CAIRN.INFO : Matières à réflexion
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David, Étude de nu pour Le Serment du jeu de paume, mine de plomb, 0,280 m x 0,208 m, Bayonne, musée Bonnat.

1La problématique « communauté et individuation » pose de nombreuses questions méthodologiques. Faut-il mettre l’accent sur l’acte fondateur qui transforme les individus en une communauté ? Faut-il examiner le rapport entre l’individu et le groupe social auquel il est intégré, ou encore, observer la façon dont l’individu conserve sa spécificité au sein de la communauté ? Dans le cas particulier de mon terrain de recherche, l’université de Göttingen dans l’Électorat du Hanovre (Allemagne) au 18e siècle, on a affaire à une communauté déjà constituée et institutionnalisée. Une université, en effet, était d’abord un corps au sens juridique du terme : ses membres étaient liés par le fait qu’ils étaient soumis à une juridiction autonome, distincte de celle de la ville qui abritait l’université. Les questions qui seront examinées dans cet article sont dès lors les suivantes : au-delà de l’inscription administrative et de l’appartenance à une corporation, comment les membres de l’université apparaissaient-ils comme formant une communauté ? Par quels gestes et dans quels moments cette communauté s’actualisait-elle et se posait-elle face aux autres communautés ? Quels signes la caractérisaient ? Selon quelles logiques se développait-elle ?

2À l’intérieur de l’ensemble « communauté universitaire de Göttingen », ce sont en réalité deux communautés qui ont pu être identifiées grâce à l’analyse des discours produits dans le cadre universitaire ainsi que des pratiques sociales et savantes des membres de l’institution : premièrement, une communauté composée d’étudiants nobles qui a valu à l’institution au 18e siècle le surnom d’« université de la noblesse » (« Adelsuniversität[1] ») et, deuxièmement, une communauté scientifique dotée d’un profil spécifique. Du point de vue méthodologique, il ne s’est donc pas agi de retracer la naissance et l’affirmation d’une communauté qui se revendiquerait comme telle, mais de repérer, à l’intérieur d’une communauté donnée, des « sous-communautés » moins formalisées. Ces deux communautés ont eu pour fonction de donner une étiquette à l’institution. Faire corps socialement et faire corps scientifiquement ont fait partie des stratégies déployées par les fondateurs de l’université pour assigner à l’université de Göttingen une identité qui la démarquerait de ses nombreuses rivales dans l’Empire. Car tel était bien en définitive l’enjeu de leurs efforts : la distinction.

3Cet enjeu n’était pas propre à l’université de Göttingen, mais caractérisait, de manière plus générale, l’ensemble du Saint Empire Romain Germanique. Celui-ci était composé d’une multitude de territoires qui rivalisaient pour se distinguer les uns des autres [2]. Les questions de l’identité et de la spécificité y jouaient par conséquent un rôle crucial. La présence d’une université dans un État territorial faisait partie des critères de différenciation, à deux titres : premièrement, les universités contribuaient au renforcement de l’autonomie territoriale et confessionnelle des États. En dehors de la formation de l’élite locale, en effet, elles avaient pour fonction de défendre la confession du prince territorial [3]. Ensuite, les universités participaient à la lutte politique qui se déployait à l’échelle impériale : fondées avec un privilège impérial, elles délivraient des diplômes qui étaient reconnus dans tout l’Empire. Pour résumer, la présence d’une université participait à la puissance d’un État.

4Les administrateurs de l’Électorat du Hanovre en étaient conscients, qui avaient suggéré de fonder une université à Göttingen peu après que l’importance du territoire eut été rehaussée, grâce à l’accession de l’Électeur – Georg Ludwig – au trône d’Angleterre (1714). Le Hanovre en était sorti renforcé sur les plans économique et politique, et avait ainsi bénéficié d’une nouvelle dimension européenne. C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre la création de l’université Georgia Augusta à Göttingen : fonder une université à Göttingen était d’abord l’occasion d’affirmer la puissance du Hanovre face à celle de la Prusse, qui possédait alors la meilleure université, celle de Halle ; derrière la fondation d’une université, en effet, l’enjeu pour Georges II (r. 1727-1760) était de manifester symboliquement sa supériorité sur le roi de Prusse. Sur le plan territorial, ensuite, la présence d’une université constituait le moyen de donner aux étudiants la formation la mieux adaptée aux besoins de l’administration du Hanovre, surtout en matière juridique. Depuis le départ de la cour de Hanovre en Angleterre, l’administration du territoire revenait aux mains des fonctionnaires du Hanovre. Pour investir les fonctions étatiques les plus hautes, l’élite, au sens social du terme, avait besoin d’acquérir des compétences juridiques en se formant à l’université.

