CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Dans son discours au Congrès du « Jour de l’Énergie » [1] en octobre 2016, l’ex-président péruvien Pablo Kuczynski (2016-2018) affirme que « Le Pérou n’est pas un mendiant assis sur un banc d’or, mais c’est quelqu’un d’émergent assis sur un banc d’or. Et ce banc d’or, c’est l’énergie. » [2]. L’énergie est un secteur-clé de l’économie péruvienne en pleine croissance [3] et de l’agenda politique, et par conséquent, un thème incontournable pour la compréhension des dynamiques de développement observées dans ce pays ces dernières décennies. Dans les années 1980, la découverte de gisements gaziers à Camisea dans la province de La Convención de la région de Cusco hisse le Pérou au deuxième rang en Amérique latine en termes de réserves prouvées de gaz naturel d’après l’Energy Information Administration (EIA) en 2018.

2En attirant les investissements étrangers, le gaz naturel devient alors une source d’énergie privilégiée pour la production électrique, et pour l’universalisation de l’accès à l’énergie en étant consommé de plus en plus comme énergie primaire, dans une optique de réappropriation des ressources naturelles nationales jusque-là massivement exportées.

3Il existe pourtant un hiatus entre le discours à l’international du Pérou, en tant que pays vulnérable au réchauffement climatique et porté vers le développement des énergies renouvelables, et le discours tenu à l’échelle nationale et locale, promouvant la mise en place d’une panoplie de mesures et de lois pour la « massification » de l’usage du gaz naturel dans le secteur résidentiel. En effet, la question énergétique au Pérou se pose en termes d’accès à des services énergétiques modernes, ce qui implique souvent la croissance de l’intensité en carbone [4] (Bradshaw, 2010), et un agenda politique moins porté sur la diffusion des énergies renouvelables. La notion de « transition énergétique » est de fait absente du débat public et du Plan d’Accès Universel à l’Énergie 2013-2022, et elle n’apparaît qu’à une reprise dans le Plan Énergétique National 2014-2025 (MINEM, 2014).

4Au contraire, un changement énergétique vers le gaz naturel est encouragé, et une grande partie de la littérature existante montre combien la diffusion du gaz naturel, mais aussi du Gaz de Pétrole Liquéfié (GPL), va bénéficier à la population, en diminuant à la fois les prix de l’électricité (grâce au meilleur rendement de la génération thermique à base de gaz naturel) et des dépenses énergétiques des foyers, tout en développant l’industrie (Reinstein, Benítez, Johnson, 2010 ; Gonzales Palomino, Nebra, 2012 ; Abanto Bojórquez, 2013 ; Torres Madrid, 2015 ; Coapaza Quispe, 2015 ; Coello Jaramillo, 2015).

5Toutefois, analyser la diffusion du réseau gazier dans ses aspects sociaux et spatiaux permettrait de nuancer et d’approfondir la compréhension des dynamiques d’expansion du réseau gazier, qui ne saurait se réduire à l’analyse des seuls bénéfices technico-économiques. Or seuls quelques travaux récents adoptent une approche sociale sur ce sujet, tenant compte de la perception des habitants, afin d’analyser les politiques publiques du secteur gazier (Groh, 2013 ; Pollard et alii, 2018 ; Calzada, Sanz, 2018). Moins nombreux encore sont les travaux se focalisant sur l’aire urbaine, car la plupart portent sur des aires rurales. Néanmoins, des recherches menées sur la diffusion des réseaux gaziers urbains dans les villes méditerranéennes (Bolzon, Rocher, Verdeil, 2013 ; Arik, 2013 ; Verdeil et alii, 2015 ; Arik, Jaglin, Verdeil, 2019) analysent les freins et les facteurs incitatifs à la diffusion du réseau gazier dans ces villes. Par exemple au Caire, le réseau gazier cible les quartiers les plus riches au détriment des plus pauvres, car les frais élevés de connexion sont discriminants (Markoum, Verdeil, 2013). Les conditions techniques et matérielles sont également un obstacle : bâtiments instables, ruelles étroites, et quartiers populaires et informels sont bien souvent peu éligibles au raccordement (Markoum, Verdeil, 2013). Les facteurs incitatifs et de frein au déploiement du réseau gazier au Pérou se distinguent-ils de ceux observés dans les villes méditerranéennes ?

6En adoptant une approche géographique et sociale, en ce qu’elle se focalise sur la dimension sociale des dynamiques spatiales et tenant compte des pratiques sociales et de la perspective des habitants, cet article cherche à identifier quels sont les obstacles et les facteurs stimulant l’expansion du réseau gazier dans le sud du Pérou, en articulant les échelles nationale et locale. Il s’agit de comprendre quelles stratégies de territorialisation des politiques énergétiques se mettent en place au Pérou, la territorialisation étant ici comprise comme une spatialisation des politiques publiques, entraînant une « adaptation localisée aux variations de la demande urbaine selon une segmentation socio-spatiale » (Dubresson, Jaglin, 2005, p. 343).

7Notre première hypothèse est que l’expansion du réseau gazier serait très bien accueillie par les habitants des régions du sud, en tant que facteur d’amélioration significatif de leurs conditions de vie. Or nous verrons qu’en dépit d’une priorité stratégique affichée, la massification du réseau de gaz rencontre de sérieuses résistances à Arequipa. Une seconde hypothèse considère que le statut du Partenariat Public-Privé (PPP), en donnant un rôle crucial au secteur privé, pourrait être une entrave au processus d’expansion homogène du réseau gazier. Enfin, des facteurs relevant de la gouvernance et de l’implication ou non des acteurs territoriaux locaux influenceraient la dynamique d’expansion du réseau gazier.

8Pour vérifier ces hypothèses, notre démarche méthodologique consiste à analyser le cadre réglementaire relatif à l’expansion du réseau gazier, les discours porteurs de ce projet et les données relevées auprès des entreprises et des organismes de régulation. Le cas de la ville d’Arequipa, où se développe de manière précoce le réseau gazier depuis 2015 en lien avec le Gazoduc Sud Péruvien (GSP), nous a donc semblé pertinent à mobiliser pour analyser le modèle de gouvernance énergétique et de territorialisation des politiques énergétiques nationales. Des entretiens semi-directifs ont ainsi été menés auprès des ingénieurs de l’entreprise Naturgy en charge de la diffusion du réseau résidentiel de gaz naturel à Arequipa, et des institutions nationales et régionales. Enfin, la mise en place physique et matérielle du réseau gazier est observée lors de visites des quartiers périphériques de la ville d’Arequipa, situés dans le district de Cerro Colorado. Une série de courts entretiens directifs a été menée auprès de 50 habitants, cherchant à faire état de leur situation énergétique et à approfondir leur perception du GSP.

9Ces différents outils méthodologiques mobilisés s’articulent afin de mettre en évidence les facteurs d’incitation ou de frein au déploiement du réseau gazier à différentes échelles : à l’échelle nationale et régionale, l’analyse de la législation, des discours, et de la documentation relative au projet de massification (contrats de concessions, programmes, choix de tarification, entre autres), et à l’échelle locale, l’analyse d’entretiens auprès des entreprises de distribution et des habitants permettent donc de dégager ces facteurs à différents niveaux.

10Dans une première partie, nous revenons sur l’émergence du projet national d’expansion du réseau gazier comme remède aux inégalités, et des dispositifs de « massification » de l’usage du gaz naturel. Une seconde partie présente le cas de la ville d’Arequipa et la manière dont les pouvoirs locaux font face à l’arrivée du gaz. Enfin, une troisième partie analyse les déterminants locaux qui influencent la diffusion du réseau gazier à l’échelle d’un district de la ville d’Arequipa. Il s’agit donc d’une démonstration multiscalaire du déploiement du réseau gazier péruvien.

Une politique énergétique nationale priorisant le gaz naturel

Lima et les exportations avant tout

11Depuis 1992, une série de politiques néolibérales, sous le gouvernement d’Alberto Fujimori devenu autoritaire à travers un auto-coup d’État [5] (Balbi, 1992), affecte l’ensemble des services publics (Torero, Pascó-Font, 2001) et entraîne de profondes reconfigurations du secteur énergétique en désagrégeant et en fragmentant les chaînes de production-transport-distribution du secteur des hydrocarbures, pour ouvrir celui-ci à la concurrence des acteurs privés. Pour autant, ces réformes, que certains auteurs qualifient de « dérégulation » (Anaya, 2010), n’impliquent pas le retrait de l’État, car celui-ci apparaît sous d’autres formes, notamment à travers des entités de régulation du secteur pour garantir la libre concurrence et arbitrer les différends, comme la Commission de Promotion des Investissements Privés (COPRI), créée en 1991, et l’Organisme Superviseur de l’Investissement de l’Énergie et des Mines (Osinergmin) créé en 1996 [6]. Dans ce contexte néolibéral, s’amorce en 2004 l’exploitation des gisements gaziers de Camisea. Dès lors, le système énergétique péruvien privilégie l’usage du gaz naturel pour la génération électrique au détriment d’autres sources énergétiques renouvelables (Figure 1) et la part du gaz naturel augmente de manière continue dans le bouquet énergétique national (Figure 2).

