CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Si elle s’accroît de façon considérable aujourd’hui, l’expérience de l’accélération s’enracine dans les débuts de l’industrialisation. Le régime moderne d’historicité, orienté vers l’avenir et marqué par une conscience nouvelle de l’accélération, apparaît en effet en Europe au xixe siècle [1]. Il est en général associé à la « révolution des transports » – la construction des routes à l’époque moderne, suivie des chemins de fer et du télégraphe au xixe siècle – et au nouveau régime de mobilité des biens et des personnes [2]. Pourtant, pour beaucoup d’individus, c’est d’abord dans le quotidien de l’atelier et de l’usine que l’accélération du temps se fait sentir. Avec l’industrialisation du monde et le triomphe du régime de concurrence généralisé, l’impératif de l’accélération s’impose partout : il faut produire davantage et plus vite pour rivaliser et rester compétitif en extrayant de la main-d’œuvre le surplus maximal. La production de masse, qui naît aux États-Unis et en Europe au xixe siècle, est d’abord le fruit d’un accroissement considérable de la vitesse des opérations productives ; c’est l’accélération qui conduit au développement des grandes entreprises, à la diminution de la main-d’œuvre et des coûts.

2Prenons un exemple pour commencer, emblématique du monde contemporain par ses enjeux et ses ravages : la fabrication des cigarettes. Avant la fin du xixe siècle, le tabac se consomme essentiellement chiqué, dans une pipe ou sous forme de cigares, le marché pour les cigarettes préroulées est presque inexistant. Dans ce secteur, l’accélération est particulièrement brutale et spectaculaire : vers 1870, il faut toujours une minute à un ouvrier pour fabriquer manuellement une cigarette ; mais en 1880 un Américain invente une machine, adaptée des métiers textiles, qui accélère considérablement la production en la portant à 200 cigarettes par minute, soit environ 120 000 par jour. Les nouvelles cigarettes se présentent désormais comme des tubes ouverts et réguliers, dans lesquels le tabac sèche plus vite, d’où l’ajout rapide d’additifs chimiques. En quelques années, le nouveau produit, modelé par l’accélération technique et porté par la publicité, inonde le monde sous le contrôle de quelques entreprises qui deviennent vite multinationales. Au cours du xxe siècle, l’accélération se poursuit au gré des innovations, de l’automatisation et du gigantisme industriel, jusqu’à faire de ce produit l’un des plus rentables – et mortels – du xxe siècle : 1 000 cigarettes produites par minute en 1926, 4 000 en 1970, plus de 10 000 en 1990 et 20 000 au début des années 2000 [3].

3Au xixe siècle, l’accélération de la production, à travers l’invention d’un « temps abstrait », se retrouve dans la plupart des secteurs d’activité. Les gains de productivité peuvent être définis comme une accélération puisqu’il s’agit, comme le note Hartmut Rosa, d’une « augmentation de la production par unité de temps [4] ». L’accélération est consubstantielle à la domination sociale du capitalisme moderne, à sa quête incessante de nouveaux marchés, à son emprise croissante sur le monde et la nature. Du fait de la concurrence effrénée, la quête de productivité provoque un processus d’accélération continue et longtemps considéré comme potentiellement infini [5]. Pourtant, ses effets sur la main-d’œuvre comme les réponses des travailleurs demeurent mal connus. Qu’elle prenne la forme d’une « intensification » ou d’une « densification » rendue possible par les transformations techniques et organisationnelles, l’accélération de la production a emprunté des chemins très variés selon les secteurs, les régions et les groupes sociaux affectés. Elle ne s’est pas imposée avec l’évidence naturelle que lui prête parfois l’histoire triomphale de l’industrialisation. L’impératif de l’accélération a été au contraire au cœur de nombreuses luttes au quotidien.

Mécaniques de l’accélération

4La question de l’intensification du travail est l’enjeu de nombreux débats, qui sont loin d’être clos, dans l’historiographie. À l’image de l’historien britannique Gary Cross, on a longtemps jugé que « c’est presque un truisme de dire que la clé de l’ère industrielle n’est pas la machine à vapeur mais l’horloge moderne, dont la capacité de mesure à la minute puis à la seconde a permis une nouvelle intensification du rythme de vie [tempo of life] [6] ». À la suite des analyses de Karl Marx puis, un siècle plus tard, d’Edward P. Thompson, l’horloge a en effet été décrite comme une innovation décisive, mais aussi comme l’outil d’aliénation le plus efficace du capitalisme industriel naissant. Avec elle, le temps aurait été transformé en profondeur, l’heure abstraite, tournée vers la seule rentabilité productive aurait remplacé le temps riche et complexe des mondes préindustriels [7].

