, avec une présence accrue de sociétés multinationales, et le secteur tertiaire, dont notamment les services aux entreprises et les activités « offshore ». Pour autant, il convient de préciser que ces villes ne se caractérisent pas pour le moment par une forte intégration dans l’économie mondiale. Enfin, la troisième raison : les plus grandes régions métropolitaines indiennes présentent aujourd’hui bon nombre des caractéristiques de la géographie sociale des villes-régions mondiales comme (i) une plus grande hétérogénéité culturelle et démographique induite par la migration ; (ii) un changement de morphologie spatiale en faveur des formes polycentriques, lié par exemple au développement de nouveaux pôles d’activité dans les périphéries, et (iii) l’augmentation des disparités entre différentes couches sociales dans la mesure où les nouvelles opportunités d’emploi bénéficient plus directement aux catégories socioprofessionnelles élevées (Scott et al., 2001, pp. 18-19).

Carte 1

L’Aire métropolitaine d’Hyderabad

Carte 1

L’Aire métropolitaine d’Hyderabad

7Le cas indien manifeste cependant une divergence importante par rapport à cette littérature en ce qui concerne les processus politiques et territoriaux à l’œuvre à l’échelle de la région urbaine et le rôle qu’y jouent les élus urbains. Dans beaucoup des villes-régions mondialisées, on observe la mise en œuvre à l’échelle locale de processus politiques visant à mobiliser des bases interterritoriales identitaires et d’action collective, le but étant de construire des « compétences politiques régionales » en réunissant des territoires fragmentés, afin de faire face aux défis posés par la globalisation (Scott, 2001, pp. 4-5). Dans cette perspective, les villes sont conçues comme des acteurs de leur développement et non pas de simples victimes de processus (notamment économiques) qui les dépasseraient. Or dans notre cas, ce ne sont pas des acteurs politiques locaux qui impulsent le mouvement résistant ou pro-actif vis-à-vis de la globalisation, mais les responsables politiques au niveau de l’État régional (province). Les gouvernements municipaux restent faibles en Inde, subordonnés aux échelons politiques et administratifs supérieurs tant pour la gestion de nombreux services urbains que pour la planification et l’aménagement du territoire [4]. La région métropolitaine d’Hyderabad reste morcelée sur le plan politique et administratif (cf. carte 1) ainsi que par de fortes différenciations sociales et spatiales. Quelles sont les conséquences d’un pouvoir régional dominant et d’un pouvoir local quasi absent pour asseoir une stratégie de ville-région mondiale ? Est-ce que les politiques régionales de croissance et de gouvernance peuvent renforcer les capacités politiques locales ?

8Alors que différents courants de la littérature insistent sur l’influence des forces globales dans les mutations urbaines actuelles (flux des capitaux mondiaux, firmes multinationales, élites internationales), d’autres soulignent le rôle incontournable de l’État comme intermédiaire dans l’interface entre local et global (Brenner, 1998, 2004). Dans cette perspective, les agglomérations urbaines sont à la fois les principaux nœuds d’accumulation à l’échelle du capitalisme mondial et les nouvelles « coordonnées » de l’organisation territoriale de l’État. Elles sont des centres de gouvernance locaux et régionaux, situées au sein des matrices plus large d’institutions étatiques « glocalisées », c’est-à-dire modifiées dans le sens d’une plus grande adaptation à la restructuration du capitalisme. Face aux conditions économiques actuelles, l’État est amené à développer une stratégie de reterritorialisation (re-scaling) où la référence spatiale est dissociée de l’ensemble du territoire national, une nouveauté par rapport au modèle fordiste et keynésien. En d’autres termes, la stratégie de croissance nationale ne serait plus calquée sur les frontières du territoire national, mais concernerait quelques espaces sélectifs, des plates-formes, plus aptes à être compétitifs dans l’économie mondiale. Cette perspective offre des pistes intéressantes pour analyser le cas de l’Andhra Pradesh, où les politiques s’efforcent depuis une décennie d’élaborer des solutions « glocales », comme des parcs industriels équipés en infrastructure de très bonne qualité dans l’objectif d’attirer des investisseurs nationaux et internationaux. Nous proposons d’interpréter les politiques récentes de l’Andhra Pradesh comme des stratégies de reterritorialisation à l’échelle régionale, qui constituerait une échelle pertinente pour les acteurs économiques, issus largement du milieu industriel régional.

9Enfin, dans notre analyse à l’échelle locale, nous abordons quelques-uns des thèmes qui animent les débats au sein des études urbaines sur les implications sociales et spatiales du développement métropolitain, notamment en rapport avec la mondialisation des activités productives [5]. Une question centrale y est celle de la fragmentation urbaine, définie comme une aggravation des inégalités sociales et une différenciation croissante des espaces au sein de la ville, au fur et à mesure qu’ils deviennent plus spécialisés, à la fois sur le plan social et sur le plan fonctionnel. Certains travaux prennent comme point de départ la tendance générale à la privatisation des réseaux techniques urbains et l’émergence de nouvelles formes de gestion et de réglementation, et postulent qu’elles contribuent à la fragmentation urbaine en introduisant une différenciation du niveau de service entre différentes zones de la ville. Cette thèse, dite de « l’éclatement urbain » (splintering urbanism)[6], n’est pas directement pertinente pour notre étude et ne sera pas abordée ici, mais nous évoquerons le cas spécifique des « espaces-réseaux de première classe » (premium networked spaces)[7], qui s’applique à bien des égards à l’exemple de HITEC City, tout en questionnant certaines des hypothèses proposées. Ces espaces exclusifs, qui se trouvent dans les grandes villes aussi bien au Sud qu’au Nord, existent sous forme de quartiers résidentiels, de complexes commerciaux ou de parcs technologiques et se caractérisent par la qualité des infrastructures, dont notamment leur grande connectivité. Leur développement ne dépend pas de l’environnement immédiat. En effet, un faisceau d’infrastructures peut être étendu directement en faveur de la zone délimitée, et pour cette raison, on considère que ces espaces aggravent la fragmentation urbaine. Or la ségrégation sociale et spatiale n’est guère nouvelle dans les villes, et il faut tester dans chaque cas l’hypothèse de l’aggravation, et dégager les causes sous-jacentes, qui relèvent de facteurs sociaux, techniques et institutionnels. Bien qu’il soit trop tôt pour pouvoir tirer les conclusions sur les implications sociales et spatiales de HITEC City, nous pouvons dès à présent poser les premiers jalons en dégageant les points de tension.

Politiques régionales de croissance en phase avec la globalisation

10En 1995, quelques mois seulement après son arrivée à la tête du gouvernement de l’Andhra Pradesh, un État de 76 millions d’habitants, Chandrababu Naidu a annoncé une série de politiques visant à stimuler le développement économique de son État, dont la croissance était en dessous de la moyenne nationale. Au moyen de stratégies soigneusement conçues, l’objectif était de construire de nouveaux secteurs offrant des avantages comparatifs dans une économie régionale encore fortement dépendante de l’agriculture et dont la base industrielle est relativement faible [8]. Les secteurs de « hautes technologies » comme les TIC et les biotechnologies, en forte croissance à l’échelle globale, ont reçu une attention particulière [9]. Sur le plan spatial, la stratégie misait explicitement sur les zones urbaines, identifiées comme autant de « pôles de croissance », l’idée étant d’y concentrer les investissements afin de « maximiser l’usage des ressources rares » (GoAP, 1999, p. 33). Comme nous le verrons, cette politique d’appui à la croissance marque une rupture aussi bien dans les politiques industrielles que dans les politiques d’aménagement du territoire.

