CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Il est devenu commun de considérer l’entrepreneuriat comme prenant la forme d’écosystèmes plus ou moins ancrés dans des territoires, mais moins comme une véritable industrie générant plus ou moins de valeur, ayant ses travailleurs, déployant ses outils et ses pratiques, et dont les protagonistes retirent des revenus qu’ils souhaitent pérennes. C’est pourtant la transformation majeure des dernières décennies dont nous n’avons peut-être pas tiré les entières conséquences. En somme, l’entrepreneuriat s’est autonomisé comme une sphère économique, soumise à des logiques contradictoires, dont la matière première est… la pratique entrepreneuriale des autres.
Si, pour faire simple, l’entrepreneuriat est devenu un business, c’est que la pratique entrepreneuriale s’est elle-même professionnalisée. La figure du (de la) self-made (wo)man se raréfie, est a minima invisibilisée, au profit d’un entrepreneur éduqué. L’entrepreneuriat occupe une place conséquente dans l’enseignement supérieur ce qui n’est pas sans lien avec l’émergence d’un mythe de rechange : celui de la start-up. La porosité des frontières entre travail et entrepreneuriat se traduit à la fois par la recherche d’aptitudes propres à la profession d’entrepreneur (on parle de carrière entrepreneuriale) mais aussi par un rehaussement du seuil de compétences techniques nécessaires pour entreprendre. Ces dernières peuvent être compensées par des aptitudes relationnelles (la mise en équipe), mais là, ce sont les inégalités en capital social qui surgissent…

Olivier Germain
Olivier Germain : Je suis professeur titulaire à l’école des sciences de la gestion de l’université du Québec à Montréal où je dirige la Chaire Entrepreneuriat, Altérité et Société. Mes travaux et les rencontres avec des entrepreneurs et accompagnateurs m’ont conduit à m’intéresser à la manière dont l’entrepreneuriat est formé d’acteurs, d’outils et de discours qui contribuent à définir les bonnes manières d’entreprendre, mais aussi façonnent les identités et donc possiblement excluent. Nous souhaitions proposer cette tribune car nous considérons que l’industrialisation de l’entrepreneuriat constitue un changement majeur dont nous n’avons pas nécessairement considéré toutes les conséquences. L’entrepreneuriat est un champ structuré autour de technologies, de travailleurs parfois invisibles et d’une logique de (re)production d’entrepreneur(e)s.
Amira Laifi
Amira Laifi : Je suis professeure associée à l’EMNormandie au département Stratégie et Entrepreneuriat et travaille sur la légitimité et la légitimation des nouvelles entreprises et des entrepreneurs. Après des premières recherches conduites sur des créations de nouvelles entreprises et de nouveaux Business model, le déterminisme des processus de construction de la légitimité ainsi que des processus entrepreneuriaux qui domine les travaux de recherche m’a interpellée. Je me suis attelée avec certains collègues à déconstruire ces déterminismes en nous inscrivant dans des approches critiques de l’entrepreneuriat. Par ailleurs j’ai rencontré des jeunes entrepreneurs et accompagné des étudiants dans leurs travaux de recherche en entrepreneuriat qui m’ont permis d’avoir un regard parfois critique sur les institutions d’accompagnement et d’enseignement de l’entrepreneuriat et les discours institutionnels.
Virginie Blum
Virginie Blum : Je termine ma thèse de sociologie à l’Université Lumière Lyon 2 sur le travail des juges du tribunal de commerce pour traiter les entreprises en faillite, sous la direction d’Isabelle Sayn. Mes recherches m’ont «naturellement» – oserai-je dire – menée à m’inscrire dans le courant des approches critiques de l’entrepreneuriat. L’univers judiciaire de la défaillance d’entreprises vu sous un angle sociologique permet de prendre certaines distances avec la recherche en entrepreneuriat et les présupposés qu’elle charrie. Plus encore, l’analyse de cet univers permet de se questionner en profondeur sur le type de société entrepreneuriale que nous construisons. Parallèlement, je prolonge mes réflexions et développe mon regard critique sur l’entrepreneuriat en mettant à l’épreuve, à travers différentes séries d’entretiens, les représentations, les normes, valeurs et imaginaires des professionnel(le)s de l’accompagnement entrepreneurial.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 27/05/2022
https://doi.org/10.3917/entin.051.0076
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