CAIRN.INFO : Matières à réflexion
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David, Carnet de croquis pour Le Serment du jeu de paume : groupe de soldats nus et casqués tournés vers la gauche, mise au carreau à la sanguine, 0,192 m x 0,125 m, Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon.

1Présenter une contribution sur Hölderlin dans le cadre d’un volume collectif dévolu à la déclinaison du motif de la communauté dans la pensée et la littérature des Lumières ne va pas de soi, pour deux raisons au moins : d’abord, le sujet mériterait un livre ; ensuite et surtout, il a été fait un tel usage du nom et de l’œuvre de Hölderlin qu’il serait illusoire de prétendre tenir sur une telle matière un propos candide. La communauté selon Hölderlin est le type même du sujet piégé par une vaste littérature secondaire aux lourdes implications idéologiques. Au centre d’attraction de cette littérature se dresse, comme un massif aussi hérissé qu’impénétrable, le commentaire heideggérien, donné par son auteur comme un « éclaircissement » (Erläuterung), le terme étant lui-même fortement connoté dans la langue de qui « la poésie est le langage primitif d’un peuple historial [1] ». Que l’ensemble du commentaire heideggérien tourne autour de la thématique ici retenue, j’en veux pour seule illustration la phrase suivante, dont les arêtes définissent un espace herméneutique aussi pertinent dans son repérage qu’inacceptable tant dans sa formulation que dans sa visée sous-jacente : « Persistant en lui-même comme le suprême isolé qu’individualise sa destination propre, le poète œuvre en vérité pour son peuple en le représentant, et par là œuvre en vérité » (Ibid., p. 61). On aimerait dire que tout dans cette phrase est à la fois juste et foncièrement biaisé par une idéologie qui ne parle à découvert que pour autant qu’elle se situe dans l’axe ouvert par le romantisme allemand, tout en se gardant précautionneusement d’expliciter ses implications politiques immédiates ; si bien que l’on a pu interpréter l’abscons éclaircissement heideggérien à la fois comme un accaparement (un « arraisonnement ») national-socialiste du poète et, contradictoirement, comme la manifestation feutrée d’une prise de distance à l’endroit d’un compagnonnage récusé in petto (peut-être, pensent d’aucuns, parce que les nazis n’auraient pas été assez radicaux dans la révolution historiale rêvée par le philosophe, qui se considérerait comme son lointain mais sûr « éclaireur »). S’il n’est guère possible d’ignorer le vaste champ polémique suscité par le commentaire heideggérien, il s’offre du moins une voie permettant un tout autre accès au texte hölderlinien, dont on a pu remarquer qu’elle était presque entièrement négligée par le philosophe allemand. C’est donc délibérément et en pleine connaissance de cause que je me détournerai ici de l’œuvre proprement poétique de Hölderlin, en restreignant mon propos à ces écrits moins frayés (y compris, curieusement, par les critiques les plus virulents de l’approche heideggérienne, tel Adorno) que sont le roman Hypérion et la tragédie de La mort d’Empédocle. Là se découvre en effet une pensée de la communauté dont la double inscription, historique et générique, la rend moins ductile aux opérations idéologico-herméneutiques qui ont vu le jour dans le sillage du commentaire heideggérien.

2Sans doute n’est-il guère de pensée ou de tropisme communautaire qui ne s’ancre dans l’expérience personnelle de l’enfance ou de l’adolescence. Avant d’en venir aux œuvres précitées, il ne devrait donc pas sembler oiseux de faire un bref détour par le massif de la correspondance, où le thème de la communauté se colore d’implications biographiques. Rendons grâce aux éditeurs du volume de la Pléiade consacré au poète, non seulement pour y avoir intégré sa correspondance, mais pour avoir eu l’intuition de choisir comme texte introductif le fragment d’un poème intitulé « Les Miens ». Les miens, c’est d’abord le cercle restreint de la famille où s’épanche dans son premier jet le pathos communautaire hölderlinien. Communauté affective originaire, mais aussi communauté-refuge devant les déboires de la vie, comme le souligne telle adresse au frère élu au rôle de confident : « Je cherche le repos, mon frère ! Je le trouverai près de ton cœur et auprès de notre chère famille [2]. » Avec la sœur, la tonalité se fait à l’occasion plus ouvertement nostalgique : « de tout ce que nous conservons de notre jeunesse, rien ne reste aussi durable et vivant que l’affection entre frères et sœurs et envers les autres parents » (p. 732). Mais c’est à sa propre mère que le poète fait le mieux sentir l’importance du havre familial : « Quand on a vécu quelque temps dans la froideur du monde, on éprouve vraiment le besoin d’une affection stable, comme celle qui existe entre parents, enfants et frères. Telle est du moins mon expérience » (p. 741).

