CAIRN.INFO : Matières à réflexion

La relation entre loi et bioéthique peut paraître évidente pour un juriste français. Elle n’en pose pas moins, par le rattachement qu’elle implique avec la sphère étatique – on nuancera pour les pays fédéraux, voire, dans le cas français, pour les territoires d’Outre mer dont certains votent des lois de pays – une réflexion sur la légitimité et la capacité du législateur à gouverner les questions relevant du champ de la bioéthique.
Il est vrai que dans les esprits s’est insinuée en France, depuis le début de la réflexion législative, au cours de la décennie 1980, l’idée d’un passage nécessaire et progressif de l’éthique au droit (Conseil d’Etat, rapport au Premier ministre, De l’éthique au droit, La documentation française, Paris, 1986), c’est-à-dire, dans le contexte culturel français, à la loi.
Il est vrai que la volonté d’expliciter dans le droit les principes et les règles applicables à la bioéthique ne pouvait, au regard des règles de l’ordonnancement juridique, que conduire à faire de la loi formelle le lieu principal de cette expression, étant entendu que les décrets d’application laissaient une place non négligeable au pouvoir réglementaire pour concrétiser (plus ou moins) ces principes. Mais, l’apparition, en complément de ces normes juridiques, de bonnes pratiques professionnelles, élaborées par des agences spécialisées, et d’avis émanant d’instances scientifiques ou d’éthique, a quelque peu obscurci le paysage normatif en bioéthique. Ces formes nouvelles, dans lesquelles s’insèrent les normes les plus concrètes semblent, en effet, trouver leur fondement plus dans la légitimité expertale de leurs auteurs que la loi ne trouve la sienne dans la légitimité politique et démocratique du parlement…

Français

Faire l’analyse des sources formelles du droit qui contribuent à l’établissement du corpus de normes gouvernant les questions de bioéthique ouvre une intéressante perspective sur la dynamique des acteurs, leur complémentarité, leur influence réciproque mais aussi leurs oppositions. Elle aide à établir l’effectivité de chaque système de normes et à évaluer leur autorité tant dans les pratiques des différentes disciplines biomédicales que dans celles des juges et des administrateurs du « biodroit ».

Mots-clés

  • biodroit
  • sources formelles
  • constitution
  • loi
  • textes réglementaires
  • bonnes pratiques
  • jurisprudence
English

The formal normative sources of bioethics

Analyzing the formal sources of law that contribute to establishing the corpus of norms governing bioethics issues opens an interesting perspective on the dynamics of the actors, their complementarity, their reciprocal influence but also their oppositions. It helps to establish the effectiveness of each system of norms and to assess their authority both in the practices of the different biomedical disciplines and in those of judges and administrators of “biolaw”.

Keywords

  • biolaw
  • formal sources
  • constitution
  • legislations
  • regulations
  • good practices
  • case law
  1. I - La loi
    1. A - Bioéthique et loi : une question de légitimité politique
    2. B - Bioéthique et loi : les conséquences de l’ordonnancement juridique français
      1. 1 - La loi constitutionnelle
        1. Des références générales ou limitées dans les textes
        2. La constitutionnalisation de la bioéthique par la jurisprudence du Conseil constitutionnel
        3. Le refus de procéder à une intégration des principes de bioéthique dans le Préambule de la Constitution
      2. 2 - La loi ordinaire : « flexible droit »
    3. C - Une nouvelle approche juridique : des lois dispersées et non nommées à des lois regroupées et harmonisées
      1. 1 - Avant 1994 : la loi sur mesure, au cas par cas
      2. 2 - De 1994 à 2009 : l’omniprésence de la loi
        1. L’élaboration d’une doctrine française (cf. Jean-Frédéric Poisson, Bioéthique, éthique et humanisme : les lois françaises de 1994, les Etudes Hospitalières, Bordeaux, 2003)
        2. La construction d’un corpus législatif
      3. 3 - À partir de 2009 : stabilisation de l’ordonnancement législatif et maintien de la vigilance éthique
        1. Le maintien du principe de révision
        2. La prudence quant au fait d’intégrer de nouveaux champs
        3. Vers un redécoupage des compétences normatives ?
  2. II - Les ordonnances
    1. A - La spécificité des ordonnances
    2. B - Des ordonnances dans le domaine de la bioéthique
  3. III - La réglementation
    1. A - Une « législation secondaire » mais abondante
    2. B - Quand l’effectivité de la loi dépend des textes réglementaires
    3. C - Les codes de déontologie des ordres professionnels
    4. D - Les arrêtés ministériels
  4. IV - La jurisprudence
    1. A - La jurisprudence, source « primitive » du droit des sciences de la vie
    2. B - La jurisprudence et sa complémentarité avec la norme législative
      1. 1 - Une complémentarité par retrait de la loi
      2. 2 - Une complémentarité par souci de soumettre le fait au droit commun
      3. 3 - Une complémentarité déclinante par interprétation de la loi ?
  5. V - Les bonnes pratiques
    1. A - Définition
    2. B - Application au champ de la biomédecine
      1. 1 - Bonnes pratiques cliniques de soins
        1. L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM)
        2. La Haute Autorité de Santé (HAS)
        3. L’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM)
      2. 2 - Bonnes pratiques cliniques de recherche biomédicale
      3. 3 - Autres bonnes pratiques spécialisées
    3. C - Force juridique des bonnes pratiques
      1. 1 - Une traduction normalisée des données acquises de la science
      2. 2 - La reconnaissance d’une véritable valeur normative
        1. Normativité du fait de la jurisprudence
        2. Normativité du fait de la loi
Christian Byk
Président, Comité intergouvernemental de bioéthique (UNESCO), Secrétaire Général, Association Internationale droit, éthique et science, représentant de la France au Comité intergouvernemental de bioéthique (UNESCO).
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Mis en ligne sur Cairn.info le 02/04/2019
https://doi.org/10.3917/dsso.053.0061
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