11D’après le plan directeur Andhra Pradesh : Vision 2020[10], rendu public en 1999, la stratégie de croissance reposait sur la mobilisation des ressources physiques et humaines afin de saisir les « opportunités » ouvertes par la libéralisation et la globalisation. Il s’agissait d’opérer une restructuration profonde de l’économie en injectant de nouveaux investissements, en redistribuant les ressources existantes entre les secteurs primaire, secondaire et tertiaire, et en redéfinissant les domaines de compétence respectifs des secteurs public et privé. On proposait, par exemple, de réduire sur vingt ans la contribution de l’agriculture au PIB régional (qui passerait de 33% à 12%) et d’augmenter la contribution du secteur des services (passant de 50% à 67%). D’évidence, il s’agissait d’une tentative de « sauter » les étapes conventionnelles du développement économique, notamment celle de la production manufacturière intensive en travail, pour passer directement à la « nouvelle économie », qui repose sur des compétences pointues, comme le génie logiciel à haute valeur ajoutée, et sur la spécialisation dans les services aux entreprises.

12Un tel programme de restructuration exigeait des capitaux importants, et il était clairement indiqué qu’ils seraient à la charge des investisseurs privés. Le rôle de l’État était de les faciliter, en assurant un climat favorable pour les affaires, y compris une transparence administrative et des institutions juridiques puissantes. Ainsi, bien que la croissance figurât au centre des nouvelles politiques, le gouvernement a également tenu à mettre l’accent sur la bonne gouvernance et s’est engagé à réaliser des réformes dans l’administration [11]. En fait, ces réformes de gouvernance étaient conçues comme un élément essentiel de la stratégie globale visant à attirer des investissements étrangers, a fortiori dans les secteurs de pointe où les normes internationales sont de rigueur.

13Cette politique agressive de croissance, dont la référence à des exemples internationaux est explicite [12], marque une rupture dans la trajectoire politique de l’État et permet de souligner un premier type de tension. Tout d’abord il faut rappeler qu’avant l’adoption des réformes économiques par le gouvernement indien au début des années 1990, les gouvernements régionaux avaient peu de possibilités pour définir des politiques économiques autonomes : l’émergence de stratégies régionales distinctes est donc un phénomène récent. Auparavant un système complexe de licences et d’autorisations assurait au gouvernement central un contrôle direct sur la localisation des entreprises industrielles. Ces outils lui donnaient les moyens de conduire une politique d’aménagement du territoire dont l’objectif affiché était un développement régional équilibré, au moyen notamment de la dispersion industrielle et la dispersion de l’urbanisation. Comme le rappelle Dupont, pour éviter un exode rural massif et une croissance urbaine incontrôlée, les politiques publiques « se sont efforcées de rendre les métropoles moins attractives, en bloquant les investissements productifs et en négligeant ceux d’infrastructures » (2002, p. 73). Le démantèlement de la gestion centralisée de l’économie depuis quinze ans a ouvert aux dirigeants régionaux un espace décisionnel dans la croissance économique et l’aménagement du territoire. Durant la période 1995-2005, la stratégie de croissance du gouvernement de l’Andhra Pradesh s’appuie explicitement sur la différenciation des espaces et leur mise en concurrence, et sur la promotion des villes comme forces motrices économiques. Il importe de préciser dans ce contexte qu’en dépit d’une rhétorique libérale, l’ouverture de l’économie indienne s’effectue progressivement, et les pouvoirs publics maintiennent un rôle primordial pour définir l’interface avec la sphère économique même lorsqu’ils décident, comme le gouvernement Naidu, d’apporter un appui aux forces du marché.

Une stratégie industrielle centrée sur la ville capitale

14Il ne serait pas exagéré de dire qu’Hyderabad a servi de laboratoire pour les principales stratégies du gouvernement, à savoir la croissance tirée par les infrastructures (infrastructure-led growth), le développement des technologies avancées (TIC et biotechnologies) et les pôles de compétitivité. Le plan directeur préconisait la concentration spatiale des investissements sous formes de parcs spécialisés, ou de « couloirs », les deux parcs les plus avancés étant Biotech Park dans la grande banlieue au nord-est d’Hyderabad, et HITEC City dans les périphéries ouest de la ville (Cf. Carte 2). Ces investissements, réalisés en partenariat, ont été renforcés par des politiques industrielles fortement incitatrices, comme nous verrons plus loin. Le gouvernement Naidu considérait la plus grande région métropolitaine de l’État sans doute comme la plus apte à valoriser des atouts dans le jeu des concurrences territoriales à l’échelle nationale et mondiale.

15La population de l’agglomération urbaine (ou Hyderabad Urban Agglomeration) est de 5,7 millions d’habitants en 2001. Elle s’étend sur 778 km2 et recouvre l’ancien cantonnement, dix municipalités et plusieurs villages (cf. carte 1). Après un taux de croissance démographique rapide entre 1981-1991 (67%), la décennie 1991-2001 a accusé un ralentissement sensible de la croissance (27%), ce qui masque cependant des évolutions différentes dans le centre et dans certaines zones de la périphérie. Ainsi la municipalité d’Hyderabad (Municipal Corporation of Hyderabad), située au cœur de l’aire métropolitaine, a enregistré une croissance de 19% alors que la moyenne dans les dix municipalités autour était de 72% (le taux était de 112% à Serilingampally où est située HITEC City). La municipalité d’Hyderabad représente 63% de la population de l’aire métropolitaine mais seulement 22% de la surface totale. L’espace bâti y compte pour 82% de la surface en 1999 contre 55% pour les municipalités voisines, mais là aussi les taux de croissance varient fortement : 44,5% par décennie pour la périphérie par rapport à 2,7 pour la ville d’Hyderabad (Ramachandraiah, 2004). Certaines zones du centre-ville ont enregistré une décroissance, c’est le cas notamment de l’ancienne ville fortifiée. Les conditions de vie de la population de la « Old City » [13], comme on l’appelle, majoritairement musulmane, n’ont pas cessé de se détériorer depuis plusieurs décennies, selon divers indicateurs socio-économiques et environnementaux (Naidu, 1990) [14]. En contraste, d’autres quartiers sont en pleine expansion, comme ceux situés au nord-est de la ville (Panjagutta, Ameerpet), bien connectés aux développements des périphéries ouest.

16La démarche du gouvernement Naidu s’apparente à maints égards à une recette courante, empruntée par de nombreuses grandes villes, basée sur des stratégies proactives de recherche des avantages comparatifs dans des secteurs à forte croissance dans l’économie mondiale. Par rapport au schéma « villes-régions mondiales » décrit par Scott et al. (2001), la principale différence ici, mentionnée plus haut, est le rôle limité des institutions et acteurs politiques locaux. Pour autant, on peut considérer que les stratégies économiques émergent d’une dynamique politique enracinée dans la région urbaine, dans la mesure où elles expriment des demandes explicites ou implicites des acteurs économiques présents dans la capitale. Le milieu des affaires est fortement impliqué dans les réseaux politiques régionaux, comme nous le verrons. De même, il semble que la mise en œuvre de grands projets urbains depuis une décennie favorise l’organisation des coalitions d’intérêts parmi les partisans d’une politique de croissance et une conception plus libérale de la gestion des espaces urbains et de l’aménagement [15].

17Afin de comprendre les processus politiques à l’œuvre, rappelons que le choix du gouvernement régional, mené par le Télougou Desam Party (TDP), d’embrasser ouvertement les réformes économiques et de s’engager explicitement dans la globalisation reste assez remarquable tant dans le contexte national que régional. En effet, cette posture était en opposition brutale avec les pratiques et les discours antérieurs du TDP, imprégnés davantage d’une idéologie socialisante et populiste. La base sociale du TDP est diversifiée, comme celle du Congrès, son principal rival dans l’État, et rassemble un éventail de castes et de catégories socioéconomiques. Cependant, les groupes sociaux aisés tendent à être surreprésentés parmi les dirigeants du parti et son électorat [16], ce qui peut expliquer une politique favorable à l’ouverture économique. De plus, depuis ses débuts dans les années 1980, le TDP bénéficie du soutien du milieu des opérateurs économiques, dont une partie importante est issue, comme Naidu, des hautes castes originaires de la région côtière [17]. La communauté des affaires, favorable au développement industriel de l’État et à la réduction des subventions, a globalement soutenu les politiques économiques du gouvernement Naidu.

