CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1La recherche a produit un nombre considérable d’études consacrées à l’idée d’Europe unie, une thématique que les multiples possibilités d’entrée rendent éminemment complexe. Longtemps négligé, l’entre-deux guerres a récemment fait l’objet d’une publication référence présentant ses principaux artisans ainsi que la richesse de formes qu’elle revêtit au cours de cette époque [1]. Le nom de l’écrivain-publiciste Robert de Traz (1884-1951) n’y figure pas bien qu’il compte parmi les plus importants « techniciens de la coopération » que la guerre ait engendrés [2]. La notoriété dont de Traz jouit encore en Suisse est due, pour une large part, aux réflexions qu’il rassembla en 1929 dans un essai au titre resté fameux : L’Esprit de Genève[3]. Son œuvre ne se limite pourtant pas à ce seul texte, composé à une époque marquée par la recrudescence d’activité des intellectuels hostiles à la SDN [4] et redécouvert en 1995 à l’occasion du cinquantième anniversaire de la fondation de l’ONU. Composée de romans aujourd’hui tombés dans l’oubli [5], elle est dominée par la revue de médiation qu’il lança en juillet 1920 et qu’il dirigea pendant dix ans à l’image des théories énoncées dans son Esprit de Genève. La présente contribution se propose de mesurer l’apport de cette Revue de Genève au développement du courant européiste durant une période capitale pour comprendre le processus d’unification toujours en cours d’élaboration [6].

2À la suite de l’étude présentée par l’historien de l’idée d’Europe unie Jean-Luc Chabot, nous avons choisi d’utiliser la dénomination d’« européiste » dont l’acception diffère de celle d’« européen », pour désigner les partisans d’une unification politique du continent. Malgré le caractère imprécis de son projet, Robert de Traz appartient à cette « catégorie ». Décadiste oublié [7], il est de ceux qui lièrent la solution de cette question à la crise morale et spirituelle qui hanta les esprits au cours de l’entre-deux-guerres.

1 – Europe tragique et sociabilités intellectuelles

3La conscience européenne fut durement éprouvée par une guerre qui semblait avoir sonné le glas de l’hégémonie exercée par le vieux continent sur le reste du monde. « Je n’avais songé qu’il existât véritablement une Europe » écrivait Paul Valéry en juin 1919 dans son essai sur la « Crise de l’Esprit », « ce nom m’était une expression géographique. Nous ne pensons que par hasard aux circonstances permanentes de notre vie ; nous ne les percevons qu’au moment où elles s’altèrent tout à coup. […] Le résultat immédiat de la Grande Guerre fut ce qu’il devait être : il n’a fait qu’accuser et précipiter le mouvement de décadence de l’Europe » [8]. Cette angoisse née de la conscience de vivre une crise dramatique fut partagée par un certain nombre d’esprits inquiets non pas seulement en France et en Allemagne où d’étranges prophètes élevèrent leur voix et relayèrent les craintes de Valéry par le biais d’ouvrages annonçant Le Déclin de l’Occident[9]. Elle saisit une minorité de l’élite européenne et l’amena à envisager les conditions devant préluder à un rapprochement franco-allemand, condition sine qua non à une pacification et à une reconstruction du continent. Nourri de « stimuli négatifs » [10], ce mouvement de pensée donna à l’Europe sa première chance d’exister en suscitant un nouveau vouloir-vivre ensemble dans un contexte de « guerre après la guerre » pourtant peu favorable à une démobilisation culturelle. [11] Il fédéra ces intellectuels en des réseaux à géométrie variable et aux centres multiples, à la manière de ceux qui avaient mis en communication l’Europe des xviiie et xixe siècles [12]. Rejetant le modèle bipolaire qui avait prévalu durant les années de guerre et prévalait plus que jamais dans l’immédiat après-guerre, ceux-ci s’évertuèrent à dégager une troisième voie à mi-chemin entre le nationalisme et l’internationalisme, celle d’un cosmopolitisme raisonnable fondé sur une représentation élitiste du rôle des intellectuels. Cette ambition idéocratique d’une communauté à reconstruire sous l’égide d’une « République des Lettres » – il s’agissait là d’un modèle mythique postulant une égalité de principe entre des savants européens travaillant à réinstaurer un idéal de concorde et de sagesse sereine [13] – s’articulait autour d’une vision commune de l’Europe, celle d’un marché commun dont le propre devait être d’unir ses composantes dans une entité renouvelée par la vitalité de ses antagonismes. L’Europe était durant cette première phase de « conscientisation » [14] une notion aux contours encore incertains mais qui s’imposait à eux comme une évidence. Elle était un expédient salvateur exigeant de considérer une communauté de destin avant d’envisager une communauté de dessein. C’est la raison pour laquelle ces « précurseurs d’Europe » [15] ne s’interrogèrent pas de manière précise sur la forme que devait revêtir l’ensemble à unifier dans les articles qu’ils publièrent dans des revues telles que La Nouvelle Revue Française, la Neue Rundschau, la Luxemburger Zeitung, la Revista de Occidente, The Criterion, Wissen und Leben ou bien encore à La Revue de Genève.

