CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 Ines Cavalcanti est une figure centrale de l’occitanisme italien, mouvement politico-culturel au sein duquel j’enquête depuis 2009, dans le but d’appréhender le processus de construction d’une identité et d’un territoire occitans dans les vallées piémontaises de langue d’oc [1]. Adossé à la frontière franco-italienne, cet éventail d’une douzaine de vallées comprises au sein des provinces de Turin et de Cuneo (et débordant marginalement sur la province ligure d’Imperia) constitue la portion la plus orientale du territoire de diffusion de la langue d’oc, lequel englobe le Midi français et s’étend jusqu’au Val d’Aran espagnol. Ces vallées sont désignées aujourd’hui de façon croissante par l’appellation « Vallées occitanes d’Italie » du fait de la reconnaissance d’une minorité de langue occitane sur ce territoire depuis 1999 par l’État italien, à la faveur de la loi dite « 482 ».

2 Depuis plus de quarante ans, Inès consacre sa vie à son idéal : elle donne du sens à son existence à travers le rêve d’une « nation imaginée » [Anderson, 1996], l’Occitanie, qu’elle contribue dans le même temps à faire vivre par son expérience et par son travail. Il s’agit d’une figure d’exception issue du domaine du politique, lequel constitue un terreau fertile à la fabrique de l’exceptionnalité par les formes d’engagement, de dévouement, voire de sacrifice, qu’il engendre.

3 Je choisis ici d’appréhender l’exceptionnalité comme une entreprise de construction à laquelle concourent plusieurs éléments. À l’instar du modèle élaboré par Howard Gardner [1999] afin d’appréhender les « personnalités exceptionnelles », j’explorerai l’« articulation dynamique » existant entre la figure elle-même (Ines), le domaine (l’occitanisme) et le champ (l’ensemble des acteurs susceptibles d’évaluer son travail) au sein desquels elle inscrit son action militante [ibid : 18]. Cette approche correspond aussi aux préconisations d’Olivier Fillieule concernant l’étude des carrières militantes devant articuler « l’analyse des trajectoires individuelles à celles, d’une part, de l’espace dans lequel s’exercent les activités sociales considérées et, d’autre part, du ou des groupements dans lesquels s’exercent ces activités[2] » [Fillieule, 2001 : 210].

4 Ainsi, je prendrai en compte dans un premier temps le regard extérieur dans la fabrique de l’exceptionnalité : qui désigne Ines en tant que militante d’exception ? Comment émerge-t-elle de la nébuleuse occitaniste ? Je dresserai ensuite un portrait de cette femme à partir des étapes saillantes de son parcours biographique et militant en le concevant comme « un travail de composition à partir d’une rencontre fondatrice d’une recherche » [Massard-Vincent, Camelin et Jungen, 2011 : 20] résultant d’une relation au long cours et d’une fréquentation, par périodes, quotidienne et intense [3]. Enfin, j’examinerai l’impact de cette figure d’exception sur le milieu dont elle est issue ainsi que sur le contexte au sein duquel elle déploie son action à travers l’analyse du nouveau dispositif militant qu’elle a contribué à mettre en place.

« Ines est l’occitanisme ! » : la figure d’exception entre reconnaissance et déni

5 Ines est reconnue aujourd’hui comme la figure de proue de l’occitanisme italien par l’ensemble des acteurs de la revendication. L’un d’eux va jusqu’à affirmer lors d’une conversation : « Ines est l’occitanisme ! [4] ». Au sein du monde militant, elle suscite pourtant des sentiments allant d’un pôle extrêmement positif à un pôle extrêmement négatif. Comme le résume bien un informateur : « Ines, si on la comprend on l’adore, si on ne la comprend pas on peut la haïr ! ». Si on la décrit volontiers comme une « force de la nature », un « volcan », une « visionnaire » voire un « génie », elle est aussi qualifiée d’« ogresse », d’« escroc » et de « traîtresse ». On invoque sa générosité, son ouverture d’esprit ou sa capacité de travail et on pointe dans le même temps son arrivisme, sa dureté et son impétuosité, on la décrit à la fois comme le plus méritoire défenseur de la cause occitaniste et celle qui en aurait miné le sens profond. Un informateur me confie que « si elle n’avait pas ce mauvais caractère, elle serait une chose divine qui nous serait tombée du ciel, honorée et aimée par tous […] en réalité, elle est critiquée et détestée par tous ! ». Ines est aussi la cible privilégiée des adversaires de l’occitanisme [5] engagés dans la déconstruction de ses contenus culturels et identitaires pour qui elle est « la principale tête pensante qui invente toutes ces balivernes ! ». Ces propos et réactions exacerbés témoignent de l’ambivalence qui est selon Howard Gardner au cœur des rapports d’amour/haine que nous entretenons avec les personnalités exceptionnelles [Gardner, 1999 : 12]. Ainsi, si au cours de sa carrière militante Ines fut en première ligne au sein des plus importants groupements revendicatifs, elle fut également au centre de ruptures cruciales ayant marqué l’occitanisme ou, comme elle préfère le raconter, elle fut souvent « mise à la porte » d’organismes, associations et projets qu’elle avait contribué à créer.

