CAIRN.INFO : Matières à réflexion
Si j’étais entré dans les ordres, vocation qu’hélas ! je n’ai jamais eue, c’eût été sûrement chez les Franciscains.

1Ainsi Francis Poulenc (1899-1963) faisait-il part de sa dévotion à... saint Antoine, lors de ses entretiens radiophoniques avec Claude Rostand, en 1953-1954. « J’ai pour saint Antoine de Padoue, poursuivait-il [...], une extraordinaire dévotion, et cela depuis ma plus tendre enfance. Une chère grande statue verdâtre de ce saint ornait ma chambre jusqu’à l’âge de quatorze ans. À cette époque, ma nourrice a tenu à l’emporter comme une relique, lorsqu’elle s’est retirée dans le Morvan. »

2Les Franciscains ont inspiré plusieurs compositions à Francis Poulenc, dont les Laudes de Saint Antoine de Padoue (1957-1959) et (et peut-être surtout) les Quatre petites prières de saint François d’Assise (1948). Les textes de ces prières lui avaient été transmis par l’un de ses neveux, Frère Jérôme en religion, du couvent franciscain de Champfleury, près de Poissy (aujourd’hui dans les Yvelines). Le maître de chapelle cherchait « un musicien français de bonne volonté » susceptible de l’aider à renouveler le répertoire de ses chants. D’où ces Quatre petites prières pour chœur d’hommes, écrites par Poulenc dans sa maison de Noisay, en Touraine, à la fin de l’été 1948. Dépouillement et sensualité s’y mêlent en harmonie, comme une signature du maître. Lors d’une visite à Champfleury, Poulenc a confié aux frères qu’il avait écrit cette musique en se souvenant de son émotion quand, dans la basilique inférieure d’Assise, il avait entendu chanter l’Office divin.

3Francis Poulenc, décédé à Paris le 30 janvier 1963, se serait sans doute amusé de la coïncidence entre la franciscomanie papale actuelle et les commémorations du cinquantenaire de sa mort. Cela aurait tout autant réjoui le musicien et l’homme d’esprit que le croyant inquiet, qui répondait à la question « Est-ce que saint Antoine vous a fait retrouver beaucoup d’objets perdus ? » par : « Je n’emploie pas saint Antoine à ce genre de besogne. Je lui demande simplement de me faire me retrouver moi-même, et je compte bien sur lui, à l’heure de ma mort, pour le grand passage. » Concerts, disques, colloque, biographie ont salué tout au long de 2013 la mémoire d’une personnalité tourmentée, attachante, dont la musique se reconnaît après deux ou trois mesures, aussi bien par le plaisir parfois frivole que par la plus profonde émotion qu’elle suscite [1]. Là se trouve d’ailleurs l’origine des propos qui suivent. Ce ne sont ceux ni d’un érudit ni d’un musicologue ; tout au plus d’un amoureux des mélodies qui accompagnent une vie. Les enfants ignorent qui est ce Francis Poulenc, auteur de la musique de l’Histoire de Babar, le petit éléphant (1945). Les adultes ont en tête sans toujours s’en douter les notes des Chemins de l’amour (1940, paroles de Jean Anouilh !). Et les amateurs d’opéra savent qu’il n’est pas d’équivalent à l’effroi que provoque le coup sourd du couperet de la guillotine, à la scène finale des Dialogues des Carmélites (1947).

La formation volée

4Même si son tempérament dépressif et son hypocondrie ont parfois usé la patience de ses amis, Francis Poulenc n’a rien d’un artiste maudit. Il est né le 7 janvier 1899 dans une famille d’industriels aisés. En 1928, les Établissements Poulenc Frères fusionnent avec la Société chimique des Usines du Rhône pour donner naissance à Rhône Poulenc, longtemps l’un des fleurons de la chimie française. La famille paternelle est originaire d’Espalion, dans l’Aveyron. C’est plutôt par sa mère, issue d’une lignée d’artisans parisiens, que le jeune garçon sera mis en contact avec la création artistique. Théâtre, poésie, peinture (qu’il adore) et bien sûr musique excitent beaucoup plus – et très tôt – son esprit que les études classiques, pour lesquelles il ne montre pas grand attrait. Le malheur viendra pour lui de la disparition de ses parents, alors qu’il est encore adolescent, pendant la Première Guerre mondiale. Francis Poulenc n’évoquera jamais, sauf avec des intimes et en de très rares occasions, la mort de sa mère en 1915, et celle de son père en 1917. La dédicace des Dialogues des Carmélites n’en porte pas moins ces mots : « À la mémoire de ma mère, qui m’a révélé la musique ». Quant au décès de son père, il semble qu’il l’ait éloigné du catholicisme dans lequel il avait été éduqué et qu’il ne retrouvera que bien des années plus tard.

