CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 Les performances macroéconomiques des années 1990 ont accrédité l’idée d’une supériorité de l’économie américaine sur l’économie européenne, du fait d’une croissance plus élevée en moyenne et plus stable. L’économie américaine serait à la fois plus dynamique et plus résiliente que l’économie européenne, le terme de « résilience » ayant été adopté pour désigner la capacité à revenir rapidement vers l’équilibre après un choc défavorable.

2Si les avantages d’une croissance plus forte (du moins corrigée de la démographie) sont évidents, une croissance plus stable présente également des avantages : elle est synonyme d’une plus grande sécurité de l’emploi, au bénéfice surtout des populations les plus fragiles, de moindres incertitudes sur l’avenir et de moindres primes de risques.

3La notion d’instabilité peut recouvrir deux dimensions. D’une part, une économie peut être instable car elle connaît des à-coups l’écartant plus ou moins fortement de son potentiel : la taille de ces à-coups mesure l’amplitude de l’instabilité. D’autre part, plus ces à-coups mettent du temps à se résorber, plus la croissance fait preuve d’inertie et plus l’économie accumule des déséquilibres importants : l’étendue temporelle des à-coups mesure la durée de l’instabilité.

4Cette distinction permet de réaliser une analyse purement descriptive des cycles connus par la Zone euro et les États-Unis sur les 40 dernières années. Il en ressort que :

  • sur toute cette période, l’amplitude des cycles a été plus faible en Zone euro qu’aux États-Unis…
  • … mais cette amplitude se réduit régulièrement aux États-Unis, beaucoup moins dans la Zone euro;
  • la durée des cycles est du même ordre de grandeur en Zone euro et aux États-Unis…
  • … mais cette durée semble s’accroître en Zone euro depuis 20 ans alors qu’elle se réduit plutôt aux États-Unis;
  • au total, la Zone euro n’est aujourd’hui pas moins stable que les États-Unis…
  • … mais la stabilité de l’économie américaine s’est nettement améliorée par rapport au passé (par baisse de l’amplitude des cycles) contrairement à celle de la Zone euro pour laquelle on observe plutôt un allongement de la durée des cycles.

1. Tendance, cycle et instabilité

5Le niveau de production d’une économie est classiquement décomposé en une composante tendancielle et une composante cyclique. La composante tendancielle reflète le niveau de la production potentielle qui serait celle d’une économie ne subissant pas de chocs. La composante cyclique reflète la réponse de l’économie aux différents chocs qu’elle subit. Ces deux phénomènes sont illustrés dans ce qui suit par des exemples d’économies « théoriques » dont les fluctualtions sont parfaitement sinusoïdales. Dans le premier exemple, on présente une économie dite « Rapide », qui s’écarte moins longtemps et moins fortement de son potentiel qu’une économie dite « L ente » ( cf graphique 1).

Graphique 1

économies ayant le même niveau de production potentielle mais des instabilités différentes

Graphique 1
Graphique 1 : économies ayant le même niveau de production potentielle mais des instabilités différentes PIB 1,25 1,20 Output gap instantané 1,15 Output gap instantané Rapide Lente 1,10 Aire moyenne de l'output gap LenteAire moyenne de l'output gap Rapide 1,05 Rapide Lente Potentiel 1,00 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 Année

économies ayant le même niveau de production potentielle mais des instabilités différentes

6L’instabilité de l’économie se traduit par une perte de bien-être macroéconomique [2]. En effet, plus cette composante cyclique, dénommée « output gap » (en français « écart de production »), est forte, plus les fluctuations de l’activité et de l’emploi sont importantes. Ainsi, sur le graphique 1, l’économie « Lente » aura connu une période durable de forte hausse du chômage lorsqu’elle était en deçà de son potentiel et une longue période de forte hausse des taux d’intérêt défavorable à l’investissement lorsqu’elle se situe au-delà.

7L’aire moyenne couverte par l’output gap apparaît comme un candidat naturel à la mesure de cette perte de bien-être. Dans le graphique 1, cette aire est beaucoup plus importante pour l’économie « Lente » que pour l’économie « Rapide » (zones hachurées).

8Toutefois, cette analyse repose crucialement sur le niveau de production potentielle retenu pour calculer l’output gap. Si la détermination de ce niveau paraît peu discutable pour les économies stylisées présentées ici, il n’en va pas de même pour des économies réelles. C’est pourquoi les économistes préfèrent en général travailler sur les taux de croissance qui sont supposés stationnaires, i.e. osciller autour d’une moyenne fixe dans le temps (cf. graphique 2).

