CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1Une partie des marais saumâtres, ou marismas, de l’estuaire du Guadalquivir constitue aujourd’hui l’espace espagnol le plus grand producteur de riz, avec près de 40 000 hectares [1]. Certaines marismas font aussi partie du Parc national et du parc naturel de Doñana [2] (fig. 1). Depuis plusieurs siècles, les marismas font l’objet de conflits quant à leurs valeurs, leurs usages et leur appropriation.

Fig. 1

Zone d’étude

Fig. 1

Zone d’étude

© S. Coursière, Cnrs Umr 5281 Art Dev, 2015. Sources : informations collectées et localisées par S. Fernandez à partir de Cruz J., 1988 ; Instituto Andaluz del Patrimonio Histórico (rapport non daté) ; Castaño Corral A., Mateos Mateos J., Rivera Silva Ma L., 2010 ; Ministerio del Medio Ambiente, 2006 ; Rubio Recio J.M., 1977. © L’Espace géographique, 2015 (awlb).

2Différents auteurs (Di Méo, 1990 ; Marié, 1999 ; Raffestin, 1992 et 1997) ont conceptualisé les mécanismes de territorialisation, c’est-à-dire de mise en ordre, d’encodage et d’appropriation de l’espace, combinant matérialité et groupes sociaux. Ils se sont aussi intéressés à la manière dont des relations sociales et politiques à l’espace particulières peuvent se retrouver décontextualisées et permettre différentes formes d’actualisations et de réagencements. Les science and technology studies et la political ecology considèrent aussi que les modalités de qualification et de gestion de la nature ne vont pas de soi et qu’elles sont le produit de cadrages politiques et sociaux (Bouleau, Fernandez, 2012). Ces deux courants de la littérature permettent d’étudier comment des énoncés scientifiques ou des techniques équipent des projets, souvent concurrents, de gouvernement de l’espace. Ils sont utiles pour mettre en lumière des phénomènes d’accumulation, d’irréversibilité et d’asymétrie d’accès, pour analyser comment des acteurs performent la société, la nature et l’espace. Ils permettent enfin d’étudier la sourde violence normative des structures temporelles (Pestre, 2014).

3Le delta du Rhône et l’estuaire du Guadalquivir ont fait l’objet d’un travail comparatif qui a insisté sur le rôle joué par leur marginalisation économique jusqu’au début du xxe siècle pour expliquer leur transformation ultérieure en symboles de milieux exceptionnels et une fonctionnalisation de l’espace distinguant zones productrices et zones protégées (Picon, Ojeda, 1993). Si l’histoire des relations entre milieux et sociétés dans les marais saumâtres de la Camargue (Picon, 2008) et du Guadalquivir (Ojeda Rivera, 1987-1988) révèle des points communs, elle donne aussi à voir des divergences, en particulier en ce qui concerne le statut du riz. Elle suggère alors le caractère situé des relations qu’entretiennent dynamiques environnementales et sociales.

4La riziculture irriguée semble aujourd’hui être à la fois un élément consubstantiel des marismas et le produit d’un équilibre fragile, qui pourrait être remis en cause si d’autres usages de l’eau deviennent politiquement prioritaires ou si le climat change. Elle était inexistante jusqu’au milieu du xxe siècle et l’irrigation était une pratique très limitée dans toute la vallée inférieure du Guadalquivir. Comment expliquer l’avènement du riz, une culture à la valeur ajoutée plutôt faible, sur des terres salines et dans une région très sèche en été [3] ? Compte tenu de la faiblesse des pluies de printemps et d’été, l’irrigation est une condition nécessaire à la production du riz, dont l’évapotranspiration est par ailleurs particulièrement élevée. Le développement de la riziculture irriguée dans la vallée inférieure du Guadalquivir a été conditionné par l’existence d’infrastructures hydrauliques d’envergure qui stockent l’eau entre l’automne et le printemps pour la lâcher pendant la période de croissance des plantes. Deux autres conditions doivent être remplies : la maîtrise de la salinité des sols et des nappes dans une zone de transition entre eau de mer et eau douce et la maîtrise des crues du fleuve dans l’estuaire. Comment ces dispositifs techniques ont-ils pu être politiquement déployés et qu’ont-ils fait aux marismas ?

5Cet article propose de faire une généalogie (Pestre, 2009) de la fabrique de la vocation rizicole d’une partie des marismas, de ses relations à l’estuaire du fleuve et à l’espace protégé de Doñana, en étudiant les dispositifs matériels et discursifs, les tensions et les contingences historiques qui permettent de l’expliquer.

6Pour comprendre la trajectoire de l’irrigation des marismas à partir du xixe siècle, il nous a paru nécessaire de saisir d’abord la construction de la navigabilité de l’estuaire du Guadalquivir. En choisissant Séville au début du xvie siècle pour centraliser le commerce entre l’Espagne et ses colonies, la monarchie espagnole stimula la vocation commerciale de la ville et elle octroya un pouvoir significatif aux marchands, organisés en consulado, un organisme corporatif gérant de nombreux aspects juridiques et contractuels. Au début du xviiie siècle, Séville perdit ce monopole au profit de Cadix, en particulier du fait des difficultés rencontrées par la navigation maritime dans l’estuaire du fleuve entre le golfe de Cadix et le port de Séville [4] (fig. 1), et par la navigation fluviale jusqu’à Cordoue (Cruz Villalón, 1988). Dans le courant du xviiie siècle, la monarchie libéralisa le commerce maritime. La disparition progressive d’un enjeu de monopole de la connexion entre l’Espagne et ses colonies ne fit pourtant pas disparaître celui de la navigation du Guadalquivir, que les marchands sévillans avaient durablement lié à l’économie de la ville.

7Cet article étudie plus spécifiquement comment des projets potentiellement concurrents d’aménagement de l’estuaire pour la navigation et l’irrigation au xixe siècle ont trouvé, dans le courant du xxe siècle, des formes de compromis permis par des infrastructures hydrauliques qui ont activé et territorialisé de nouveaux usages de l’eau. Nous analysons aussi comment la dictature franquiste a gouverné les dégâts produits par ces compromis. Nous montrons enfin comment, aujourd’hui, l’augmentation spectaculaire de l’irrigation des marismas et des tensions sur l’eau conduisent les porte-parole de la riziculture à définir de nouvelles stratégies de gestion de l’espace estuarien, au sein desquelles les infrastructures hydrauliques continuent à être centrales.