5Ces analyses classiques ont, depuis trente ans, été discutées et affinées parallèlement aux réinterprétations de la « Révolution industrielle », de ses dynamiques et de ses rythmes. Ainsi, les logiques de rationalisation comme les conflits liés à la fixation du temps de travail se posent dès le Moyen Âge. Par ailleurs, on sait que l’intensification du travail n’est pas uniquement liée au triomphe brutal de la machine et du capitalisme industriel au xixe siècle, il s’agit d’un processus complexe et de longue durée. L’essaimage des productions industrielles dans les campagnes à partir du xviie siècle a, par exemple, favorisé une intensification du travail à domicile des ruraux et un accroissement du nombre de tâches réalisées, sans changement des techniques [8]. Pourtant, l’avènement de la société industrielle, avec ses représentations culturelles spécifiques et son nouvel appareillage, introduit indubitablement une rupture et de nouvelles logiques d’intensification des rythmes du travail, que celui-ci soit rural, artisanal ou, de plus en plus, concentré en usine. Cette question reste mal connue en raison de la diversité des groupes et des situations concernés, comme des difficultés que pose toute recherche sur le rapport au temps des milieux populaires.

6Les rythmes du travail et leur intensification s’affirment, dès le début du capitalisme industriel, comme un enjeu croissant dans les discours des fabricants ou des ingénieurs. À la fin du xviiie siècle, dans l’industrie cotonnière britannique, les nouveaux procédés techniques sont moins conçus pour diversifier les produits ou améliorer leur qualité que pour intensifier la production et permettre des gains de temps [9]. À une économie qui privilégie la qualité se substitue peu à peu la production de masse qui vise d’abord à l’augmentation des quantités. Avant le xixe siècle dominait une croissance dite « smithienne », fondée sur la variété des produits et l’expansion des marchés plutôt que sur la mécanisation, la standardisation et la baisse des coûts [10]. Au xixe siècle, c’est la croissance dite « schumpétérienne », fondée sur l’innovation incessante, la valorisation de la figure de l’entrepreneur héroïque rompant avec les « routines », qui s’impose. L’accélération pénètre alors au cœur des réflexions du patronat, comme de celles des ingénieurs et mécaniciens qui inventent la mécanique industrielle et la science des machines, conçues comme l’étude des conditions techniques de l’accélération.

7Qu’est ce qu’une machine en effet ? Au début du xixe siècle, la notion demeure très confuse ; la construction et la réparation des machines relèvent toujours de l’art imprégné d’empirisme des artisans. Parallèlement à l’économie politique en voie d’institutionnalisation, de nombreux savants et mécaniciens tentent alors d’élaborer une théorie analytique des machines, ou « mécanique industrielle », en vue de standardiser leur fabrication et d’accroître leur nombre. Dès 1724, dans son Théâtre des machines, l’Allemand Jacob Leupold définissait la machine comme « une disposition artificielle au moyen de laquelle on peut mouvoir quelque chose avec économie de temps et de force », c’est-à-dire plus rapidement et avec moins de dépense d’énergie [11]. Mais c’est surtout entre 1800 et 1850 que les tentatives de définitions des machines se multiplient et s’affinent en prenant en compte la force motrice, le mouvement, etc. Au milieu du xixe siècle, la mécanique industrielle est devenue un domaine du savoir spécifique, avec sa théorie des moteurs, des roues dentées et de la transmission de l’énergie. La course à l’accroissement et à l’intensification de la production se manifeste dans les investissements croissants, dans l’apparition des sciences appliquées et de liens plus étroits entre les laboratoires et les entreprises.

Une nouvelle obsession du temps

8Dans le monde industriel, l’accélération est liée à l’utilisation croissante de nouvelles forces motrices et de techniques de transmission du mouvement. L’engrenage notamment, connu depuis longtemps, fait l’objet d’une multitude de perfectionnements. L’apparition des arbres de transmission – avec leurs poulies et courroies en chanvre, en cuir, puis en métal – permet de transporter l’énergie, d’animer les artefacts à un rythme croissant, bouleversant l’équipement et l’organisation interne des ateliers qui deviennent peu à peu des usines. Quoique limités et très lents, les échanges entre savants et fabricants ou chefs d’atelier s’accentuent et accompagnent l’essor de la construction mécanique qui transforme l’industrie et accélère considérablement l’acte de fabriquer. Ces mutations s’opèrent dans le textile d’abord, puis dans nombre de métiers.

9Les premiers observateurs et théoriciens de la société industrielle vantent la rapidité nouvelle des machines, à l’image du Britannique Andrew Ure admirant « pendant des heures entières la rapidité et la précision avec lesquelles le renvideur exécute la multiplicité de ses mouvements successifs » dans les filatures de Manchester vers 1830 [12]. À côté des facteurs technologiques, l’accélération du travail tient aussi aux efforts pour discipliner la main-d’œuvre en limitant par exemple la durée des repas, en supprimant les pauses et tous les temps morts, en imposant l’obligation de réparer ou de nettoyer les métiers en marche, avec les risques inhérents à cette pratique. Les règlements, affichés de plus en plus systématiquement dans les ateliers, énoncent d’ailleurs la nouvelle économie du temps industriel. Ceux qui ont été conservés pour les usines textiles de Roubaix entre 1820 et 1847 précisent ainsi les heures d’entrée et de sortie, les temps de pause, à une époque où la durée journalière de travail varie entre 11 et 15 heures selon les secteurs, les régions, la conjoncture. L’accélération du travail témoigne d’une indéniable obsession du temps – de sa gestion comme de son contrôle – de la part des dominants. Au milieu du xixe siècle, les premières législations sur la durée du travail adoptée en Angleterre puis en France accentuent encore – comme l’avait bien vu Marx – l’intensification de la journée. La limitation à 11 ou 10 heures de la journée de travail donne en effet une grande impulsion au « système mécanique » et « contraint l’ouvrier à dépenser, au moyen d’une tension supérieure, plus d’activité dans le même temps [13] ». La diminution de la durée journalière obtenue aux termes de luttes des travailleurs et réformateurs conduit dès lors à une accélération du travail réel, manifestant la ruse du capitalisme.