4Dans le climat tendu de l’immédiat après-guerre, ces revues furent des lieux majeurs de sociabilité où put se déployer le jeu des « affinités électives » par-delà les préventions et les comportements hérités du conflit [16]. Espace spécifique sensible à la vie mobile de la pensée, elles canonisèrent une circulation continentale des idées en facilitant les échanges épistolaires et les rencontres comme ce fut le cas à Pontigny (Bourgogne) et à Colpach (Luxembourg). Plus généralement, elles enclenchèrent une forme de solidarité et de reconnaissances communes entre les intellectuels des anciennes nations belligérantes avant que la « déprise de la guerre » [17] – c’est-à-dire le passage progressif d’une culture de guerre à une culture de paix – ne permette la multiplication des « organisations » en faveur de l’Europe unie (1923 et 1927) [18].

5La Revue de Genève (1920-1930) occupe une position à part dans ces réseaux de communication pour s’être fait le chantre d’une « idéal européen » inspiré du modèle suisse ainsi que de l’histoire d’une ville que Robert de Traz, son fondateur et animateur, aimait à présenter comme « la centrale de la paix » [19].

2 – L’européisme de Robert de Traz (1884-1951)

6« La caractéristique première, fondamentale, de la revue, c’est d’être l’expression d’une passion, parfois la passion d’un seul individu » [20] écrit Olivier Corpet. La Revue de Genève est l’œuvre de Robert de Traz. Elle est l’œuvre d’un « moraliste inquiet » dont le cheminement idéologique est emblématique de celui de toute une génération d’intellectuels suisses [21]. Avant d’épouser le cosmopolitisme des années d’après-guerre, Robert de Traz avait subi l’emprise du maître à penser de la scène littéraire française : Maurice Barrès. En lui faisant prendre conscience des limites des théories qui avaient nourri ses premiers émois patriotiques, la guerre engendra chez lui un revirement idéologique spectaculaire. Elle conditionna son ouverture au cosmopolitisme – l’armature de son européisme – à un moment où les intellectuels s’interrogeaient avec gravité sur leur place et leur fonction au sein de la société [22]. Le barrésisme de de Traz était cependant trop invétéré pour que l’apostasie fût complète. Reconnaissant lui-même qu’il ne « pouva[it] oublier le barrésisme de sa vingtième année » [23], il resta captif d’une disposition d’esprit nationaliste qui, si elle lui valut l’indignation de certains de ses contemporains, n’en constituait pas moins l’originalité du programme qu’il élabora pour sa Revue de Genève. Barrès lui avait insufflé le goût de la controverse, l’attachement absolu au sol natal ainsi que des formules d’action qui correspondaient à ses attentes d’« homme libre », et c’est précisément sur ces principes qu’il greffa l’essentiel de son engagement d’européiste.

7Ce n’est que tardivement, alors que la fondation d’une Société des Nations était chose acquise, que de Traz milita en faveur des idéaux de paix, de sûreté et de coopération tels qu’ils étaient promulgués par les initiateurs du projet [24]. En alimentant un immense sentiment de fierté locale, le choix de Genève comme siège de la nouvelle institution paracheva le recentrage de ses activités sur le passé de sa ville d’adoption sans pour autant engendrer de nouvelle rétraction nationaliste. La défense du genius loci de l’ancienne République allait maintenant de pair avec celle des ambitions de la SDN : « Comment, vous et M. Lucien Cranier, ne voyez-vous pas qu’en choisissant Genève comme siège de la Ligue, Wilson a précisément donné à la tradition genevoise la plus éclatante consécration qui soit ? » demandait-il à Léopold Boissier, l’un de ceux qui avait accueilli avec scepticisme la nouvelle de l’accession de la ville au rang de « capitale des nations » [25]. Persuadé que son statut de Genevois lui conférait une mission d’ordre international, de Traz choisit le moment le plus opportun – l’adhésion de la Suisse au Pacte de la SDN (mars 1920) – pour lancer une revue qui en prolongerait la vocation et ferait de la neutralité la base d’une action médiatrice entre les peuples. À l’instar de ses collègues de la Nouvelle Société Helvétique – organisation (à l’origine nationaliste) dont l’un des objectifs était de faire valoir la Suisse dans le monde [26] – Robert de Traz revendiquait une forme de neutralité active et bienveillante pour son pays : « c’est l’instant ou jamais […] d’aller de l’avant » expliquait-il dès 1919 avant d’insister sur le rôle que les États neutres étaient appelés à endosser dans le jeu des grandes puissances, « c’est l’heure où les neutres que nous avons dû être, ont le droit, ont l’obligation de recommencer à jouer un rôle actif. La paix est là : apportons-lui notre concours. Cette revue en est un » [27]. Cette exigence « légitimée » par la tradition qui avait fait de la Suisse une plaque tournante de l’arbitrage international dans le domaine humanitaire, juridique ou bien encore intellectuel [28], faisait écho aux intentions mises à jour Paul Häberlin et Gonzague de Reynold en 1914-1915. À l’époque, les deux helvétistes avaient souhaité fonder une plate-forme de communication travaillant depuis la Suisse au rétablissement du dialogue international. Cette Internationale Rundschau dont les initiateurs justifiaient le lancement par la mise en exergue d’un « devoir d’action » incombant aux neutres, ne vit néanmoins jamais le jour sous la forme initialement prévue. Dans un contexte de guerre propagandistique exacerbée, elle fut victime des suspicions qui pesaient sur une Suisse moralement écartelée et donc fortement discréditée sur la scène internationale [29]. Membre de la NSH, Robert de Traz avait eu connaissance de ce projet auquel il avait refusé de participer par lucidité certes, mais aussi par manque de conviction. Ne venait-il pas de publier L’Homme dans le rang, une apologie de l’héroïsme guerrier et de la discipline qui l’avait élevé au rang de maître à penser de toute une génération de Suisses [30] ?