6 Si les vallées occitanes d’Italie sont le « paradis perdu » [Merle, 2009] ou l’« Eldorado » [Sano, 2008 : 6] des occitanistes français [6], Ines représente pour ces derniers l’image même de la revendication exceptionnelle qui s’y développe notamment grâce à une pratique pan-occitaniste qui lui a permis de tisser de nombreux liens. De plus, son personnage a été fort médiatisé grâce à des initiatives militantes spectaculaires dont elle est elle-même à l’origine. La plus remarquable est sans doute l’Occitània a pè (Occitanie à pied), une marche de plus de deux mois traversant l’Occitanie des Alpes aux Pyrénées, qu’un groupe de sept marcheurs – dont Ines – a entreprise en 2008 afin de demander l’inscription de l’occitan sur la liste du Patrimoine culturel immatériel de l’Unesco. Ceci, ajouté à son rôle dans le film Il vento fa il suo giro[7], a largement contribué à accroître sa visibilité et à nourrir l’image de son exceptionnalité. Cette reconnaissance au sein de l’occitanisme transnational est d’autant plus remarquable que peu de femmes y occupent des positions de pouvoir. Un militant, qui aime à la qualifier d’« ogresse », la situe dans la lignée des rares femmes ayant marqué l’occitanisme qu’il décrit comme des « machistes à l’envers ». Ainsi, Ines parvient à bousculer les frontières d’un monde militant marqué par une domination genrée dont elle est par ailleurs bien consciente : « L’élite militante est masculine et misogyne », affirme-t-elle.

Photo prise par Sergio Beccio à Turin en 2006, à l’occasion de la présentation officielle du projet
« Occitan lenga olimpica »
dans le cadre des Jeux olympiques d’hiver de Turin (2006).

7 Ines est aussi une référence importante pour ceux qui arrivent dans les Vallées occitanes pour y vivre ou y travailler et qui parviennent à elle grâce à un système de bouche à oreille. Il peut s’agir par exemple de néo-ruraux ayant ouvert un gîte d’étape et souhaitant organiser des rencontres sur la vie en montagne, de familles de nouveaux résidents ayant des problèmes d’intégration, de personnes voulant développer une activité commerciale ou artisanale avec un label occitan et qui viennent lui demander un conseil ou un partenariat, d’écrivains ou de musiciens désirant publier leurs œuvres avec la maison d’édition associée à la Chambra d’Òc [8]. Elle est aussi une référence pour les nombreuses personnes qui frappent à sa porte ou lui téléphonent (son domicile est aussi le siège de son association) en quête de renseignements sur la langue et la culture occitanes. Il peut s’agir de touristes, de journalistes, d’étudiants [9] ou de chercheurs qui, comme moi, viennent questionner Ines sur l’occitanisme ou sur différents aspects de la culture locale. Aussi, rompue à l’exercice de l’entretien et consciente de la valeur de son témoignage, Ines me posa, avant de m’accorder un premier entretien, diverses questions sur mon objet de recherche, mon approche anthropologique, les personnes encadrant mon travail, questions dont la précision me surprit. Ines est ainsi devenue une personne-relais en raison de sa connaissance approfondie du territoire et de son positionnement à l’intersection d’une multiplicité de réseaux – elle affirme posséder une « mappa del territorio » (sorte de carte mentale du territoire) et exercer le rôle de « médiateur territorial » – et peut, à ce titre, dispenser des conseils, mettre en relation des personnes ou les diriger vers des organismes compétents.

8 Une dernière catégorie d’acteurs contribuant à construire son image de militante d’exception est constituée par les institutions publiques locales et régionales au sein desquelles elle est parvenue à introduire la question occitane. Tout d’abord à travers un engagement direct, car pendant de nombreuses années elle fut conseillère à la culture à la mairie de son village natal et à la Comunità Montana[10] de sa vallée. Mais c’est à travers une pratique poussée du lobbying avec son association, ces dernières années, qu’elle a réussi à ancrer profondément la question occitane sur la scène publique en devenant le référent privilégié de la Région Piémont et de la Province de Turin en matière de minorités linguistiques. Bien que le mouvement occitaniste ait vocation à défendre une cause collective ayant trait au bien commun et à l’intérêt général, son organisation et son fonctionnement ont été en effet assurés jusqu’alors par le tissu associatif qui relève du secteur privé [11]. À la tête d’un réseau composé par les trois autres minorités linguistiques reconnues au Piémont par la loi nationale dite « 482 » (à savoir celles de langue Walser, franco-provençale et française), Ines a ainsi joué un rôle crucial dans le développement d’une politique publique et d’un espace pour leur action et leur visibilité. Ines est aussi identifiée comme la représentante des Occitans dans le monde institutionnel des minorités linguistiques italiennes [12] ; parmi la multitude d’appels téléphoniques qu’elle reçoit quotidiennement, il y a souvent aujourd’hui celui d’un militant du mouvement valdôtain ou sarde ou encore d’un représentant des Slovènes d’Italie. Grâce à la reconnaissance institutionnelle dont elle bénéficie désormais, sa notoriété a largement dépassé le monde restreint de l’occitanisme. C’est lors d’événements publics liés à ce réseau que j’ai entendu certaines figures politiques la qualifier de « pasionaria occitane », appellation qu’utilise aussi Paolo Rumiz, écrivain et journaliste du quotidien La Repub­blica, dans un ouvrage sur les montagnes italiennes : « Ines Cavalcanti, pasionaria occitane, frange courte à la Jeanne d’Arc » [Rumiz, 2007 : 168]. En décloisonnant la question occitane du milieu occitaniste et en travaillant à en faire un enjeu de la politique culturelle régionale, Ines a donc réussi à briser une autre frontière, entre domaines privé et public.