5Mais une université était une institution coûteuse et qui pouvait se révéler plus préjudiciable que profitable à un État. Les fondateurs de l’université le savaient. Pour éviter que la mise en place de la nouvelle institution ne se solde par un échec, ils avaient décidé dès le début de modeler l’université en fonction d’un public d’étudiants issus de milieux sociaux élevés, afin de garantir sur le plan économique la survie de l’établissement : la forte présence d’étudiants venant de familles riches constituerait une source de revenus stables pour l’université [4]. Ce raisonnement se traduisait par un ensemble de mesures destinées à séduire cette jeunesse. La réputation de l’université faisait également partie de ce dispositif. Elle se construisait sur l’image d’une communauté scientifique performante, unie et harmonieuse. De fait, Göttingen privilégia l’homogénéité de la communauté pour asseoir l’autorité intellectuelle de l’université plutôt qu’elle ne fit reposer la renommée de l’institution sur l’originalité (l’« individualité ») des savants qui y étaient rassemblés. En optant pour cette stratégie, Göttingen rompait avec le mode de fonctionnement académique traditionnel. Ce fut l’une des clés de sa réussite.

6« Le plus grand avantage de notre Georgia Augusta réside jusqu’à présent dans le fait qu’elle a accueilli parmi ses visiteurs beaucoup de citoyens savants qui sont de haute naissance, ou qui sont issus de la noblesse ou de milieux aisés, ou qui ont reçu une bonne éducation, de même que les étrangers de tous les États et Empires européens, ainsi que les Allemands de tous les cercles et territoires [5] ». Cette citation issue de l’Essai d’une histoire académique des savants de l’université de Göttingen du grand juriste Johann Stephan Pütter suggère que la jeunesse noble et aisée avait élu l’université de Göttingen comme son domicile, au milieu des 32 universités concurrentes. Ce mouvement qui guidait cette jeunesse privilégiée vers Göttingen n’avait rien de naturel. Il n’était que le miroir de la politique développée par les fondateurs de l’université pour attirer une jeunesse distinguée à Göttingen, et créer par ce biais une communauté étudiante d’aristocrates.

7Trois mesures ont joué à cet égard un rôle central : premièrement, la création d’une Académie équestre, parce que la présence d’un tel établissement constituait un facteur déterminant pour la noblesse qui se devait d’acquérir une formation dans les arts de la cour ; certains étudiants d’ailleurs ne s’inscrivirent à Göttingen que pour bénéficier de l’enseignement dispensé par l’Académie équestre [6]. La deuxième disposition touchait à la hiérarchie des facultés : contrairement à la tradition, ce fut la faculté de droit qui fut privilégiée à Göttingen aux dépens de la faculté de théologie [7]. Cette dernière, en effet, était réputée pour attirer des étudiants pauvres, contrairement à la faculté de droit fréquentée par des étudiants qui se destinaient à remplir de hautes fonctions étatiques et diplomatiques, soit des « gens riches et de qualité [8] ». C’est pour des raisons analogues que la faculté de philosophie à Göttingen (qui couvrait l’enseignement de la métaphysique, de l’histoire, des mathématiques, de la physique, de la diplomatique, etc.) fut mise en avant, alors qu’elle était généralement réduite dans les autres universités au rôle de propédeutique. La faculté de philosophie, de fait, attirait une jeunesse qui cherchait à acquérir une culture générale et qui ne fréquentait pas l’université à des fins « professionnalisantes [9] ». La troisième mesure avait trait cette fois à l’aspect confessionnel : en 1746, George II avait autorisé par un rescrit l’exercice privé de la religion romaine pour « les personnes de condition venues étudier dans la ville [10] », puis un an plus tard, pour les personnes de confession catholique sans distinction de classe [11]. Cette décision était essentielle, car la moitié de la noblesse était de confession catholique et que les nobles les plus riches se recrutaient parmi l’aristocratie catholique.

8De fait, les stratégies des fondateurs de l’université furent couronnées de succès : c’est à l’université de Göttingen que séjourna la plus grande population d’étudiants issus de la noblesse et de familles princières. Le pourcentage d’étudiants nobles tournait autour de 13 % entre 1737 et 1797 (avec des pointes autour de 15 % [12]), pour un nombre d’étudiants compris en moyenne chaque année autour de 600 et 1 000. Ce taux est très élevé par rapport à la population globale de l’Empire déjà, et surtout, en comparaison avec la population des autres universités. Ainsi à Leipzig, le pourcentage moyen d’étudiants nobles au cours du 18e siècle atteignait 7 %, de même qu’à Heidelberg. À Halle, au moment de la fondation de l’université, il s’élevait à 11 %, puis se stabilisa autour de 4 % à partir de 1740 [13].