18Afin de rallier le soutien de la population au delà de cette partie de sa base sociale à des politiques radicalement nouvelles, le TDP a fait appel aux identités collectives, linguistiques et régionales. À l’aide d’une utilisation intensive des médias de masse (presse, télévision, radio), le gouvernement a projeté l’image d’un peuple « télougou » uni, allant de l’avant dans la quête du développement social et économique (Kennedy, 2004b). En mettant l’accent sur divers succès, réels ou symboliques, la stratégie consistait à promouvoir un sentiment de fierté dépassant les lignes de clivage entre différentes castes et classes, et entre subrégions. En effet, il existe des tensions historiques entre les trois régions de l’État, le Rayalaseema, l’Andhra côtier et le Telangana, qui manifestent des disparités socioéconomiques sensibles. En particulier, le Telangana accuse d’importants retards, ce qui nourrit des mouvements agraires radicaux et des revendications séparatistes [18]. Dans un système fédéral centralisé, le TDP cherchait à montrer qu’il n’attendait pas l’aide de New Delhi, toujours insuffisante par le passé, et que les autorités régionales pouvaient obtenir des résultats en agissant, à l’échelle de la planète si nécessaire, dans le sens des intérêts économiques de leur territoire. En s’appuyant sur Brenner, on peut qualifier ce type d’action de stratégie de territorialisation, conduite par un pouvoir régional désireux d’affirmer son autonomie au sein d’une structure fédérale englobante. La revendication et la mise en œuvre d’une ligne politique indépendante sont accompagnées d’une rhétorique visant à renforcer le sentiment d’appartenance régionale. À l’échelle métropolitaine, les efforts ont consisté à véhiculer de nouvelles représentations de la ville, sur les thèmes de la propreté et la verdure (campagne clean and green) [19], la transparence et la modernité. Une illustration courante en est un montage, où une image de Cyber Towers, immeuble ultramoderne à HITEC City, est superposée à une image de Charminar, monument du XVIe siècle située dans la vieille ville et symbole traditionnel d’Hyderabad. D’apparence, cette image invite les Hyderabadis, et par extension toute la population de l’État, à considérer ce nouveau symbole dans la continuité de leur identité historique.

19L’émergence d’Hyderabad comme pôle d’excellence en TIC, après Bangalore et en forte concurrence avec Chennai (ex-Madras) pour la deuxième place, constitue un point de fierté pour beaucoup d’habitants ainsi que pour les ressortissants de l’Andhra Pradesh dans son ensemble. De manière générale, les succès technologiques sont considérés comme prestigieux par la population indienne et sont de nature à renforcer le sentiment d’indépendance politique et militaire, nourri par un nationalisme encore largement répandu. Le gouvernement de Naidu a su exploiter cette prédisposition favorable à la technologie, synonyme de modernité, pour rallier la population à son projet.

20Le développement urbain a été assez spectaculaire à Hyderabad durant cette période, et il ne fait pas de doute que le dynamisme du secteur TIC y a contribué. En termes d’accompagnement de l’action publique, les infrastructures de base (circulation routière, éclairage) ont été améliorées dans le centre-ville. Plus fondamentalement, le gouvernement régional a impulsé d’importantes réformes municipales en vue d’augmenter les recettes fiscales et d’améliorer la gestion financière de la municipalité. Il est significatif que ces efforts se focalisent sur un renforcement des capacités administratives de la ville, mais ne visent pas une augmentation des capacités politiques des élus municipaux.

HITEC City : la réalisation d’un pôle high-tech

21Lancée à la fin des années 1990, la construction de HITEC City constitue un élément clé du projet de développement que l’État a prévu pour la région d’Hyderabad. En érigeant des immeubles ultramodernes, en installant des équipements de qualité, le tout à un rythme soutenu, le but semble être non seulement de séduire les investisseurs mais d’affirmer l’engagement de l’État et sa détermination à réaliser sa vision politique. Située à une vingtaine de kilomètres à l’ouest du centre d’Hyderabad, et guère plus loin de l’aéroport, HITEC City est reliée par de bonnes routes aux principaux axes de communication (cf. carte 2).

Carte 2

Situation de HITEC City

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Situation de HITEC City

22La première phase de la construction de HITEC City a été réalisée par une firme d’ingénierie (Larsen & Toubro Limited) en partenariat avec le gouvernement de l’Andhra Pradesh, qui a fourni le terrain. La conception du site, qui s’étend sur 64 hectares, était inspirée explicitement d’autres exemples internationaux, notamment Hsinchu Science-based Park à Taiwan fondé en 1980, lui-même une émulation de la Silicon Valley, et du Research Triangle Park en Caroline du Nord. Trois grands immeubles de bureau constituent la première phase — le Cyber Towers, inauguré en 1998, suivi par le Cyber Gateway en 2001 et le Cyber Pearl en 2004. Les bureaux, à louer ou à acheter, sont entièrement équipés et reliés à des réseaux de communication de pointe. Ces constructions imposantes et esthétiques ont été rejointes ces dernières années par de nombreuses installations individuelles bâties par des entreprises préférant avoir leurs propres locaux. Environ 50% de l’aire de HITEC City est réservée aux unités autonomes, à qui sont proposées toutes les infrastructures nécessaires (routes, eau, assainissement, éclairage, connectivité). En quelques années, l’espace bâti s’est étoffé et la réalisation d’une deuxième phase, encore plus conséquente que la première, est aujourd’hui en cours.

Cyber Towers à HITEC City, Hyderabad (Cliché L. Kennedy)

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Cyber Towers à HITEC City, Hyderabad (Cliché L. Kennedy)

23La performance économique du secteur TIC en Andhra Pradesh est remarquable : les exportations sont passées de 13 millions de dollars en 1995-1996 à plus d’un milliard en 2003-2004. En ce qui concerne le poids relatif des différentes activités du secteur, les données officielles indiquaient un partage, dans la valeur totale des exportations, presque égal en 2003-2004 entre ingénierie logicielle et services informatiques aux entreprises. Entre 1995 et 2004, le nombre de sociétés en opération dans l’État est passé de 31 à 860 [20], dont 780 sont situées dans l’agglomération d’Hyderabad. Ces entreprises emploient directement 86 000 personnes, dont 77 000 ont un profil technique. Les autorités considèrent que chaque emploi de col blanc, dit « professionnel », entraîne quatre emplois secondaires (bâtiment, commerces, services, etc.) et que les effets d’entraînement s’étendent à l’ensemble de l’économie locale et régionale. Le succès de HITEC City est attribué à une politique industrielle « agressive » du point de vue des territoires en concurrence avec l’Andhra Pradesh, et « généreuse » du point de vue des investisseurs.

Une politique industrielle compétitive

24Après celle de 1999, le gouvernement de l’Andhra Pradesh a annoncé une nouvelle politique TIC en 2002, contenant de nombreuses mesures incitatrices envers les investisseurs dans l’ensemble de la filière : matériel informatique, génie logiciel, et services informatiques aux entreprises [21]. Examinons de plus près le contenu de cette politique.