Portrait d’une passionnée de la cause occitane

9 Lorsqu’elle doit répondre à des questions sur l’origine de son engagement militant, Ines commence systématiquement par énoncer son appartenance à Elva : « Je suis une montagnarde, née à Elva, un village occitan », me dit-elle lors de notre première rencontre. Suivant le parallèle entre portrait photographique et anthropographique établi par Josiane Massard-Vincent, Sylvaine Camelin et Christine Jungen, Elva – petit village reculé de la Vallée Maira souvent présenté comme un conservatoire de la culture occitane – émerge comme un « hors-champ » [Massard-Vincent, Camelin et Jungen, 2011 : 22] de première importance, c’est-à-dire comme un élément secondaire apparaissant à travers le récit du personnage principal et qui contribue à notre connaissance de celui-ci. Elva nous dit alors la vie en montagne, l’occitan comme langue du quotidien, le travail harassant, la communion avec la nature et les animaux, etc. Dans un entretien, Ines raconte ainsi sa vie dans le village où elle a habité jusqu’à l’âge de dix ans :

10

Même les enfants à cette époque contribuaient à l’économie familiale. À cinq ans, je travaillais avec ma famille patriarcale en gardant les vingt vaches que nous possédions, j’en étais responsable. L’été on faisait les foins et les jours de chaleur, en voyant passer les touristes, je me disais : « Qu’ils sont stupides de se fatiguer ainsi de leur plein gré ». [13]

11 Ayant utilisé comme langue principale l’occitan dès son plus jeune âge, Ines fait partie de la catégorie des occitanophones naturels, statut prestigieux et finalement assez rare au sein du monde militant actuel. Connaissant de plus la vie et le travail en montagne – ce dont peu de militants peuvent se prévaloir –, elle incarne en quelque sorte l’idéal-type occitan tel qu’il fut peint par les premiers acteurs de la revendication en Italie. Pour ces derniers en effet, le monde social des hautes vallées a fourni les éléments nécessaires au façonnement d’un imaginaire collectif et c’est autour de la figure du montagnard – dépositaire d’une culture authentique qui trouve son expression principale dans la langue – que s’est articulé le discours revendicatif.

12 En 1961, à la suite de la mort de son père lors d’un accident du travail, Ines quitte Elva avec le reste de la famille et s’installe dans la plaine [14] : « Nous sommes partis et je ne suis quasiment plus retournée au village… et je l’ai presque oublié, enfin j’ai presque voulu oublier la vie que nous menions là-haut », me dit-elle.

13 Après cette parenthèse de prise de distance avec ses origines, dans la vie d’Ines s’opère une sorte de conversion : en 1970, alors qu’elle vivait une crise dans sa vie personnelle, elle rencontre François Fontan – théoricien de l’ethnisme et père du nationalisme occitan – et quelques jeunes occitanistes, dont Dario son futur époux. Sa vie bascule :

14

Jusqu’en 1970, je ne savais pas que j’étais Occitane, je ne savais même pas le nom de la langue que je parlais. Pour désigner notre langue, on disait parler a nosto modo[15]. On voyait les vallées comme un lieu isolé, sans identité et, dans un certain sens, sans futur. François Fontan, Occitan venu de l’autre côté des Alpes, s’est installé un jour à Frassino dans la Vallée Varaita et avec sa « prédication » sur l’Occitanie, il m’a ouvert une fenêtre, j’ai regardé dehors et j’ai découvert un autre monde [16].

15 Commence alors la fréquentation du monde militant et l’apprentissage de l’occitanisme, l’engagement dans le Movimento autonomista occitano (mao) et les séjours en Occitània granda ainsi que les occitanistes italiens nomment l’Occitanie d’outre-Alpes. Ines et Dario se marient et vont vivre dans un village à l’orée de la Vallée Maira, à la limite du territoire de diffusion de l’occitan. Leur couple devient une icône au sein du monde occitaniste : tous deux sont des militants passionnés du mao, elle est engagée dans la vie politique locale et lui est le premier chanteur-compositeur en occitan des vallées. Leur mariage même, célébré en costume traditionnel et en langue occitane, est mis au service de la cause en devenant une occasion pour « secouer l’opinion publique » ainsi qu’ils le déclarent à un journaliste du quotidien La Stampa, lequel commente cet événement comme il suit :

16

Ines et Dario sont soudainement devenus les personnages de ces vallées : ils ont été les premiers à vouloir un mariage en costume et en langue occitanienne. Ce soir, il y aura des danses et des chants : on dansera la gigo, danse d’Occitanie, on mangera l’aioulì, une savoureuse sauce provençale. Ce mariage dans l’humble église de Roccabruna va bien au-delà de la simple fonction religieuse : il est le cri de dénonciation d’une minorité ethnique et linguistique qui, de jour en jour, sent qu’elle perd ses origines [17].