9Que venait chercher ce public à Göttingen ? Dans la seconde moitié du 18e siècle, le passage par l’université avait progressivement acquis pour la noblesse le statut de critère de distinction. Pour la nouvelle noblesse, il s’agissait d’une nécessité pour compenser sa naissance [14]. Avoir étudié à l’université et avoir des diplômes académiques permettait d’obtenir les postes politiques honorifiques les plus élevés [15]. De fait, tous les administrateurs qui reçurent une haute charge dans le Hanovre avaient séjourné à Göttingen et, plus encore, avaient été formés auprès du spécialiste du droit d’Empire, Johann Stephan Pütter [16]. Plus largement, une partie importante de l’élite de l’État à l’échelle impériale avait séjourné à Göttingen. Il suffit de lire quelques lignes de l’Autobiographie de Pütter pour s’en convaincre : « Le nombre de nos concitoyens savants [qui étaient comtes] qui fréquentait l’université augmenta et ainsi, le nombre de mes auditeurs : 1) En octobre 1783, Joseph Carl Breuner de Vienne (dont le père était ambassadeur à Turin) qui devint lui-même ambassadeur de sa cour à Copenhague ; 2) Ludwig Friedrich comte de Rielmannsegge (maintenant conseiller de guerre à Hanovre), etc. [17] ».

10L’Essai d’une histoire académique des savants de l’université de Göttingen de Pütter et son Autobiographie regorgent de listes retraçant le parcours glorieux des étudiants nobles passés par Göttingen. Usant du même principe, Pütter suggérait que le passage par Göttingen avait permis à ce public d’atteindre un rang supérieur dans la hiérarchie de la noblesse : « Le répertoire des comtes qui ont étudié ici depuis 1765 n’a pas seulement considérablement augmenté [suit une liste chronologique], mais parmi eux on en trouve beaucoup qui depuis ce temps ont atteint le statut princier, ou qui ont étudié ici alors qu’ils étaient déjà princes mais en s’inscrivant sous leur nom de comtes [suit la liste] ; de même que la liste des comtes augmente considérablement, si l’on prend en compte les noms de ceux qui se sont inscrits ici comme nobles et qui ont acquis ensuite le statut de comte [suit la liste] [18] ». Par ces exemples, il soulignait que ce n’était pas n’importe quelle noblesse qui fréquentait l’université. C’était un engrenage : plus le nombre de nobles à fréquenter l’université augmentait, plus Göttingen devenait un pôle d’attraction pour la noblesse. Le séjour à Göttingen constituait désormais pour elle une étape obligée. Si l’on inverse l’argumentation, l’on comprend que le passage par Göttingen, et particulièrement par les cours de Pütter, était devenu un marqueur de la communauté noble de l’Allemagne toute entière : l’université de Göttingen comptait parmi les lieux d’ancrage de l’identité nobiliaire, à une échelle supra-territoriale.

11Mais comment cette appartenance à la noblesse se manifestait-elle à Göttingen ? Quels en étaient les signes tangibles ? Du point de vue administratif déjà, dès leur entrée les étudiants nobles étaient soumis à un régime spécifique : ils payaient des frais d’immatriculation plus élevés que les autres et, s’ils avaient la qualité de comtes ou de princes, ils étaient inscrits dans un registre à part [19]. Parmi les signes perceptibles à l’ensemble de la communauté, on retiendra ensuite le marqueur linguistique : les comtes et les princes, lorsqu’ils arrivaient à l’université de Göttingen, ne parlaient pas l’allemand, mais le français [20]. Ils ne s’entretenaient donc qu’entre eux. C’est également la raison pour laquelle ces étudiants suivaient tout d’abord un enseignement privé, avec les quelques professeurs qui parlaient la même langue qu’eux. L’Autobiographie de Pütter en témoigne :

12

Lorsque nous revînmes du Pyrmont, je reçus à nouveau la proposition de dispenser un cours particulier […] que je ne pouvais refuser de donner, comme je l’avais fait quatre ans plus tôt pour le comte de Chatenay. C’était cette fois pour le comte Ludwig von Castelalfer, qui devait déjà avoir la perspective d’occuper une fonction diplomatique à la cour de Turin […]. Il exprima le désir que je lui enseigne les différents droits publics allemands. Comme il connaissait bien la langue latine, il put lire mon manuel. Mais comme il ignorait tout de la langue allemande, je dus lui donner les explications en français [21].