Gouverner l’eau pour la navigation

8Entre la fin du xviiie siècle et le début du xxe siècle, dans l’estuaire du Guadalquivir, les organismes successifs en charge de la navigation promurent différentes solutions pour la faciliter. Les ingénieurs qui estimaient que la marée était la principale variable explicative des tirants d’eau observés dans l’estuaire promurent la réduction des méandres (cortas) [5]. Ceux qui, au contraire, considéraient que c’était le débit du fleuve entrant dans l’estuaire qui comptait, privilégiaient le maintien d’un débit minimum [6]. Les controverses concernant les relations entre tirants d’eau observés, marée et débits, ou encore l’importance des conditions amont ou aval pour expliquer les tirants d’eau observés, stimulèrent les premières analyses systématiques des débits du fleuve.

9Les choix opérés entre ces différentes solutions s’expliquent aussi par les groupes sociaux qui dominaient l’économie de la zone estuarienne. Différents arrangements institutionnels représentèrent successivement les intérêts pour la navigation des entreprises de transport de matières premières situées à Séville, très liées aux grands propriétaires du secano[7] andalous et aux entreprises minières de la région. Ce sont le Real consulado à la fin du xviiie siècle, fondé sur un financement municipal des ouvrages hydrauliques et gouverné par les plus gros contribuables locaux, puis deux formes de « partenariats public-privé ». Entre 1815 et le début des années 1850, il s’agit d’une entreprise concessionnaire, la compagnie de navigation, financée par des bourgeois sévillans et anglais et bénéficiant d’avantages fiscaux de l’État, puis, à partir des années 1850, d’une gestion codirigée financièrement et techniquement par l’organisme public dédié à la gestion du port de Séville, la mairie et la chambre de commerce. Le Real consulado finança et réalisa la Corta de Melina entre 1794 et 1795, et la compagnie de navigation la Corta Fernandina en 1816. Ces premières réductions de méandres générèrent des conflits localement en faisant disparaître des îles utilisées pour la chasse ou l’élevage extensif et en faisant au contraire apparaître de nouvelles terres asséchées dont l’appropriation était contestée. Après la disparition de la compagnie de navigation, les travaux d’amélioration de la navigation visèrent essentiellement à maintenir un débit minimum [8] (Del Moral Ituarte, 1991), limitant ainsi les conflits concernant l’accès et l’usage des terres. La logique dominante dans laquelle ces travaux s’insèraient, s’opposait alors aussi au développement de l’irrigation.

10Jusqu’au début du xixe siècle, les grandes propriétés agricoles andalouses héritées de la Reconquête étaient partagées entre les nobles, les ordres militaires et l’Église, qui louaient le plus souvent leurs terres. Les fermiers associaient polyculture pluviale, sur les terres qu’ils louaient, et élevage d’animaux dont ils étaient propriétaires. Les animaux paissaient en particulier dans les marismas, alors propriétés municipales ou gérées en bien commun sans titre de propriété. Ces éleveurs devinrent, tout au long du xixe siècle, des acteurs significatifs des décisions politiques locales parce qu’ils purent accéder à la propriété quand l’État chercha à élargir le marché foncier par sa politique dite de désamortissement ou desamortización, et qu’ils s’enrichirent en se spécialisant dans la production de taureaux de combat (López Martínez, 1998).

11Pour les ingénieurs de l’administration des routes, des canaux et des ports créée en 1802, dont certains furent impliqués dans les activités agricoles de la compagnie de navigation, l’irrigation représentait le moyen de libéraliser de façon effective l’accès à la terre promu par les lois successives édictées entre 1798 et 1855 sur le désamortissement. Avec le désamortissement, l’État confisqua les biens qui ne pouvaient faire l’objet d’opérations marchandes : les biens de mainmorte de l’Église, les fidéicommis et les biens communs villageois pour les mettre en vente aux enchères, en faisant l’hypothèse que cela stimulerait l’intensification de la production agricole et la division des grandes propriétés. Le désamortissement fut combiné à des politiques de bonification des zones humides qui prévoyaient des avantages fiscaux ou des subventions à la mise en valeur de terres que la monarchie jugeait improductives et sources de maladies. Le désamortissement n’atténua cependant pas le phénomène latifundiaire. Dans les marismas, la mairie de Séville tour à tour s’opposa à la vente des terres qu’elle possédait ou la promut avec la mise en place de baux emphytéotiques, selon les intérêts de ceux qui la dirigeaient et les besoins de trésorerie du gouvernement municipal (Del Moral Ituarte, 1990). Les marismas qui étaient gérées en commun sans titre de propriété furent mises aux enchères par l’État, malgré l’opposition des éleveurs, ou appropriées par la municipalité pour les mettre en vente. Tout au long du xixe une part significative des marismas fut ainsi privatisée, alors que l’opposition audible des éleveurs s’érodait au fur et à mesure que les plus aisés réussissaient à s’approprier les meilleures terres.

12Les sociétés telles que la compagnie de navigation furent les seules que la monarchie réussit, très partiellement, à enrôler dans ses projets de colonisation des marismas par l’irrigation et le drainage et des systèmes de bail-achat sur plusieurs îles de l’estuaire. Les résultats furent limités parce que les travaux étaient très coûteux et demandaient une expertise encore peu répandue. Pour les grands propriétaires, la location ou l’exploitation directe des terres pour le pâturage estival restait ce qui était le plus rentable et c’est ce qu’ils pratiquèrent, malgré les incitations de l’État espagnol.

13Ainsi, à partir du milieu du xixe siècle, dans l’estuaire, le projet d’irriguer les marismas, qui aurait pu entrer en compétition avec la navigation pour l’appropriation des débits du fleuve, ne rencontra pas, localement, d’alliés suffisamment puissants pour se matérialiser.

14En Espagne, la seconde moitié du xixe siècle est marquée par l’importance d’investisseurs étrangers, français en particulier, qui donnèrent une priorité au secteur bancaire et à celui des transports : routes, chemin de fer, dans une moindre mesure canaux pour la navigation intérieure. Ils accordèrent aussi une attention spéciale aux ports parce qu’ils représentaient les lieux de polarisation sans lesquels les réseaux ne pouvaient exister. Leur logique était influencée par la pensée saint-simonienne qui construisit un véritable mythe des macro-réseaux à la fois matériels et immatériels (systèmes de crédit), empruntant à la médecine pour imaginer un corps social et économique idéal (Musso, 1999). L’État espagnol justifiait quant à lui le caractère limité des investissements publics dédiés à l’irrigation et au drainage en estimant que les réformes foncières et le déploiement des moyens de communication pouvaient, presque à eux seuls, susciter l’investissement privé dans l’irrigation et le drainage des terres. Ainsi, jusqu’à la fin du xixe siècle, les discours des ingénieurs des routes, des canaux et des ports qui soutenaient l’irrigation eurent peu d’effets matériels à l’échelle nationale, et encore moins dans l’estuaire du Guadalquivir qui n’était plus une priorité et où les acteurs locaux qui contrôlaient le foncier n’étaient pas intéressés par des projets d’aménagement hydraulique des marismas.