17 Fontan est beaucoup plus qu’un mentor idéologique pour Ines, il est presque un guide spirituel – « François Fontan était un illuminé même s’il n’était pas un religieux et, nous, nous étions ses disciples », me dit-elle – et aussi une figure affective centrale dans sa vie : il a été témoin à son mariage, il a vécu souvent chez le jeune couple où encore aujourd’hui sa photo voisine avec une carte d’Occitanie dans le salon. Ines me raconte que Fontan, lui-même personnage charismatique et controversé au destin exceptionnel et tragique [18], la désigne dès le début de leur collaboration comme le futur leader de l’occitanisme, souhaitant lui passer, en quelque sorte, le témoin de l’exceptionnalité (notons que l’aspect prophétique de cet énoncé va s’ajouter à la terminologie religieuse qu’elle emploie à son égard). Pourtant, jusqu’à la fin des années 1980, elle se considère comme une militante brillante parmi d’autres et se trouve ainsi face à une sorte de déni de prédestination.

18 Ines œuvre sans relâche au sein du mao et aussi dans d’autres groupes, proches idéologiquement mais aux pratiques complémentaires, tels ceux ayant en charge le journal Ousitanio Vivo et la revue Valados Usitanos. Mais au cours de la première moitié des années 1980, lorsque l’activité politique du mao s’étiole et que s’opère une rupture avec le groupe de Valados Usitanos, Ines marque une pause dans son engagement militant. Certains nouveaux thèmes divisent le mouvement : ceux qui, comme Ines, prônent une professionnalisation du militantisme et l’exigence de travailler en partenariat avec les institutions, défendent un projet de développement économique basé sur la culture occitane ou sont investis dans une dynamique pan-occitaniste, s’opposent à ceux qui défendent le bénévolat et l’autonomie de la revendication, n’entendent pas « marchandiser la culture occitane » (selon l’expression d’un informateur) ou privilégient le local et ses spécificités ainsi qu’une action essentiellement culturelle (ethnographie, dialectologie, histoire, etc.) visant à les mettre en valeur.

19 Au cours des années 1990, l’occitanisme politique s’estompe graduellement, et on assiste à un redimensionnement des aspirations autonomistes en faveur d’une progressive reconnaissance institutionnelle aussi bien à l’échelon régional [19] que national [20]. En 1999, le Parlement italien vote la loi dite « 482 » et Ines, qui est devenue à 35 ans une « baby-retraitée [21] » et peut donc se consacrer pleinement à la cause occitane, est sollicitée pour participer à un grand projet territorial (financé par la Communauté européenne et soutenu par la Région Piémont) qui doit aboutir à la constitution d’un consortium d’institutions publiques dénommé Espaci Occitan et suscitant de grands espoirs au sein du monde militant. Avec ce projet, Ines découvre que sa véritable « vocation dans le domaine occitan est de créer et de coordonner », comme elle le confie à la sociolinguiste Luisa Pla-Lang [2008 : 163], et elle vit cela comme une véritable mission : « Je sens que ceci est le rôle que je dois interpréter dorénavant », me dit-elle. Avec un professionnel de la conception de projets culturels régionaux et européens, elle est en effet chargée de mettre en place et de gérer des groupes de travail différents, comme celui devant proposer une normalisation linguistique de l’occitan alpin. Ines se trouve à la tête d’un projet d’une envergure et d’une solidité inédites, mais la constitution de l’Espaci Occitan fait éclater les conflits latents au sein du mouvement, et elle se trouve à nouveau au centre d’une rupture, rejetée par un organisme qu’elle a contribué à créer. Cette rupture en entraîne par ailleurs une autre avec l’association Ousitanio Vivo au sein de laquelle elle travaille depuis presque trente ans. Si cet épisode constitue la rupture la plus douloureuse – « J’ai été très mal, j’ai même eu des problèmes au cœur ! », me confie-t-elle – il signe dans le même temps le début d’une « renaissance » personnelle et militante comme elle l’affirme elle-même.

