Des adolescents de la marge, démunis affectivement, économiquement, socialement, culturellement, errent comme des maillons désaffiliés, à la dérive de leurs pulsions. Ils échappent à tous les circuits, s’excluent et sont exclus, ils échappent aux contraintes, pour se retrouver sous contrainte de leurs seules pulsions erratiques. De violences en délits et en crimes, ils traversent leur vie d’institutions en institutions pour se retrouver à la case prison. Ils nous échappent, parce qu’ils s’échappent d’eux-mêmes, de leur vide existentiel, et déchargent leur trop-plein pulsionnel.
Les bords qu’on leur propose sont instables, mouvants, friables, illusoires, parce que sans racines pour s’accrocher. Sans attaches, ils se noient au milieu du gué, pris dans les tourbillons d’une jouissance sans limites, un au-delà du principe de Plaisir. Là où ils sont soumis à leurs pulsions désarrimées, ils errent à la recherche d’un point fixe, à la recherche de l’objet qui va les lier, voire les ligoter, et vectoriser leur vie au quotidien, une addiction : produits toxiques, objets consommables, jetables et renouvelables au fil de la mode, réseaux sociaux, discours totalitaire sans reste… Selon les lois du marché qui articulent le monde de productivisme en consumérisme, l’injonction toxicomaniaque à se remplir va saturer ces enfants de prêts-à-penser, de prêts-à-consommer et de prêts-à-jouir, qui vont suturer le doute, l’angoisse, et mettre un terme au processus de penser.
Comment travailler avec ces jeunes, cassés et cadenassés, ceux dont le quotidien prend la couleur de l’échec, de la menace et de la peur, ceux qui n’ont pas les mots pour s’exprimer, qui fuient le regard, qui fuient le contact, qui font comme s’ils ne nous demandaient rien, mais qui agissent furieusement une rage qui les porte …