Figure 1

Évolution de la part des différentes sources d’énergie pour la génération électrique au Pérou, entre 2001 et 2018

Figure 1

Évolution de la part des différentes sources d’énergie pour la génération électrique au Pérou, entre 2001 et 2018

Réalisation : Montes de Oca à partir des données statistiques publiées par le COES, 2019.
Figure 2

Évolution du mix énergétique péruvien (approvisionnement en énergie primaire selon les différentes sources) entre 1990 et 2015

Figure 2

Évolution du mix énergétique péruvien (approvisionnement en énergie primaire selon les différentes sources) entre 1990 et 2015

Réalisation : Montes de Oca à partir des données statistiques de l’Agence Internationale de l’Énergie, 2019.

12Dépositaire de ces réformes néolibérales, le système gazier créé approvisionne exclusivement la capitale liménienne au détriment des autres régions depuis 2004, à travers le gazoduc Camisea. Avec l’ouverture de l’usine de liquéfaction Pampa Melchorita et d’un port méthanier à San Vicente de Cañete en 2010, ce gazoduc permet par la suite d’exporter le gaz naturel vers l’Europe, le Mexique, les États-Unis et l’Asie (Japon, Corée du Sud). Un réseau de distribution de gaz naturel pour les secteurs résidentiel, commercial et industriel se développe dans un premier temps uniquement à Lima, Callao et Ica, sur lequel cet article ne se focalise pas car nous nous intéressons à un réseau « en train de se faire ».

13Dans les autres régions du pays, pour les usages domestiques énergétiques les habitants doivent se conformer à l’usage de bouteilles de GPL à un prix plus élevé, et les industries ne peuvent donc pas bénéficier de cette énergie bon marché. Selon Osinergmin, l’entreprise argentine Pluspetrol produit 80 % du GPL [7], à partir du gaz naturel qu’elle extrait à Camisea et fractionne à l’usine de Pisco (Figure 3).

Figure 3

Le système gazier péruvien présent et à venir

Figure 3

Le système gazier péruvien présent et à venir

Réalisation : Montes de Oca à partir de données du MINEM et d’Osinergmin avec QGIS, 2018.

14Paradoxalement, La Convención est la province de la région de Cusco produisant la majeure partie du gaz naturel péruvien et pourtant, les prix du GPL y sont les plus élevés (Figure 4). Différents facteurs tels que l’absence sur place de dispositifs pour le fractionnement du gaz naturel, la difficulté d’accès et la faible densité de population de ces zones expliquent ces différences de prix du GPL, qui affectent donc principalement les Andes du sud, comme le montrent les Figures 3 et 4.

Figure 4

Hétérogénéité des prix du GPL au Pérou

Figure 4

Hétérogénéité des prix du GPL au Pérou

Réalisation : Montes de Oca à partir de données d’Osinergmin avec QGIS, 2019.

15Face à un réseau gazier centré sur des îlots de production (province de la Convención), d’exportation (le port et l’usine de liquéfaction de Pampa Melchorita), et de consommation (Lima, Callao et Ica), la législation relative au projet de GSP et à la massification du gaz naturel cherche à étendre le réseau gazier existant, et ainsi à répondre à un besoin de rééquilibrage revendiqué par les régions du sud.

Consolider le système énergétique à travers le rééquilibrage du réseau gazier

16Dès 2006, sous le mandat d’Alejandro Toledo (2001-2006), la « décentralisation de l’accès à la consommation de gaz naturel » est édictée par une loi [8] qui stipule la promotion de la « consommation de gaz naturel dans les différentes circonscriptions territoriales du pays », sauf Lima et Callao (art. 1). Le terme de « décentralisation » est employé comme synonyme de rééquilibrage, et non pas dans un sens politique, quand bien même des accords de coopération institutionnelle entre l’État central et les gouvernements régionaux sont successivement ratifiés afin de favoriser l’expansion du réseau gazier depuis 2013.

17Pendant le gouvernement d’Alan García (2006-2011), le projet plus concret d’un gazoduc dirigé vers les villes du sud du pays voit le jour en 2007 à travers la Loi « de décentralisation de l’accès à la consommation de gaz naturel » [9]. Le GSP est présenté comme un outil indispensable à la « déconcentration » du système énergétique péruvien, car celui-ci, conformé uniquement par le gazoduc de Camisea, est vulnérable à d’éventuels dysfonctionnements, et demeure profondément inégalitaire. En effet, un rapport d’Osinergmin souligne que le projet du GSP et les centrales thermiques associées (Figure 3) permettront « de déconcentrer la capacité de génération électrique de la côte centrale et de pouvoir compter sur une réserve de génération de 30 % supérieure », et évoque la nécessité de « déconcentrer le flux de gaz naturel du gazoduc central qui va vers Lima et de créer un système interconnecté au niveau national », pour « consolider la sécurité énergétique dans le pays » (Tamayo Pacheco et alii, 2016, p. 219, 221, 229).

18Le projet est conçu pour pallier les inégalités, et par la suite une usine pétrochimique est planifiée pour contribuer au développement d’activités industrielles dans le sud. Cependant, l’un des emplacements de l’usine pétrochimique envisagés se situe non loin de Pisco comme indiqué sur la carte (Figure 3), ce qui renforcerait la concentration des activités industrielles et du système énergétique sur la côte centrale.

19Au cours de la présidence d’Ollanta Humala (2011-2016), la Loi « qui renforce la sécurité énergétique et favorise le développement d’un pôle pétrochimique dans le sud du pays » [10] de 2012 entérine le principe de la « déconcentration géographique de la production d’énergie » (Art.1, Art.5). À travers un mécanisme de compensation des coûts du gaz naturel, le MINEM encourage l’installation de générateurs électriques dans le nord et le sud du pays, « afin de déconcentrer la génération électrique de la zone centrale ». Cette mesure favorise une plus grande répartition géographique de la production d’énergie, avec la construction de deux centrales thermiques, constituant ainsi un « nœud énergétique du sud ». De plus, ce projet se place sous l’étendard du discours unificateur de la modernité, le gaz naturel étant considéré comme « une énergie bon marché, propre, et sûre », et l’énergie phare de « ce nouveau Pérou », qu’Ollanta Humala tente de construire (Humala, 2015). La construction du GSP débute ainsi en 2015.

20C’est donc une « déconcentration » de la capacité de génération et des flux qui est projetée, non de caractère politique, en promouvant l’idée d’intégration du territoire par la multiplication des flux d’énergie, et de sécurisation du système énergétique, tout en préservant une gestion centralisée du système. Ce changement du système énergétique péruvien est multidimensionnel, et implique non seulement une évolution des technologies et des industries, mais aussi du marché. Ainsi, depuis près de quinze ans, le MINEM prépare le terrain à travers une panoplie de mesures visant à développer un marché gazier résidentiel, et à consolider la demande en gaz naturel des habitants.

« Massifier » le gaz naturel à tout prix

21À partir de 2006, la politique énergétique nationale prône l’universalisation de l’accès à l’énergie notamment à travers l’adoption de la Loi N° 28849 en 2006 comme nous l’avons vu précédemment, puis de la Política energética nacional del Perú 2010-2040[11]. Quelques années plus tard, un Plan d’Accès Universel à l’Énergie 2013-2022[12] est divulgué, dont l’une des priorités est de promouvoir des mécanismes pour l’« accès universel à l’énergie et le développement des énergies en milieu rural » à travers des « programmes de promotion de la massification de l’usage du gaz naturel », la « promotion et/ou compensation pour l’accès au GPL », et la diffusion de nouveaux types d’énergies « à la frontière énergétique », c’est-à-dire dans les lieux les plus reculés. Pour ce faire, la planification étatique privilégie la construction et l’extension d’un réseau gazier de type standardisé et universel, comme support de l’universalisation de l’accès à l’énergie.