Des infrastructures au cœur de compromis pour la gestion de l’eau entre navigation et irrigation

15À la fin du xixe siècle et de manière encore plus aiguë après la perte de la colonie cubaine en 1898, l’importance accordée à l’irrigation prit un nouvel essor comme moyen de « régénérer » l’Espagne (Gómez Mendoza, Ortega Cantero, 1987 ; Gómez Mendoza, 1992). Les deux lois sur l’eau de 1866 et de 1879, ainsi que la série de plans hydrologiques nationaux jusqu’au début de la guerre civile en 1936, révèlent la volonté du ministère en charge de l’agriculture espagnol, appuyé par le corps des ingénieurs des routes, des canaux et des ports, de prendre le contrôle du développement hydraulique à des fins agricoles. Les eaux devinrent propriété publique et commencèrent à être régies par un régime concessionnaire quasi-illimité. Les gouvernements successifs limitèrent cependant les financements publics dédiés à l’hydraulique agricole. Lors des premiers aménagements significatifs des marismas dans les années 1920, ils privilégièrent in fine le modèle concessionnaire financé par du capital privé qui avait aussi prévalu au xixe siècle. Pour les détenteurs des capitaux étrangers qui avaient investi en Espagne au xixe siècle, la dictature de Primo de Rivera (1923-1930) symbolisait un retour de la sécurité des investissements, capable de mater les mouvements ouvriers industriels et agricoles de tendance anarchiste et communiste qui s’étaient développés depuis la fin du xixe siècle, en particulier en Catalogne et en Andalousie. Dans les années 1920 plusieurs entreprises achetèrent une partie des marismas. Alors que les entreprises avaient peu investi dans l’agriculture irriguée au xixe siècle, dans les années 1920 elles mobilisèrent au contraire du capital et des ingénieurs espagnols et étrangers pour drainer les marismas, les protéger contre les crues et y tester différentes cultures : pâturage amélioré pour les taureaux de combat, céréales, coton, betteraves, etc. Elles mirent en place des systèmes de bail-achat pour installer des agriculteurs. À partir de l’expérience de certains de leurs ingénieurs britanniques sur le Nil, elles introduisirent la culture du riz mais celle-ci resta limitée car les différents gouvernements et syndicats nationaux de riziculteurs qui se succédèrent entre 1930 et 1936 en limitèrent la production comme moyen de contrôler les prix (Calatayud Giner, 2002). Au tournant des années 1930, la plupart de ces entreprises s’effondra, leur capital étant enchâssé dans les logiques spéculatives à l’origine de la crise de 1929.

16C’est à partir des années 1940 que la dictature franquiste enrôla les grands propriétaires des marismas dans son vaste projet hydroagricole, grâce à des subventions massives et à son insertion dans une logique d’aménagement à l’échelle de l’ensemble du bassin du Guadalquivir, signifiant la disparition des pâtures au profit de la riziculture irriguée.

17La dictature puis la monarchie constitutionnelle à partir de 1978 conçurent et financèrent la constitution d’un large système de régulation fondé sur une série de barrages-réservoirs au sein du bassin du Guadalquivir (fig. 2 et fig. 3). La Confédération hydrographique du Guadalquivir (CHG), créée en 1927, sous la tutelle du ministère en charge de l’agriculture, est le maître d’ouvrage et le gestionnaire d’un ensemble constitué aujourd’hui de 61 barrages, Alcalá del Rio étant celui qui est situé le plus à l’aval (fig. 1). Cet ensemble régule les débits du Guadalquivir et de ses principaux affluents, avec une capacité totale de stockage des pluies d’automne et d’hiver et de la fonte des neiges qui s’élève aujourd’hui à environ 8 milliards de m3. La capacité de stockage actuelle étant supérieure à l’hydrologie annuelle moyenne et cette hydrologie étant très variable, les réserves sont gérées de manière pluri-annuelle. La CHG dispose d’un pouvoir significatif puisque c’est elle qui définit et répartit les droits d’eau (concesiones) entre irrigation, hydroélectricité, usages domestiques et industriels. Elle alloue plus de 80 % du volume lâché annuellement à l’irrigation [9]. La riziculture des marismas représente de l’ordre de 10 à 15 % [10] des volumes alloués annuellement aux cultures irriguées et de l’ordre de 5 % des superficies irriguées de l’ensemble du bassin du Guadalquivir. Le calcul par la CHG de l’eau allouée à la riziculture des marismas se fonde sur des critères agronomiques déterminant les relations entre eau et rendement. Le riz reçoit une dotation plus importante que les autres cultures, et ce d’autant plus que la CHG prend en compte l’eau nécessaire à la gestion de la salinité des sols et de l’eau [11] dans les marismas. C’est aussi ce qui rend la culture du riz particulièrement vulnérable à la pénurie d’eau, comme nous le verrons plus loin.

Fig. 2

Évolution de la capacité totale de stockage de 1911 à 2009

Fig. 2

Évolution de la capacité totale de stockage de 1911 à 2009

Source des données : CHG. © L’Espace géographique, 2015 (awlb).
Fig. 3

Contribution des différents régimes politiques depuis 1911 à la capacité totale de stockage actuelle du système de régulation du Guadalquivir

Fig. 3

Contribution des différents régimes politiques depuis 1911 à la capacité totale de stockage actuelle du système de régulation du Guadalquivir

Source des données : CHG. © L’Espace géographique, 2015 (awlb).

18C’est au xxe siècle que la gestion d’un débit minimum pour la navigation dans l’estuaire, qui aurait alors pu concurrencer l’irrigation, disparut. L’État, via l’organisme public dédié à la gestion portuaire de Séville et avec l’appui de la municipalité, intensifia la réduction des méandres [12], associée à des dragages réguliers du fleuve dans l’estuaire et à des travaux pour limiter les risques d’inondation à Séville. Réduire la longueur du fleuve entre Séville et l’océan eut pour effet de diminuer l’impact du débit sur le tirant d’eau et de faire remonter plus haut l’effet de la marée et donc de la salinité. Pour les porte-parole de la navigation, le débit du fleuve dans l’estuaire n’était alors plus une variable importante à gérer ; l’influence de la marée triomphait. Du coup, ils ne s’opposaient plus à une utilisation des débits du fleuve à l’entrée dans l’estuaire par l’irrigation. Ce faisant, l’intensification de la coupure de méandres et des prélèvements agricoles signifièrent aussi une remontée de l’eau de mer dans l’estuaire et donc une augmentation du débit nécessaire à l’agriculture irriguée pour contenir le bouchon salin.

