CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Les points forts

  • La Boussole part du besoin pragmatique d’orienter les entrepreneurs dans l’écosystème foisonnant de l’accompagnement. Réseau informel de coopération, elle associe dix structures privées parisiennes dont les expertises sont complémentaires tout au long de la chaîne d’accompagnement, de l’idéation à la création, puis à l’amorçage et jusqu’au scaling et l’expansion internationale.
  • La visée de structuration de l’écosystème s’appuie sur une démarche typiquement effectuale[2]. Avec l’aide du BCG et du réseau des partenaires, une enquête médiatisée et la construction d’un outil digital ont permis de commencer à recenser et à faire évaluer l’offre d’accompagnement par les entrepreneurs eux-mêmes.
  • L’accompagnement promu par La Boussole met en avant l’objectif de croissance et implique l’acceptation du risque tant par les entrepreneurs que par les accompagnateurs.

1Entreprendre & Innover : Comment êtes-vous arrivés chacun à l’accompagnement entrepreneurial ?

2Maëva Tordo : Je suis rentrée à ESCP Europe après avoir fait une Khâgne. J’ai donc un profil plutôt littéraire. Je suis arrivée en école de commerce en cherchant une alternative au business traditionnel. À ESCP Europe j’ai rencontré Jacqueline Fendt qui était en train de créer la chaire entrepreneuriat et j’ai commencé à travailler avec elle rapidement. J’ai fait mon premier stage dans une association qui aidait les entrepreneurs sociaux au Sénégal. Après mon diplôme en 2011, on m’a demandé de m’occuper de la Blue Factory [3], qui accompagne les entrepreneurs de ESCP Europe, qu’ils soient étudiants ou diplômés, tout au long de leur vie. Par ailleurs, j’ai cofondé le NOISE [4], association qui permet aux étudiants de mieux connaître l’innovation sociale et l’entrepreneuriat et de devenir plus acteurs de leurs études. Je suis aussi associée dans un bar solidaire que nous avons lancé avec 175 co-patrons dont fait partie Paul. Cela fait une dizaine d’années que je suis active dans l’accompagnement des entrepreneurs en relation avec trois univers : les collectifs d’innovation sociale, les startup Tech et les écoles et universités.

3Paul Jeannest : Après des études de droit, j’ai suivi un mastère spécialisé à l’ESCP. À l’issue de mon stage de fin d’étude, j’ai décidé d’investir dans la startup qui m’avait accueilli. À sa fermeture en 2011 j’ai pris conscience de ma volonté de continuer à m’investir auprès des entrepreneurs. J’ai eu la chance en 2012 de travailler sur le programme innovation et entrepreneuriat d’un candidat aux élections présidentielles. J’ai rejoint RAISE [5] en 2014 avec Clara Gaymard et de Gonzague de Blignières afin de lancer le Fonds de dotation RAISE Sherpas, premier accélérateur philanthropique dédié aux jeunes entreprises de croissance.

4E&I : Pour quelle cible et à quel stade de l’accompagnement entrepreneurial vos dispositifs respectifs interviennent-ils ?

5Maëva : Blue Factory accompagne les entrepreneurs de ESCP Europe. Nous avons trois communautés nommées Start, Seed et Scale. Blue Factory Start est une communauté qui accueille tous les porteurs de projet qui ne sont pas encore prêts pour la mise sur le marché ou en sont au tout début. Ils ont un rendez-vous mensuel de coaching et d’entraide. Dans le Blue Factory Seed, on accueille une dizaine de projets qui sont en « go to market », c’est-à-dire qu’ils vont normalement réaliser leurs premières ventes. On leur offre un espace de travail, un réseau et du coaching personnalisé. La communauté Scale, ce sont tous les anciens de la Blue Factory que nous avons accompagnés, plus les entrepreneurs de ESCP Europe qui ont à un moment donné bénéficié de notre soutien. Ils nous sollicitent selon leurs besoins de croissance et nous les mettons par exemple en relation avec nos campus, nos partenaires et d’autres structures d’accompagnement.

6Paul : RAISE Sherpas est concentré sur les phases de développement « post-amorçage ». Nous accompagnons les entreprises qui se trouvent entre l’année 2 et l’année 5. C’est une période délicate durant laquelle la startup a besoin d’accompagnement sur les problématiques de croissance, telle que la génération d’un chiffre d’affaires grandissant, l’embauche de nouveaux collaborateurs, la levée de fonds, l’international…). La probabilité de défaillance est plus importante sur cette période. Avant d’arriver chez RAISE Sherpas, elles sont passées par d’autres incubateurs ou accélérateurs, et iront chez d’autres par la suite.