3À la nostalgie avouée de la communauté substantielle (Hegel) se superpose cependant la sphère non moins chaleureuse des amitiés électives. Du frère élevé au rang de confident à l’ami choisi, nulle solution de continuité, comme en témoigne cet incipit d’une lettre adressée à Neuffer : « tu as raison, frère de mon cœur [3] ! ». Aussi la correspondance hölderlinienne fait-elle une large place aux lettres amicales, préfigurant ainsi l’importance ultérieurement prise par le thème de l’amitié dans Hypérion. Au même Neuffer, Hölderlin expose cette dialectique de l’amitié à la faveur de laquelle chacun découvre dans l’autre le vecteur de son propre épanouissement personnel : « Voilà pourquoi il importe tant de faire cause commune, voilà pourquoi nous nous faisons tort à nous-mêmes lorsque, par une misérable rivalité, nous nous séparons et nous isolons, car l’appel de l’ami nous est indispensable pour nous réconcilier avec nous-mêmes » (p. 449). On sait par ailleurs que le jeune Hölderlin eut la chance de rencontrer des amis d’une envergure exceptionnelle : au fameux Stift de Tübingen, il eut pour condisciple Schelling et Hegel, entretenant avec ce dernier une relation amicale qui ne viendra se briser que sur l’écueil de la folie. Avec ces êtres d’exception appelés à jouer le rôle que l’on sait dans le développement de la culture européenne, l’amitié s’élève d’emblée de la sphère restreinte des affections juvéniles à l’idée d’un lien intellectuel et spirituel, voire d’un pacte rendu nécessaire par l’adversité. Avec eux comme avec Ebel, partisan enthousiaste de la Révolution française, Hölderlin utilise un langage codé dont la coloration messianique renvoie de toute évidence aux événements contemporains : « Les esprits doivent communiquer entre eux, afin que de cette union, cette Église invisible et combattante donne naissance au grand Fils des Temps » (p. 367). Un similaire encodage religieux se retrouve dans une lettre contemporaine adressée à Hegel et débutant par le paragraphe suivant : « Je suis sûr que tu as parfois pensé à moi depuis que nous nous sommes quittés sur ce mot de ralliement – Royaume de Dieu. À ce mot de ralliement nous nous reconnaîtrions, je crois, dans n’importe quelle métamorphose » (p. 314). Dans le livre qu’il a consacré à Hegel secret, Jacques d’Hondt souligne fortement le caractère idéologico-politique de l’amitié unissant Hegel et Hölderlin ; le mot-clé de cette relation est celui de Bund (lien, association, alliance, pacte), qui apparaît à deux reprises dans le poème Eleusis, dédié par le premier au second [4]. Dans une lettre datée de 1810, Isaac de Sinclair, en compagnie duquel Hölderlin faillit être inculpé pour conspiration, rappelle au souvenir de son destinataire Hegel le temps de « l’alliance de nos esprits » (der Bund unserer Geister[5]).

4Il ressort de ces exemples que la communauté amicale ne doit en aucune façon être tenue pour une communauté exclusive, une communauté par soustraction. Elle n’épouse pas la figure du repli, mais celle de la projection : le Bund amical se veut une anticipation, une préfiguration de l’Église universelle, c’est-à-dire de la communauté générale des hommes. Si pacte il y a entre un nombre restreint d’individus choisis, alliance entre des âmes d’élite, c’est en vue de « l’idéal de toute société humaine, de l’Église esthétique » (p. 713). Ce projet grandiose possède tout à la fois sa scène primitive et son document fondateur. La scène primitive est célèbre : c’est celle qui voit les trois condisciples marqués du sceau de la génialité aller planter un arbre de la liberté sur les bords du Neckar, le 14 Juillet 1793. Quant au texte fondateur, il est connu sous le titre de Plus ancien programme systématique de l’idéalisme allemand, bref manifeste où se trouve consigné le projet d’un dépassement de l’État (« car tout État est obligé de traiter l’homme libre comme un rouage mécanique, et c’est ce qu’il ne faut pas ; il doit donc disparaître »), en direction de « l’idéal de tout société humaine, l’Église esthétique », puisque aussi bien « l’acte suprême de la raison est un acte esthétique [6] ». Quelque signification que l’on veuille donner à semblables propositions, elles attestent une perception aiguë de l’historicité du temps présent, saisi comme le moment d’une décision fondamentale quant à la notion même de communauté : « Il n’existe au monde qu’un seul litige, celui de savoir si c’est le tout ou le particulier qui prédomine », écrit Hölderlin (p. 996) dans la proximité de la paix de Lunéville, par ailleurs célébrée dans l’hymne Fête de la Paix. « L’essentiel, c’est qu’en toute chose l’esprit de communauté prévaudra », avait-il déjà été avancé dans une lettre précédente (p. 986).

5Le mouvement expansif de la communauté amicale à la communauté politique conçue comme une « alliance nouvelle » (p. 957) se poursuit chez Hölderlin dans une direction qui lui est propre, et que résume le constat personnel selon lequel son cœur « est toujours pressé de fraterniser avec tout ce qui vit et existe sous la lune » (p. 677). C’est qu’au-delà même de l’universelle communauté des hommes visée par le cercle des conspirateurs (conspirer, c’est respirer ensemble, rappelaient en leur temps de jeunes rebelles italiens), il y a le grand Tout de la nature, hors de l’inscription duquel il ne saurait y avoir de communauté humaine bien comprise. Au plan intellectuel, la marque du temps est bien que s’y déploie « une nouvelle philosophie qui insiste essentiellement sur l’intérêt universel des choses » et qui, prenant le contre-pied de l’injonction cartésienne, se propose « d’amener l’homme, dont l’activité dépend de la matière que lui offre la Nature, qui fait partie de son organisation infinie, à ne pas se considérer comme le maître et seigneur de celle-ci » (p. 712). Or, comme le Plus ancien système postule que « seule la poésie survivra à toutes les autres sciences et à tous les arts », et que c’est par ailleurs la poésie « qui rapproche et unit les hommes » tout en préservant « les particularités vivantes de l’individu » (p. 691), c’est bien au poète que revient la tâche assignée par Schiller d’une éducation esthétique de l’homme en vue de la liberté politique. Dès lors, tout paraît lié dans une chaîne dont Hölderlin ne cessera de tenir fermement les bouts : pas de liberté subjective (pas de « particularités vivantes de l’individu ») sans une authentique communauté humaine, mais pas davantage de véritable communauté politique sans une réinsertion de l’homme civilisé dans le Tout de la nature auquel Rousseau a montré qu’une vectorisation catastrophique de l’Histoire l’a durablement aliéné. Cette articulation doublement indispensable de la notion de communauté, nous la verrons maintenant à l’œuvre tant dans le roman d’Hypérion que dans la tragédie d’Empédocle[7].