19Comment expliquer que le riz devint la principale culture irriguée des marismas à partir de la fin des années 1930 ? La culture de riz présente une certaine tolérance au sel mais d’autres cultures telles que l’orge, le blé, la betterave, le coton, ou encore la vigne (cultivée en Camargue au xixe siècle), sont plus halophiles. Cependant, contrairement au riz, ces cultures ne supportent pas la submersion permanente. Pour lutter contre la salinisation des sols, la submersion, technique simple et relativement peu coûteuse mais très gourmande en eau, n’est compatible qu’avec la culture du riz. D’autres cultures seraient possibles en choisissant des techniques de lessivage, combinant irrigation supérieure à l’évapotranspiration maximale des plantes et drainage. Ces éléments montrent qu’il y a un certain sens à faire du riz dans les marismas seulement si on fait l’hypothèse qu’il y a beaucoup d’eau disponible. Ils suggèrent aussi que l’avènement du riz résulte d’un ensemble de facteurs n’ayant rien d’intangibles.

20En effet, pendant la guerre civile espagnole (1936-1939) et la période autarcique de la dictature franquiste imposée par la communauté internationale, le riz devint, après le blé, une ressource stratégique pour l’approvisionnement alimentaire. Après avoir vaincu Séville en 1936 avec l’appui des troupes coloniales du Maroc, le général franquiste Gonzalo Queipo de Llano devint le chef des opérations militaires du Sud de l’Espagne. Allié au maire de Séville, il convainquit en 1937 un riche notable et entrepreneur local, Rafael Beca Mateos, de racheter les terres que les entreprises des années 1920 et 1930 avaient commencé à mettre en valeur, pour y produire du riz et nourrir ainsi les troupes franquistes, alors que les principales zones de production de riz étaient sous contrôle républicain. Après la fin de la guerre civile, la transformation par la dictature franquiste des marismas en « grenier à riz » fit intervenir d’autres organismes publics : la CHG et l’Institut de colonisation créé en 1939. La dictature promulgua des lois et des décrets qui réservèrent au riz des surfaces agricoles dans les zones marécageuses, via des systèmes de concession obligatoire, les « cotos arroceros » accordés par les ingénieurs des services de l’administration agricole. La dictature utilisa de la main-d’œuvre gratuite fournie par les prisonniers de la guerre civile pour la construction des infrastructures hydrauliques, des routes ou des habitations. Elle mit en place des incitations pour que des irrigants valenciens qui maîtrisaient la culture du riz s’installent dans les marismas, et elle développa un système centralisé pour la fourniture d’intrants, la production de variétés, mais aussi l’achat et la transformation du riz (Camprubí, 2014). Comme ses prédécesseurs, Beca établit des systèmes de bail-achat sur la rive droite. Sur la rive gauche, en échange des travaux subventionnés, l’Institut de colonisation obtint des grands propriétaires des portions de terre sur lesquelles il installa de nouveaux agriculteurs. La politique de colonisation des marismas entre la fin des années 1930 et le milieu des années 1960 produisit ainsi de nouveaux petits propriétaires. Entre 1955 et 1984, le nombre d’exploitants rizicoles fut multiplié par trois et l’essentiel de l’augmentation s’est fait entre 1955 et 1965 (fig. 4). La figure de l’agriculture familiale fondée sur un accès à la propriété privée des terres marginales était au cœur des discours de la dictature pour contenir les mouvements des paysans sans terre et légitimer son autoritarisme. Les pratiques de l’État favorisèrent cependant aussi largement les grands propriétaires, en leur permettant d’augmenter leur foncier, en leur fournissant une main-d’œuvre peu coûteuse parce que les terres cédées ne permettaient pas aux familles de dégager des revenus suffisants et que la dictature verrouillait complètement l’organisation syndicale. Après la fin de la période autarcique, l’aide étatsunienne à la dictature franquiste stimula l’intensification de la production (mécanisation, chimisation et sélection de variétés), qui initia une nouvelle tendance à la concentration des terres, encore accentuée par la disparition des cotos arroceros lors de l’entrée de l’Espagne dans la Communauté économique européenne (Cee) en 1986.

Fig. 4

Évolution du nombre total d’exploitations rizicoles dans les marismas selon leur taille (hectares)

Fig. 4

Évolution du nombre total d’exploitations rizicoles dans les marismas selon leur taille (hectares)

Source des données : Fédération des riziculteurs de Séville. © L’Espace géographique, 2015 (awlb).

21Ainsi, alors que le nombre d’exploitations de plus de 100 hectares avait légèrement baissé entre 1955 et 1975, il a ensuite au contraire régulièrement augmenté. Entre 1984 et 2011, le nombre total d’exploitations a diminué pour être aujourd’hui légèrement inférieur à celui de 1965 (fig. 4). En 2002, les exploitations de plus de 150 hectares représentaient plus de 30 % de la superficie rizicole des marismas.

22L’entrée de l’Espagne dans la Cee permit au riz espagnol un accès facilité et protégé au marché intérieur européen alors déficitaire. Il n’était plus déficitaire dès le début des années 1990 mais il le redevint dans les années 2000 avec l’entrée de nouveaux pays dans l’Union européenne (Ue). Entre temps, la réforme de la politique agricole commune (pac) revenait à compenser la baisse du soutien aux prix par des primes devant stimuler de nouvelles pratiques censées concilier compétitivité et respect de l’environnement, déployées grâce à des démarches contractuelles. La réforme lancée en 1992 ne concerna le riz qu’à partir de 1997. Depuis la fin des années 1990, la traduction espagnole des réformes successives de la pac revient à produire un nouveau label, celui de la « production intégrée », associé à la constitution de normes et d’un système complexe de contractualisation impliquant certification et contrôle, alliant organismes de l’État et secteur privé et permettant l’accès à des aides spécifiques, via, entre autres, le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feadr). Les gouvernements espagnol et de la communauté autonome d’Andalousie (Junta de Andalucía) octroient ce nouveau label de façon privilégiée à l’agriculture située à proximité des aires protégées et donc à la riziculture des marismas.