10Certains ouvriers contestent le principe de cette accélération au nom de la défense de leur travail et de la qualité des produits. Dans les témoignages ouvriers comme ceux publiés dans La Ruche populaire sous la monarchie de Juillet, certains disent leurs inquiétudes devant « ces machines gigantesques qui, remplaçant des milliers de bras, ne laissent à l’ouvrier que l’alternative de lutter de vitesse avec elles en travaillant 15 ou 18 heures par jour, ou de mourir de faim chaque fois qu’une nouvelle machine vient les chasser brutalement des ateliers [14] ». Parmi les imprimeurs, confrontés à la mécanisation de l’impression, l’accélération de la production inquiète également. En 1845, des typographes parisiens créent une « Société de l’Industrie fraternelle » qui prévoit dans ses statuts d’interdire l’emploi des presses mécaniques. Le compositeur Coutant justifie cette décision en affirmant que la société « ne se servira pas des presses mécaniques, qui produisent vite, mais mal ; ses livres seront imprimés aux presses à bras, qui produisent moins vite mais bien [15] ». Durant les émeutes et conflits qui accompagnent l’arrivée des mécaniques, la vitesse accrue de la production est parfois dénoncée. Dans leurs réponses à l’enquête sur le travail du printemps 1848, les ouvriers bonnetiers de l’Aube mettent ainsi en cause « la concurrence des métiers circulaires, fonctionnant avec une extrême rapidité » ; pour eux, c’est d’ailleurs « la rapidité de la confection » réalisée grâce aux machines qui explique la crise et la réduction des salaires [16].

Aux risques de l’accélération

11L’accélération de la production ne s’est pas faite sans crises, souffrances et plaintes dans les mondes du travail. Dans les ateliers et les usines, la mise en mouvement accélérée des machines provoque un accroissement des dangers quotidiens. Les machines à vapeur, les systèmes de transmission de l’énergie comme les métiers plus rapides broient les corps. Si certains États et industriels hésitent d’abord à employer les machines à vapeur à haute pression en raison de leurs risques, l’impératif d’accélération des rendements et de la cadence de la production s’impose dès le début du xixe siècle. Des centaines de machines à vapeur explosent dès la première moitié du siècle, surtout au Royaume-Uni et aux États-Unis où leur usage se répand précocement, et la responsabilité de ces accidents est en général imputée aux ouvriers et aux mauvais usages des machines [17]. À Lille, 377 personnes sont victimes d’accidents graves dans les usines textiles entre 1847 et 1852 : 34 meurent, 39 sont amputées ou estropiées, et parmi elles 217 ont moins de 20 ans [18]. Au Royaume-Uni, en 1849, près de 1 114 accidents liés aux machines sont recensés en six mois dans le seul secteur textile, causant 22 morts et 109 amputations. Le taux d’accidents varie selon les secteurs, la conjoncture et le rythme de la production : plus les ouvriers produisent vite et plus les risques sont élevés [19]. À Troyes (Aube), dans les années 1830, le conseil de salubrité constate que « depuis l’introduction dans la ville de machines à carder et à filer mues par une chute d’eau, un manège ou une machine à vapeur, il ne s’est pas passé d’années sans qu’un grand nombre d’ouvriers employés à ce genre de fabrication, n’aient été atteints dans leurs ateliers, de blessures plus ou moins graves [20] ». Au milieu du siècle, des médecins expriment parfois leurs inquiétudes devant le « danger toujours imminent » provoqué par « la rapidité des rouages, des courroies de transmission, la force des arbres en fer [qui] nécessitent […] une prudence, une observation continuelle ; le moindre oubli de ces règles peut coûter instantanément la vie, la perte d’un membre ou une blessure grave [21] ».

12Pourtant, c’est le déni et l’euphémisation qui dominent : les hygiénistes minimisent les risques et insistent surtout sur les bienfaits de la mécanisation pour la santé des travailleurs. Aucune enquête statistique nationale n’est menée avant les années 1860 et les règles et dispositifs de protection demeurent très sommaires [22]. Dans son célèbre Tableau de l’état physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures, le docteur Villermé défend par exemple longuement le machinisme, il loue l’accélération de la production, mais il n’évoque à aucun moment les accidents [23]. La presse radicale et socialiste naissante utilise au contraire les récits d’accidents pour dénoncer les effets néfastes des machines dans le système capitaliste. En 1842, le journal fouriériste La Phalange rapporte ainsi le cas exemplaire d’« une jeune fille employée dans [une] fabrique qui démêlait avec coquetterie son épaisse chevelure, malgré la défense de s’occuper de pareils soins au milieu des machines ». Soudain, elle doit se baisser pour « échapper aux regards » du surveillant, les cheveux sont alors brutalement « saisis par la mécanique d’un banc à broches et s’enroulèrent au cylindre avec une telle force et une telle rapidité, qu’en un clin d’œil la malheureuse fut dépouillée de sa chevelure ». Au terme de cet accident assez fréquent, la « pauvre fille, ainsi mutilée et couverte de sang qui s’échappait de cette immense plaie, présentait un aspect affreux [24] ». Les récits atroces de ce type, qui circulent dans la presse en plein essor, contribuent à entretenir l’effroi devant les mécaniques monstrueuses.