6Hypérion ou l’ermite de la Grèce : le titre même de l’œuvre semble la situer dans une perspective diamétralement opposée à celle qui fait l’objet de notre étude. Or cette monodie épistolaire épouse la forme d’une narration rétrospective : non seulement le héros éponyme n’est un ermite que par défaut, mais il n’est pas assuré, nous le verrons en conclusion, que ce soit là sa vocation dernière. Sans doute l’œuvre s’inscrit-elle d’emblée dans le genre du Bildungsroman, dévolu par principe à la représentation d’une maturation individuelle : « la grande transition de l’adolescence à l’âge adulte, de la vie affective à la raison, du règne de l’imagination à celui de la vérité et de la liberté » en était le sujet initial, tel qu’il se laisse par ailleurs entrevoir à travers une première ébauche, publiée en 1794 dans la revue de Schiller Thalia[8]. Mais le projet n’en inclut pas moins une préoccupation politique énoncée dans une lettre à Hegel datée du 26 janvier 1795 (p. 341 : « l’idéal d’une éducation du peuple me préoccupe depuis longtemps ») doublée d’une option communautaire développée tout au long dans le fragment intitulé La Jeunesse d’Hypérion : « Voilà précisément ce qui me trouble, poursuivit Diotima, qu’il semble plus indiqué de vivre pour soi. Je porte dans mon âme une image de la sociabilité : grands dieux ! comme elle fait paraître plus beau d’être ensemble que d’être seuls. Si l’on ne tirait joie, pensais-je souvent, que des choses qui sont chères à tous les cœurs humains, si le sacré qui est en nous tous se transmettait par la parole, l’image et le chant, si tous les esprits communiaient en une seule vérité, se reconnaissaient en une seule beauté, ah ! si l’on courait ainsi main dans la main à la rencontre de l’infini ! – O Diotima ! m’écriai-je, si je savais où la trouver, cette communauté divine, aujourd’hui encore je prendrai le bourdon du pèlerin, je volerais à la rapidité de l’aigle me réfugier dans la patrie de notre cœur. » (p. 1148). De fait, le roman achevé décrit la trajectoire d’un individu qui ne se réfugie dans la solitude qu’au terme de la quête avortée d’un idéal communautaire dont le roman décrit les étapes comme celles de l’amitié virile, de l’amour et de l’action politique [9].

7L’histoire de l’ermite est d’abord celle d’une suite de rencontres décisives : aussi disposé qu’il paraisse à la vie solitaire, c’est au contact d’autrui que se forme et se développe le jeune homme. Chacune de ces rencontres porte un nom et correspond à une expérience singulière, dont la synthèse viendra garantir la cohérence de l’idéal poursuivi. Adamas (le premier homme) est le père substitutif, l’éducateur, l’éraste conçu sur le modèle socratique : « Sais-tu de quel amour furent unis Platon et son bien-aimé ? C’est un bonheur que les semblables s’unissent, mais qu’une âme grande en élève à elle de plus modestes est divin. » (p. 141). L’éducation du jeune homme est effusive, elle opère dans un climat de ferveur qui accorde toute sa place aux vibrations de la vie affective, tout en sublimant l’inégalité native de la relation en un harmonieux accord : « Et moi, n’étais-je pas la résonance de sa tranquille ferveur ? » (p. 142). Mais du fait même de son asymétrie, une telle relation porte en elle la nécessité de sa dissolution : une fois sa tâche accomplie, l’éducateur se doit de disparaître pour laisser germer la graine qu’il a semée. Les lettres d’Hypérion disent à la fois le désarroi momentané du disciple laissé à lui-même (p. 145 : « je n’ai pas de force en moi qui puisse affronter pareille séparation ») et l’élargissement de son champ de vision résulté de l’éducation accomplie. C’est alors le temps des voyages et de la découverte du monde, le temps de la vie en société, dans la grand-ville. Or cette dernière expérience est vécue et décrite selon le paradigme rousseauiste de la culture comme facteur de dissolution du lien communautaire : « Il me semblait, au milieu de ces gens cultivés, que la nature humaine se fut dissoute » (p. 150). Aussi la prochaine rencontre décisive ne peut-elle avoir lieu qu’en dehors du territoire urbain, au contact retrouvé avec la nature. La communauté amicale débute là où se refuse la fausse communauté des hommes « délabrés et dégradés », avilis par une « urbanité » factice et dont les « visages avenants » ne sont que « hiéroglyphes » trompeurs.