8La tournée que de Traz entreprit sur le front français en 1917 fut une expérience fondatrice dans son engagement d’européiste. Elle provoqua après un temps de latence dédié à la réflexion, le passage de l’absolu, cet « idéalisme métaphysique qui nie le monde au profit du moi », au relatif [31]. De cet élargissement du modèle égotiste barrésien en un système basé sur l’acceptation de la variété et des différences humaines, découla sa conviction d’une interdépendance des États européens. Angoissé par ce qu’Edgar Morin appelle « le risque du Néant » [32], de Traz en déduisit la nécessité d’œuvrer à l’association des particularismes nationaux dans un ensemble garant du respect de chacune de ses dissonances :

9

La refonte de l’Europe pulvérisée se fera moins par mysticisme, moins par une bonne volonté encore éparse, instable, que par nécessité. […] La civilisation européenne est le produit d’une collaboration séculaire et l’on ne saurait en supprimer l’apport d’aucun peuple sans la défigurer et l’affaiblir. [33]

10C’est à cet égard que Genève et, par extension, la Suisse pouvaient apporter à l’Europe l’exemple « de la compréhension humaine, de l’émulation pacifique et du respect réciproque » et lui fournir le modèle de la reconstitution de son unité [34]. De Traz l’expliqua dans son Esprit de Genève à travers la représentation d’une histoire locale épurée de ses contradictions et mettant en exergue la tradition à la fois particulariste et universelle de la ville. Incarnée par les figures de Calvin, de Rousseau et de Dunant, cette tradition fondatrice d’un génie « fidèle à son caractère national et préoccupé[e] de l’humanité entière » [35] était, dans son esprit, le ferment dont l’Europe devait se nourrir pour assurer la paix et faire face aux menaces extérieures [36]. L’élargissement des cercles de cette réflexion à l’ensemble du continent trouvait sa justification dans la réussite du système helvétique, seul capable à ses yeux d’assurer la cohésion et la coexistence de cantons différents liés, au départ, par une même volonté de se défendre [37]. Conçu dans un contexte de relations internationales au sein duquel la domination du continent était remise en cause, l’« idéal » de de Traz contrastait avec les projets de paix perpétuelle et d’Europe des peuples élaborés depuis le début du xvie siècle jusqu’à la fin du xixe siècle [38]. Il s’inscrivait par ailleurs dans une logique opposant deux modèles, comme un écho au dilemme évoqué par Albert Thomas lors de la fondation du Bureau international du travail, quatre années avant l’instauration d’une République soviétique socialiste mondiale (1924) : « Ou Genève, ou Moscou » [39]. Nous touchons là un des aspects essentiels de l’européisme de Robert de Traz, à savoir l’affirmation de la primauté absolue des nations dans l’entité à créer. « Les patries sont nécessaires et bienfaisantes » déclarait-il dans la troisième partie de son Esprit de Genève, celle dans laquelle il s’attachait à poser les bases d’une « internationale moderne » qu’il prenait soin de scrupuleusement dissocier des projets internationalistes de Romain Rolland, « cet esprit généreux, mais falot, et qui se venge de la réalité par des tirades d’un lyrisme inopportun » [40].

