CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1On rapporte que le compositeur, organiste, claveciniste et piano-fortiste Claude Balbastre (1724-1799), en écoutant un piano-forte anglais aux Tuileries en 1774, aurait déclaré au facteur de clavecins et de piano-forte Pascal Taskin (1723-1793) : « Vous aurez beau faire, mon ami, jamais ce nouveau venu ne détrônera le majestueux clavecin [1]. » Sortie de son contexte, voire apocryphe, cette remarque peut faire passer Balbastre pour un musicien hostile aux évolutions de la facture instrumentale et au nouveau « goût ». En conséquence, la littérature sur les origines de l’école française de piano-forte ne prête généralement que peu d’attention à sa contribution à l’avènement du nouvel instrument en France. Il est vrai que sa célébrité en son temps comme interprète et improvisateur virtuose à l’orgue a quelque peu occulté ses autres talents et activités. Une étude attentive de son œuvre permet cependant de constater que, contrairement à cette idée reçue, il ne fut pas réfractaire à l’émergence du nouvel instrument à clavier : tourné vers l’innovation organologique, il conçut, avec le facteur d’orgues François-Henri Clicquot (1732-1790), un instrument hybride, le piano-forte organisé, qui combinait l’instrument à cordes frappées et l’orgue à tuyaux. La présente étude envisage de jeter un nouvel éclairage sur ce chapitre peu étudié de l’histoire du piano-forte en France au 18e siècle et de montrer combien, malgré son existence éphémère, le piano-forte organisé incarnait un rêve sonore et un idéal de synthèse caractéristiques de l’esprit même des Lumières. Après avoir évoqué les modifications qui affectent en profondeur l’imaginaire sonore dans la seconde moitié du 18e siècle, nous aborderons l’invention du piano-forte organisé et la création par Balbastre d’un répertoire adapté à ce nouvel instrument.

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3Au-delà de leur simple fonction pratique, les instruments de musique ont une signification particulière pour ceux qui les conçoivent et les utilisent, et ils sont le reflet de l’imaginaire sonore et de la pensée des hommes d’une époque. L’émergence historique d’un instrument à un moment donné, au gré d’une évolution à la fois épistémologique, philosophique, esthétique et technique, n’est jamais le fruit du hasard. C’est parce qu’à un moment donné, les hommes pensent le monde différemment qu’ils ressentent alors le besoin de se doter d’un nouvel outil pour exprimer la sensibilité de leur temps. La deuxième moitié du 18e siècle est l’un de ces moments particulièrement marquants où l’on change de paradigme philosophico-esthétique et où les instruments disponibles pour les musiciens ne leur semblent plus adéquats. Le remplacement du clavecin par le piano-forte est l’indice d’un bouleversement profond de la sensibilité des hommes de cette époque.

4Dans la narration de sa visite à Balbastre à Paris en 1770, le musicographe anglais Charles Burney donne une description détaillée du clavecin de son hôte [2]. Il mentionne le « jeu de buffle » dont ce clavecin est doté. Cette innovation pour transformer le son du clavecin aurait été suscitée par Balbastre lui-même [3] au facteur de clavecins Pascal Taskin qui avait probablement procédé au ravalement de son clavecin de Ruckers [4]. En 1773, Gilbert Trouflaut (1736-1820), prêtre, chanoine et organiste de la cathédrale Saint-Cyr de Nevers et présenté comme « un très grand musicien […] & l’un des plus habiles Théoriciens de ce siècle », écrit une intéressante « Lettre sur les clavecins en peau de buffle inventés par Mr Pascal [5] ». « Malgré les ressources inépuisables [que le clavecin] offre au génie », note Trouflaut, « on ne peut disconvenir que l’égalité de ses sons ne fût un défaut très réel ». La question qui se pose est celle de l’expression : comment moduler les sons du fort au doux et réciproquement ? Trouflaut attribue à Pascal Taskin (« M. Paschal ») l’invention permettant de « triompher des obstacles qui avaient pu arrêter ses prédécesseurs ». En 1768, explique-t-il, Taskin « substitua aux plumes de corbeau, des morceaux de peau de buffle […] Le buffle obéit à l’impression du doigt ; il ne pince plus, mais il caresse la corde ; le tact enfin, le tact seul du Claveciniste suffit pour opérer alternativement, & sans changer ni de clavier ni de registres, ces vicissitudes charmantes ». « Le tact », c’est-à-dire le toucher, devient primordial. Le facteur rend possible « toutes les nuances dont la Musique moderne est susceptible ». Trouflaut précise que la découverte de Taskin lui a mérité les suffrages unanimes des connaisseurs et que « M. Couperin, M. Balbâtre, n’ont pas tardé à vouloir jouir du bienfait de cette invention [6] ».

5L’adoption du jeu de buffle au clavecin s’inscrit dans un vaste mouvement de recherche de nouvelles sonorités au cours de la deuxième moitié du 18e siècle et tend à la même finalité que les recherches entreprises à la même époque pour mettre au point le piano-forte. Malgré certains détracteurs, tels Troufflaut lui-même qui trouve le clavecin « très supérieur aux Piano-Forté » ou Voltaire qui écrit que le piano-forte est un « instrument de chaudronnier, en comparaison du clavecin [7] », nombreux sont ceux qui, en France comme à l’étranger, se montrent favorables au nouvel instrument, à l’instar du chanteur Antoine Albanese [8], un castrat italien employé à la Chapelle Royale, ou de la duchesse de Choiseul qui dépeint avec émoi dans une lettre à son amie Mme du Deffand l’arrivée de son propre piano-forte en 1769 [9]. Le piano-forte échappe au contrôle de l’intellect et de la raison. Sa sonorité délicate lui permet de faire basculer la musique dans la sphère de la poésie et de l’émotion. On se défie désormais de la rudesse du clavecin à laquelle on préfère la douceur et le moelleux du nouvel instrument, comme le chante le vaudevilliste Augustin de Piis en 1785 :

6

Fier de ses sons moelleux qu’il enfante sans peine,
Avec un flegme anglais le piano se traîne
Et nargue, fils ingrat, le rude clavecin [10].