13Lorsque ces étudiants avaient atteint un niveau suffisant en allemand, ils se rendaient aux cours collectifs publics et privés des professeurs [22]. Pour assister aux enseignements collectifs privés, ces étudiants payaient des sommes plus élevées que les autres, mais en échange, ils bénéficiaient de places plus confortables qu’eux [23]. Si la présence de ce public de haute naissance était une source de fierté pour les professeurs, il est évident que pour ces étudiants, assister à des séminaires constituait également l’occasion de se montrer [24], comme le suggère une fois encore l’Autobiographie de Pütter : « Au semestre d’été 1769, 159 étudiants ont assisté à mon cours d’histoire de l’Empire et 27 au practicum. […] On comptait parmi eux : Henri XLII, comte Reuss de la lignée cadette (aujourd’hui comte régnant de Schleiz), et Friedrich Carl Wilhelm comte de Hohenlohe-Ingelsingen (ensuite Général de l’Armée impériale, etc. [25] ». Comme le théâtre dans les cours princières, les séminaires étaient le lieu de la représentation. Par le jeu des sièges occupés, par la présence d’un précepteur [26] – autre caractéristique de la haute noblesse – les enseignements offraient simultanément à ces étudiants l’occasion d’apparaître comme une communauté face aux étudiants non titrés, mais surtout de s’« individualiser » au sein de la communauté noble en signalant précisément le rang qu’ils occupaient dans la hiérarchie sociale.

14Autre lieu de représentation, l’Académie équestre : très coûteuse et très marquée socialement et symboliquement, elle était essentiellement fréquentée par la noblesse. Une allée très large fut construite devant l’université pour permettre aux étudiants de déambuler à cheval et de montrer leurs talents. Les professeurs étaient tellement conscients de l’importance que revêtait aux yeux de ces étudiants l’Académie équestre qu’ils faisaient leur possible pour éviter de placer leurs enseignements en début d’après-midi, réservé à l’apprentissage de l’équitation : l’expérience leur avait appris que leurs cours seraient désertés par ce public [27]. Comme les séminaires, l’équitation était l’occasion de renforcer l’identité du groupe « noble », mais aussi de se démarquer à l’intérieur de celui-ci : les cavaliers s’observaient mutuellement et guettaient la faute chez leurs pairs.

15La mise en scène de la communauté noble s’effectuait également à travers des rituels qui lui étaient réservés, comme le fait de recevoir tous les dimanches entre 16 h et 17 h – ce qui était surtout valable pour les princes [28]. De même, l’université et la ville instituèrent en leur honneur des concerts – ce qui était rare dans une ville universitaire – ainsi que des pique-niques et des assemblées, où l’on pouvait venir les contempler [29]. Ils se reconnaissaient à leurs habits, mais aussi par le fait qu’ils étaient accompagnés de domestiques [30].

16La présence de ces étudiants issus de familles nobles et princières donnait le ton à l’université et à la ville. Celle-ci devint relativement chère, parce qu’elle demandait des aménagements particuliers pour accueillir cette population. Le prix de la vie y était entre 25 % et 70 % plus élevé que dans les villes universitaires rivales de Halle, Leipzig et Wittemberg [31]. Cette spécificité liée au public de l’université se traduisait également dans l’habitus des étudiants : ceux-ci étaient réputés pour être particulièrement bien élevés et disciplinés [32], mais également secs et réservés [33]. Que les étudiants aient eu des meilleures mœurs qu’ailleurs et qu’ils se soient montrés plus assidus que dans les autres villes universitaires provient du fait qu’ils venaient en majorité de couches sociales élevées – même s’ils n’appartenaient pas à la noblesse [34].

17À Göttingen donc, les fondateurs de l’université ont mis en place les conditions pour créer une communauté composée d’étudiants issus de la noblesse. Cette catégorie sociale n’était pas majoritaire en chiffre, mais elle a joué un rôle déterminant sur la nature de l’institution et sur la population qui fréquentait l’université. Cette stratégie a permis de conférer un profil social spécifique à l’institution, qui a eu une efficacité sur le public à recruter. Alors que la formation d’une communauté d’aristocrates avait été initialement voulue par les fondateurs de l’université, ce sont les nobles eux-mêmes qui ont par la suite conféré à cette communauté ses propres contours, ceux d’une identité nobiliaire dont le passage à l’université devint un élément constitutif. La réputation d’excellence scientifique dont jouissait l’université constituait également un facteur majeur dans le choix des étudiants. Celle-ci s’incarnait dans l’image d’une communauté scientifique compétente, dont il va s’agir à présent d’étudier les linéaments.