11Si l’européisme de Robert de Traz se réclamait ouvertement du système politique helvétique, il ne déboucha pas pour autant sur l’élaboration d’un plan précis qui aurait pu constituer le préalable à une tentative de mise en pratique. Partisan d’une reconstruction raisonnée – la paix ne devait pas donner lieu à une embrassade générale mais à une reconstruction sur les traces qu’elle avait laissées –, il lui importait de procéder par étapes ainsi qu’il l’expliqua dans l’« Éditorial » qui ouvrait le premier numéro de La Revue de Genève :

12

[…] L’ordre, le bonheur sont au prix d’une compréhension réciproque, et le monde en ruines ne peut être rebâti que par des efforts conjugués. Nous tâcherons donc de renseigner, au moyen de témoignages directs. De cette connaissance améliorée, naîtra plus tard une collaboration progressive, une entente, et, plus tard encore, peut-être une amitié. [41]

13Fervent admirateur de la SDN, « cette démocratie des États » à laquelle il rendit un hommage empli d’espoirs dans un ouvrage publié en 1936 [42], il était de ceux qui voyaient dans la constitution d’une confédération des États d’Europe un point de passage incontournable dans la réalisation des visées universalistes de l’institution. La Revue de Genève qu’il lança peu après l’adhésion de la Suisse au Pacte de la SDN, eut donc pour mission de faire valoir cet « idéal » en prenant appui sur « l’esprit » et de « l’éthique » qui en régissait le fonctionnement et qu’il disait d’ailleurs inspiré du modèle genevois.

3 – La Revue de Genève, une revue de liaison intellectuelle au chevet de l’Europe malade

14Même si la fin du conflit avait encouragé un certain nombre d’intellectuels au pacifisme militant, l’établissement de la « paix » – le terme est ici compris dans le sens qu’il revêt en droit international où toute période sans guerre est considérée comme « temps de paix » – n’avait pas désarmé le nationalisme de près de cinq années d’intenses combats. Les opinions étaient toujours polarisées, l’information ne circulait pas. Les élites auxquelles Robert de Traz prêtait un rôle prééminent dans « l’œuvre de reconstruction générale » à laquelle il se proposait de contribuer, vivaient en vase clos, dans une « ignorance mutuelle épaisse » (Ernst Robert Curtius) [43]. Bénéficiant d’une situation géographique privilégiée, La Revue de Genève s’attacha donc à renouer les fils cassés du patriotisme européen en jetant des passerelles par-dessus le « no man’s land moral » qui séparait les anciennes nations belligérantes [44]. Elle fut « l’un des rares îlots habitables » [45] où les élites pouvaient discuter des problèmes qui divisaient la communauté internationale sans autre intermédiaire que la traduction. La stratégie de de Traz consistait à juxtaposer des points de vue nationaux contradictoires – d’où l’existence d’une rubrique intitulée « Chroniques nationales » – dans l’espoir de faire naître une réflexion féconde pour l’avenir. Cette capacité particulière à renouer le contact avec les adversaires d’hier en leur fournissant « l’occasion de rencontres qui ne se produiraient pas ailleurs » [46] donna une impulsion démobilisatrice notable et accéléra la « déprise de la guerre » avant que Locarno ne permette « un certain dégagement culturel du conflit » [47].

15Dans son programme, Robert de Traz avait promis qu’il avancerait par étapes et qu’il accorderait une attention particulière à la France et l’Allemagne, deux nations dont il savait qu’elles étaient appelées à devenir le moteur de la construction européenne [48]. C’est à l’occasion de la parution du Génie du Rhin (1921) qu’il décida de lancer un vaste échange de points de vue franco-allemand, le premier de l’immédiat après-guerre entre des intellectuels non apparentés aux mouvements pacifistes ou internationalistes. Par les controverses qu’elles avaient suscitées, les théories barrésiennes se prêtaient particulièrement bien à une discussion entre des Français obnubilés par des garanties de sécurité à obtenir le long du Rhin et des Allemands appliqués à se libérer du « joug » de Versailles [49]. Elles étaient donc non pas seulement un objet de discorde entre la France et l’Allemagne mais aussi un moyen de réamorcer le dialogue transnational. Diverses figures se pressèrent à la barre de La Revue de Genève à partir du mois de décembre 1921, date de l’intervention du journaliste alsacien René Lauret. En janvier 1922, Robert de Traz réserva un fascicule à Maurice Barrès pour que celui-ci se positionne face aux attaques de ses détracteurs. Six mois plus tard, le romaniste Victor Klemperer lui répondit par le biais d’un article visant à démasquer le caractère soi-disant fallacieux des idées développées dans le Génie du Rhin. Pierre Mille, écrivain-journaliste très en vue à l’époque, donna ensuite la réplique à Klemperer avant qu’Ernst Robert Curtius ne close le débat par un vibrant ultimatum adressé aux tenants du nationalisme intégral [50]. S’il ne parvint à décanter une situation par trop soumise aux tensions politiques – « la flambée nouvelle des cultures de guerre » rendait impossible tout échange sain et discipliné [51] –, le débat de La Revue de Genève permit néanmoins aux divers intervenants de mettre à plat leurs griefs respectifs et de poser les bases à une réconciliation unanimement perçue comme vitale à la sauvegarde du patrimoine européen : « Die Notwendigkeit einer solchen Verständigung » déclarait Ernst Robert Curtius dans un article de la Wissen und Leben publié en 1928, « wurde am glühendsten geglaubt, bejaht, gefordert in der Zeit, wo sie am unmöglichsten schien, also, rund gesagt, in den Jahren 1919-1923 » [52].