7Le facteur londonien (d’origine allemande) Johannes Zumpe (1726-1790) construit avec succès de petits pianos dits « carrés », que l’on appelait en France « piano-forte anglais », et ce sont eux qui contribuent à lancer la mode de ces instruments à Paris [11], imités dès 1777 par Sébastien Érard, bientôt le principal facteur français. Dès le début des années 1760, l’une des particularités de ces instruments consiste en la recherche d’effets sonores spéciaux au moyen de divers registres ou pédales permettant de modifier le timbre et de privilégier les changements progressifs d’intensité [12], tel l’effet de luth, qui imite le pizzicato, ou la possibilité de libérer les étouffoirs, ce qui crée un effet de résonance continue et un mystérieux halo de sons. Le nouvel instrument offre une palette de sonorités jusqu’alors inconnue.

8Si le clavecin est l’instrument du baroque, le piano-forte est l’instrument par excellence « marquant l’âge musical des Lumières […], mélange de tradition et d’innovation, de conversation publique et de rêverie solitaire, de styles nationaux et de musiciens apatrides, exploit technico-rationnel au service de l’expression des passions [13] ». Claude Jamain estime que « le forte-piano est l’instrument qui signifie l’avènement du règne de l’intuition », ce qui « correspond au renversement épistémologique qui s’opère à la fin des Lumières : l’entrée de l’imagination et de la sensibilité dans la catégorie du savoir [14] ».

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10En France, Claude Balbastre est l’un des premiers à défendre cet « instrument des Lumières ». C’est lui qui incite François-Henri Clicquot à construire un nouvel instrument qui consiste en la combinaison d’un piano-forte avec des tuyaux d’orgue [15]. Les deux hommes jouent le rôle d’intermédiaires pour l’importation de piano-forte, notamment pour la famille royale, comme en témoigne un reçu de 1772 au nom de Balbastre pour la livraison d’un piano-forte à « Mesdames » (Victoire et Sophie), qui se trouve dans les cartons des « Menus-Plaisirs » de la Chambre du Roi [16]. Clicquot, qui travaille avec Sébastien Erard et Pascal Taskin, n’est pas le seul facteur à s’intéresser à ce nouvel instrument. En 1772, Adrien L’Épine, son beau-frère, présente à l’Académie des Sciences de Paris un forte-piano organisé [17]. Dans son traité L’Art du facteur d’orgues (1766-1778), Dom Bédos en donne une description détaillée, illustrée de quatre belles gravures.

Piano-forte organisé de Lépine, Dom Bedos de Celles, L’Art du facteur d’orgues (1766-78), planches CXXXII-CXXXIIL

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Piano-forte organisé de Lépine, Dom Bedos de Celles, L’Art du facteur d’orgues (1766-78), planches CXXXII-CXXXIIL

11Toutefois, la paternité du piano-forte organisé est clairement attribuée à Clicquot par une lettre d’un certain Traversier publiée en 1772 dans Suite de la clef, ou journal historique sur les matieres du tems puis, anonymement, dans L’Année littéraire[18]. L’auteur vante les mérites du nouvel instrument, en explique l’origine et insiste sur le succès qu’il rencontre auprès des membres de l’aristocratie et de la bonne société. Selon Traversier, l’idée d’associer des tuyaux au piano-forte afin d’en renforcer le son, jugé trop « maigre », est bien celle de Balbastre. La lettre nous informe sur le partenariat de Balbastre et Clicquot, qui utilise des piano-forte de Zumpe comme base de départ. L’auteur qualifie le nouvel instrument « d’instrument du jour » dont le règne sera durable, tant ses pouvoirs de séduction sont grands. Il ne devait rien en être, hélas, car il est abandonné après la Révolution française. L’un des problèmes majeurs de cet instrument était celui de la tenue de l’accord, cordes et tuyaux réagissant aux variations hygrométriques à l’inverse les unes des autres. L’instrument nécessitait inévitablement un accord fréquent, ce qui en limitait la diffusion d’un simple point de vue pratique [19]. Un autre handicap supplémentaire était son prix exorbitant. Hervé Audéon ne dénombre que 9 piano-forte organisés dont la mise en vente soit annoncée entre 1772 et 1776 dans les Affiches, annonces et avis divers, face à 283 clavecins et 56 piano-forte pour la même période [20]. En s’appuyant sur l’inventaire établi par Antonio Bruni en 1795 sous la Terreur, complété en 1890 par Jean-Baptiste Weckerlin [21], bibliothécaire du Conservatoire, on dénombre quelques dizaines de piano-forte organisés [22]. L’instrument ne s’adresse qu’à des personnes fortunées et la cible commerciale principale des facteurs est donc la Cour et l’aristocratie. Clicquot en livre à Madame (Marie-Adélaïde, fille aînée de Louis XV), à Madame la dauphine (Marie-Antoinette, future reine de France), au duc de Chartres. La comtesse du Barry acquiert elle aussi un piano organisé dès 1772 pour ses appartements de Versailles, de même que le prince de Conti, le comte de Chabot, la duchesse de Sully, etc.