18De même que les fondateurs de l’université ont donné l’impulsion pour la construction d’une communauté d’étudiants nobles, ils ont posé les bases pour la constitution d’une communauté scientifique particulière. Pour saisir ce fonctionnement, il faut prendre connaissance du réseau d’institutions qui s’est développé autour de l’université ainsi que de la conception qui présidait à l’ensemble. L’université, en effet, n’était pas le seul établissement à avoir vu le jour en 1734 : sa création s’était accompagnée de celle d’une bibliothèque, qui comptait déjà 12 000 ouvrages lors de son ouverture, et qui figura, avec ses 200 000 volumes, au nombre des plus riches collections de la fin du siècle. Cinq ans plus tard, c’est un journal savant qui faisait son apparition – les Göttingische gelehrte Anzeigen (1739 à aujourd’hui) – et en 1751, une Académie des sciences. C’était la première fois qu’une Académie et une Université étaient réunies dans un même lieu et qu’elles allaient travailler en synergie [35]. Plus largement, les quatre institutions – piliers de la République des Lettres – fonctionnaient conjointement, et cette réunion était la clé de la réussite de l’ensemble. Le degré ultime d’harmonie du système fut atteint à partir des années 1770, lorsqu’une même personne occupa des positions dominantes au sein de chacune des institutions : Christian Gottlob Heyne, qui était professeur ordinaire à l’université depuis 1763, et qui cumula à partir de 1770 les fonctions de premier bibliothécaire, de secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences et de rédacteur du journal savant. Le contrôle du réseau reposait entièrement entre ses mains.

19Comment ce complexe institutionnel a-t-il participé à la construction de l’image d’une communauté scientifique ? Cette communauté a pris forme grâce à l’interaction entre ces institutions, interaction qui faisait intervenir deux échelles, l’une locale et l’autre déterritorialisée. L’université de Göttingen, en effet, est apparue comme une communauté aux yeux du monde savant, car la production scientifique des professeurs a été véhiculée dans l’Empire par des organes qui en ont assuré la visibilité et en ont donné une vision unifiée. L’université, de fait, constituait le laboratoire de la production intellectuelle des professeurs (qui prenait appui sur la riche bibliothèque). Les presses de l’université, et plus précisément l’Académie et le journal savant, étaient les institutions chargées de colporter cette production dans l’Empire et dans l’Europe. Pour mieux se représenter la dynamique du système, il est nécessaire de détailler les maillons de la chaîne.

20Dès les années 1740, les fondateurs de l’université avaient incité les professeurs à avoir une production scientifique abondante, afin de pouvoir « faire masse » sur le marché du livre. Non seulement ils les avaient incités à le faire, mais surtout, ils avaient mis en place les conditions pour susciter cette production en introduisant une réforme dans la structure des enseignements. Les axes principaux de cette réforme résidaient dans la liberté accordée aux professeurs d’enseigner librement la matière de leur choix (alors qu’auparavant le contenu des enseignements était fixé par la direction de l’université) et dans l’introduction de la concurrence entre eux [36]. Cette double réforme a contraint les professeurs à produire de nouveaux manuels pour les enseignements qu’ils proposaient d’une part et, d’autre part, elle les a obligés à se spécialiser pour pouvoir se distinguer les uns des autres. Les conséquences de cette réforme se sont fait sentir tant sur la forme que sur le contenu de la production scientifique : Göttingen a été le lieu d’un renouveau du genre du manuel universitaire ainsi que celui de l’émergence de nouveaux champs disciplinaires (comme par exemple le droit d’Empire, les sciences politiques et la statistique [37]). Ces deux caractéristiques cependant ne pouvaient suffire à faire apparaître Göttingen comme une « école », sauf dans l’« entre-soi », à l’échelle locale. Pour donner corps à celle-ci, il fallait la signaler de façon à ce que les savants dispersés dans l’Empire puissent l’appréhender comme telle. Ce fut la mission du journal savant et de l’Académie.

21La promotion des ouvrages des professeurs dans l’Empire fut assurée par les Göttingische gelehrte Anzeigen. Précisons que les rédacteurs du journal savant se recrutaient parmi les membres de l’Académie, qui se recrutaient eux-mêmes parmi les professeurs de l’université. Chaque année, les Göttingische gelehrte Anzeigen proposaient le compte rendu d’environ 800 ouvrages. Une analyse quantitative menée sur deux années a montré que les publications des professeurs de l’université y occupaient une place privilégiée. Ainsi en 1760, parmi les 600 articles publiés, 90 portaient sur des ouvrages édités à Göttingen ou sur les événements scientifiques qui s’y étaient déroulés, contre 30 pour chacune des villes de Paris, Londres et Leipzig [38]. De même, en 1783, parmi les 817 comptes rendus, 84 concernaient des ouvrages édités à Göttingen, contre 73 à Paris, 70 à Leipzig et 37 à Londres. Rien que par le poids accordé aux différentes villes, les Göttingische gelehrte Anzeigen suggéraient que Göttingen était la capitale de l’édition savante. À côté de ces recensions, la revue consacrait chaque année deux numéros entiers à la présentation complète du programme des enseignements de l’université. Elle détaillait également avec une grande régularité les activités de l’Académie (conférences, assemblées, nouvelles nominations, prix académiques, publications). Ainsi, tout au long des 2 000 pages livrées annuellement par les Göttingische gelehrte Anzeigen, l’alternance entre les comptes rendus d’ouvrages édités à Göttingen et les descriptions des activités de l’université et de l’Académie faisait que les noms d’une poignée de personnes – professeurs à Göttingen – revenaient avec régularité. Dans la représentation qu’en donnait le journal savant, Göttingen apparaissait donc non seulement comme capitale de l’édition savante, mais aussi comme centre de la vie intellectuelle. Détail qui a son importance, les savants ne constituaient pas la seule communauté à être mise en scène dans les Göttingische gelehrte Anzeigen. La revue, en effet, se plaisait à relater avec forces détails le séjour de la grande noblesse dans la ville [39]. Autrement dit, elle servait autant à la construction de l’identité scientifique que sociale de l’université.