22En 2012, la création du Fond d’Inclusion Social Énergétique (FISE) [13] apporte une alternative au réseau résidentiel de gaz qui ne couvre pas le reste du pays. À travers le programme BonoGas, ce fond distribue des « Vales de Descuento GLP », des coupons de réduction de 16 soles (soit 4,76 USD [14]) pour l’achat de bouteilles de GPL, aux foyers en situation de pauvreté et dont la consommation d’électricité est inférieure à 30 kWh. De plus, un Programme National de Cuisines Familiales (Cocina Perú) [15], consistant à distribuer aux foyers pauvres des « kits » de cuisines fonctionnant au GPL, est appliqué, principalement dans les zones rurales. En juin 2014, environ 320 000 de ces cuisines ont été distribuées, et plus de 28 000 bénéficiaires ont été comptabilisés dans le département d’Arequipa (Correo, 2014). La diffusion première du GPL comme source d’énergie moderne pour la cuisson des aliments permet de mettre en place des conditions favorables pour évoluer vers un usage du gaz naturel de réseau dans les foyers. En effet, le gaz naturel se substitue aisément au GPL et ne nécessite pas de changer fondamentalement les équipements des foyers.

23Au-delà de ces instruments, un changement du système énergétique implique aussi un changement des valeurs et des comportements (Jaglin, Verdeil, 2013), et celui-ci s’est révélé beaucoup plus lent et complexe que prévu. Face au lent démarrage du réseau gazier domiciliaire à Lima depuis 2005, des mesures pour encourager la diffusion des connexions au réseau ont été prises, par exemple à travers le Décret Suprême N° 040-2008-EF qui définit un « mécanisme de promotion » (art. 112a) couvrant le coût de la connexion, s’appliquant uniquement pour les villes de Lima, Callao et Ica. En 2016, ce « mécanisme de promotion » est réaffirmé par un autre décret [16] qui concède au FISE de nouvelles fonctions (art. 10) : celui-ci allouera les fonds nécessaires pour couvrir une partie ou la totalité du coût associé à la connexion résidentielle de gaz naturel, la totalité étant prise en charge pour les foyers de statut socio-économique « bas ». Ce mécanisme s’est effectivement révélé efficace dans les quartiers périphériques et auprès des populations les plus modestes, et a permis d’accélérer l’accroissement du réseau résidentiel à Lima, Callao et Ica (Moleros Cuestas, Medina Tacuri, 2018). Cependant, ce mécanisme ne s’applique pas encore pour les régions du sud ni pour les populations de classes moyenne et aisée, alors que celles-ci sont peu enclines à accepter ce changement énergétique.

À défaut d’un gazoduc miné par la corruption, un acheminement par camions-citernes

24Malgré ces différentes initiatives pour la consolidation d’un marché gazier, le modèle de gouvernance énergétique régissant le projet du réseau gazier dans le sud se heurte au scandale de corruption de l’entreprise brésilienne Odebrecht. Ce scandale constitue un frein majeur au projet de massification, en entraînant l’interruption indéfinie de l’édification du gazoduc, et en installant un climat d’incertitude parmi les autorités et une crise de confiance au sein de la population.

25La Commission brésilienne anti-corruption Lava Jato a révélé que les dirigeants de l’entreprise Odebrecht avaient financé les campagnes d’Ollanta Humala, et soudoyé Alan García, Alejandro Toledo et Pablo Kuczynski afin d’être favorisés dans les appels d’offres pour différents grands projets d’infrastructures, dont la route interocéanique traversant le Pérou et le Brésil. Ainsi, la construction du GSP a été interrompue en mai 2016, car les banques refusèrent de prêter à Odebrecht, et parce que cette dernière fut démise par le gouvernement péruvien suite à ces révélations.

26La suspension du GSP met en difficulté les promesses d’une politique nationale énergétique de massification du gaz naturel dans le sud du pays. Néanmoins, à l’échelle locale, les entreprises de distribution progressent dans la diffusion du réseau gazier résidentiel dans les zones urbaines, malgré l’interruption de la construction du GSP et les incertitudes quant à sa viabilité. L’expansion du réseau gazier se produit dans des conditions différentes que celles observées dans la capitale : pour pallier l’absence d’un gazoduc concret acheminant le gaz naturel extrait à Camisea, un acheminement du gaz par camions-citernes a été mis en place. Le gaz naturel est transporté jusqu’à l’usine de liquéfaction de Pampa Melchorita par le gazoduc Camisea, puis convoyé sous forme liquide par camion-citerne vers les villes, où il est re-gazéifié dans les usines de l’entreprise de distribution et injecté, enfin, dans le réseau résidentiel (voir Figure 5). Cet arrangement provisoire a permis d’approvisionner en gaz naturel depuis 2018 les villes d’Arequipa, de Tacna, et de Moquegua, qui ponctuent initialement le trajet du GSP.

Figure 5

Un gazoduc sur roues pour approvisionner Arequipa

Figure 5

Un gazoduc sur roues pour approvisionner Arequipa

Réalisation : Montes de Oca d’après les données du MINEM avec QGIS, 2018.

27L’absence du GSP se manifeste également au niveau de la génération d’électricité, et les centrales thermiques d’Ilo et de Puerto Bravo, dans les départements de Moquegua et Mollendo, fonctionnent pour l’instant au diésel importé, coûtant 170 USD par MWh, alors qu’avec une génération au gaz naturel ce prix se diviserait par deux (Ingénieur, EnerSur, 16/05/2016).

28Ainsi, malgré la suspension du GSP, le système énergétique du sud du pays évolue vers le gaz naturel à usage domestique, car l’absence du gazoduc est contournée par l’acheminement du gaz naturel sous forme liquide, par camion-citerne. Le gouvernement régional d’Arequipa et les municipalités doivent donc faire face à l’arrivée de ce nouveau réseau énergétique dans le maillage urbain, sur lequel elles ont peu d’incidence, ce qui consolide une forme particulière de gouvernance énergétique.

L’arrivée du gaz naturel à Arequipa

Le gouvernement régional d’Arequipa dans le jeu gazier : un rôle secondaire

29Dans une perspective pragmatique, le modèle régissant l’expansion du réseau gazier privilégie le Partenariat Public-Privé [17] (PPP), dans lequel le secteur privé prend part à la fabrication de l’action publique. En mettant à disposition ses ressources financières et techniques en collaboration avec le secteur public, le secteur privé contribue ainsi au développement et à la gestion des infrastructures et des services publics, ce qui s’est révélé plutôt efficace, en l’absence de planification urbaine concernant le secteur énergétique. L’Agence de Promotion de l’Investissement Privé au Pérou, ProInversión, est chargée de mettre en place ces partenariats. En juillet 2013, le contrat de la concession du sud-ouest souscrit entre l’État péruvien et l’entreprise Naturgy (antérieurement Gas Natural Fenosa), filiale de l’entreprise espagnole Gas Internacional SDG S.A., attribue à cette dernière l’exclusivité du marché gazier dans les départements d’Arequipa, de Moguegua et de Tacna, et lui transfère la propriété des biens de concession, la responsabilité de la construction, de l’approvisionnement de biens et de services, et de la gestion du système de distribution de gaz naturel (clause 2).

30Pourtant, le Plan de Développement Métropolitain d’Arequipa 2016-2025 n’intègre aucune politique publique relative au secteur gazier. Le gouvernement régional n’intervient dans cette activité que par le biais du contrôle du respect des normes en termes de qualité de l’air et de régulation du bruit, par le biais de l’Autorité Régionale Environnementale (ARMA). Cette autorité approuve ou non les déclarations d’impact environnemental (comprenant des études de risques et des plans de contingence) présentées par Naturgy pour la mise en œuvre du réseau gazier. En effet, les municipalités ne disposent pas de moyens pour participer activement à la conduite du projet de diffusion du réseau gazier.

31Au-delà de la faible participation des municipalités, la participation du gouvernement régional d’Arequipa est limitée, en particulier dans la phase d’élaboration des politiques publiques et de planification liée à la diffusion du réseau gazier. Un extrait de nos carnets de terrain de mai 2017 en témoigne :

32

« Arrivée à la Direction régionale de l’énergie et des mines, […] un ingénieur […] m’expliqua que personne dans la direction de l’énergie du gouvernement régional ne s’occupe du secteur du gaz naturel ni du GSP, parce que la région d’Arequipa ne produit pas de gaz naturel, et que le gouvernement régional n’a aucune influence sur la conduite du projet. »
(Visite de la Direction Régionale de l’Énergie et des Mines, Arequipa, mai 2017)

33Bien que le GSP et la diffusion du réseau résidentiel associé soient pensés pour favoriser le développement des régions du sud du pays et pour rééquilibrer le système énergétique péruvien, ces projets s’élaborent sans une contribution significative des gouvernements régionaux. L’ingénieur, en mentionnant que la région d’Arequipa ne produit pas de gaz naturel, sous-entend que l’absence de financements issus de la rente influence aussi cette faible participation au projet. Il ne s’agit pas d’une dépossession, car la région d’Arequipa ne produit pas ce gaz naturel, mais le projet du réseau se formule principalement à l’échelle nationale.