12Dans les cartons des « Menus-Plaisirs » de la Chambre du Roi, on trouve quelques traces de l’activité de Clicquot et de Taskin pour la famille royale, avec les dates exactes de livraison et d’accord de ces instruments [23]. Un mémoire de Clicquot daté du 23 décembre 1772 mentionne une commande de Madame Sophie (sixième fille de Louis XV) pour « un forté piano anglais que j’ay acheter [sic] a mon retour six cent livres que j’ay payé comptant, pour etre organisé [24] ». Pour Madame Victoire et Madame Sophie, Clicquot ne se contente pas d’un jeu de flûte mais ajoute un bourdon et un fifre. En revanche, comme le stipule la lettre de L’Année Littéraire, l’idée de Balbastre d’ajouter un jeu de hautbois n’a pas donné satisfaction et a été abandonnée. Cette mention du hautbois est très révélatrice du goût de l’époque et de la recherche de sonorités champêtres. Clicquot avait fait de ce jeu, dont il se disait l’inventeur, l’une de ses spécialités sur ses orgues, et il n’est pas étonnant que Balbastre eût souhaité en retrouver le charme et la poésie sur le piano-forte organisé. C’est une indication du genre de pièces que l’on souhaitait pouvoir exécuter sur ces nouveaux instruments et nous y voyons l’indice du lien étroit entre eux et l’art des Noëls, comme nous le verrons ci-dessous.

13Traversier explique que l’instrument est présenté à la cour par Simon Simon, Maître de Clavecin de la Famille Royale. Il semble s’être « occupé du soin d’arranger & de composer des morceaux qui lui fussent propres » pour mettre en évidence les qualités de ce nouvel instrument de musique « en homme de goût » et « son espoir n’a pas été trompé ; les effets enchanteurs de cet instrument y ont fait beaucoup de sensation [25] ». L’organiste Le Clerc – qui avait joué en 1765 le pneumacorde de Berger, autre invention originale de l’époque – présente le piano-forte organisé de Lépine dans l’atelier de celui-ci devant le prince de Conti et le duc de Chartres [26]. Balbastre, Simon, Le Clerc et d’autres défendent l’instrument aussi bien dans les cercles privés aristocratiques qu’en public. Dès 1772, L’Avant-Coureur note que « dans le Concert du Samedi Saint M. Balbâtre a exécuté plusieurs morceaux de sa composition sur son forte piano auquel il a imaginé d’ajouter un jeu de flûtes, exécuté par M. Cliquot, Facteur d’orgues du Roi. Le talent de l’Organiste, & la beauté de l’instrument ont surpris & flatté agréablement les connaisseurs [27] ». Il joue aussi des concertos de sa composition au Concert Spirituel [28]. La salle des Tuileries avait perdu son orgue en 1772 et le nouvel instrument à la mode permettait à Balbastre de renouer avec la pratique du concerto qui l’avait rendu célèbre. On entend un piano-forte organisé au Concert Spirituel à plusieurs reprises entre 1774 et 1784 sous les doigts de Séjan, Neveu, Balbastre, Mlle Cécile, Mlle Candeille et Duchêne. Si l’on ne connaît que deux œuvres composées expressément pour le piano-forte organisé par d’autres compositeurs (un septuor en Fa majeur de Domenico Cimarosa et la Symphonie concertante pour piano-forte organisé, basson, harpe et ensemble à cordes du compositeur russe Dmitri Stepanovich Bortnianski), Balbastre est manifestement celui qui a le plus composé pour le nouvel instrument.

14Le piano-forte organisé est un instrument de synthèse qui remplit la fonction de plusieurs instruments à la fois. Selon Hervé Audéon, certaines pièces pour clavecin ou piano-forte avec accompagnement de violon auraient pu être exécutées sur le piano-forte organisé [29]. L’instrument devait également bien se prêter à l’accompagnement de la voix, comme le faisait le chanteur anglais Charles Dibdin [30]. Nous voudrions aussi suggérer qu’une partie importante du répertoire de Balbastre pour le piano-forte organisé devait consister en ces Noëls qu’il compose dans le contexte particulier de ses séjours à Chanteloup chez le duc et la duchesse de Choiseul.

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16Ministre d’État de Louis XV entre 1758 et 1770, Étienne-François de Choiseul-Beaupré-Stainville (1719-85), comte puis duc de Choiseul et duc d’Amboise, est un homme d’État puissant. Premier ministre de Louis XV entre 1758 et 1770 sans en avoir le titre officiel, il est disgracié en 1770 pour avoir déplu à Mme du Barry (favorite de Louis XV) et il doit se retirer en son château de Chanteloup près d’Amboise en Touraine jusqu’à la mort du roi en 1774. Il y tient une véritable cour et reçoit des visiteurs prestigieux venus de toute l’Europe. Le comte de Cheverny rapporte qu’en arrivant la nuit, « on aurait cru entrer à Versailles, par la magnificence de l’éclairage en dedans et en dehors dans une suite prodigieuse de bâtiments […] Rien n’était fait qu’en grand […] [31] ». Un autre visiteur, Vincent Louis Dutens, rapporte que « le salon de Chanteloup [était] souvent plus brillant que celui de Versailles [32] » et il donne une description stupéfiante de la vie au château de Chanteloup qu’il fréquente dans les années 1770 [33].

17Le duc s’attache les services de Claude Balbastre qui enseigne le clavecin à la duchesse, née Louise Honorine Crozat du Châtel (1734-1801), personne délicate et charmante qui « parle à merveilles et paraît avoir beaucoup de douceur [34] ». Balbastre se produit lui-même à Chanteloup au piano-forte et au clavecin [35]. Ainsi, en septembre et octobre 1772, il séjourne au château où il a fait transporter son piano-forte organisé, à l’invitation de la duchesse de Choiseul à laquelle il donne vingt-cinq leçons : « Balbâtre est ici depuis quinze jours il est venu avec son piano-forte organisé. C’est le plus joli instrument du monde, surtout lorsqu’il en joue [36] », écrit la duchesse à son amie Mme du Deffand. Le séjour de Balbastre, qui donne des concerts devant un auditoire de personnes de distinction (l’abbé Barthélemy, le général anglais Burgoyne, etc.) participe du prestige culturel de ce petit Versailles. Balbastre « a exécuté une belle suite de Noëls [37] ».

