Quel étonnant parcours que celui de ce fils d’immigrés italiens des Abruzzes, bénéficiaire du passeport luxembourgeois par la naissance et devenu citoyen du monde en constant déplacement à travers les pays et les airs ! Jean Portante, se dit-on, eût pu écrire dans sa langue maternelle, l’italien, ou bien dans la langue allemande, qu’on enseigne en classes primaires au Luxembourg. Il eût tout aussi bien pu choisir l’espagnol, celui de l’Amérique latine de préférence puisqu’il vécut plusieurs années à Cuba et qu’il fréquente très régulièrement le Mexique ou la Colombie. Or il aura finalement choisi le français, se réservant d’user des autres langues pour le seul plaisir de les traduire. Lorsque nous aurons ajouté que Jean Portante occupe des fonctions d’éditorialiste politique dans un hebdomadaire important du Luxembourg, nous aurons donné une image à peu près exacte, sinon complète, de ce poète par ailleurs éditeur des éditions Phi.
Aussi aurait-on pu s’attendre à ce que la poésie de cet homme actif nous parle de ses voyages autour du monde, et cependant rien de tel, l’œuvre qu’il a patiemment construite et réunie sous le titre le Travail de la baleine s’avère extrêmement muette sur tous ses déplacements. L’anthologie, longue de six cent trente-six pages, reprenant dans un ordre chronologique relatif les recueils successifs de son auteur, impose d’entrée une poésie de l’intimité. Ici, le poème se veut confrontation du sujet avec lui-même au cœur d’un espace généralement indéfini dont les caractéristiques principales relèvent de la domesticité…