Livres d’hommage et essais d’interprétation, les opuscules consacrés à la mémoire de philosophes récemment disparus (Levinas, Foucault, Barthes, Derrida...) se multiplient ces dernières années. Amicaux et distanciés, ils mêlent subjectivité et analyse, comme si la pensée de la mort devait désormais accompagner la lecture pour surmonter l’impression d’une « fin » de la philosophie française.
Article
Dans un article paru dans Le Monde intitulé « Tombeau de l’intellectuel », Jean-François Lyotard annonçait en 1983 la disparition des intellectuels et avec eux la fin d’un discours universel supplanté par les cadres d’une pensée plus technique. Un quart de siècle plus tard, les intellectuels sont toujours là et les guerres des Balkans, le génocide rwandais, les attentats du 11 septembre 2001, la remontée des nationalismes et la diffusion des fondamentalismes ont montré la nécessité de continuer à tenir un discours universaliste.
Est-ce le résultat d’une désillusion qui accompagnerait la fin d’une certaine prédominance comme on l’a souvent dit ? Est-ce la contagion des inquiétudes d’une société, saturée de violence et de mémoire ? L’effet de la disparition des derniers représentants de la génération des années 1960, Jacques Derrida mort en 2004, Paul Ricœur l’année suivante et Claude Lévi-Strauss cette année ? La pensée de la mort occupe aujourd’hui une place non négligeable non seulement dans l’ensemble des sciences sociales mais plus encore dans la vision qu’entretiennent d’eux-mêmes les intellectuels. Il en résulte une inflexion de style et d’écriture, qui fait place à une pensée plus modeste dans sa forme. À côté des livres de combat on voit ainsi apparaître un genre plus élégiaque dans lequel le développement d’une pensée de la dette et de la reconnaissance s’applique d’abord aux rapports des intellectuels entre eux. Prenant la forme de petits essais ou d’opuscules, menés sur un ton plus libre que ne l’impose la règle scientifique et se répondant en miroir, ces « tombeaux » contemporains, ciselés à l’adresse de M…
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Cnrs-Ehess (Ahmoc), voir son précédent article : « François Furet et la double fin de l’idée révolutionnaire », Esprit, octobre 2009.
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 01/08/2012
- https://doi.org/10.3917/espri.1002.0047
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