9Le taux de croissance potentielle peut alors être calculé en effectuant une moyenne des taux de croissance observés. Le graphique 2 représente les évolutions du taux de croissance des économies théoriques décrites dans le graphique 1 la croissance potentielle y correspond à la moyenne de la croissance sur 40 trimestres et permet de reconstruire le niveau de production potentielle.

Graphique 2

évolution des taux de croissance correspondants aux économies du graphique 1

Graphique 2
Graphique 2 : évolution des taux de croissance correspondants aux économies du graphique 1 Taux 1,5 Rapide Lente Potentiel 1,0 0,5 0,0 -0,5 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 Année

évolution des taux de croissance correspondants aux économies du graphique 1

10On s’aperçoit que les taux de croissance oscillent entre les mêmes valeurs mais plus ou moins vite. La durée des oscillations de la production potentielle est la même que celle des oscillations de la croissance potentielle.

11Ainsi, production et croissance connaissent des cycles de même durée. En revanche, le raisonnement sur les amplitudes est plus complexe. On les voit bien sur les graphiques 1 et 2, les amplitudes des fluctuations de la croissance de nos deux économies sinusoïdales sont identiques, ce qui n’est pas le cas de celles de leur production. En effet, la taille des fluctuations sur la production potentielle dépend de deux facteurs : la taille des oscillations de la croissance mais également la durée de ces oscillations. Plus les cycles de la croissance seront longs, plus l’accumulation des déséquilibres sur l’output gap sera importante. Les graphiques de la page suivante présentent deux autres couples d’économies illustrant ce phénomène.

12Les économies dites « Volatile » et « Modérée » ont les mêmes périodes d’oscillation mais des amplitudes différentes, caractéristique qui se retrouve sur les taux de croissance. En revanche, les économies dites « Réactive » et « Protégée » sont différentes : l’économie « Réactive » oscille plus souvent et plus fortement que l’économie « Protégée ». Pourtant, les pertes de bien être mesurées par la surface couverte par l’output gap sont similaires.

13L’analyse mathématique permet de montrer que dans le cas de sinusoïdes parfaites telles que celles présentées ici, l’aire de l’« output gap » est proportionnelle au produit de l’amplitude moyenne et de la durée moyenne des sinusoïdes représentant l’évolution des taux de croissance. Le produit de ces deux grandeurs est alors dénommé « indice d’instabilité ».

Graphiques 3

niveaux et croissances pour deux autres couples d’économies sinusoïdales

figure im3
Graphiques 3 : niveaux et croissances pour deux autres couples d’économies sinusoïdales Production en niveau Taux de croissance trimestriels PIB en % 1,30 4,5 Volatile Modérée 1,25 3,5 Potentiel 2,5 1,20 1,5 1,15 0,5 1,10 -0,5 Volatile 1,05 Modérée Potentiel-1,5 1,00-2,5 0,95-3,5 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 Année Année Production en niveau Taux de croissance trimestriels PIB en % 4,5 1,30 Réactive 3,5 Protégée 1,25 Potentiel 2,5 1,20 1,5 1,15 0,5 1,10 -0,5 1,05-1,5 Réactive 1,00 Protégée-2,5 Potentiel 0,95-3,5 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 Année Année

niveaux et croissances pour deux autres couples d’économies sinusoïdales

14Le tableau ci-dessous résume les caractéristiques des six économies « sinusoïdales » présentées plus haut [3].

Tableau 1

calculs des indices de stabilités des économies données en exemple

Tableau 1
Tableau 1 : calculs des indices de stabilités des économies données en exemple Type Amplitude Période Indice d’économie caractéristique caractéristique d’Instabilité Rapide 0,7 10 7,2 Lente 0,7 40 28,6 Volatile 2,9 10 28,6 Modérée 0,7 10 7,2 Réactive 2,9 10 28,6 Protégée 0,7 10 28,6

calculs des indices de stabilités des économies données en exemple

15Cette analyse montre que l’économie « Rapide » et l’économie « L ente » ont la même amplitude caractéristique d’oscillation, ce qui correspond bien à ce que montraient les graphiques 1 et 2. En revanche, ces économies ont des périodes caractéristiques très différentes, ce qui leur donne un indice d’instabilité différent. Les économies « Volatile » et « Modérée » ont en revanche des amplitudes différentes mais des périodes similaires. Enfin, les économies « Réactive » et « Protégée » ont le même indice d’instabilité mais présentent des instabilités de natures différentes : l’économie « Réactive » s’écarte plus fortement mais moins longtemps de son potentiel.

