CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1La ville « moderne » s’est construite en opposition à la campagne et à ses représentations. Les animaux de rente disparaissent des grandes villes d’Europe et d’Amérique du Nord, à partir du début du xxe siècle. Cela s’explique par l’arrivée de l’automobile qui remplace les chevaux, l’évolution de l’agriculture, et l’influence des théories hygiénistes. La ville refoule les animaux d’élevage [Atkins 2012], y compris ceux nécessaires à son alimentation [McNeur 2014]. Si elle est spectaculaire, cette disparition se déroule par étapes : coexistence de citadins et d’animaux (approvisionnement alimentaire), puis enfermement dans des étables ou lieux dédiés et, enfin, un rejet aux marges, puis à l’extérieur de la ville, de plus en plus loin. Toutefois, l’éloignement progressif des vaches ne signifie pas que la « ville » ne cherche pas à les contrôler, car elles fournissent le lait, aliment devenu indispensable à la sécurité alimentaire des citadins et notamment des enfants.

Carte postale de la ferme du domaine du Grand-Pré, médaille d’or à l’Exposition internationale de Lyon en 1914

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Carte postale de la ferme du domaine du Grand-Pré, médaille d’or à l’Exposition internationale de Lyon en 1914

2De plus en plus de travaux sont consacrés aux liens entre ville et animaux en histoire [1], et en géographie [Philo et Wilbert 2000]. Ils s’inscrivent dans des réflexions sur les relations entre homme et animal, ainsi que sur la nature en ville [Blanc 2000 ; Bourdeau-Lepage et Vidal 2014]. Certains relèvent également de la géo-histoire de l’approvisionnement alimentaire urbain [2] et c’est essentiellement sous cet angle, à travers le lait de consommation, que nous analyserons les liens entre la ville et les vaches.

3Lyon constitue un exemple particulièrement riche et qui, contrairement à Paris, a été peu traité jusqu’à présent pour son approvisionnement en lait et son rapport aux vaches laitières. En effet, la ville en forte croissance tant démographique [3] que spatiale de la fin du xixe siècle aux années 1950 (carte 1) a des besoins importants en lait de consommation [4]. Mais, là comme dans la plupart des grandes villes, notamment Paris, la question de l’approvisionnement en lait implique la présence des vaches dans la ville, puis leur rejet. Cette évolution combinée à la croissance des besoins en lait aboutit à la constitution progressive d’un bassin laitier, entendu comme l’aire d’approvisionnement privilégiée de la ville en lait avec son organisation spécifique [5] : collecte, traitement éventuel du lait, nouveaux intermédiaires… [Delfosse 2014 ; Vatin 1990]. Ce bassin laitier fait l’objet de nombreux travaux dans la première moitié du xxe siècle de la part d’économistes ou de vétérinaires, débattant de l’organisation de l’approvisionnement de la ville et de la qualité du lait qu’elle reçoit [6]. Les géographes s’intéressent aussi à ce bassin et à l’évolution des aires d’approvisionnement de la ville en produits frais dont le lait [7], afin de mesurer comment la ville commande les campagnes et ainsi son aire d’influence [Delfosse et Poulot 2019]. La ville de Lyon est également très intéressante, car avec Paris, elle est au cœur des débats des hygiénistes sur la « question du lait » [Rennes 1927]. En effet, l’hygiénisme à Lyon est particulièrement puissant [Frioux 2013] et ses médecins renommés. Ses deux premiers maires de la IIIe République sont d’ailleurs des médecins. Édouard Herriot, qui leur succède en 1905, tisse des liens forts avec le milieu médical [Benoit et Bernard 2012]. Lyon dispose de la première école vétérinaire française (créée en 1761) dirigée durant l’entre-deux-guerres par une figure majeure de l’approvisionnement des villes en lait : Charles Porcher (1872-1933). Ce scientifique a fondé la première revue de microbiologie laitière, Le Lait en 1920 [8], qui publie alors de nombreux articles sur la qualité et l’approvisionnement en lait des villes [Delfosse 2007].

Carte 1. Lyon et ses quartiers.

Figure 1

Carte 1. Lyon et ses quartiers.

Réalisation : P. Le Gall.

4À Lyon et dans les communes suburbaines, les vaches sont tolérées jusqu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale afin de garantir l’approvisionnement en lait des nourrissons et des malades. Or, dès le début du xxe siècle, la question de l’hygiène est de plus en plus prégnante et nourrit un discours de suspicion à l’égard des animaux. Cette dynamique, associée à d’autres facteurs, contribue à l’éloignement croissant de l’élevage laitier. Pourtant, les élites urbaines ne renoncent pas à contrôler cet élevage jusqu’aux années 1960 [9].

Des vaches en ville

5En mars 1929, dans un article intitulé « La campagne dans la ville », le chroniqueur lyonnais Pétrus Sambardier, évoque l’arrêté du préfet déclarant qu’une partie du territoire de la ville de Lyon est infectée par la fièvre aphteuse [10]. Elle est présente dans les étables du quartier de Gerland. Il en détaille les prescriptions :

6

Lorsqu’on lit ces prescriptions visant une grande ville on est étonné. Il y a donc encore du bétail dans la ville de Lyon en dehors des abattoirs ? Mais oui, Lyon a des parties rurales qui voisinent avec des quartiers très urbains. [11]

7C’est le point de vue d’un notable lyonnais, amateur de pittoresque, faussement choqué par la présence de quartiers de campagnes à Lyon. Pour lui, les animaux de rente, les étables, les maladies infectieuses qui s’y déclarent renvoient à un autre monde : celui de la ruralité.

Du cœur de la ville à ses marges

8Au xixe siècle, les vaches sont présentes en ville et la déambulation des animaux y est courante. P. Sambardier précise qu’à la fin de ce siècle :

9

des vaches stationnaient place Bellecour, cours du Midi et place des Jacobins, offrant du lait bourru aux enfants, pour 4 sous le grand bol. [12]

10Les vaches laitières sont présentes sur les lieux de vie des citadins, de villégiature ou de loisirs comme les parcs urbains. Elles sont traites à la demande des consommateurs qui boivent ainsi le lait « au pis de la vache » [13]. Le parc de la Tête d’or, créé en 1857, dispose, dès sa création, d’une « vacherie » qui compte douze vaches laitières en 1870. Elles assurent l’entretien de la « grande prairie ». Cette vacherie appartient à la ville qui la donne en concession. Le lait est vendu dans le parc et en neuf points de la ville. Place Saint-Pierre, les vaches sont conduites matin et soir par un garçon laitier et « attachées à des boucles scellées dans la bordure du trottoir ». Elles y restent trois heures durant lesquelles le vacher attire les clients avec une grosse cloche [14]. Place Bellecour, un chalet-crémerie, très prisé des Lyonnais, est édifié pour les recevoir.

