CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1Les systèmes énergétiques sont généralement décrits en séparant leur fonctionnement entre la production, le transport, la distribution et la fourniture. L’application des directives européennes sur la libéralisation, et du principe d’unbundling (Chevalier, Percebois, 2008, p. 25) a rendu ce découpage d’autant plus visible qu’il s’est traduit en France par la séparation obligatoire de ces activités au sein du groupe EDF avec la création de RTE en charge du réseau de transport, et d’ERDF, devenue Enedis, en charge du réseau de distribution. Le cas de l’autoconsommation apparaît ainsi d’autant plus intéressant qu’il brouille la frontière entre production et consommation (Debizet, 2019). L’émergence de l’autoconsommation est associée au développement des sources de production électrique renouvelables décentralisées comme le solaire photovoltaïque. Alors que le tarif d’achat a longtemps été la modalité principale encadrant l’échange économique de cette production en France, l’autoconsommation représente un changement important encadré dans la loi de transition énergétique pour la croissance verte (TECV) de 2015 et par un ensemble d’autres actes réglementaires ou législatifs publiés entre 2017 et 2019 (voir Annexe 1). Alors que les tarifs d’achats étaient fondés sur un principe de rachat obligatoire de l’électricité produite à un prix fixé et garanti par l’État, le modèle économique de l’autoconsommation est fondé sur l’économie de facture que permet la consommation de sa propre production.

2Dans cet article, nous explorons la mise en place, en France, d’un nouveau cadre réglementaire pour l’autoconsommation et nous nous arrêtons plus précisément sur une de ces déclinaisons : l’autoconsommation collective. Cette dernière étend l’idée de l’autoconsommation d’une seule entité à un groupe organisant ainsi un échange via le réseau public de distribution entre des producteurs et des consommateurs proches géographiquement. Ce nouveau dispositif a connu un engouement important à partir de 2017 en s’articulant avec des dynamiques sociétales et politiques mises en route depuis plusieurs années comme le développement des coopératives énergétiques citoyennes (Fontaine, 2019 ; Wokuri, 2019), le renforcement du pouvoir des collectivités territoriales en matière d’énergie (Marcou, 2015), le développement des smart-grids (Debizet, 2016 ; Lopez, 2019) et plus généralement autour du vocable encore mal défini de « communautés énergétiques » (Nadaï, Debourdeau, 2019).

3L’utilisation du réseau public pour l’autoconsommation collective a rapidement soulevé la question de la tarification des flux transitant entre les participants d’une opération d’autoconsommation collective. Ces flux doivent-ils se voir appliquer un tarif d’utilisation du réseau public d’électricité (TURPE) normal ou doivent-ils faire l’objet d’une tarification différenciée ? Sur quoi cette différenciation pourrait-elle se baser ? Ces questionnements ont ouvert le débat sur un certain nombre de principes qui constituent des soubassements de l’économie politique du réseau d’électricité français. Partant de cette controverse, nous chaussons les lunettes des agencements marchands (Callon, 2017) afin d’éclairer comment la mise en place de l’autoconsommation collective a contribué à faire apparaître des débordements (Callon, 1998) du TURPE. Comme nous le verrons, ces débordements portent sur les formes de solidarité et d’incitations économiques qu’implique le design des agencements. Le cas de l’autoconsommation collective nous permet d’aborder en particulier la problématique des échelles spatiales inscrites dans ces agencements et questionne plus globalement la compatibilité entre de nouveaux dispositifs locaux et le fonctionnement du réseau électrique nationalisé.

4Pour étudier ce qui s’est joué dans les différents espaces dans lesquels ce nouveau dispositif a été défini, nous nous basons sur l’analyse de 20 entretiens semi-directifs réalisés avec des protagonistes du secteur et l’analyse de la littérature grise. Les entretiens réalisés entre 2019 et 2020 ont permis de préciser et de mettre en contexte les discours retranscrits dans la littérature grise (rapports ministériels, comptes rendus de débats, appels à contributions). Ainsi, la majorité des acteurs nommément cités dans le texte (régulateur, entreprise, syndicat professionnel, association, etc.) a fait l’objet d’entretiens avec un ou plusieurs de leurs représentants. Le travail présenté ici s’appuie également, dans une moindre mesure, sur l’étude de trois projets [1] d’autoconsommation collective pour lesquels nous avons réalisé 19 entretiens semi-directifs [2].

Cadrer, valuer, déborder : les apports de la sociologie des agencements

5Issue de travaux en philosophie (Deleuze, Guattari, 1980) et en sociologie de l’innovation (Akrich, Callon, Latour, 2013), la notion d’agencement sociotechnique est héritée de celle de « dispositif » (Foucault, 1994, p. 299-300). Elle permet de décrire un arrangement d’éléments hétérogènes (matériels, immatériels, humains, non-humains) en insistant sur l’action spécifique que produit cet arrangement (Callon, 2017). Ainsi, la notion d’agencement peut se décliner selon le type d’action spécifique qui lui est dévolue (politique, marchand, scientifique, etc.). Dans le champ de la sociologie économique, la notion d’agencement marchand s’inscrit de manière plus générale au sein des études de la performativité. Celles-ci prêtent une attention particulière au rôle joué par la théorie économique dans le design des agencements qui contribuent à construire la réalité des échanges économiques (MacKenzie, Muniesa, Siu, 2007 ; Muniesa, Callon, 2013). De nombreux travaux se revendiquant au moins partiellement de cette approche se sont intéressés à l’énergie (Silvast, 2017). De ces travaux nous retenons trois enseignements qui éclaireront l’analyse de notre cas.

6Premièrement, en utilisant la notion de cadrage, les agencements marchands permettent de penser l’évolutivité des objets qu’ils saisissent. En effet, les agencements marchands cadrent les échanges marchands en définissant les modalités de l’échange : qu’est-ce qui est échangé ? Par qui ? À quel prix ? L’action de cadrage consistant nécessairement en une entreprise de sélection de ce qui est pris en compte et de ce qui est laissé en dehors de l’agencement, celui-ci peut se trouver débordé par des questions, des problématiques qui avaient été exclues du cadrage initial (Callon, 1998). Dans le cas qui nous intéresse, nous nous demanderons quel type de cadrage opèrent les nouvelles règles sur l’autoconsommation, mais aussi comment celles-ci viennent interroger les cadrages d’agencement plus anciens comme le tarif de réseau. Deuxièmement, cette approche théorique permet de ne pas penser la valeur des biens et des services comme intrinsèques aux objets, mais comme le fruit d’un processus sociotechnique de valuation (Helgesson, Muniesa, 2013 ; Kornberger et alii, 2015). Le cadrage opéré par les agencements consistant nécessairement à délimiter ce qui doit être pris en compte ou non, la définition de la valeur des objets qu’ils saisissent est un processus collectif et distribué pouvant être controversé (Doganova, 2015 ; Doganova, Karnøe, 2015 ; Reverdy, 2017 ; Roscoe, Townley, 2016). Dans le cas présenté ici, la question de la valeur des flux autoconsommés est centrale dans la possibilité d’émergence de projets d’autoconsommation collective. Pourtant, la valeur de ces flux est un objet de lutte entre les parties prenantes de la controverse. Enfin, les travaux sur l’énergie s’inspirant de la théorie de la performativité révèlent les interactions constantes entre savoirs économiques et enjeux politiques dans la construction d’agencements comme les marchés de capacités (Breslau, 2013), les marchés de flexibilités (Jenle, Pallesen, 2017), les tarifs de vente de l’électricité nucléaire (Reverdy, Breslau, 2019 ; Yon, 2014) ou les tarifs d’achats d’électricité renouvelable (Cointe, Nadaï, 2018). Ainsi, ces agencements sont souvent considérés non seulement comme des agencements marchands mais aussi comme des agencements politiques (Cointe, 2014). Nous montrerons que la capacité du tarif d’utilisation des réseaux (TURPE) à maintenir une « cohérence politique » et « économique » [3] est essentielle à sa stabilité et est questionnée par l’émergence de l’autoconsommation.

7En dépliant les différentes controverses qui ont entouré la mise en place de l’autoconsommation d’électricité en France, nous montrerons que le passage à un régime d’autoconsommation bouscule les cadrages des agencements en place, suscitant l’ouverture de nouveaux processus de valuation de l’électricité. Le recadrage qu’opère l’autoconsommation par rapport au tarif d’achat contribue à qualifier l’électricité produite par des panneaux photovoltaïques non plus comme une production, mais comme une (auto)consommation, posant ainsi la question de l’adaptation des taxes sur la consommation et des instruments de tarification du réseau. L’introduction de l’autoconsommation collective introduit, elle, une complexité supplémentaire en permettant l’émergence de collectifs au sein d’une économie politique du réseau qui reconnaissait jusqu’alors principalement des formes de production et de consommation individuelle (Fontaine, 2018, p. 298) et opérait des formes de redistribution à l’échelle nationale (Poupeau, 2007). Nous montrerons ainsi que si la mise en place de l’autoconsommation collective n’a pas abouti à une évolution en profondeur de l’agencement tarifaire du réseau, elle a renouvelé une discussion ancienne sur les principes fondateurs de cet agencement. Nous montrerons également que cette évolution limitée du TURPE a accéléré un recadrage de l’autoconsommation collective par l’intermédiaire de son périmètre d’application. Cet agrandissement du périmètre peut être interprété comme résultant de la prise en compte de débordements n’ayant pas été intégrés au TURPE.

