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Cueillette de melons par des travailleurs saisonniers, août 2019, Pays Loudunais.

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Cueillette de melons par des travailleurs saisonniers, août 2019, Pays Loudunais.

Photo : Camille Hochedez-David Lessault/Camigri-CNRS.

1Au cours des quinze dernières années, les recherches en sciences sociales sur les migrations de saisonniers étrangers employés dans l’agriculture se sont multipliées [Michalon et Potot 2008 ; Morice et Michalon 2008 ; Crenn et Tersigny 2013 ; Eriksson et al. 2019]. Ces travaux ont privilégié une entrée par les populations migrantes, entendues comme une clé de voûte du capitalisme agricole [Tsing 2009 ; Eriksson et Tollefsen 2015 ; Bélanger et Candiz 2015 ; Kasimis et al. 2015]. Le travail saisonnier est, en effet, la condition indispensable au bon fonctionnement des cultures intensives délicates, et plus généralement à celui des filières agro-alimentaires qui sont devenues un système de relations industrielles transnationales [Eriksson et al. op. cit.]. Les saisonniers étrangers participent à ce que J.-P. Berlan appelle le « modèle californien » [1] : la diversité des statuts et des contrats agricoles ainsi que la complexification des modes de recrutement répondent aux ajustements nécessaires des besoins en saisonniers en fonction de la saison (précocité, retard) et des conditions météorologiques. Elles illustrent la manière dont les principales entreprises externalisent les risques du recrutement et de l’emploi [Tsing op. cit.]. Longtemps restés en marge des études rurales [Hubscher et Farcy 1996], les saisonniers agricoles étrangers ont souvent été présentés comme des « oiseaux de passage » [Piore 1980] dans la littérature scientifique, et plus récemment caractérisés par leur précarité [Potot et Morice 2010 ; Diallo 2020] ou leur invisibilité [Mésini 2013].

2Dans le prolongement de ces études qui mettent l’accent sur les circulations auxquelles ils sont souvent assignés dans le cadre de dispositifs encadrés, le présent article envisage la constitution d’une filière de travailleurs agricoles bulgares qui passe à la fois par les procédures de recrutement et par leur installation, par le biais d’arrangements locaux et d’une certaine complicité avec les habitants du territoire rural étudié. Dans la mesure où les interactions observées sont fortes entre les dynamiques agricoles et les autres dynamiques rurales (résidentielles, touristiques, politiques notamment), notre texte entend également montrer que la diversité, la complémentarité ou la concurrence des dispositifs de recrutement et d’hébergement des saisonniers étrangers accompagnent la transformation d’espaces ruraux intégrés au processus de mondialisation [Woods 2014 ; Mormont 2009]. À l’échelle d’un territoire rural en perte de vitalité démographique et économique, nous montrons comment, par la construction d’un jeu d’acteurs complexe, des présences étrangères récentes et peu visibles dans l’espace public, participent à la transformation des dynamiques économiques et résidentielles locales. À partir de dispositifs publics et d’initiatives privées favorisant le recours à une main-d’œuvre étrangère, l’activité agricole devient alors un facteur d’attractivité du territoire, et l’espace rural un espace d’installation des populations étrangères. Ainsi, depuis une dizaine d’années, des travailleurs agricoles bulgares ont élu domicile autour de Loudun (nord de la Vienne), concourant à alimenter le processus de diversification des nationalités à l’œuvre sur le territoire [Berthomière et al. 2021].

3Ce faisant, notre article mobilise différentes dimensions de l’ancrage [Debarbieux 2014] qui s’exprime à la fois par des pratiques de circulation répétées des saisonniers agricoles étrangers dans un même lieu, et par des logiques d’installation durable. Nous postulons que ces formes d’ancrage articulent trois dimensions : matérielle (lieu de résidence, type d’hébergement), « actorielle » (rôle des acteurs locaux inclus dans des dynamiques territoriales plus larges) et pratique (mobilités quotidiennes des saisonniers). L’article propose de développer ce questionnement à travers l’exemple des travailleurs agricoles bulgares dans le Pays loudunais, une communauté de communes rurales dominée par la grande agriculture (céréales) et les filières spécialisées (melon, viticulture). En effet, au regard de l’importance des travaux portant sur les saisonniers étrangers employés dans l’agriculture du bassin méditerranéen et du sud-ouest de la France [2] [Filhol 2016 ; Hellio 2013 ; Corrado et al. 2016], cette partie du territoire rural français reste peu étudiée alors que certaines filières agricoles privilégiant le recours intensif à la main-d’œuvre agricole saisonnière y sont en plein développement. Ici, les présences étrangères sont plus rares et plus récentes. Au-delà des systèmes de recrutement de type détachement et du logement sur exploitation, permettant le contrôle et l’encadrement de la main-d’œuvre par les exploitants, se développent des alternatives à l’embauche et au logement des travailleurs, portées par une pléiade d’acteurs locaux qui voient dans ces arrivées de nouvelles opportunités financières ou un moyen de reconversion de leurs activités.

4La principale difficulté méthodologique porte sur la dispersion géographique et la discrétion d’initiatives privées, parfois à la limite de la légalité. C’est pourquoi, nous avons opté pour un dispositif d’enquête à double entrée : des enquêtes et observations dans six lieux d’hébergement choisis après plusieurs explorations dans le territoire d’étude (dispositifs institutionnels et initiatives privées d’hébergement) et dans les exploitations agricoles (fig. 1). Ce corpus a été complété par des données statistiques et des entretiens conduits auprès de membres d’institutions publiques, d’associations et d’organismes agricoles locaux : Communauté de communes, Pôle emploi, syndicat CFDT, associations, Sécurité sociale agricole (MSA), Association nationale pour l’emploi et la formation en agriculture (Anefa). Le suivi sur quatre années (depuis 2018) des hébergeurs et les passages et visites répétés sur le terrain permettent, d’une part, de saisir la temporalité des présences marquées par la saisonnalité des activités agricoles et, de l’autre, d’observer l’évolution « en temps réel » des pratiques et des interactions entre travailleurs, employeurs et hébergeurs. L’analyse des matériaux collectés amène à reconstituer le jeu de relations qui se nouent sur ce territoire autour de la présence récente des saisonniers étrangers bulgares, à la lumière de la diversification des dispositifs de recrutement et d’encadrement et de formes d’ancrage résidentiel sous-entendues par une autonomisation progressive des travailleurs.

Figure 1. Localisation des lieux d’enquête et d’observations.