8La rencontre du héros avec Alabanda met en présence deux êtres en rupture de ban : « Lui, jeté hors de son foyer au milieu d’étrangers […] ; moi, déjà si profondément disjoint de toutes choses, si totalement étranger et solitaire parmi les hommes [10] ». D’une double déréliction à l’union fusionnelle des nouveaux « Dioscures », la métaphore filée chargée d’exprimer la relation amicale puise dans le champ sémantique de la nature pour ouvrir son destin aux plus larges horizons : « Nous confluâmes comme deux torrents de montagne, qui dans un saisissement égal, unis en un fleuve majestueux, commencent leur course vers la mer. » Quelle est cette mer vers laquelle convergent ces êtres sublimes ? Le texte ne laisse pas longtemps la question en suspens : « Oui ! par ton âme superbe, ami ! tu sauveras avec moi la patrie ». Avec Alabanda, le destin d’Hypérion s’inscrit dans l’ordre politique ; mais une politique eschatologique, indexée sur l’advenue de « la nouvelle Église » qui doit surgir des « formes désuètes et souillées » du temps présent. Quant au contenu d’une telle politique, il commence par se définir négativement, tout comme dans le Plus ancien projet, où se lisait déjà une critique de l’État comme forme inappropriée de la communauté humaine : « L’État dont l’homme a voulu faire son ciel s’est toujours changé en enfer ». Or Alabanda est précisément l’homme de cette politique qui fait la part trop belle à l’État : « tu concèdes à l’État trop de pouvoir », lui objecte le héros, qui découvre avec effroi que l’ami qu’il croyait exclusif fait partie d’une ligue de conspirateurs nihilistes, s’il est permis d’user d’un tel anachronisme (« nous sommes là pour nettoyer la terre »). La réaction d’Hypérion au surgissement de ces êtres de l’ombre est aussi prompte que salutaire : « ce sont des imposteurs ». De toute évidence, Hölderlin a voulu représenter dans cette association d’« étranges personnages, maigres et pâles, calmes avec je ne sais quoi dans l’aspect d’effrayant », la fraction terroriste des révolutionnaires français, celle qui, en mettant la Vertu révolutionnaire à l’ordre du jour, « prétend faire de l’État l’école des mœurs ». Toujours est-il que la découverte de ce Bund maléfique met un terme brutal à la communauté amicale, Hypérion exprimant son refus d’entrer dans la conjuration en des termes d’une résonance étonnamment moderne : « Mieux vaut bâtir sa maison dans l’innocence que régner avec les maîtres du monde, hurler avec les loups, gouverner les nations et se salir les mains à cette matière impure ». C’est dire assez clairement qu’une politique visant à une communauté authentique ne saurait emprunter une voie étrangère à la fin qu’elle se propose.

9La troisième rencontre décisive est celle de Diotima, personnage par le biais duquel le héros découvre la sphère de l’amour stricto sensu. Mais cet amour est aussitôt saisi et représenté selon des modalités atypiques qui, loin de le confiner à la sphère privée, ouvrent derechef sur un nouvel horizon politique ; si bien que la rencontre avec Diotima ne vient pas annuler, mais seulement corriger le tropisme communautaire du héros. C’est en effet au personnage féminin que le romancier confie le soin d’expliciter l’horizon eschatologique du sentiment amoureux : « Un temps meilleur, un monde plus beau, voilà ce que tu cherches » (p 190). Et c’est cette même Diotima, dont on se souvient que le Banquet faisait la dépositaire du vrai savoir sur Eros, qui ne cessera de rappeler à son amant la vocation transcendante de l’amour ; c’est elle qui l’incitera à faire de son sentiment le tremplin de l’action politique : « T’imagines-tu vraiment au but ? Veux-tu t’enfermer dans le ciel de ton amour et laisser le monde, qui a besoin de toi, se dessécher et se glacer à tes pieds ? » (p. 209). Pour l’amant de Suzette Gontard, la lutte pour la constitution d’une véritable communauté humaine ne trouve pas dans la femme un obstacle, mais bien plutôt son meilleur allié. Cependant, cette même quête fait bientôt l’objet d’un débat interne au couple, où s’énonce l’enjeu central du roman.

10La première voie est la voie classique de la guerre de libération nationale ; c’est Alabanda qui s’en fait le promoteur, et c’est à cette tendance que succombe le héros, en arguant que « la sainte théocratie du Beau doit s’établir dans un État libre ». À quoi Diotima oppose un argument dirimant : « Tu conquerras, et tu oublieras pourquoi tu as conquis. Tu obtiendras par la force un État libre, et tu te demanderas en vue de quoi tu l’as édifié » (p. 215). Si la démonstration tourne court, le propos n’en est que plus concluant : Hypérion parvient certes à libérer Mistra occupée par les Turcs ; mais sitôt la ville prise, elle est mise à sac par une troupe indisciplinée et prompte à la rapine : « L’étrange projet d’employer une bande de brigands à la fondation de mon Élysée ! » se lamente tardivement (p. 234) celui qui s’est imprudemment rallié au point de vue étriqué des révolutionnaires professionnels, oublieux du programme à lui tracé par son amante : voyager et s’instruire, en vue de se faire « l’éducateur de [son] peuple » (p. 210).