Contexte d’émergence d’un nouvel agencement encadrant la production et la consommation d’électricité décentralisée

La mise à l’agenda de l’autoconsommation dans le sillage du déclin des tarifs d’achats

8Bien que l’encadrement de l’autoconsommation en France ait été concrétisé par un processus législatif entamé en 2015 avec la loi de transition énergétique pour la croissance verte (TECV), elle existait dès l’installation des premières centrales de production photovoltaïque [4]. En effet, en l’absence de cadre permettant l’injection de cette électricité dans le réseau, cette dernière était déjà autoconsommée. C’est le cas par exemple de l’installation Phébus construite en 1992 par l’association du même nom qui deviendra par la suite Hespul [5]. L’installation était raccordée au réseau, mais l’électricité était consommée en priorité par le bâtiment sur lequel elle était installée, le compteur tournant « dans les deux sens » [6]. La mise en place des tarifs d’achats, tout d’abord comme un moyen d’intégrer la production d’électricité renouvelable au réseau, puis comme des instruments de soutien au développement de ces sources de production (Cointe, Nadaï, 2018), a grandement limité l’attractivité de l’autoconsommation en offrant un cadre stable et économiquement profitable pour la production photovoltaïque. Aussi, une association comme Hespul, qui était à l’origine des premières centrales photovoltaïques en autoconsommation, a fortement soutenu la mise en place et le maintien des tarifs d’achats, qu’elle juge encore être le moyen le plus efficace de soutenir l’installation de capacités de production photovoltaïque sur le territoire. De fait, une fois les tarifs d’achat mis en place et alors que l’autoconsommation était légalement possible, l’immense majorité des installations photovoltaïques a bénéficié des tarifs d’achat.

9Il n’est donc pas étonnant que la mise à l’agenda de l’autoconsommation en France soit intervenue peu de temps après le moratoire sur les tarifs d’achats photovoltaïques de décembre 2010. Ce moratoire avait été le résultat d’un débordement de l’agencement sous l’effet d’une explosion du nombre de projets à financer consécutive à une baisse drastique des coûts de production photovoltaïques. Le risque d’un renchérissement du prix de l’électricité et l’échec du développement d’une filière française de production de panneaux avaient alors fortement remis en cause la légitimité des tarifs comme agencement de soutien au photovoltaïque (Cointe, 2015 ; Debourdeau, 2011). À la suite de ce moratoire, les tarifs d’achat avaient été réformés et d’autres instruments de soutien comme les appels d’offres avaient été privilégiés. Ces derniers ont introduit des mécanismes de concurrence pour les plus grandes installations, mais ont maintenu le principe de l’obligation d’achat, c’est-à-dire la vente de l’intégralité de la production. Dans ce contexte de baisse des tarifs d’achat, l’autoconsommation s’est présentée comme un agencement pouvant s’y substituer avec le rapprochement de la parité réseau, c’est-à-dire l’égalisation du coût de production photovoltaïque avec le prix de vente de l’électricité. Cette dernière avait d’ailleurs constitué l’horizon de la politique menée avec les tarifs d’achat, laquelle visait le soutien aux énergies renouvelables dans un objectif de rattrapage compétitif des technologies de production traditionnelles (Debourdeau, 2011, p. 110).

10En 2013, un groupe de travail sur l’autoconsommation regroupant un très large échantillon d’acteurs en lien avec la filière solaire est réuni par la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC). À ce moment, la filière photovoltaïque peine encore à se relever des effets du moratoire intervenu trois ans plus tôt. L’autoconsommation est ainsi perçue, par les acteurs économiques, comme une opportunité de relancer la filière en s’appuyant notamment sur l’attractivité sociale que l’idée d’autoconsommation véhicule auprès des clients. Jusque-là, le terme d’autoconsommation désignait avant tout une situation s’opérant à l’échelle individuelle, c’est-à-dire d’un seul client producteur/consommateur. Mais au sein du groupe de travail, des discussions portent également sur un moyen de penser l’autoconsommation à des échelles plus larges. En 2015, la loi TECV distingue une « autoconsommation individuelle » et une « autoconsommation collective », renvoyant l’établissement des règles les concernant à une future ordonnance. Cette dernière est publiée en juillet 2016 et ratifiée par une loi en février 2017. Quelques mois plus tard, un décret d’application est publié et complète le paysage législatif et réglementaire encadrant l’autoconsommation (voir Annexe 1). Les parcours législatifs et réglementaires de l’autoconsommation individuelle et de l’autoconsommation collective sont ainsi symétriques.

Le cadrage d’un nouveau type de flux d’électricité

11Au moment de résumer simplement la différence entre tarifs d’achat et autoconsommation individuelle, on pourrait dire que dans le premier cas, le propriétaire de panneaux photovoltaïques vend l’intégralité de sa production en l’injectant sur le réseau, et que dans le second il consomme directement sa production. Mais les différences entre les deux agencements sont un peu plus subtiles. En effet, cet énoncé pourrait laisser entendre deux choses. Tout d’abord, qu’un autoconsommateur individuel n’est pas raccordé physiquement au réseau. Ensuite, qu’un producteur bénéficiant du tarif d’achat ne consomme pas l’électricité qu’il a produite. Concernant le premier point, la mise en place de l’autoconsommation individuelle ne signifie pas pour autant la déconnexion du réseau. Un autoconsommateur individuel, excepté le cas particulier des sites isolés, est donc toujours raccordé au réseau d’électricité, qu’il sollicitera pour injecter son surplus éventuel de production ou pour soutirer son besoin résiduel de consommation. Concernant le second point, un producteur bénéficiant du tarif d’achat peut, d’un point de vue physique, consommer l’électricité qu’il produit. En effet, l’électricité produite, sur le toit d’une maison par exemple, bien qu’injectée dans le réseau, peut revenir dans le système électrique pour y être consommée. Ainsi, la différence avec l’autoconsommation individuelle réside avant tout dans le cadrage opéré par l’agencement.

12Dans le cas du tarif d’achat, l’électricité produite passe dans un compteur de production. D’un point de vue formel, elle est donc injectée sur le réseau au niveau d’un « point de livraison », qui marque la limite entre le réseau public et une installation électrique privée. L’électricité injectée est ainsi cadrée comme une production vendue à un tarif fixé à l’avance. Une fois sur le réseau, cette électricité produite par les panneaux pourra venir alimenter l’installation en amont du point de livraison, en circulant du réseau vers cette l’installation via un compteur de consommation. Néanmoins, cette électricité est alors cadrée comme n’importe quelle consommation d’électricité issue du réseau : la part issue des panneaux photovoltaïques est indifférenciée de la part issue de la production nucléaire ou hydroélectrique par exemple. Ainsi, si une forme d’autoconsommation (physique) existe, le cadrage opéré par le comptage, en situation de tarif d’achat, en efface la visibilité. Au contraire, avec le dispositif d’autoconsommation individuelle, l’électricité produite sur place est autoconsommée en priorité par le système électrique en amont du point de livraison. Matériellement cela se traduit par le fait que l’électricité produite par les panneaux alimente directement l’installation électrique privée avant qu’un éventuel surplus ne soit injecté sur le réseau, via un unique compteur. En cas d’absence de production l’électricité, ou de production insuffisante, l’installation pourra consommer de l’électricité en provenance du réseau.

13En bref, alors que le régime des tarifs d’achat distinguait seulement deux types de flux – la production injectée au réseau et la consommation soutirée du réseau – l’autoconsommation individuelle distingue trois flux différents : l’électricité autoconsommée, le surplus de production injectée au réseau et la consommation soutirée du réseau – ces deux derniers flux faisant l’objet d’un comptage public. L’existence de ces flux est bien une conséquence du cadrage sociotechnique effectué par l’agencement. Ce dernier s’appuie sur des différences matérielles de comptage et de câblage des installations. Il entraîne par ailleurs des conséquences sur la valeur et les modalités d’échange économique de ces flux.