11Dès la fin du xixe siècle, les animaux de rente deviennent incompatibles avec la vie et les activités urbaines. La présence des vaches du parc au cœur de la ville suscite des plaintes car le fermier ne nettoie pas les déjections des vaches après leur passage. Les animaux ne sont plus considérés comme des outils de « gestion des déchets urbains », mais comme des facteurs de nuisance [Faure 1997 et Barles op. cit.]. La plainte d’un commerçant de Cachemire des Indes, de dentelles et de soieries de la place Saint-Pierre adressée au maire de Lyon en 1872, l’illustre. Les vaches constituent une entrave à son commerce car elles encombrent la place et « empêchent » des clientes d’entrer dans sa boutique. L’homme dénonce les odeurs liées à leurs déjections, le bruit (celui du laitier et de sa cloche) et les risques que ces animaux font courir aux citadins : « Hier, une jeune vache ne voulant pas se laisser attacher, a failli, en se débattant, enfoncer une de nos glaces » [15]. Ainsi les vaches laitières ne vont plus sortir du parc de la Tête d’or [16].

12Des vaches laitières sont toujours présentes à Lyon dans l’entre-deux-guerres, mais moins visibles. L’enquête agricole de 1929 en dénombre encore 341 ainsi que 104 moutons et 228 porcs. Les animaux sont « invisibles » et leur présence ne se maintient que sur les marges urbaines, comme le quartier de Gerland où a été déclarée la fièvre aphteuse. La production se développe dans les communes voisines. À Vaulx-en-Velin, le nombre de vaches laitières passe de 300 en 1902 à 690 en 1910 et depuis 1914 « le pays [la plaine lyonnaise] semble s'orienter de plus en plus vers la production de la viande et surtout du lait » [Perret 1937 : 27]. Selon, Marius Maurer [17], les producteurs de Vaulx-en-Velin vendent 2 500 litres de lait à Lyon par jour, ceux de Genas 400, ceux de Jonage 700 et ceux de Pusignan de 900 à 1 000 (en hiver) et de 1 500 à 1 800 (l’été).

Une grande diversité de propriétaires de vaches laitières urbaines et suburbaines

13Nous disposons de peu de données sur les éleveurs lyonnais et ceux des communes suburbaines. Les laitiers-nourrisseurs, constituant une forme de vacherie urbaine spécifique [18], souvent décrits et très présents à Paris et dans sa banlieue, ainsi que dans les villes du Sud comme Marseille, Toulon, Nice, sont rarement mentionnés à Lyon, si ce n’est pour signaler qu’ils sont peu nombreux ou ont disparu. En revanche, Charles Porcher, dès le début du xxe siècle, souligne que : « la vente directe du producteur suburbain, du petit cultivateur au consommateur », rare à Paris est courante « dans les grandes villes, Lyon, Bordeaux, Toulouse, etc. » [19].

14Marius Maurer [20] évoque une exploitation d’Oullins qui compte cinq « belles vaches » et qui vend en moyenne 50 litres de lait par jour. Il y a cinq exploitants vendeurs de lait à Bron en 1925 qui ont entre trois et huit vaches chacun [21] (huit étant un troupeau important). Certains sont spécialisés et très organisés, avec des vaches sélectionnées et des étables bien entretenues [22]. Mais les cas de figure les plus fréquents sont ceux de petits cultivateurs non spécialisés, incarnés par la laitière décrite comme « l’agriculteur-ravitailleur » par excellence [23]. Elle apporte souvent les produits de ses voisins comme le signalent plusieurs témoins dont le vétérinaire Vieilly [1935 : 622] : « Il y a quelque quarante ans, je me souviens qu'une famille de Lyon-Perrache était ravitaillée par une laitière venant de Corbas ou Feyzin, laitière qui apportait le lait de ses voisins avec le sien ». En effet, possédant cheval et voiture découverte [24], puis son automobile [Perret op. cit.], la laitière peut venir quotidiennement « en ville » vendre lait, beurre et légumes. Marius Maurer en dénombre 400 au début du xxe siècle.

15Les vaches laitières ne sont pas seulement possédées par des agriculteurs. Elles sont également élevées dans les belles propriétés d’agrément que les riches Lyonnais acquièrent dans les communes proches, notamment à l’ouest. Même si le volet agricole ne cesse de diminuer, une activité « productive » se maintient à côté des parcs d’agrément. La faiblesse du cheptel – quatre au domaine de la Charrière Blanche à Ecully en 1944 – laisse supposer que ces animaux sont élevés à des fins « d’autoconsommation », qu’ils « permettent aux villégiateurs de subvenir à une bonne partie de leurs besoins lors de la belle saison » [Rouveyrol 2019 : 138] et de tondre l’herbe comme les chevaux, vaches et moutons d’un autre domaine de la commune [idem] [25].

16Outre ces petits élevages agricoles, on trouve à Lyon et dans les communes limitrophes d’importantes vacheries qui appartiennent à des institutions et qui, elles aussi, permettent une autoconsommation. Elles sont citées comme des fermes modèles et illustrent l’importance croissante accordée à la production laitière pour les habitants de la ville. Il s’agit de la ferme de l’hôpital du Vinatier, hôpital psychiatrique de Lyon achevé en 1876 et situé à Bron, et de celles liées aux établissements industriels Berliet.

17Le Vinatier, comme tous les hôpitaux d’« aliénés », comprend une exploitation agricole destinée à l’autoconsommation de l’hôpital et à « occuper » les patients [26]. Lors de sa création, la ferme compte 65 hectares, destinés à la polyculture et à l’élevage de porcs, de volaille et une dizaine de vaches laitières. De 1876 à 1891, la vacherie connaît une augmentation régulière de son effectif (25-30 à la fin du xixe siècle) avec des bêtes sélectionnées afin d’obtenir plus de lait. L’exploitation se spécialise dans l’élevage : production de viande (porc) et de lait. L’effectif de vaches laitières ne cesse d’augmenter (45 en 1938) et la production laitière passe de 100 000 litres en 1928 à 200 000 en 1932. La ferme du Vinatier illustre l’évolution des exploitations qui se destinent à la production de lait pour la consommation urbaine avec des cultures destinées à nourrir les bêtes. Elle adopte aussi les innovations : la traite mécanique y est introduite en 1930 et les vaches sont désormais de race hollandaise, la préférée des grandes exploitations alimentant Paris en lait de consommation [27]. L’élevage sert à l’autoconsommation, mais l’hôpital n’est plus autonome en lait à partir de 1928. D’autres hôpitaux disposent d’une vacherie pour leur propre consommation, comme celui de Pierre Bénite en autosuffisance au moins jusqu’en 1916 [28].

18La vacherie de la ferme de l’entreprise Berliet est souvent citée en modèle, notamment dans la monographie agricole du département du Rhône de 1926. Marius Berliet [29], constructeur automobile, achète 400 hectares de terrain en 1916 à Vénissieux/Saint-Priest. Il y crée une usine, une cité ouvrière ainsi qu’une ferme en 1917 dotée d’une vacherie. Au début, le cheptel compte vingt vaches laitières, puis le double en 1942 [30]. Le lait sert à l’approvisionnement de la cantine de l’usine et de la crèche. Il s’agit là d’une initiative de paternalisme industriel, mais qui montre combien la production de lait est importante et soignée et qu’elle est au cœur des œuvres sociales. Ces fermes se maintiendront jusqu’aux années 1970 au Vinatier et à la ferme Berliet.

Le recul ou l’élevage entre rural et urbain ?