11Rien de moins gratuit, on le pressent, que de tels ingrédients romanesques : en illustrant de la sorte deux options politico-idéologiques concurrentes, Hölderlin ne fait que transposer au plan de la fiction un débat qui traverse l’intelligentsia allemande confrontée à la Révolution française. Lui-même disciple de Schiller et auditeur du cours professé par Fichte à Iéna, Hölderlin est assurément bien placé pour exposer le dilemme à ses lecteurs. Entre l’option étatiste-révolutionnaire incarnée par Alabanda et le préalable d’une éducation esthétique souhaitée par Diotima, il choisit à l’évidence la seconde [11]. C’est que le véritable enjeu de ce roman est métapolitique : au-delà de la question particulière de la libération de la Grèce du joug ottoman (qui transpose de façon complexe et décalée celle de la liberté allemande face à la Grande nation révolutionnaire), c’est bien la question plus essentielle de la juste configuration de la communauté politique qui se trouve ainsi posée. Pour Schiller et son disciple, cette question a reçu en France une réponse de nature à tempérer l’enthousiasme communément ressenti à l’annonce des premiers événements révolutionnaires. La vertu républicaine imposée par la Terreur, puis la substitution par le Directoire de la doctrine des frontières naturelles à celle de la guerre révolutionnaire promue par les Girondins ont fini par désabuser les sympathisants allemands de la Révolution. Dans les toutes dernières années du 18e siècle et jusqu’à la paix de Lunéville célébrée dans l’hymne Fête de la Paix, c’est le programme schillérien qui paraît s’imposer en Allemagne. Il en résulte que la communauté nationale à laquelle aspirent les Allemands doit être définie au plan culturel, en termes d’éducation de la raison et de la sensibilité, plutôt que de façon immédiatement politique, à la manière française. Le roman d’Hypérion enregistre cette évolution en lui fournissant sa première expression littéraire.

12Mais cette expression est plus désabusée qu’euphorique. La tonalité générale de l’œuvre est funèbre, c’est à une élégie que nous avons affaire, qui chante douloureusement l’échec d’un beau projet (en dernière analyse, l’échec de la Révolution, des deux côtés du Rhin). Au plan de la fiction, toutes les communautés particulières un instant envisagées sont entraînées dans la ruine générale. La communauté familiale d’abord, le héros se voyant renié par son père et « chassé sans recours de la maison de [sa] jeunesse » (p. 236) ; la communauté amicale ensuite, puisqu’après avoir sauvé son ami, Alabanda se résigne à le quitter pour s’aller livrer en victime expiatoire à la redoutable « Ligue de Némésis » ; la communauté amoureuse enfin, car le héros demande lui-même à Diotima de renoncer à celui qui a failli dans sa mission (« devrais-je recevoir ton amour en aumône ? ») et que l’héroïne se meurt de consomption à l’annonce du désastre. C’est d’ailleurs à elle comme à la plus sûre incarnation des valeurs communautaires que revient d’énoncer le commun motif de ces renoncements individuels : « quiconque a l’âme tout entière meurtrie ne peut plus trouver le repos dans les joies particulières » (p. 245). À parcourir ce sombre tableau, on se méprendrait pourtant à penser qu’il sonne le glas de toute communauté possible. Subsistent en effet tant un espoir qu’une réalité irréfragable. L’espoir est tout à la fois personnel et politique, dans l’un et l’autre cas fondé en raison. Du fait même qu’il a connu son épiphanie (« le bien suprême était là, dans le cercle des choses et de la nature humaine »), l’amour peut renaître et rencontrer un nouvel objet digne de celui irrémédiablement perdu : « il fut dans le monde, il y peut revenir, il n’y est maintenant qu’un peu plus caché » (p. 177 [12]). Quant à la vie politique, elle relève elle-même de la palingénésie naturelle : Hypérion a beau se représenter comme « un étranger sur la terre », seulement à la recherche d’un « asile », il n’est pas exclu que les circonstances historiques lui permettent quelque jour, « dans les nouveaux temples, dans les nouvelles assemblées de [son] peuple, d’effacer par de grandes joies [son] grand chagrin » (p. 265). Restreinte ou générale, érotique ou politique, la communauté s’inscrit en permanence dans l’horizon du possible. Mais elle est aussi réellement présente, à tout moment, comme le grand Tout de la nature où chacun peut trouver refuge, fut-ce dans la mort. C’est là le motto de Diotima, dans sa dernière lettre à Hypérion : « Je me suis élevée au-dessus de ces fragments à quoi se réduit toute œuvre humaine, j’ai senti la vie de la nature […]. Comment sortirais-je de l’alliance qui unit toutes les créatures ? Nous ne nous séparons que pour être plus intensément unis, plus divinement accordés à toute chose et à nous-mêmes » (p. 262). C’est aussi la conclusion panthéiste de l’œuvre, placée dans la bouche du héros éponyme : « Tout n’est qu’une seule vie, brûlante, éternelle ».