De nouvelles incitations économiques

14Ces différences dans le cadrage des flux impliquent que les modèles économiques d’une installation en autoconsommation [7] ou d’une installation au tarif d’achat ne sont pas identiques. En effet, dans le cas de l’autoconsommation, l’investissement dans l’installation de production n’est plus remboursé par les revenus de la vente de l’intégralité de la production à un tarif garanti, mais par l’économie de facture que permet l’autoconsommation de la production et le revenu éventuel issu de l’injection du surplus. Lorsqu’un autoconsommateur consomme sa propre électricité, il ne consomme pas d’électricité en provenance du réseau. La rentabilité de son investissement dépendra donc essentiellement de trois éléments. Premièrement, le prix de l’électricité sur le marché : plus celui-ci est élevé et plus l’économie relative que réalise l’autoconsommateur en consommant sa propre électricité est importante. Deuxièmement, son économie de facture sera d’autant plus importante qu’il sera en mesure de consommer un maximum de sa production. Pour cela, il lui faudra synchroniser ses périodes de consommation avec les périodes de production de ses panneaux photovoltaïques. Enfin, s’il demeure un surplus de production que l’autoconsommateur n’est pas en mesure d’autoconsommer, alors, un troisième élément de la rentabilité sera constitué par le prix auquel il pourra vendre cette électricité en surplus. Cette dernière peut faire l’objet de plusieurs cadrages lui conférant des valeurs économiques différentes. Le surplus peut par exemple faire l’objet d’aucune valorisation économique (autoconsommation totale), ou encore être valorisé à la même valeur que l’électricité soutirée du réseau (net-metering) ou à une valeur inférieure à cette dernière (net-billing) (Dufo-López, Bernal-Agustín, 2015). Selon la théorie économique, ces différents calibrages de l’autoconsommation par la valeur du surplus peuvent susciter des incitations différentes pour le consommateur. Le net-metering incite par exemple à installer de grandes surfaces de panneaux tandis qu’une autoconsommation totale incitera plutôt le dimensionnement de petites installations pour minimiser le surplus (Dufo-López, Bernal-Agustín, 2015). Partant, la construction de l’agencement et les cadrages qu’il opère, notamment en définissant le surplus comme un bien pouvant être ou non vendu et si oui à quel prix, permet théoriquement plusieurs types d’incitations : une incitation portant sur la taille des centrales installées et une incitation portant sur les comportements de consommation des autoconsommateurs. Ce cadrage dépend de décisions des acteurs politiques et des agences de régulation mais aussi de dispositifs techniques de mesure et de comptage.

15De ce point de vue, le passage d’un modèle de couverture des coûts (obligation d’achat) à un modèle d’autoconsommation transfère le risque lié à l’investissement dans des sources de production renouvelables de l’État aux autoconsommateurs. En effet, en régime d’autoconsommation, la capacité de l’autoconsommateur à synchroniser sa consommation avec sa production devient un élément central de la rentabilité de son investissement. Ainsi, de nombreux économistes ont mis en avant que l’intégration des autoconsommateurs [8] au marché était un moyen d’améliorer l’efficacité économique d’un système énergétique de plus en plus intelligent (Espe, Potdar, Chang, 2018 ; Shandurkova et alii, 2012).

Un risque pour le financement du réseau

16Si le développement de l’autoconsommation est perçu de façon positive par une partie de la littérature en économie, d’autres travaux se sont efforcés de mettre en avant les risques d’un développement de l’autoconsommation pour l’économie du réseau. Cette problématique a été documentée dans la littérature économique (Dufo-López, Bernal-Agustín, 2015 ; Eid et alii, 2014 ; Percebois, 2015 ; Felder, Athawale, 2014) et certains journaux spécialisés (Murky Policy Conundrum: How to Get Self-Generators to Pay Fair Share to the Grid, 2013). Ces travaux s’appuient notamment sur des observations pratiquées dans des pays ayant mis en place des agencements permettant l’autoconsommation. Ces économistes mettent en évidence un risque important de réduction de l’assiette des prélèvements permettant de financer le réseau en raison de l’augmentation du nombre d’autoconsommateurs. En effet, les tarifs de réseau d’électricité étant généralement basés en majeure partie sur le volume d’électricité transitant sur le réseau, le développement de l’autoconsommation ferait baisser mécaniquement les recettes des gestionnaires de réseau. Or, ces travaux mettent en avant que cette baisse de revenus ne serait pas compensée par une baisse des coûts pour les gestionnaires, l’autoconsommation n’impliquant pas nécessairement une baisse de la pointe de consommation, facteur principal conditionnant le niveau de coûts sur le réseau. Au contraire, comme le note un rapport commandé par la CRE en 2018, le développement de l’autoconsommation et de la production décentralisée pourrait entraîner des besoins croissants en infrastructures (ECube - Strategy consultants, 2018, p. 22-23) dus notamment aux effets induits par l’injection croissante d’électricité sur le réseau de distribution. Le risque que ces travaux soulèvent est que les consommateurs courants se retrouvent à payer une partie des coûts engendrés par les autoconsommateurs sur le réseau pour compenser le manque de recettes issu du tarif. Ils préconisent en conséquence une augmentation de la part liée à la puissance dans la structure des tarifs de réseau (voir encadré).

17Cette problématique a fortement imprégné les débats sur l’autoconsommation individuelle et collective en France. Elle est présentée, par exemple, dans le rapport du groupe de travail réuni par la DGEC entre 2013 et 2014 (DGEC, 2014, p. 56-57). Ce sujet est également au cœur des préoccupations des parlementaires lors des auditions préparant la loi TECV en septembre 2014 [9], puis lors du travail en commission à l’Assemblée nationale et au Sénat à propos de loi ratifiant l’ordonnance sur l’autoconsommation (Poniatowski, 2017 ; Santais, 2016). Cette discussion sur le risque de « subventions croisées » [10] entre autoconsommateurs et consommateurs courants fait par la suite l’objet d’une projection dans une publication d’un groupe d’économistes de la chaire du climat de Paris Dauphine (Clastres et alii, 2019) dont les travaux sont présentés dès 2017 devant la CRE. Cependant, la présentation faite à cette occasion fait état d’un niveau de transfert relativement faible à l’horizon 2035.

Le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE)

La structure actuelle du tarif d’utilisation du réseau public d’électricité (TURPE) est une construction héritée d’un processus socio-historique, spécifique au réseau d’électricité français, débuté au sortir de la Deuxième Guerre mondiale et achevé au début des années 2000. Durant cette période, la construction progressive d’un tarif nationalisé pour l’électricité a donné lieu à la confrontation de plusieurs visions, deux en particulier (Poupeau, 2007). La première vision est celle des économistes marginalistes d’EDF, qui prônaient un juste reflet des coûts par le tarif, et donc une différenciation des prix dans une logique de mimétisme d’un fonctionnement de marché (Yon, 2014). La deuxième vision est celle des élus ruraux, portée par la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies [11] (FNCCR), qui poussaient pour la mise en place de mécanismes redistributifs à l’échelle départementale pour éviter les disparités entre villes et campagnes. Ce processus a finalement abouti à un compromis autour d’un mécanisme redistributif à l’échelle nationale assurant un tarif unique de l’électricité sur le territoire (Poupeau, 2007) tout en conservant les principes marginalistes comme fondements du calcul. Le TURPE, hérité de cette histoire, a été introduit par la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité. Il combine une égalisation du tarif à l’échelle nationale à l’obligation de refléter le plus fidèlement possible les coûts de chaque catégorie d’utilisateurs. Il se décompose en plusieurs composantes, dont certaines correspondent à un montant fixe pour chaque utilisateur (comptage, gestion). Mais, la part la plus importante du tarif reste celle couvrant les coûts liés au financement des ouvrages du réseau et repose sur une tarification basée sur le volume d’électricité. La libéralisation du secteur de l’énergie a entraîné la délégation de la fixation de ce tarif à une agence indépendante, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) qui fixe le TURPE généralement pour une durée de quatre ans. Pour cela, elle s’appuie sur une concertation auprès des acteurs du secteur tout en respectant les principes fixés par la loi : la péréquation géographique, la tarification indépendante de la distance parcourue par l’électricité dite tarification « timbre-poste », la tarification fonction de la puissance souscrite et de l’énergie soutirée. Encadré par ces principes, le travail de la CRE vise à refléter de façon fidèle les coûts engendrés par les utilisateurs du réseau et à mettre en œuvre des incitations favorables à une bonne utilisation de celui-ci, en particulier la limitation des pointes de consommation. Le premier de ces deux objectifs peut être enfreint de manière proportionnée pour remplir le second.
Pour l’autoconsommation individuelle, l’adaptation du TURPE a consisté à créer un nouvelle catégorie d’usagers pour le paiement des composantes fixes (gestion et comptage). Cette nouvelle catégorie d’autoconsommateurs évite à ces derniers de s’acquitter à la fois les composantes fixes dédiées aux consommateurs et celles s’appliquant aux producteurs. Pour le reste, les flux autoconsommés ne faisant pas l’objet d’un comptage public, il ne sont pas soumis au TURPE. Les consommations issues du réseau sont soumises au TURPE et les injections ne font pas l’objet d’une tarification, quand l’installation est raccordée au réseau basse tension.