19La production laitière urbaine et suburbaine recule face à la croissance urbaine. Lyon s’étend fortement durant la période étudiée surtout à l’est, au sud et au nord-ouest en direction des foyers d’industrialisation. Le quartier de Montplaisir au sud-est est intégré au bâti urbain, tout comme celui de Gerland, qui devient un quartier de conquête urbaine dans l’entre-deux-guerres : c’est là que sont construits le nouvel abattoir d'abord destiné à l'Exposition internationale de 1914 et le marché aux bovins, les entrepôts frigorifiques ainsi que le stade de Gerland et une cité-jardin (1923), puis le port de Lyon. De même la municipalité vise à développer la ville vers l’est en créant une cité d’habitat bon marché (la cité des États-Unis, 1934). Toutefois sur les marges urbaines lyonnaises des espaces agricoles voisinent avec les nouveaux quartiers, comme l’attestent ces propos d’habitants du quartier des États-Unis :

20

Tout ça, tout là, c’était plein de jardins. Derrière l’école des États-Unis […] eh ben après y avait pas de maisons. Il devait y avoir des prés ou des jardins encore !  […] C’était la pampa. On était au milieu des jardins, des champs, des fermes [Berthet 1993 : 301-315].

21L’extension du bâti gagne les communes suburbaines, elles-mêmes en grande mutation, avec un développement industriel et résidentiel comme Vénissieux ou Villeurbanne, connue d’ailleurs pour la création du nouveau quartier dénommé « Gratte-ciel », construit de 1931 à 1934. Ainsi le vétérinaire Jean Vieilly écrit-il qu’à la fin du xixe siècle :

22

L’agglomération lyonnaise ne comptait à ce moment-là que 300 000 habitants environ [31], et il y avait des vaches à La Guillotière et à Villeurbanne. Actuellement, des gratte-ciel se dressent à la place des fermes, et des consommateurs remplacent les producteurs [op. cit. : 622].

23Le maire de Lyon s’inquiète de la diminution de la production laitière dans les communes proches de sa ville et envoie en 1925 un courrier à leur maire afin de mieux cerner la situation. Celui de Villeurbanne répond que « la production de lait va toujours en diminuant » et que de ce fait : « les quelques propriétaires de Villeurbanne possédant des vaches vendent sur place leur production de lait »  [32]. La réponse de l’édile de Vénissieux, autre commune fortement touchée par la croissance industrielle, va dans le même sens.

24Ce recul tient à la concurrence foncière entre bâti et terres pour l’alimentation du bétail, aux éventuelles nuisances du bétail également, mais aussi à la concurrence d’autres « spéculations agricoles », plus compatibles avec la ville. Quelques communes se spécialisent dans les productions horticoles, qui font la réputation de Lyon, et le maraîchage :

25

Sathonay-Rilleux aux portes même de la ville et qui constitue la banlieue lyonnaise, a cessé ou à peu près de produire du lait pour s’adonner avec succès à la culture maraîchère. [33]

26À Vaulx-en-Velin, le nombre de vaches laitières commence à diminuer dans les années 1920, tout comme les surfaces consacrées aux cultures fourragères :

27

C'est qu'une nouvelle spéculation est apparue, plus lucrative, et absorbe maintenant une partie du travail des paysans : la culture maraîchère. [Perret op. cit : 27].

28Toutefois, les vaches n’y disparaissent pas totalement car les maraîchers ont besoin d’elles pour le fumier et le « travail », comme les arboriculteurs de l’Ouest lyonnais. Enfin, les chèvres, animaux laitiers qui s’accommodent de peu d’espace, sont toujours présentes dans les coteaux viticoles qui bordent Lyon à l’ouest et au nord-ouest notamment. Ainsi, des systèmes complexes de polyculture-élevage sont mis en place [34] [Jeantet et Willemain 1940] et les vaches laitières sont souvent elles-mêmes plurifonctionnelles. Elles contribuent à donner ce paysage industriel et agricole, entre ville et campagne. À propos de la commune de Saint-Priest, « village de la banlieue de Lyon », un géographe s’attache à décrire une forme de juxtaposition de deux mondes et constate le recul de la ruralité :

29

Le voyageur qui parcourt la voie ferrée de Lyon à Grenoble s'étonne de voir, à la station de Saint-Priest, toute une agglomération industrielle moderne, des usines, des cités ouvrières, une petite ville commerçante, d'aspect absolument neuf […]. Il n'aperçoit que très vaguement, plus haut, sur les coteaux, le château et la vieille bourgade rurale. C'est de ce contraste apparent, de cette brusque addition d'une basse ville usinière de la banlieue lyonnaise à un vieux village agricole du Bas-Dauphiné, que nous voudrions rendre compte [Danton 1930 : 51].

30Des descriptions similaires sont faites pour les Monts d’or du Lyonnais où cohabitent parcelles agricoles diversifiées et résidences de riches Lyonnais, des villégiatures aux résidences principales [Perrin 1931 : 56].

31Le recul de la production laitière, le caractère urbain de plus en plus affirmé de la ville et de ses communes de banlieue font disparaître la laitière qui venait des villages voisins avec sa carriole.  « Seules persistent encore quelques femmes courageuses qui osent s’aventurer avec un cheval sur les routes goudronnées ou en solidit [35], encombrées d’automobiles » [36]. Le centre de la ville est trop éloigné désormais : « […] la laitière disparaît de plus en plus du centre de la ville. L’accès en est trop long ; la concurrence trop tenace ; la clientèle, mal assurée durant l’été » [37].

32Le commerce se structure et se professionnalise : des spécialistes collectent le lait et l’apportent à Lyon, le vendant eux-mêmes et approvisionnant les épiciers. Ces laitiers ou laiteries concurrencent aussi les laitières et demandent que ces dernières paient une patente [38]. Ainsi la « ville » fait-elle reculer l’élevage laitier, mais aussi les formes de vente du lait considérées comme d’un autre âge. Elle se dépouille de ses caractéristiques rurales : il y a de moins en moins de liens directs, pour le lait tout au moins, entre producteur et consommateur. Toutefois, quelques enclaves se maintiennent, et les animaux laitiers ne disparaissent pas totalement de l’espace fortement urbanisé. Pour approvisionner les citadins de plus en plus nombreux et demandeurs de produits frais, l’agriculture des espaces voisins évolue avec de nouvelles formes d’acheminement des produits suivant l’évolution des pratiques d’achat. Ainsi, se constitue petit à petit le bassin laitier lyonnais où l’agriculture est en grande partie déterminée par l’approvisionnement de la ville de Lyon en lait [39].

Le bassin laitier lyonnais : des vaches pour la ville

33Ce bassin [40] comprend dans un premier temps les Monts d’or (où les vaches et les arbres fruitiers remplacent vignes et chèvres), les communes comme Saint-Priest et Vaulx-en-Velin où les productions laitières et maraîchères sont associées, grâce au développement des voies ferrées [Delbaere 2010]. La production laitière devient une spéculation importante d’un grand nombre de communes et de « pays » autour de Lyon. Le bassin laitier ne couvre pas des terroirs propices à l’élevage, c’est la ville qui commande les possibilités de distribuer rapidement ce lait à Lyon. En effet, il se structure le long des voies de chemin de fer et des tramways, sur une largeur d’une quinzaine de kilomètres (carte 2).