22Si les Göttingische gelehrte Anzeigen s’adressaient à un public élargi, l’Académie des sciences opérait à un niveau plus restreint, mais symboliquement plus significatif, puisqu’il s’agissait de celui de l’élite scientifique. La présence d’une Académie à Göttingen, de fait, avait surtout pour but d’intégrer l’institution locale dans le réseau européen des Académies. Les vecteurs de l’intégration étaient de deux genres : premièrement, les publications de l’Académie (rédigées par les professeurs de l’université), qui étaient envoyées à l’ensemble des Académies allemandes et européennes ; deuxièmement, les membres de l’Académie de Göttingen, qui devenaient membres ou correspondants d’Académies étrangères, tandis que l’Académie de Göttingen élisait des correspondants ou des membres extérieurs dans d’autres Académies [40]. Par cette circulation et ces échanges, Göttingen faisait désormais partie de la carte de l’Europe savante.

23La constitution d’une communauté scientifique à Göttingen a donc été rendue possible par le réseau institutionnel qui s’est développé autour de l’université : le journal savant et l’Académie ont organisé la publicité et la diffusion du savoir produit à Göttingen, mais surtout la promotion des savants qui animaient le réseau. Le besoin d’apparaître comme une communauté prenait son sens par rapport au monde extérieur (la République des Lettres), mais ne provenait pas d’une nécessité interne : les professeurs ont été réunis dans un même lieu et dans une même institution parce qu’ils travaillaient à une même tâche – les progrès du savoir – non parce qu’ils affichaient des valeurs communes et qu’ils se revendiquaient comme communauté. C’est la raison pour laquelle la constitution de l’identité de la communauté a été confiée à des organes externes comme l’Académie et le journal savant. Les savants de Göttingen formaient donc une communauté dans la mesure où ils appartenaient à une même institution, mais pas au sens où ils auraient initié d’eux-mêmes une communauté dont ils auraient défini les contours. C’était là la fragilité du système, car derrière l’unité apparente que renvoyaient le journal savant et l’Académie, grondait la discorde.

24Le projet de construire une communauté à travers le développement d’institutions universitaires et savantes a donc joué un rôle central à Göttingen. Construire une communauté qui réunissait l’élite sociale correspondait à une nécessité économique : constituer un public d’étudiants issus de famille aisée représentait la solution pour stabiliser le budget de l’université, voire pour rapporter de l’argent au territoire. La stratégie des fondateurs de l’université réussit au-delà de leurs espérances, puisqu’ils parvinrent à faire de Göttingen un marqueur de la communauté noble. Cette étiquette qui collait à l’université de Göttingen avait en outre pour fonction de distinguer celle-ci des institutions rivales. L’identité et la réputation de l’université cependant ne reposaient pas seulement sur le critère social, mais également scientifique. Dans le but d’attirer des étudiants issus de bonne famille toujours, l’université se devait d’avoir un profil intellectuel particulier qui la rendrait repérable parmi les autres universités. Le fonctionnement en réseau de la bibliothèque, de l’université, du journal savant et de l’Académie a servi de vecteur central à la formation de cette communauté scientifique au contour spécifique ainsi qu’à la diffusion de son image.

25À Göttingen, les mesures mises en œuvre pour la constitution d’une communauté ont donc permis à l’université de se construire une identité et d’affirmer ainsi son poids face aux autres villes universitaires. La communauté faisait sa force, davantage que l’individu. Le réseau, en effet, pour parvenir à ses fins ne pouvait pas encourager l’individualité, au contraire : il devait favoriser l’harmonie au sein du groupe. Toute querelle interne, toute tentative de singularisation apparaissaient comme une menace pour l’image de la communauté. L’individualité était préconisée, mais à l’intérieur de certaines limites : les professeurs étaient invités à se spécialiser et à se démarquer scientifiquement les uns des autres, mais ils ne devaient pas mettre en jeu la réputation et l’honneur de l’ensemble en attirant l’attention sur leurs personnes. Les fondateurs de l’université avaient suffisamment insisté sur ce point : ne pas provoquer de polémiques [41]. C’est la raison pour laquelle, les promoteurs de l’université, sciemment, ne nommèrent jamais à Göttingen de professeurs porteurs d’une pensée originale, comme ce fut le cas avec Christian Wolff : ils préférèrent éviter que cet homme, figure clé des Lumières, ne vînt à Göttingen [42]. Le consensus était leur priorité. La production de manuels universitaires et de sommes de savoir convenait parfaitement à cette orientation : ces ouvrages étaient inoffensifs du point de vue de la doctrine.