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Figure 1. Localisation des lieux d’enquête et d’observations.

Réalisation : ESO-Angers, Université d’Angers-CNRS-2020.

La constitution d’une filière migratoire bulgare

Un territoire rural excentré et concerné par la circulation internationale

5Le territoire du Pays loudunais rassemble la petite ville de Loudun (6 700 habitants) et une cinquantaine de communes rurales appartenant au nord de l’EPCI [3] aux « campagnes agricoles et industrielles » et au sud aux « campagnes vieillies, peu denses » [4]. La population du territoire (24 000 habitants) est stable et le solde naturel négatif à peine compensé par le flux migratoire des petites communes. Situé dans un espace rural intermédiaire entre les agglomérations urbaines d’Angers, Tours et Poitiers, le Pays loudunais a une vocation industrielle (métallurgie, mécanique industrielle) mais aussi et surtout agricole : 80 % du territoire est couvert par des terres agricoles [5] largement dominées par la céréaliculture et plus ponctuellement par des cultures spécialisées (melons, pommes, vignes, asperges, champignons principalement). Face au déclin économique engagé dans les années 1990 (crise du secteur industriel, recul de l’emploi salarié privé), les politiques d’aménagement du territoire ont misé sur son développement touristique afin de mettre en valeur ses principaux atouts historiques, culturels et naturels. Cette orientation a été réaffirmée dans un contexte de concurrence des territoires où la proximité de la Loire et ses sites historiques au nord et le Futuroscope proche de Poitiers au sud font du Pays loudunais un espace de passage en marge des grands itinéraires touristiques. Capter la clientèle de passage avec l’installation, sur un axe routier très emprunté, de la Maison de Pays du loudunais, ou mieux, proposer une nouvelle offre de services et de loisirs par le biais des sites Active Park de Moncontour ou Center Parcs Le Bois aux Daims, ont donc constitué des priorités des pouvoirs publics qui cherchent à conférer une attractivité nouvelle au territoire. Ces aménagements récents, destinés à attirer un nombre important de visiteurs, viennent s’ajouter aux centres d’intérêts touristiques préexistants mais surtout concurrencer une offre d’hébergement diversifiée et plus diffuse, principalement en gîtes et chambres d’hôtes disséminés sur l’ensemble du territoire loudunais.

6Malgré cette offre d’hébergement, les logements bon marché sont rares, ce qui pose problème lors du recrutement des saisonniers agricoles :

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Le problème, ici, c’est qu’on a des emplois saisonniers, mais on n’a rien pour les loger. C’est Loudun!  [Employée agence Pôle emploi de Loudun, avril 2018]

8Il est, d’ailleurs, éclairant de voir comment ces dispositifs d’hébergement initialement destinés au tourisme ont pu être détournés et jouer un rôle inattendu dans l’accueil des travailleurs lors du chantier de construction du Center Parcs Le Bois aux Daims à partir de 2012. Étalé dans la durée (deux ans) et faisant appel à de multiples compétences notamment puisées à l’extérieur de la région – parfois à l’étranger (ingénieurs allemands, maçons portugais et roumains) –, ce projet a généré des besoins en logements temporaires, de type hôtelier bon marché, souvent disponible dans les villes mais dont le territoire loudunais, à dominante rurale, était dépourvu. Les ouvriers et les employés détachés ont donc dû composer avec l’offre existante afin de ne pas trop s’éloigner du chantier tout en assurant un semblant de vie sociale sur place. D’autres logeurs à l’instar de propriétaires de gîtes ont pu capitaliser sur cette situation pour assurer un meilleur taux de remplissage, proposer une offre d’hébergement adaptée à ce nouveau marché (location de maison sur quelques mois, mise à disposition de chambres d’hôtels restaurées) voire développer une offre pour l’occasion, comme la location de caravanes équipées sur terrain privé durant la période estivale. Créées le temps des chantiers, ces formes d’hébergement saisonnier ont pu être pérennisées afin de capter un autre type de circulation internationale constituée par la main-d’œuvre saisonnière agricole étrangère.

Le recours à la main-d’œuvre étrangère pour gérer le « casse-tête » du recrutement

9Avec des filières spécialisées comme la production de melons, dont la récolte est difficilement mécanisable, les exploitants recrutent des saisonniers agricoles pour faire la « saison ».

10Le recours aux travailleurs saisonniers est loin d’être anodin dans ce territoire. Selon les chiffres de la MSA, en 2017, il y a eu 5 728 emplois saisonniers dans les exploitations melonnières en Nord Vienne et Deux-Sèvres lors des deux trimestres de la saison (avril à septembre/octobre). Sur la période de cueillette (juillet-octobre), 74 % des saisonniers étaient domiciliés en Nouvelle-Aquitaine (43 % venaient de la Vienne, 31 % des Deux-Sèvres), 8,5% dans les Pays de Loire et 3 % dans le Centre-Val-de-Loire. Au total, les trois régions représentaient 85,5 % de la main-d'œuvre saisonnière embauchée dans les melons. Les 14,5 % restants résidaient dans d’autres régions de France (1,5 %) ou à l’étranger (13 %). Ces chiffres montrent que le recrutement des saisonniers est essentiellement local et le recours à la main-d'œuvre étrangère minoritaire. Mais celui-ci a tendance à être exagéré par les melonniers et par la population locale, en raison des problèmes (en tout cas perçus comme telles par les employeurs) que cela crée, comme le souligne un employé d’une exploitation melonnière :

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Parmi les saisonniers, on recrute 20 % d’étrangers. Le reste c’est des Français, heureusement. C’est quand même problématique, il faut gérer la barrière de la langue, tous ces trucs-là, les descentes de flics qui débarquent dans le logement […]. C’est pas la solution. Mais c’est la seule solution qu’on ait […]. [Bernard, mars 2019]

12Les origines des saisonniers se sont progressivement diversifiées. Même si beaucoup d’exploitations fonctionnent avec des habitués, la plupart des melonniers déplorent les carences en main-d’œuvre locale, qui les obligeraient à se tourner vers l’étrangère. La « pénurie » de travailleurs locaux s’explique, selon les melonniers, par plusieurs facteurs, notamment la pénibilité du travail sur les exploitations qui n’attire plus les jeunes, comme le souligne cet exploitant :

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Le melon, c’est beaucoup de social. L’étudiant qui veut trouver un job d’été, il va plutôt travailler dans des banques. Des étudiants, c’est très bien, mais ils font une saison et ils trouvent ça trop dur, alors ils ne reviennent plus l’année d’après. Ceux qui viennent ici, c’est tous les autres […].