34Ces « traînées laitières » [41] sont particulièrement étendues au nord et à l’est dans les départements de l’Ain et de l’Isère, les deux principaux pôles d’approvisionnement lyonnais. Avec l’arrivée de l’automobile, à partir des années 1920, la collecte laitière commence à s’affranchir du chemin de fer. La vente de lait à Lyon conquiert ainsi les espaces laissés libres entre les lignes ferroviaires. Le bassin est figé et clairement délimité par la politique de ravitaillement durant la Seconde Guerre mondiale. Puis, il subit « quelques retouches » [Sceau 1996] entre 1945 et 1965 avec l’annexion des Monts du Lyonnais à l’ouest.

35L’extension de la collecte laitière suscite de nouvelles formes d’organisation et de nouveaux acteurs apparaissent pour le transport du lait des campagnes à la ville. Mais avec l’éloignement, des ramasseurs collectent le lait et l’acheminent vers une gare d’où il est expédié avant d’être réceptionné par des commerçants (les patrons laitiers) qui le vendent eux-mêmes ou en approvisionnent des épiciers. Les livraisons sont le plus souvent faites à domicile par des garçons laitiers. À Lyon, on compte, en 1923, 490 laitiers, dont la plupart vendent aussi des produits d’épicerie, des légumes frais et quelques charcuteries [Saint Olive et Guyot-Sionnest 1926].

Carte 2. La collecte du bassin laitier lyonnais en 1945.

Figure 2

Carte 2. La collecte du bassin laitier lyonnais en 1945.

Réalisation : P. Le Gall. Sources : Archives départementales de l’Isère, 3426W 181.

36Cette activité devenant de plus en plus importante de véritables entreprises naissent qui collectent le lait dans les campagnes, le regroupent dans des centres de collecte, puis l’expédient [Vatin op. cit. ; Delfosse 2007, 2014 ; Fanica 2008]. Si les vaches laitières s’éloignent de la ville, cela ne signifie pas pour autant que celle-ci ne cherche pas à les contrôler.

Les vaches contrôlées par la ville ?

37Si l’hygiénisme vise à rendre la ville plus sûre à vis-à-vis des pathogènes et sources d’infection, notamment par l’éloignement des animaux, en créant une césure entre ville et campagne, le bétail contribue toujours à l’alimentation des citadins. Il faut donc s’assurer des conditions d’hygiène dans lesquelles les animaux sont élevés aux marges de la ville et dans les espaces qui leur sont dédiés afin de garantir que la viande et le lait soient sains. Les pouvoirs publics se préoccupent donc de la qualité des aliments [Stanziani op. cit.] et créent des laboratoires d’analyse [Tanguy 2005]. Le lait, produit fragile, participe pleinement de la conscience du risque sanitaire qui s’affirme dans les villes et comme le souligne S. Frioux : « tout est potentiellement dangereux pour les citadins, le sensible –matières en putréfaction – comme l’infiniment petit qui se cache dans l’air ou dans l’eau » [2013 : 24] [42]. Le fait que le lait concerne les malades, rend la question d’autant plus sensible  : « Son emploi pour les malades est précieux et chaque jour davantage la médecine le prescrit » [43]. Le lait participe de l’hygiène sociale en particulier pour lutter contre la mortalité infantile [Rollet 2001]. Quels sont alors les modèles d’élevage prônés par les hygiénistes pour l’alimentation urbaine ? Comment dans un contexte fortement teinté d’hygiénisme social et d’interventionnisme la municipalité lyonnaise intervient-elle ?

Les vaches et les hygiénistes

38Si les hygiénistes encouragent la consommation de lait, ils ne considèrent plus l’élevage comme ayant une fonction urbaine. Ils le relèguent aux campagnes sur lesquelles ils portent un regard ambivalent. Ils ont une vision un peu idéalisée du monde rural comme étant à l’abri de la pollution industrielle [44], mais avec une représentation très négative du monde paysan en matière d’hygiène. Dans la grande ville, ils souhaitent ainsi que les débits de boissons soient remplacés par des débits de lait [45]. Il faut surtout donner du lait aux enfants démunis et un lait « sain » afin de lutter contre la mortalité infantile [46]. Les médecins et « spécialistes » de laiterie montrent qu’une bonne partie de ces décès sont imputés à des diarrhées ou à la tuberculose, autant de facteurs qui renvoient à la qualité du lait. De nouveaux procédés comme la stérilisation et la pasteurisation permettent de garantir une meilleure qualité sanitaire (encore faut-il que le lait soit transporté dans de bonnes conditions et non fraudé). Si ces procédés font débat sur les qualités nutritionnelles et le goût du lait, il est un point sur lequel tous les hygiénistes médecins et vétérinaires s’accordent : il n’est de bon lait que produit par des vaches saines, bien nourries et bien soignées [47]. Or, tous soulignent l’absence d’hygiène dans l’élevage du bassin laitier lyonnais. Les différents travaux sur l’approvisionnement en lait des villes et en particulier de Lyon rivalisent de descriptions accablantes. Ainsi, G. Birbis évoque-t-il le sujet dès les premières pages de sa thèse (soutenue en 1916) :

39

Les soins de propreté manquent pour ainsi dire totalement aux vaches laitières. […] La tuberculose est trop fréquente dans le cheptel bovin, et la lutte entreprise contre cette maladie n’a pas encore donné tous les résultats que théoriquement on en pouvait attendre. [2019 : 17]

40

La description des vacheries de la campagne se trouve résumée dans le mot saleté. Pas d’air, pas de lumière, des toiles d’araignée au plafond. Un purin boueux sur lequel on dispose de temps à autre et trop parcimonieusement de la paille fraîche, voilà sur quoi se couchent les animaux. [idem : 18]

41Ces descriptions péjoratives sont un topo de la littérature hygiéniste de l’époque et E. Forgeot et A. Tapernoux résument les propos tenus : « un de nos confrères qui aime les images a posé en principe que le lait en France était un sous-produit du fumier » [48]. Ils jugent aussi déplorables et dangereuses les conditions de la traite et de la conservation du lait dans l’exploitation. D’autres regrettent, même au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, que les vaches ne soient pas uniquement vouées à la production laitière mais travaillent aux champs ou soient considérées comme un apport de fumier pour les autres spéculations [Baret 1952 ; Genet 1950]. Ces conditions font que le lait manque à la ville et que « de nombreux laits soient inutilisables par leur malpropreté : on évalue à 14 % en moyenne, la quantité de lait piqué [tourné] qui arrive chaque jour aux stations de pasteurisation. En été, cette proportion a pu certains jours atteindre le taux invraisemblable de 50 à 60 % ».