5Quand éclatera la Deuxième Guerre mondiale, Poulenc se plaindra que la Première lui avait volé sa formation musicale. Il est en effet mobilisé de janvier 1918 à janvier 1920. Et dans les années précédentes, son père avait souhaité qu’il prépare le baccalauréat, sans doute avec un répétiteur, puisqu’il avait quitté le lycée Condorcet après la classe de 3e. Il obtient la première des deux parties du baccalauréat de l’époque, revient étudier au lycée pour la seconde mais, toujours aussi piètre élève, il ne la décrochera jamais malgré plusieurs essais… Cela ne l’empêche pas de prendre pendant tout ce temps les leçons d’un exceptionnel professeur, le pianiste catalan Ricardo Viñes, auquel il affirmera plus tard tout devoir. Viñes lui fait travailler sa technique pianistique (Poulenc gagnera aussi sa vie, jusqu’à la fin, comme concertiste) et l’initie à la composition. Par son intermédiaire, par les relations de ses parents et des amis d’amis, il entre en contact avec ce qui compte ou va compter dans le paysage artistique et musical. Il connaît ou fréquente aussi bien Cocteau qu’Erik Satie, Paul Éluard que la libraire Adrienne Monnier rue de l’Odéon, le théâtre du Vieux-Colombier, et le surdoué Georges Auric, son « frère spirituel », avec lequel la connivence était si forte que bien des années plus tard leurs échanges devenaient inintelligibles à leurs amis.

Des dancings à la rigueur du contrepoint

6Ce qui frappe, dans ce parcours de jeunesse, c’est à la fois sa précocité et un cheminement hors des voies toutes tracées. La guerre y a sans doute sa part ; les folles années qui suivent aussi ; mais c’est avant tout un tempérament qui s’exprime. La Bibliothèque nationale de France conserve le manuscrit d’une composition de Francis Poulenc pour le piano, intitulée En barque, et écrite alors qu’il a à peine plus de dix ans. Enfant à l’évidence doué, il ne fréquente pourtant pas, et ne fréquentera jamais, le Conservatoire ou des institutions d’éducation musicale ayant pignon sur rue. Tôt, il suit ses parents aux concerts classiques, à l’Opéra. Les lettres qu’il écrit dans ses jeunes années montrent qu’il aime ces musiques et leurs interprètes, vis-à-vis desquels il fait preuve sans tarder d’une grande sûreté de jugement. Ce n’est toutefois pas ce qu’il préfère. Il traîne aussi, souvent en cachette, dans des music-halls où se déchaîne la gouaille parisienne et où commencent à arriver des musiques des Amériques dont les rythmes vont bientôt bouleverser y compris la musique savante. Il se rend à Nogent chez ses grands-parents maternels et se régale des guinguettes et des bals populaires. L’adolescent dont Mallarmé est le poète préféré, qui se passionne pour les peintres d’avant-garde, à commencer par Picasso, n’apprécie rien tant que les chansons un peu vulgaires et l’atmosphère moite des dancings de la Bastille.

7Francis Poulenc n’a vraiment étudié la composition musicale qu’à l’âge de 22 ans, au retour du régiment, alors même que ses premières pièces pour le piano ou pour les instruments à vent – qui conserveront toujours sa prédilection – avaient déjà été exécutées. Conscient des lacunes de sa formation, il consulte Darius Milhaud, qui l’oriente vers Charles Kœchlin, un personnage à part du paysage musical français. Polytechnicien, ancien élève de Massenet et Fauré, Kœchlin est considéré comme le maître de l’orchestration (son traité en la matière fait toujours autorité). Poulenc trouve auprès de cet esprit indépendant, indifférent à la notoriété, proche en politique du parti communiste, le pédagogue compréhensif dont il avait besoin. « Depuis la mort d’André Gedalge, a-t-il rappelé plus tard, Charles Koechlin était de loin, en France, le meilleur professeur de contrepoint. Sa science était prodigieuse, mais ce qu’il y avait de plus merveilleux chez lui, c’était son sens de l’adaptation à l’élève. Ayant de suite senti que, comme beaucoup de latins, j’étais plus harmoniste que contrapontiste, il me fit, parallèlement aux devoirs de contrepoint, réaliser en quatre parties des thèmes de choral de Bach. Ce travail, qui me passionnait, a eu une influence décisive sur moi. C’est grâce à cela que j’ai acquis le sens de la musique chorale. » Les enseignements successifs de Viñes et Kœchlin ont donné à Francis Poulenc le savoir et la liberté. Son style s’affirme pour la première fois face à un large public dans le ballet Les Biches, créé à Monte Carlo le 6 janvier 1924, par les Ballets russes de Serge Diaghilev, dans des décors et des costumes de Marie Laurencin. Les biches en question sont « des femmes habituées aux Rolls-Royce et aux colliers de perles de chez Cartier. À notre époque de dancing, elles sont trépidantes et bondissantes, subissant le réflexe de la vie moderne. [2] » Des fées se sont penchées sur cette création, à commencer par Igor Stravinsky, que Poulenc admire sans réserve. C’est un succès. « La nouveauté de ce ballet, a écrit Darius Milhaud, est de n’avoir point de scénario, point de sujet, rien à décrire, à suggérer, à exprimer, à commenter… Nous sommes en pleine fantaisie, et la musique s’y répand à cœur joie. Ce ballet se compose d’une suite de danses où la mélodie s’épanche sans trêve, s’insinue, se déroule avec une richesse, une élégance, un charme et une tendresse que seules les œuvres de Poulenc nous offrent avec tant d’abondance et de générosité. »