14La concurrence entre entreprises (notamment le Center Parcs du Bois aux Daims), qui demandent toutes des saisonniers au même moment dans un même bassin de recrutement au vivier limité, s’ajoute aux difficultés. Celle de recruter localement est d’autant plus paradoxale que le bassin d’emploi compte 2 000 chômeurs :

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Et à côté de ça, il y a plein de Français au chômage qui ne veulent pas bosser. Le système encourage trop les gens à ne rien foutre. Les étrangers, eux, veulent bosser : pour eux, un mois de salaire au smic ici, c’est trois mois de salaire au pays. Et le chômage français, c’est un mois et demi de salaire chez eux. Ça, ce sont les dérives du système […].

16Pour ces raisons, la proportion des saisonniers étrangers employés dans les exploitations melonnières a augmenté [Diallo op. cit. ; Mazenc 2020] et sa composition par origine semble s’être récemment spécialisée. Historiquement, le nord du département de la Vienne n’est pas un territoire d’immigration. Le Loudunais représente une exception au regard de la présence de main-d’œuvre agricole étrangère en France au cours du siècle dernier.

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Dans le Nord, ce sont plus particulièrement les Polonais et les Belges qui s’emploient du Nord au pourtour du Bassin Parisien […] et dans le Sud les travailleurs espagnols qui représenteraient jusqu’à 88 % des ouvriers étrangers en 1964 […]. Plus récemment, au cours des années 1970, c’est encore dans le Sud-Est et le Sud-Ouest que la production fruitière en plein essor doit faire appel à une main-d’œuvre marocaine et portugaise qui succède à leurs homologues espagnols et italiens [Hubscher 2005 : 66].

18Finalement, l’historien souligne que les opportunités économiques et le marché du travail l’emportent désormais sur la proximité territoriale dans le recours à une main-d’œuvre saisonnière :

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[…] ils orientent et modifient les courants migratoires et expliquent les inégales concentrations selon les régions ; tous les exemples récents soulignent la part essentielle prise par les migrants dans les secteurs agricoles les plus intégrés à une économie de marché, quelle que soit leur localisation [idem : 68].

20Ainsi, les données de la MSA et les entretiens avec les employeurs attestent d’un recours ponctuel et limité à des travailleurs espagnols, marocains ou à des étudiants étrangers de l’université de Poitiers. Mais le fait le plus marquant porte localement sur l’arrivée récente de migrants de l’Est de l’Europe [6] (majoritairement bulgares) qui correspond au développement de la culture melonnière tout comme à la saturation et à l’évolution structurelle de l’emploi local.

La mobilisation des travailleurs bulgares dans les exploitations maraîchères du Loudunais

21Aujourd’hui se développe une filière de recrutement bulgare amorcée avec l’adhésion, en 2007, de la Bulgarie à l’Union européenne. En effet, à partir des années 2000, les exploitants melonniers ont les plus grandes peines à embaucher des ouvriers agricoles au niveau de rémunération en vigueur basé sur le smic, soit 7,82 € net de l’heure. Le recours à la main-d’œuvre étrangère est vite apparu comme une solution. Le mode de recrutement privilégié par les employeurs est l’embauche en direct. À la différence du système du détachement, ce type d’embauche n’oblige pas l’employeur à s’occuper de l’hébergement des saisonniers, lesquels peinent à se loger, faute de solutions organisées en amont. Le recrutement passe soit par la mise en contact directe, qui peut être facilitée par le bouche-à-oreille (par exemple, un travailleur saisonnier va contacter un membre de sa famille ou de son village pour faire la saison suivante) soit par le recours à des intermédiaires étrangers en lien avec un ou plusieurs villages en Bulgarie. Ce mode de recrutement est le premier ressort de la constitution d’une filière de travailleurs bulgares, puisque les réseaux d’interconnaissance sont largement mobilisés.

22Comme les saisonniers d’origine locale, les Bulgares sont embauchés directement par les employeurs français, le fait de travailler plusieurs saisons favorisant l’interconnaissance. Ce mode de recrutement, le plus usité par les saisonniers, est possible depuis l’entrée de la Bulgarie dans l’Union mais surtout depuis la fin des mesures transitoires en 2014, avec l’ouverture du marché du travail européen. Concrètement, la libre circulation des travailleurs garantie par le droit communautaire s’applique désormais aux ressortissants bulgares, ce qui inclut le droit de vivre et de travailler dans un autre État membre sans permis de travail. L’élargissement à l’Est s’est accompagné de l’établissement de conventions collectives pour faciliter la libre circulation des personnes en évitant une perte des droits lors des déplacements en Europe. L’embauche en France régie par ces conventions ouvre aux saisonniers étrangers des droits du travail en vigueur selon la législation française, que l’employeur est tenu de garantir (inscription à la sécurité sociale agricole française, règles de conclusion et de rupture du contrat de travail, temps de travail hebdomadaire, temps de pause, etc.). Malgré l’existence de ces conventions collectives, des saisonniers bulgares sont mal informés et rencontrent des difficultés pour ouvrir leurs droits. C’est pourquoi des syndicats français et leurs homologues bulgares ont entamé une collaboration sur le sujet dès 2012. La Fédération générale de l’agroalimentaire de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) mène en saison des actions de sensibilisation pour informer les saisonniers, en particulier étrangers, de leurs droits. Sur les champs, des tracts sont directement distribués aux saisonniers en indiquant certains droits des travailleurs comme la grille de salaire, le principe des heures supplémentaires, la prime de 10 % sur les congés payés, le repos obligatoire, la majoration de 50 % du travail du dimanche et des jours fériés, l’existence de la MSA. La CFDT a même établi un partenariat avec la Confédération du travail bulgare (Podkrepa) et organisé un voyage en Bulgarie, pour tenir des réunions d’information auprès de saisonniers bulgares du nord-ouest de Sofia.

23Les exploitants ont de plus en plus recours à des « intermédiaires » bulgares, chargés de trouver dans leur pays le nombre de saisonniers dont a besoin un agriculteur qui, en quelque sorte, « passe commande ».