18Ainsi, le cadre réglementaire mis en place en France pour l’autoconsommation individuelle reflète l’inquiétude concernant un développement incontrôlé de celle-ci. Seules les plus petites installations bénéficient d’un tarif d’achat du surplus fixe, tandis que les installations de plus grandes tailles doivent soit passer par un appel d’offres auprès de l’État, soit vendre directement leur surplus sur le marché. Pour les installations soumises à l’appel d’offres, la présence d’un taux d’autoconsommation minimum démontre une orientation visant à limiter le volume injecté par ces installations plutôt que de maximiser la taille des installations. Par ailleurs, le choix d’un pas de temps de trente minutes traduit quant à lui une volonté de coller au plus près de la réalité des flux du réseau [12]. Dans le même temps, le risque de subventions croisées entre autoconsommateurs et consommateurs courants restant limité dans le cadre d’un développement contrôlé de l’autoconsommation, le TURPE s’appliquant aux autoconsommateurs individuels ne fait pas l’objet d’une profonde redéfinition.

De l’autoconsommation « individuelle » à l’autoconsommation « collective »

Permettre la mise en commun de la production locale via le réseau de distribution

19Contextualiser la mise en œuvre d’une autoconsommation dite « collective » demande de revenir sur les discussions du groupe de travail de 2013-2014 piloté par la DGEC. À l’époque, ce dispositif était décrit comme une autoconsommation « à l’échelle d’îlots ou de quartiers ». Proposée notamment par l’association Hespul, qui s’inspirait d’expériences en Allemagne et aux Pays-Bas, cette autoconsommation était donc pensée avant tout comme une forme d’extension de l’autoconsommation individuelle permettant de maximiser la puissance installée tout en assurant un taux d’autoconsommation important à l’échelle d’une « boucle locale de distribution ». En effet, Hespul était plutôt opposé au développement de l’autoconsommation individuelle, qu’elle jugeait moins à même de permettre l’installation massive de capacités de production renouvelable que le mécanisme de tarif d’achat. Comme nous l’avons vu, la crainte d’un développement incontrôlé de l’autoconsommation a plutôt justifié la construction de règles limitant la taille des installations en autoconsommation individuelle. L’autoconsommation collective, discutée en même temps et dans les mêmes espaces que l’autoconsommation individuelle, a ainsi été présentée comme un moyen d’augmenter les volumes installés tout en limitant le risque d’injection massive sur le réseau de distribution d’une électricité qui ne pourrait pas être consommée localement.

20Reprenant ces proposition, l’ordonnance de 2017 introduit donc, en plus de l’autoconsommation « individuelle », une « autoconsommation collective » permettant à des consommateurs et des producteurs de partager une ou plusieurs installations de production pour en autoconsommer collectivement l’électricité. Formellement, le dispositif défini en 2017 permet à des producteurs et des consommateurs de s’échanger de l’électricité en utilisant le réseau public de distribution, à condition qu’ils se trouvent dans un certain périmètre et qu’ils se regroupent au sein d’une même structure juridique. Concernant le périmètre, le cadre de la loi suit la proposition faite par Hespul dès 2013 de retenir un critère en lien avec la structure du réseau. Ainsi, tous les participants doivent être connectés au même poste de transformation d’électricité moyenne en basse tension (poste HTA/BT), c’est-à-dire un nœud entre réseau haute tension et réseau basse tension. De manière imagée cela signifie que les participants doivent se trouver sur une même « poche [13] » du réseau de distribution. Le pas de temps choisi est le même que celui de l’autoconsommation individuelle, malgré un amendement déposé par le Comité de liaison pour les énergies renouvelables (CLER) et Hespul proposant un pas de temps journalier dans une logique de simplification. L’électricité produite est répartie entre les autoconsommateurs selon une règle (clef de répartition) qu’ils définissent collectivement. Cette règle est transmise au gestionnaire de réseau de distribution qui transmet les résultats du comptage et de la répartition aux fournisseurs respectifs des autoconsommateurs.

21Partant, l’autoconsommation collective propose un cadrage économique des flux d’électricité différent de l’autoconsommation individuelle. Les flux autoconsommés en autoconsommation collective transitent entre les participants par le réseau public de distribution. Cette configuration de l’agencement implique leur comptage public et donc leur soumission à l’ensemble des taxes et tarifs s’appliquant habituellement à l’électricité : taxe sur la valeur ajoutée (TVA), contribution au service public de l’électricité (CSPE) et TURPE. Un autoconsommateur collectif doit donc en 2017, s’acquitter de ces trois contributions sur le volume d’électricité qu’il autoconsomme au même niveau que pour sa consommation de complément (assurée par son fournisseur habituel). Ce cadrage crée un écart important entre la valeur économique de l’électricité autoconsommée par un autoconsommateur collectif et celle autoconsommée par un autoconsommateur individuel. Contrairement à l’autoconsommateur individuel, pour qui la valeur de l’électricité autoconsommée est équivalente au prix d’achat de l’électricité toutes taxes comprises, la valeur économique de l’électricité autoconsommée pour un participant à une autoconsommation collective est équivalente au prix d’achat de l’électricité toutes taxes déduites. Les taxes et prélèvements représentant environ deux tiers du prix de l’électricité, le modèle économique de l’autoconsommation collective est donc beaucoup moins rentable pour les autoconsommateurs que celui de l’autoconsommation individuelle.

L’autoconsommation collective : un cadre prometteur pour construire des projets variés

22L’annonce de la mise en place d’une autoconsommation collective a suscité néanmoins un vif engouement en France. En effet, si l’autoconsommation collective ne propose pas le même cadrage économique que l’autoconsommation individuelle, elle offre également des possibilités sociales et politiques différentes. Ainsi, l’attrait qu’occasionne l’autoconsommation collective s’inscrit dans la dynamique sociétale relative aux « communautés énergétiques ». La recrudescence de collectifs s’organisant autour de l’énergie a été fortement documentée au Royaume-Uni (Seyfang et alii, 2014 ; Seyfang, Park, Smith, 2013 ; Walker, Devine-Wright, 2008) et plus tardivement en France (Yalçın-Riollet, Garabuau-Moussaoui, Szuba, 2014 ; Cointe, 2016 ; Fontaine, 2018, 2019 ; Wokuri, 2019). La multiplication de ce type d’initiatives au tournant des années 2010 impliquant citoyens, associations, PME et collectivités territoriales a d’ailleurs déjà connu des formes d’institutionnalisation avec la traduction de l’initiative des Territoires à énergie positive (TEPOS) en Territoires à énergie positive pour la croissance verte (TEPCV) par la loi TECV de 2015 (Nadaï et alii, 2015). Durant la même période, de nombreuses expérimentations sur les smart-grids (Debizet, 2016, p. 90), davantage conduites en milieu urbain par des entreprises du secteur de l’électricité, ont fait bouger les lignes en matière de gestion du réseau. Elles ont aussi contribué à l’émergence de nouveaux business models basés sur la vente de services énergétiques (Rossetto, Dos Reis, Glachant, 2019). Ce double mouvement, impliquant des acteurs politiques et associatifs locaux d’un côté et des acteurs économiques nationaux de l’autre, s’est aussi traduit, en France, par une évolution de la législation encadrant les micro-réseaux réaffirmant l’illégalité de la mise en place de réseaux privés (Lopez, 2019, p. 193).

Figure

Schéma représentant une opération d’autoconsommation collective regroupant un producteur et trois autoconsommateurs (réalisation Fonteneau)

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Schéma représentant une opération d’autoconsommation collective regroupant un producteur et trois autoconsommateurs (réalisation Fonteneau)

Source : T. Fonteneau

23Ce contexte est éclairant pour comprendre le fort engouement que suscite l’annonce de ce nouveau dispositif d’autoconsommation collective au moment de sa publication en 2017. En effet, il ouvre des potentialités nouvelles pour des acteurs souhaitant mettre en œuvre des formes différentes de production et de distribution de l’électricité au niveau local. Un des acteurs interrogés au cours de l’enquête parle de « printemps de l’autoconsommation collective » pour décrire cette période juste après l’annonce du nouveau dispositif. Parmi les acteurs fortement intéressés par l’autoconsommation collective, on trouve principalement trois types de configurations [14] : des projets menés par des collectivités territoriales, qui veulent autoconsommer leur production sur l’ensemble des bâtiments municipaux et en partager le surplus avec les consommateurs locaux (commerces, petites entreprises, lieux culturels et ménages plus rarement) ; des projets menés par des bailleurs sociaux souhaitant donner accès à une électricité verte et peu chère à leurs bénéficiaires ; des projets immobiliers en milieu urbain, qui voient l’autoconsommation collective comme un cadre juridique intéressant à appliquer aux micro-grids (Hampikian, 2017, p. 363) [15]. Ces projets sont accompagnés par de grandes entreprises de l’énergie mais aussi par des start-up développant des services à l’interface entre les collectifs d’autoconsommation et le réseau de distribution [16]. Après la publication de l’ordonnance et du décret encadrant l’autoconsommation collective, les acteurs souhaitant monter des projets sont néanmoins conscients que le cadrage opéré par l’agencement ne permet pas, en l’état, de monter des projets économiquement viables. Ils attendent pour cela une évolution du TURPE portant sur les flux autoconsommés.