18Le 4 décembre 1774, Mme du Deffand écrit à Horace Walpole qu’elle prépare une petite fête pour la veille de Noël et que « Balbatre, fameux joueur de clavecin, y fera apporter son pianoforte ; il jouera, pendant le souper, des Noels, et des airs choisis dont il a composé la plupart pour Chanteloup [38] ». Le mois précédent Mme du Deffand a écrit à Voltaire que « tout Chanteloup » devait dîner chez elle à Noël et qu’elle s’est « déjà assurée de Balbâtre qui jouera sur son forté-piano une longue suite de Noëls. Je voudrais quelques couplets sur ces mêmes airs pour le grand-papa, la grand’maman et madame de Gramont [39]. » Voltaire se fait prier et n’écrit les couplets demandés qu’à contrecœur. À la suite d’une première livraison de vers médiocres qui irritent Mme du Deffand, Voltaire finit par la satisfaire : « La réunion eut le plus grand succès et dépassa les espérances de la marquise. Balbâtre avec son piano-forte joua des noëls et des airs choisis qu’il avait composés pour Chanteloup. On chanta des couplets de Voltaire, qu’on trouva délicieux, pour complaire à son amie ; bref, le souper fut charmant [40]. »

19Mme du Deffand résume bien, dans une lettre à la duchesse de Choiseul, ce que l’on appréciait alors dans la musique de Balbastre : « Je vous dirai, chère grand-maman, que j’ai passé une soirée avec Balbâtre ; il joua d’une manière ravissante plusieurs noëls et une pastorale qu’il dit avoir faite pour vous et dont vous avez dû être très-contente ; elle n’est point du genre de ces musiques savantes que j’ai en exécration [41]. » Un peu plus tard, elle écrit à l’abbé Barthélémy qu’elle a eu beaucoup de plaisir à écouter Balbastre « qui nous joua tous les airs qu’il a faits à Chanteloup, une pastorale, un tambourin, une romance, etc [42]. » L’heure est à la simplicité, au naturel, aux bergeries et aux tendres effusions, en un mot tout ce qui constitue le climat des Noëls.

20Avec Balbastre, ce genre si spécifiquement français s’invite au salon, au gré d’un intéressant métissage. En 1770, il dédie à la duchesse de Choiseul un recueil de Quatre suites de noëls variés pour le clavecin et le forte-piano. Balbastre, à qui l’on a souvent reproché d’avoir introduit de la musique profane à l’église, fait le chemin inverse et traite au piano-forte, dans un contexte profane, des thèmes directement issus de la vieille tradition des cantiques populaires catholiques issus des provinces françaises. De nature essentiellement mélodique, les Noëls consistent en variations plus ou moins virtuoses harmonisées simplement. En se glissant dans le cadre domestique, ces Noëls devaient susciter, sinon une profonde ferveur mystique, du moins une évocation du sacré et une allégeance à des images familières du christianisme. Comme le souligne Brigitte François-Sappey, la « France voltairienne [est] plus favorable au terroir qu’aux envolées mystiques, plus avide de plaisir immédiat que de leçons de morale déguisées en sons [43] ». C’est au demeurant ce que suggère le poète bourguignon François Fertiault aussi tardivement qu’en 1842 dans l’évocation qu’il fait de l’esprit des Noëls en Bourgogne :

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En Bourgogne toutes les fêtes sont fêtées ; il faut des fêtes au Bourguignon et Noël est la fête par excellence, la FÊTE DES FÊTES. […] Quand les fêtes sont profanes, [le Bourguignon] entonne des refrains profanes ; mais, voulant approprier chaque chose à son sujet, il a fabriqué aussi des chansons sacrées pour les jours où lui arrivent les fêtes sacrées [44].

22Pour Balbastre, comme pour Fertiault quelques décennies plus tard, le chant de Noël est chant de célébration et d’allégresse et son origine populaire et profane ne s’oppose pas à sa vocation sacrée : ce sont les deux modalités d’une même expression festive et la dévotion n’exige pas d’être qualifiée avec exactitude.

23C’est donc en vue d’une exécution sur le piano-forte (et non à l’orgue) que Balbastre publie son recueil de Noëls. Ce cahier divisé en 4 suites (en Ré, La, Sol, et Ut) s’adresse en priorité à un public d’amateurs qui peuvent retrouver dans le cadre domestique les mélodies bien connues entendues à l’église. Balbastre reprend bien évidemment les plus connus des thèmes de cette tradition, souvent traités par les autres noëlistes (Gigault, Lebègue, Dandrieu, Michel Corrette, Daquin, Beauvarlet-Charpentier, Lasceux) [45], mais il inclut aussi de nombreux thèmes puisés dans le vivier de sa région d’origine, la Bourgogne, Noëls aux savoureux titres en patois. Balbastre regroupe souvent plusieurs Noëls en un ensemble cohérent, en les enchaînant ou les intercalant les uns avec les autres, à la manière des « concertos de Noëls » qu’il exécutait au Concert Spirituel, et joue des contrastes (majeur/mineur ou gai/méditatif). Quand Mme du Deffand écrit qu’elle a demandé à Balbastre de jouer « une longue suite de Noëls », on peut supposer qu’il enchaînait ses variations en un vaste continuum d’humeurs variées et d’effets différents, avec un certain sens dramatique et une recherche constante de variété. S’il n’a pas écrit pour la scène, Balbastre maîtrise l’art du développement qui l’inscrit dans la tradition française de la musique de ballet.