16Ces outils appliqués ici à des sinusoïdes peuvent en réalité être généralisés à n’importe quel type de fluctutions. On utilise pour cela une méthode dite de « décomposition spectrale » telle que celle utilisée pour l’étude des cycles réels [4], ce qui permet de calculer des indice d’instabilité pour des économies « réelles ». Une description de cette méthode est donnée dans l’Annexe.

2. Une convergence de la stabilité de la croissance en Zone Euro et aux États-Unis

17La méthode décrite ci-dessus peut être appliquée à de véritables économies. L es variables macro économique retenues sont le PIB en volume des États-Unis et de la Zone Euro sur la période 1963-2003.

2.1 L’indice d’instabilité sur 40 ans

18L’analyse a d’abord été menée successivement sur les 40 dernières années puis sur les 10 dernières années. La croissance potentielle est ici déterminée de façon purement statistique [5], par une moyenne glissante sur 10 ans du taux de croissance observé. Le taux de croissance a ensuite été divisé en deux termes : le terme de croissance potentielle, censé résumer les cycles longs de plus de 10 ans, et un résidu devant représenter les cycles courts. C’est ce résidu qui est rapproché de sinusoïdes pour déterminer amplitudes et périodes caractéristiques ainsi que l’indice d’instabilité.

Graphiques 4

résultats du filtrage de la croissance et de l’output gap

figure im5
Graphiques 4 : résultats du filtrage de la croissance et de l’output gap Croissance (comparaison sur 10 ans) Output gap % 3,5% 2,0 USA Zone Euro 2,5% Potentiel USA 1,5 Potentiel Zone Euro USA Zone Euro 1,5% 1,0 0,5% 0,5 -0,5% 0,0 -1,5% -0,5-2,5% 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 Croissance (comparaison sur 10 ans) Output gap % 6,0% 4 USA 5,0% USA Zone Euro 3 Potentiel USA 4,0% Zone Euro Potentiel Zone Euro 3,0% 2 2,0% 1,0% 1 0,0% -1,0% 0 -2,0% -1-3,0% -4,0% -2-5,0% 1963 1967 1971 1975 1979 1983 1987 1991 1995 1999 2003 1963 1967 1971 1975 1979 1983 1987 1991 1995 1999 2003

résultats du filtrage de la croissance et de l’output gap

19Le tableau 2 et les graphiques 4 détaillent les résultats de cette comparaison.

20Sur les 40 dernières années, la Zone Euro (indice d’instabilité : 4,9) s’est révélée plus stable que les États-Unis (indice d’instabilité : 7,9), car elle s’est écartée moins longtemps et moins fortement de son potentiel (amplitude et période plus faibles).

21En revanche sur les 10 dernières années, les États-Unis ont connu une forte réduction de leur indice d’instabilité par rapport à leur moyenne sur la période alors que la Zone euro a connu une légère augmentation. La Zone euro et les États-Unis ont fortement réduit l’amplitude des à-coups qu’ils connaissaient. Cependant, la durée moyenne des derniers cycles semble avoir augmenté, et elle l’a fait plus fortement en Europe qu’aux États-Unis.

Tableau 2

indices caractéristiques pour les États-Unis et la zone euro

Tableau 2
Tableau 2 : indices caractéristiques pour les États-Unis et la zone euro Instabilité Amplitude Période Zone euro sur 40 ans 4,9 0,60 8,3 Etars-Unis sur 40 ans 7,9 0,83 9,5 Zone euro sur 10 ans 5,5 0,36 15,5 Etars-Unis sur 10 ans 6,3 0,53 12 Source : résultats du filtrage

indices caractéristiques pour les États-Unis et la zone euro

résultats du filtrage

22Au total sur les dix dernières années, l’indice d’instabilité américain reste supérieur à celui de la Zone euro : les États-Unis se sont écartés moins durablement mais beaucoup plus fortement de leur potentiel.

23On notera aussi sur les graphiques que la croissance américaine est en général plus élevée que la croissance de la zone euro sur la période étudiée. Pour une étude de cet écart, on peut voir le DPAE n° 37 : Ecarts de croissance et de productivité Etats-Unis / zone euro : un usage prudent de ces écarts s’impose (Laurent Ménard).

2.2 L’indice d’instabilité en glissement

24Afin de mieux cerner quelles ont été les périodes de plus forte instabilité pour les États-Unis et plus faible pour la Zone euro, il est possible de mener une analyse en glissement.

25Le graphique 5 affiche l’évolution de l’indice d’instabi lité et de ses composantes sur des périodes glissantes allant de 1963-1973 à 1993-2003. Le graphique du haut à gauche montre de combien la production s’est en moyenne écartée de son potentiel. Le graphique du haut à droite montre pendant quelle durée moyenne la production s’est écartée de son potentiel. Enfin, le graphique du bas donne l’évolution de l’indice d’instabilité en glissement.