23Le large soutien à la riziculture stimula aussi une organisation de la filière rizicole fondée sur des processus de concentration du pouvoir économique et de délocalisation. La filière rizicole des marismas est essentiellement gouvernée par la famille sévillane très influente Hernández Barrera. En 1952, celle-ci fonda l’entreprise Hisparroz qui est aujourd’hui le plus grand producteur de riz des marismas, avec près de 5 000 hectares. En 1960, elle créa aussi la société Herba alors que le gouvernement dictatorial libéralisait la sélection variétale. Herba promut activement certaines variétés de riz, qui, dans les années 1980 et avec l’appui du gouvernement parlementaire et de la Cee[13], allaient aussi bénéficier d’aides spécifiques. La sensibilité de ces variétés à la température et à l’ensoleillement conféra à l’Andalousie un avantage comparatif vis-à-vis d’autres régions européennes. Herba commercialise aujourd’hui la totalité des variétés de riz utilisée dans les marismas et donc en particulier les variétés certifiées nécessaires pour accéder au label de production « intégrée ». Herba est devenue la première société mondiale négociante en riz, rachetée par Ebro Food [14], partiellement en 1989 et complètement en 2001, dont Hisparroz est aussi le principal actionnaire. Dans les années 1980, Herba racheta les principaux négociants en riz situés dans les marismas. Ebro Food acquit des usines de conditionnement ou de transformation du riz dans différents pays européens à partir des années 1990, aux États-Unis, en Asie, en Amérique latine, en Afrique du Nord, en Australie… à partir des années 2000. Ebro Food tend alors aussi à diversifier et à globaliser ses sources d’approvisionnement en riz. La forte dépendance à Ebro Food et les risques que font peser ses stratégies conduisent aujourd’hui la Fédération des riziculteurs andalous à chercher à rendre organiques ses liens avec l’environnement immédiat, incarné par le parc de Doñana, et à déployer des systèmes de commercialisation alternatifs.

24À partir des années 1980, le soutien dont bénéficia la riziculture stimula aussi sa capacité à exploiter des marges de manœuvre quant à la disponibilité en eau. Jusque au début des années 1980, les volumes stockés n’étaient pas des facteurs limitants de la production de riz. Ce sont plutôt ces volumes qui permirent l’avènement de la riziculture irriguée. Depuis les années 1980, en revanche, lorsque les pluies d’automne et de printemps et la fonte des neiges ne permettent pas un remplissage suffisant des réservoirs, les restrictions ont un effet direct sur la surface irriguée rizicole. Elles n’empêchent pourtant pas son augmentation tendancielle (fig. 5), soutenue les années de pénurie par des systèmes assurantiels et des aides publiques.

Fig. 5

Superficie rizicole (hectares) annuelle pour certaines années depuis 1937

Fig. 5

Superficie rizicole (hectares) annuelle pour certaines années depuis 1937

Les années 1983, 1992, 1993, 1995, 2006 et 2008 sont marquées par un déficit plus ou moins grave de remplissage des barrages du système de régulation du bassin du Guadalquivir.
Source des données : Fédération régionale des riziculteurs d’Andalousie. © L’Espace géographique, 2015 (awlb).

25Combinés à une intensification des connexions hydrauliques entre des territoires hydrologiquement disjoints, la loi sur l’eau de 1999 et ses décrets d’application ont rendu possible la dissociation entre droits d’eau et propriété foncière. Jusqu’en 1999, un droit d’eau à des fins d’irrigation ne pouvait être concédé que par l’administration et à un propriétaire terrien. Les changements législatifs et matériels opérés à partir de la fin des années 1990 rendent possible des marchés temporaires de droits d’eau entre propriétaires terriens. L’administration reste toutefois centrale dans la qualification des situations de pénurie et dans l’organisation des transactions. À ce jour, ces transactions n’ont concerné qu’un nombre limité de droits d’eau à l’échelle nationale, essentiellement entre irrigants, les années de pénurie sévère. À la fin des années 1990, l’État espagnol a autorisé la construction d’infrastructures permettant de transférer de l’eau du bassin du Guadalquivir vers le bassin d’Almanzora, situé dans la province d’Almería, où les pénuries sont encore plus intenses (transfert Negratín-Almanzora). L’État a ensuite concédé la gestion de l’infrastructure, opérationnelle à partir de 2004, à une société anonyme, Aguas de Almanzora, dont les actionnaires sont environ 10 000 propriétaires irrigants du bassin d’Almanzora, individuels ou organisés en communautés d’irrigants, qui ont aussi participé à l’investissement. Depuis lors, les conditions physiques qui rendent matériellement possibles des transferts temporaires de droits d’eau sont remplies. Une loi de 2005 a aussi autorisé l’usage de ces infrastructures pour de tels échanges marchands. Dans les marismas, au nom de ses actionnaires, Aguas de Almanzora a ensuite exploité cette possibilité d’une manière très singulière. Elle a utilisé le dispositif d’échanges marchands temporaires de droits d’eau tel qu’il été institué, mais la transaction n’a pas porté sur l’eau puisque l’acheteur était aussi le vendeur. En effet, en 2006, Aguas de Almanzora a contourné la réticence de nombreux propriétaires des marismas à vendre temporairement leurs droits d’eau, en négociant directement avec Hisparroz l’achat d’environ 1600 hectares rizicoles, pour un montant total de l’ordre de 40 millions d’euros (soit environ 24 000 euros/ha), lui donnant accès à de l’ordre de 15 millions de m3 d’eau. En 2006, 2007 et 2008, Aguas de Almanzora a ensuite transféré ces droits d’eau vers les terres almériennes des irrigants qu’elle représente, et ce afin de contribuer à irriguer de l’ordre de 24 000 hectares de productions horticoles et arboricoles à haute valeur ajoutée. Cela a permis aux irrigants d’Almanzora de sécuriser leur approvisionnement en eau en accédant à de nouveaux droits d’eau, mais toujours par le biais de l’achat foncier. Ces droits d’eau sont particulièrement attractifs puisque la CHG les définit pour le riz (de l’ordre de 10000 m3/ha), alors qu’ils sont utilisés pour des cultures qui demandent moins d’eau, et ce malgré les restrictions qu’a pu appliquer la CHG sur les droits échangés pendant les sécheresses de la période 2006-2008 (seule une partie du volume associé à ces droits a été effectivement transférée, et cette partie a aussi été variable selon les années). Enfin, les années où l’eau ne manque pas en Almería, la culture du riz dans les marismas reste, pour Aguas de Almanzora et les irrigants qui la gouvernent, une activité rentable, compte-tenu des aides publiques dont la riziculture bénéficie. Dit autrement, au nom de la flexibilisation et de l’efficacité des marchés, les dispositifs mis en place ont légitimé la construction de nouvelles infrastructures hydrauliques associées à une intervention accrue de la puissance publique. Cela a alors stimulé le marché foncier, qui reste, dans ce cas, l’instrument central de commensuration marchande de la valeur de l’eau. Les logiques agro-industrielles de grande ampleur, qui peuvent, comme nous l’avons vu, être d’ailleurs portées par des communautés d’irrigants, sont les principaux bénéficiaires de ces dispositifs et elles s’en trouvent aussi renforcées. C’est bien leur capital, leur capacité d’organisation à grande échelle et le soutien dont elles bénéficient de la part des politiques publiques qui leur permettent d’activer de telles formes de territorialisation, de déterritorialisation, et de re-territorialisation de l’eau.

