Contrairement à certaines idées reçues, l’histoire de la place financière suisse est jalonnée de plusieurs épisodes d’instabilité, de crises et de scandales. Le présent article cherche à comprendre pour quelles raisons ces crises ont rarement débouché sur des scandales d’ampleur nationale, en dépit même de la gravité des dérives constatées ou de l’ampleur des pertes occasionnées. Si faillites et crises peuvent en effet constituer une condition permissive au déclenchement de scandales, ces phénomènes ne sont pas nécessairement liés. En outre, certaines particularités des structures politiques et bancaires helvétiques, combinées au poids des associations économiques, constituées depuis la fin du XIXe siècle en de puissants « corps intermédiaires », tendent à favoriser le confinement des mobilisations, qui débordent aussi rarement des frontières cantonales qu’elles s’affranchissent avec difficulté des formes institutionnelles établies. Autant d’éléments qui contribuent à expliquer pour quelles raisons, en dépit même de mobilisations ponctuelles parfois tumultueuses, les scandales financiers ne semblent pas avoir marqué outre mesure les mémoires helvétiques.
Article
L’histoire de la place financière suisse est volontiers présentée comme celle d’un centre financier particulièrement sûr, stable et peu affecté, sauf en de rares exceptions, par les crises d’ampleur nationale ou internationale. Stabilité, solidité, discrétion, vertus de l’autorégulation des agents bancaires par eux-mêmes sont les maîtres mots d’une historiographie confinant parfois à l’image d’Épinal. Or une lecture plus attentive montre que, en matière d’instabilité, de crises et de scandales, l’histoire des structures bancaires suisses ne le cède probablement en rien à celle des autres centres financiers modernes.
Malgré les soubresauts récents de la place financière suisse dans le sillage de la crise de 2008, l’image d’un secteur bancaire helvétique particulièrement résistant aux crises et (relativement) peu propice aux scandales domine encore dans la littérature. Aussi l’histoire du système bancaire suisse est-elle souvent présentée comme une success story pluriséculaire décrivant la réussite, à l’abri du chaos du monde, de gnomes sans visage dont le pouvoir, l’influence et la prospérité se développent inéluctablement, dans l’espace tant national qu’international. Solidité, stabilité, prudence et conservatisme dans la gestion des risques, discrétion proverbiale et culte du secret : autant de poncifs couramment associés aux banquiers suisses et qui s’accordent en effet bien mal aux turbulences ravageuses des crises et aux échos tapageurs du scandale.
Pourtant ni les crises ni les scandales n’ont épargné le monde bancaire helvétique…
Résumé
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Auteurs
- Mis en ligne sur Cairn.info le 14/01/2021
- https://doi.org/10.3917/eh.101.0100
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