20 Avec quelques militants ayant souhaité la suivre et formant désormais autour d’elle une « communauté émotionnelle » [Weber, 1995 : 322], Ines « repart à zéro » en 2002 avec l’association Chambra d’Òc[22] à un moment où la plupart des occitanistes se désengagent d’une cause qui bénéficie désormais d’une prise en charge institutionnelle et où de nombreuses portes lui sont fermées en raison des conflits passés. Alors que le siège de la Chambra d’Òc se trouve au sein de la province de Cuneo et que c’est sur ce territoire qu’Ines et ses collaborateurs ont œuvré principalement jusqu’ici, l’association bouleverse la géographie de ses alliances en élargissant son rayon d’action vers la province de Turin [23]. Elle entame alors un partenariat fécond avec l’institution provinciale qui débute, en vue des Jeux Olympiques de Turin (2006), avec la campagne de sensibilisation Occitan lenga olimpica (Occitan langue olympique) dont le but est d’affirmer l’identité occitane des montagnes turinoises où se déroule l’événement en profitant de la visibilité mondiale offerte par l’occasion. Ines retrouve dès lors un engagement intense. Elle peut développer la vison de l’occitanisme qu’elle a mûrie au fil des échecs et des ruptures et donner libre cours à sa nouvelle vocation au sein du mouvement. Elle commence enfin à se reconnaître et à être reconnue en tant que leader de l’occitanisme italien, elle devient un véritable personnage public et contribue, dans ce nouveau contexte, à édifier un nouveau modèle militant dont on constate aujourd’hui la réussite : la « prophétie » émise par François Fontan plus de vingt ans auparavant se réalise.

Entre permanence et renouveau

21 Ines conduit aujourd’hui avec son association une activité dans le domaine des langues et des cultures minoritaires en utilisant une méthodologie de travail qui rompt nettement avec les habitudes organisationnelles « soixante-huitardes » (selon ses termes) du mouvement occitaniste dont elle est issue. Voici les caractéristiques principales de ce qu’Ines appelle le « modèle Chambra d’Òc » : professionnalisation de l’activité militante, travail en partenariat avec les institutions publiques ou avec des acteurs économiques, responsabilité individuelle dans la mise en œuvre de projets, spécialisation des compétences, « passage de modèles » entre minorités et formation de « réseaux légers » de travail (ce sont ses formules) et, enfin, mélange d’activités culturelles occitanes et non occitanes afin d’atteindre un public plus vaste. Notons que, au sein de ce modèle, un changement majeur affecte aussi bien le statut de militant que celui du destinataire de son travail. Si le travail militant était jadis réservé aux Occitans dans un souci pédagogique et identitaire, aujourd’hui celui-ci s’adresse, comme l’affirme Ines, à un « public », c’est-à-dire à un ensemble hétéroclite d’usagers potentiels : population locale – occitanophone ou non –, touristes, occitanistes français ou encore amateurs de langues minoritaires. On relève aussi une évolution terminologique qui nous renseigne sur le nouveau statut de militant : à côté de l’usage de la formule « militant occitaniste », Ines recommande aussi celles de « créateur culturel » ou de « militant pour le développement territorial ».

22 Dans une journée type, Ines peut rencontrer le matin le délégué à la culture au siège de la Région Piémont ou organiser une réunion de travail avec les collaborateurs du réseau des minorités piémontaises. L’après-midi, elle peut travailler à un nouveau projet que la Province de Turin lui a confié ou organiser la présentation du dernier livre qu’elle a publié avec la Chambra d’Òc. Le soir, elle peut présider l’inauguration d’un cours de langue ou de musique occitane que son association parraine ou débattre dans une rencontre sur le repeuplement de la montagne. Si la frontière entre sa vie privée et sa vie militante était déjà peu délimitée auparavant, aujourd’hui on constate une véritable superposition de ces deux sphères : elle est mariée avec un militant occitaniste, ses enfants et petits-enfants portent des noms occitans, et la langue de la famille est exclusivement l’occitan (ce qui est rare même dans les familles militantes). Sa famille, y compris les compagnes de ses enfants, est entièrement engagée dans la cause occitaniste (ce « familialisme » dans la gestion d’une cause collective lui vaut par ailleurs de virulentes critiques) et sa maison est le cadre d’un ballet constant de militants et de collaborateurs. Quant à ses relations amicales, lorsqu’elles ne sont pas issues du monde occitan, elles sont sensibilisées à celui-ci. Ses activités en dehors de l’occitanisme entretiennent souvent un lien indirect avec lui, comme sa fréquentation régulière de groupes de méditation, d’évolution spirituelle ou de jeûne dont elle affirme tirer des bénéfices pour son activité militante : face à la jalousie voire à la haine qu’elle suscite, Ines doit en effet travailler sur elle-même, mettre en œuvre une discipline émotionnelle qui n’est pas sans rappeler les « techniques de soi » analysées par Michel Foucault [1984]. Il semble par ailleurs que la figure d’exception entretienne un rapport particulier au corps : Ines mène une vie épuisante, se déplace constamment, est prête à faire l’actrice ou à marcher pendant deux mois pour l’occitan, etc. Sans adopter le « registre édifiant de la “vie des saints” » qui constitue un écueil majeur des analyses des parcours militants souligné par Daniel Gaxie [2005 : 170], tout se passe comme si, dans ce don de soi et cet ascétisme, son corps même devenait un outil de la cause. La corporalité de cette figure exceptionnelle émerge comme un aspect non négligeable de l’analyse en raison de l’attention qu’elle suscite aussi aux yeux des autres. J’ai été souvent le témoin de commentaires acerbes concernant son aspect physique : on pointe sa « masculinité », sa « laideur », son « maintien négligé » lorsqu’elle se présente en public, son « absence d’adaptation vestimentaire » dans certains contextes, etc.