34L’absence de planification urbaine et l’omniprésence de l’État central implique que les acteurs de l’urbanisation dialoguent directement avec l’État central péruvien, et contournent alors les pouvoirs locaux (Criqui, 2014). L’expérience des réseaux d’eau potable et d’électricité, dont les privatisations respectives ont entraîné l’extension exponentielle de la couverture de ces services, révèle que la flexibilité et la capacité d’adaptation du cadre légal offrent une liberté d’action aux entreprises de services favorable à l’extension des réseaux (Criqui, 2014), et cette absence de planification urbaine et de capacité de contrôle du gouvernement régional et des municipalités peut donc s’avérer positive.

35Néanmoins, si la construction par des agents privés du réseau gazier facilite la mise en place des réseaux, la coordination des investissements et l’interconnexion des infrastructures peut poser problème. Contrairement à l’électricité qui peut être produite par des systèmes isolés et/ou de manière fort décentralisée, le gaz naturel n’est produit qu’à un seul endroit du Pérou, et tend dès lors à développer un réseau de type « arborescent », à partir du réseau de transport national pour alimenter différents points de prélèvement répartis sur le territoire. L’absence d’implication des autorités régionales et municipales et la défaillance de l’entreprise Odebrecht font obstacle à une articulation ad hoc du réseau gazier garantissant un approvisionnement régulier et efficace, ce à quoi doit remédier l’entreprise Naturgy grâce à l’approvisionnement gazier par voie routière.

L’émergence du marché gazier dans le district de Cerro Colorado

36Créé en 1954, avec une superficie de 17 490 hectares au nord-ouest de la ville d’Arequipa, Cerro Colorado est l’un des dix-neuf districts constituant la ville d’Arequipa. Environ 15 % des sols sont urbanisés, d’autres 15 % sont utilisés pour des activités agricoles, et les 70 % restants sont des terrains accidentés et montagneux, allant d’un côté jusqu’au sommet du volcan Chachani au nord, et à l’ouest jusqu’aux carrières de pierre de taille, qu’on appelle le « sillar ». Certains quartiers plus consolidés sont situés dans la zone sud-est du district, tel qu’Alto Libertad, et forment le centre historique de celui-ci. Le Cône Nord du district est une zone caractérisée par un phénomène d’expansion urbaine. Ce secteur, dont fait partie le quartier de Peruarbo, est devenu la plus grande zone de peuplement informel d’Arequipa, et aucune planification urbaine, routière, et des services ne la précède. À la demande des habitants organisés en associations de quartiers enregistrées auprès de la municipalité, les services essentiels sont progressivement installés, par le biais d’un dialogue direct avec les entreprises prestataires de services d’électricité, de télécommunications et de transports.

37La municipalité de Cerro Colorado ne contribue donc pas à la diffusion première de ces services, ce qui se constate également pour la diffusion du service de gaz naturel. Le Plan Urbain du District de Cerro Colorado 2011-2021 ne fait aucune mention du thème du gaz naturel, hormis dans la définition des usages du sol, où des secteurs sont dédiés à des « usages spécifiques », dont les installations de stockage et de production de gaz ou d’autres énergies. A minima, la municipalité intervient pour délivrer les permis de construction du réseau gazier, et pour le contrôle du respect des normes standardisées de qualité et de sécurité, fixées par le MINEM. Comme nous l’avons constaté dans la partie précédente, une importante marge de manœuvre est concédée aux entreprises, dans l’espoir que s’organise au mieux le développement du réseau, comme cela a été observé à Lima dans le cas du réseau électrique (Criqui, 2015). Cela n’est pas toujours très bien perçu par les ingénieurs de la municipalité :

38

« Les entreprises, en particulier Fenosa, n’ont pas payé de contribution pour la supervision des travaux : alors, la municipalité est totalement exclue. […] Selon la loi, les travaux de gaz ont été exemptés de licences et de paiements, c’est-à-dire que pour le droit d’exécuter des travaux, personne ne paie d’impôts à la municipalité. […] Une particularité de ce projet d’expansion des travaux est qu’ils donnent carte blanche avec l’autorisation de la municipalité. […] Il n’y a aucune participation des citoyens et de la municipalité. Il n’y a pas d’information, on ne sait presque rien des travaux. Il peut y avoir une intervention de la municipalité uniquement quand les voisins se plaignent. »
(Ingénieur, Direction des Travaux Publics, Arequipa, 02/04/2017)

39Dotée d’une grande liberté, l’entreprise Naturgy peut donc définir l’organisation du réseau gazier et les quartiers visés, afin d’accélérer la diffusion du réseau. Comme le montre cet extrait d’entretien réalisé avec un ingénieur de la municipalité de Cerro Colorado, les instances locales n’ont presque aucune prise sur ce processus. L’ingénieur souligne que l’absence des municipalités dans le jeu gazier peut engendrer un certain nombre de complications, telles que des difficultés d’accès aux informations disponibles sur l’installation du réseau gazier et ses modalités, des travaux qui se prolongent et génèrent des obstacles à la circulation, et de longs processus administratifs en cas de litiges. Dans le contexte d’une profonde crise de confiance de la population vis-à-vis de l’État et des entreprises privées nourrie par les nombreux scandales de corruption, les fonctionnaires, les techniciens municipaux et les habitants adoptent parfois une position de défiance face au projet d’expansion, à laquelle l’entreprise Naturgy s’efforce de faire face.

Des incitations financières dans le cadre du Partenariat Public-Privé

40Le 1er février 2014, le contrat de concession pour le sud-ouest du pays accorde à Naturgy une exclusivité pour la distribution gazière pour une période de 21 ans, renouvelable par périodes de 10 ans, avec une durée maximale de 60 ans. Le contrat régule les tarifs de distribution et de commercialisation du gaz naturel. Les paramètres de calcul des tarifs et de leur évolution sont explicités (clause 11). Les prix du gaz sont attribués de telle manière à assurer la compétitivité du gaz naturel par rapport à d’autres sources d’énergie (comme le mentionne la Réglementation de Distribution du Gaz Naturel approuvée par le D.S. N° 040-2008-EM), en différenciant les niveaux de consommation et les secteurs économiques des consommateurs.

41Pour les régions du sud, c’est l’entreprise, en premier lieu, qui s’engage à financer les premières connexions, en escomptant ainsi la stimulation du marché gazier. L’entreprise Naturgy a en effet remporté l’appel d’offres sur la base de la proposition d’un Premier Plan de Connexions (PPC) selon lequel un certain nombre de consommateurs seraient exemptés des coûts du droit de connexion, de raccordement, de l’installation de la connexion interne (Gestionnaire de l’expansion du réseau gazier, Naturgy, 24/03/2017). Ce plan est élaboré pour « réussir une pénétration résidentielle agressive et ordonnée » [18] dans les villes d’Arequipa, de Tacna, de Moquegua et d’Ilo. Osinergmin se charge de la vérification du nombre de consommateurs connectés chaque année, et de l’application effective du plan. L’Annexe 3 du contrat détermine la sanction en cas de non respect du nombre de consommateurs connectés prévu par ce plan : une amende de 720 USD sera appliquée pour chaque consommateur de catégorie A (consommation comprise entre 0 et 100 m3/mois) non connecté, dans chaque localité.

42Un nombre minimum de consommateurs concernés par le PPC est déterminé (Annexe 5), et ceux-ci sont répartis sur sept ans, entre 2016 et 2023 (Tableau 1). Le nombre de consommateurs concernés par le PPC peut évoluer en fonction des subventions apportées par le gouvernement ou d’autres entités. En effet, l’entreprise annonce des objectifs à la hausse, avec un total de 64 000 connexions envisagées pour 2022 (Tableau 1). Nous précisons les indicateurs de l’avancement du PPC en janvier 2018.

Tableau 1

Nombre de clients concernés par le Premier Plan de Connexion

LocalitéNombre de clients minimumNombre de clients proposés par l’entrepriseNombre de clients connectés en janvier 2018Avancement de la construction du réseau en km
Arequipa17 29040 16212 153178
Moquegua2 1233 44359224
Tacna8 42216 9172 79564
Ilo2 6384 4784084
Total30 47364 00015 948270

Nombre de clients concernés par le Premier Plan de Connexion

Réalisation : Montes de Oca d’après le Contrat signé entre Gas Natural Fenosa et le MINEM, et données d’Osinergmin, 2020.

43D’après les grilles tarifaires de distribution du gaz naturel publiées par Osinergmin, il est possible de comparer les tarifs du service de gaz naturel pour les différentes régions où se diffuse le réseau gazier. Pour les entreprises Quavii (concession du nord du pays) et Naturgy, une catégorie A de consommateurs désigne les consommations entre 0 et 100 mètres cubes par mois, alors que pour l’entreprise Cálidda (concession de Lima et Callao) une distinction est faite entre les usagers consommant moins de 30 m3/mois et entre 31 et 300 m3/mois. Si l’on prend comme référence un usager ayant consommé 20 m3 au mois de janvier 2020 (c’est la consommation résidentielle moyenne observée à Lima), le Tableau 2 révèle les différents tarifs constatés selon les régions.