Autoconsommation collective ou solidarité nationale : l’évolution de l’agencement tarifaire du réseau comme nœud de la controverse

« Micro-TURPE » ou « TURPE spécifique » : comment prendre en compte la valeur de l’autoconsommation collective dans le tarif ?

24L’examen de la loi ratifiant l’ordonnance sur l’autoconsommation n’avait pas soulevé de points de blocage important entre les parlementaires. Aucun d’entre eux ni d’entre elles ne s’opposait véritablement à son principe (Sénat, 2017 ; Assemblée nationale, 2016). Si la question de l’adaptation du tarif de réseau est évoquée à plusieurs reprises, elle n’est pas traitée en profondeur par les parlementaires. Considérée comme une question technique et ne relevant pas de leurs prérogatives, elle est renvoyée à la CRE, qui est l’acteur compétent en la matière. Ainsi, le texte de l’ordonnance dispose que « La Commission de régulation de l’énergie établit des tarifs d’utilisation des réseaux publics de distribution d’électricité spécifiques pour les consommateurs participants à des opérations d’autoconsommation ». Cette formulation est importante pour deux raisons. Tout d’abord parce qu’elle ne distingue pas l’autoconsommation individuelle de l’autoconsommation collective et deuxièmement car le terme « spécifique » est suffisamment vague pour ne pas orienter le travail de la CRE.

25Avant de délibérer sur le nouveau tarif d’utilisation des réseaux, la CRE choisit de mener une large concertation sur le sujet de l’autoconsommation [17], en septembre 2017. À ce moment-là, le cadre réglementaire de l’autoconsommation collective a déjà été mis en œuvre et plusieurs projets sont en préparation. La filière solaire, représentée par des syndicats (Syndicat des énergies renouvelables [18], Enerplan [19]) et des associations (Hespul) ; de grands énergéticiens (Engie) ; et les représentants de porteurs de projets (Unions sociale pour l’habitat, FNCCR) fait part de son souhait que les conditions soient mises en place pour assurer la rentabilité des projets d’autoconsommation collective. Si certains acteurs sollicitent une exonération de CSPE sur les flux autoconsommés collectivement, la plupart des acteurs attendent que la rentabilité soit améliorée par l’adaptation du TURPE. Cette attente est directement issue de la lecture que font ses acteurs du « TURPE spécifique » évoqué dans l’ordonnance. Pour eux, ce TURPE pour les autoconsommateurs sera réduit pour faciliter le développement de ces projets. En effet, si le texte mentionne un « TURPE spécifique », les parlementaires le qualifient volontiers de « micro-TURPE » (Poniatowski, 2017, p. 10 ; Santais, 2016, p. 8). Par ailleurs, le fait que le texte mentionne un tarif spécifique pour l’autoconsommation, de manière générale, renforce l’idée que les flux autoconsommés collectivement pourraient, comme ceux autoconsommés individuellement, faire l’objet d’une exonération de TURPE (Voir Encadré).

26Les acteurs en faveur d’un micro-TURPE s’appuient sur l’hypothèse que les flux autoconsommés collectivement ont un impact limité pour le réseau. En effet, pour ces acteurs, bien que transitant par le réseau de distribution – ce qui n’est pas le cas pour l’autoconsommation individuelle –, ces flux autoconsommés collectivement parcourent une faible distance entre leur lieu de production et leur lieu de consommation, limitant ainsi les pertes. Afin d’assurer la compatibilité d’un éventuel micro-TURPE avec le respect du principe de la « tarification timbre-poste » (voir encadré), ces acteurs se rangent derrière la proposition de la FNCCR de créer un « timbre vert » [20]. Le principe de ce « timbre vert » consiste à appliquer un TURPE abaissé ou nul sur les électrons autoconsommés collectivement. Ainsi, le paiement du TURPE resterait toujours indépendant de la distance parcourue par l’électricité mais distinguerait deux régimes de tarification : celui déjà en vigueur pour les flux consommés (soutirés), qui resterait inchangé et un nouveau tarif abaissé pour les flux locaux autoconsommés collectivement.

27Les acteurs opposés au micro-TURPE insistent eux sur l’incertitude entourant le moindre coût pour le réseau des flux autoconsommés collectivement. EDF, Enedis, la Fédération nationale des mines et de l’énergie CGT (FNME-CGT) ou encore les fédérations rassemblant des entreprises locales de distribution (ELD) rappellent que les pertes liées à la distance parcourue ne représentent qu’une faible part des coûts de réseau. Au contraire, comme certains le font remarquer, le traitement différencié des flux autoconsommés collectivement pourrait entraîner des coûts de gestions supplémentaires. Surtout, EDF s’oppose à la création d’un timbre vert dans un souci de cohérence économique de construction du tarif. En effet, comme rappelé par la CRE, le tarif normal prend déjà en compte des situations où l’électricité consommée a été produite dans un périmètre proche. Aussi le tarif en vigueur est-il une moyenne reflétant des structures de coûts correspondant à la fois à des flux issus de productions locales – n’ayant pas transité par le réseau de transport, mais également des flux produits non-localement et ayant transité par le réseau de transport. Par conséquent, pour EDF et la CRE, il n’est pas acceptable de baisser uniquement le tarif portant sur les flux autoconsommés collectivement sans rehausser le tarif sur les flux consommés (soutirés). Dans sa contribution à la CRE, EDF résume cette idée par cette formule : « [i]l ne serait pas cohérent qu’un site en [autoconsommation collective] demande à se voir appliquer des coûts réels pour les volumes autoconsommés et la péréquation pour ses volumes soutirés sur le réseau. Une telle proposition entraînerait une remise en question de la péréquation tarifaire. » [21]

28Un second argument en faveur d’un abaissement du TURPE porte sur la question du foisonnement. Le principe de foisonnement des profils de consommation désigne le fait que l’agrégation d’une diversité de profils de consommation sur le réseau électrique a un effet d’aplatissement de la courbe générale de consommation : tous les consommateurs n’atteindront pas leur pic au même moment. La prise en compte de l’effet de foisonnement permet ainsi de limiter le dimensionnement des ouvrages en dessous de la somme des puissances maximales souscrites par chaque consommateur. Ainsi, comme cela avait été évoqué lors du groupe de travail de 2013, l’autoconsommation collective permet d’assurer un taux d’autoconsommation plus élevé en combinant des profils de consommation différents. Le caractère vertueux de l’autoconsommation collective réside notamment dans la possibilité d’organiser des projets de production et de consommation locale en tenant compte de la diversité des profils sur une zone. Si le rapport entre autoconsommation collective est foisonnement est établi par de nombreux acteurs, deux acteurs seulement, Enerplan et Tecsol, le mobilisent comme justification d’un micro-TURPE. En effet, pour eux, l’autoconsommation collective pourrait contribuer au foisonnement sur le réseau : « [a]joutons que l’autoconsommation collective est de nature à améliorer le foisonnement local dans les poches de réseau, donc à limiter le coût de dimensionnement local du réseau ». [22]

29L’interprétation que font ces deux acteurs de la notion de foisonnement est néanmoins remise en cause par celle d’autres acteurs, au premier rang desquels Enedis. Le distributeur rappelle ainsi que le foisonnement est une propriété « naturelle » des réseaux dont profitent tous les utilisateurs. Aussi, pour le distributeur national, ce sont avant tout les opérations d’autoconsommation collective qui bénéficient du foisonnement pour maximiser leur taux d’autoconsommation. Une éventuelle contribution des opérations d’autoconsommation collective au foisonnement du réseau nécessiterait des actions spécifiques des participants de maîtrise « des appels de puissance (en injection et en soutirage) supérieur au foisonnement naturel de ces appels de puissance. » Ainsi, pour Enedis, la contribution de l’autoconsommation collective au foisonnement ne peut faire l’objet d’une valorisation économique que si celle-ci va au-delà d’une situation jugée normale. Le même argument avait déjà été clairement établi dans le rapport produit à la suite du groupe de travail de 2013-2014 : « les effets du foisonnement, phénomène naturel, ne constituent pas en eux-mêmes des actions d’autoconsommation / autoproduction. Le foisonnement est une sorte de “bien collectif” que les réseaux permettent de valoriser et de mutualiser, notamment en termes de dimensionnement aussi bien des réseaux eux-mêmes que des moyens de production. Rémunérer certains opérateurs en particulier, par exemple les producteurs d’énergie renouvelable, au titre du foisonnement, reviendraient à “privatiser” celui-ci. » (DGEC, 2014, p. 10).