23 L’exceptionnalité d’Ines paraît entretenir avec la norme un double rapport. D’une part, elle met à jour, en creux, la norme militante passée et présente. À travers son parcours émergent les caractéristiques saillantes du modèle militant encore en vigueur : présence massive d’hommes, d’intellectuels spécialistes d’un domaine particulier de la culture occitane (langue, musique, architecture, etc.), bénévolat, activité essentiellement ancrée localement sans nécessairement une dimension pan-valléenne ou pan-occitane, etc. D’autre part, Ines incarne une préfiguration du militantisme à venir, se révélant dès lors comme un « entrepreneur de morale » [Becker, 1985] doté d’un pouvoir normatif. Elle entretient de ce fait un rapport particulier à la temporalité : cristallisant l’histoire de l’occitanisme dans les Vallées occitanes, elle se présente comme le chaînon reliant passé, présent et futur.

24 Ainsi, la figure d’exception peut à la fois anticiper et contribuer à l’avènement de changements majeurs : Ines a développé des dispositions lui permettant de mettre en place un ensemble de règles et de normes qui organisent le travail militant. Il s’agit de « dispositions sous condition » [Lahire, 2002 : 16] dont on doit prendre en compte aussi bien la variation diachronique en fonction des phases du parcours biographique que la variation synchronique en fonction des contextes [ibid. : 18]. Ce qui fait d’Ines une militante d’exception serait alors la rencontre entre des dispositions acquises au cours de sa carrière militante (sacrifice, capacité créative et organisationnelle, habilité communicationnelle, charisme, aptitude au repositionnement et à la reconversion suite aux ruptures, etc.) – qui, à elles seules, ne sauraient suffire à faire l’exceptionnalité d’un militant puisqu’elles sont potentiellement généralisables – et un contexte permettant leur activation (la reconnaissance de l’occitan par l’État italien et la formulation de mesures pour sa sauvegarde et sa promotion de la part de l’institution provinciale turinoise). Cette rencontre lui a permis de créer un dispositif militant inédit (« le modèle Chambra d’Òc »), d’imprimer un sens nouveau à l’action occitaniste au Piémont et finalement d’émerger en tant que militante d’exception aussi bien à ses yeux qu’à ceux de tous ceux qui, nous l’avons vu, dessinent l’« espace de reconnaissance » [Albert, 1998 : 13] de son exceptionnalité.

25 Le changement incarné par Ines s’opère toutefois en continuité avec son expérience passée. Certains contenus du nationalisme occitan, loin d’être abandonnés, sont réactualisés de manière assez inattendue dans les contextes de la politique institutionnelle et de la promotion touristique et économique. L’association Chambra d’Òc a joué un rôle majeur dans la diffusion des pivots de la grammaire nationaliste que sont le drapeau occitan [24] et les cartes d’Occitanie et des Vallées occitanes lesquelles, appliquées tels des labels sur le matériel militant, sont devenues des « logo-cartes » [Anderson, 1996 : 178] au fort pouvoir performatif de construction territoriale. La symbolique occitaniste est également utilisée afin de construire une offre touristique à connotation occitane (Ines a notamment contribué à la création des circuits de randonnée « Percorsi occitani ») et de labelliser des produits locaux (la Chambra d’Òc est tout d’abord une association de producteurs réunis autour d’un label du même nom). Ines parvient ainsi à brouiller une autre frontière et à se jouer des oppositions, cette fois de type idéologique : d’une part entre nationalisme occitan et institutions républicaines italiennes et, d’autre part, entre logiques militante et économique.

26 Nous voyons ici que l’exceptionnalité émerge de façon processuelle (il s’agit d’une construction sociale ancrée dans la durée), interactionnelle (elle se façonne dans la confrontation avec des altérités significatives) et contextuelle (elle est liée à une situation et à un domaine précis).

27 La figure d’exception se distingue par plusieurs caractéristiques. Elle est le lieu de condensation de qualités et sentiments antinomiques : on peint Ines comme un génie et un escroc, comme une militante dévouée faisant don de soi à la cause et un individu calculateur orienté par ses seuls intérêts personnels. Elle suscite par conséquent admiration et mépris, amour et haine, confiance et circonspection. La rupture (et la réaction à la rupture) semble dès lors caractériser son parcours, la figure d’exception étant souvent rejetée par un système qu’elle a contribué à édifier. Cristallisant dans sa personne une histoire commune (celle de l’occitanisme italien), elle oscille aussi entre permanence et renouveau en incarnant un héritage qui ne cesse de s’actualiser, laissant apparaître l’image d’un changement à venir. À ce titre, elle possède un pouvoir normatif dès lors qu’elle se trouve dans une conjoncture permettant l’activation de dispositions particulières acquises dans le temps. Transcendant les déterminismes sociaux, la figure d’exception aspire à se construire en fonction de son idéal et est ainsi amenée à transgresser nombre de frontières : nous avons vu qu’Ines brouille les frontières de genre, entre domaines privé et public et entre idéologies contradictoires.