25Remarquons d’emblée que la nouvelle politique TIC contient des éléments conflictuels dans la mesure où elle accorde des « faveurs » aux investisseurs et aux entreprises, qui sont de nature à remettre en cause un certain nombre des acquis sociaux dont jouissaient les employés du secteur organisé, dans le cadre de la législation du travail [22]. Elle fournit aux employeurs un pouvoir discrétionnaire dans l’application des principales lois sociales destinées à protéger les employés et à leur assurer un salaire minimal. Par exemple, la politique autorise les entreprises à fournir des attestations de conformité sur honneur (self-certification), en échange desquelles elles sont exemptées d’inspections. Ce dispositif s’applique à la plupart des lois régissant le travail [23]. Il s’agit des législations, dont les origines sont antérieures à l’indépendance du pays en 1947, ayant trait à l’embauche, le licenciement, les conditions du travail (y compris les horaires), ainsi que les lois portant sur les salaires minima, le droit à la syndicalisation, les congés, l’assurance-maladie et la retraite. Il est remarquable que l’exemption de l’inspection, donc du contrôle administratif externe, soit accordée automatiquement aux entreprises, sans demande de leur part. De même, cette politique propose une autorisation automatique du travail vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Compte tenu du fait que la plupart des clients des entreprises engagées dans des services informatiques sont situés en Europe et en Amérique du Nord, la nécessité d’une autorisation des « trois huit » s’imposait pour tenir compte du décalage horaire. Cependant, ces horaires ont obligé le gouvernement régional à contourner la législation indienne qui interdit aux femmes de travailler la nuit, apparemment pour des raisons de sécurité, car les centres d’appel en particulier emploient une majorité de femmes. La « solution » adoptée consiste à exiger des employeurs qu’ils assurent le transport entre résidence et lieu du travail à leurs employées de nuit.

26D’après nos informations, ces réformes du cadre réglementaire du travail n’ont pas fait l’objet de négociations avec les syndicats, et sont assez caractéristiques du mode de fonctionnement autoritaire du gouvernement Naidu. La syndicalisation est rare dans ce nouveau secteur, qui recouvre des activités très diverses tant du point de vue des compétences requises que des salaires perçus. Même en l’absence de syndicalisation, les principaux syndicats tentent de faire pression sur les cadres dirigeants des entreprises pour améliorer les conditions de travail, par exemple dans les centres d’appel [24]. Il est frappant de constater qu’à HITEC City, les personnes occupant les postes de services peu qualifiés (accueil, sécurité, entretien) obtiennent leur emploi grâce à des intermédiaires qui exigent en retour des paiements exorbitants, sous forme d’avance et de prélèvement sur les salaires. Cette forme d’embauche, très courante dans d’autres secteurs de l’économie, se fait évidemment au détriment des travailleurs et limite leurs perspectives d’évolution de carrière. Nous retrouvons ici le schéma devenu classique des villes globales où se juxtaposent emplois hautement qualifiés et travail informel mal rémunéré.

27En revanche, comme indiqué plus haut, le gouvernement Naidu a entretenu de bonnes relations avec les milieux industriels et des affaires, deux des piliers du parti TDP. Le ministère de l’Industrie et du Commerce a organisé à plusieurs reprises des consultations avec les acteurs, au travers des principales associations professionnelles nationales comme la Federation of Chambers of Commerce and Industry et la Confederation of Indian Industry. Ces associations avaient fait part depuis de nombreuses années de leurs demandes d’allégement des réglementations sociales, notamment des inspections. Leur argument consistait à dire que les inspecteurs étaient corrompus, ne délivrant de certificat de congé qu’en échange de pot-de-vin. Sans pouvoir changer la lettre de ces lois, qui s’appliquent à l’ensemble du territoire national, les dirigeants régionaux ont néanmoins réussi à modifier leur mise en œuvre en Andhra Pradesh. Cette démarche a recueilli le soutien des responsables du patronat, qui ont exprimé leur satisfaction.

28D’autres éléments de la politique industrielle des TIC considérés comme attractifs par les investisseurs concernent la qualité et le coût des infrastructures. L’État s’engage par exemple à fournir une offre constante d’électricité aux nouvelles entreprises TIC, qui échappent ainsi aux coupures de courant « régulières (statutory) ». Parmi d’autres avantages dont les entreprises peuvent bénéficier, sur demande cette fois, on peut citer : un rabais sur les tarifs de l’électricité (moins 25%) ; un remboursement à la hauteur de 50% des taxes liées à l’achat de terrain ; un rabais sur le coût du terrain (GoAP, 2002). Ces deux dernières mesures, qui soulignent la dimension territoriale des actions politiques en rapport avec les stratégies de croissance économique, paraissent particulièrement significatives. Les sociétés de services informatiques sont exemptées des réglementations de zonage officielles (agricole, résidentiel, commercial ou institutionnel) (GoAP, 2002, Annexe IV). De même, les parcs consacrés aux TIC (IT Parks), développés le plus souvent par des promoteurs privés, sont autorisés à ne pas tenir compte des lois organisant l’occupation des sols, à l’exception des zones désignées pour l’agriculture. Comme nous l’avons indiqué plus haut, les contestations engendrées par ces politiques s’expriment le plus souvent en termes d’utilisation de ressources publiques financières ou territoriales.

Carte 3

Cyberabad Development Area

Carte 3

Cyberabad Development Area

29Dans ce contexte, notons que la politique impose aux promoteurs des parcs un certain nombre de conditions : une surface minimale de 4000 m2, la provision d’infrastructures de télécommunication de pointe (connectivité en fibres optiques), et l’accès à une station satellitaire. En termes d’aménagement et d’équipements, les promoteurs sont tenus de prévoir des sources énergétiques de réserve en cas de panne, de fournir la climatisation, un parking, un dispositif de sécurité vingt-quatre heures sur vingt-quatre, etc. Avec toutes ces mesures strictes et obligatoires, le gouvernement cherche à assurer une qualité minimale des équipements, en conformité avec ses projets et ses prétentions, et à faire d’Hyderabad une destination qui remplisse pleinement les standards de qualité internationale. Enfin, il est précisé que les constructeurs de grands parcs (supérieur à 93 000 m2) doivent prévoir des infrastructures pour les logements, les commerces et les loisirs.

Un terrain en échange d’emplois

30Une des dispositions majeures de cette politique, sujette à plusieurs conditions, consiste à lier à la création d’emplois les rabais portant sur le prix de terrain. Ainsi une entreprise du secteur TIC souhaitant s’établir sur un terrain non aménagé peut toucher la somme de 20 000 roupies (environ 350 euros) pour chaque emploi qu’elle propose, à condition de créer au moins 100 emplois et de s’installer sur une des parcelles identifiées par le gouvernement [25]. Les terrains proposés dans le cadre de ce programme appartiennent tous à l’État, et sont alloués par les agences publiques chargées du développement des infrastructures. Une troisième condition agit comme une incitation au versement de salaires qui ne soient pas trop bas : les entreprises doivent proposer des émoluments mensuels d’au moins 5000 roupies, ce qui représente une rémunération relativement importante pour des candidats ayant un niveau de qualification intermédiaire comme ceux recrutés dans les centres d’appel (équivalent bac+3).

31Cette disposition témoigne de la participation active et directe du gouvernement dans les choix de localisation des entreprises et des sites qui seront développés pour les accueillir, ainsi que de sa volonté de mobiliser les ressources de l’État, ici les terrains publics, pour étayer ses politiques. Dans le cas d’Hyderabad, les terrains proposés sont situés dans des zones urbaines périphériques et ne sont pas aménagés. Les agences publiques proposent des services payants d’aménagement sur mesure [26].

Cyberabad : la création d’un « techno township »

32En janvier 2001, le gouvernement d’Andhra Pradesh a promulgué un décret donnant naissance à une nouvelle entité territoriale et administrative, la « Cyberabad Development Area » (ou Cyberabad). Cette zone, qui faisait partie jusqu’alors de la municipalité de Serilingampally, couvre 52 kilomètres carrés et jouxte immédiatement à l’ouest la ville d’Hyderabad (Cf. carte 3). Il s’agissait de délimiter une zone importante autour de HITEC City qui serait dotée d’infrastructures et de services de grande qualité, de façon à créer une ville nouvelle (township). En plus des efforts importants sur les routes, y compris une voie rapide pour le relier au nouvel aéroport international, la remise en marche de la ligne ferroviaire et la construction d’une nouvelle gare au niveau de HITEX devait faciliter la navette entre Hyderabad et cette périphérie. Les prévisions concernant l’occupation des sols sont présentées sur le tableau 1.