30La décision finalement prise par la CRE ne met pas en place un micro-TURPE. Le TURPE spécifique pour les autoconsommateurs collectifs minore certes le paiement pour les flux locaux qualifiés d’« autoproduits » mais majore le paiement sur les flux provenant du réseau de transport qualifiés d’« alloproduits ». Ce faisant, la CRE utilise le même raisonnement que celui présenté par EDF selon lequel abaisser le niveau du tarif sur les flux autoconsommés nécessite d’augmenter celui sur les flux non-autoconsommés. Le tarif mis en place par la CRE dénie également l’argument selon lequel l’autoconsommation collective contribuerait au foisonnement. Selon le régulateur, les bénéfices que peut apporter l’autoconsommation collective au réseau ne se définissent pas a priori, mais dépendent d’actions mises en œuvre par ces collectifs. En fixant un nombre de plages horaires plus important, le tarif spécifique doit fournir une incitation à déplacer les (auto)consommations vers des périodes en moyenne moins coûteuses pour le réseau et ainsi apporter une rétribution financière aux comportements dépassant le foisonnement naturel [23]. Devant l’opposition que suscite ce tarif chez de nombreux acteurs qui le jugent trop complexe et peu avantageux, celui-ci est rendu optionnel et est d’ailleurs très peu adopté par les opérations d’autoconsommation collective.

La remise en cause de la solidarité nationale ?

31Si la demande des acteurs en faveur d’un micro-TURPE n’a pas abouti, elle a tout de même ouvert une opportunité de mise en débat de l’agencement tarifaire. Ainsi, la CRE a réaffirmé les fondements du TURPE, à savoir sa capacité à agencer des principes marginalistes de pilotage des comportements par les signaux économiques et une vision du réseau comme garant d’une certaine égalité territoriale (voir encadré). Le président de la CRE a ainsi rappelé dans une tribune dans Le Monde que la dérogation à ces principes pourrait conduire à une forme de « communautarisme énergétique » [24]. Le terme de communautarisme, fortement connoté dans le contexte politique français, est un moyen de réaffirmer le rôle unificateur du réseau et de son agencement tarifaire dans « l’existence même de la nation » [25] et même de la République [26]. Le président de la CRE oppose ainsi à la communauté nationale des communautés locales et énergétiques dont l’existence mettrait en péril la première.

32Pourtant, d’autres points de vue que celui d’un agencement tarifaire national sont présents dans l’espace public. Ironiquement, on trouve trace de ces questionnements dans le rapport rendu par le comité de prospective de la CRE portant sur l’énergie dans les territoires. Ce rapport, issu d’un groupe de travail regroupant les grands acteurs français de l’énergie et les représentants des collectivités territoriales, pose clairement la question de la compatibilité entre une péréquation nationale et le développement d’initiatives locales : « [e]st-il pertinent de faire coexister un système où les coûts de production et de distribution de l’énergie seront de plus en plus différents entre les territoires, mais les recettes et les prix mutualisés ou homogénéisés au niveau national ? Et si oui, comment l’organiser ? » (Comité de prospective de la CRE, 2019, p. 9). La possibilité de fixer une échelle infranationale est envisagée comme une piste d’évolution du tarif dans la suite du rapport. Ainsi, l’autoconsommation collective permet d’aborder d’un œil neuf le vieux débat de l’échelle de redistribution. La CRE, héritière de la vision marginaliste centralisée, continue de défendre une vision du tarif devant assurer « la saine gestion sectorielle » (Poupeau, 2007, p. 616) mais non remplir des objectifs politiques. Si certains objectifs politiques demeurent (soutien aux industries, solidarité entre ville et campagne) de nouveaux ont émergé comme celui de transition énergétique et de gouvernance de cette transition au niveau local. Cette situation s’inscrit aussi dans l’histoire récente de la filière solaire ou l’expérience d’un instrument mal dimensionné a mené à une crise politique et à la remise à plat des tarifs d’achat. Ainsi, lorsque la CRE cherche à limiter les effets des subventions croisées entre consommateurs et autoconsommateurs, les partisans d’un micro-TURPE réclament eux la possibilité pour les autoconsommateurs de profiter des bénéfices économiques de cette production locale, qu’une tarification nationale risquerait de répartir sur l’ensemble des usagers. La mise en place de plages horaires différenciées par la CRE va dans le sens d’une différenciation plus forte des tarifs mais elle ne franchit pas le pas de leur territorialisation, une telle décision ne relevant pas du régulateur.

33Ce débat renvoie ainsi à des positions historiques, partiellement renouvelées dans le cadre de la transition énergétique, comme c’est le cas du rapport entre territoires urbains et territoires ruraux (Poupeau, Boutaud, 2021). Néanmoins, il est également investi par des acteurs moins installés dans le paysage institutionnel de l’électricité. Ainsi, lors une table ronde intitulée « Solaire solidaire » organisée par Enerplan en 2019 et regroupant des représentants de bailleurs sociaux (Union sociale pour l’habitat, Solidaire pour l’habitat), de la rénovation énergétique (GreenFlex) et du solaire (Tecsol), la question de la solidarité était débattue. Le directeur de GreenFlex questionnant la justice sociale d’un système de péréquation territoriale proposait certaines pistes de remise à plat : « [e]st-ce que la péréquation, demain, doit-être fonction de la création locale d’emploi du poids carbone, de considérations sociales ? Est-ce qu’elle doit aussi être différente selon les secteurs d’activités ? » [27]. Le président de Tescol présentait lui une autre possibilité. Plutôt qu’une réforme du TURPE en faveur de l’autoconsommation collective, il proposait la création d’un nouvel agencement permettant de financer des projets avec de l’argent privé. En effet, l’association nommée Sol Solidaire qu’il présentait devait permettre de lever des fonds privés, auprès de grandes entreprises, pour financer des projets photovoltaïques en autoconsommation dans le parc de logements sociaux. L’intérêt d’une telle démarche, pour le président de Tecsol, était notamment d’inclure dans l’appel à projets des critères absents des mécanismes nationaux ou européens comme le recours à des entreprises locales, le respect de certaines normes, etc. Ainsi, ce mécanisme se propose de créer de nouvelles solidarités entre des entreprises privées et des bailleurs sociaux.

L’extension du périmètre d’autoconsommation

34La décision de la CRE de ne pas mettre en place un micro-TURPE a eu pour effet de concentrer les revendications des acteurs vers l’autoconsommation collective elle-même. Ainsi, le périmètre de l’autoconsommation, initialement défini autour d’un critère technique correspondant à une « poche du réseau » [28] située en aval d’un poste de distribution HTA/BT, a été collectivement remis en cause. Cette question qui avait été investie par les acteurs dès 2017 connaît une accélération entre mars et juin 2018 où elle est discutée dans différents espaces.

35Le premier de ces espaces est un groupe du travail organisé par le cabinet du secrétaire d’État Sébastien Lecornu regroupant tous les représentants de la filière solaire et qui a abouti au plan de mesures intitulé Place au soleil. A l’occasion de ce groupe de travail, Enerplan et la FNCCR font conjointement remonter les problématiques liées au périmètre. En effet, les projets d’autoconsommation collective ne s’étaient pas toujours construits à l’échelle d’une poche de réseau. L’exemple le plus évocateur est celui des projets menés par des communes. Pour ces dernières, l’autoconsommation collective permettait d’installer des panneaux solaires sur des bâtiments qui en offrent les possibilités techniques (structure, ensoleillement, surface disponible) et de consommer cette électricité dans d’autres bâtiments communaux. L’autoconsommation collective permettait alors de s’affranchir de certaines contraintes réglementaires, qui empêchent de relier physiquement des bâtiments par des réseaux privés, tout en conservant la valeur symbolique et politique d’une autoconsommation à l’échelle de la commune. Cependant, même à l’échelle d’une commune de quelques milliers d’habitants, le territoire communal pouvait regrouper plusieurs postes de distribution HTA/BT et donc plusieurs poches de réseau. Ainsi, deux bâtiments proches géographiquement (quelques centaines de mètres) pouvaient ne pas être sur une même poche de réseau bloquant ainsi leur regroupement au sein d’une même opération d’autoconsommation collective. L’utilisation de l’autoconsommation collective comme outil de politique énergétique local se trouvait donc entravée par une réglementation basée principalement sur un principe technique d’optimisation du réseau.