26L’université de Göttingen, comme l’a souligné l’historien Rudolf Vierhaus, a donc bien été la plus grande université des Lumières, mais elle n’a pas été une université particulièrement éclairée, au sens où elle n’a pas été le berceau d’une pensée originale [43]. L’organisation du réseau, le contrôle exercé par les différentes institutions, et en dernier recours par le ministère à Hanovre (auquel l’université était subordonnée), posaient les limites de l’individualité. Telle était bien la fonction du réseau en définitive : éradiquer, par le contrôle qu’il exerçait, toute tentative qui remettrait en cause la communauté comme telle. Sa structure très unifiée – un même personnage à la tête des différentes institutions – était garante de l’efficacité de ce fonctionnement à vocation homogénéisatrice. En même temps, ce fonctionnement ne pouvait aboutir qu’à l’essoufflement de l’institution ou, pour le dire dans des termes empruntés à Max Weber, à sa routinisation (« Veralltäglichung »). L’histoire de l’université de Göttingen, de fait, illustre bien ce paradoxe décrit par Weber : toute institution conduit à la routinisation si elle ne s’ouvre pas au renouveau charismatique porté par un individu, renouveau charismatique qui remet nécessairement l’identité de l’institution en cause. Ce paradoxe constitue-t-il un trait spécifique de l’institution ou de toute forme de communauté ?

27Voyez Communion (républicaine), Esprit de corps, Réseau, Mœurs (état de).

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David, Détail en haut à gauche du Dessin préparatoire, esquisse du Le Serment du jeu de paume, 1791, Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon.