Les seules recettes utiles sont… « celles de cuisine »

8Chaque substantif choisi par Darius Milhaud est une clé du ton Poulenc, ce ton qui s’affirme de composition en composition. Plus tard viendront aussi la retenue et le dépouillement des pièces religieuses ou du chef d’œuvre, les Dialogues des Carmélites (et non pas le Dialogue) [3]. Dans l’immédiat, l’esthétique de Poulenc est fondue par la critique dans celle du « Groupe des Six », six musiciens réunis par Henri Collet (peut-être à l’incitation de Jean Cocteau) en parallèle avec « les Cinq » Russes du xixe siècle [4]. Les destins musicaux de Georges Auric, Louis Durey, Arthur Honegger, Darius Milhaud, Francis Poulenc et Germaine Tailleferre, se trouvent ainsi entremêlés ; et il est vrai qu’ils sont restés unis par de forts liens d’amitié [5]. Il ne s’agissait toutefois en aucun cas d’une École, et leurs goûts personnels étaient parfois fort opposés. En cette matière, Poulenc a refusé avec obstination quelque embrigadement que ce soit. L’une des façons de le comprendre est peut-être de rappeler ses observations sur l’un des grands novateurs français du xxe siècle, Olivier Messiaen. En 1946, Poulenc répond par quelques lignes brèves à la question posée par Le Littéraire (ancêtre du Figaro Littéraire) : « Y a-t-il un cas Messiaen ? » Il écrit : « Bien que désapprouvant totalement la littérature de Messiaen autant que les recettes de son traité de composition, les seules recettes utiles, étant, selon moi, celles de cuisine [6], il ne me viendrait pas un instant à l’esprit de nier la place de premier plan qu’occupe aujourd’hui ce musicien dans la production contemporaine. Son œuvre d’orgue, sans rivale, contient des pages d’une absolue beauté. S’il y a un “cas Messiaen”, il est d’ordre esthétique et non musical puisqu’il s’agit indiscutablement d’un musicien né. » Pas de pathos littéraire autour de la musique ! Elle se suffit à elle-même. Francis Poulenc aura l’occasion d’évoquer les analyses musicales « absolument admirables » d’Olivier Messiaen, de se féliciter que lui ait été confiée la classe de composition du Conservatoire, et d’estimer que le Turangalîla-Symphonie « c’est tout de même plein de magnifique musique » ; mais il a en horreur tout ce qui pourrait ressembler, même de très loin, à un quelconque dogmatisme.

9Il en va de même pour les dodécaphonistes. En 1922, il rend visite, avec Milhaud, à Arnold Schönberg. Il rencontre Webern, et Berg, dont il porte la musique aux nues ; mais l’esprit de système du « dodéca » lui fait horreur. Liberté d’esprit, de création et de mœurs sont chez lui indissociables, même si son homosexualité, qu’il ne dissimule pas (y compris en entretenant ses amis de détails intimes) lui fait vivre de douloureuses passions. Liberté, c’est le titre du poème de Paul Éluard qui clôt la cantate Figure Humaine, pour double chœur a cappella, composée par Poulenc sous l’occupation, et qui ne sera donnée en première audition à Londres que le 25 mars 1945, et à Paris le 22 mai 1947. Le 27 juillet 1944, Poulenc écrivait à la comtesse Jean de Polignac : « Il y a une œuvre, une seule peut-être qui me prouve que j’ai bien fait d’écrire de la musique, c’est ma cantate sur des poèmes d’Éluard dont je possède ici un exemplaire secret. Je la joue chaque jour et elle déjoue ma pire mauvaise humeur, mes plus acerbes critiques, par sa probité et sa foi. »