24Les contacts bulgares s’arrangent pour « faire des voitures de cinq », qui viennent directement de Bulgarie. Les intermédiaires demandent à être rémunérés par les entreprises agricoles pour ce service, sous forme de commission. Ils taxent également les saisonniers en échange de leurs services d’accompagnement, notamment pour gérer les formalités de voyage et les solutions d’hébergement. Les exploitants qualifient ce système de « mafia », mais y ont recours car il permet de trouver rapidement de la main-d’œuvre. Face aux dérives de ce système, certains particuliers qui hébergent des saisonniers jouent désormais ce rôle d’intermédiaire avec les employeurs (sans être rémunérés pour cela). Ce système informel entérine la logique de filière migratoire puisque le recrutement fonctionne selon le bouche-à-oreille communautaire qui tend à trouver des saisonniers bulgares sur une base villageoise (cf. infra, exemple de la Grande Flèche).

25Finalement, la majorité des embauches de saisonniers bulgares s’inscrit dans le cadre de l’embauche directe ; seule la mise en relation entre l’employeur et le saisonnier peut varier, en cas de recours à un intermédiaire. Mais le statut, pour le saisonnier, reste celui de salarié hors détachement. En effet, contrairement à d’autres régions et d’autres filières du Sud-Ouest français qui ont recours à des agences d’intérim bulgares (avec le statut de travailleurs détachés) [7], les exploitants du Loudunais ne semblent pas avoir massivement recours à des prestations de service via des entreprises intermédiaires (ETT) d’intérim international, sauf en fin de saison, pour compenser le départ des jeunes à la rentrée scolaire. Dans ce cas, il s’agit plutôt des travailleurs marocains ou espagnols. L’évitement de ce mode de recrutement, pourtant emblématique du capitalisme agricole, par les travailleurs bulgares, peut être interprété comme une forme de fidélisation de la main-d’œuvre bulgare qui privilégie l’embauche directe hors détachement : il devient caduc de passer par une agence d’intérim quand on connaît l’exploitant qui peut embaucher directement (dans le cas de retours d’une saison à l’autre) ou quand on a été recommandé par un autre saisonnier. Les réseaux communautaires sur une base villageoise ou familiale facilitent l’embauche et expliquent le faible recours aux agences d’intérim. Se constitue alors une véritable filière migratoire pour motifs économiques. Mais les modes de recrutement privilégiés, en dehors du système plus classique du détachement, rendent la présence saisonnière bulgare difficile à quantifier sur les domaines agricoles [8].

26La diversification des sources de main-d’œuvre et des nationalités parmi les saisonniers sur le territoire loudunais illustre un processus de néolibéralisation des filières agro-alimentaires spécialisées [Eriksson et Tollefsen op. cit.], processus conduisant à la réorganisation des filières « autour de la logique et de l’ethos du marché » [Freitas et al. 2015]. L’évolution de la main-d’œuvre se pose en réponse aux besoins de flexibilité de celle-ci, qui doit être ajustée selon les volumes à récolter, selon la météo, mais surtout selon les impératifs de réduction des coûts de production, dans des filières où la main-d’œuvre est l’unique variable d’ajustement et l’un des principaux postes de dépense. Par conséquent, les présences étrangères s’inscrivent dans des formes de hiérarchisation marquée du travail sur les exploitations maraîchères, qui s’effectue en fonction du degré de pénibilité des différentes tâches et des nationalités. Celles-ci deviennent des espaces rationalisés [Mazenc op. cit.] et façonnés par des rapports de domination [Diallo op. cit.]. Les saisonniers bulgares n’échappent pas à ce système : à leur arrivée, ils occupent souvent des postes de cueillette. Mais le retour répété dans une même exploitation leur permet de progresser dans la hiérarchie des postes. Malgré la barrière de la langue, certains anciens saisonniers sont promus chef de culture ou d’équipe, soit un premier échelon de l’ascension sociale. La personne diversifie alors ses tâches et ses responsabilités, puisqu’elle est chargée de l’équipe (recrutement, administratif, gestion) ou de la culture (traitements, irrigation). Ces formes de progression, gages d’amélioration des conditions de travail et de reconnaissance, peuvent encourager les compatriotes à venir travailler en France. C’est aussi un facteur qui joue dans le processus de constitution de la filière migratoire.

27Alors que dans le cadre du détachement, le logement est d’emblée considéré et pris en charge par l’employeur ou la société de recrutement, la question reste entière pour les travailleurs hors détachement, qui doivent composer avec l’offre d’hébergement présente sur le territoire, une offre pas toujours adaptée à leurs contraintes.

Les enjeux de l’hébergement des saisonniers

28Si le logement constitue la dimension intime de la condition ouvrière migrante des campagnes françaises, elle en est également la part d’ombre [Décosse 2016]. Sur le territoire loudunais se développe une diversité de formes et de pratiques d’hébergement qui évoluent en étroite relation avec les caractéristiques propres au territoire rural et ses dynamiques économiques. L’analyse montre, d’une part, que les dispositifs institutionnels d’hébergement sont souvent contournés par les saisonniers agricoles qui préfèrent les alternatives proposées par les populations locales. D’autre part, certaines initiatives ont permis de pérenniser la circulation de main-d’œuvre conduisant même à l’installation des saisonniers bulgares.

Dispositifs d’hébergement ordinaires des saisonniers agricoles étrangers

29L’hébergement des employés « non-résidents » est d’abord pris en charge par certains exploitants et par un dispositif dédié expérimenté depuis 2015 par l’Anefa. Pour la plupart des exploitants agricoles faisant appel à une main-d'œuvre recrutée à l’extérieur du territoire loudunais, la mise à disposition d’un hébergement est pensée en amont, à proximité directe de l’exploitation. La stratégie consiste à limiter les problèmes occasionnés par les déplacements contraignants en milieu rural.

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Si l’hébergement sur place offre une certaine commodité aux saisonniers (logement assuré, épargne relative, proximité du lieu de travail leur évitant d’avoir à supporter le coût et le désagrément du transport...), il est aussi et surtout un outil de contrôle, de flexibilité et de profit pour l’employeur [Décosse op. cit. : 137].

31On observe plusieurs cas de figure. Certains hébergent sur ou à proximité de l’exploitation en rénovant des dépendances qu’ils aménagent en chambres doubles. Si ces nuits sont facturées 5€, le logement sur place peut faciliter l’expérience des saisonniers sur des périodes courtes. D’autres exploitants ont recours à l’offre immobilière locale en louant directement des gîtes ruraux (de quatre à une douzaine de places). Cette solution peut également donner des idées à d’autres employeurs et faire évoluer leurs pratiques. Par exemple, un exploitant agricole, ayant opté pour le recrutement d’une main-d'œuvre étrangère, a d’abord privilégié la location de gîtes proches du lieu de production (deux de huit places et deux de six places). Constatant la pérennisation des besoins d’une année sur l’autre, il envisage actuellement d’acquérir des terrains attenants à l’exploitation pour y construire des maisons. Répondant aux besoins inhérents à des présences prolongées et répétées sur place, la question de l’hébergement devient ainsi une nouvelle opportunité économique et un levier pour fidéliser et contrôler une main-d'œuvre recherchée quand la demande locale reste insatisfaisante.