Tableau 1

Plan directeur de l’occupation des sols à Cyberabad

Catégorie d’usageétendue en hectares% par rapport au total
Zone résidentielle137626,61
Zone commerciale cum résidentielle3707,15
Zone commerciale cum bureaux4689,06
Zone à usage public et semi-public, ainsi que les entreprises
informatiques (computer software units)169232,74
Zone d’usage manufacturier (industries de services non polluantes)701,34
Zone de divertissement54210,47
Zone d’eau1753,39
Zone de transports4779,24
TOTAL5170100,00

Plan directeur de l’occupation des sols à Cyberabad

Source : Cyberabad Development Authority, Master Plan (2001 : 2).

33Le schéma directeur considère que cette enclave « deviendra un modèle pour d’autres agglomérations urbaines du pays, proposant de l’air et de l’eau propres, des services urbains de grande qualité par exemple en matière d’assainissement et de collecte des déchets, et les meilleurs niveaux d’offre en électricité, logement et transports »[27]. Élaboré avec le concours de consultants, le plan définit un zonage spécifique ainsi que des normes de construction, à des tarifs plus élevés, l’objectif étant de générer au sein de la zone les ressources nécessaires pour financer la création d’infrastructures et de services urbains de grande qualité. Parmi les instruments déployés pour y parvenir figurent la modification de la structure des impôts fonciers, la participation financière des usagers au sein de la zone, y compris les particuliers, pour les services, et l’imposition des frais d’amélioration (external betterment charges) lors des nouvelles constructions (Master Plan, 2001).

34Le projet de Cyderabad soulève des questions d’équité auxquelles il n’est pas aisé de répondre, du moins au stade actuel de nos recherches. D’un côté, il semble injuste de donner aux espaces déjà privilégiés sur le plan des infrastructures la capacité de lever leurs propres fonds, au moyen d’instruments fiscaux spéciaux, et de consacrer ces recettes entièrement à l’amélioration de Cyberabad, au lieu de les reverser dans le pot commun. D’un autre côté, si le pot commun devait supporter le coût de l’entretien et de l’amélioration constante d’un tel espace, ce serait également problématique. La logique dominante semble être : puisque le marché pour Cyberabad, composé d’entreprises et de particuliers, est en mesure de supporter des coûts plus élevés, pourquoi en imputer la dépense au budget public ? La question se pose cependant de savoir s’il serait possible de demander la participation financière des usagers à Cyberabad dont de nombreux villageois (Cf. infra), sans fournir un niveau de service supérieur à celui qui domine actuellement à Hyderabad et dans les municipalités périphériques.

Sur le terrain à Cyberabad : processus de transformation et interactions locales

35Actuellement, l’agglomération d’entreprises qui constitue la HITEC City n’occupe qu’une petite portion de Cyberabad (Cf. carte 3). De nombreuses entreprises préfèrent construire leurs propres locaux, et l’on observe, surtout dans la partie sud de cette zone, la construction de vastes campus par des grosses entreprises, notamment informatiques. Le tableau suivant, issu d’une étude récente, indique la superficie des terrains de sociétés localisées à Nanakramguda depuis 1999. Le village voisin de Khajaguda, où un terrain de 44 hectares a été réservé pour un nouveau « IT Park », a davantage tendance à abriter des écoles et des quartiers résidentiels, qui attirent en premier lieu les employés des entreprises informatiques (Mainchain, 2005, p. 38). Là aussi, les projets immobiliers de constructions de quartiers résidentiels sont à une échelle gigantesque, allant de 4 ha. à plus de 25 ha., et seront commercialisés auprès des classes moyennes et élevées (idem).

La construction de Cyberabad se poursuit (Indian School of Business dans l’arrière-plan) (Cliché L. Kennedy)

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La construction de Cyberabad se poursuit (Indian School of Business dans l’arrière-plan) (Cliché L. Kennedy)

Tableau 2

Les principales firmes et institutions avec leur superficie et leur date d’implantation à Nanakramguda

1999 : IIIT (Indian Institute of Information Technology) ; 26 ha.
2000 : Microsoft ; 17 ha.
2000 : Infosys ; 24 ha.
2003 : Wipro ; 12 ha.
2004 : Polaris ; 8 ha.
2004 : Kambay ; 6 ha.
2004 : Infotech ; 4 ha.
2004 : Ispace ; 2 ha.
2005 : Vitusa ; 3 ha.
2005 : Sierra Atlantic ; 2 ha.
2005 : Virtual Soft ; 6 ha.
2005 : Franklin Templeton ; 6 ha.
2005 : IDA (Insurance Regulatory Development Authority) ; 2 ha.
2005 : IRM (Insurance and Risk Management) ; 2 ha.

Les principales firmes et institutions avec leur superficie et leur date d’implantation à Nanakramguda

Source : Mainchain, 2005 :38.

36Ainsi on observe à Cyberabad une activité intensive de construction d’immeubles (résidentiels, bureaux, espaces commerciaux), notamment le long des principaux axes. Cela étant, il existe encore nombre d’espaces ouverts, non bâtis, dans cette zone, et l’aspect de petits bourgs périurbains - environ 17 au total – reste largement inchangé. Les enquêtes de terrain ont permis de constater que ces petites communes (revenue villages), situées de part et d’autre de cette nouvelle entité territoriale (Cf. carte 3), ne semblent pas bénéficier, du moins pour le moment, des importants investissements réalisés dans les environs, ni en termes d’emploi, ni en termes de services publics de base. Les problèmes chroniques liés à l’insuffisance et la mauvaise qualité des infrastructures physiques et sociales sont évidents. L’absence d’un service régulier de l’eau est considérée par les personnes interrogées comme le problème principal [28]. En fait, l’alimentation en eau est irrégulière dans toute la zone – tout comme dans la ville d’Hyderabad et dans les municipalités des alentours [29]. Dans certains cas, elle n’est fournie qu’une fois tous les deux jours, et ce pour quelques heures seulement, dans d’autres cas, c’est une fois tous les trois, quatre ou cinq jours, pour quelques heures. Dans tous les cas, il est nécessaire de stocker et de compléter avec d’autres sources d’eau, fournies par les autorités ou achetées sur le marché. D’autres problèmes sont cités : l’insuffisance de l’électricité (coupures fréquentes), l’absence ou l’insuffisance des transports publics, le mauvais état des routes.

37La qualité médiocre des services urbains dans ces villages périphériques, voire leur absence dans certains cas, n’a rien de surprenant ni d’exceptionnel. Ce qui change est le degré de différenciation des espaces nettement plus important qu’auparavant ; l’aspect luxueux qui domine à HITEC City, sur les campus des grandes écoles et dans les lotissements contraste fortement avec l’environnement immédiat. Cette évolution attise dans certains cas des tensions, sans que cela ne soit systématique. Par exemple, il est intéressant de noter, à titre indicatif, que parmi les personnes interrogées dans les villages de Cyberabad, qui déclaraient connaître l’existence de HITEC City, 35% exprimaient une appréciation positive : HITEC City serait favorable au développement, aux affaires, à la création d’emplois, et grâce à elle, le gouvernement prêterait plus d’attention à leur village. En revanche, 10% seulement ont exprimé une opinion explicitement négative de HITEC City, considérant qu’elle n’apportait rien aux gens ordinaires.