13Les régulations et mesures de protection pour atténuer ces dangers sont adoptées tardivement lorsque des ouvriers osent porter plainte, que le suffrage universel et les organisations ouvrières modifient les rapports de forces dans le champ politique. Des associations visant à prévenir les accidents des machines se multiplient dans les années 1880, pour favoriser le règlement à l’amiable des conflits et ainsi éviter l’intrusion de l’État. À la fin du xixe siècle, des législations, comme la loi française de 1898 sur les accidents du travail, sont finalement adoptées dans la plupart des pays européens. Elles aboutissent à la socialisation des risques par les assurances et multiplient les prescriptions afin de sécuriser les techniques en réglementant le nettoyage, le graissage ou le débrayage des machines, et en contraignant les industriels à s’équiper de dispositifs protecteurs [25]. Ces lois visent d’abord à consolider le régime républicain en construction tout en réconciliant le monde du travail avec l’accélération technique provoquée par le gigantisme industriel.

Le rendement, toujours le rendement

14L’intensification et l’accélération de la production peuvent prendre des formes très diverses au xixe siècle. Après 1850, le patronat textile cherche par exemple à imposer un accroissement des rendements en contraignant la main-d’œuvre à conduire simultanément plusieurs métiers au lieu d’un seul. Sous le Second Empire, le patronat français ne cesse en effet de se plaindre, car les ouvriers anglais acceptent de conduire trois à quatre métiers là où les ouvriers français n’en conduisent qu’un ou deux. Le président de la chambre consultative de Roubaix constate en 1870 que « si l’ouvrier français est plus intelligent pour produire les articles de goût, il est moins habile pour faire les articles de grande consommation. Il ne travaille encore que sur un seul métier, tandis qu’en Angleterre l’ouvrier en conduit deux à la fois. Ce fait a une influence considérable sur le prix de revient [26] ». En 1867, les tisserands de Roubaix se mettent d’ailleurs en grève, détruisent des machines et saccagent les usines pour protester contre une décision les contraignant à conduire simultanément deux métiers mécaniques. La presse et les autorités officielles, comme le bureau parisien de l’Internationale, s’empressent alors de condamner ces violences interprétées comme un refus archaïque du progrès technique : « Songez que la machine, instrument de travail, doit vous être sacrée, songez que de pareilles violences compromettent votre cause et celle de tous les travailleurs » écrivent ainsi les représentants français de l’Internationale dans un communiqué [27]. Dans les années qui suivent, la conduite de deux métiers tend à se généraliser, et en dépit de quelques mouvements protestataires contre l’accroissement de la productivité, les ouvriers apprennent à se plier aux nouveaux rythmes industriels [28].

15Encore assez rares avant 1880, les vastes tissages mécaniques automatisés à la production accélérée se généralisent surtout à la fin du siècle en provoquant régulièrement des plaintes. Au début du xxe siècle, les tisserands d’Hazebrouck, dans le Nord, mènent ainsi une longue grève contre l’installation de cinquante métiers Northrop, importés des États-Unis où un travailleur pouvait conduire simultanément jusqu’à vingt-quatre de ces métiers automatiques. Plus que la mécanisation proprement dite, les tisserands protestent ici contre l’intensification du travail découlant des nouvelles méthodes [29]. Dans le Bas-Dauphiné, où dominait la Fabrique lyonnaise de soieries, l’implantation des tissages mécanisés est plus tardive et s’accélère surtout après 1900 : 10 000 métiers à tisser mécaniques sont installés entre 1900 et 1914 alors que, parallèlement, 39 000 métiers à bras sont démontés [30]. Le patronat importe des États-Unis des techniques permettant d’accroître les rythmes et de diminuer la main-d’œuvre. Là aussi, « la protestation est endémique […] contre la rationalisation du travail qui accélère les rythmes et pèse sur les salaires et l’emploi [31] ». Dans son témoignage, exhumé par Michelle Perrot, l’ouvrière en soie Lucie Baud décrit les métiers qui « battaient 120 coups à la minute » ; dans les années 1890, les patrons exigeaient de plus en plus des ouvrières qu’elles conduisent deux métiers à la fois et dès lors « chaque année apporta de nouvelles modifications mécaniques, de nouveaux métiers, de nouvelles transformations ; et avec chaque perfectionnement du matériel, c’était une nouvelle diminution de salaires [32] ». Dans ces conflits, on ne condamne plus la machine, mais son usage productiviste et intensif ; à travers la contestation des grands métiers mis au point aux États-Unis, la main-d’œuvre dénonce l’accroissement incessant des rendements.