36Dans le même temps, la question du périmètre est également abordée dans le groupe de travail « verrou » sur la mutualisation énergétique du programme Démonstrateurs industriels pour la ville durable (DIVD). Ce programme piloté par le Plan urbanisme construction architecture (PUCA) regroupait essentiellement des projets d’aménagement en milieu urbain. Si la FNCCR et Tecsol ont plutôt fait remonter les problématiques liées aux territoires ruraux ou péri-urbains lors des discussions autour du secrétaire d’État Sébastien Lecornu, ce groupe de travail a été l’occasion de faire émerger les problématiques liées au périmètre en milieu urbain. Dans ce cas, la forte densité entraînait la multiplication des postes de transformation HTA/BT. Si de nombreux consommateurs étaient rattachés à une même poche, cela pouvait néanmoins représenter peu de bâtiments. Partant, les démonstrateurs du programme DIVD, qui se déploient souvent à l’échelle d’une zone d’aménagement concertée (ZAC), se trouvaient fortement limités pour mener des projets d’autoconsommation collective à l’échelle de plusieurs bâtiments. Ce frein s’opposait à l’objectif de mutualisation énergétique porté au sein de ce programme. Les acteurs présents font également valoir que la prise en compte d’un périmètre plus grand aurait un effet bénéfique pour répartir l’investissement entre des acteurs multiples et ainsi pallier le déficit de rentabilité de ce type de projet. Ces problématiques remontent également jusqu’au cabinet du ministre par l’intermédiaire de la Direction de l’habitat de l’urbanisme et des paysages (DHUP) à laquelle le PUCA est rattaché.

37La CRE qui s’était tout d’abord montrée défavorable à l’extension du périmètre [29] se range finalement à la possibilité de son extension. Plusieurs amendements sont alors déposés dans des projets de loi afin de modifier le périmètre. Après un premier échec avec la loi d’évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) pour laquelle l’amendement concerné est supprimé lors du passage au Sénat, le périmètre est finalement modifié dans la loi pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE). Il est défini comme étant basé sur un critère géographique, lequel est fixé par un arrêté ministériel à deux kilomètres. Finalement c’est la loi Énergie et climat du 8 novembre 2019 qui clarifie cette question. Elle définit un périmètre par défaut à l’échelle du « bâtiment » et soumet à un arrêté ministériel le périmètre de l’autoconsommation collective dite « étendue » [30] Ce périmètre étendu a été fixé à deux kilomètres mais peut être ouvert jusqu’à vingt, sur dérogation du ministre dans les zones les moins denses. Il demeure donc une certaine incertitude sur l’échelle à laquelle pourra se dérouler l’autoconsommation collective dans la mesure où le périmètre étendu fixé par arrêté peut être facilement limité ou élargi. On note néanmoins que le périmètre de l’autoconsommation collective et celui de la tarification du réseau ne sont plus liés après cette réforme. En effet, le nouveau TURPE entrant en vigueur en août 2021 conserve le périmètre du poste de transformation HTA/BT comme critère d’application d’un tarif spécifique pour l’autoconsommation collective.

Conclusion

38L’introduction de l’autoconsommation collective, en ouvrant un processus controversé de valuation de l’électricité produite et consommée localement a questionné la cohérence économique et la cohérence politique du TURPE. En effet, la rentabilité des projets d’autoconsommation collective a été rapidement attachée à la mise en place d’un « micro-TURPE » pour ses participants. Bien que le régulateur ait refusé de mettre en œuvre cette exonération, la controverse qui a entouré cette décision a mis en lumière des débordements du TURPE. Ainsi, la mise en œuvre de l’autoconsommation collective a soulevé la question de la prise en compte d’effets économiques territorialisés dans un agencement basé sur un principe d’universalité à l’échelle nationale. Un retour à des tarifs locaux nécessiterait néanmoins une transformation profonde du système sociotechnique associé au calcul du TURPE. Ainsi, on peut rappeler que les ingénieurs économistes d’EDF avaient finalement privilégié un tarif national dans une logique de simplicité de calcul (Poupeau, 2007). Les tarifs territorialisés s’opposent également à une conception centraliste de l’intérêt général qui envisage ce dernier à l’échelle de la communauté nationale (Aykut, Evrard, 2017 ; Poupeau, 2020). Le maintien de la structure du TURPE a réorienté les débats concernant l’autoconsommation collective vers la question du périmètre des opérations. La redéfinition de cet élément de l’agencement a permis de prendre en compte d’autres éléments constitutifs de la valeur des flux autoconsommés collectivement, qui ne pouvait pas être intégrés au TURPE sans que celui-ci évolue de façon majeure.

39Aussi, il nous semble que les tarifs de réseau, sujet abondamment discuté dans la littérature économique, mériteraient d’être davantage saisi par de futurs travaux en sociologie économique portant sur l’énergie. Si beaucoup de ces travaux se sont concentrés sur des agencement qui ont émergé dans le sillage de la transition énergétique et de la libéralisation, comme les tarifs d’achats, les marchés de capacité ou de flexibilité, les compteurs communicants, etc., peu se sont intéressés aux tarifs de réseau. Ces agencements certes plus anciens sont pourtant au cœur des transformations actuelles et à venir. Surtout, les controverses qu’ils soulèvent sont fécondes pour diversifier les problématiques abordées par la sociologie économique. Ainsi, comme nous l’avons montré, les débordements du TURPE ne portent pas seulement sur un arbitrage entre équité (fairness) et efficacité (efficiency) dans le design de l’agencement – sujet souvent discuté en sociologie économique (Breslau, 2013 ; Pallesen, 2015) –, mais aussi sur les échelles auxquelles s’organisent cet arbitrage. Ainsi, il apparaît que la valuation inscrite dans un agencement comme le TURPE est influencée par le rapport qui existe entre différentes échelles qui peuvent-être politico-administratives (État, commune), sociales (logement collectif, copropriété) ou liées à la géométrie concrète du réseau (poche de réseau, boucle locale). La superposition de ces échelles a une influence sur le type d’éléments pris en compte dans la valuation qu’opère l’agencement. Si la structure des tarifs de réseau n’a que partiellement évolué sous l’influence des controverses que vous avons décrites, la poursuite d’un projet politique de transition énergétique visant à la fois à généraliser les dispositifs de marché (marché de capacité, garanties d’origines, etc.), mais aussi à favoriser les initiatives de gouvernance locales (communautés énergétiques), donne à réfléchir quant à la pérennité du compromis politico-économique consacrant la « solidarité nationale » (Poupeau, 2007).

Remerciements

L’auteur remercie les évaluateurs anonymes qui, par leurs remarques pertinentes, ont fait grandement évoluer la structuration de cet article. Ce travail a bénéficié du soutien du CDP Eco-SESA Smart Energies in Districts recevant des financements de l’Agence nationale de la recherche, au titre du programme « Investissements d’avenir » portant la référence ANR-15-IDEX-02, de l’ADEME (recherche RETHINE) et de la Région Auvergne-Rhône-Alpes (recherche OREBE).
Annexes

Annexe 1 : Tableau regroupant les principaux textes encadrant l’autoconsommation collective

DateTextes
17/08/2015Loi n° 2015-992 relative à la transition énergétique pour la croissance verte
27/07/206Ordonnance n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation d’électricité
24/02/2017Loi n° 2017-227 d’électricité et n° 2016-1059 relative à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables et visant à adapter certaines dispositions relatives aux réseaux d’électricité et de gaz et aux énergies renouvelables
28/04/2017Décret n° 2017-676 relatif à l’autoconsommation d’électricité et modifiant les articles D. 314-15 et D. 314-23 à D. 314-25 du code de l’énergie
09/05/2017Arrêté fixant les conditions d’achat de l’électricité produite par les installations implantées sur bâtiment utilisant l’énergie solaire photovoltaïque, d’une puissance crête installée inférieure ou égale à 100 kilowatts telles que visées au 3° de l’article D. 314-15 du code de l’énergie et situées en métropole continentale – Légifrance
23/05/2018Loi n° 2018-1021 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique
07/06/2018Délibération N° 2018-115 de la CRE portant décision sur la tarification de l’autoconsommation, et modification de la délibération de la CRE du 17 novembre 2016 portant décision sur les tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité dans les domaines de tension HTA et BT
22/05/2019Loi n° 2019-486 relative à la croissance et la transformation des entreprises (Article 43 bis)
08/11/2019Loi n° 2019-1147 du relative à l’énergie et au climat
21/11/2019Arrêté fixant le critère de proximité géographique de l’autoconsommation collective étendue
Source : T. Fonteneau