44Les tarifs du service de gaz naturel sont plus élevés dans les régions du sud et du nord (Tableau 2), car le gaz naturel est obtenu à partir de Gaz Naturel Liquéfié transporté par camions-citernes depuis l’usine de liquéfaction de Pampa Melchorita, ce qui ajoute des coûts supplémentaires.

Tableau 2

Tarifs du service de gaz naturel pour une consommation de 20 m3 en janvier 2020*

Région de concessionVilles concernéesEntreprise de distribution de gaz naturelTarif du service de gaz naturel en USD*
CapitaleLima métropolitaine, CallaoCálidda9,17
NordHuaraz, Chimbote, Trujillo, Pacasmayo, Chiclayo, Lambayeque, CajamarcaQuavii10,57
Sud-OuestArequipa, Moquagua, Tacna, IloNaturgy10,82

Tarifs du service de gaz naturel pour une consommation de 20 m3 en janvier 2020*

* Le taux de change utilisé est celui proposé par Naturgy : 3,3644 soles = 1USD.
Réalisation : Montes de Oca à partir des grilles tarifaires publiées par Quavii, Cálidda et Naturgy, 2020.

45En consultant le contrat type proposé par Naturgy aux usagers et lors d’une réunion organisée à Alto Libertad par l’entreprise sous-traitante Issa chargée de la commercialisation du gaz (13/05/2017), nous avons constaté que chaque nouveau consommateur concerné par le PPC doit payer une « Marge de Promotion », c’est-à-dire un coût fixe mensuel qui s’applique sur une période maximale de huit ans pour atteindre un total de 357 USD, une somme qui s’ajoute au coût du gaz naturel consommé. Cette somme s’élève donc à 3,9 USD environ par mois. L’avantage principal du PPC est donc de permettre l’étalonnement du paiement du compteur de gaz et du droit de connexion.

46Mais la faible présence de riverains lors de la réunion organisée par l’entreprise de commercialisation rendit visibles les difficultés rencontrées pour inciter les habitants à se connecter au réseau (Chargée de l’expansion du réseau, Issa, 13/05/2017). Il apparaît que ce plan ayant permis à Naturgy d’être sélectionnée ne parvient pas à dynamiser la constitution d’un marché domiciliaire à Arequipa, et pour en comprendre les raisons, nous avons étudié comment l’arrivée du réseau gazier est perçue à l’échelle des quartiers.

Les déterminants économiques et sociaux de la diffusion du réseau gazier : étude des cas de deux quartiers d’Arequipa

Éloignement et conditions matérielles, des facteurs de diffusion du réseau gazier ?

47Nous avons émis l’hypothèse que le critère de la rentabilité de la connexion de certains foyers par rapport à d’autres déterminait en partie la progression du réseau gazier à Arequipa. Cependant, les observations sur le terrain ont montré que ce critère ne suffit pas à justifier la stratégie de Naturgy. Un entretien avec le gestionnaire de l’expansion du réseau gazier de l’entreprise nous a permis d’identifier les quartiers dans lesquels le réseau gazier était en phase de construction et de commercialisation. La projection du réseau pour la période entre 2018 et 2023 révèle que les zones résidentielles sélectionnées pour l’expansion du réseau gazier se situent à plusieurs kilomètres des deux usines de regazéification du nord et du sud construites par l’entreprise, en moyenne à 6 km et à 9,5 km respectivement [19], ce qui implique la construction de kilomètres de canalisations.

48Selon le gestionnaire de la diffusion du réseau, la requête conjointe des habitants d’un quartier est un critère déterminant pour l’entreprise. C’est ainsi que dans le district de Cerro Colorado, l’association des habitants du quartier de Peruarbo a fait la demande pour que l’entreprise installe le réseau gazier dans leur quartier :

49

« Il y a eu de nombreuses demandes directes pour les connexions gazières, par exemple de Peruarbo, il y a un an. Une association d’habitants s’est mobilisée. Et [Naturgy] a accepté, même si ce district se trouve très loin du trajet des tubes. »
(Gestionnaire, Naturgy, 24/03/2017)

50L’intérêt d’un quartier pour une connexion résidentielle de gaz naturel et la garantie d’un nombre suffisant de clients sont donc des critères significatifs, même si le quartier en question est éloigné du réseau principal de gaz.

51Déclaré Patrimoine Culturel de l’Humanité par l’Unesco en 2000, le centre historique de la ville d’Arequipa est une zone où il est interdit d’y déployer le réseau gazier. Comme nous pouvons le voir sur cette carte (Figure 6), Naturgy privilégie en majorité des quartiers périphériques au Cercado, qui incarne le cœur de la ville.

Figure 6

Le déploiement du réseau gazier à Arequipa

Figure 6

Le déploiement du réseau gazier à Arequipa

Réalisation : Montes de Oca à partir de données de la Zonification Économique Écologique de l’Autoridad Regional de Medio Ambiente (ARMA), de Naturgy, et de l’Unesco avec QGIS, 2018.

52Les conditions techniques et matérielles de certains quartiers et foyers facilitent ou non la mise en place du réseau. Encore en phase de construction et de consolidation, le quartier de Peruarbo se présente comme un espace favorable à l’installation du réseau résidentiel de gaz naturel. Ses routes de terre permettent d’y enterrer facilement les tubes (Figure 7), alors qu’à Alto Libertad, quartier plus consolidé, il est nécessaire de casser puis de refaire le recouvrement des routes asphaltées.

Figure 7

La mise en place des canalisations à Peruarbo

Figure 7

La mise en place des canalisations à Peruarbo

© Montes de Oca : Peruarbo, 2017.

53Au niveau des foyers, le type de logement et le matériel de construction sont des critères souvent déterminants. Les maisons ou autres types de logements doivent être construits de « matériaux nobles, de bois ou d’adobe », comme cela est décrit sur le site de l’entreprise de distribution Cálidda de Lima (Naturgy ne spécifie pas clairement ses prérequis sur son site). Dès lors, les maisons les plus rudimentaires ne peuvent pas être raccordées au réseau gazier.

54

« À Lima, 30 % des maisons étaient des chozas. C’est impossible de le faire. Heureusement, il n’y en a pas à Arequipa. Il y a eu surtout des problèmes avec les maisons en adobe, car il suffit de faire un trou dans un mur, et tout s’écroule. »
(Gestionnaire, Naturgy, 24/03/2017)

55Ayant travaillé auparavant pour Cálidda à Lima, ce gestionnaire désigne par « chozas » les logements précaires des périphéries. De fait, les conditions de logement requises pour la construction du réseau gazier mettent à l’écart les foyers les plus pauvres. Même si la réglementation autorise l’installation de tubes dans les logements en adobe [20], des difficultés techniques sont rencontrées face à ce type de constructions, et les ingénieurs refusent d’y installer des tuyauteries. Un foyer de Peruarbo par exemple s’est vu refuser la connexion de gaz naturel, sous réserve de construire un mur en ciment, car il ne possédait que des murs d’adobe.

56Ainsi, malgré la volonté d’aider les habitants en situation d’extrême pauvreté, exclus et vulnérables, pour leur permettre d’avoir accès au gaz naturel (Objectif 3 du Décret Suprême N° 064-2010-EM), les habitants vivant dans des logements précaires sont exclus de cette transition. Le processus de distribution du gaz naturel est de fait lié à l’état des logements, or il reste des besoins à couvrir dans les quartiers urbains périphériques.

Les perceptions de la connexion au gaz naturel

57Outre ces aspects matériels, les perceptions des habitants face à l’arrivée de ce service sont elles aussi déterminantes. Contrairement à l’idée d’un enthousiasme généralisé de l’ensemble de la population du sud pour l’arrivée du gaz à bas prix, nombre de foyers sont réticents à l’installation d’une connexion de gaz naturel chez eux, comme cela a été observé à Lima. Pour comprendre les raisons du refus ou de l’acceptation de la connexion de gaz naturel dans la ville d’Arequipa, des entretiens ont été menés auprès des habitants des quartiers de Peruarbo et d’Alto Libertad.

58Désigné comme « pueblo jóven » [21], le quartier semi-urbain de Peruarbo s’est formé de manière récente et informelle, en conséquence de l’arrivée d’une population de migrants venant de la Bolivie et de l’Argentine, et de l’exode rural des régions de Cusco et de Puno. Son relief est accidenté. Certains logements ne disposent pas encore de tous les services de base (eau et électricité), et le réseau de transport y est peu dense. Nous avons pu y observer le réseau de distribution secondaire [22] dans sa phase d’installation (Figure 7), c’est-à-dire à un stade assez avancé par rapport aux autres quartiers, qui n’en sont qu’à la phase de commercialisation.