Gérer son temps, accélération et autonomie

16L’expérience de l’accélération constitue toutefois un phénomène complexe et ambigu au xixe siècle, car les situations sont très contrastées et la main-d’œuvre conserve une grande autonomie pour gérer le rythme de son travail. Il faut par exemple distinguer le travail à la journée et celui payé à la tâche. Dans le premier cas, le patron cherche à accroître le rendement et à intensifier le travail. Dans le second, qu’il s’agisse du travail à domicile ou de diverses formes de marchandage et de travail en équipe, l’ouvrier peut être plus libre. La précision des règlements dissimule souvent la persistance de multiples formes d’insubordination et d’autonomie au quotidien ; au xixe siècle, les règlements étaient peu respectés dans la pratique. Pour saisir l’expérience sensible de l’accélération, il faut donc tenter de pénétrer dans l’usine et l’atelier, tâche ardue pour l’historien ne disposant pas des méthodes d’enquête de l’ethnographe. Au xixe siècle, les mondes du travail ne fonctionnent pas selon les logiques de la discipline capitaliste du xxe siècle, avec son marché du travail et son salariat. Beaucoup de travaux ont souligné, à l’instar de ceux de William Reddy sur le textile, que les travailleurs du xixe siècle se pensent d’abord comme des petits producteurs plutôt que comme des prolétaires vendeurs de leur force de travail [33]. Le contrôle des capitalistes sur le travail demeure fragile, souvent indirect, et les fileurs disposent d’une grande autonomie pour organiser leur journée. Dans la première moitié du siècle, ils sont payés à la tâche, ils embauchent et rétribuent eux-mêmes leurs aides. Ils payent souvent pour l’usage des moyens de production (les machines, la vapeur, les bougies pour éclairer) et ces retenues leur apparaissent comme une preuve d’indépendance plutôt que d’exploitation. Ce système offrait une relative liberté aux ouvriers, leur permettant de gérer l’intensité de leur travail, les premières machines n’imposaient pas encore leur rythme aux humains. D’ailleurs, l’usine elle-même n’était pas encore un univers clos et contrôlé, on pouvait entrer et sortir facilement [34].

17Alors que la production artisanale dans de petits ateliers reste longtemps la norme, de nombreux travailleurs demeurent, d’une manière ou d’une autre, à leur compte, maîtres de leur temps et de leurs rythmes. Même dans les grandes filatures belges, comme celles de coton à Gand ou de laine à Verviers, la population ouvrière est instable et le turnover est considérable dans les usines. Derrière l’uniformité apparente des horaires de travail se cachent donc une grande hétérogénéité de situations et de fortes variations de la durée effective travaillée. Le temps de travail n’est pas rationalisé, homogénéisé, il suit des rythmes fluctuants, des périodes de forte intensité de travail pouvant être suivies d’un ralentissement, voire d’un changement d’activité. Si les verriers de Givors ou les porcelainiers de Limoges ont de longues journées, ils ne travaillent pas plus de vingt jours par mois [35]. La célèbre pratique de « la Saint Lundi », par laquelle de nombreux ouvriers chôment volontairement le lundi (et parfois un peu plus), pratique dénoncée par les élites comme le fléau du siècle, offre une autre manifestation de cette autonomie dans la gestion du temps par les milieux populaires [36].

18Le cas des papetiers est intéressant, car il s’agit « d’une petite République » indomptable qui maintint longtemps ses « modes » et ses « coutumes » contre les tentatives de rationalisation et de contrôle engagées par les fabricants. Léonard Rosenband a superbement reconstitué ce monde ouvrier qui a conservé la maîtrise de son temps jusqu’au début du xixe siècle. Les compagnons papetiers préféraient ainsi travailler la nuit au grand dam des patrons. De multiples explications ont été avancées pour expliquer ce choix : échapper aux grosses chaleurs ; conserver du temps libre dans la journée pour travailler aux champs, ou boire à la taverne ; utiliser l’obscurité pour dissimuler divers larcins ; ou plus simplement manifester ainsi à tous la singularité de leur identité et de leur autonomie [37]. Dans certains métiers qualifiés, les ouvriers choisissent d’ailleurs d’intensifier leur travail pour conserver la maîtrise sur l’usage du temps. C’est par exemple le cas, dans l’industrie mécanique parisienne, des « Sublimes » décrit par Denis Poulot en 1870. Ils font leur semaine en trois ou quatre jours et ne retournent dans l’atelier que lorsqu’ils l’ont décidé, manifestant ainsi leur maîtrise technique comme leur contrôle sur le temps du travail [38].

19Il arrive aussi que le choix de l’accélération s’inscrive dans une stratégie de résistance. Certains travailleurs à domicile tentent par exemple de rester compétitifs en bricolant leurs anciens métiers en vue d’accélérer leur production. Les tisserands à bras, disséminés dans les campagnes, préfèrent allonger la durée et l’intensité de leur journée plutôt que d’aller dans les usines travailler aux mécaniques. Certains bricolent des solutions techniques ingénieuses et tentent de perfectionner leurs outils pour accélérer leur production et ainsi résister à la concurrence [39]. Dans l’Angleterre des années 1820-1840, le dandy loom perfectionne l’ancien métier à tisser manuel afin de permettre au tisserand de rester compétitif en doublant sa productivité [40]. Vers 1900 encore, un tisserand du pays de Caux met au point un procédé pour actionner simultanément deux métiers manuels et ainsi résister à l’usine et au travail mécanisé qui l’emporte presque partout [41].