42Dans ces conditions, que prônent les hygiénistes et comment agissent-ils ? Charles Porcher insiste sur le rôle du vétérinaire, car il est au plus près des producteurs, et recommande la pédagogie auprès des éleveurs plutôt que le contrôle microbiologique dans les boutiques [49]. Les hygiénistes décrivent les exploitations modèles qui livrent du lait « vivant » non pasteurisé en toute sécurité, car leurs vaches sont soignées et tuberculinées. G. Birbis s’étend plus longuement sur deux domaines de propriétaires fonciers de la bourgeoisie lyonnaise qui achètent châteaux et exploitations à la campagne et qui, férus de « progrès » en agronomie, les mettent en œuvre sur leurs domaines. Il s’agit de la ferme du Grand-Pré à Civrieux-d’Azergues, médaille d’or à l’Exposition internationale de Lyon de 1914, dont des photos ont été éditées en cartes postales. Les vaches y font l’objet d’une sélection. La vacherie est propre, spacieuse, aérée et moderne : elle dispose d’électricité et de procédés qui permettent d’avoir de l’eau propre et bien renouvelée [50]. Une fois trait, le lait est mis en bouteille et acheminé à Lyon en automobile dès les années 1910. Par ailleurs, ces vaches sont nourries avec les produits de l’exploitation, sans drêches (déchets agricoles fermentés) qui peuvent donner un mauvais goût au lait.

43Les hygiénistes évoquent aussi d’autres domaines ou entreprises plus éloignés et qui doivent cette fois stériliser et, plus tard, pasteuriser le lait comme l’entreprise d’Arnaud des Essarts. Celle-ci développe l’élevage laitier près de Bourgoin-Jallieu et collecte rapidement le lait des étables voisines qu’elle stérilise. Elle a un magasin luxueux place Bellecour. On peut citer également la laiterie de Champagne-en-Valromey (« Grande laiterie lyonnaise » qui a un magasin de vente aux Terreaux [51]). La description des vacheries et des modes d’élevage est à mettre en parallèle avec les préconisations des hygiénistes pour l’habitat urbain et les enfants des villes. Elle se nourrit également de représentations « romantiques » de la campagne, là où il y a du bon air. Ce sont donc bien des vaches pensées par et pour la ville, mais garantissant une certaine pureté associée au « grand air », « au bon air de la campagne ». Ces entreprises dans leur dénomination reprennent souvent le terme d’hygiénique. Elles sont fondées par des citadins et, dans certains cas, par des médecins, comme à Paris ou à Lyon, où plusieurs d’entre eux ont fondé en 1894 une société « dans le but de procurer à leurs clients du bon lait » [52], société reprise par un particulier.

44Le lait « pur », « vivant » ou stérilisé est cher. Ce dernier est d’ailleurs d’abord vendu dans les pharmacies et accessible qu’aux familles bourgeoises. Or, la lutte contre la mortalité infantile passe par l’amélioration des conditions dans lesquelles sont soignés et nourris les enfants « démunis ». Des médecins agissent comme à Grenoble pour distribuer du lait stérilisé en été afin de diminuer le taux de mortalité infantile. Ces initiatives sont reprises par les municipalités de Grenoble et de Lyon. Le docteur Antoine Gailleton, maire de Lyon, crée une œuvre de distribution de lait stérilisé aux familles lyonnaises défavorisées l’été 1899 [53]. En 1901, Victor Augagneur, son successeur, étend la distribution sur toute l’année. Il passe alors un contrat avec la Société des laits hygiéniques qui installe un laboratoire contigu à l’étable de la vacherie de la Tête d’or. Si le local est fourni par la Société, les appareils appartiennent à la municipalité, la stérilisation est assurée par les agents de la municipalité, avec ses appareils, sous la responsabilité du bureau d’hygiène [Beluze 2006]. Des œuvres sociales, nombreuses à Lyon, dont les Gouttes de lait, prennent aussi l’initiative de délivrer du lait stérilisé avec les conseils nécessaires aux mères pour une bonne alimentation de leurs enfants. Ces institutions font appel aux agromanes [54] qui, comme A. Arnaud des Essarts, créent de véritables industries laitières. Son entreprise fournit l’ensemble des hôpitaux lyonnais au début du siècle puis ceux de Grenoble.

45Les besoins étant croissants, les hygiénistes et, en particulier, Charles Porcher vont de plus en plus prôner le développement industriel de la fourniture du lait de consommation. Aussi peut-on lire dans les actes du quatrième congrès de l’Alliance de l’hygiène sociale qui a lieu à Lyon en 1907 :

46

Le remède est d’ailleurs tout trouvé, il consiste à concentrer l’industrie du lait entre des mains puissantes, capables de s’imposer les sacrifices nécessaires pour donner satisfaction à l’hygiéniste et au consommateur, sans cependant léser leurs intérêts propres. À la fin du xixe siècle, la production et la vente de lait ont présenté nettement un caractère industriel, qui n’a pas que peu contribué à l’amélioration de cet aliment. [55]

47Une telle société est créée à Lyon en 1907, la Société laitière moderne (SLM), qui ne va cesser d’être citée et devenir le principal acteur privé de la fourniture de lait de la ville. Elle est donnée en modèle par les garanties qu’elle offrirait en matière de fraude, de traitement du lait et de vente car elle possède ses propres magasins de vente (90 dans l’agglomération lyonnaise en 1923 et 120 en 1929) [56]. Elle joue un rôle déterminant auprès des éleveurs ; par ses contrats elle contribue au développement de la production laitière, mais aussi à son contrôle. Face au poids croissant des « intermédiaires », notamment les collecteurs, et de la SLM, les syndicats de producteurs se multiplient dans les années 1920.

48C. Porcher et E. Nicolas prennent modèle, comme l’ensemble des spécialistes de laiterie, sur les structures d’approvisionnement des villes de l’Europe du Nord, comme Copenhague [57], et de l’Allemagne, Berlin en particulier [58]. Ils multiplient les conférences et les articles sur cette question à partir de 1907 et proposent un contrôle plus fort, non de l’État, mais des municipalités, en prônant ainsi la « municipalisation » du lait, à l’instar de la distribution d’eau, de l’administration des abattoirs, des tramways [59]… Édouard Herriot, maire très interventionniste et très à l’écoute des hygiénistes [Frioux op. cit.], va mettre en place des mesures dans le domaine laitier et sur l’élevage des vaches.

La municipalisation du lait : les vaches de la ville

49La municipalisation du lait à Lyon n’est pas aussi aboutie que dans d’autres villes comme Strasbourg ou des villes d’Allemagne, elle se limite à fournir les hôpitaux et les nombreuses œuvres sociales de la ville [60]. Au début du xxe siècle, Lyon décide d’agrandir et de moderniser la vacherie du parc de la Tête d’or. Elle compte désormais 40 vaches, contre une dizaine auparavant. Considérée comme laiterie modèle, elle est le premier projet que la ville de Lyon confie à l’architecte Tony Garnier [61], très sensible à l’hygiène. Ce bâtiment, qui comprend une vacherie et « les services de stérilisation du lait », se distingue par son modernisme et son fonctionnalisme. Tout est blanc et les matériaux simples, facilitant son nettoyage. Le bâtiment est seulement décoré par des végétaux : pots de terre sur les redents, lierre mural et haie d’enclos à l’arrière du bâtiment. La vacherie répond ainsi aux normes hygiénistes. M. Maurer souligne que « L’étable est spacieuse et éclairée par de hautes fenêtres » [62]. Elle dispose de l’eau courante chaude et froide. Justin Godart, député et sénateur du Rhône, proche de E. Herriot, précise que devant chacune des vaches :

50

une auge en pierre met la nourriture à leur portée ; et lorsque le repas est fini, par un jeu de robinets, chaque auge s’emplit d’eau froide, tiède ou chaude à volonté. Le service est facile et rapide.  [63].