Ressources collectives en concurrence

38La discussion précédente sur l’apparent immobilisme des villages de Cyberabad cache sans doute leur engagement nolens volens dans les dynamiques foncières ; on observe en effet dans certaines localités, comme Nanakramguda et Khajaguda, une intense activité autour des ventes de terrains. Les agriculteurs en particulier sont soumis à de très fortes pressions en provenance à la fois des agences publiques et des promoteurs privés (Mainchain, 2005). Selon une étude récente dans ces deux villages, l’État aurait récemment entrepris de récupérer des terrains agricoles dont il avait auparavant cédé les droits d’exploitation à des agriculteurs, et ceci sans compenser les familles concernées (idem). Comme dans la zone devenue HITEC City, l’État montre sa volonté de mobiliser les ressources immobilières à sa disposition afin d’appuyer sa politique économique, ici malgré l’opposition d’une partie de la population locale.

39Comme l’indique l’exemple précédent, les tensions locales surgissent surtout lorsqu’il y a concurrence entre différents groupes autour d’une ressource (terrain, eau…). Un tel conflit a récemment éclaté entre un groupe d’environ 400 familles Dalit (ex-intouchables), qui occupaient un terrain, et une société d’informatique qui voulait poursuivre des projets de constructions sur son vaste campus (24 hectares). Le terrain, qui appartenait à l’origine à l’État, avait été transféré à la société depuis plusieurs années, mais les familles refusaient de partir, soutenues par des personnalités politiques du Congrès (alors dans l’opposition). Enfin, début 2005, elles ont été relocalisées à une vingtaine de kilomètres du site, avec une maigre compensation et des promesses de logement et de titres de propriété [30]. Cet exemple, qui n’est probablement pas isolé, souligne les difficultés, que partagent de nombreuses grandes villes, de concilier des stratégies de croissance et des politiques sociales.

40Des arguments écologiques n’ont pas manqué d’être opposés à ce modèle intégré de parc technologique et de ville nouvelle fortement consommateurs en énergie et en eau. Compte tenu de la pénurie chronique d’eau dans la région, certaines ONG locales ont déploré l’utilisation de l’eau à des fins non essentielles comme l’arrosage des gazons ou le remplissage des piscines [31]. Elles ont également dénoncé la canalisation exclusive des meilleures sources en eau (l’eau de surface en opposition à l’eau souterraine) au profit des projets de grande envergure comme HITEC City, les halles d’exposition récemment construites (HITEX), et les vastes campus des institutions privées. Elles accusent les agences publiques de contourner les villages, les obligeant ainsi à se contenter de puits. Les enquêtes de terrain ont permis de confirmer ce type de contournement dans au moins un cas, le village de Khanamet. Après l’intervention d’un élu local, les résidents de ce village ont obtenu un point d’eau pris sur la canalisation qui court le long de la route vers HITEX, mais ils s’inquiètent de sa possible suppression lorsque la route sera élargie [32].

Dans la partie sud de Cyberabad, un terrain désigné pour un parc « IT » à venir (Cliché L. Kennedy)

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Dans la partie sud de Cyberabad, un terrain désigné pour un parc « IT » à venir (Cliché L. Kennedy)

41Le projet de tourisme autour du lac Durgam Cheruvu, contigu à HITEC City, a également fait l’objet de contestations de la part des éleveurs locaux de buffles. L’initiative touristique entreprise par le gouvernement a consisté à aménager un lieu de loisirs à proximité de HITEC City, pour l’agrément des employés, pendant la pause du midi ou après le travail, ainsi que pour les populations venant s’installer dans les nouveaux lotissements voisins. Les aménagements reflètent les nouvelles formes de consommation de plus en plus courantes parmi les classes moyennes urbaines : un café à terrasse, des pédalos, ainsi qu’un bac pour rejoindre un nouveau parc sur la rive opposée. Pour le moment, la ressource est partagée entre les deux usages : élevage et tourisme, mais une nouvelle menace pour les éleveurs se dessine autour de la construction de nouveaux logements au bord du lac.

42Enfin, une campagne a été montée, sans succès, pour protester contre le projet de construire un nouvel aéroport international à Shamshabad. La localisation, au sud de l’agglomération urbaine, avait été choisie pour favoriser une desserte pour HITEC City et les nouveaux développements à Cyberabad. Suite à une pétition d’une association locale, un procès avait été engagé pour obliger les autorités à respecter la législation existante, qui interdit l’établissement d’activités polluantes, y compris des installations aéroportuaires, à proximité de sources d’eau [33].

Conclusion

43HITEC City est un exemple ayant permis d’examiner les nouvelles stratégies de croissance en Andhra Pradesh et de discuter des transformations économiques et socio-spatiales qu’elles induisent ou qui les accompagnent, plus particulièrement dans la périphérie Ouest de sa capitale, Hyderabad, où se situe ce parc technologique. À un premier niveau d’analyse, celui des politiques industrielles et d’aménagement du territoire, la rupture opérée par le gouvernement Naidu entre 1995 et 2004 par rapport aux modèles passés, donne lieu à des tensions macrosociales, qui se répercutent à des niveaux d’analyse plus localisés. Sur le plan spatial, la stratégie de croissance préconise une concentration des investissements dans les villes, au sein de zones spéciales d’activité, et valide donc la différenciation croissante des espaces dans une quête de compétitivité, ceci dans un territoire politique déjà marqué par de fortes disparités entre subrégions. Le nouveau modèle de croissance, explicitement inspiré de modèles internationaux, avait pour but de relier l’économie régionale avec l’économie mondiale, en mettant l’accent sur les activités industrielles et de services associés aux technologies de pointe, et en développant de nouvelles modalités d’action publique. En dépit de sa rhétorique libérale, l’État régional est resté l’acteur crucial de la gouvernance locale, celui qui a défini, entre autres, les règles de l’interface entre les acteurs économiques. Ainsi sa démarche s’apparente de manière convaincante à une stratégie de re-territorialisation, au sens de Brenner (1998), qui consiste à mettre en avant des espaces sélectifs, des plateformes territoriales de production, afin d’asseoir sa compétitivité. De même, l’État a réalisé des efforts importants pour adapter l’environnement juridique et institutionnel local aux exigences des investisseurs étrangers, et le rendre plus attractif ; il a élaboré des réglementations spéciales pour la zone d’aménagement de Cyberabad.

44Sur le plan social, la stratégie de croissance bénéficie plus directement aux catégories sociales élevées et urbanisées, plus éduquées, ce qui traduit en Inde un biais en faveur des hautes castes. En matière d’emploi, cette stratégie mise largement sur les effets indirects, car la création de nouveaux emplois est assez limitée. La forte croissance des dernières années a stimulé des projets de constructions, secondés par des investissements publics toujours soutenus en matière d’infrastructures physiques. Concernant les conditions du travail, nous avons vu que les politiques industrielles cèdent de nombreuses concessions aux employeurs, minant de facto une partie de la législation du travail. Des pratiques informelles d’embauche pour les emplois peu qualifiés continuent à exister sur le site de HITEC City parallèlement à des règles institutionnelles formelles pour les postes qualifiés, un point commun avec d’autres « plates-formes » de l’économie mondialisée.

45Le modèle de parc technologique repose sur la concentration dans un espace restreint des services et des infrastructures d’excellence et créé donc un effet de différenciation par rapport aux espaces voisins. En effet, l’arrivée à HITEC City et au sein de Cyberabad de réseaux techniques de très bonne qualité, la transformation rapide des lieux avec l’érection d’imposants immeubles et l’aménagement de campus spacieux aux gazons impeccables donnent à voir des contrastes très forts avec les espaces périurbains contigus, arides et parsemés de rochers, peu intégrés dans l’espace métropolitain. Ceci est sans doute un cas extrême, mais une tendance similaire se remarque dans le centre-ville d’Hyderabad où de nouveaux espaces de consommation (centres commerciaux, hôtels, restaurants) et d’énormes panneaux publicitaires soulignent de manière provocante l’hétérogénéité de la ville, entre différents quartiers et différentes populations urbaines [34].