32Face à l’évolution des origines et des besoins des travailleurs saisonniers, les autorités locales, avec le concours de l’Anefa expérimentent depuis 2015 un autre dispositif d’hébergement et d’accompagnement : la Maison de la saisonnalité. Cette initiative repose sur un réseau de cinq campings municipaux où des emplacements équipés sont exclusivement réservés aux saisonniers agricoles. Le dispositif reçoit des subventions publiques (de la région, du département de la Vienne, de l’Anefa, de la Direccte [9] et de la MSA), mais il est aussi financé en partie par les employeurs. L’accueil assuré par la Maison de la saisonnalité concerne uniquement les saisonniers travaillant pour l’une des dix exploitations adhérentes. Concrètement, cela facilite les démarches d’embauche et réserve des places dans les campings partenaires. L’Anefa gère la facturation, enregistre les entrées et les sorties à la place des gérants des campings et fixe des tarifs plafonnés pour les hébergements (5€/nuit en camping et 6€/nuit en appartement).

33Pour la Maison de la saisonnalité, le bilan des dernières années reste néanmoins mitigé et la fréquentation des sites ne semble pas constituer le mode d’hébergement privilégié par tous les travailleurs. En 2017, pour 5 728 emplois localisés au moment de la cueillette des melons, l’Anefa a enregistré seulement 75 personnes hébergées par le dispositif. Les derniers bilans annuels révèlent une fréquentation relative au vu des embauches « extérieures » enregistrées sur le territoire agricole. L’échec du dispositif est pointé par les gérants des campings adhérents. L’un d’entre eux nous confie :

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N’avoir vu que deux saisonniers depuis le début de la saison… Cela [m]’arrange un peu de ne pas avoir de saisonnier car [je n'ai] pas à gérer les potentiels problèmes de cohabitation entre une famille de Hollandais qui dîne à 17 h et des saisonniers qui rentrent des champs et boivent un litre de vodka par demi-heure. [10]

35En réalité, ce type d’hébergement ne semble pas toujours convenir aux travailleurs étrangers, en particulier chez les saisonniers bulgares rencontrés, dont l’allongement et la répétition des séjours réclament une plus grande marge d’autonomie. De surcroît, les habitants dotés d’un certain patrimoine immobilier sous-exploité, impactés par la récession touristique du territoire, ont développé une nouvelle offre de logement plus adaptée à de longs séjours et à un quotidien plus ordinaire. D’après un autre gérant de camping :

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Il y a des particuliers qui rénovent des maisons dans une commune voisine : ces chambres sont spécialement destinées au logement des saisonniers « tchécoslovaques ». C’est tout bénéf ! À 5 euros la nuitée sur quinze chambres de deux personnes, vous avez vite fait le calcul de ce que cela peut rapporter en un mois [...].

37Les investigations conduites au sein de ces dispositifs classiques nous ont amenés à porter nos observations au-delà des hébergements officiels qui révèlent des taux d’occupation bien inférieurs au niveau des présences des travailleurs étrangers relevées sur le territoire. En multipliant les lieux d’enquête, nous sommes parvenus à identifier une déclinaison de formes d’hébergement qui s’expriment au croisement des stratégies mises en place par les acteurs du secteur agricole, par les saisonniers eux-mêmes et par les habitants du Pays loudunais (tableau).

Formes et dispositifs d’hébergement enquêtés en Pays loudunais.

Figure 2

Formes et dispositifs d’hébergement enquêtés en Pays loudunais.

Source : enquêtes personnelles entre 2017 et 2021 (Programme Camigri).

Le contournement des dispositifs officiels

38Le village de vacances de L’Escale [11] à Saint-Chartres (fig. 1) est progressivement devenu un lieu de convergence de formes de circulations avec des périodes de cohabitation plus ou moins prolongées de populations dont l’origine et le motif de présence sur le lieu varient considérablement. La vocation initiale de la structure est de proposer des activités de plein-air dans un lieu conçu pour des vacances familiales. Le complexe résidentiel comporte sept gîtes intégralement restaurés et aménagés par le propriétaire. À sa retraite, sa femme a repris la gestion des lieux en diversifiant sa clientèle. Depuis quelques années, elle offre un hébergement à des saisonniers bulgares en mettant à disposition son terrain pour le stationnement de caravanes, en donnant accès à la salle commune, ou en louant les gîtes. Elle a hébergé jusqu’à 60 saisonniers bulgares pendant la haute saison. Cette situation inédite n’a pas été sans poser de problèmes de cohabitation avec les vacanciers venus en famille se reposer. La propriétaire a donc préféré limiter l’hébergement touristique car les conditions d’accueil ont changé et la rendent moins disponible pour sa clientèle. Les années passant, l’offre s’est orientée exclusivement vers la location de gîtes (contrats de quelques jours à quelques semaines). L’un des gîtes est désormais loué à l’année par un jeune couple de Bulgares. La diversification des travaux agricoles (diversification culturale pour allonger la saison, et multiplication des opportunités d’emploi agricole) permet aux ouvriers d’être employés de mars à novembre en multipliant les contrats qui s’étendent des travaux de taille et de préparation des cultures au début du printemps jusqu’à l’activité de cueillette pour des productions récoltées jusqu’en octobre (asperges, melons, vignes, pommes). À l’automne, l’hébergement en tente ou en caravane devient inadapté.

39Depuis 2015, l’émergence de cette nouvelle clientèle et l’identification de ses besoins a donné lieu à une mobilisation croissante des gîtes ruraux existants mais aussi à la création de dispositifs d’hébergement improvisés. C’est le cas d’un camping établi à la Grande Flèche aux Trois Moutiers (fig.1) dans le jardin d’un particulier. L’offre d’hébergement comporte une douzaine d’emplacements occupés par des caravanes récupérées ou achetées à bas prix, un gîte attenant à la maison des propriétaires récemment transformé en cinq chambres doubles, un gîte pour six personnes loué dans une autre commune du Loudunais. Ce complexe résidentiel est assorti de parties communes : un barnum équipé, des toilettes extérieures, le garage et la cave des propriétaires partagés [12], un jardin potager collectif, et la mise à disposition d’une salle de bain et d'une machine à laver au sein même de la maison des propriétaires (voir photos). En pleine saison, le lieu appartenant à un couple d’agriculteurs retraités peut accueillir trente personnes. Le hangar de l’ancienne exploitation agricole a été transformé en atelier de mécanique fonctionnant à plein les week-ends. La place au camping est facturée 7 euros par jour et par personne.