Gouverner les dégâts produits par ces compromis

26Les marismas du Guadalquivir ne sont pas seulement connues aujourd’hui pour la production de riz, mais aussi parce qu’elles abritent le plus emblématique des parcs nationaux espagnols : Doñana. Doñana désigne un espace en constante redéfinition. Dès la deuxième moitié du xixe, les marismas de Doñana, propriété du duché de Medina Sidonia qui les utilisait pour la chasse, furent achetées par des acteurs de la bourgeoisie commerçante de Cadix et de Xérès. Ils commencèrent à valoriser sa richesse biologique pour en faire un commerce alliant chasse et tourisme, largement publicisé et qui draina de nombreux « voyageurs-chasseurs » (Picon, 1995) et biologistes européens, entre la fin du xixe siècle et les années 1950. Certains d’entre eux participèrent activement à la création de la société d’ornithologie espagnole en 1954 et du World Wildlife Fund en Grande Bretagne en 1961, et contribuèrent aux programmes de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco). À partir du milieu des années 1940, l’assèchement des marismas, le recalibrage et la rectification du lit de la rivière Guadiamar, ainsi que la construction d’un mur de protection contre les inondations autour d’Isla Mayor constituaient une menace directe pour Doñana (Ojeda Rivera, Del Moral, 2004). À l’ouest, l’administration forestière promouvait activement la plantation de forêts de pins et d’eucalyptus, et des entreprises touristiques commençaient à urbaniser la côte. L’Institut de colonisation, avec l’appui de l’Institut espagnol géologique et minier et de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), concevait aussi le « plan Almonte-Marismas » qui allait assécher de l’ordre de 25 000 hectares pour l’agriculture, essentiellement horticole et irriguée à partir de la nappe aquifère côtière Almonte-Marismas (fig. 1). C’est dans ce contexte que des scientifiques espagnols, tels que Francisco Bernis et José A. Valverde, cherchèrent à mettre Doñana au cœur de la communauté épistémique internationale d’écologues des écosystèmes qui se constituait autour de la promesse d’une résolution des tensions entre environnement et développement (Mahrane, Bonneuil, 2014). J.A. Valverde organisa des missions scientifiques internationales, écrivit de nombreux articles, promut l’inclusion de Doñana dans le programme de l’Unesco Man & Biosphere et réussit à réunir des fonds internationaux pour créer une station biologique et la première réserve à Doñana en 1964. La coalition que Valverde organisa rencontra à plusieurs reprises des représentants de l’État franquiste qui vit, dans la protection de Doñana, une façon de redorer le blason du régime à l’international (Ojeda Rivera, 1987-1988), alors que l’environnement devenait aussi un instrument de renouvellement des relations diplomatiques et commerciales. En 1969, le gouvernement franquiste décréta la création du parc national de Doñana sur une surface de 36 000 ha, qui sera ensuite plusieurs fois étendue pour représenter aujourd’hui près de 55 000 ha, incluant des réserves d’abord achetées par le WWF pour devenir des propriétés publiques, ainsi que des propriétés municipales et privées. Le Parc national est aussi entouré d’un parc naturel de près de 54 000 ha (fig. 1) qui est, lui, exclusivement constitué de propriétés privées.

27La création du parc de Doñana apparaît d’abord comme une petite concession faite à la politique franquiste utilitariste de gestion des ressources naturelles. La protection de ces marismas ne les empêcha pas, en effet, de continuer à subir les pressions anthropiques, avec la construction de la route côtière, l’urbanisation de Matalscañas ou encore la réalisation du plan Almonte-Marismas. Or la nappe aquifère d’Almonte-Marismas est cruciale pour l’alimentation des marais du parc en particulier parce que les transformations hydrauliques réalisées sur les eaux de surface par les projets de développement de la navigation et de l’irrigation ont déconnecté les marais de nombreuses rivières qui les alimentaient. Et ce d’autant plus que, en 1998, après l’accident de la mine d’Aznalcóllar [15], la Junta de Andalucia et le gouvernement central décidèrent d’augmenter encore l’isolement des marismas de Doñana en les déconnectant du Guadiamar et de ses affluents, rendant alors le parc de Doñana encore plus dépendant des eaux souterraines.

28Ainsi, les compromis permettant d’activer ensemble les projets de développement de l’irrigation et de la navigation générèrent, en réaction, un projet alternatif sur une partie des marismas dont les relations ont été gouvernées par une intensification des déconnexions hydrologiques entre les différents espaces. Cette partie des marismas avait déjà été investie depuis plusieurs décennies par des notables locaux qui réussirent à s’allier à des « biologistes-chasseurs-voyageurs » qui les connectèrent ensuite à des dispositifs internationaux de protection de l’environnement. Les projets de développement de l’irrigation d’un côté et de protection de la faune et de la flore de l’autre étaient très conflictuels dans les années 1970 et 1980, autour de la question des causes de la mortalité aviaire massive observée sur plusieurs années. À partir des années 1990 cependant, les porte-parole du parc commencèrent à s’allier aux riziculteurs. Ce n’est pas tant que leurs pratiques aient radicalement changé, c’est plutôt qu’ils représentaient désormais des acteurs moins polluants que les industriels et qu’ils pouvaient contribuer à renforcer l’ancrage local de Doñana. Les effets dévastateurs de la catastrophe d’Aznalcóllar contribuèrent en effet à reléguer la riziculture irriguée au second rang des pollueurs. La gestion des rizières offre aussi des habitats aux oiseaux, que le parc n’a pas pu protéger. L’utilité de la riziculture pour l’alimentation des oiseaux migrateurs est ainsi le produit d’un cadrage du problème très particulier. C’est en effet parce que les changements significatifs dans la dynamique hydrologique des marismas ont produit une relative indépendance entre la riziculture et le parc pour l’approvisionnement en eau de surface, que les marismas du parc de Doñana se retrouvent aujourd’hui plus sèches en été alors que les rizières, elles, sont irriguées en continu et deviennent attractives pour les oiseaux migrateurs. Les riziculteurs, quant à eux, ont trouvé dans la « production intégrée » promue à partir des années 1990 une manière de continuer à bénéficier des aides de la pac en valorisant leur proximité au parc, tout en domestiquant les contraintes environnementales pour qu’elles restent gouvernables et qu’elles ne modifient que marginalement les systèmes de production.