51Tout dans cette description insiste sur la propreté du lait qui est recueilli. Il évoque aussi la rigueur de la stérilisation, du lavage des bouteilles qui vont contenir le lait. La livraison du lait s’accompagne de conseils comme dans les Gouttes de lait ou les consultations des hôpitaux. M. Maurer revient, bien sûr, sur les vaches « choisies par le vétérinaire attaché à l’établissement » [64] et « on s’applique à avoir de vaches portant tous les signes des bonnes laitières plutôt que des bêtes de forme irréprochables ». Il est évidemment question de la santé des animaux face au risque de la tuberculose.

52La vacherie et la laiterie du parc de la Tête d’or approvisionnent les crèches lyonnaises. À partir de 1911, elles ne suffisent plus pour répondre aux besoins municipaux [Beluze op. cit.]. Alors, E. Herriot va aller plus loin et créer un domaine agricole chargé d’alimenter la ville à Cibeins, dans l’Ain. Cet établissement a plusieurs fonctions : répondre aux préoccupations d’approvisionnement agricole de la ville (crèches, établissements hospitaliers et les citoyens) en encourageant le retour à la terre et en faisant de Cibeins une école d’agriculture.

53Pour E. Herriot, Cibeins cette ferme-école a pour but de « permettre aux enfants, et de préférence à ceux de la ville de Lyon, de développer leur goût et leur aspiration vers la vie des champs et de former des agriculteurs instruits, aptes à devenir chefs de cultures, régisseurs, etc. » [65]. Le domaine compte 70 vaches laitières de race sélectionnée « installées dans des étables modernes. Les bêtes sont tuberculinées tous les six mois. La traite mécanique est assurée dans les meilleures conditions de propreté » [66]. Leur lait est destiné aux enfants des crèches municipales. Pour aller encore plus loin dans la municipalisation du lait et influencer l’agriculture, l’école est équipée d’une laiterie « modèle », qui collecte le lait des fermes des environs et alimente les hôpitaux. Ne livrant qu’à ses œuvres, elle ne concurrence pas les autres acteurs laitiers. Contrairement à des grandes villes du nord de l’Europe ou Strasbourg, la ville ne crée pas de centrale laitière qui concentrerait tout le lait produit dans son bassin laitier. Dans celui de Lyon, la SLM est trop puissante, tout comme le corporatisme laitier qui s’affirme à partir des années 1920. Des syndicats de producteurs sont créés notamment dans l’Ain avec des coopératives de taille suffisante pour négocier avec la ville dans un contexte très tendu [67] entre la municipalité et les représentants des producteurs de lait [Beluze 2006 ; Delfosse 2007]. Aussi, l’objectif de la municipalité, en créant la vacherie et la laiterie modèles est-il de former de bons producteurs et de bons spécialistes de laiterie industrielle [68]. Il reste que dans les années 1920 et 1930, les tensions entre la municipalité et les organisations syndicales des producteurs de lait sont très fortes. Lyon, comme Paris et d’autres villes, est le lieu de l’organisation de journées du lait en 1922 qui aboutissent, pour le bassin laitier lyonnais, à la section laitière du Syndicat du Sud-Est. Une nouvelle période de crise a lieu au milieu des années 1920 débouchant sur la création d’un Office interdépartemental du lait géré depuis Lyon [69]. Il a pour objet de « répartir » le lait à l’échelle du département et de réserver aux agglomérations la quantité de lait de consommation nécessaire aux besoins de la population et de ne livrer à la transformation que les excédents [70]. Une taxe est donc appliquée sur les laitiers pour compenser la perte entre lait de consommation et transformation et pour vendre du lait moins cher aux « nécessiteux ». L’office semble asseoir le pouvoir de la municipalité sur son bassin et ses éleveurs. Même si c’est le préfet qui organise l’office du Rhône, la ville de Lyon conserve une influence non négligeable, puisqu’elle est représentée au conseil d’administration et dans la commission consultative par l’inspecteur des subsistances, l’adjoint au maire de Lyon et le directeur de l’école de Cibeins. La création de l’Office toutefois n’a pas permis d’aboutir à une totale municipalisation du lait.

Conclusion

54La Seconde Guerre mondiale renforce le corporatisme, mais aussi le contrôle sur la production, la transformation et les consommateurs. Les mesures prises avant le conflit rendant obligatoire la pasteurisation du lait dans les grandes villes sont appliquées après-guerre pour renforcer l’organisation de son approvisionnement. L’embouteillage du lait va devenir obligatoire. Municipalité, État, organisations agricoles, transformateurs s’opposent encore et négocient.

55Dans le nouveau contexte économique et politique des années 1960, l’échelle urbaine n’est plus celle de la gestion et de l’intervention dans le domaine du lait et encore moins celui de l’intervention sur les vaches laitières et leur contrôle. Désormais, le lait de consommation est un produit de masse qui n’est plus forcément produit à proximité et distribué par des acteurs locaux ou régionaux. La politique agricole, la politique laitière et la politique alimentaire s’élaborent à l’échelle nationale et européenne. La ville ne se préoccupe plus de l’élevage laitier, les exploitations laitières étant très rares aux environs de Lyon. Les bassins laitiers ne sont plus aux portes des villes [Pour 2018].

56Que nous apprend cette histoire au moment où les villes, notamment les métropoles, se préoccupent de plus en plus de leur approvisionnement urbain et encouragent l’agriculture urbaine ? La place des animaux de rente et, en particulier, ceux destinés à l’alimentation, est aujourd’hui un impensé. Les conflits fonciers [Baysse-Lainé 2018], les nuisances liées à l’élevage, l’évolution de la société (véganisme, végétarisme, spécisme) ne favorisent pas le retour des animaux en ville [Delfosse et Baysse-Lainé 2018]. Si ce n’est sous forme de pastoralisme pour l’entretien de la « nature urbaine ».