Hébergements de travailleurs bulgares chez des habitants du Loudunais.

Figure 3

Hébergements de travailleurs bulgares chez des habitants du Loudunais.

1. Pancarte à l'entrée d’un village de gîtes initialement destiné à une clientèle touristique (avril 2018). — 2. et 3. Station de caravanes équipées sur le terrain d'un particulier hébergeant des saisonniers agricoles bulgares (mars 2018). — 4. Barnum équipé pour les moments collectifs des saisonniers bulgares hébergés sur le terrain d'un particulier (juin 2020). — 5. Jardin entretenu par des saisonniers bulgares hébergés sur le terrain d'un particulier (juin 2020).
Photos : Camille Hochedez et David Lessault/Camigri-CNRS.

40Cette initiative a pu se diffuser localement, trouvant un certain écho chez des loueurs de gîtes ne trouvant plus de clients (touristes essentiellement) ou chez d’autres investisseurs proposant un hébergement plus confortable à l’arrivée des premiers froids. Le logement au camping, s’il permet de retrouver une certaine convivialité et une vie « communautaire » devient vite inadapté quand les travailleurs prolongent leur séjour. C’est ainsi que la propriétaire du camping fait fréquemment appel à un hébergeur situé dans une commune du département voisin qui propose des chambres à louer dans un ancien hôtel. Le bâtiment vieillissant, d’un confort sommaire, a été acheté par Monsieur B. un octogénaire retraité du commerce en quête d’investissement immobilier. Composé de huit chambres doubles, l’hôtel situé à Argenton-les-vallées (fig. 1) était initialement destiné à accueillir une clientèle touristique :

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Quand je l’ai acheté, c’était très vétuste, sommaire, mais pas cher, j’ai pensé que c’était une affaire. Je me suis vite rendu compte que c’était pas assez confortable et coquet pour attirer les touristes. Après quelques travaux, je me suis tout de suite orienté vers l’hébergement des personnels […].

42Son propriétaire a cherché à diversifier sa clientèle en se tournant d’abord vers les personnels détachés puis vers les saisonniers agricoles employés dans les exploitations melonnières :

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Bon, les chantiers c’est ponctuel. J’ai donc eu l’idée d’appeler [l’employeur melonnier] Salive car je savais qu’ils embauchaient des saisonniers étrangers. Ils m’ont envoyé 15 Bulgares qui sont arrivés le 10 juillet et sont restés jusqu’au 10 septembre. Ça a continué comme ça pendant quelques années. Je leur fais 14 euros la nuit en chambre double [...].

44Finalement la répétition des séjours des saisonniers agricoles bulgares l’a fait opter pour cette clientèle afin de dégager des revenus plus stables. Le recrutement des clients s’établit le plus souvent en lien avec la propriétaire de la Grande Flèche qui lui envoie des travailleurs à partir de la fin de l’été et par le biais des principaux employeurs pendant la cueillette estivale.

45L’hébergement des saisonniers est ainsi devenu une activité lucrative au point de générer une certaine concurrence que les travailleurs agricoles ont appris à faire jouer pour maintenir des prix et des conditions d’hébergement satisfaisants. À proximité de l’hôtel de Monsieur B., la municipalité a réquisitionné un village de gîtes en contractualisant avec certains employeurs melonniers de la région. L’activité de Monsieur B. s’en est ressentie :

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Après il y a eu un petit creux… C’est que l’étang de la Rivière à Saint-Roger a développé un village de gîtes. Tous les couples et les familles étaient plus autonomes car ils pouvaient louer de petites maisons, donc ils ont privilégié cette formule. Ça doit être un peu plus cher mais ils sont plus autonomes. Donc ça m’a fait de la concurrence [...].

47L’arrivée des familles en lieu et place de travailleurs isolés, l’allongement de la durée des séjours et l’affranchissement des dispositifs d’hébergement institutionnels constituent les indices d’une autonomisation croissante des saisonniers étrangers sur le territoire. Celle-ci est renforcée par le rôle joué par certains hébergeurs dont les fonctions et activités s’inscrivent dans une démarche d’accompagnement des travailleurs bulgares beaucoup plus large favorisant des ancrages pérennes.

Des formes d’ancrage entre installation et circulation internationale

48Alors que la plupart des dispositifs de recrutement et logement des travailleurs agricoles étrangers les assignent à la circulation, et que le saisonnier agricole est perçu comme une force de travail qui n’a pas vocation à se fixer durablement [Morice 2004], certains hébergeurs se sont engagés à favoriser un processus d’ancrage résidentiel sur le territoire loudunais. Celui-ci se réalise par une autonomie progressive acquise par les plus « anciens » à leur contact et conduit également à une réaction en chaîne qui favorise à son tour le développement de nouvelles circulations [Burawoy 1976 ; Massey 1990].

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[…] certains [migrants] s’arrêtent là pour quelques jours ou quelques mois pour des activités transitoires rémunérées et créent de multiples attaches locales, d’autres découvrent des habitats semi-permanents et collectifs, facilitant leurs haltes et leurs circulations, toujours leurs échanges […], interactions contextualisées par les échanges économiques incluant rapidement des dimensions affectives avec les habitants sédentaires, et bien sûr entre eux, et donc l’entrée dans la diversité des relations locales [Tarrius 2012].

50Nos analyses conduisent ainsi à repérer au moins deux formes d’ancrage. La première se manifeste par le développement de points de fixation qui favorisent les mobilités de travailleurs et les circulations économiques entre le Pays loudunais et la Bulgarie, dans le cadre d’un double ancrage montrant leur capacité à être à la fois d’ici et de là-bas [Doraï et Hily 2004]. La seconde se caractérise par une installation durable et continue sur le territoire. Ces installations deviennent de nouveaux points d’ancrage qui peuvent favoriser à leur tour la circulation internationale.