De nouvelles infrastructures pour rebattre les cartes du partage de l’eau et de l’espace

29Depuis une quinzaine d’années, les controverses entre navigation et irrigation dans l’estuaire sont réactivées après que, en 1999, la municipalité et l’organisme public en charge de la gestion du port de Séville ont présenté un projet de dragage, beaucoup plus important que les dragages réguliers, pour permettre l’accès au port à des bateaux de tirant d’eau supérieur. La Fédération régionale des riziculteurs d’Andalousie et les différents syndicats de riziculteurs mettent en avant le risque que ferait peser un tel projet sur la salinité de l’eau dans l’estuaire. Dès 2003 pourtant, l’étude d’impact et le ministère de l’Environnement ne considéraient pas un tel risque comme significatif [16]. Pour les riziculteurs, limiter la concentration en sels des eaux d’irrigation est un enjeu indépendant du projet de dragage. Celui-ci représente plutôt une opportunité pour en équiper un autre, le projet dit de « modernisation de la riziculture », lui aussi particulièrement coûteux. Il permet en effet aux riziculteurs de connecter le projet de « modernisation » à des enjeux environnementaux, d’exercer une pression sur l’autorité portuaire et de peser sur les luttes ministérielles pour l’accès à des fonds publics de plus en plus limités, quelle que soit la validité de l’énoncé associant salinité et projet de dragage.

30Le développement à grande échelle de la riziculture dans l’estuaire du Guadalquivir a été possible parce qu’il a été associé au stockage de quantités d’eau importantes utilisées à la fois pour la production agricole (évapotranspiration des plantes cultivées) et pour gérer la concentration en sel des eaux d’irrigation et des sols grâce à un système de circulation continue de l’eau dans les parcelles. Entre 1992 et 1995, les sécheresses empêchèrent le remplissage des retenues du système de régulation du bassin du Guadalquivir et l’irrigation de plusieurs milliers d’hectares (fig. 4). Elles provoquèrent aussi des coupures d’eau pour 10 millions d’habitants. Cette crise mit en évidence la vulnérabilité de ce système face à une augmentation de l’irrigation et à la variabilité de la pluviométrie entre l’automne et le printemps, mais elle ne réussit pas à le remettre en question. En effet, les réponses apportées consistèrent plutôt à augmenter le nombre de retenues [17] et à en modifier la gestion : jusqu’alors annuelle, elle devint ensuite pluriannuelle. La crise permit ainsi l’avènement d’un nouveau concept hégémonique, c’est-à-dire un concept devenu « incontournable dans la structure des discours politiques acceptables » (Trottier, 2012, p. 180). Il s’agit de la « modernisation » des systèmes irrigués. Ce concept a constitué une manière de gouverner la critique à la fois environnementale et économique portée à la grande hydraulique. Dans la pratique, « moderniser » les systèmes irrigués rizicoles revient en effet à modifier à la marge l’utilisation de l’eau, sans discuter la répartition de l’eau dont la riziculture est bénéficiaire et les politiques qui la soutiennent. Dans les discours de promotion de la « modernisation », une telle forme de rationalisation de l’usage de l’eau est censée « libérer » de l’eau « mal utilisée » ou « perdue », grâce à la promotion de nouvelles techniques jugées plus « efficientes » pour le transport ou l’application de l’eau à la parcelle. Les bénéficiaires d’une telle eau « libérée » ne sont cependant que très rarement explicités. Enfin, l’analyse fait le plus souvent l’économie d’une compréhension fine de la circulation de l’eau et de ce que deviennent les dites « pertes ».

31Depuis les années 2000, les riziculteurs exercent des pressions pour le financement de nouvelles retenues, canaux ou usines de dessalement, jusqu’ici sans succès. L’irrigation du riz dans les marismas se fait essentiellement à partir de l’eau prélevée directement dans l’estuaire par pompage. Jusqu’en 2008, le canal du bas Guadalquivir [18] avait essentiellement servi à l’irrigation d’autres cultures, situées au nord des marismas sur la rive gauche du fleuve. Après plusieurs périodes de sécheresse entre 2006 et 2008, les riziculteurs de la rive gauche ont réussi à négocier l’accès au canal. Le projet de « modernisation » de la riziculture correspondrait à une augmentation de la capacité du canal et à son extension pour alimenter non plus seulement les rizières de la rive gauche mais aussi celles de la rive droite, impliquant donc que le canal traverse le fleuve. Une telle infrastructure, qui prend l’eau à l’amont de l’estuaire (fig. 1), permettrait ainsi de généraliser l’accès des riziculteurs à une eau moins saline. Le projet prévoit aussi de rationaliser le système de circulation de l’eau dans les parcelles pour le contrôle de la salinité et des adventices. Il est justifié par des économies d’énergie que permettrait le remplacement des prélèvements par pompage dans l’estuaire par des prélèvements gravitaires dans le canal, alors que les coûts d’électricité ont significativement augmenté pour les irrigants depuis que le gouvernement a éliminé, en 2013, les subventions dont ils bénéficiaient sur le prix de l’électricité.

32Les riziculteurs cherchent donc à re-répartir l’eau du Guadalquivir : l’eau salée de l’estuaire reviendrait, de nouveau, exclusivement à l’activité portuaire, alors que les riziculteurs qui ont investi les marismas s’en dissocieraient désormais pour avoir accès comme les autres cultures irriguées à une eau moins salée et donc implicitement à davantage d’eau, parce qu’ils considèrent que la dotation de la CHG jusqu’alors dédiée à la gestion du bouchon salin pourrait désormais être utilisée pour l’irrigation du riz. Une telle re-repartition de l’eau du Guadalquivir créerait ainsi, pour les riziculteurs, de nouvelles marges de manœuvre dans l’espace et dans le temps pour stabiliser, voire augmenter leurs surfaces irriguées.

Conclusion

33Comprendre les enjeux concernant la gestion de l’eau et de la terre dans les marismas du Guadalquivir demande de saisir, sur le temps long, les relations de domination ou de compromis que différents acteurs ont entretenu entre eux et avec leur milieu et les formes de territorialisation qui leur sont associées. Ce n’est qu’à partir de la dictature franquiste que les marismas deviennent une unité spatiale que l’État gouverne de manière effective par la gestion des flux d’eau et de sel, avec le soutien des grands propriétaires fonciers et grâce au déploiement de tout un ensemble de dispositifs matériels et institutionnels à l’échelle du bassin versant du Guadalquivir. L’avènement du riz dans les marismas s’explique par la politique nationale autarcique du régime franquiste, son maintien et son déploiement par son insertion dans une logique qui s’est accommodée aussi bien d’un régime dictatorial que d’un régime démocratique. Une telle logique s’est appuyée sur des formes de déterritorialisation et de reterritorialisation de la gestion de l’eau et du foncier, permises entre autres par des transferts de droits d’eau ou encore le déploiement de stratégies de l’agro-industrie à l’échelle mondiale. Les acteurs qui dominent la production de riz des marismas sont aujourd’hui enchâssés dans une économie globalisée qui pourrait aussi tendre à la fragiliser en la rendant davantage commensurable avec d’autres régions du monde.