28 La figure d’exception nous offre la possibilité d’un détour vers les « plis singuliers du social » [Lahire, 2001 : 341] dans le but d’améliorer notre compréhension d’une réalité plus vaste, ce qui conduit à prendre en compte la question plus générale du rôle de l’individu dans la transformation du contexte où son action se déploie. Cette question est revenue d’ailleurs à plusieurs reprises lors des discussions avec Ines : « Dans les années 1970, on pensait que le changement de la structure aurait conduit au changement de l’individu et moi aujourd’hui je crois le contraire ! ». Cette remarque sur les évolutions du rapport individu/société qui fait par ailleurs écho au débat scientifique portant sur ce que certains ont appelé le « retour de l’acteur » dans l’analyse socio-anthropologique, lui sert à appuyer une conception de la militance développée au fil des ans qui confère à l’individu un rôle central : « Ce sont seulement des personnalités isolées qui font le mouvement occitaniste aujourd’hui », dit-elle. Son discours fait ainsi montre d’une conscience aiguë du rôle de premier plan qu’elle a elle-même joué dans le développement d’un occitanisme inédit au Piémont.

29 On peut se poser la question de la pérennité du modèle militant mis en place par Ines – est-il en mesure de fonctionner sans elle et de lui survivre ? – ainsi que celle de la postérité de son exceptionnalité. Cette dernière étant une construction contextuelle, elle suppose une négociation et un entretien permanents. Une fois l’action de la figure d’exception éteinte, elle doit être alimentée par des traces (écrites, audio, visuelles), des gestes commémoratifs ou une mise en récit de son activité passée. Elle est donc intimement liée à l’apparition d’une nouvelle génération de militants qui, pour l’instant, peine à émerger. ■

Notes

  • [1]
    Les données ayant servi à la rédaction de cet article ont été collectées dans le cadre d’un doctorat financé par la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur.
  • [2]
    Italiques de l’auteur.
  • [3]
    Ines fut mon informatrice privilégiée lors de mon enquête ethnographique (2009-2012). Ayant vécu chez elle quelques mois, j’ai pu suivre de très près son travail ainsi que l’ensemble des activités de son association, la Chambra d’Òc.
  • [4]
    La documentation en italien et en occitan ainsi que les extraits d’entretiens ont été traduits par mes soins.
  • [5]
    Notamment de la mouvance provençaliste qui, à partir des mêmes parlers et éléments culturels locaux, produit une revendication ethno-linguistique différente et concurrente.
  • [6]
    René Merle, historien et militant occitaniste, donne les éléments principaux de cette fascination : « la langue non seulement toujours parlée, mais transmise aux enfants ; les panneaux municipaux et les drapeaux proclamant l’occitanité de la localité ; l’intense activité d’un tissu associatif occitaniste multiforme (presse, publications, films, expositions, centres de documentation, promotion des activités économiques, etc) ; et souvent la grande qualité de la création littéraire. […] Le retour en France peut alors être désespérant. » [2009].
  • [7]
    Ce film tourné par Giorgio Diritti en 2005 dans les Vallées occitanes et dont le scénario aborde plus ou moins directement des thèmes chers à l’occitanisme, a obtenu un succès en France et en Italie qui dépasse largement la sphère militante.
  • [8]
    Créée par Ines et d’autres militants en 1990, elle est aujourd’hui l’association phare de l’occitanisme italien.
  • [9]
    Les vallées piémontaises de langue d’oc constituent une sorte de réservoir d’« exotisme de proximité » pour beaucoup d’étudiants provenant de la voisine université de Turin, au point que Tullio Telmon qui y enseigne la dialectologie m’a parlé d’une « véritable occitanomanie ».
  • [10]
    Une sorte de mini-département montagnard.
  • [11]
    Concernant les logiques contemporaines d’interaction entre les secteurs privé et public, je renvoie à un ouvrage consacré à leur déclinaison méditerranéenne [Gallenga, 2012].
  • [12]
    J’entends par là l’ensemble des représentants des différentes minorités linguistiques reconnues par l’État italien travaillant en partenariat avec les institutions publiques et formant un réseau caractérisé par une certaine interconnaissance.
  • [13]
    « Attraverso la passione per l’Occitania », http://www.chambradoc.it (Visité le 31/03/2014)
  • [14]
    La frontière entre montagne et plaine correspond approximativement à celle entre occitan et parlers italo-romans (piémontais et italien).
  • [15]
    Locution que l’on peut traduire par « à notre façon ».
  • [16]
    « Attraverso la passione per l’Occitania », http://www.chambradoc.it (Visité le 31/03/2014)
  • [17]
    Eloardo Ballone, « Celebrano le nozze in lingua occitanica », La Stampa, 16 mars 1975.
  • [18]
    François Fontan (1929-1979) est un intellectuel français autodidacte, théoricien de l’ethnisme (doctrine visant à la réorganisation politique du monde à partir du fait ethnique) et militant occitaniste nationaliste. Hors norme dans le milieu occitaniste à cause de son séparatisme mais aussi de son homosexualité revendiquée, il en est rapidement écarté et fonde en 1959 le Parti nationaliste occitan. Il tentera de promouvoir l’option nationaliste (qui restera très minoritaire) avec peu de moyens depuis Nice, puis depuis les Vallées occitanes d’Italie où il fuit en 1964 pour des raisons controversées. Il meurt à l’âge de cinquante ans après avoir réussi à lancer l’activité occitaniste sur ce territoire mais dans un état de profonde solitude, de pauvreté et d’abattement physique et moral.
  • [19]
    La Région Piémont promulgue notamment une loi pour la sauvegarde et la promotion de son patrimoine linguistique (n. 26/1990).
  • [20]
    Le parlement italien promulgue deux lois d’envergure, l’une relative à la tutelle de la montagne (n. 97/1994) et l’autre visant la protection des minorités linguistiques (n. 482/1999).
  • [21]
    Il s’agit des retraités du service public (Ines était secrétaire au Conservatorio Statale di Musica de Cuneo) ayant bénéficié d’un système particulier de retraite prévoyant moins de quinze ans de travail pour les femmes avec enfants. Aux commentaires sarcastiques que cette retraite précoce suscite parfois, Ines répond : « J’ai la conscience tranquille, je sais que je fais un grand travail pour la société ! »
  • [22]
    Cette association existait déjà, mais elle avait été délaissée par Ines et son entourage en faveur du projet Espaci Occitan.
  • [23]
    Ceci est d’autant plus remarquable que l’occitanisme a toujours peiné à s’implanter dans la province de Turin car ses zones occitanophones sont marquées par la présence d’une communauté de confession vaudoise pour laquelle le sentiment d’appartenance religieux prime sur une éventuelle identification linguistique.
  • [24]
    Le drapeau à fond rouge où figure une étoile jaune à sept branches en haut à droite de l’habituelle croix de Toulouse est largement perçu aujourd’hui comme le drapeau des Vallées occitanes, mais il est à l’origine le drapeau du Parti nationaliste occitan. La Chambra d’Òc est à l’origine d’un mouvement de maires qui a abouti en 2007 à la promulgation d’une loi régionale (loi n. 26/2007) légalisant l’exposition des drapeaux des minorités linguistiques piémontaises sur les façades des mairies.
Français