« Je suis catholique. C’est ma plus grande liberté »

10En août 1936, Francis Poulenc est bouleversé par la mort du compositeur Pierre-Octave Ferroud, de quelques mois son cadet. Celui-ci a été victime d’un accident d’automobile, en Hongrie. Au même moment, il retrouve ses amis Pierre Bernac (l’interprète préféré de ses mélodies, avec qui il a donné d’innombrables concerts et enregistrements) et Yvonne Gouverné (fondatrice de la chorale qui porte son nom) pour un séjour en Corrèze, dans le Lot, et à Espalion, dans l’Aveyron, terre de ses ancêtres. À cette occasion, il visite le sanctuaire de Rocamadour et sa Vierge Noire, impressionnant lieu de pèlerinage à pic sur la rivière Alzou. Que se passe-t-il ? Poulenc emporte avec lui une image pieuse avec, au dos, les Litanies à la Vierge Noire. Dans les jours qui suivent il les met en musique, en restant au plus près du texte. Réveil, retour à la religion de son enfance ? Les seules certitudes sont que cette première œuvre religieuse sera suivie de beaucoup d’autres, et que Poulenc ne cessera plus d’entretenir ses amis du réconfort que lui apporte sa foi : « Je suis catholique. C’est ma plus grande liberté », affirmera-t-il un jour. Dans un récent livre de souvenirs, le chef d’orchestre Georges Prêtre parle même de mysticisme quand il évoque ce lecteur assidu de Jean de la Croix : « Les amis sincères comme lui sont rares, et il était un homme très bon, très humain. Un mystique au grand cœur… [7] » Écrire que les pièces religieuses de Poulenc frappent avant tout l’auditeur par leur authenticité – ce qui n’exclut pas, comme dans sa Messe (1937) pour chœur mixte a cappella, une grande complexité harmonique qu’il se plaisait lui-même à souligner – est presque une banalité. Poulenc en était pourtant bien conscient, lui qui ne détestait rien tant que le formalisme et la facticité d’un Fauré. « Qu’y puis-je ?, déclarait-il à Claude Rostand. Pourquoi m’en vouloir ? Il y a des gens qui détestent le champagne, le caviar, les truffes ! Eh bien moi, je suis allergique à Fauré, et cela depuis toujours. La Sonate de violon, les Quatuors demeurent la bête noire des concerts de mon enfance. Ces jours-là, j’aurais souhaité qu’on me prive de musique. Évidemment, avec l’âge, je me suis rendu compte que Fauré est un très grand musicien, mais son Requiem me ferait perdre la foi, et c’est un véritable supplice pour moi que de l’entendre. C’est vraiment une des seules choses que je haïsse en musique. »

11Tiraillé entre l’affirmation jamais démentie de la pureté du sentiment amoureux – qui que soit son objet – et les tourments charnels de son homosexualité, Francis Poulenc était fasciné par l’intensité de la foi et par son dépouillement. C’est ce qui le conduira à mettre en musique les carmélites de Georges Bernanos. C’est ce qui explique aussi son admiration sans condition pour un musicien ascète comme Manuel de Falla. Le récit de leur dernière rencontre, à Venise, qualifiée par Poulenc lui-même d’une des journées « les plus rares et les plus miraculeuses que j’aie jamais vécues », mérite d’être rapporté. Partis pour une promenade en fin d’après-midi, Poulenc et Falla entrent dans une église « tendue de damas rouges. Il y avait une violente odeur d’encens et de tubéreuses qui vous serrait les tempes. Un organiste avait l’air de jouer pour nous et très purement du Frescobaldi. Sitôt entré dans l’église, Falla s’abîma en prière, et de même que l’on raconte que certains saints en extase disparaissaient tout à coup à la vue des profanes, eh bien, j’ai eu l’impression de perdre Falla. Au bout d’un long moment, décidé à m’en aller, je m’approchai de lui et lui tapai sur l’épaule. Il me regarda un instant sans me voir, puis se replongea dans sa prière ! Je sortis de l’église, et depuis, je n’ai jamais revu Falla car le soir même il reprenait le train, tandis que je répétais à la Fenice. Falla rentra à ce moment en Espagne… et n’en ressortit qu’avec la guerre civile pour gagner l’Argentine. Je ne l’ai donc jamais revu. Pour moi, cette ultime vision d’un musicien que j’ai toujours beaucoup aimé et beaucoup admiré… c’est une sorte d’Assomption ! »