51Le développement des complexes résidentiels, qui viennent d’être évoqués, ont progressivement été utilisés au-delà de leur seule fonction résidentielle. Dans le cadre des retours répétés de certains travailleurs, disposer d’un justificatif de résidence donne accès à l’ouverture de droit au chômage dont les indemnités peuvent être perçues pendant la période de séjour en Bulgarie. Ainsi, revenir régulièrement sur le même lieu d’hébergement déclaré chez les propriétaires de gîte ou de terrain « en location » permet de bénéficier de cet avantage social dûment acquis par les travailleurs dont la durée cumulée de contrats permet une inscription à Pôle emploi. Cette stratégie s’élabore en connivence avec certains hébergeurs, comme en témoigne Annie, propriétaire du camping de la Grande Flèche :

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Ici, au moins, ils ont une adresse, un lieu de résidence. On s’est rendu compte que c’était crucial pour eux, car en l’absence de lieu de résidence fixe et d’une attestation d’hébergement, ils ne peuvent pas toucher d’indemnités chômage […]. Bon on s’est renseigné, ici on relève du domaine privé on fait donc ce qu’on veut tant qu’on déclare nos revenus ; la mairie est d’accord et les employeurs ont besoin donc c’est toléré. Au niveau du droit, ils déclarent sous la mention « location meublée en gîte », de toute manière il n’y a pas de case prévue pour « logement en caravane ». Ici, c’est le camping sauvage, mais ça n’existe pas dans les papiers administratifs… […] Eux, ils veulent des maisons avec des adresses, pour toucher leur chômage et nous on a besoin de remplir le camping.

53La période passée en France correspond à un temps de labeur permettant in fine d’accumuler un capital financier souvent réinvesti dans le pays d’origine au moment du retour pour construire une maison et prêter assistance à la famille (scolarisation des enfants, dépenses de santé des parents). La répétition des circulations et l’allongement des durées de séjour peuvent aussi donner envie de s’installer de façon permanente en France. Les relations amicales bâties entre les « primo-circulants » et certains hébergeurs locaux contribuent à faciliter le développement des projets d’installation. Ainsi, une propriétaire s’auto-déclare « famille-relais » quand elle nous explique son investissement dans la prise en charge et l’accompagnement de familles bulgares installées en difficulté ou en grande précarité. Outre la mise à disposition d’hébergements pour les travailleurs et d’une main-d’œuvre flexible pour les employeurs, elle pourvoit avec l’aide de son mari à nombre de requêtes de ce qu’elle appelle « son village bulgare » : accompagnement dans les soins, inscription des enfants dans les écoles, suivi scolaire, ouverture de compte en banque etc. et, négociation avec les agences immobilières locales. L’investissement peut aller jusqu’à la visite du pays d’origine des travailleurs hébergés et accompagnés :

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On est également allés en Bulgarie avec mon mari. On nous a invités deux fois, dans un village perdu dans la montagne, deux séjours d’une semaine, tous les voisins et la famille nous attendaient. Ils sont très reconnaissants de ce qu’on fait pour eux donc on était invité par tout le monde. On est un peu devenu « l’oreille », « les parents » pour les plus jeunes. Ce qu’on a vu là-bas, c’est que les campagnes se vident, ils ont des problèmes d’accès à la santé par exemple, pas étonnant qu’ils partent… Et, à Sofia, la vie est beaucoup trop chère pour se loger vu les salaires… On est même allés voir l’agence d’intérim à Sofia, j’ai pu rencontrer et déjeuner avec la dame que j’avais régulièrement au téléphone depuis la France « Human Power » [...]. 

55Disposant de ce soutien, plusieurs familles bulgares se sont installées récemment sur le territoire loudunais. Elles achètent de vieilles maisons à bas prix afin de réaliser elles-mêmes la rénovation, un segment du marché immobilier relativement disponible au sein d’espaces ruraux en déprise. Négociant l’importation des principaux matériaux à bas coût de Bulgarie et appelant à la mobilisation d’une main-d'œuvre familiale pour les travaux, elles disposent assez rapidement d’une maison en propriété. Ces nouveaux ancrages constituent rapidement un point de fixation pour de nouvelles circulations. Les personnes installées sont, en effet, à même de proposer à leur tour des solutions d’hébergement et de jouer le rôle d’intermédiaire auprès des employeurs dont ils ont appris à connaître les besoins et les modes de fonctionnement. L’ancrage résidentiel et la maîtrise de la langue (souvent stimulée par les enfants scolarisés) permettent une diversification des activités voire une ascension professionnelle. L’autonomie progressive des familles installées vis-à-vis des hébergeurs et des canaux classiques de recrutement leur ouvre de nouvelles perspectives pour contrôler « le marché » des travailleurs saisonniers bulgares. Le fonctionnement n’est pas sans rappeler tout en le nuançant celui du campanero, figure étudiée dans le cas d’exploitations d’Italie méridionale, « ces hommes de confiance des exploitants agricoles au sein des communautés migrantes, chargés de recruter et d’amener dans les champs le nombre d’ouvriers nécessaire à la récolte » [Filhol 2017]. Aussi peut-on lire aujourd’hui dans les origines régionales des travailleurs saisonniers hébergés les effets de ce processus d’autonomisation et du fonctionnement des réseaux de recrutement. Les travailleurs hébergés dans le camping de la Grande Flèche aux Trois Moutiers (fig. 1) proviennent aujourd’hui de Vizdogras, village d’origine d’une famille bulgare installée dont le père détient aujourd’hui un CDI en tant que chef de serre dans une exploitation locale. Son réseau permet de remplir le camping d’Annie et André de nouveaux saisonniers. Les autres, originaires d’ailleurs, se logent de manière disséminée dans les gîtes alentour qu’ils ont appris à connaître au fil de leurs séjours précédents. Préférant désormais être plus indépendants, ils font appel à un compatriote anciennement installé, Aaron, surnommé « Pôle emploi » dans la communauté, pour entrer en contact avec des employeurs. Comme il en est fait état ailleurs en France (fraises dans le Tarn-et-Garonne ou pommes dans le Maine-et-Loire par exemple [13]), la permanence des circulations de saisonniers bulgares dans le Loudunais depuis 2007 conduit à l’installation de certains travailleurs qui cherchent à diversifier leur activité dans, et au-delà, de la sphère agricole. Ces installations peuvent rapidement jouer un rôle d’ancrage et d’accompagnement pour des compatriotes plus mobiles qui cherchent à être embauchés dans le domaine de la production fruitière. Le processus observé renvoie aux modalités classiques d’inscription territoriale et de développement d’une filière migratoire, concept utilisé pour caractériser l’organisation d’un espace relationnel déployé à l’international [Doraï et Hily op. cit.].

