Les Français ont perdu confiance dans leur avenir et dans celui de leurs enfants. La crainte du chômage, de la pauvreté, et surtout la conviction que les enfants n’auront pas les mêmes chances que leurs parents sont des sentiments de plus en plus partagés. Ce pessimisme se nourrit de ce qui est perçu comme la fin du progrès social. Depuis plusieurs décennies, la persistance du chômage, la dégradation des emplois et des conditions de travail, l’incapacité de l’école à promouvoir tous les élèves, les réformes incessantes de la protection sociale ont miné les bases de notre contrat social. L’incapacité de notre économie à créer des emplois de qualité, à générer une croissance forte, alimente le pessimisme ambiant. Les crises de ces dernières années semblent venir confirmer et accélérer ce lent mouvement de dégradation.
La crise en cours devrait pourtant être comprise comme la fin d’un cycle, celui du néolibéralisme et de l’hyperproductivisme. La période actuelle est en effet à comprendre comme l’aboutissement et l’épuisement d’un modèle qui a poussé à l’extrême l’exploitation des ressources naturelles et la pression sur les salariés. Ce modèle repose sur une pensée économique qui croit à l’efficacité des marchés non régulés, aux vertus stimulatrices des inégalités, qui favorise la spéculation et le court terme plutôt que les investissements productifs et les perspectives de long terme, qui ne conçoit les interventions publiques que comme une source de coût, de perturbation et d’inefficacité, et qui considère que l’égalité est contraire à l’efficacité économique…