7E&I : Quel est le modèle économique de vos structures ?

8Paul : Après avoir créé RAISE Investissement, dédié au capital développement de PME et ETI, RAISE a développé de nouvelles activités dans le capital-risque et l’immobilier (RAISE Ventures et RAISE Immobilier). Ces trois activités soutiennent le fond de dotation RAISE Sherpas en donnant 50 % de leur plus-value pour financer l’accompagnement des entrepreneurs, qui est donc gratuit. Le modèle économique de RAISE repose sur la bienveillance puisque c’est la réussite des autres structures qui permet de soutenir la création d’entreprises et l’écosystème entrepreneurial.

9Maëva : La Blue Factory est financée par l’Ecole, la Fondation, des partenaires mécènes, et par les entrepreneurs selon les programmes. Par exemple pour le programme Seed, ils payent aujourd’hui 350 € par mois et par projet. Start et Scale sont aujourd’hui gratuits.

10Paul : Nos business models sont donc particuliers puisque nous sommes tous les deux dans des structures d’accompagnement « non profit ». Notre vocation, bien qu’à des stades différents, est d’aider les entrepreneurs à pérenniser leur croissance sans forcément chercher le gain économique. Il s’agit d’une mission.

Un réseau de coopération entre dix structures d’accompagnement privé

11E&I : Comment s’est mise en place la coopération entre vous ?

12Maëva : Nous sommes dans les mêmes réseaux, cela a été assez naturel puisque nous échangeons régulièrement sur nos métiers et sur le secteur.

13Paul : On a commencé à travailler ensemble en 2015 sur le projet David avec Goliath qui encourage l’alliance des grandes et des jeunes entreprises de croissance. C’est un projet qui a pour but la collaboration et la création de ponts entre les deux mondes. Nos ADN sont assez proches sur ces sujets, et nous collaborons régulièrement pour des événements, des programmes d’accompagnements…

14E&I : La Boussole est-elle née de ces échanges ?

15Paul : Nous étions dans les mêmes réseaux, dans des structures aux valeurs similaires, celles d’aider les entrepreneurs. C’est de nos échanges et de rencontres avec les entrepreneurs qu’est née le constat qu’il fallait agir conjointement. Cela a mené à la Boussole.

16Maëva : En effet il ne s’agit pas d’une démarche anticipée. La Boussole est apparue comme un projet logique à présent que l’écosystème arrive à maturité. Pendant une dizaine d’années il a d’abord fallu exister, se différencier, créer un modèle pérenne pour chaque structure d’accompagnement. La coopération n’était pas d’actualité. Aujourd’hui notre métier se structure et cela devient évident de passer d’une forme de compétition à une coopération qui nous permette d’accompagner les entrepreneurs sur toutes les phases de leur développement. C’est naturel aujourd’hui pour nous de faire des choses ensemble.

17E&I : Votre coopération a-t-elle pour but de construire une offre complète d’accompagnement ?

18Maëva : Nous avions tous constaté que beaucoup d’entrepreneurs nous contactaient pour savoir par qui être accompagné. Nous recevions aussi beaucoup de candidatures mal ciblées. Parallèlement, il y avait beaucoup de nouveaux acteurs dans l’écosystème. Le premier besoin était donc d’orienter les entrepreneurs dans un écosystème de plus en plus complexe.

19Paul : Aujourd’hui, on reçoit des CV de personnes issues des plus grands cabinets de conseil. Ils ont envie d’accompagner les entrepreneurs. C’est une preuve tangible de la professionnalisation de notre métier.

20Par ailleurs un accompagnateur ne peut pas être bon sur tous les sujets. C’est pourquoi nous essayons d’orienter nos entrepreneurs vers les personnes les plus aptes à les aider. En additionnant nos savoir-faire, nous sommes capable d’aider pleinement l’entrepreneur. Il y a encore du chemin à faire pour que tous les acteurs de l’accompagnement prennent pleinement conscience du fait que nous sommes complémentaires. C’est justement ce en quoi consiste la Boussole : aider ensemble les entrepreneurs à grandir.