16De Traz ne se limita pas à cet échange de vues. Alerté par les symptômes diagnostiqués dans le livre d’Oswald Spengler, il voulut tâter le pouls de l’Europe malade en organisant une consultation de large envergure apte à réveiller les consciences de ses contemporains [53]. Avec le débat sur Le Génie du Rhin, l’enquête sur « L’Avenir de l’Europe » est la plus originale et la plus riche de toutes les confrontations qu’il mit en place dans le périodique. De Traz avait nourri très tôt l’ambition de rassembler une élite composite autour d’une question qu’il pensait hautement fédératrice : « Comment donc reconstituer l’unité d’une aire géographique ainsi morcelée et livrée aux passions ? » [54] Pour galvaniser les énergies et enclencher une dynamique favorable à l’idée d’Europe unie, il avait fait publier des manifestes appelant à contrecarrer les effets engendrés par la guerre via la multiplication des échanges internationaux. « L’émiettement, c’est la mort » prévenait le journaliste suisse William Martin dans une des innombrables chroniques qu’il écrivit sous le pseudonyme d’« Un Européen », certainement afin de leur conférer une plus grande autorité [55]. « Les relations entres les États civilisés sont assurées par le principe de l’interdépendance mutuelle » affirmait, de son côté, le ministre des Affaires étrangères tchèque, Edouard Beneš, dans une contribution datée de 1921 [56].

17Lancée en octobre 1922, l’enquête sur « L’Avenir de l’Europe » impressionna par la force du constat qui s’en dégageait. Malgré leur grande hétérogénéité, les intellectuels sondés – André Gide, Hermann Keyserling, Vilfredo Pareto, Miguel de Unamuno, John Middleton-Murry, Dimitri Merejkovski – furent unanimes, démontrant ainsi que la crise de la Ruhr n’avait pas seulement réveillé les passions nationalistes mais qu’elle avait fait apparaître encore un peu plus la nécessité d’une coopération européenne. Résumées dans cet avertissement de Gide – « l’Europe entière court à la ruine si chaque pays d’Europe ne consent à considérer que son salut particulier » [57] – les réflexions de ces quelques « moralistes inquiets » apparaissaient comme une opération de sauvetage d’urgence à une époque marquée par un net regain des tensions politiques. Robert de Traz pouvait à juste titre être satisfait de son enquête. Elle interpella ses contemporains, suscita l’intérêt et provoqua la critique des grandes revues cosmopolites de l’époque [58]. N’était-ce pas là le plus bel hommage que de Traz pouvait rendre à Paul Desjardins et à sa formule « D’abord : savoir ; puis peu à peu, comprendre ; enfin : se résoudre » [59] ?

Considérations finales

18Fondée sur une perception tragique de la situation morale du continent, La Revue de Genève fut l’un des tous premiers vecteurs de l’unification européenne. Au cours de son éphémère publication – elle disparut dix ans après son lancement, victime de la crise économique mais aussi de graves dissensions internes – elle se fit le chantre d’un « idéal européiste » inspiré du génie genevois et du système politique helvétique. Son directeur et animateur, Robert de Traz, était un pragmatiste raisonné qui entendait procéder par étapes. Il souhaitait en premier lieu « ouvrir des fenêtres » [60] et secouer les consciences de ses contemporains en organisant des débats et des enquêtes qui eurent, dans le contexte tendu de l’immédiat après-guerre, un fort impact. Tribune de confrontations à large diffusion, la revue joua, de par sa situation privilégiée, un rôle de premier plan dans le processus de démobilisation des élites et dans l’avènement du mouvement qui vit se multiplier les « organisations » en faveur de l’Europe unie [61].