Notes

  • [1]
    Voir, par exemple, les numéros de la revue Histoire urbaine [2015, 2016] consacrés à ce sujet.
  • [2]
    On peut citer les travaux de Sabine Barles sur le métabolisme urbain [2020] et celui de Benoit Daviron, Coline Perrin et Christophe Soulard [2017], qui fait précisément une recension des travaux récents sur ce point.
  • [3]
    Les données du recensement sur le nombre d’habitants à Lyon font débat. Toutefois, on peut estimer que la ville comptait environ 300 000 habitants en 1858, 400 000 en 1885, 459 000 en 1901 et 579 763 en 1931.
  • [4]
    Ces besoins sont estimés à 120 000 litres de lait en moyenne par jour au début du xxe siècle. Voir M. Maurer, Du rôle des débouchés en agriculture. La production et la vente de lait dans la Région lyonnaise, Lyon, Imprimerie Veuve Paquet, 1908, p. 129.
  • [5]
    Voir C. Delfosse, « Le bassin laitier, matérialisation des liens ville-agriculture et du rayonnement urbain. L’exemple lyonnais (fin xixe-1960) », in C. Darrot et al. (dir.), Comprendre les systèmes alimentaires urbains : flux alimentaires, systèmes d’acteurs et formes urbaines, Livret de recherche PSDR FRUGAL, 2020, p. 35-39 et C. Delfosse, « Histoire de la gouvernance de l’approvisionnement en lait de Lyon », in C. Darrot et al. (dir.), Comprendre les systèmes alimentaires urbains… p.  70-75.
  • [6]
    La première étude détaillée est celle de Marius Maurer (1908), qui consacre sa thèse de sciences politiques et de droit à la production et la vente du lait dans la région lyonnaise. Elle sera suivie par celle de Georges Birbis [2019] soutenue en 1916 à l'École du service de santé militaire et consacrée à l’approvisionnement de Lyon en lait.
  • [7]
    Voir l’article de la géographe Odile Allix-Reliat [1945] sur l’évolution de l’approvisionnement de Lyon en lait de 1923 à 1939-1940.
  • [8]
    Charles Porcher obtient la chaire de physique, chimie et pharmacie de l’école vétérinaire de Lyon en 1897. Il en devient directeur en 1926. Il est un acteur important des débats sur la définition de la qualité du lait et de la définition même du lait [Delfosse 2007 ; Stanziani 2005].
  • [9]
    Cet article repose sur des travaux menés depuis les années 2000 sur l’approvisionnement en lait des villes. Ils ont été approfondis, pour Lyon, grâce au projet PSDR (Pour et sur le développement rural) Frugal (Formes urbaines et alimentation). Il s’appuie sur le dépouillement d’archives de la ville de Lyon (AML), sur des documents conservés à l’École vétérinaire de Lyon et des mémoires d’étudiants d’histoire. Les sources portent essentiellement sur ce que l’on peut appeler les travaux de laiterie et notamment ceux qui traitent de l’approvisionnement en lait des villes et leurs liens avec l’élevage laitier. Enfin les articles de géographes de l’entre-deux-guerres décrivant l’agriculture des communes des environs de Lyon ont été très précieux. Il ne faut pas oublier les ouvrages décrivant la vie lyonnaise.
  • [10]
    Cet article est reproduit dans l’ouvrage regroupant plusieurs articles de Pétrus Sambardier après sa mort.
  • [11]
    Pétrus Sambardier, La vie à Lyon de 1900 à 1937 par un grand journaliste, Lyon, (s. d.), p. 114.
  • [12]
    Idem et citations suivantes.
  • [13]
    De nombreuses cartes postales attestent de cette pratique.
  • [14]
    1870, AML, Parc de la Tête d’or, Construction d’une vacherie et incendie (1861-1905), 485 WP 13/7.
  • [15]
    Plainte, 1872, AML, Parc de la Tête d’or, Construction d’une vacherie et incendie (1861-1905), 485 WP 13/7.
  • [16]
    AML, Parc de la Tête d’or, Construction d’une vacherie et incendie (1861-1905), 485 WP 13/7.
  • [17]
    M. Maurer, Du rôle des débouchés en agriculture
  • [18]
    Ce sont des « éleveurs » ou des « entreprises », les témoins hésitent à les qualifier, ayant des étables insérées dans le tissu urbain et pas de terres. Ils vendent du lait, du beurre, de la crème et parfois des œufs. Ils achètent des vaches prêtes à vêler et toute leur nourriture. Ils les revendent à la boucherie dès qu’elles ne produisent plus assez de lait. Voir M. Phlipponneau [1949, 1957] et Ethnozootechnie [2003].
  • [19]
    C. Porcher et E. Nicolas, « De l’approvisionnement des grandes villes en lait. Rapport », Alliance d’hygiène sociale, no 9 bis, 1907, p. 68-105.
  • [20]
    M. Maurer, Du rôle des débouchés en agriculture…, p. 134.
  • [21]
    Lettre du maire de Bron en réponse au directeur du service des subsistances de la ville de Lyon, qui a écrit en janvier 1925 aux maires des communes de Villeurbanne, Vaulx-en-Velin, Bron, Saint-Priest, Ecully, Limonest, Dardilly, Corbas, Vénissieux et Mions pour avoir des informations sur la production de lait, les aires de ramassage et de livraison, le mode de vente, les perspectives… Correspondance, 30 janvier 1925, Subsistances - Halles et marchés, AML 793WP/34.
  • [22]
    J. Guicherd et C. Ponsart (dir.), L’agriculture du Rhône en 1926, Lyon, Imprimerie Noirclerc et Fénétrier, 1927.
  • [23]
    P. Saint Olive et R. Guyot-Sionnest, Le ravitaillement en lait d’une grande ville française. Étude sur la production, le commerce, et la consommation du lait servant à l’alimentation de Lyon, Union du Sud-Est des syndicats agricoles, Lyon, 1926.
  • [24]
    Idem.
  • [25]
    Ils s’y sont même maintenus jusqu’au début des années 1980.
  • [26]
    Voir B. Grippari, La ferme de l’asile départemental du Rhône. Le Vinatier à Bron de 1875 à 1940. Évolution d'une grande exploitation agricole de la région lyonnaise, mémoire de maîtrise, université Lyon-2, Lyon, 2002.
  • [27]
    Voir C. Delfosse [2007].
  • [28]
    C. Porcher et al., L’approvisionnement de Lyon en lait, Asselin et Houzeau éd., Paris, 1916.
  • [29]
    Marius Berliet (1866-1949) est un ancien canut qui se lance dans la mécanique et la construction automobile. Il s’installe à son compte en 1899 et rencontre vite un grand succès. Il produit automobiles et camions.
  • [30]
    Voir I. Lisowski, 1992, Portrait d’un patron et d’une entreprise lyonnais : Marius Berliet et la société des automobiles Berliet des origines à 1939, mémoire de maîtrise d’histoire, université Lyon-2, Lyon, 1992.
  • [31]
    Ces chiffres sont sous-estimés.
  • [32]
    Correspondance, 1925, AML, Subsistances - Halles et Marchés, 793WP/34.
  • [33]
    M. Maurer, Du rôle des débouchés en agriculture…, p. 147.
  • [34]
    J. Guicherd et C. Ponsart (dir.), L’agriculture du Rhône en 1926
  • [35]
    Le solidit a été utilisé pour revêtir les routes au début de l’automobilisme. Il a surtout été employé à Lyon en lien avec une entreprise locale [Baldasseroni 2019].
  • [36]
    Voir E. Forgeot et A. Tapernoux, 1929, « L’approvisionnement en lait de l’agglomération lyonnaise. La production dans la région ,. extrait du Bulletin de la Société des sciences vétérinaires de Lyon, n o 6, 1928, Toulouse, Impie S. Bonnet, 1929, p. 2.
  • [37]