20Au cours du xixe siècle, l’accélération s’est progressivement imposée comme le destin des sociétés industrielles, elle a été construite comme le moteur du progrès, comme un mouvement inéluctable qui ne pouvait pas être arrêté et auxquel les travailleurs devaient s’adapter. Au début de l’industrialisation, il a pourtant fallu du temps pour que le rêve capitaliste d’un contrôle sur les rythmes du travail devienne réalité. L’utopie de l’accélération généralisée énoncée dans les discours des ingénieurs, et matérialisée dans les engrenages des machines, rencontre d’abord de multiples obstacles : l’autonomie persistante de la main-d’œuvre, les formes d’organisation coutumières de la production, la fragilité même des techniques et de l’autorité patronale constituent des limites à cette accélération capitaliste. Outre les ouvriers et les mondes du travail, beaucoup d’autres critiquent les effets de l’accélération et de la quête incessante de productivité. La montée en puissance chez certains intellectuels et membres des classes moyennes d’un véritable culte pour l’éthique du travail artisanal, comme les pratiques de bricolage inspirées par le mouvement Arts and Crafts de John Ruskin et William Morris en Angleterre, témoigne d’un malaise persistant à l’égard de l’impératif de vitesse. À la fin du xixe siècle, aux États-Unis, l’architecte décorateur Gustav Stickley observait que l’introduction du machinisme, « initialement pensée pour faciliter et simplifier la fabrication des choses essentielles à la vie », tend désormais à complexifier l’existence en accentuant « l’épuisement nerveux [42] ». De nombreux travaux débattent de la fatigue dans les années 1880-1890, le terme « neurasthénie » – inventé par un médecin de New York vers 1860 – décrit par exemple l’inquiétude à l’égard du surmenage et de l’épuisement qui caractériseraient l’accélération de la vie moderne [43]. Alors que le thème de la dégénérescence monte en puissance, que la science de l’énergie se construit, les publications consacrées au surmenage produit par le nouveau milieu technique, par l’accélération des rythmes du travail, des communications et des transports, se multiplient [44].

21Le xixe siècle industrialiste a mis en place les dispositifs techniques et intellectuels qui ont préparé le triomphe généralisé de l’accélération au travail, symbolisé dès le début du xxe siècle par l’arrivée du taylorisme, cette nouvelle organisation fondée sur la parcellisation et le chronométrage des tâches. L’accélération n’a cessé de croître ensuite, avec l’interchangeabilité des pièces, la production en continu, les vagues successives d’automatisation, en lien étroit avec le renforcement du commandement et de nouvelles organisations hiérarchiques des rapports sociaux. Après 1945, la « productivité » s’impose comme un concept clé chez les technocrates, comme dans les milieux patronaux et syndicaux. En France, l’économiste Jean Fourastié en devient le principal apôtre ; pour lui, l’accélération est la condition de la « modernisation » censée refonder la puissance du pays tout en résolvant la question sociale [45]. Dans ses nombreux écrits, il ne cesse d’annoncer l’avènement du « bien-être » par le « machinisme », en naturalisant l’idée de productivité, conçue d’abord comme la mesure de l’accélération de la production par le progrès technique, jusqu’à en faire le principal indicateur du bien-être des sociétés. Depuis les années 1980, avec l’informatique et la robotique, l’intensification des rythmes s’est encore accrue, aggravant souvent la pénibilité du travail comme le montrent de nombreuses enquêtes depuis vingt ans [46]. Dans la grande distribution par exemple, comme dans les tissages du Second Empire, une employée doit faire aujourd’hui le travail de quatre caissières. L’automatisation transforme la relation de service et intensifie le travail ne laissant « aucun moment de répit aux caissières », car leur attention doit être permanente ; les clients sont désormais « enrôlés » pour réaliser une grande part du service alors que, parallèlement, le travail des salariés tend à être invisibilisé [47]. Si l’accélération s’est imposée en mettant en avant les promesses d’émancipation et de bien-être pour tous, les indices montrant l’échec de cette ambition se multiplient. En ce sens, ces derniers ne conduisent-ils pas à partir en quête de chemins alternatifs afin de retrouver de nouvelles relations, dignes et émancipées, avec les autres comme avec la nature ?