Notes

  • [1]
    Ces projets se situent à Pénestin (56), Prémian (34) et Grenoble (38).
  • [2]
    Ce travail a été effectué dans le cadre d’une recherche doctorale menée au sein du projet de recherche Eco-SESA de l’Université Grenoble Alpes.
  • [3]
    Le terme de « cohérence » est ici notre traduction de Cointe à propos des tarifs d’achats d’électricité comme devant à la fois « make economic sense » et « make political sense » (Cointe, 2014, p. 105).
  • [4]
    Nous désignerons ici par « autoconsommation » ce qui est désormais défini dans la loi par « autoconsommation individuelle ». En effet, avant la loi de 2015 l’autoconsommation renvoyait à une configuration individuelle (une seule entité productrice et consommatrice).
  • [5]
    Hespul est une association pionnière en matière de photovoltaïque. Créée en 1991 sous le nom de Phébus, elle a contribué à la création d’Enercoop et du réseau Énergies Partagées. Elle est aujourd’hui un acteur de référence dans le secteur.
  • [6]
    Voir : « Phébus : en 1992, la centrale solaire raccordée au réseau posait les bases de l’énergie citoyenne ! » https://energie-partagee.org/ressource/phebus-premiere-centrale-solaire-raccordee-energie-citoyenne/.
  • [7]
    Dans les deux paragraphes suivants le terme « autoconsommation » fait référence à une situation d’autoconsommation individuelle.
  • [8]
    Dans la littérature anglo-saxonne, le terme de prosumer peut être considéré comme synonyme d’autoconsommateur dans la mesure où il est la contraction entre producer et consumer. Cependant, il renvoie parfois à d’autres activités comme la gestion d’un dispositif de stockage.
  • [9]
    Voir les comptes rendus N° 3, N° 6 et N° 8 de ces auditions, disponible sur : https://www.assemblee-nationale.fr/14/cr-cstransenerg/13-14/ (consulté le 08/06/2020).
  • [10]
    La question des « subventions croisées » est une problématique classique de la tarification des réseaux (Curien, 2005, p. 39-66) et ne doit pas être confondue avec les « financements croisés » qui désigne un mécanisme de cofinancement d’une même activité publique par divers acteurs publics.
  • [11]
    La Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) créée en 1934 « regroupe des collectivités territoriales et leurs établissements publics chargés de l’organisation et/ou de l’exploitation de certains services publics, regroupés dans trois secteurs d’activité principaux : énergie, cycle de l’eau, numérique » :https://www.fnccr.asso.fr/formation-de-elus/presentation/ (consulté le 04/02/2021. En matière d’énergie, elle est historiquement dominée par les représentants des territoires ruraux (Poupeau, 2007).
  • [12]
    Le choix d’un pas de temps plus long aurait pu augmenter artificiellement le taux d’autoconsommation, aux bénéfices des autoconsommateurs mais créer une incitation moindre à synchroniser précisément production et consommation. Pour une explication de cet effet de netting voir l’article de Chatzisideris et alii (2017).
  • [13]
    Le terme de « poche » de réseau est utilisé par de nombreux acteurs. S’il est difficile de retracer son origine, on peut noter qu’il était déjà utilisé par la CRE dans la délibération du 12 juin 2014 portant sur le développement des réseaux électrique intelligents en basse tension, disponible sur : https://www.cre.fr/content/download/11841/115596 (consulté le 10/02/2021).
  • [14]
    Cette typologie s’appuie sur la connaissance approfondie des trois projets que nous avons étudiés mais aussi sur celle, plus parcellaire, d’autres projets recensés ou ayant donné lieux à des entretiens exploratoires (quatre). Elle fait également écho aux quatre scénarios de transition énergétique de Debizet (2016).
  • [15]
    Selon les chiffres d’Enedis, sur 20 opérations en fonctionnement en octobre 2019, 10 étaient portées par des collectivités, 5 par des bailleurs, 2 par des acteurs privés et 3 par des acteurs ne rentrant dans aucune de ces catégories. Parmi ces acteurs « autres » on peut observer des copropriétés comme c’est le cas dans la copropriété des Colibres de Forcalquier (Aubert, 2020).
  • [16]
    C’est le cas par exemple du projet de Prémian dans l’Hérault (34) ou une start-up s’est associée à la commune dans un projet d’autoconsommation collective. La solution proposée par la start-up s’appuyait sur l’utilisation de la technologie blockchain pour répartir la production entre les autoconsommateurs.
  • [17]
    Les réponses écrites à la concertation ainsi que les documents présentés lors des journées de rencontres entre les acteurs sont disponibles sur : http://autoconsommation.cre.fr/.
  • [18]
    Le Syndicat des énergies renouvelables (SER) est un syndicat professionnel représentant les entreprises de la filière des énergies renouvelables créé en 1993. Il regroupe toutes les entreprises du secteur, PME ou grands groupes. Ce très large spectre de ses adhérents explique des prises de position généralement peu tranchées.
  • [19]
    Enerplan est un syndicat professionnel créé en 1983 et regroupant des acteurs du secteur solaire (photovoltaïque ou thermique). Ses adhérents sont principalement de petites et moyennes entreprises, en tout cas aucune des grandes entreprises du secteur. Particulièrement actif sur la question de l’autoconsommation, le syndicat a d’ailleurs organisé plusieurs éditions d’un colloque professionnel sur l’autoconsommation entre 2016 et 2020.
  • [20]
    Le SER se montre plus prudent à ce sujet et suggère la mise en place d’un soutien ad-hoc ne passant pas par le TURPE.
  • [21]
    Voir la réponse d’EDF à l’appel à contribution de la CRE, http://autoconsommation.cre.fr/contributions-reponses1.html (consulté le 15/12/2021).
  • [22]
    Voir la contribution de Tecsol : http://autoconsommation.cre.fr/documents/ContributionTECSOL-TURPE-6nov2017.pdf (consulté le 26/09/2018).
  • [23]
    Délibération N° 2018-115 du 07/06/2018, disponible sur : https://www.cre.fr/content/download/19366/233498 (consulté le 10/02/2021).
  • [24]
    Voir : « Jean-François Carenco « Il y a désormais trop d’acteurs dans l’électricité » », Le Monde, 27 octobre 2018.
  • [25]
    Voir le discours du président de la CRE lors de la journée d’ouverture des ateliers sur l’autoconsommation à la CRE, disponible sur : http://autoconsommation.cre.fr/live.html, (consulté le 10/02/2021).
  • [26]
    Voir l’audition du président de la CRE devant la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale le 7 juillet 2020, disponible sur demande.
  • [27]
    Cette table ronde est visionnable sur : https://www.youtube.com/watch?v=ooTbnLdwXLM (Consulté le 01/12/2019).
  • [28]
    Voir la délibération de la CRE N° 2019-215 du 26/09/2019, disponible sur : https://www.cre.fr/content/download/21450/273237 (consulté le 24 septembre 2021).
  • [29]
    Voir la délibération de la CRE N° 2018-027 du 15 février 2018, disponible sur : http://www.cre.fr/documents/deliberations/orientation/autoconsommation/autoconsommation-turpe (consulté le : 27/02/2018).
  • [30]
    La fixation d’un périmètre de base à l’échelle du bâtiment répond également à la prise en compte dans la loi française des directives européennes récentes sur les énergies renouvelables et sur le marché intérieur de l’électricité.
Français

L’article analyse la mise œuvre controversée de l’autoconsommation collective en France entre 2017 et 2019, en la replaçant dans la dynamique historique récente de baisse des tarifs d’achats et d’émergence des communautés énergétiques. En s’appuyant sur la théorie des agencements marchands issue de la sociologie économique, l’article analyse le cadrage opéré par l’autoconsommation individuelle et l’autoconsommation collective sur les flux d’électricité. Il rentre par la suite dans le détail de la controverse qui a entouré l’adaptation du tarif d’utilisation des réseaux (TURPE) aux autoconsommateurs collectifs. La mise en place d’un tarif abaissé pour les autoconsommateurs collectifs, défendue par certains acteurs comme moyen d’améliorer la rentabilité des projets, a finalement été repoussée au nom du maintien de la cohérence économique et politique du TURPE. Déplier cette controverse permet de questionner la pérennité du principe de solidarité national, assuré par le réseau et son tarif, dans le cadre d’une transition énergétique s’opérant de plus en plus à des échelles locales. En conséquence, l’article invite les futurs travaux en sociologie économique, portant sur l’énergie, à saisir les tarifs de réseau comme objet d’étude et à davantage prendre en compte la question des échelles (spatiales, administratives, techniques) dans l’étude des agencements et de la valuation.

  • électricité
  • autoconsommation
  • autoconsommation collective
  • réseau
  • tarification
  • agencement
  • valuation
  • communautés énergétiques

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Thibaut Fonteneau
Thibaut Fonteneau, doctorant en sociologie, est membre du laboratoire Pacte de Grenoble. Ses travaux, menés dans le cadre du projet de recherche Cross Disciplinary Program Eco-SESA de l’Université Grenoble Alpes, portent sur l’émergence de l’autoconsommation collective d’électricité en France.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 03/01/2022
https://doi.org/10.3917/flux1.126.0052
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