34La fonctionnalisation politique et matérielle de l’espace estuarien autour d’un triptyque agriculture irriguée, protection de la faune et de la flore et navigation a fait l’objet de tout un travail de naturalisation. Ce travail a été permis par des réalisations matérielles, par une répartition particulière des droits, des ressources et des contraintes, qui ont été équipés par des savoirs qui s’en sont à leur tour retrouvés légitimés. Ce travail a donc aussi produit de l’ignorance et des savoirs qui ont été disqualifiés. Les travaux des années 1970 et 1980 qui insistaient sur les effets négatifs de la discontinuité hydrologique sur la faune et la flore des marismas (Van Der Zouwen, 2006) sont par exemple aujourd’hui ignorés au profit de travaux qui donnent plutôt à voir les effets positifs de la riziculture sur les espèces migratrices.

35Si une telle fonctionnalisation a fabriqué des frontières entre des logiques de territorialisation opposées, elle a donc aussi produit de nouveaux enchevêtrements, de nouvelles relations, souvent inattendus, comme le suggère l’évolution conjointe des relations entre, d’un côté, espaces protégés et espaces dédiés à la riziculture, et, de l’autre, circulation souterraine et superficielle de l’eau dans ces espaces.

36Enfin, une telle fonctionnalisation est largement tributaire de l’eau disponible et donc de l’évolution de l’hydrologie à moyen et long terme. L’analyse montre pourtant que la question de l’évolution de l’hydrologie à moyen et long terme est aujourd’hui stratégiquement ignorée par les riziculteurs qui voient dans la réalisation de nouvelles infrastructures les marges de manœuvre dans l’espace et dans le temps leur permettant de faire l’économie d’une remise en débat plus fondamentale de leur relation à l’eau.

Notes

  • [1]
    35 % sont situés sur la rive gauche du Guadalquivir et 65 % sur la rive droite, à proximité du Parc national et du parc naturel de Doñana.
  • [2]
    Ces deux parcs incluent des marismas mais aussi des dunes mobiles et stables, des maquis boisés et des lagunes.
  • [3]
    Avec moins de 100 mm de pluies en moyenne pendant tout le cycle végétatif du riz.
  • [4]
    Cette distance était alors de 130 kilomètres. L’élimination de nombreux méandres et bras du fleuve à l’aval de Séville depuis la fin du xviiie siècle l’a réduite à environ 80 km.
  • [5]
    Ils se fondaient sur l’idée selon laquelle la marée remonte d’autant plus haut que le cours d’eau est rectiligne, autrement dit que le cumul de rugosités est plus faible.
  • [6]
    Ils se fondaient sur l’idée selon laquelle plus un cours d’eau est méandreux, donc à pente plus faible, plus le tirant d’eau est élevé pour un débit donné.
  • [7]
    Terres non irriguées.
  • [8]
    Même s’il y a eu aussi la Corta de los Jerónimos en 1888.
  • [9]
    L’irrigation du bassin prélève aujourd’hui entre 2,5 et 3,5 milliards de m3 par an dans les eaux superficielles régulées.
  • [10]
    L’irrigation des rizières et la gestion du bouchon salin représentent au maximum 400 millions de m3.
  • [11]
    La gestion de la salinité vise à la fois à faire refluer le bouchon salin et à évacuer le sel contenu dans la partie superficielle du sol en le dissolvant grâce à un système de circulation continu de l’eau dans les parcelles.
  • [12]
    Cortas de la Tablada en 1926, de la Vega de Triana en 1948, de la punta del Verde en 1965, de los Olivillos en 1971, de la Islita en 1972 et de la Cartuja en 1982.
  • [13]
    De 1988 à 1993, la Cee a incité les riziculteurs européens à remplacer les superficies ensemencées avec des variétés du type japonica (grain rond) par des variétés du type indica (grain long) au moyen d’aides directes.
  • [14]
    Qui s’appelait Ebro Puleva jusqu’en 2010.
  • [15]
    Déversement dévastateur de torrents de boues et d’eaux toxiques (métaux lourds) dans le Guadiamar dû à un effondrement dans la mine de pyrite à ciel ouvert d’Aznalcóllar de la société canado-suédoise Boliden, située à une soixante kilomètres au nord des marismas et du parc de Doñana.
  • [16]
    Résolution du 26 septembre 2003 du Secrétariat général de l’environnement, BOE no 236.
  • [17]
    La capacité de stockage du système de régulation du Guadalquivir a augmenté de 30 % entre 1995 et 2009.
  • [18]
    Ce canal de près de 150 km de long fut construit sous le contrôle de la CHG entre 1939 et 1952. Il constituait l’une des infrastructures clé permettant de transporter l’eau du fleuve pour l’irrigation des cultures et le drainage du sel à l’aval de Séville, en prolongeant le canal dit de « la vallée inférieure » construit entre les années 1920 et 1930. Le canal du bas Guadalquivir est aussi connu sous le nom de « canal des prisonniers » parce qu’il fut construit par plusieurs milliers de prisonniers politiques républicains.
Français

Cet article s’appuie sur le cas des marais saumâtres, ou marismas, de l’estuaire du Guadalquivir pour étudier, sur le temps long, les interactions entre natures et sociétés, les dynamiques d’appropriation de l’espace par la gestion de l’eau et de la terre. Il analyse plus particulièrement les dispositifs matériels et discursifs, les tensions et les contingences historiques qui ont fabriqué la vocation rizicole irriguée d’une partie des marismas. Il étudie les relations, depuis le xixe siècle, de concurrence et de compromis entre trois projets de gestion de l’eau et/ou de la terre pour la navigation, l’irrigation et la protection de la faune et de la flore, ainsi que leurs effets.

Mots-clés

  • eau
  • foncier
  • géographie politique
  • riziculture
  • sel
  • territoire

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Sara Fernandez
Irstea, Umr Geste, MA 8101
1 quai Koch, Bp 61039
67070 Strasbourg Cedex
France
María Jesús Beltrán Muñoz
Universidad Pablo de Olavide
Departamento de Economía, Métodos cuantitativos e Historia económica
Crta. de Utrera, Km 1 41013 Sevilla, España
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 26/11/2015
https://doi.org/10.3917/eg.442.0115
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