24Balbastre ne cherche pas vraiment à traduire en musique le sens précis des textes des Noëls qu’il a choisis ; en revanche, l’une de ses préoccupations principales a trait au son, et une juste compréhension des instruments auxquels il destine sa musique est indispensable pour en saisir l’esprit. Si le piano-forte organisé n’est pas mentionné sur la page de titre des Suites de Noëls, c’est qu’il était trop rare pour que cela puisse toucher un public suffisamment vaste. Toutefois, nul autre instrument domestique ne pouvait davantage se prêter à l’évocation du climat champêtre de Noël ; nul autre ne possédait ce pouvoir de mystère et d’enchantement propre à susciter des émotions tantôt joyeuses, tantôt méditatives, au diapason de la mythologie de Noël telle qu’elle était imaginée à l’époque. On voit bien pourquoi Balbastre aurait souhaité disposer du timbre d’un hautbois et pourquoi Lépine avait introduit les jeux de hautbois, musette, chalumeau, tambourin et fifre dans son propre instrument. Une épître de Picardet à Balbastre datée de 1775 et citée par Giraud insiste précisément sur le côté champêtre et pastoral de son inspiration et de son jeu :

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Balbâtre avait dans son jeu beaucoup d’harmonie, d’expression et de chaleur ; c’est à lui que l’on doit la substitution du piano au clavecin ; il mourut à Paris au mois de mai 1799. Dans une épître adressée à Balbâtre, sur la fin de 1775, par M. Picardet aîné, l’on remarque ces vers qui ont le mérite de peindre les talens de ce musicien :
Quelle touche aimable et facile !
Traits rapides, chants soutenus,
Tantôt légers, vifs et rompus,
Sous ta main doucement mobile,
Tantôt mollement étendus,
Foibles, plus sourds, au loin perdus,
Dans l’espace vague et tranquille,
C’est à la fois le flageolet,
Le luth galant, la clarinette,
J’entends Tircis, j’entends Lisette,
Allant danser dans ce bosquet,
Unir le son de la musette
Aux gais refrains du galoubet [46].

26Si donc le piano-forte organisé n’a pas pu susciter un répertoire original important, comme on a coutume de le dire, c’est parce que son existence a été de brève durée, bien sûr ; mais ne serait-ce pas aussi parce qu’un répertoire parfaitement adapté existait bel et bien ? Balbastre devait d’ailleurs composer d’autres pièces, restées manuscrites, pour l’instrument, regroupées notamment dans le Recueil de pièces de clavecin et de forte-piano organisé par différens Autheurs[47]. Il est significatif que l’une des pièces de ce recueil soit intitulée « La Chanteloup ». Le recueil contient une douzaine de pièces de Balbastre et quelques pièces d’autres compositeurs (J. C. Bach, Rameau, Ferrand, de la Barre et Dauvergne, Grétry) vraisemblablement transcrites par Balbastre lui-même.

27Selon les circonstances, Balbastre adapte ses thèmes de façon appropriée. Ainsi, on trouve dans ce recueil la partie en majeur de « La Suzanne », tirée de son Livre de Clavecin de 1756, ainsi que la Romance initialement composée pour l’orgue à rouleau mécanique à la demande de Dom Bédos pour son traité L’Art du facteur d’Orgue. Ceci nous semble confirmer l’extrême porosité entre les répertoires initialement destinés à divers instruments. Une pièce porte le titre énigmatique suivant : « Air de flûte – Le Violoncelle pour le Forte Piano – Par Mr Balbâstre ». Si l’on comprend que la mélodie doit être jouée sur le jeu de flûte et l’accompagnement confié à la main gauche sur le piano-forte en guise de violoncelle, il peut s’agir aussi de la transcription d’une pièce initialement destinée aux deux instruments mentionnés et cette indication souligne l’aptitude du pianoforte organisé à imiter les timbres d’autres instruments. Une autre pièce, « La Bouflère », charmant rondeau à 6/8 sur un accompagnement de triolets de croches, apparaît sous le titre de « Duo » dans un autre manuscrit qui porte le nom de Charles Ambroise Létendart (élève et ami de Balbastre). Le titre de la pièce désigne vraisemblablement Mme Amélie de Boufflers (1751-1794), duchesse de Lauzun puis duchesse de Biron, dame du Palais de Marie Leszczyńska puis de Marie-Antoinette, et qui fréquentait la duchesse de Choiseul et résidait fréquemment à Chanteloup où Balbastre a pu la rencontrer.

28Le piano-forte organisé était donc perçu comme un instrument polymorphe sur lequel on pouvait interpréter des pièces destinées aussi bien au clavecin qu’au piano-forte et des transcriptions variées. Dans ce recueil, Balbastre aborde diverses formes – romance, marche, chasse, musette, pastorale (notamment celle dont il avait fait peindre la partition sur son clavecin de Ruckers [48]). Plusieurs pièces (un Andante, un Menuet et l’Ariette et Pastorale) se trouvent, comme la Romance, dans les quatre Sonates en Quatuor publiées en 1779. Tout comme les Suites de Noëls, le Recueil… par différents autheurs manuscrit semble relié par divers fils au cercle de Chanteloup. Les deux ouvrages témoignent du vif intérêt de Balbastre pour l’instrument original qu’il avait imaginé et de sa recherche d’un langage musical simple et sensible que les sonorités particulières de l’instrument pouvaient exalter. On peut aussi raisonnablement rattacher à cette veine les Sonates en quatuor.