21Maëva : L’un des présupposés du projet est que l’accompagnement en France aujourd’hui fait émerger beaucoup de projets mais que la plupart d’entre eux ne grandissent pas. D’où l’idée qu’il faut structurer l’accompagnement depuis l’idéation, la création, et l’amorçage jusqu’au scaling et l’expansion pour faire grandir le projet.

22E&I : Les six partenaires de La Boussole sont complémentaires en termes d’offre d’accompagnement. Quelle est votre structure collective ?

23Maëva : A nous dix, nous sommes représentatifs des différentes étapes et des différents types d’offres d’accompagnement [6]. Nous avons chacun l’expertise pour accompagner un entrepreneur sur une étape différente de sa maturité. Il n’y a pas de leader particulier parmi nous, c’est un projet collectif qui va prendre probablement la forme d’une association.

24Paul : Chacun a des métiers et des business models différents pour aider des entrepreneurs différents à des étapes de vie différentes. À l’avenir, on pourra imaginer une répartition plus définie des activités à travers différents types d’accompagnateurs. La Boussole est encore à l’état d’expérimentation, elle est amenée à grandir et à intégrer des acteurs de l’accompagnement de toute la France.

25E&I : Le Boston Consulting Group a rédigé le guide de la Boussole. Quel était le sens de leur participation et qu’implique-t-elle ?

26Maëva : Quand nous avons commencé à nous réunir sur ce sujet-là, nous nous sommes rendu compte qu’il nous fallait une structure extérieure pour nous aider à avancer parce que nous étions nombreux. Nous souhaitions également bénéficier d’un regard extérieur objectif pour poser les bases de notre démarche et permettre d’en faire bénéficier l’ensemble de l’écosystème.

27Paul : Pour commencer de manière intelligente il fallait faire un état de l’art de l’accompagnement en France. Il n’y a rien de mieux qu’un cabinet de conseil pour ça ! Le BCG souhaitait s’investir sur le thème de l’entrepreneuriat et de l’écosystème de l’accompagnement. Notamment parce qu’ils ont pour habitude de travailler avec les grands groupes qui s’investissent de plus en plus sur ces sujets.

Elargir le cercle de La Boussole au-delà des dix fondateurs

28E&I : Votre démarche apparaît très effectuale. Par quoi avez-vous commencé et où en êtes-vous maintenant ?

29Paul : On a adopté une méthode agile. Ce qu’on prône pour nos entrepreneurs, on le fait entre nous.

30Maëva : On a commencé par l’étude avec le BCG. C’est la première brique qui a abouti à cette cartographie de l’accompagnement qui se trouve dans le guide. L’objectif était d’avoir une grille de référence à partir de laquelle identifier les caractéristiques des structures d’accompagnement française, pour remplir cette mission d’orientation des entrepreneurs vers l’offre la plus pertinente. C’est aussi un bon outil pour faire connaître l’initiative dans les medias (Les échos, Maddyness, BFM) et lancer un appel à participation à l’écosystème.

31Paul : La deuxième brique, c’était notre présence au salon Vivatech en mai. Sur nos stands, on a interrogé d’un côté les accompagnateurs inspirés par notre initiative sur leur profil type, leur public, les phases sur lesquelles ils interviennent, leur offre… et, d’un autre côté, les entrepreneurs sur leurs besoins d’accompagnement. Au total, on a collecté environ 200 réponses, 100 entrepreneurs et 100 accompagnateurs. Ces données vont nous aider maintenant à prototyper un outil d’aide à l’accompagnement. La troisième brique sera le 17 octobre à ESCP Europe. On sera alors en capacité de dire que la Boussole est née en tant que structure. On pourra présenter les premiers outils pour les entrepreneurs et mettre en avant nos premières missions.

32E&I : Quelles projections faites-vous pour la suite ?

33Maëva : D’ici la fin de l’année, le but est de constituer une association plus large que nous dix, qui soit représentative au niveau national, et de décider avec l’ensemble des membres ce que nous voulons faire de cette coopération. Nous travaillons aussi sur un outil nous permettant d’orienter les entrepreneurs avec des réponses concrètes au-delà de la grille théorique.

34Paul : L’avenir de la Boussole est encore dur à définir. On peut envisager qu’un jour il y aurait une commission « événements », une commission « internationale… » Pour l’instant c’est une initiative qui doit avancer par étapes.

35E&I : Quel est le but de votre guide pour les entrepreneurs ?