Notes

  • [*]
    Landry CHARRIER, Université Blaise-Pascal (Clermont-Ferrand II), Département d’Études germaniques, Centre d’Histoire « Espaces et cultures » (CHEC), 31 place de Jaude F-63000 CLERMONT-FERRAND ; courriel : landrycharrier@gmail.com
  • [1]
    Jean-Luc Chabot : Aux origines intellectuelles de l’Union européenne, Grenoble : Presses Universitaires de Grenoble, 2005.
  • [2]
    Selon le mot d’Albert Thibaudet dans « L’intelligence en coopération », in : Réflexions sur la politique, Paris : Robert Laffont, 2007, p. 639-642, article publié dans Les Nouvelles littéraires du 12 décembre 1931.
  • [3]
    Robert de Traz : L’Esprit de Genève [1929], Lausanne : L’Âge d’Homme, 1995.
  • [4]
    Claude Hauser : « Esprit de Genève, esprit latin et esprit du Rhône : conflits et confluences », in : Équinoxe 17 (1997), p. 99-112, plus particulièrement p. 104-106.
  • [5]
    Pour une brève présentation de l’ensemble romanesque de R. de Traz, Jean-Pierre Meylan : La Revue de Genève, miroir des lettres européennes 1920-1930, Genève : Droz, 1969, p. 13-33.
  • [6]
    Cet article reprend certains aspects de notre ouvrage : La Revue de Genève (1920-1925), les relations franco-allemandes et l’idée d’Europe unie, Genève : Slatkine, 2009.
  • [7]
    De Traz participa aux rencontres de Pontigny en 1922 et 1924. Dans son étude consacrée aux célèbres Décades, François Chaubet n’en parle pratiquement pas. Cf. François Chaubet : Paul Desjardins et les Décades de Pontigny, Villeneuve d’Ascq : Presses Universitaires du Septentrion, 2000.
  • [8]
    Paul Valéry : Regards sur le monde actuel et autres essais, Paris : Gallimard, 1945, p. 10.
  • [9]
    D’après le titre donné par Oswald Spengler à son étude publiée en 1918. Celle-ci devint rapidement le bréviaire de toute une génération d’intellectuels européens. Cf. Jan Ifversen : « The crisis of european civilization after 1918 », in : Menno Spiering/Michael Wintle (eds.) : Ideas of Europe since 1914. The legacy of the First World War, New York : Palgrave, 2002, p. 14-31, particulièrement p. 17-18.
  • [10]
    Selon les mots de Robert Frank dans « Une histoire problématique, une histoire du temps présent », in : Vingtième siècle (Juillet-septembre 2001), p. 79-89, cit. p. 86-89.
  • [11]
    Gerd Krumeich : « Die Präsenz des Krieges im Frieden », in : Gertrude Cepl-Kaufmann, Gerd Krumeich, Ulla Sommers (Hrsg.) : Krieg und Utopie. Kunst, Literatur und Politik im Rheinland nach dem Ersten Weltkrieg, Essen : Klartext, 2006, p. 23-31.
  • [12]
    Marie-Claire Hoock-Demarle : L’Europe des lettres. Réseaux épistolaires et construction de l’espace européen, Paris : Albin Michel, 2008.
  • [13]
    Ce modèle avait prit forme à la fin du xve siècle dans un climat d’inquiétude religieuse marquée. Il connut son apogée au xviiie siècle. Cf. Didier Masseau : « République des Lettres », in : Michel Delon (dir.) : Dictionnaire européen des Lumières, Paris : PUF, 1997, p. 928-932.
  • [14]
    Robert Frank (note 10), p. 86-87.
  • [15]
    Par opposition au terme d’« initiateurs » utilisé par Chabot pour désigner des personnalités telles que le comte Richard Coudenhove-Kalergi ou bien encore le Dr. Heerfordt, appliquées à la réalisation pratique de leur idéal. Jean-Luc Chabot (note 1), p. 38-43.
  • [16]
    Landry Charrier : « Tensions internationales et relations intellectuelles franco-allemandes (1918-1925) », in [Collectif] : L’autre Allemagne : rêver la paix (1914-1924), Milan : 5 Continents, 2008, p. 95-101, voir p. 98.
  • [17]
    Bruno Cabanes, Guillaume Piketty : « Sortir de la guerre : jalons pour une histoire en chantier », in : Histoire@Politique. Politique, culture, société 3 (2007), URL = http://www.histoire-politique.fr/documents/03/dossier/pdf/HP3-Avantpropos-PikettyCabanes-PDF.pdf.
  • [18]
    Jean-Luc Chabot (note 1), p. 15-18. Par « organisations », Chabot comprend les mouvements européens, les revues, les congrès et les conférences publiques.
  • [19]
    Robert de Traz : De l’Alliance des Rois à la Ligue des peuples. Sainte-Alliance et SDN, Paris : Grasset, 1936, p. 249-250.
  • [20]
    Olivier Corpet : « Revues littéraires », in : Anneau des ressources francophones de l’éducation, http://www.arfe-cursus.com/revues.htm.
  • [21]
    Claude Hauser : « Les intellectuels suisses, leur rapport à l’État et aux autorités politiques : quelques réflexions », in : Pierre Ducrey, Hans Ulrich Jost (Hrsg.) : Jean Rudolf von Salis, die Intellektuellen und die Schweiz, Zürich : Chronos Verlag, 2003, p. 41-46, notamment p. 41.
  • [22]
    Se reporter par exemple aux débats qui suivirent la publication de la « Déclaration de l’indépendance de l’esprit » et du manifeste « Pour le Parti de l’Intelligence » ; cf. Yaël Dagan : La NRF entre guerre et paix, Paris : Tallandier, 2008, p. 202-217.
  • [23]
    BNF Paris. Fonds Maurice Barrès, Lettre de Robert de Traz à Maurice Barrès, 8 octobre 1921.
  • [24]
    Alain Clavien : Les Helvétistes. Intellectuels et politique en Suisse romande au début du siècle, Lausanne : Éditions d’en bas, 1993, p. 293.
  • [25]
    Ville de Genève. Bibliothèque publique et universitaire. Fonds Alfred Boissier. Correspondance reçue, 1961/6 : Ms. fr. 1645. f. 643.
  • [26]
    Catherine Guanzini, Peter Wegelin : Kritischer Patriotismus. Patriotisme critique. Patriottismo critico : Neue Helvetische Gesellschaft. Nouvelle Société Helvétique. Nuova Società Elvetica. 1914-1989, Bern : P. Haupt, 1989, p. 53-60.
  • [27]
    Maryvonne Stepczynski Maitre : « L’esprit de Genève » de Robert de Traz. Retour aux origines de la Genève internationale, Genève : Slatkine, 2002, p. 131.
  • [28]
    Max Mittler : Der Weg zum Ersten Weltkrieg : wie neutral war die Schweiz ? Kleinstaat und europäischer Imperialismus, Zürich : Verlag NZZ, 2003, p. 357-361.