Notes

  • [1]
    F. Hartog, Régimes d’historicité. Présentisme et expériences du temps, Seuil, Paris, 2003.
  • [2]
    G. Dhorn-Van Rossum, L’histoire de l’heure. L’horlogerie et l’organisation moderne du temps, Éditions de la MSH, Paris, 1997.
  • [3]
    R. N. Proctor, Golden Holocaust. Origins of the Cigarette Catastrophe and the Case for Abolition, University of California press, Berkeley, 2012, p. 40.
  • [4]
    H. Rosa, Accélération. Une critique sociale du temps, La Découverte, Paris, 2010, p. 201.
  • [5]
    Ibid. ; M. Postone, Temps, travail et domination sociale, Mille et une nuits, Paris, 2009.
  • [6]
    G. Cross, A Quest for Time. The Reduction of Work in Britain and France, 1840-1940, University of California Press, Berkeley, 1989, p. 2.
  • [7]
    E. P. Thompson, Temps, discipline du travail et capitalisme industriel, La Fabrique, Paris, 2004. En ligne
  • [8]
    C. Maitte et D. Terrier, « Conflits et résistances autour du temps de travail avant l’industriali sation », Temporalités [En ligne], n° 16, 2012 ; J. De Vries, The Industrious Revolution. Consumer Behavior and the Household Economy, 1650 to the Present, Cambridge University Press, Cambridge, 2008.
  • [9]
    N. Von Tunzelmann, « Time Saving Technical Change. The Cotton Industry in the English Industrial Revolution », Explorations in Economic History, vol. 32, n° 1, 1995, p. 1-27.En ligne
  • [10]
    P. Verley, « L’offre et la demande : croissance “smithienne” et croissance “schumpétérienne” », dans L’échelle du monde. Essai sur l’industrialisation de l’Occident, Gallimard, Paris, 1997, p. 105-109.
  • [11]
    Cité par M. Daumas (dir.), Histoire générale des techniques. Tome 3 : L’expansion du machinisme, 1725-1860, PUF, Paris, 1996 [1968], p. 92-93.
  • [12]
    A. Ure, Philosophie des manufactures, ou économie industrielle de la fabrication du coton, de la laine, du lin et de la soie, avec la description des diverses machines employées dans les ateliers anglais, Louis Hauman et Compagnie, Bruxelles, 1836, t. II, p. 140.
  • [13]
    K. Marx, Œuvres. Tome 1 : Économie, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », Paris, 1963, p. 950.
  • [14]
    « Une industrie parisienne – 2e article », La Ruche populaire, mai 1844, p. 10.
  • [15]
    « Société en commandite pour la publication d’ouvrages de librairie et l’achat et l’exploitation d’une imprimerie en caractères », La Ruche populaire, mars 1845, p. 86.
  • [16]
    Archives nationales (Paris), C 946 : réponses des cantons de Ramprupt et Romilly-sur-Seine (Aube), voir F. Jarrige, Au temps des « tueuses de bras ». Les bris de machines à l’aube de l’ère industrielle, PUR, Rennes, 2009, p. 133.
  • [17]
    J.-B. Fressoz, L’apocalypse joyeuse. Une histoire du risque technologique, Seuil, Paris, 2012, p. 242.
  • [18]
    P. Pierrard, La vie ouvrière à Lille sous le Second Empire, Bloud et Gay, Paris, 1965.
  • [19]
    J. L. Bronstein, Caught in the Machinery. Workplace Accidents and Injured Workers in Nineteenth-Century Britain, Stanford University Press, Stanford, 2008, p. 15 ; P. W. J. Bartrip et P. T. Fenn, « The Measurement of Safety. Factory Accident Statistics in Victorian and Edwardian Britain », Historical Research, vol. 63, n° 150, 1990, p. 58-72.En ligne
  • [20]
    « Rapport fait au conseil de salubrité établi près de l’administration municipale de la ville de Troyes, sur les accidents auxquels sont exposés les ouvriers employés dans les filatures de laine et de coton par MM. Lhoste, Gréau et Pigeotte (rapporteur) (séance du 28 août 1833) », Annales d’hygiène publique et de médecine légale, t. 12, 1834, p. 6.
  • [21]
    Dr Thouvenin, médecin à Lille, « De l’influence que l’industrie exerce sur la santé des populations dans les grands centres manufacturiers », Annales d’hygiène publique et de médecine légale, t. 37, 1847, p. 104-105 ; voir aussi : « Accidents occasionnés par les appareils mécaniques dans les ateliers industriels », Annales d’hygiène publique et de médecine légale, t. 43, 1850, p. 261-290.
  • [22]
    T. Le Roux, « Les puissances vives soumises aux forces mortes. Hygiénistes, corps ouvriers et machines au xixe siècle en France (1800-1870) », dans L. Guignard, P. Raggi et E. Thévenin (dir.), Corps et machines à l’âge industriel, xixe-xxe siècles, PUR, Rennes, 2011, p. 259-272.
  • [23]
    L. R. Villermé, Tableau de l’état physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures de coton, de laine et de soie, Renouard, Paris, 1840, 2 volumes.
  • [24]
    La Phalange, 17 avril 1842.
  • [25]
    F. Ewald, L’État providence, Grasset, Paris, 1986 ; J. Moses, « Accidents at Work, Security and Compensation in industrialising Europe. The Cases of Britain, Germany and Italy, 1870-1925 », Annual Review of Law and Ethics, vol. 17, été 2009, p. 237-258 ; V. Viet, Les voltigeurs de la République, CNRS Editions, Paris, 1994, vol. 2, 3e partie : « Le corps au travail (1893-1914) ».
  • [26]
    Enquête parlementaire sur le régime économique. Industries textiles, t. 1 : Coton, Imprimerie du Journal officiel, Paris, 1870, p. 766-768.