13Entre le roman et la tragédie, Hölderlin a produit une idylle versifiée intitulée Les Fiançailles d’Émilie. Quoiqu’il s’agisse d’une œuvre mineure, fruit d’une commande éditoriale, la thématique n’en est pas étrangère à notre propos. L’intrigue met en scène un jeune Allemand (Edouard) qui s’expatrie pour s’engager aux côtés de Pascal Paoli dans la lutte pour l’indépendance de la Corse. L’arrière-plan politique est donc similaire à celui du roman, tandis qu’un même tropisme géographique (insulaire et méditerranéen) relie les trois œuvres en question. L’essentiel réside pourtant dans le choix de la Corse comme lieu non fortuit de l’intrigue. Comme l’a bien remarqué l’un des critiques récents ayant le mieux contribué à la réinsertion du poète allemand dans le paysage idéologique de la fin du 18e siècle, « le réseau symbolique Corse-Rousseau- Napoléon doit être conçu comme la dominante structurelle de l’œuvre [13] ». Sans entrer dans le détail de l’appréciation hölderlinienne des agissements du général de la République et du premier Consul, je me contenterai de rappeler que Rousseau a laissé un Projet de constitution pour la Corse dont l’enjeu central réside dans l’exploration des conditions de possibilité d’une république insulaire conçue comme une communauté de citoyens égaux en droits et en fait. S’il est fort improbable que Hölderlin ait pu prendre connaissance d’un texte resté à l’état d’ébauche, il n’est guère douteux qu’il en ait connu l’existence : l’implication de l’auteur du Contrat social dans les affaires corses était de notoriété publique, et participait de la légende rousseauiste ayant pris corps dans toute l’Europe éclairée. À travers la question de la liberté du peuple corse, qui sert de toile de fond à l’idylle, c’est derechef la problématique de la communauté qui se trouve posée à son niveau le plus élevé, celui de la communauté nationale dans l’empan fixé par Rousseau comme seul susceptible d’une véritable constitution démocratique.

14Si le roman et l’idylle sont des genres principalement dévolus à l’expérience individuelle, la tragédie est depuis sa naissance le genre le mieux apte à représenter des conflits engageant une communauté entière. Tel est bien le cas de La Mort d’Empédocle, dont le héros éponyme ne prend sens et relief que par le conflit qui l’oppose à la collectivité des citoyens d’Agrigente. Dès l’abord, la tragédie hölderlinienne en réfère aux deux pôles de l’expérience du poète : la Nature impliquée dans la catastrophe et la question politique qui fait le nœud de la pièce. Tel qu’il l’a conçu, le personnage d’Empédocle tient en effet les deux bouts de la chaîne : il est à la fois le citoyen éminent dont ne peuvent se passer ses compatriotes, et le philosophe hautain et distant qui n’a pour interlocuteur que la nature et les dieux. Entre les deux sphères a priori si distinctes de la politique humaine et d’une nature divinisée, Hölderlin a pourtant jeté un pont, ou plutôt construit une homologie sans la perception de laquelle il ne paraît guère possible de conférer un sens unitaire à cette œuvre hors norme. Cette homologie est parfaitement exprimée dans le texte théorique connu sous le nom de Fondement d’Empédocle : le héros, y est-il précisé, « vit dans ce rapport de dépendance, dans cette intimité avec les éléments qui constitue le ton fondamental de son caractère. Mais son lien intime avec la vie des éléments est aussi celui qui l’unit avec son peuple » (p. 666). Pour autant que la tragédie continue d’être conçue sur le mode aristotélicien, comme la représentation d’une crise à son acmé, la crise tragique procède en l’occurrence d’une double exclusion dont le héros s’avère simultanément la victime : il se voit tout à la fois exclu de cette intimité avec la nature « qui constitue le ton fondamental de son caractère », et banni de la communauté des Agrigentins. De ces deux exclusions, la seconde se laisse analyser selon les critères classiques propres au genre tragique ; l’autre est d’un abord plus difficile, car indexée sur une représentation du monde qui appartient en propre à son auteur.

15Le choix du héros tragique ne saurait être fortuit : Empédocle est connu selon la tradition pour ce philosophe ayant opéré la synthèse des quatre éléments légués par la tradition ionienne dans un grand poème malheureusement perdu dont l’ambition résonne dans le titre, De la nature de l’univers. À son protagoniste, Hölderlin donne significativement pour interlocutrice féminine le personnage fictif de Panthéa. En nombre de ses vers, souvent admirables, la tragédie hölderlinienne est une célébration mystique de la nature dont le héros est un « familier », un « ami », celui qui dès sa naissance n’a cessé de percevoir « l’unisson de la grande nature », dont il est par suite devenu le « préféré », le « prêtre [14] ». Favori de la nature, Empédocle est aussi celui qui « aura été très aimé des dieux » (A, I, 3), celui qui aura vécu nativement dans leur proximité : « mon oreille n’avait pas encore perçu la langue de mes ancêtres que dans mon premier souffle et mon premier regard je la percevais déjà, leur voix » (A, II, 4). Sur ce versant panthéiste de l’œuvre, la crise résulte de la perte de cette double proximité, perte sur le motif de laquelle les différentes versions de la pièce entretiennent un certain flottement mais que l’helléniste passionné que fut Hölderlin n’a pu manquer d’interpréter comme le châtiment de la faute tragique par excellence, de la « démesure d’esprit », de l’hubris. Si les dieux se sont retirés, c’est que leur place a été usurpée par celui-là même qui en était le desservant, « à l’heure mauvaise où lui-même s’est fait dieu » (A, I, 2). Cela posé, la signification mystique du dénouement se comprend de soi : en se jetant dans le cratère du volcan, c’est au grand Tout qu’Empédocle aspire à se fondre, dans un geste sacrificiel annulant l’exclusion dont il s’est lui-même rendu coupable en s’égalant imprudemment aux dieux. Selon les principes philosophiques propres à cet idéalisme allemand auquel Hölderlin a contribué de si décisive façon, le sacrifice individuel est réconciliation, réintégration à ce qui fait depuis toujours le socle commun de l’humanité, la nature et les dieux.