29Enfin le manuscrit d’Ambroise Létendart (ou L’Étendart) déjà mentionné [49] contient des pièces qui semblent elles aussi avoir été initialement destinées au piano-forte ou au piano-forte organisé, bien qu’il soit intitulé Offertoires et Marches pour Orgue. Certaines pièces de cette compilation figurent également dans le Recueil… par différents autheurs et, stylistiquement, l’écriture est caractéristique de la période tardive de Balbastre. Certaines de ces pièces (six en tout – pièces n° 4 à 9) exigent parfois des notes situées hors de l’ambitus habituel des claviers d’orgue de l’époque. Nicolas Gorenstein suggère qu’elles auraient pu être composées pour l’inauguration de l’orgue de Saint-Sulpice dont les anches descendaient au La0 [50], inauguration à laquelle Balbastre avait participé. Toutefois, leur caractère mondain et gracieux, qui les apparente aux romances de salon, et l’absence d’indication de registrations, indiquent qu’elles étaient vraisemblablement destinées davantage au piano-forte qu’à l’orgue et elles peuvent avoir été écrites, précisément, pour le piano-forte organisé, puis intégrées au recueil des Offertoires et Marches pour Orgue sans adaptation particulière. La présence du Duo, qui n’est autre que « La Bouflers » du Recueil… par différents autheurs, confirme cette hypothèse. Comme Michel Corrette qui indiquait que certaines de ses pièces de clavecin pouvaient également être exécutées à l’orgue, Balbastre brouillait volontiers les frontières génériques entre les répertoires en faisant passer ses pièces d’un instrument à un autre.

30*

31Toute esthétique – tout « style » – correspond à une vision du monde, à un paradigme épistémologique et philosophique. Dans la seconde moitié du 18e siècle, on assiste à l’émergence prépondérante du « sentiment » et de la sensibilité fondés sur l’importance accrue du moi subjectif, nouvel arbitre des idées et du goût. Le sentiment précède le raisonnement dans la perception du beau. L’idéal recherché est celui d’une harmonie qui puisse « satisfaire l’esprit, et d’une variété de détails et de nuances capables d’éveiller l’heureuse surprise des sens [51] ». Cette époque cultive ainsi la recherche de l’hédonisme, du plaisir et de la beauté et s’abandonne à ce que Jean Starobinski appelle élégamment la « juridiction du sentiment [52] ». On souligne l’indétermination ou l’imprécision de la musique, qui sait nous toucher sans que l’on sache vraiment comment et dont le sens est complet en lui-même, en dépit de l’absence de signification sémantique [53]. Elle doit toucher les cœurs directement. On passe ainsi de l’ordre et de la règle au seul régime du plaisir où prime exclusivement le jugement de l’oreille.

32Tel est le contexte philosophique et artistique dans lequel Balbastre s’inscrit et par rapport auquel il convient de l’appréhender. On invente de nouveaux instruments pour traduire la nouvelle sensibilité. Si l’attachement de Balbastre à l’orgue et au clavecin ne se dément jamais, son intérêt pour le jeu de buffle et son invention du piano-forte organisé sont les indices de sa curiosité, de son inventivité et de son ouverture d’esprit à l’égard de ces nouveaux moyens d’exprimer la sensibilité de son temps. Il devient l’un des champions de ce nouvel instrument, comme s’il avait perçu que c’est en lui que s’incarnait le mieux l’idéal sonore des Lumières. Son parcours – de l’héritage de Rameau au style galant ou « rococo [54] » – illustre bien le passage historique du baroque au classicisme qui s’opère au cours du siècle. Le piano-forte organisé, instrument fascinant, à la fois intime, spectaculaire et coûteux, à la destinée de courte durée, exprime par ses sonorités inhabituelles et graciles une lubie ou un rêve un peu fou de synthèse sonore et stylistique et de polyvalence expressive. Musicien de l’effet sonore – qu’il soit sublime ou délicat – Balbastre improvise et compose pour saisir et ravir son auditoire dans l’instant. Il limite résolument son art à l’espace bien circonscrit des instruments à clavier qu’il pratique avec excellence. Sa musique est celle du charme et de l’immédiateté : elle prend vie dans sa réalisation sonore et ne saurait se juger « à la table ». Adulé en son temps, longtemps oublié, souvent dénigré, Claude Balbastre mérite assurément de retrouver aujourd’hui la juste place qui lui revient parmi les grands virtuoses et musiciens du siècle des Lumières et comme l’un des premiers piano-fortistes français.