46À l’échelle locale, le projet de HITEC City a provoqué quelques tensions, qui s’expriment principalement en rapport avec l’utilisation des terres appartenant à l’État et l’utilisation des ressources en eau, également un bien collectif. Les ressources immobilières de l’État, fortement mobilisées pour appuyer la politique industrielle, ont bénéficié aux entreprises informatiques, parfois aux dépens d’autres utilisateurs. Ces tensions surgissent en rapport avec les arbitrages qu’effectue l’État entre les différents groupes d’intérêts, qui disposent de moyens variables de pression. Pour le moment ces tensions restent assez diffuses et ne représentent pas une menace pour la stratégie. In fine, le bilan des implications sociales et spatiales de HITEC City dépendra de sa capacité d’entraînement, par la création d’emplois indirects et par l’extension des infrastructures physiques et sociales aux espaces voisins [35]. Les enquêtes de terrain avaient suggéré qu’il existe des attentes dans la population locale à cet égard. Du point de vue des pouvoirs publics, la réussite du pari « high tech » exige la garantie de réseaux techniques de quantité suffisante et de qualité excellente, et ils semblent assumer les conséquences, à savoir, l’aggravation des disparités spatiales et la différentiation du niveau de services urbains, du moins dans le court terme. Rappelons que l’objectif annoncé était de transformer toute la zone de Cyberabad en enclave d’excellence.

47La mobilisation de la notion de « villes-régions mondiales » (Scott, dir, 2001) nous a permis de situer, au sein de processus plus généraux, les tendances que nous observons actuellement en Inde, notamment le nouveau rôle économique des grandes villes et la nouvelle attitude plus positive des pouvoirs publics envers l’urbanisation. Cependant, les villes indiennes ne sont pas pour l’instant des villes globales dans le sens de Sassen (1991), et elles ne sont pas non plus des acteurs politiques au sens fort ; les régions métropolitaines se présentent le plus souvent comme des territoires éclatés spatialement et politiquement. Ceci marque une divergence par rapport à une partie de la littérature, qui souligne l’émergence des processus de consolidation politique et territoriale à l’échelle urbaine, mais cette observation semble s’appliquer surtout aux régions métropolitaines du Nord, peut-être moins aux villes du Sud. Il paraît évident que l’état actuel des institutions financières et politiques des grandes villes indiennes ne leur permettrait pas d’élaborer ou de mener à terme des stratégies autonomes de croissance. Elles restent, comme d’autres villes en développement, dépendantes du soutien financier et technique des niveaux politiques supérieurs dans la réalisation de stratégies métropolitaines (Stren, 2001, p. 209). De ce point de vue, peut-être les métropoles indiennes constituent-elles une variante du modèle : le gouvernement régional élabore et met en œuvre des stratégies économiques, avec le soutien du milieu des affaires, cependant qu’il réalise des efforts pour renforcer les capacités financières et gestionnaires des villes. Il reste à voir si ces réformes urbaines peuvent favoriser à terme une décentralisation politique vers les instances décisionnelles locales. Les politiques de développement urbain du gouvernement central semblent pousser dans ce sens, tout comme les demandes de responsabilité et transparence locales portées par des ONGs et des associations de résidents. Enfin, il est possible que les demandes des classes moyennes, en expansion rapide, pour un meilleur niveau de services urbains contribuent indirectement au développement d’institutions urbaines locales.

