Début 2012, Wall Street a retrouvé ses niveaux d’avant-crise, mais le chômage, bien qu’en baisse, reste historiquement haut pour les États-Unis (autour de 9 % pour l’année 2011). La mobilisation des « 99 % » à travers le mouvement “Occupy”, à l’automne 2011 (des manifestants ont monté leurs tentes à Wall Street, entre autres, scandant le slogan “We are the 99%” pour manifester leur colère face à la montée des inégalités et à l’enrichissement des 1 % les plus riches des Américains), a rendu visibles – et a intégré au discours politique – les inégalités qui divisent la société américaine. Celles-ci sont plus grandes que jamais, comme l’a montré le rapport économique annuel remis au président Obama, qui comporte ce que l’on appelle la « courbe de Gatsby le magnifique », en référence au roman de Francis Scott Fitzgerald (1925) dont le héros incarne à la fois la magie et l’illusion du rêve américain. Cette courbe mesure la mobilité sociale et les inégalités de revenus, et révèle que les États-Unis sont aujourd’hui plus inégalitaires que les autres pays occidentaux. Ce processus n’est pas né avec la crise, mais elle l’a renforcé, rendant visible la déchirure du rêve américain, cette brèche à travers laquelle on aperçoit les maisons abandonnées de Detroit et les queues qui s’allongent devant les soupes populaires.
Que se passe-t-il lorsqu’une crise s’attaque aux fondements mêmes d’une nation, à la fiction qu’elle construit pour son peuple ? Faut-il exhiber cette déchirure, la mettre en récit pour créer une prise de conscience, ou au contraire la masquer, la rafistoler comme on peut, en essayant de garder le fil du roman national …