  • [29]
    Landry Charrier : « La neutralité suisse à l’épreuve de la Première Guerre mondiale. L’Internationale Rundschau, une entreprise de médiation internationale ‘torpillée’ par la France (1914-1915) », in : La Revue LISA/LISA e-journal (à paraître en 2009).
  • [30]
    Fonds privé Robert de Traz. « Histoire de mes livres », document rédigé par Robert de Traz peu avant son décès ; Robert de Traz : L’Homme dans le rang, Lausanne : Payot, 1913.
  • [31]
    Robert de Traz : L’esprit de Genève (note 3), p. 159 ; Pour les impressions collectées par de Traz lors de sa tournée sur le front : Sur le front français. (Verdun et l’Argonne), Genève : Ed. Albert Kundig, 1917. Le texte est encore marqué par l’idéologie qui caractérisait L’Homme dans le rang.
  • [32]
    Edgar Morin : Penser l’Europe [1987], Paris : Folio/Actuel, 1990, p. 209.
  • [33]
    Robert de Traz : L’esprit de Genève (note 3), p. 155-156.
  • [34]
    Robert de Traz : Témoin, Neuchâtel : La Baconnière, 1952, p. 112. De Traz reprendra cette idée durant la Seconde Guerre mondiale, présentant « la maquette helvétique » comme « la gardienne des vérités européennes ». Cf. Claude Hauser : Esprit de Genève, esprit latin et esprit du Rhône : conflits et confluences (note 4), cit. p. 109.
  • [35]
    Robert de Traz : « Éditorial », in : La Revue de Genève I (Juillet-Décembre 1920), p. 3-7, cit. p. 6.
  • [36]
    Robert de Traz : L’esprit de Genève (note 3), p. 155-156.
  • [37]
    Ibid.
  • [38]
    Jean-Luc Chabot (note 1), p. 26-27.
  • [39]
    La devise que de Traz fit imprimer sur la couverture de sa revue jusqu’en novembre 1924 – « internationale sans être internationaliste » – en est une illustration parmi les plus édifiantes. Pour la citation de Thomas, Alfred Dufour : « Préface », in : Robert de Traz : L’Esprit de Genève (note 3), cit. p. 12.
  • [40]
    Par ordre de citation : Robert de Traz, L’esprit de Genève (note 3), p. 151-155, cit. p. 154. Fonds privé Robert de Traz : Lettre de Robert de Traz à Paul Seippel, 8 mai 1920, [Genève].
  • [41]
    Robert de Traz : « Éditorial » (note 35), p. 3.
  • [42]
    Robert de Traz : De l’Alliance des Rois à la Ligue des peuples. Sainte-Alliance et SDN (note 19), cit. p. 251.
  • [43]
    Par ordre de citation : Robert de Traz : « Éditorial » (note 35), p. 5 ; Jane Dieckmann/Herbert Dieckmann (Hrsg.) : Deutsch-französische Gespräche 1920-1950 : La correspondance d’Ernst Robert Curtius avec André Gide, Charles Du Bos et Valéry Larbaud, Frankfurt am Main : Klostermann, 1980, p. 189-191 (Lettre d’Ernst Robert Curtius à Charles Du Bos, Heidelberg, 5 janvier 1923).
  • [44]
    Robert de Traz : De l’Alliance des Rois à la Ligue des peuples. Sainte-Alliance et SDN (note 19), p. 105 et p. 165.
  • [45]
    Selon le mot d’André Gide. (Fonds privé Robert de Traz. Lettre d’André Gide à Robert de Traz [Fin décembre 1922-Début janvier 1923], Cuverville)
  • [46]
    Robert de Traz : « Éditorial » (note 35), p. 3.
  • [47]
    John Horne : « Introduction », in : Démobilisations culturelles après la Grande Guerre. 14-18. Aujourd’hui. Today. Heute 5 (2002), p. 45-53, cit. p. 46.
  • [48]
    Robert de Traz : « Éditorial » (note 35), p. 3-7.
  • [49]
    Landry Charrier : « Le dernier Barrès et sa réception en Allemagne 1918-1923 », in : Actes du colloque Literarische Deutungen des Ersten Weltkrieges und politische Ordnungsvorstellungen in Deutschland und Frankreich in den 1920er Jahren (Stuttgart, juin 2008), à paraître en 2009 dans un supplément de la Historische Zeitschrift.
  • [50]
    Pour une présentation détaillée de ce débat, se reporter à la version publiée de notre thèse de doctorat (note 6).
  • [51]
    John Horne : Introduction, p. 47. Voir aussi Landry Charrier : « Une amitié à l’épreuve de la crise de la Ruhr : Gide, Curtius et La Revue de Genève (décembre 1922-janvier 1923) », in : Chroniques allemandes 11 (2007), p. 273-291.
  • [52]
    Ernst Robert Curtius : « Zur Psychologie der deutsch-französischen Verständigung », in : Neue Rundschau 34 (1928) 1, p. 65-75, cit. p. 65.
  • [53]
    Pour augmenter l’impact de son enquête, de Traz fit publier de manière quasi simultanée un article présentant l’ouvrage de Spengler. Cf. Richard Grützmacher : « Oswald Spengler », in : La Revue de Genève VI (janvier-juin 1923), p. 563-580.
  • [54]
    Robert de Traz : « Y a-t-il une Europe ? », in : La Revue de Genève V (juillet-décembre 1922), p. 417-422, cit. p. 419.
  • [55]
    Un Européen : « Considérations politiques. L’unité de l’Europe », in : La Revue de Genève IV (janvier-juin 1922), p. 541-546, cit. p. 542.
  • [56]
    Édouard Beneš : « Pour l’avenir de l’Europe », in : La Revue de Genève III (juillet-décembre 1921), p. 319-329, cit. p. 328.
  • [57]
    André Gide : « L’Avenir de l’Europe. Le point de vue d’un Français », in : La Revue de Genève VI (janvier-juin 1923), p. 1-9, cit. p. 9.
  • [58]
    Voir par exemple : Jacques Rivière, « Les Revues. L’Avenir de l’Europe », in : NRF 20 (1923), p. 590-594 ; André Gide : « Die Zukunft Europas », in : Neue Rundschau (1923), p. 602-610. Il s’agit là d’une traduction du texte de Gide publié dans La Revue de Genève.
  • [59]
    Hans Manfred Bock : « Europa als republikanisches Projekt. Die Libres Entretiens in der Rue Visconti/Paris und die Décades von Pontigny als Orte französisch-deutscher Debatte und Begegnung », in : Lendemains 78/79 (1995), p. 122-156, cit. p. 132.
  • [60]
    Robert de Traz : [Introduction à un article de Vernon Lee : « En renouant la correspondance avec une amie ex-ennemie »], in : La Revue de Genève III (juillet-décembre 1921, p. 173-174, cit. p. 174.
  • [61]
    Cf. supra, note 18.
English