Notes

  • [1]
    Les auteurs remercient leurs institutions respectives, ainsi que l’UMR ADES à Bordeaux, l’UR 23 de l’IRD et le programme d’échange franco-indien de la MSH à Paris, qui a financé le séjour de C. Ramachandraiah en France en septembre 2004. Ils remercient également les rapporteurs de cet article pour leurs remarques et leurs suggestions, et Blandine Ripert pour sa relecture attentive.
  • [2]
    Saskia Sassen, une des architectes de la notion de « ville globale » (1991) propose une comparaison entre ces deux catégories (2001). Sur le régionalisme, voir également Scott 1998.
  • [3]
    Ces modèles sont basés sur la « nouvelle économie », qui apparaît comme un levier important de croissance, liée non seulement à son propre dynamisme mais également à la consommation induite par les employés bien rémunérés de ce secteur (logement, loisirs, restaurants, shopping). Cf. Sellers 2002, p. 294.
  • [4]
    À Hyderabad, même certaines fonctions statutaires comme la provision en eau, sont confiées à des agences publiques qui répondent directement du gouvernement régional. La faiblesse des institutions de démocratie locale persiste en dépit des réformes de décentralisation, réalisées depuis une décennie dans le cadre des amendements à la Constitution, qui participent néanmoins à renforcer les institutions de gouvernement local en garantissant par exemple l’organisation régulière d’élections.
  • [5]
    Il existe une abondante littérature sur ce sujet. Pour une synthèse récente des principaux débats, voir l’introduction de Le Galès et Lorrain (2003), ainsi que les articles qu’ils ont coordonnés dans un numéro spécial de la Revue française d’administration publique, Le Galès et Lorrain (dir) 2003. Voir également May et al. (1996), Navez-Bouchanine, (éd) (2002) et Polèse et Stren, (eds) 2000.
  • [6]
    Voir Graham, Marvin 2001. Cette thèse est très controversée, voir par exemple Coutard, Hanley Rae (ed) 2005, Le Galès et Lorrain (dir) 2003 et Jaglin (2003, 2005), dans le contexte des villes africaines. Dans le contexte indien, voir Zérah 2003, 2005 (Mumbai), et Llorente 2005 (Delhi).
  • [7]
    Voir Graham (2000). Pour une analyse critique, voir Coutard (2002).
  • [8]
    Dans les années 1990, l’industrie a contribué pour moins de 10% au produit régional.
  • [9]
    Dix-neuf « moteurs de croissance » ont été identifiés, six dans chacun des secteurs primaire et secondaire, sept du secteur tertiaire (GoAP, 1999).
  • [10]
  • [11]
    Pour une analyse plus approfondie de ces politiques, voir Kennedy 2004a.
  • [12]
    Il est à noter que Vision 2020 était réalisée avec l’assistance du cabinet international de consultants McKinsey.
  • [13]
    Fondée à la fin du XVIe siècle sur les rives sud de la rivière Musi, Hyderabad était jusqu’en 1948 la capitale de l’État d’Hyderabad, le plus grand des États princiers. Les États princiers désignent les territoires politiques restés à l’écart de l’administration coloniale ; ils étaient environ 600 au moment de l’indépendance de l’Inde en 1947.
  • [14]
    Les divers projets de restauration ont buté contre des obstacles matériels ou techniques (ruelles très étroites, petits commerces desservant des marchés très localisés…) et contre les résistances d’une partie de la population locale.
  • [15]
    Il s’est organisé par exemple un lobby de builders qui cherchent à abolir le cadre juridique spécial qui règle les constructions dans le quartier huppé de Jubilee Hills, afin de favoriser l’érection d’immeubles plus hauts, sur des parcelles plus petites, ainsi que la mise en construction de nombreux espaces non bâtis. Entretien de L. Kennedy avec le secrétaire de la Jubilee Hills Houseowners Association, le 26 septembre 2005.
  • [16]
    Ainsi lors des élections renouvelant l’Assemblée régionale en 1999, l’alliance électorale menée par le TDP a recueilli 65% des voix des hautes castes. Parmi les castes moyennes et basses (other backward classes), elle a obtenu la moitié environ des voix. En revanche, elle n’a gagné que 33% des voix des Dalits, les ex-intouchables, qui constituent environ 20% de la population totale. Voir CSDS avec K.C. Suri 1999 : tableau 9.
  • [17]
    À proprement parlé, il s’agit de castes intermédiaires, propriétaires paysannes, mais de facto dans les configurations locales de caste, leurs statuts équivalent ceux des hautes castes.
  • [18]
    Notons que le gouvernement Naidu a été vaincu en 2004 par une coalition électorale dont un des principaux partenaires était une nouvelle formation politique, le Telengana Rashtra Samithi, qui lutte en faveur de la création d’un nouvel État à partir de la subrégion de Telengana, frappée depuis quelques années par une crise économique profonde, sur fond de suicides d’agriculteurs et d’artisans.
  • [19]
    Les autorités de la ville sont fières d’avoir reçu plusieurs années de suite la distinction nationale de « ville propre » (Clean City Award), ainsi que la distinction « ville verte » (Vanamitra, Green City) attribuée par le gouvernement de l’Andhra Pradesh.
  • [20]
    Il s’agit des entreprises inscrites auprès de STPI (Software Technology Parks of India), une agence publique autonome créée en 1990 par le gouvernement de l’Inde.
  • [21]
    Voir la politique TIC : ICT Policy 2002-2005, du gouvernement de l’Andhra Pradesh (GoAP, 2002).
  • [22]
    Rappelons ici que ce secteur ne couvre qu’une proportion infime de la population active indienne, dont la vaste majorité, 90% environ, travaille dans l’informel ; il concerne principalement les fonctionnaires et les employés des moyennes et grandes entreprises. Cela étant, le secteur formel reste un idéal pour la population indienne et nourrit tous les espoirs, comme en témoignent les revendications en faveur de la discrimination positive afin d’accéder aux postes de la fonction publique, et de la possibilité de léguer à ses descendants son poste, réclamée par tous les principaux syndicats.
  • [23]
    Les principales lois concernées sont les suivantes : The Factories Act 1948, The Maternity Benefit Act 1961, The Contract Labour Act 1970, The Payment of Minimum Wages Act 1936, The Employment Exchanges (Compulsory Notification of Vacancies) Act 1959.
  • [24]
    Entretien conduit par L. Kennedy, avec B.V. Raghavulu, State Secretary, Communist Party of India - Marxist (CPM), à Hyderabad, le 31 mars 2003.
  • [25]
    Pour être éligible, les employés doivent être originaires de l’Andhra Pradesh. Toutefois, la définition est assez large car elle comprend toute personne résidente ou domiciliée dans l’État, ainsi que toute personne née en Andhra Pradesh ou qui y a étudié, et toute personne dont les parents sont nés, ont étudié ou ont été domiciliés dans l’État. Voir GoAP, 2002, p. 12.
  • [26]
    La société multinationale GE Capital a profité de ce programme pour établir une nouvelle implantation dans la banlieue est de la ville, déménageant ses bureaux à HITEC City.
  • [27]
    « [Cyberabad] will become a model for other urban areas in the country by providing clean air and water, high quality of services such as sanitation and waste management, and the best standards of power, housing and transport » (Master Plan, p.1).
  • [28]
    Une enquête, dirigée par C. Ramachandraiah, a été menée en décembre 2003 et janvier 2004 dans 15 villages de Cyberabad, auprès de 70 personnes. Cette enquête exploratoire avait pour but de générer des informations sur trois sujets : le niveau de connaissance des résidents des villages concernant l’entité de Cyberabad ; les perceptions des résidents à l’égard de Cyberabad et de HITEC City ; les perceptions des résidents de la qualité des infrastructures et des services dans les villages.
  • [29]
    Voir Ramachandraiah, Prasad, 2004.
  • [30]
    Enquêtes menées par les auteurs, le 14 juin 2005.
  • [31]
    Profitant de la nouvelle législation sur le droit des citoyens à l’information (Right to Information Act, 2005), l’association Hyderabad Action Group a demandé à l’agence chargée de l’eau et de l’assainissement à Hyderabad (Hyderabad Metropolitan Water Supply and Sewerage Board) de rendre public les tarifs préférentiels qu’elle accorde à l’Indian School of Business.
  • [32]
    Pour l’éviter, ils tentent de mobiliser le soutien des syndicats. Enquêtes des auteurs à Khanamet, 19 janvier 2005.
  • [33]
    La pétition (public interest litigation) avait été enregistrée par l’ONG Forum for a Better Hyderabad, auprès de la Cour Suprême fédérale.
  • [34]
    Des évolutions similaires ont été remarquées dans toutes les grandes villes indiennes depuis la libéralisation de l’économie. De manière générale, il existe dans ces villes de fortes inégalités sociales et spatiales confortées par le système des castes encore vivace. Ainsi, suivant Lorrain (2005), il nous faudrait distinguer entre les effets des politiques particulières, en termes de différenciation et/ou ségrégation, et les causes plus « profondes », qui sont à chercher dans les institutions et pratiques sociales, ainsi que dans les institutions politiques qui leur donnent expression.
  • [35]
    Cette remarque rejoint l’observation de Coutard à l’égard des « business districts » : « The key issue is the extent to which the economic achievements of these districts benefit the surrounding population » (2002, p. 173).
Français

Résumé

L’Andhra Pradesh, un État méridional de l’Inde, s’est démarqué depuis quelques années par sa politique industrielle axée sur les industries de haute technologie et par son modèle de croissance reposant sur la différenciation des espaces. L’objectif du gouvernement provincial consistait à restructurer l’économie régionale et à favoriser son intégration au sein des marchés mondiaux. La ville capitale d’Hyderabad, la plus grande agglomération urbaine de l’État, a servi de laboratoire pour cette politique, et d’énormes investissements ont été réalisés, notamment dans les périphéries. À partir de l’exemple de HITEC City, un parc industriel spécialisé dans les technologies de l’information et dans les services informatiques situé au sein de la zone spéciale de Cyberabad, l’objectif de cet article est d’analyser cette stratégie industrielle et ses conséquences, avec une attention toute particulière aux implications sociales et spatiales. Divers types de conflit, dont la plupart en rapport avec les ressources publiques et le territoire, sont examinés. Ensuite, les auteurs entreprennent de situer cet exemple dans les tendances plus globales en mobilisant la littérature récente sur les villes-régions mondiales et les stratégies de reterritorialisation, qui aborde les processus en cours dans les grandes villes du monde au moment où elles essaient de relever le défi de la globalisation. La démarche empruntée dans cet exemple s’apparente de manière convaincante à une stratégie de re-territorialisation, au sens de Brenner (1998, 2004), qui consiste à mettre en avant des espaces sélectifs, des plateformes territoriales de production, afin d’asseoir sa compétitivité. De même, l’Etat a réalisé des efforts importants pour adapter l’environnement juridique et institutionnel local aux exigences des investisseurs étrangers, et le rendre plus attractif.

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Loraine Kennedy
Socio-économiste, chargée de recherche au CNRS, membre de l’UMR Centre d’Études de l’Inde et de l’Asie du Sud (CNRS-EHESS), Paris, et membre associée à l’UR23 de l’IRD (Développement urbain : dynamiques et régulations).
Courriel : kennedy@ehess.fr
Chigurupati Ramachandraiah
[1]
Géographe, chercheur au Centre for Economic and Social Studies, Hyderabad (Inde).
Courriel : rama@cess.ac.in
  • [1]
    Les auteurs remercient leurs institutions respectives, ainsi que l’UMR ADES à Bordeaux, l’UR 23 de l’IRD et le programme d’échange franco-indien de la MSH à Paris, qui a financé le séjour de C. Ramachandraiah en France en septembre 2004. Ils remercient également les rapporteurs de cet article pour leurs remarques et leurs suggestions, et Blandine Ripert pour sa relecture attentive.
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/12/2007
https://doi.org/10.3917/flux.063.0054
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