36Maëva : Le guide répond concrètement au besoin des entrepreneurs qui nous demandent : « Penses-tu que je dois être accompagné plutôt par un incubateur ou un accélérateur ? Est-ce qu’il existe une structure pour m’aider à me lancer ? ». Le guide décrit le vocabulaire de base pour les gens qui se lancent. Nous voulons que chaque entrepreneur ait les clés pour choisir un accompagnement sérieux afin de pouvoir grandir. Il doit comprendre la nature des offres disponibles dans les différentes structures et être au clair sur les contreparties attendues de sa part. Le flou actuel de l’écosystème fragilise les entrepreneurs. Ce que nous voulons, c’est que les porteurs de projet, qui portent le risque, choisissent une offre d’accompagnement en connaissance de cause.

37Paul : Le guide donne des outils pour la réflexion. Il aide les entrepreneurs à se poser des questions pour savoir de quel accompagnement ils ont besoin en fonction de l’étape à laquelle ils se trouvent. Pour l’instant, on ne donne pas de réponse. Mais demain, on sera peut-être capables de préconiser telle ou telle structure d’accompagnement.

La vision portée par La Boussole : croissance et acceptation du risque

38E&I : Qu’est-ce qu’un « bon » accompagnement selon vous ? L’accent porte-t-il davantage sur le projet ou sur la personne ? Par quels types de profils d’accompagnateurs ?

39Maëva : Les deux sont importants, l’accent dépend principalement de l’étape. Si vous êtes en phase de scaling ou d’expansion, c’est plutôt le projet qui va être accompagné. S’il s’agit plus d’une phase d’idéation ou de création, on est davantage concentré sur le porteur de projet.

40Paul : Dans les premières étapes de la vie d’une entreprise, il faut accompagner l’entrepreneur sur le savoir-être : « Comment je deviens entrepreneur quand j’en prends la décision ? ». C’est tout le sujet du mentorat. Il est pratiqué chez plusieurs accompagnateurs comme le Réseau Entreprendre et est effectué par des entrepreneurs expérimentés. Chez Raise ce n’est pas forcément l’objet de l’accompagnement puisque nous travaillons avec des entreprises plus matures. Leurs besoins portent plus sur le business, l’opérationnel. C’est là qu’interviennent des experts métiers et des corporate dans nos programmes d’accompagnement.

41E&I : Et si le succès, a fortiori la croissance n’est pas là… Avez-vous pensé à des dispositifs d’accompagnement spécifiques pour prévenir ou surmonter l’échec ?

42Maëva : Le rapport à l’échec est au cœur de la création. Créer un projet c’est se lancer et essayer d’y arriver. Si cela ne marche pas, eh bien ça ne marche pas. Soit on recommence un nouveau projet soit on fait autre chose… Les entrepreneurs qui sont passées par la Blue Factory et dont le projet a fait faillite restent souvent dans des métiers liés à l’innovation et deviennent par exemple experts ou mentors pour aider des porteurs de projet, ils continuent à participer à l’écosystème. En tant qu’accompagnateur notre rôle est simplement dans la transmission de cette culture où l’échec est un apprentissage. Il n’y a pas de honte dans l’échec entrepreneurial mais c’est une réalité à prendre en compte. Monter une entreprise c’est difficile et les entrepreneurs qui se lancent sous-estiment souvent cela, tout en recherchant ce défi.

43Paul : On sait qu’une boite sur deux n’atteint pas la 6e année. Et tous les dix, quand on a une entreprise qui meurt, soit il y en a un qui a perdu son investissement de départ, soit il y en a un qui a perdu de l’argent… On le sait, on connaît les risques. L’entrepreneur les connaît aussi. Ça nous blesse et ça nous choque quand des entrepreneurs qu’on connaît perdent tout. C’est clair et il n’y a rien de pire que cela. Ça nous arrive, mais qu’est-ce qu’on peut faire ?

44Maëva : Lors des entretiens avec les candidats au programme Blue Factory Seed, un des points que nous regardons, c’est de savoir si les porteurs de projets ont les ressources personnelles suffisantes pour avancer sur leur projet sans se mettre trop en danger, car cela est généralement source de fragilité au sein de l’équipe et rend l’accompagnement difficile. Il ne s’agit pas de les démotiver mais de leur faire prendre conscience des enjeux réels de leur engagement.