This article sets out to assess the way in which La Revue de Genève contributed to the development of the idea of a united Europe in the period between the two world wars. Robert de Traz’s periodical, which was based on a tragic perception of the situation in Europe, was a panegyric of a Europeist ideal, that drew its inspiration from the Genevan genius and the Helvetic political system. It was also a unique meeting point for those whose ideas were close to the spirit of the League of Nations.

Deutsch

Ziel dieses Artikels ist es, den Beitrag der Revue de Genève (1920-1930) zur Entwicklung der Europaidee während der Zwischenkriegszeit zu beurteilen. Die von Robert de Traz gegründete Zeitschrift trat für ein europäisches Ideal ein, das sich auf die Genfer Tradition und auf das politische System der Schweiz stützte. Die Revue de Genève war aber auch ein einzigartiger Begegnungsort verschiedenster individueller Gedankenströmungen im Sinne der Völkerbundsidee.

Landry Charrier [*]
  • [*]
    Landry CHARRIER, Université Blaise-Pascal (Clermont-Ferrand II), Département d’Études germaniques, Centre d’Histoire « Espaces et cultures » (CHEC), 31 place de Jaude F-63000 CLERMONT-FERRAND ; courriel : landrycharrier@gmail.com
Mis en ligne sur Cairn.info le 04/02/2015
https://doi.org/10.3917/eger.254.0363
Pour citer cet article
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