  • [27]
    Cité par M. Cordillot, « La section française de l’Internationale et les grèves de 1867 », dans Aux origines du socialisme moderne, Éditions de l’Atelier, Paris, 2010, p. 44 ; ou par M. Léonard, L’émancipation des travailleurs. Une histoire de la Première Internationale, La Fabrique, Paris, 2011, p. 101.
  • [28]
    M. Perrot, Les ouvriers en grève (1871-1890), Éditions de l’EHESS & Mouton, Paris & La Haye, 1974, vol. 1, p. 263.En ligne
  • [29]
    L. Marty, Chanter pour survivre. Culture ouvrière, travail et techniques dans le textile. Roubaix (1850-1914), L’Harmattan, Paris, 1996, p. 62-63.
  • [30]
    J. Rojon, L’industrialisation du Bas-Dauphiné. Le cas du textile (fin xviiie siècle à 1914), thèse de doctorat en histoire, Université Lumière Lyon 2, 2007, 3e partie.
  • [31]
    M. Perrot, Mélancolie ouvrière, Grasset, Paris, 2012, p. 108-110.
  • [32]
    Ibid., p. 174.
  • [33]
    W. M. Reddy, The Rise of the Market Culture. The Textile Trade and the French Society, 1750-1900, Cambridge University Press, Cambridge, 1984 ; et, du même auteur, « Modes de paiement et contrôle du travail dans les filatures de coton en France, 1750-1850 », Revue du Nord, vol. 63, n° 248, 1981, p. 135-146.
  • [34]
    P. Lefebvre, L’invention de la grande entreprise. Travail, hiérarchie, marché (France, fin xviiiedébut xxe siècle), PUF, Paris, 2003.
  • [35]
    Cité par C. Maitte et D. Terrier, art. cit. ; G. Gayot, « La classe ouvrière saisie par la révolution industrielle à Verviers, 1800-1810 », Revue du Nord, vol. 84, n° 347, 2002, p. 633-666. En ligne
  • [36]
    R. Beck, « Apogée et déclin de la Saint Lundi dans la France du xixe siècle », Revue d’histoire du XIXe siècle, n° 29, 2004, p. 153-171.
  • [37]
    L. Rosenband, La fabrication du papier dans la France des Lumières. Les Montgolfiers et leurs ouvriers, 1761-1805, PUR, Rennes, 2005, p. 156-157, et, du même auteur, « The Days and Nights of French and English Papermaking, 1680-1815 » (à paraître).
  • [38]
    Cité par C. Topalov, Naissance du chômeur (1880-1910), Albin Michel, Paris, 1994, p. 47.
  • [39]
    C. Maitte, « Incertitudes et bricolages. L’industrie textile à Prato aux 18e et 19e siècles », Annales, Histoire, Sciences sociales, n° 6, novembre-décembre 1997, p. 1275-1303.En ligne
  • [40]
    D. Bythell, The Handloom Weavers. A Study in the English Cotton Industry during the Industrial Revolution, Cambridge University Press, Cambridge, 1969, p. 77 et suiv.En ligne
  • [41]
    Bulletin de la Société industrielle de Rouen, n° 27, 1899, p. 441 et n° 29, 1901, p. 46.
  • [42]
    Cité par J. Lears, No Place of Grace. Antimodernism and the Transformation of American Culture, 1880-1920, Chicago University Press, Chicago, 1994, p. 69.
  • [43]
    A. Rabinbach, Le moteur humain. L’énergie, la fatigue et les origines de la modernité, La Fabrique, Paris, 2004, chap. 6.
  • [44]
    Par exemple, le traité du médecin russe Marie de Manacéine, Le surmenage mental dans la civilisation moderne, publié en français en 1890.
  • [45]
    R. Boulat, Jean Fourastié, un expert en productivité, PUFC, Besançon, 2008.
  • [46]
    M. Gollac et S. Volkoff, « Citius, altius, fortius. L’intensification du travail », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 114, 1996, p. 54-67 ; P. Askenazy, D. Cartron, F. de Coninck et M. Gollac (dir.), Organisation et intensité du travail, Octarès, Toulouse, 2006.
  • [47]
    S. Bernard, Travail et automatisation des services. La fin des caissières ?, Octarès, Toulouse, 2012, p. 91 ; M.-A. Dujarier, Le travail du consommateur. De McDo à eBay : comment nous coproduisons ce que nous achetons, La Découverte, Paris, 2008.
Français

Au xixe siècle, l’industrialisation, la recherche incessante de productivité et le triomphe du régime de concurrence généralisé ont imposé l’impératif de l’accélération au travail. La rapidité des machines et l’intensification de la production, sans cesse vantées par les ingénieurs et recherchées par le patronat, provoquent à la fois un accroissement des risques au travail et des plaintes récurrentes des ouvriers. Dans cet article, il s’agit d’examiner les débuts de l’accélération industrielle en suivant les multiples protestations, résistances et formes d’autonomie qui l’ont accompagnée et modelée avant l’avènement du taylorisme et ses nouvelles logiques d’automatisation et de contrôle.

Mots-clés

  • industrialisation
  • accélération
  • travail
  • conflits sociaux
François Jarrige
François Jarrige est maître de conférences en histoire (Centre Georges Chevrier, université de Bourgogne). Ses recherches portent sur l’histoire sociale et culturelle du changement technique et de l’industrialisation. Il a notamment publié Au temps des « tueuses de bras » (PUR, 2009) et Technocritiques (La Découverte, 2014).
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 20/03/2014
https://doi.org/10.3917/ecopo.048.0023
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