Au sein de l’occitanisme italien, une militante se distingue parmi d’autres, une véritable pasionaria occitane qui depuis plus de quarante ans consacre sa vie à son idéal. La construction de son exceptionnalité se façonne dans une articulation complexe entre reconnaissance et déni, permanence et renouveau et apparaît comme un processus interactionnel et contextuel que cet article se donne pour but d’analyser.

Mots-clés

  • Exceptionnalité
  • Occitanisme
  • Militantisme
  • Vallées occitanes d’Italie
  • Revendication linguistique
Deutsch

Ines. Pasionaria occitane

Innerhalb des italienischen „Okzitanismus“ zeichnet sich eine Aktivistin von den anderen ab. Sie ist eine wahrhafte okzitanische pasionaria, die seit mehr als vierzig Jahren ihrem Ideal ihr Leben widmet. Ihre Außergewöhnlichkeit wird durch eine komplexe Artikulation zwischen Anerkennung und Verweigerung, Fortdauer und Erneuerung geprägt und erscheint als ein interaktionneller und kontextueller Prozess, den dieser Artikel analysiert.

Stichwörter

  • Außergewöhnlichkeit
  • Okzitanismus
  • Aktivismus
  • Okzitanische Berge in Italien
  • Linguistische Forderung
Español

Inès. Pasionaria occitana

En el seno del occitanismo italiano, una militante se destaca entre las otras, una verdadera pasionaria occitana que desde hace más de cuarenta años sigue consagrando su vida a su ideal. La construcción de su excepcionalidad se forma en la articulación compleja entre reconocimiento y denegación, permanencia y renuevo, y aparece como un proceso interaccional y contextual que este artículo se propone a analizar.

Palabras claves

  • Excepcionalidad
  • Occitanismo
  • Activismo
  • Valles occitanos de Italia
  • Reivindicaciones lingüísticas

Références bibliographiques

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Silvia Chiarini
Institut d’ethnologie méditerranéenne, européenne et comparative
Silvia Chiarini
Idemec (cnrs, umr 7307)
Aix Marseille Université
Maison méditerranéenne des sciences de l’homme
5, rue du Château-de-l’Horloge
BP 647
13094 Aix-en-Provence
chiarini_silvia@yahoo.fr
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 11/07/2016
https://doi.org/10.3917/ethn.163.0405
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