16Le second versant de la crise est celui du bannissement politique, dont la raison consonne avec la précédente ; et c’est au prêtre Hermocrate qu’il appartient de convertir en ostracisme ce retrait du divin dont le héros éprouve le ressentiment intime, au motif que « cet homme s’est dit un dieu en présence de tout le peuple » (A, I, 4). L’ostracisme qui frappe le philosophe présomptueux paraît alors la réplique haineuse d’un bannissement plus fondamental, celui qui l’exclut par sa propre faute de la nature matricielle :

17

Malheur ! ainsi rejeté, ô dieux ? et ce prêtre
A-t-il sans âme et sans vocation imité
Ce que vous, célestes, m’infligez ? vous m’avez
Laissé solitaire, moi qui vous ai outragés, cléments !
Et lui de ma patrie m’expulse, et de la plèbe
La bouche, en écho mesquin, me renvoie
La malédiction que j’ai prononcée moi-même ?
(A, I, 8)

18Le prêtre impie est ici dénoncé comme le véritable responsable du bannissement politique ; c’est lui qui, conformément à une tradition bien établie et une agonistique rodée de longue date, manipule un peuple versatile en obtenant l’éviction de « l’homme sacré » (A, I, 4) dont l’aura menace son prestigieux statut d’intermédiaire entre les dieux et les hommes. C’est lui qui dévoie la communauté agrigentine en obtenant l’expulsion de celui-là seul qui pouvait lui donner consistance. C’est pourquoi le second aspect de la crise reçoit une résolution parallèle à la première. Avant de retourner à la Nature en se précipitant dans le cratère de l’Etna, Empédocle se voit réintégré à la communauté des citoyens par cette même versatilité plébéienne qui l’en avait précédemment exclu. Pénétrés de leur injustice et rendus lucides sur les agissements d’Hermocrate, les Agrigentins entreprennent en effet de rappeler leur grand homme pour lui offrir le trône. Et c’est alors qu’éclate sans ambiguïté la signification politique de la pièce. À l’invite pressante qui lui est faite d’accéder au pouvoir royal, Empédocle oppose un refus catégorique dont la formulation lapidaire ne le rend que plus frappant : « Voici que le temps des rois est passé » (A, II, 4). « Incompréhensible est la parole que tu as dite, Empédocle » ; il va donc falloir l’expliciter : « soyez honteux, vous, de vouloir encore un roi […] il n’est aide qui tienne, si l’aide ne vient de vous ». On l’aura compris, le refus d’accéder au trône n’est pas une dérobade, mais une posture républicaine fermement assumée, comme en témoigne le « conseil » donné au peuple en guise de testament politique : « Tendez-vous la main, donnez-vous votre parole et partagez votre bien ». Le propos n’est pas seulement républicain, mais proprement communiste, selon l’acception du terme alors en vigueur [15].

19Prenons enfin garde au fait qu’Empédocle ne va pas s’immoler parce que rejeté par son peuple, mais bien après avoir réintégré la communauté civile et s’être vu proposer en son sein la place la plus éminente. Le suicide d’Empédocle n’enregistre donc pas l’échec d’un tropisme communautaire attesté à plusieurs reprises [16], mais indique inversement l’assomption de la communauté à son plus haut niveau, celui où il importe que son guide s’efface pour lui permettre d’exercer sa souveraineté en toute indépendance. Conformément à la leçon rousseauiste énoncée dans le célèbre chapitre du Contrat social qui doit servir ici d’intertexte (II, 7 – Du Législateur : « Cet emploi, qui constitue la république, n’entre point dans sa constitution »), Empédocle choisit de quitter son peuple après lui avoir donné sa loi, la loi de sa souveraine liberté (« votre héritage, votre acquis, histoires, leçons de la bouche de vos pères, lois et coutumes, nom des dieux anciens, oubliez-les hardiment »). Au rigoureux dispositif politique imaginé par Rousseau, Hölderlin ajoute seulement cette admonestation de son crû, qui lie une dernière fois dans la plus haute poésie le parti pris pour la communauté humaine et l’aspiration à la communion panthéiste : « Il doit s’en aller à temps, celui par qui l’esprit a parlé, afin que le divin ne tourne pas à quelque œuvre d’homme. Laissez-le mourir, s’immoler aux Dieux par amour. Telle est ma part » (A, II, 4).

20L’image qu’une postérité paresseuse a retenu de Hölderlin est celle d’un poète solitaire incapable d’affronter les aléas de la vie, tombé précocement dans la folie et reclus pendant un tiers de siècle dans une tour emblématique de son isolement tant physique que spirituel. Dans la superbe biographie, empathique mais informées consacrée à son héros, Pierre Bertaud a fait justice de cette image d’Épinal en mettant en pleine lumière l’ancrage du poète dans son époque, l’importance de ses relations amicales, sa proximité avec les intellectuels les plus prestigieux de son temps, ses affinités avec les partisans de la Révolution française, les causes enfin de sa réclusion définitive [17] – tous éléments qui entrent en résonance avec le propos adornien selon lequel, « chez l’auteur d’Empédocle, c’est le principium individuationis qui est essentiellement négatif, qui est souffrance [18] ». On espère avoir montré, dans ce modeste article, que l’avers de cette caractérisation pertinente du pathos hölderlinien consiste dans le tropisme communautaire qui n’a cessé d’informer la vie et l’œuvre d’un poète dont une critique tendancieuse est parvenue à reléguer à l’arrière-plan la production romanesque et dramatique, nullement inférieure et en tout état de cause moins ésotérique et de ce fait moins manipulable que l’œuvre proprement poétique. Comme il appert en bien des cas, le génie de Hölderlin fut de parvenir à relier ses tendances subjectives les plus profondes au mouvement de la grande Histoire, en l’occurrence, à donner à son rejet instinctif du principium individuationis une expression littéraire adéquate à cette quête passionnée d’une forme enfin satisfaisante de l’humaine communauté qui reste la marque de l’époque révolutionnaire, de toutes les époques révolutionnaires.