26L’indice d’instabilité américain atteint sur la dernière décennie sa valeur la plus faible des quatre périodes successives du tableau 2 alors que la Zone Euro n’a pas retrouvé son niveau de la décennie 1963-1973. Les États-Unis s’écartent moins fortement de leur potentiel et avec la même fréquence. La Zone Euro s’écarte beaucoup plus durablement de son potentiel que précédemment mais s’en écarte moins fortement.

27Au total, les États-Unis bénéficient d’un indice d’instabilité qui s’est fortement réduit alors que celui de la Zone euro n’a que peu évolué. Pour autant, la Zone euro ne peut être considérée comme ayant été moins résiliente que les États-Unis.

2.3 Réserves et approfondissements

28L es résultats obtenus doivent être lus avec précaution. L a méthode proposée de calcul d’instabilité est purement descriptive et n’apporte aucune explication économique aux phénomènes observés. Pour avoir un sens plus économique, la même analyse pourrait être reconduite sur d’autres données, aussi bien en valeur, qu’en volume ou en prix. Par exemple, elle pourrait être appliquée au ratio du PIB par la population en âge de travailler, afin de mesurer la stabilité de la productivité apparente du travail. Enfin, l’instabilité des prix de consommation, des salaires, de même que celle de l’emploi, pourraient également être examinées.

29Sur un plan plus théorique, la méthode n’identifie pas les raisons des fluctuations de la croissance ni les moyens de les réduire. Ainsi, une économie peut avoir eu un indice d’instabilité plus faible par « pure chance ». En particulier, cette méthode ne permet pas de dire avec certitude que la conduite de la politique de stabilisation macroéconomique a été meilleure pendant une certaine période parce que l’indice d’instabilité a été plus faible.

30Par ailleurs, cette méthode ne permet pas d’analyser l’impact de la stabilité d’une économie sur son niveau d’activité : si, dans l’absolu, une économie plus stable devrait pouvoir croître plus fortement, il peut y avoir à partir d’un certain niveau de stabilité un choix a opérer entre niveau de production et instabilité de cette production. Une trop grande inertie pourrait nuire à la flexibilité et ralentir la diffusion du progrès technique.

31Toutefois, la méthode présente également plusieurs avantages :

  • elle constitue une mesure globale à la lumière de laquelle doivent s’apprécier les raisonnements plus analytiques qui s’attachent à distinguer et à caractériser des chocs et des réponses à ces chocs;
  • elle permet de comparer les caractéristiques à court terme entre économies sur des périodes données. Une économie ayant un indice d’instabilité faible se sera peu écartée de son potentiel et aura donc minimisé les pertes de bien-être liées aux fluctuations de la croissance. À l’inverse, une économie ayant un fort indice devrait avoir perdu plus de bien-être;
  • enfin elle présente l’intérêt d’offrir deux dimensions pour la mesure de l’instabilité. Deux économies peuvent avoir le même indice d’instabilité pour des raisons différentes : l’une se sera écartée plus fortement mais moins longtemps et l’autre moins fortement et plus longtemps du potentiel.

Graphiques 5

comparaison de l’évolution de l’instabilité sur les 40 dernières années

figure im7
Graphiques 5 : comparaison de l’évolution de l’instabilité sur les 40 dernières années Evolution de l’amplitude caractéristique Evolution de la période caractéristique 1,3 trimestres 20 1,2 19 1,1 USA 18 Zone Euro 17 1,0 16 15 0,9 14 0,8 13 12 0,7 11 0,6 10 9 0,5 8 USA 0,4 7 Zone Euro 6 0,3 5 1965-1975 1970-1980 1975-1985 1980-1990 1985-1995 1990-2000 1965-1975 1970-1980 1975-1985 1980-1990 1985-1995 1990-2000 Evolution de l’indice d’instabilité 17 15 USA Zone Euro 13 11 9 7 5 3 1965-1975 1970-1980 1975-1985 1980-1990 1985-1995 1990-2000

comparaison de l’évolution de l’instabilité sur les 40 dernières années

2.4 Le policy-mix : une piste d’interprétation possible ?

32Il peut être tentant réaliser une analyse économique du policy-mix et de la rapprocher de cette décomposition de l’instabilité.

33La très forte baisse de l’amplitude de l’instabilité aux États-Unis pourrait être rapprochée du changement de stratégie de la politique budgétaire à partir des années quatre-vingt. La très forte baisse de prélèvements obligatoires intervenue à partir de 1980 aurait selon certains non seulement permis de rehausser le potentiel de croissance américain mais aurait également stabilisé l’activité.