45Paul : Mais je ne pense pas que ce soit notre responsabilité de traiter le rebond. Il y a des structures qui sont spécialisées dessus comme 60 000 rebonds [7]. Les entrepreneurs, on voit partout chez eux dans leurs bureaux : « Ils ne savaient pas que c’était impossible alors ils l’ont fait ». Ils sont dans cet état d’esprit-là. C’est assez contradictoire avec l’idée de l’échec. C’est ce qui les caractérise… Ils y vont, ils foncent. Il est vrai que certains misent moins gros. Là, il y a une vraie réflexion à faire, entre ceux qui n’ont rien et ceux qui ont de quoi se lancer dans l’aventure. Mais on rentre ici dans un débat différent…

46E&I : Quels sont pour vous les critères de jugement des structures d’accompagnement ?

47Paul : On s’est beaucoup posé la question des indicateurs de performance des structures au moment de faire le questionnaire pour Vivatech. Il en existe beaucoup : le taux de pérennité des startups accompagnées, la croissance du chiffre d’affaires, le nombre d’emplois créés, les levées de fonds… Ce sont ces indicateurs qui nous aident à mesurer l’efficacité de notre travail.

48Maëva : Le sujet des indicateurs est compliqué. C’est très variable d’une structure à l’autre. En tant qu’incubateur d’école, j’ai un enjeu de formation. Un de mes KPI est que les gens apprennent à entreprendre. Or, c’est d’ordre qualitatif donc difficile à chiffrer. C’est en tous cas très différent d’un accélérateur qui prend X % de parts du capital et doit faire un effet de levier pour ses investisseurs ou bien d’un incubateur public qui a un enjeu autour du nombre d’emplois créés.

49Il faut aussi prendre en compte le fait que l’impact des indicateurs n’est pas neutre sur la structure. Dans les écoles de commerce par exemple, l’impact du classement du Financial Times (FT) a une influence : l’un des critères étant le salaire de sortie, le fait d’avoir trop d’entrepreneurs peut poser problème puisque leur salaire est souvent nul en début de carrière. Dans le cas des incubateurs, selon les critères choisis cela pourrait aussi influencer le type de projet accompagné. Si on ne regarde par exemple que le nombre de licornes créées cela pourrait pousser les accompagnateurs à n’accompagner que des projets visant une valorisation à 1 milliard d’euros. Ce qui serait vraiment très restrictif comme vision de l’entrepreneuriat.

Un déploiement sur tout le territoire

50E&I : Quel est votre positionnement vis-à-vis des structures publiques d’accompagnement, comme les CCI, les PEPITE, la BPI… ?

51Maëva : Cela aurait été difficile d’intégrer les grands réseaux publics dans le lancement de la Boussole vu leur taille et leur organisation. Mais les étudiants entrepreneurs des Pépite [8] pourront par exemple déjà utiliser l’outil de la Boussole pour trouver le bon accompagnement. Ensuite, il s’agira de voir comment partager les bonnes pratiques et coopérer.

52Paul : En fait, on aura besoin de tout le monde mais je crois qu’il est important que le cœur de l’initiative reste chez les acteurs de l’accompagnement privés. Les investisseurs ont vocation à être dans notre écosystème ainsi que la French Tech, parce qu’ils ont un rôle à jouer dans la vie de l’entrepreneur qui grandit.

53E&I : Voulez-vous réaliser une cartographie de l’ensemble des structures françaises ?

54Paul : Non, on ne veut pas et on ne peut pas être exhaustifs. On veut être représentatifs de la diversité des structures mais on ne peut pas dire : « voilà la liste des incubateurs de France dans lesquels vous pouvez aller ! ».

55Maëva : Pour la première sélection, on pourra commencer par lister les organisations qui se sont créées depuis deux ans. Cela permettra de faire témoigner des entrepreneurs déjà accompagnés sur l’apport et la pertinence du programme suivi.

56E&I : Les dix partenaires actuels sont parisiens. Comment envisagez-vous de vous déployer sur le territoire ?

57Paul : On a commencé à Paris dans une optique opérationnelle, pour lancer quelque chose vite et bien. Mais demain j’espère qu’on sera cinquante ou cent dans toute la France parce qu’il y a des entrepreneurs dans toute la France.