Notes

  • [1]
    Stefan Brüdermann, Göttinger Studenten und akademische Gerichtsbarkeit im 18. Jahrhundert, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1990, p. 399.
  • [2]
    Anne Saada, « L’espace allemand observé à partir de la réception de Diderot », dans Histoire, Économie et Société, 1, 2004, p. 81-95, voir p. 95.
  • [3]
    Martin Gierl, « De la croyance religieuse à la croyance scientifique », dans Actes de la recherche en sciences sociales, 123, juin 1998, p. 86-94, voir p. 87.En ligne
  • [4]
    Anne Saada, « Von Halle nach Göttingen : Institutionalisierungsprozess und intellektuelle Entwicklung », dans Hans Erich Bödeker, Philippe Büttgen, Michel Espagne (dir.), Die Wissenschaft vom Menschen in Göttingen um 1800. Wissenschaftliche Praktiken, institutionelle Geographie, europäische Netzwerke, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2008, p. 23-46.
  • [5]
    Johann Stephan Pütter, Versuch einer academischen Gelehrten-Geschichte von der Georg-Augustus-Universität zu Göttingen, Göttingen, Vandenhoeck, 4 vol., vol. 2 (1788), 1765-1838, p. 371 (traduction par Anne Saada).
  • [6]
    Ibid., p. 353.
  • [7]
    Anne Saada, « Von Halle nach Göttingen », art. cit.
  • [8]
    Emil Franz Rössler (éd.), Die Gründung der Universität Göttingen : Entwürfe, Berichte und Briefe der Zeitgenossen, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1855, p. 34.
  • [9]
    Anne Saada, « Von Halle nach Göttingen », art. cit.
  • [10]
    Sabine Wehking, « Die Entwicklung der katholischen Gemeinde in Göttingen 1746-1866 », dans Ernst Böhme (dir.), Göttingen. Geschichte einer Universitätsstadt, vol. 2, Vom Dreißigjährigen Krieg bis zum Anschluss an Preußen : der Wiederaufstieg als Universitätsstadt (1648 - 1866), Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2002, p. 587-698, ici p. 587.
  • [11]
    Sabine Wehking, art. cit., p. 590.
  • [12]
    Charles McClelland, State, Society and University in Germany. 1700-1914, Cambridge, Cambridge University Press, 1980, p. 47.
  • [13]
    Ibid., p. 47.
  • [14]
    Charles McClelland, « The Aristocracy and University Reform in Eighteenth-Century Germany », dans Lawrence Stone (dir.), Schooling and Society : Studies in the History of Education, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1976, p. 146-173, voir p. 159.
  • [15]
    Ibid., p. 159.
  • [16]
    Ibid., p. 159-163.
  • [17]
    Johann Stephan Pütter, Selbstbiographie, Göttingen, Vandenhoeck, vol. 2, 1798, notes h, i, k, p. 760-763 (traduction par Anne Saada).
  • [18]
    Johann Stephan Pütter, Versuch, op. cit., vol. 2, p. 18-21. Voir du même, Selbstbiographie, op. cit., vol. 2, p. 728-729 (traduction par Anne Saada).
  • [19]
    Stefan Brüdermann, op. cit., p. 399 ; Johann Stephan Pütter, Versuch, op. cit., vol. 2, p. 18 note b.
  • [20]
    Johann Stephan Pütter, Selbstbiographie, op. cit., vol. 2, p. 777.
  • [21]
    Ibid., vol. 2, p. 733 (traduction par Anne Saada).
  • [22]
    Il faut savoir que le système des enseignements se divisait en trois genres : les cours publics que les professeurs étaient tenus de dispenser à l’université et qui étaient gratuits pour tous les étudiants ; les cours privés collectifs, qui se déroulaient chez les professeurs et qui étaient payants ; les cours privés individuels, qui étaient payants et qui se déroulaient également chez les professeurs.
  • [23]
    Johann Stephan Pütter, Selbstbiographie, op. cit., vol. 2, p. 760.
  • [24]
    Stefan Brüdermann, op. cit., p. 154-155.
  • [25]
    Ibid., p. 516-519 ; voir également p. 760-761 (traduction par Anne Saada).
  • [26]
    Johann Stephan Pütter, Selbstbiographie, op. cit., vol. 2, p. 759 et p. 762.
  • [27]
    Ibid., p. 788-789.
  • [28]
    Johann Stephan Pütter, Versuch, op. cit., vol. 2, p. 377-378.
  • [29]
    Ibid., p. 367-368 et du même, Selbstbiographie, op. cit., vol. 2, p. 781-782.
  • [30]
    Stefan Brüdermann, op. cit., p. 405.
  • [31]
    Ibid., p. 299 et p. 399.
  • [32]
    Wilhelm Ebel (éd.), Briefe über Göttingen : aus den ersten 150 Jahren der Georgia Augusta, Göttingen, Verl. Göttinger Tageblatt, 1975, p. 33 et p. 44.
  • [33]
    Stefan Brüdermann, op. cit., p. 399.
  • [34]
    Ilse Costas, « Die Sozialstruktur der Studenten der Göttingen Universität im 18. Jahrhundert », dans Hans-Georg Herrlitz, Horst Kern (dir.), Anfänge Göttinger Sozialwissenschaft. Methoden, Inhalte und soziale Prozesse im 18. und 19. Jahrhundert, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, p. 127-149 et Wilhelm Ebel (éd.), op. cit., p. 13 et p. 33.
  • [35]
    Rudolf Vierhaus, « Göttingen. Die modernste Universität im Zeitalter der Aufklärung », dans Alexander Demandt, Stätten des Geistes : große Universitäten Europas von der Antike bis zur Gegenwart, Köln, Böhlau, 1999, p. 245-256, voir p. 246.
  • [36]
    Anne Saada, « Von Halle nach Göttingen : Institutionalisierungsprozess und intellektuelle Entwicklung », art. cit.
  • [37]
    Rudolf Vierhaus, « Die Universität Göttingen und die Anfänge der mo-dernen Geschichtswissenschaft im 18. Jahrhundert », dans Hartmut Boockmann (dir.), Geschichtswissenschaft in Göttingen : eine Vorlesungsreihe, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1987, p. 9-29 et du même, « Göttingen. Die modernste Universität im Zeitalter der Aufklärung », art. cit., p. 250-251.
  • [38]
    Martin Gierl, « Bauen an der festen Burg der Aufklärung. Historia literaria von Heumann bis Eichhorn und die Göttinger Universität als reale und fiktive Bibliothek », dans Hans Erich Bödeker, Anne Saada (dir.), Bibliothek als Archiv. Bibliotheken, Kultur-und Wissenschaftsgeschichte, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2007, p. 281-296, voir p. 292.
  • [39]
    Voir par exemple Göttingische gelehrte Anzeigen, 1781, p. 248-259.
  • [40]
    Voir la liste dans Johann Stephan Pütter, Versuch, op. cit., vol. 2, p. 280-285.
  • [41]
    Anne Saada, « Von Halle nach Göttingen : Institutionalisierungsprozess und intellektuelle Entwicklung », art. cit.
  • [42]
    Rudolf Vierhaus, « Göttingen. Die modernste Universität im Zeitalter der Aufklärung », art. cit., p. 254.
  • [43]
    Ibid.
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/09/2009
https://doi.org/10.3917/dhs.041.0302
Pour citer cet article
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