21Voyez Fraternité, Mœurs (état de), Sensibilité, Solitaires, Utopie (des femmes).

Notes

  • [1]
    Martin Heidegger, « Hölderlin et l’essence de la poésie », texte recueilli dans Approche de Hölderlin, Tel Gallimard, 1973, p. 55.
  • [2]
    Lettre de Hölderlin à son frère, datée du 14 mars 1798. Toutes les citations hölderliniennes proviennent de l’édition procurée à la Bibliothèque de la Pléiade par son maître d’œuvre, Ph. Jacottet (en l’occurrence, p. 436).
  • [3]
    p. 90 – relevons derechef l’intuition qui présida au florilège des poèmes de jeunesse dans notre édition de référence : au poème « Les Miens » (adressé au frère), succède celui débutant par le vers « Amis ! amis qui si fidèlement m’aimez ! ».
  • [4]
    Jacques d’Hondt, Hegel secret, PUF, 1968 (la section consacrée au terme de Bund se lit entre les pages 236 et 247). Elle est suivie d’une section non moins révélatrice dévolue au terme comme à la pratique du serment.
  • [5]
    Ibid., p. 244-245.
  • [6]
    Le Plus ancien système… se lit aux pages 1157-1158 de notre édition de référence. La formule s’inscrit dans la droite ligne des Lettres sur l’éducation esthétique de l’homme, auxquelles Hölderlin avait songé à donner un prolongement (Lettre à I. Niethammer, du 24 février 1796, p. 380 de notre édition de référence).
  • [7]
    Sur l’importance de Rousseau pour la pensée hölderlinienne, je renvoie à l’ouvrage de Jürgen Link, Hölderlin-Rousseau, retour inventif, Presses universitaire de Vincennes, 1995.
  • [8]
    Lettre à Neuffer, du 10 octobre 1794 (p. 323-324).
  • [9]
    Sur l’oscillation entre solitude et communauté, je me permets de renvoyer à mon article « Désir de solitude et tentation politique chez Rousseau et Hölderlin », Solitudes, écriture et représentation, Grenoble, ELLUG, 1995.
  • [10]
    La liaison avec Alabanda fait l’objet d’une lettre unique, p. 151 à 165.
  • [11]
    La critique allemande s’est depuis longtemps avisée de l’ancrage historique de ce débat d’apparence abstraite : « Schiller voyait dans la diffusion de la culture la condition du progrès politique ; Fichte et les jeunes gens de Iéna et Tübingen poussaient à un changement de l’état des choses. C’est sur cette opposition que repose la crise décrite dans le roman. » Ludwig Strauss, « Das problem der Gemeinschaft in Hölderlins Hyperion » (1933), repris dans Schriften zur Dichtung, Gesammelte Werke, Band 2, Göttingen, Wallsteinverlag, 1998, p. 234 (traduction personnelle).
  • [12]
    Sur la thématique amoureuse dans Hypérion, je me permets de renvoyer aux pages afférentes de mon livre sur Le Contrat et la séduction, Champion, 1998, p. 409 à 415.
  • [13]
    Jürgen Link, op. cit., p. 153.
  • [14]
    Je cite le texte dans la traduction proposée par Robert Rovini dans l’édition de référence. La lettre renvoie aux trois versions de l’œuvre, le chiffre romain à l’acte et le chiffre arabe à la scène. En l’occurrence : A, I, 4.
  • [15]
    Cf. par exemple son utilisation strictement contemporaine par Rétif de la Bretonne, notamment dans la « Politique de M. Nicolas ». Je me permets de renvoyer sur ce point à mon ouvrage à paraître sur Rétif de la Bretonne : individu et communauté, Dejonquières, 2009.
  • [16]
    Empédocle « vécut parmi nous, sublime et ami » : la copule unis l’axe vertical de l’extase à l’axe horizontal de la communauté civique. Dans la présentation initiale du personnage, confiée à Panthia, il est à la fois « l’éternel étranger » et celui « qui sort se mêler au peuple, aux jours où la foule en clameurs s’emporte et que d’un dominateur elle a besoin dans son tumulte irrésolu » (A, I, 1).
  • [17]
    Pierre Bertaud, Hölderlin ou le temps d’un poète, Gallimard, 1983.
  • [18]
    Theodor Wilhelm Adorno, « Parataxe », article repris dans le recueil des Notes sur la littérature (Champs-Flammarion, 1984, p. 326 pour la citation ci-dessus).
Pierre Hartmann
Université de Strasbourg
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/09/2009
https://doi.org/10.3917/dhs.041.0042
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour Société Française d'Étude du Dix-Huitième Siècle © Société Française d'Étude du Dix-Huitième Siècle. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
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