59Le quartier d’Alto Libertad est un quartier plus ancré spatialement et plus formalisé : le réseau de transport y est dense, et les services basiques couvrent le quartier dans son ensemble. Seul le réseau principal de distribution [23] de gaz y était installé au moment de nos visites, et l’entreprise de distribution développait encore la phase de commercialisation.

60Les questionnaires ont porté sur la situation énergétique des habitants, leur perception du GSP et de la diffusion du réseau de gaz naturel dans la ville. Le Tableau 3 donne un extrait des résultats obtenus. Les différentes réponses ont été assimilées à des idées plus générales, pour avoir une vision globale des réponses. Les résultats ne sont pas exhaustifs, et l’échantillon choisi n’est pas strictement représentatif en termes statistiques, mais permet d’avoir une idée des perceptions de 50 habitants sélectionnés de manière aléatoire. Aisés ou non, l’ensemble des habitants interrogés affirme utiliser le GPL tous les jours exclusivement pour la cuisson des aliments. Les dépenses varient entre 15 soles (4,46 USD) (pour ceux qui bénéficient du BonoGas) et 60 soles (17,83 USD) par mois pour les familles plus nombreuses, et nous avons calculé une moyenne de dépenses en GPL à 35 soles (10,40 USD) par mois pour l’ensemble des personnes interrogées.

Tableau 3

Perceptions relevées de la connexion au gaz naturel à Cerro Colorado, Arequipa, en 2017

Quels sont les effets négatifs/positifs de la connexion au gaz naturel selon vous ?Pourcentage des habitants interrogés
Insécurité, risques40
Accès facile36
Économique, pas cher32
Plus cher ou incertitude sur le prix24
Changement positif12
Corruption4
Plus propre4
Pas de garanties sur le long terme (réserves de gaz)4
Moins de contrôle sur la consommation4

Perceptions relevées de la connexion au gaz naturel à Cerro Colorado, Arequipa, en 2017

Source : questionnaires menés par Montes de Oca à Peruarbo et Alto Libertad, Arequipa, mai 2017.

61Mais les résultats de l’enquête révèlent aussi que la connexion au gaz naturel est une source de craintes quant à l’« insécurité », aux « risques », notamment aux « explosions » et aux « incendies », et nombre d’habitants ont évoqué la forte activité sismique de la région, qui pourrait provoquer ces dysfonctionnements. Les résultats de l’enquête ont montré que cette appréhension face à la connexion gazière s’inscrit dans un contexte de crise de confiance généralisée envers l’État et les entreprises du secteur énergétique. À l’évocation du projet du GSP, un tiers des habitants interrogés ont évoqué le problème de la corruption de l’État à toutes les échelles et de l’entreprise Odebrecht, et ont parfois fait le lien avec une diffusion hétérogène du réseau gazier urbain, et aux incertitudes quant à la durabilité et la fiabilité de ce réseau, telle que le montre cette réponse apportée par une habitante d’Alto Libertad :

62

« Cela ne favorise pas tout le monde, loin de là, seulement les rues principales. La corruption passe avant tout. »
(08/04/2017)

63La corruption généralisée aux hautes sphères de l’État a des retombées sur la perception du projet à l’échelle locale, en ce qu’elle insinue des doutes sur la sécurité des installations. Lors d’un entretien, la présidente de l’Association des habitants d’Alto Libertad a exprimé des doutes quant à la fiabilité des matériaux utilisés par l’entreprise Naturgy pour construire les conduits : « Combien de temps dureront ces tubes ? Trente ans ? Cinquante ans ? Nous avons besoin de le savoir. » (03/04/2017). Un autre habitant d’Alto Libertad acquiesça : « Si ça fait cinq ans déjà que les tubes sont installés [au moment où le réseau sera mis en fonctionnement], ils ne dureront que cinq ans de plus ? À quoi bon ? » (03/04/2017).

64Malgré cette défiance, une majorité des habitants interrogés considère le gaz naturel comme une énergie bon marché et d’accès plus facile, « comme l’eau et l’électricité » tel que nombre d’entre eux l’ont affirmé. Une majorité des habitants a exprimé la volonté d’accepter la connexion au gaz naturel, qui faciliterait le quotidien et permettrait un gain de temps :

65

« Il n’y aurait plus besoin de téléphoner, ce serait comme l’eau. »
(Habitant de Bolivia 2, Peruarbo, 20/05/2017)

66

« Ce serait pareil que d’acheter une bouteille de gaz, mais je n’aurai pas à sortir à la rue pour aller chercher ma bouteille. »
(Habitant de Peru 2, Peruarbo, 04/04/2017)

67Nous nous sommes demandés si ces habitants ouverts au changement énergétique vers le gaz naturel de réseau ont un profil socio-économique particulier. La Figure 8 représente, par blocs de maisons, la répartition des statuts socio-économiques de ces quartiers.

Figure 8

Strates économiques, en fonction du revenu, des habitants de Peruarbo (à gauche) et d’Alto Libertad (à droite)

Figure 8

Strates économiques, en fonction du revenu, des habitants de Peruarbo (à gauche) et d’Alto Libertad (à droite)

Source : images extraites du Sistema de Información Geográfica para Emprendedores (SIGE) de INEI du Pérou, 2018. Reproduction avec l’autorisation de l’INEI.

68Les strates socio-économiques représentées sur la Figure 8 sont déterminées par l’Institut National de Statistiques et Informatique (INEI) en se basant sur le Recensement de 2007, et l’Enquête Nationale des Foyers (ENAHO). Les strates socio-économiques de chaque pâté de maisons se calculent à partir du revenu moyen per capita et se répartissent tel que l’indique le Tableau 4.

Tableau 4

Strates économiques définies par l’INEI au recensement de 2007

Strate socio-économiqueRevenu moyen per capita par bloc de maisons (soles)Équivalent en euros arrondi à l’unité en 2007
BasseMoins de 329Moins de 237
Moyenne basse329 à 482237 à 354
Moyenne482 à 672347 à 483
Moyenne haute672 à 1185483 à 846
HautePlus de 1185Plus de 846

Strates économiques définies par l’INEI au recensement de 2007

Source : réalisation par Montes de Oca à partir des données de l’INEI, 2018.

69Ainsi, les habitants de Peruarbo sont en majorité catégorisés dans la strate économique « basse », et « moyenne basse » selon les termes de l’INEI, et majoritairement de strate « moyenne » à Alto Libertad.

Défiance de la part des habitants de classe moyenne et aisée

70Divers entretiens avec des ingénieurs de la Direction de Cadastre et de Planification Urbaine, de la section de gaz naturel d’Osinergmin, de Naturgy et des observations faites sur le terrain ont mené à la conclusion que les populations de classe moyenne et aisée sont peu enclines à ce changement énergétique. L’enthousiasme et l’intérêt des habitants du quartier d’Alto Libertad, de classe moyenne pour la plupart, est faible : seules deux personnes se sont présentées à une réunion organisée par l’entreprise sous-traitante de Naturgy, dont l’objectif était de présenter les conditions requises et les caractéristiques des installations domestiques de gaz. Cela s’explique aussi par le fait que l’Association des habitants y est peu présente, car les habitants de ce quartier ne cotisent pas pour le fonctionnement de celle-ci, et parce que le quartier d’Alto Libertad bénéficie d’une couverture totale des services d’électricité, d’eau potable et de transport. Ainsi, la revendication et l’intérêt de maintenir en vigueur l’Association des habitants de ce quartier se sont atténués.

71« Nous ne sommes pas des quartiers jeunes pour vouloir de ça » a affirmé un habitant de classe moyenne au gestionnaire de Naturgy, en soulignant la division entre les habitants arequipeños de longue date, et les habitants issus de l’immigration récente et de zones rurales. Il constate alors que :

72

« C’est la classe moyenne, moyenne basse qui est la plus susceptible de changer d’énergie. Ils profitent de l’opportunité qui leur est donnée. […] La plupart du temps, les refus d’une installation de connexion au gaz naturel sont liés à des considérations esthétiques, parce que les tubes qui entrent dans la cuisine sont à la vue de tous. »
(Gestionnaire, Naturgy, 24/03/2017)

73Il apparaît donc qu’au-delà d’un aspect d’ordre purement esthétique, c’est le statut socio-économique et le sentiment d’appartenance à une classe et à un quartier qui sont aussi en jeu : les habitants de classe moyenne ou aisée refusent la percée des murs et la mise en évidence de tuyaux traversant leur cuisine. Cette invasion visuelle de leur espace n’est pas acceptée car elle ne correspond pas à leur statut socio-économique et à son paraître.