Notes

  • [1]
    Cité in J. B. A. M. Jobard, Rapport de l’Exposition de 1839, Bruxelles et Paris, 1842, t. 2, p. 96 ; Ernest Glosson, Pascal Taskin, Recueil de la société internationale de musique, janvier-mars 1911, p. 259.
  • [2]
    Charles Burney, The Present State of Music in France and Italy […], London, T. Beckett & Co., J. Robson and G. Robinson, 1771-1773, p. 38-39.
  • [3]
    Ernst Ludwig Gerber, Historische-Biographisches Lexicon der Tonkünstler, Leipzig, 1790-1792, mentionné par George Gordon Byron et Leslie Alexis Marchand, So Late into the Night, Cambridge Mass., Belknap Press of Harvard University Press, 1976, p. 130.
  • [4]
    Frank Hubbard, Three Centuries of Harpsichord Making, Cambridge Mass., Harvard University Press, 1965, p. 124 ; L’Avant-Coureur no 36, 9 septembre 1771, p. 566-570.
  • [5]
    Chanoine Trouflaut, « Lettre sur les clavecins en peau de buffle inventés par Mr Pascal  », Journal de musique, no 5, 1773, p. 10-19.
  • [6]
    Ibid., p. 18.
  • [7]
    Lettre de Voltaire à Mme du Deffand, 8 décembre 1774. Correspondance complète de la marquise du Deffand avec ses amis, le président Hénault — Montesquieu — D’Alembert — Voltaire — Horace Walpole : classée dans l’ordre chronologique, et sans suppressions, augmentée des lettres inédites au chevalier de l’Isle, précédée d’une histoire de sa vie, de son salon, de ses amis, suivie de ses œuvres diverses et éclairée de nombreuses notes par M. de Lescure, éd. M. de Lescure. 2 vol., Paris, Henri Plon, 1865, vol. 2, p. 446.
  • [8]
    Antoine Albanese, « L’arrivée du forte-piano à M. le Comte d’Affry avec accompagnement de violon et violoncelle ad libitum », op. VII, Paris, Sieber et Huberty, s.d., parution mentionnée dans L’Avant-coureur, 25 février 1771, p. 113.
  • [9]
    Lettre de Mme de Choiseul à Mme du Deffand, mai 1769, Correspondance complète de Mme Du Deffand avec la Duchesse de Choiseul, l’abbé Barthélemy et M. Craufurt, t. 1, publié avec une introd. par M. le Marquis de Sainte-Aulaire, Paris, 1866, p. 199.
  • [10]
    Antoine Pierre Augustin de Piis, L’Harmonie imitative de la langue française, Paris, Ph. D. Pierres, 1785, dans Œuvres choisies, Paris, Pierre Aîné, 1810, p. 38.
  • [11]
    Michael Cole, The Pianoforte in the Classical Era, Oxford, Clarendon Press, 1998, p. 82.
  • [12]
    Thomas Vernet, « Approche du discours musical de L’Avant-coureur – 1760-73 », Dix-huitième Siècle, no 43, 2011, p. 45.
  • [13]
    Andrea Fabiano, « Six mille titres pour un instrument encore inactuel ? Quelques remarques sur un répertoire de musiques pour piano-forte », dans Aux origines de l’école française de pianoforte de 1768 à 1825, dir. Catherine Gas-Ghidina et Jean-Louis Jam, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal, 2004, p. 215.
  • [14]
    Claude Jamain, « L’homme sensible et le forte-piano », dans ibid., p. 207.
  • [15]
    Jean-Benjamin de La Borde, Essai sur la musique ancienne et moderne, Paris, Eugène Onfroy, 1780, t. III, p. 383.
  • [16]
    Archives Nationales 1772, cote 0/1/3035, no 58.
  • [17]
    « Lettre à M. l’Abbé Aubert, Auteur du Journal des Beaux-Arts, sur un Forte-Piano organisé d’une façon singuliere, & approuvé par l’Académie Royale des Sciences », Journal des Beaux-Arts et des Sciences, Paris, Moutard, octobre 1772, t. IV, p. 30-38 ; Histoire de l’Académie royale des sciences, Paris, Imprimerie Royale, 1775, p. 109. Reproduit dans Recueil de mémoires, ou collection de pièces académiques, concernant la médecine, l’anatomie et la chirurgie, la chymie, la physique expérimentale, la botanique et l’histoire naturelle, Paris, G. J. Cuchet, 1787, vol. 15, p. 424.
  • [18]
    Traversier, « LETTRE Sur les Forte-piano d’Angleterre organisés par M. Cliquot, Facteur d’Orgues du Roi. », dans Suite de la clef, ou journal historique sur les matieres du tems […], Paris, Ganeau, t. cxii, juillet 1772, p. 33-37 ; « Lettre à l’auteur de ces Feuilles sur les Forte-Piano d’Angleterre, organisés par M. Clicquot, Facteur d’orgues du Roi », L’Année littéraire, éd. Louis-Marie-Stanislas Fréron, Paris, 1772, vol. 3, p. 105-112.
  • [19]
    Voir 5 scrapbooks of material relating to Vauxhall Gardens, consisting of cuttings, songs, plates, posters, leaflets, &c., 1712-1847, réunis par James Winston, Oxford, Bodleian Library, cote G. A. Surrey C. 22-25, Scrapbook I, 1786, p. 174/2.
  • [20]
    Hervé Audéon, « Le piano-forté organisé en France : instruments et répertoire », L’Orgue Francophone, no 54, décembre 2016, p. 44.
  • [21]
    Jean-Baptiste Weckerlin, « États des instruments enlevés du dépôt national », Nouveau Musiciana, Paris, Garnier, 1890, passim.
  • [22]
    Daniel Piollet, « Jean-Baptiste Schweickart (1751-1819) : “Un des plus remarquables facteurs d’orgues parisiens vers 1787” », dans Cordes et claviers au temps de Mozart […]— Actes des Rencontres Internationales « harmoniques », dir. Thomas Steiner, Lausanne, Société Suisse de Musicologie, 2006, p. 263-303.
  • [23]
    Archives Nationales, « Maison du roi, Menus-Plaisirs », cote 01 3035, no 60.
  • [24]
    Ibid., no 56.
  • [25]
    Traversier, « Lettre Sur les Forte-piano », art. cité, p. 36.
  • [26]
    H. Audéon, « Le piano-forté organisé en France », art. cité, p. 51.
  • [27]
    L’Avant-Coureur, 27 avril 1772, p. 267.
  • [28]
    Voir par exemple L’Almanach Musical, Paris, 1782, p. 150.
  • [29]
    H. Audéon, « Le piano-forté organisé en France », art. cité, p. 56.
  • [30]
    Voir William Kitchener, The Sea-Songs of Charles Dibdin, with a Memoir of his Life and Writings, London, G. and W. B. Whittaker, 1823, p. 22-24.
  • [31]
    Jean-Nicolas Dufort de Cheverny, Mémoires sur les règnes de Louis XV et Louis XVI et sur la Révolution, Paris, E. Plon, Nourrit et Cie, 1886, t. I, p. 417-419.
  • [32]
    Vincent Louis Dutens, Mémoires d’un voyageur qui se repose contenant des anecdotes historiques, politiques et littéraires, Paris, Bossange, Masson et Besson, 1806, t. II, p. 105.
  • [33]
    Ibid., p. 107-109.
  • [34]
    Joseph-Henry Costa de Beauregard, Journal de voyage d’un jeune noble savoyard à Paris en 1766-1767, éd. Patrick Michel, Villeneuve d’Asq, Presses Universitaires du Septentrion, 2013, p. 104.
  • [35]
    Lettre de Mme de Choiseul à Mme du Deffand, 10 octobre 1772, Correspondance complète de Mme Du Deffand avec la Duchesse de Choiseul, t. 2, p. 269.
  • [36]
    Lettre de Mme de Choiseul à Mme du Deffand, 24 septembre 1772, ibid., p. 255.
  • [37]
    Lettre de l’Abbé Barthélemy à Mme du Deffand, 10 octobre 1772, ibid., p. 269.
  • [38]
    Lettre de Mme du Deffand à Horace Walpole, 4 décembre 1774, Lettres de la Mise Du Deffand à Horace Walpole,… écrites dans les années 1766 à 1780 ; auxquelles sont jointes des lettres de Mme Du Deffand à Voltaire, écrites dans les années 1759 à 1775. Publiées d’après les originaux [par Artaud], Paris, Treuttel et Wurtz, 1812, t. 3, p. 139-140.
  • [39]
    Lettre de Mme du Deffand à Voltaire, 24 novembre 1774, ibid., t. 4, p. 423 (réédition dans Lettres à Voltaire, éd. M. de Lescure, Paris, Payot & Rivages, 1994, p. 195).
  • [40]
    Gaston Maugras, La Disgrâce du Duc et de la Duchesse de Choiseul, Paris, Librairie Plon, 1903, p. 318.
  • [41]
    Lettre de Mme du Deffand à la duchesse de Choiseul, 4 janvier 1774, Correspondance complète de Mme Du Deffand avec la Duchesse de Choiseul, t. 3, p. 62.
  • [42]
    Lettre de Mme du Deffand à l’abbé Barthélemy, 10 mars 1774, ibid., p. 94.
  • [43]
    Brigitte François-Sappey, « Claude Bénigne Balbastre », dans Guide de la musique d’orgue, dir. Gilles Cantagrel, Paris, Fayard, 1991, p. 147.
  • [44]
    François Fertiault, Les Noëls Bourguignons de Bernard de La Monnoye (Gui-Barôzai), Paris, Lavigne, 1842, p. xi.
  • [45]
    Voir Philippe Lescat, « Les Noëls instrumentaux : leur utilisation », dans Claude Bénigne Balbastre – Recueil de Noëls, édition en fac-similé, Courlay, Éditions J. M. Fuzeau, 1994, p. 13-22.
  • [46]
    Xavier Girault, Claude Xavier, Essais historiques et biographiques sur Dijon, Dijon, Lagier, 1814, p. 427-428.
  • [47]
    BnF, cote VM7 1941.
  • [48]
    Voir Charles Burney, The Present State of Music, éd. citée, p. 38-39.
  • [49]
    Bibliothèque municipale de Versailles, cote Ms. Mus. 256.
  • [50]
    Nicolas Gorenstein, « Claude Balbastre – Pièces pour orgue », dans Claude Balbastre – Pièces pour orgue, Fleurier, Éditions du Triton, 1994, p. 10.
  • [51]
    Jean Starobinski, L’Invention de la liberté – 1700-1789, Genève, Skira, 1964/1994, p. 53.
  • [52]
    Ibid.
  • [53]
    Voir Pierre Dubois, La Conquête du mystère musical dans la Grande-Bretagne des Lumières, Lyon, PUL, coll. « Esthétique et représentation », 2009 ; La Musique face au système des arts, dir. Marie-Pauline Martin et Chira Savertieri, Paris, Vrin, 2013.
  • [54]
    Jean-Patrice Brosse, Le Clavecin des Lumières, Paris, Bleu nuit éditeur, 2004, p. 70-71.
Français