    P. Saint Olive et R. Guyot-Sionnest, Le ravitaillement en lait d’une grande ville française…, p. 72.
  • [38]
    M. Maurer, Du rôle des débouchés en agriculture…, p. 177.
  • [39]
    Voir C. Delfosse, « Le bassin laitier, matérialisation des liens ville-agriculture… ».
  • [40]
    Pour plus de détails sur la constitution de ce bassin et sa gouvernance, voir idem et C. Delfosse, « Histoire de la gouvernance de l’approvisionnement en lait de Lyon… ».
  • [41]
    Voir E. Forgeot et A. Tapernoux, 1929, L’approvisionnement en lait de l’agglomération lyonnaise…, p. 2.
  • [42]
    Le lait est d’autant plus dangereux qu’il fait l’objet de fraudes comme le mouillage (ajout d’eau qui n’est pas toujours propre). Nombreuses, elles provoquent des descriptions apocalyptiques incriminant producteurs (laitières surtout) et intermédiaires [Delfosse 2007, 2014 ; Fanica 2008 ; Stanziani op. cit.].
  • [43]
    M. Maurer, Du rôle des débouchés en agriculture…, p. 126.
  • [44]
    Des hygiénistes soulignent que le lait produit dans des fermes éloignées et particulièrement soignées fait que les vaches respirent un air pur. Pourtant, la pollution est présente à la campagne, notamment à cause des industries laitières, des plaintes ayant même été déposées contre l’usage de la machine à vapeur [Delfosse 2007].
  • [45]
    C’est le cas de M. Maurer (Du rôle des débouchés en agriculture…, p. 126). Remplacer la consommation d’alcool par celle du lait est d’ailleurs un « classique ». L’encouragement à la consommation du lait est repris dans les politiques publiques : distribution de lait dans les écoles à partir du milieu des années 1930 et politique de Mendès-France au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Ces politiques visent également à résorber les excédents laitiers (années 1930 et à partir du milieu des années 1950).
  • [46]
    Tous les ouvrages et articles consacrés au lait durant la période étudiée ici l’évoquent.
  • [47]
    C’est un leitmotiv que l’on retrouve dans l’ensemble des publications qui concernent l’approvisionnement en lait des villes.
  • [48]
    Voir E. Forgeot et A. Tapernoux, 1929, L’approvisionnement en lait de l’agglomération lyonnaise…, p. 23.
  • [49]
    C. Porcher, « Le rôle du vétérinaire dans l’inspection du lait », Conférence faite le 16 février 1908, Société des vétérinaires de l’Allier, Moulins, Imprimerie Crépin-Leblond, 1908.
  • [50]
    « Rien n’a été négligé pour l’aménagement très moderne de l’étable […]. Chaque vache a, à sa disposition, l’abreuvoir automatique hygiénique nommé “la Source”, permettant à l'animal de se verser à boire suivant ses besoins, en appuyant son mufle sur une soupape placée sur une conduite d'eau ; le jeu de la soupape règle le débit de la boisson » [Birbis op. cit. : 46].
  • [51]
    On peut lire ainsi dans la presse la publicité suivante : « Pour être certain d’avoir du bon lait, pur et naturel, il faut s’approvisionner à la seule maison capable de donner toutes les garanties, grâce à son système d’achat direct aux fermes du Valromey, et à son outillage moderne, avec installations frigorifiques ». « Le lait à Lyon », Le rappel républicain, mardi 20 septembre 1904.
  • [52]
    M. Maurer, Du rôle des débouchés en agriculture… p. 133.
  • [53]
    Bulletin municipal officiel, 18 avril 1899 (AML).
  • [54]
    Les agromanes sont des gentlemen-farmer qui, sur leur domaine agricole, innovent ou adoptent les innovations.
  • [55]
    Voir C. Porcher et E. Nicolas, « De l’approvisionnement des grandes villes en lait. Rapport »…, p. 87.
  • [56]
    Voir E. Forgeot et A. Tapernoux, 1929, L’approvisionnement en lait de l’agglomération lyonnaise…, p. 29.
  • [57]
    Le Danemark est souvent montré comme un modèle pour son organisation coopérative dans la production de beurre, notamment pour la vente au Royaume-Uni, mais aussi, aux environs de la capitale, pour l’approvisionnement de Copenhague.
  • [58]
    C’est aussi en Allemagne que Victor Augagneur va chercher son modèle pour le nouvel abattoir lyonnais.
  • [59]
    Voir C. Porcher et E. Nicolas, « De l’approvisionnement des grandes villes en lait. Rapport »,… p. 103.
  • [60]
    Les actes de congrès internationaux de laiterie qui ont lieu à partir du début du xxe siècle citent ces exemples, repris par les spécialistes de laiterie et hygiénistes français.
  • [61]
    Voir C. Encrenaz, Catherine, 2019, « La vacherie du parc de la Tête d’Or », in D. Vaginay et L. Faivre d'Arcier (dir.), Le maire et l’architecte. Tony Garnier l’architecte, Archives municipales de Lyon, Lyon, p. 133-135.
  • [62]
    M. Maurer, Du rôle des débouchés en agriculture… p. 134
  • [63]
    J. Godart, Travailleurs et métiers lyonnais, Lyon, Cumin et Masson, 1909, p. 346
  • [64]
    M. Maurer, Du rôle des débouchés en agriculture… p. 134 et p. 135.
  • [65]
    Documents relatifs au budget de la ville, 1926, AML, École d’agriculture de Cibeins (1920-1929), AML 482WP4.
  • [66]
    Voir P. Saint Olive et R. Guyot-Sionnest, Le ravitaillement en lait d’une grande ville française…, p. 73.
  • [67]
    C. Delfosse, « Histoire de la gouvernance de l’approvisionnement en lait de Lyon… ».
  • [68]
    Le nouveau régisseur de la ferme du Vinatier dans les années 1930 sera issu de Cibeins. Voir B. Grippari, La ferme de l’asile départemental du Rhône…
  • [69]
    C. Delfosse, « Histoire de la gouvernance de l’approvisionnement en lait de Lyon… ».
  • [70]
    Dans ce contexte, il est plus rentable pour les laiteries de vendre des produits transformés notamment de fromages que du lait de consommation. Les fromagers sont d’ailleurs taxés par la presse dans les années 1920 d’ « affameurs ».
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Dès la fin du xixe siècle, les animaux de rente, dont les vaches laitières, tendent à devenir incompatibles avec la vie urbaine et ses activités. À Lyon et dans les communes suburbaines, les vaches laitières sont tolérées jusqu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale afin de garantir l’approvisionnement en lait des nourrissons et des malades. Toutefois les vaches laitières approvisionnant Lyon sont de plus en plus éloignées de la ville et dessinent ce que l’on dénomme le bassin laitier lyonnais. Ce dernier est « commandé » par la ville. En effet, le lait revêtant des enjeux sanitaires et alimentaires importants, les élites urbaines cherchent à contrôler les vaches laitières du bassin laitier jusqu’aux années 1960. Les hygiénistes sont au cœur de ces débats et encouragent la municipalisation du lait.

  • Lyon
  • lait
  • vaches
  • approvisionnement alimentaire
  • hygiénisme
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Claire Delfosse
géographe, professeur, université de Lyon-2, Laboratoire d’études rurales (EA 3728), Lyon
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Mis en ligne sur Cairn.info le 20/09/2021
https://doi.org/10.4000/etudesrurales.25129
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