74De même, un ingénieur de la Direction du Développement Urbain de Cerro Colorado affirme que les habitants de classe moyenne et aisée sont peu susceptibles d’accueillir ce changement d’énergie en soulignant les complications qu’il implique (procédure administrative, travaux au sein du logement), en montrant lui-même son appartenance à cette classe plus aisée :

75

« Il existe un conflit en tant qu’usager, dans le sens où il y a des programmes qui se mettent en place sans consulter. Ils annoncent les prix et les coûts pour les mettre en place, mais personne n’explique les dépenses qu’ils impliquent, et la manière dont les tubes seront encastrés. Les logements consolidés ne vont pas accepter l’installation de tubes dans leur maison. Par exemple, moi-même je ne vais pas l’accepter. Le problème est que les tubes sont à découvert, et pour les enfants et les animaux domestiques, c’est dangereux. Le système est plus réglementé, mais ils ne nous ont transmis aucune information [sur les mesures de sécurité]. Je préfère continuer à payer le même prix. »
(Ingénieur, Gestion de Développement Urbain et Cadastre, 04/04/2017)

76L’Enquête Résidentielle de Consommation et Usages de l’Energie (ERCUE) de 2018 interroge un échantillon de foyers dans chaque district du Pérou pour mesurer les habitudes de consommation énergétique du secteur résidentiel au niveau des foyers péruviens. Cette enquête nous a permis de constater que la population péruvienne en milieu urbain, dans sa quasi-totalité, utilise le GPL pour la cuisson des aliments, et chauffer son eau. Notre enquête menée auprès des foyers de Cerro Colorado confirme ces résultats : tous les foyers, aisés comme modestes, consomment du GPL pour cuisiner et chauffer l’eau, de l’électricité pour s’éclairer et utiliser des artefacts électroménagers, et aucun des foyers interrogés ne possède de système de chauffage. La seule différence constatée est que lorsque leur bouteille de GPL s’achève, les foyers de classe moyenne et aisée appellent un service de livraison à domicile, et y voient peu d’inconvénients, bien que les prix soient légèrement majorés par ce service. Sachant qu’en moyenne les habitants dépensent 35 soles (10,40 USD) par mois en GPL, et que le service du gaz naturel de réseau coûte environ 35 soles (10,40 USD), du moins pendant les huit premières années, il n’y a donc pas d’intérêt économique immédiat pour passer au gaz naturel de réseau pour les foyers de classe moyenne et aisée, même si l’entreprise annonce la baisse imminente du tarif du gaz une fois le GSP en opération. Certains des habitants ont exprimé leurs incertitudes quant à viabilité du GSP et l’amenuisement des réserves de gaz naturel, et donc sur l’intérêt d’installer chez eux un service destiné à ne pas durer.

Une amélioration des conditions de vie pour les classes populaires

77À l’inverse, les populations de classe socio-économique « basse » et « moyenne basse » consentent avec plus de facilité à ce nouveau service énergétique, et certains quartiers populaires se mobilisent pour l’obtenir, comme ce fut le cas de Peruarbo :

78

« Nous voulons tous le gaz. Selon notre éducation, le gaz est important, nécessaire, et bientôt, il sera une énergie indispensable. […] Peruarbo est une étincelle. Grâce à Peruarbo, l’usine de traitement de La Escalerilla [24] est en construction. On constate un certain conformisme dans d’autres quartiers du Cône Nord, qui ne luttent pas pour revendiquer des améliorations et des changements. »
(Président de l’Association des habitants de Peruarbo, 01/04/2017)

79Ce point de vue permet de comprendre qu’il s’agit de faire valoir leur droit à des services urbains efficaces et à des conditions de vie meilleures. Il présente le gaz naturel comme un composant essentiel de la vie et des mentalités péruviennes. C’est avec fierté qu’il fait référence à Peruarbo comme un « village pilote », une vision que notre présence en tant que chercheure a confortée au moment de nos visites de terrain. Depuis toujours, l’association des habitants doit revendiquer et négocier directement avec les entreprises privées prestataires des services d’électricité, d’eau et de transports, et parfois âprement : par exemple, les compagnies privées de bus voient assez peu d’intérêt d’y prolonger leurs trajets étant donné la faible densité du quartier et la demande sporadique durant la journée. L’entreprise de distribution de gaz naturel dialogue à Peruarbo avec une forme de sociabilité consolidée et organisée, une association de quartier pour laquelle les habitants contribuent chaque mois, qui a donc coutume de revendiquer les services de base venant à manquer.

80Les habitants de Peruarbo, de revenus modestes pour la plupart, ont relevé que la connexion de gaz naturel apporterait une amélioration de leurs conditions de vie, car les foyers modestes évitent de faire appel au service de livraison à domicile de bouteilles de GPL, pour économiser. Ainsi, interrogée sur les incommodités quotidiennes ressenties par rapport à l’usage du GPL, une femme nous dit : « C’est compliqué d’aller jusqu’à l’usine de Llamagas mais j’y vais, parce que dans les épiceries, ils font payer une commission. » (Habitante de Peru 2, Peruarbo, 04/04/2017). D’autres femmes ont souligné les difficultés pour aller chercher leur bouteille de GPL à l’épicerie : « Pour les bouteilles, il faut les porter jusque là-haut, et avec toute cette terre et cette poussière… » (Habitante de Peru 2, Peruarbo, 04/04/2017). Certaines se plaignent du fait que le gaz s’éteint au beau milieu de leur préparation du repas, et l’une d’entre elles a affirmé que les bouteilles de gaz sont souvent défectueuses.

81Néanmoins, le paiement mensuel d’un service tel que le gaz naturel n’est pas à la portée des foyers les plus vulnérables. En effet, des pratiques de cumul des bons de réduction du programme BonoGas, pour pouvoir obtenir gratuitement des bouteilles de gaz tous les deux mois, ont été observées parmi les foyers bénéficiaires du FISE (Pollard et alii, 2018), soit une partie des foyers les plus pauvres qui restreignent alors leur consommation de GPL. Le service de gaz naturel à 35 soles par mois pourrait dès lors se révéler trop onéreux, sachant que les foyers les plus pauvres ont des revenus inférieurs à 329 soles (97,79 USD) ; cela représenterait un peu plus de 10 % de leurs revenus, sans compter les dépenses liées à l’électricité et aux combustibles des véhicules. De plus, le fait de payer un tarif fixe chaque mois inscrit les foyers dans une durabilité, une régularité, tout en renforçant leur attachement à cette source d’énergie. Or dans cette partie de la population, il est difficile de s’y adapter, car l’on essaie de faire des économies pour affronter les aléas. Les pratiques de cumuls de bons de réduction révèlent l’importance pour ces foyers modestes de pouvoir contrôler leur consommation, et de pouvoir payer au jour le jour pour l’énergie consommée.

Conclusion

82Le gaz naturel, vu comme véritable levier susceptible de relever l’économie des régions du sud (Humala, 2014), est devenu l’énergie dominante du système énergétique péruvien. Il est le moteur de l’ambitieuse politique énergétique de massification du gaz naturel, en contradiction avec les enjeux internationaux liés au réchauffement climatique et à la nécessité d’enclencher une transition énergétique orientée vers l’utilisation croissante des énergies renouvelables. Bien que le pays affiche sur la scène internationale une ferme volonté de s’engager dans des actions pour limiter le réchauffement climatique, à travers cette politique l’État péruvien fait face aux enjeux nationaux de justice sociale et de lutte contre la pauvreté, à l’instar de différents pays émergents, comme la Tunisie (Bolzon, Rocher, Verdeil, 2013) et la Turquie (Arik, 2013 ; Verdeil et alii 2015). Mais en constatant l’hétérogénéité des dynamiques observées dans le système énergétique péruvien, il est difficile de pouvoir qualifier de « transition énergétique » ce qui s’y observe et, tout comme Jaglin et Verdeil (2013), nous préférons parler de « changements énergétiques », ou du moins de « transitions énergétiques » plurielles. En effet, nous avons observé à la fois la diffusion de connexions domiciliaires au gaz naturel, et d’artefacts énergétiques comme les cuisinières et les bouteilles de GPL en milieu urbain. Ainsi, une politique d’universalisation du réseau gazier et de consolidation du marché gazier résidentiel cohabite avec les programmes de diffusion du GPL, qui entrent pourtant en contradiction.