Claude Balbastre (1724-1799) est surtout connu comme l’un des plus célèbres organistes et clavecinistes français de son temps, mais on ignore souvent sa contribution à l’essor du piano-forte en France. Une étude attentive de son œuvre (ses Noëls dédiés à la Duchesse de Choiseul, notamment, mais aussi diverses pièces d’autres recueils manuscrits) permet de constater qu’il ne fut pas réfractaire à l’émergence du nouvel instrument à clavier. Tourné vers l’innovation, il adopta sur son clavecin le jeu de buffle inventé par Pascal Taskin pour favoriser l’« expression », puis conçut, avec le facteur d’orgues François-Henri Clicquot, un instrument hybride, le piano-forte organisé, qui combinait l’instrument à cordes frappées et l’orgue à tuyaux. Balbastre brouillait volontiers les frontières génériques entre les répertoires en faisant passer ses pièces d’un instrument à un autre. Le piano-forte organisé, dont l’existence fut éphémère, incarnait un rêve sonore et un idéal de synthèse stylistique et de polyvalence expressive caractéristiques de l’esprit même des Lumières.

Mis en ligne sur Cairn.info le 15/10/2020
https://doi.org/10.3917/dhs.052.0303
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour Société Française d'Étude du Dix-Huitième Siècle © Société Française d'Étude du Dix-Huitième Siècle. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
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