34Toutefois, l’indice d’instabilité a connu un ressaut au milieu des années quatre-vingt, dans la mesure où la durée de l’instabilité s’est accrue. L’allongement de cette durée pourrait avoir été provoqué par les hésitations de la politique monétaire entre 1980 et 1985, et plus particulièrement après le second choc pétrolier, lorsque les taux d’intérêt ont d’abord été abaissés, puis fortement remontés.

35Dès lors, l’instabilité américaine s’est mise à décliner très fortement pour rejoindre le niveau européen dès le début des années 90.

36Pour la zone euro, dans le même temps, l’indice d’instabilité s’est accru. La forte augmentation de la période caractéristique des cycles s’est produite à la fin des années quatre-vingt et au début des années quatre-vingt-dix, ce qui pourrait être mis au débit de l’impuissance du policy-mix à stabiliser l’activité face à la nécessité d’assainissement de la politique budgétaire et la contrainte dans beaucoup de pays de la zone de la politique monétaire, du fait des tensions sur les devises appartenant au mécanisme de change du SME dans la période allant de l’Unification allemande au lancement de l’union monétaire.

37La baisse constante de l’amplitude des cycles qui atteint aujourd’hui son point le plus bas n’a pas suffi pour que l’indice d’instabilité rejoigne également son point le plus bas, observé sur la période marquant la fin des 30 glorieuses, la décennie 1963-1973.

38Ces dernières analyses restent purement spéculatives et nécessiter aient une appr oche complémentaire de celle adoptée ici, qui est purement descriptive.

ANNEXE : analyse spectrale

39Le principe de l’analyse de Fourier, ou « spectrale », est de proposer une autre lecture d’une série temporelle. Elle n’est plus regardée comme une succession d’événements temporels mais comme une superposition d’événements spatiaux. Ainsi, la série peut être décomposée comme une somme de sinusoïdes élémentaires. La transformée de Fourier est la somme d’une constante qui reprend la moyenne de la série initiale et de sinusoïdes qui parcourent l’intervalle de temps considéré en deux, trois, etc. périodes jusqu’à N périodes si la série initiale contient N points. A chaque période, une amplitude et une phase sont associées. L’amplitude mesure la taille de la sinusoïde correspondante tandis que la phase indique de combien son origine est décalée dans le temps. Toute l’information apportée par la série est conservée lors de la transformation : la somme des sinusoïdes permet de retrouver la série originelle des taux croissance. La transformée de Fourier est donc une autre façon de représenter la même série temporelle.

40Les graphiques ci-dessous détaillent les fluctuations d’une économie théorique autour de son potentiel et le taux de croissance associé (graphiques du haut). Les graphiques du bas montrent les économies élémentaires associées aux sinusoïdes de sa transformée de Fourier. Le taux de croissance de l’économie est la somme des 3 autres taux de croissance élémentaires.

Graphiques

exemple d’une économie théorique

figure im8
Graphiques : exemple d’une économie théorique Production en niveau Taux de croissance trimestriels PIB en % 1,25 3,0 2,5 Economie 1,20 Potentiel 2,0 1,5 1,15 1,0 1,10 0,5 0,0 1,05 Economie-0,5 Potentiel 1,00-1,0 -1,5 0,95-2,0 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 Année Année Production en niveau Taux de croissance trimestriels PIB en % 1,25 3,5 Economie 3,0 Potentiel 1,20 Economie 1 2,5 Economie 2 2,0 Economie 3 1,15 1,5 1,10 1,0 0,5 1,05 Economie 0,0 Potentiel -0,5 1,00 Economie 1 Economie 2 Economie 3-1,0 0,95-1,5 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 Année Année

exemple d’une économie théorique

Notes

  • [1]
    Cet article est issu du DPAE n° 64 – Mars 2005.
  • [2]
    Voir « Macroeconomic Priorities » de Robert E. Lucas, mars 2003, American Economic Review pp.1-14
  • [3]
    Les économies dites « Lente » et « Protégée » sont en fait identiques.
  • [4]
    Voir Measuring Business Cycles : approximate band-pass filters for economic time series, Marianne Baxter, Robert G. King, NBER Working Paper n°5022
  • [5]
    Pour d’autres méthode de calcul de la croissance potentielle, voir le DPAE n° 48, La croissance potentielle de l’économie française de moyen-long terme, Emmanuel Bretin
Charles-Antoine Giuliani
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/01/2007
https://doi.org/10.3917/ecop.167.0133
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour La Documentation française © La Documentation française. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
keyboard_arrow_up
Chargement
Chargement en cours.
Veuillez patienter...