12Les mélodies et chansons, les concertos pour piano, orgue ou clavecin, la musique de chambre ont sans doute davantage assuré la notoriété de Poulenc que ses œuvres religieuses. Paradoxe, c’est dans ces compositions sacrées qu’il a sans doute mis le plus profond de lui-même, en particulier une enfance qu’il n’a cessé de revivre, revisitant sans cesse le souvenir plein d’infinie tendresse d’une mère tant aimée. La disparition de ses proches est pour lui une insurmontable épreuve. Après les obsèques d’Arthur Honegger, le 2 décembre 1955, il s’écrie : « Ce fut affreux ! Je ne veux pas qu’on m’en parle, jamais ! Jamais ! » Pourtant, la gravité, le caractère austère de certains thèmes n’évacuent jamais tout à fait de son travail la gaieté canaille assumée de sa jeunesse. À quelques-uns qui s’étonnaient d’une certaine légèreté de son Gloria (1961), il répondra qu’il s’était inspiré de la dérision présente chez certains peintres italiens de la Renaissance, sans que cela n’altère en quoi que ce soit l’expression de la foi. L’une de ses dernières œuvres, les Sept Répons des Ténèbres, est achevée au printemps 1962, mais ne sera créée qu’un an plus tard, à New York, après sa mort. Il s’agit en fait d’une Passion que sa retenue l’avait peut-être empêché de nommer ainsi. Les textes sont tirés de la liturgie de la Semaine Sainte. L’exécution demande d’importants moyens : soprano solo (Poulenc tenait à ce que ce soit une voix d’enfant), chœur mixte (voix d’enfants et voix d’hommes) et orchestre. Ce qui fait que ces Répons, et c’est dommage, ne sont plus guère joués aujourd’hui. Quel pressentiment avait donc Poulenc en composant le dernier d’entre eux : « Ecce quomodo moritur justus » ?

Notes

  • [*]
    Professeur à l’Institut d’Études politique de Paris.
  • [1]
    Un premier, fort et passionnant volume, Francis Poulenc, J’écris ce qui me chante, textes et entretiens réunis, présentés et annotés par Nicolas Souton, est paru en 2011 chez Fayard (982 pages). La plupart des citations rapportées ici lui sont empruntées. Chez Fayard toujours, Hervé Lacombe, professeur de musicologie à l’Université Rennes 2, a publié en 2013 une formidable biographie, Francis Poulenc (1104 pages), qui mêle biographie proprement dite (avec de nombreuses sources inédites) et analyse des œuvres sans aucune lourdeur, ce qui est rare dans ce type d’exercice. Le livret du coffret des Œuvres complètes de Francis Poulenc (20 CD chez EMI), dû à Jean Roy, est également riche d’intéressantes et utiles informations.
  • [2]
    Francis Poulenc, J’écris ce qui me chante, op. cit., p. 531.
  • [3]
    Ils seront mis en scène par Olivier Py au Théâtre des Champs-Élysées du 10 au 21 décembre.
  • [4]
    Balakirev, Borodine, Cui, Moussorgski et Rimski-Korsakov.
  • [5]
    Même si Poulenc y est assez peu présent, la biographie d’Arthur Honegger par Harry Halbreich, Fayard, 1992, reste indispensable pour connaître les conceptions musicales de ce Groupe.
  • [6]
    Poulenc était, de fait, fin gastronome et excellent cuisinier !
  • [7]
    Georges Prêtre, La Symphonie d’une vie. Entretiens avec Isabelle Prêtre, Écriture, 2013. Georges Prêtre a dirigé les 25 et 26 septembre 2013 l’Orchestre National, salle Pleyel, pour deux concerts d’hommage à Francis Poulenc (voir www.poulenc.fr).
Français

Francis Poulenc se serait sans doute amusé de la coïncidence entre la franciscomanie papale actuelle et les commémorations du cinquantenaire de sa mort. Les mélodies, les concertos pour piano, orgue ou clavecin, la musique de chambre ont sans doute davantage assuré la notoriété de Poulenc que ses œuvres religieuses. Paradoxe, c’est dans ces compositions sacrées qu’il a sans doute mis le plus profond de lui-même.

Jean-Luc Pouthier [*]
  • [*]
    Professeur à l’Institut d’Études politique de Paris.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 11/10/2013
https://doi.org/10.3917/etu.4194.0363
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