58Maëva : Parmi les partenaires de la Boussole, il y a déjà Le Village by CA qui a des antennes un peu partout en France. De même les 200 personnes qui nous ont contactés sur le site Internet de la Boussole viennent de toute la France. La Boussole révèle un écosystème qui existe déjà. Nous contribuons à l’organiser, à le cartographier, donc à le rendre plus visible. Et de la même manière que les accompagnateurs pourront nous rejoindre, les écoles pourront également le faire, j’ai déjà des homologues dans d’autres écoles qui sont intéressés pour rejoindre l’initiative.

59E&I : Et pour finir afin de délimiter votre objet, que veut dire l’image de la boussole ?

60Maëva : L’imaginaire de la Boussole est intéressant. Une Boussole, ça indique le Nord. Ça n’indique pas où aller. Donc l’entrepreneur qui utilise la Boussole reste décideur de là où elle va.

Notes

  • [1]
  • [2]
    Voir Silberzahn, P. (2016). L’effectuation, logique de pensée des entrepreneurs experts. Entreprendre & Innover, 28,(1), 76-82. doi:10.3917/entin.028.0076.
  • [3]
  • [4]
  • [5]
  • [6]
    Le guide de la boussole recense 7 acteurs types (couveuse, incubateur, Fab Lab, Accélérateur, Pépinière, Espace de Coworking, Réseau d’entrepreneurs) en les positionnant sur 5 étapes (idéation, création, amorçage, scaling, expansion) et 3 types d’offres (environnement et infrastructure, conseil et business développement, financement). Les 10 partenaires représentent une diversité d’acteurs privés : un incubateur d’école (Blue Factory – ESCP Europe), des accélérateurs (Raise sherpas, 50 partners, INCO, NUMA, Schoolab), des accompagnateurs corporate (Google, Le Village by CA, UR Link – Unibail Rodamco) et un réseau d’entrepreneurs (Réseau Entreprendre).
  • [7]
  • [8]
Français

La Boussole [1] est un partenariat entre dix structures d’accompagnement privées (50 Partners, Blue Factory – Escp Europe, Google, INCO, Le Village by CA, Numa, RAISE Sherpas, Réseau Entreprendre Paris, Schoolab et UR Link-Unibail Rodamco) visant à structurer l’écosystème d’accompagnement pour aider les jeunes entreprises françaises à devenir des licornes. La première étape du partenariat prend la forme d’un guide des meilleures pratiques réalisé avec le Boston Consulting Group à destination des entrepreneurs et des accompagnateurs. L’entretien avec deux membres de La Boussole, Maëva Tordo, responsable de l’incubateur Blue Factory-ESCP Europe et Paul Jeannest, directeur de RaiseSherpas, explique l’origine de cette initiative, son fonctionnement sous le mode d’un réseau d’échanges, mais aussi ses visées de structuration de l’écosystème et la démarche de nature effectuale qu’elle adopte pour se développer. La philosophie d’accompagnement à but de croissance est décrite en parallèle.

Caroline Verzat
Caroline Verzat, rédactrice en chef de la revue Entreprendre & Innover, est professeur associée du département Sciences, Hommes et Organisations à ESCP Europe. Normalienne, diplômée de l’ESSEC et docteur en sociologie des Organisations, elle est habilitée à diriger des recherches en Sciences de Gestion. Ses recherches articulent étroitement exploration pratique et recherche théorique. Elles explorent de nombreux questionnements liés à l’entrepreneuriat et à l’éducation entrepreneuriale, à l’interface de la sociologie, des sciences de gestion et des sciences de l’éducation.
Xavier Lesage
Xavier Lesage est professeur en stratégie et entrepreneuriat à l’Essca School of Management (Angers). Référent Entrepreneuriat, il est responsable d’Essca Entreprendre, le dispositif d’accompagnement des porteurs de projets entrepreneuriaux de l’école. Il est également le responsable pédagogique du MSc Entrepreneurship & Design Thinking, bi-diplôme en collaboration avec l’école de Design de Québec de l’Université de Laval (Canada). Ancien élève de l’ENS Cachan, titulaire d’une thèse de doctorat en sciences de gestion de l’Ecole Centrale Paris, ses travaux portent sur les stratégies d’innovation et d’internationalisation des PME, sur l’innovation et les business models, sur l’entrepreneuriat institutionnel, le processus entrepreneurial et l’accompagnement entrepreneurial.
Dialogue avec 
Maëva Tordo
Responsable de Blue Factory
Paul Jeannest
Directeur de RAISE Sherpas.
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 04/10/2018
https://doi.org/10.3917/entin.036.0046
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