83En présentant les conséquences des aléas du projet du GSP et les caractéristiques de l’émergence récente du réseau gazier résidentiel à Arequipa, cet article a mis en évidence les facteurs d’incitation et les freins au déploiement du réseau gazier. Certains relèvent du choix de gouvernance énergétique nationale et d’autres relèvent des conditions socio-économiques et matérielles à l’échelle urbaine et locale. En effet, les observations sur le terrain ont permis de constater que des déterminants à la fois sociaux, techniques et économiques influent sur le choix de connexion ou non à l’échelle de chaque foyer.

84D’une part, l’expansion du réseau gazier s’avère instable à l’échelle nationale, du fait de la crise du GSP aux répercussions politiques colossales. Cette crise a dévoilé le pouvoir de coercition considérable de l’entreprise brésilienne Odebrecht. Bien que le programme soit conçu à l’échelle nationale, il est appliqué par les entreprises de distribution à l’échelle locale, comme Naturgy. L’exploitation des données géoréférencées fournies par l’entreprise et les instances gouvernementales a permis de constater que la progression de ce réseau est hétérogène à l’échelle des quartiers, en étant orientée par les besoins exprimés de la part de quartiers périphériques récents et par la capacité de réponse de l’entreprise de distribution. Malgré la demande des populations des régions du sud pour une répartition plus juste des bénéfices de l’exploitation du gaz naturel de Camisea, il apparaît que l’arrivée du gaz naturel génère peu d’adhésion auprès des habitants des zones urbaines, en particulier des habitants de classe moyenne et aisée. Contrairement aux attentes, ce sont les populations plus modestes, de quartiers moins consolidés, les plus susceptibles d’accepter un changement vers le gaz naturel de réseau, en y voyant par là une opportunité d’accéder à de meilleures conditions de vie.

85Le projet de « massification de l’usage du gaz naturel » se heurte en effet à des pratiques fort enracinées de consommation énergétique basée principalement sur le GPL pour la cuisson et le chauffage, et modulable selon les besoins. D’où la nécessité, pour l’État péruvien et les entreprises de distribution, d’adopter une panoplie de mesures pour inciter à l’installation de connexions de gaz naturel.

86Les quartiers moyens et aisés sont donc peu concernés pour le moment, or un marché résidentiel peu développé rend peu rentable la construction du GSP pour les entreprises impliquées. Néanmoins, la diffusion du Gaz Naturel pour Véhicules (GNV) avec la création de quatre stations services tel que stipulé dans le contrat de concession, et l’existence de cinq clients industriels importants (Promigas, 2018) contribuent à la consolidation d’un marché gazier stable, indispensable pour la rentabilité du réseau et pour attirer les investissements étrangers propices à la construction du GSP.

87L’approche géographique sociale développée dans cet article, en articulant différentes échelles d’analyse, a permis de constater un hiatus entre le modèle de développement du réseau de gaz naturel s’appuyant sur le PPP dans l’espoir d’assurer une meilleure expansion du service, et les faits observés révélant l’émergence difficile d’un marché gazier. Le projet se heurte à des incertitudes quant à sa viabilité, le GSP n’étant toujours pas construit, et à des pratiques énergétiques enracinées.

88Cet article a permis d’approfondir la notion de résistance sociale en Amérique latine, non pressentie et constituant un frein aux politiques énergétiques dans le cas étudié, alors que celle-ci émerge de secteurs de la population non attendus. Des divergences entre les intérêts nationaux, régionaux et locaux ont été dévoilées, quand bien même la consolidation d’une continuité entre les différents niveaux de l’action politique s’avère nécessaire pour mener une transition énergétique (Emelianoff, 2013). Enfin, en montrant les discordances existant entre les intérêts institutionnels, sociaux et privés dans le cas péruvien, cet article a permis d’illustrer les contradictions inhérentes aux transitions énergétiques observées dans les Suds.

Remerciements

Ce travail a été réalisé grâce au soutien financier du CREDA (UMR 7227) et de l’Université de la Sorbonne Nouvelle – Paris 3. Je remercie Sébastien Velut pour son orientation, la rédaction de Flux et les relecteur.rice.s anonymes pour leurs critiques constructives, qui ont grandement contribué à améliorer la qualité de cet article.

Notes

  • [1]
    Organisé chaque année à Lima par Laub & Quijandría Energy Group, une entreprise d’expertise et conseil du secteur des mines et de l’énergie.
  • [2]
    Il reprend l’expression du géographe italien Antonio Raimondi qui, en constatant le pillage des immenses richesses naturelles du pays, s’exclame : « Le Pérou est un mendiant assis sur un banc d’or. ».
  • [3]
    La croissance du PIB s’élevait à 2,5 % en 2017 d’après la Banque Mondiale.
  • [4]
    L’intensité en carbone est le rapport des émissions de CO2 à la production de PIB d’une entreprise, ou d’un pays.
  • [5]
    Le 5 avril 1992, avec le soutien des Forces Armées, il prend le contrôle de Lima, annonce la dissolution du Parlement National, et la réorganisation du Pouvoir Judiciaire.
  • [6]
    À l’origine « Osinerg », devenu en 2007 « Osinergmin » suite à l’extension de son domaine de compétences au secteur minier.
  • [7]
    Le GPL peut être obtenu à partir du raffinage du pétrole ou d’un processus de distillation du gaz naturel.
  • [8]
    Loi N° 28849.
  • [9]
    Loi N° 29129.
  • [10]
    Loi N° 29970.
  • [11]
    Décret Suprême N° 064-2010-EM.
  • [12]
    Résolution Ministérielle 203-2013-MEM/DM.
  • [13]
    Loi N°29852.
  • [14]
    Le taux de change est celui indiqué dans les grilles tarifaires de Naturgy de janvier 2020 ; 1 Dollar (USD) = 3,3644 soles.
  • [15]
    D.S. N° 021-2012-EM.
  • [16]
    D.S. N° 012-2016-EM.
  • [17]
    « Asociación Publico-Privada » (APP) en espagnol.
  • [18]
    Contrat d’approvisionnement de Gaz Naturel, validé par la Résolution Directorielle N° 112-2016-MEM/DGH du 21 septembre 2016, Annexe 2, p. 50.
  • [19]
    C’est le résultat obtenu en calculant la distance moyenne reliant les centroïdes de ces zones à chacune des deux usines en question, sur le logiciel de cartographie QGis.
  • [20]
    Brique rudimentaire de terre mêlée de paille, séchée au soleil, selon la définition du Larousse.
  • [21]
    Cela pourrait se traduire par « quartier jeune » ou « quartier récent ».
  • [22]
    Canalisations, de petit diamètre et de basse pression, qui assurent l’acheminement du gaz aux consommateurs finaux.
  • [23]
    Canalisations de diamètre moyen et de moyenne et basse pression permettant de transporter le gaz sur des axes urbains principaux.
  • [24]
    La Escalerilla est une usine de traitement des eaux noires innovante, utilisant un procédé biologique. Ce projet s’est concrétisé effectivement grâce au concours des municipalités de Cerro Colorado et de Yura.
Français

La découverte des gisements gaziers de Camisea et leur exploitation depuis 2004 entraînent une profonde restructuration du secteur de l’énergie au Pérou. Malgré son engagement dans la lutte contre le changement climatique qui affecte considérablement ce pays, l’État péruvien a choisi de se lancer dans une transition énergétique privilégiant le gaz naturel. Cet article aborde à partir du cas péruvien les contradictions inhérentes aux transitions énergétiques dans les Suds. Il analyse les discordances existant entre les intérêts institutionnels, sociaux, et privés autour du développement du réseau gazier dont le projet phare est le Gazoduc Sud Péruvien, mis en œuvre comme solution à l’inégale structuration du système énergétique péruvien et aux revendications des régions du sud. À travers une approche géographique fondée sur des données empiriques et l’analyse de la documentation relative à ce projet, cet article met en évidence les facteurs incitatifs et les freins au déploiement du réseau résidentiel de gaz dans la ville d’Arequipa.

  • Gazoduc Sud Péruvien
  • réseau
  • gaz naturel
  • transition énergétique
  • Pérou

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Nina Montes de Oca
Nina Montes de Oca est doctorante en Géographie et Aménagement Urbain sous la direction de Sébastien Velut, au Centre de Recherche et de Documentation sur les Amériques (CREDA, UMR 7227) de la Sorbonne Nouvelle-Paris 3. Sa recherche en doctorat porte sur les transitions énergétiques dans le sud du Pérou, et analyse le projet du Gazoduc Sud Péruvien et les reconfigurations territoriales que celui-ci entraîne. Elle s’est aussi intéressée, dans ses recherches précédentes, au projet du Gazoduc du Nord-Est Argentin et à l’intégration gazière entre l’Argentine et la Bolivie.
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 12/10/2020
https://doi.org/10.3917/flux1.121.0029
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour Université Gustave Eiffel © Université Gustave Eiffel. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
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