Conclusion

56Arrivés au milieu des années 2000 pour travailler dans les exploitations de melon, les saisonniers agricoles bulgares se sont progressivement installés dans le Pays loudunais, un territoire jusqu’alors peu concerné par les présences étrangères. Qu’ils aient élu domicile par l’achat ou la location d’une maison ou qu’ils reviennent de manière régulière en France, ils alimentent la circulation internationale entre les deux pays. L’autonomisation par rapport aux filières classiques de recrutement de la main-d’œuvre agricole (par détachement) a ouvert la voie à une diversification des formes et des temporalités de présence, toutes conditionnées par les problèmes d’hébergement. En effet, la présence dans le territoire local oscille entre circulations saisonnières ponctuelles, circulations répétées d’une saison à l’autre, et installation dans le Loudunais, traduisant un processus d’ancrage. Selon les formes de présence, l’enjeu du logement varie, de la question de l’hébergement temporaire à celle de l’accès au logement durable.

57Le développement de la filière migratoire bulgare dans le Loudunais se heurte à la faiblesse de l’offre d’hébergement touristique, en décalage avec les exigences de confort de saisonniers restant souvent jusqu’à six mois en France. Pour pallier cette situation, ces travailleurs se sont tournés vers des dispositifs institutionnels d’hébergement ou, plus récemment, ont opté pour des stratégies individuelles, avec la complicité de certains habitants que nous avons appelé facilitateurs. Ces derniers, en s’appuyant sur leurs réseaux locaux et leurs compétences, ont pu constituer de précieux appuis non seulement pour proposer des solutions d’hébergement plus en adéquation avec les aspirations des saisonniers, mais aussi pour leur insertion professionnelle (mise en contact avec les employeurs, démarches administratives) et l’accompagnement social des familles nouvellement installées. Le développement de ces solutions prises en charge par des particuliers participe, dans le même temps, à un processus général à l’échelle du territoire, de reconversion des hébergements (en gîtes) autrefois dédiés à une clientèle touristique qui boude le Loudunais ou privilégie le logement des nouveaux parcs de loisirs. En cela, l’hébergement des saisonniers étrangers dans ce parc de logement est venu compenser les pertes financières de certains propriétaires, voire a permis le développement de projets d’investissements immobiliers ou locatifs.

58Les dynamiques agricoles, et plus largement territoriales, d’un territoire en déprise favorisent alors l’ancrage de familles bulgares, dont la situation de précarité est atténuée par l’existence d’un parc de logement disponible à bas coût, qui permet l’accession à la propriété et l’installation sur le territoire.

Notes

  • [1]
    Voir J.-P. Berlan et I. Gambade, Un quignon de pain : le marché du travail et les salariés agricoles en agriculture intensive, 1980, rapport pour la Direction générale de la recherche scientifique et technique, Inra-Cefi.
  • [2]
    Voir S. Altasserre, « Les travailleurs détachés bulgares dans les domaines agricoles en France », Regard sur l’Est, 2018 (<http://regard-est.com/les-travailleurs-detaches-bulgares-dans-les-domaines-agricoles-en-france>).
  • [3]
    Établissement public de coopération intercommunale.
  • [4]
    Voir M. Hilal, et al., Typologie des campagnes françaises et des espaces à enjeux spécifiques (littoral, montagne et DOM), synthèse, 2012, Travaux en ligne n°12, Datar (<https://hal.inrae.fr/hal-02811443/document>).
  • [5]
    Voir le portrait statistique du Pays loudunais sur le site du programme Camigri (<https://camigri.hypotheses.org/les-terrains/portraits-statistiques-de-territoires>).
  • [6]
    On trouve aujourd’hui la marque de ces arrivées récentes dans les données de recensement ; 6 % de la population étrangère est originaire d’Europe de l’Est [Berthomière et al., 2021]. Pour autant, le territoire loudunais reste un territoire où les présences étrangères sont minoritaires (2,6 % d’étrangers recensés en 2015 parmi la population totale du Loudunais) et sont largement composées de Nord-Européens, principalement britanniques. Dans le recensement, ces chiffres attestent d’installations durables sans prendre en compte les séjours temporaires de travail.
  • [7]
    Voir S. Altasserre, « Les travailleurs détachés bulgares dans les domaines agricoles en France »…
  • [8]
    Idem.
  • [9]
    Les Dirrecte (directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) sont depuis le 1er avril 2021 regroupées avec les services déconcentrés de la cohésion sociale au sein des Dreets (directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités).
  • [10]
    Notons que le jugement moral de ce gérant de camping ne correspond pas à la réalité rencontrée sur le terrain et illustre les propos racistes et stigmatisants tenus par certains hébergeurs lorsqu’ils sont contraints de loger des saisonniers agricoles. C’est le cas ici, où la Maison de la saisonnalité a réservé des emplacements pour l’hébergement des travailleurs dans une structure a priori conçue pour les vacances en famille.
  • [11]
    Dans un souci d’anonymat, les noms de lieux et de personnes ont été remplacés par des noms d’emprunt.
  • [12]
    Cave et garage de la maison des propriétaires sont utilisés comme atelier de bricolage et lieu de stockage de denrées alimentaires (plusieurs réfrigérateurs et congélateurs sont d’usage collectif).
  • [13]
    Voir S. Altasserre, « Les travailleurs détachés bulgares dans les domaines agricoles en France »…
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Français

À l’échelle du Loudunais (Vienne), territoire rural en déprise et dominé par des filières agricoles spécialisées (melons, vignes), l’article montre comment, par le fonctionnement d’un jeu d’acteurs complexe, est constituée une filière migratoire bulgare qui s’autonomise par rapport aux modes de recrutement classiques. L’entrée par le logement met en évidence une palette de dispositifs d’hébergement et d’initiatives moins formelles pour fidéliser la main-d’œuvre saisonnière étrangère. Ils reflètent une diversité des formes de présence des saisonniers bulgares, allant de la circulation répétée à des modes d’installation plus pérennes.

  • saisonniers
  • hébergement
  • installation
  • Bulgarie
  • Loudun
  • étrangers
  • main-d’œuvre

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Camille Hochedez
géographe, maître de conférences, Université de Poitiers, Migrations internationales, espaces et sociétés (UMR 7301), Poitiers
David Lessault
géographe, chargé de recherche, CNRS, Espaces et sociétés (UMR 6590), Angers
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 13/12/2021
https://doi.org/10.4000/etudesrurales.27567
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