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Une lecture de Pierre Dockès, 2017, Le capitalisme et ses rythmes, quatre siècles en perspective (tome 1. Sous le regard des géants, Paris, Classiques Garnier Classiques)

1 Dans la magistrale synthèse qui introduit Le capitalisme et ses rythmes, quatre siècles en perspective, Pierre Dockès, son auteur, pour caractériser en tant qu’économiste la méthode historique et institutionnaliste développée au cours de l’ouvrage, indique par contraste les limites essentielles du discours économique dominant aujourd’hui. Il le stigmatise à travers cinq grands traits. Il les présente comme autant d’erreurs ou de limites de celui-ci :

2

  1. Prendre le degré et l’élégance des formalisations mathématiques pour critère d’excellence et de légitimité ;
  2. Être balkanisé par ses spécialisations au point d’empêcher toute compréhension synthétique ;
  3. Avoir une position apologétique de la concurrence des intérêts privés à travers le marché ;
  4. Justifier la promotion des économistes qui, sans innover, se contentent de reproduire la doxa ;
  5. Être amnésique ; d’où une perte d’intérêt non seulement des économistes pour l’histoire mais aussi des historiens vis-à-vis des théories économiques actuelles.

3 L’illustration de l’apport de ce passé revivifié à travers la relecture des théories et des événements est au cœur de l’ouvrage.

4 On peut immédiatement ajouter à ces caractéristiques du savoir économique actuel une sixième : mener une approche à la seule échelle macro. C’est le cas même lorsqu’il s’agit de microéconomie du fait de l’usage de stéréotypes présumés universaux de l’action humaine [1]. De façon générale, l’auteur articule bien les niveaux macro, meso et micro en ne tenant pas compte seulement de données globales et de leur traitement économétrique, indispensables pour suivre les mouvements économiques d’ampleur nationale (voir régionale) et mondiale. Chacune des nombreuses crises abordées au fil du temps est illustrée et spécifiée par une sorte d’étude de cas de sa formation, de son déroulement et de sa résolution, avec de multiples détails éclairant les acteurs, les institutions et les lieux impliqués. À partir de ceux-ci et des théories qui en ont rendu compte ou ont voulu les traiter comme des accidents, elles sont inscrites dans les vagues du temps long.

5 Pierre Dockès construit ainsi une structure argumentée permettant de comprendre l’ensemble d’une période et des grands mouvements qui l’animent. Il joue ainsi avec les échelles en ayant pour idée clef que la macroéconomie est indispensable pour comprendre les effets de nombre [2].

6 Les effets systémiques sont, en conséquence, bien montrés : il en ressort qu’on voit comment des politiques d’austérité légitimées à partir d’un raisonnement limité aux conséquences immédiates des décisions d’une catégorie d’acteurs ne fait que renforcer une crise. Si l’on propose notamment de réduire le coût salarial et/ ou les prélèvements fiscaux pour assurer une bonne santé des entreprises, ces choix, passant pour le bon sens d’un ménage, ont pour effet de réduire la demande globale ; d’où la nécessité de dépenses publiques pour compenser son insuffisance et relancer le système. C’est un argument bien présent tout au cours de l’ouvrage. La mémoire de cet effet après la crise de 1929 a d’ailleurs été fortement intégrée lors de l’éclatement de celle de 2007-2008. Il a été largement repris pour contrer certaines solutions pour « équilibrer les comptes » à tout prix. Même s’il apparaît aujourd’hui que les politiques d’austérité salariale et à l’encontre des dépenses publiques ressurgissent parce qu’elles apparaissent allant de soi, si l’on fait abstraction des effets systémiques néfastes pour une reprise. C’est une leçon forte que l’on doit retenir du livre face aux tentations de revenir aux vieilles recettes de l’austérité pour « réduire les déséquilibres » ou pour redonner aux acteurs économiques une prétendue « liberté » alors que l’histoire des crises passées montre que cela n’a généralement fait qu’éloigner un peu plus la sortie de crise, voire la rendre toute chose égale par ailleurs impossible. Le problème étant ici que les économistes ressemblent bien souvent à des généraux préparant les batailles à venir en ayant le regard fixé sur leur précédente défaite (ou victoire) et n’imaginant pas les changements de tactique des adversaires ou, plus globalement, les évolutions des systèmes. D’où aujourd’hui, après l’éclatement de la crise en 2007-2008, le populisme croissant qui apparaît comme un effet boomerang consécutif au rejet envers et contre tout ce qui apparaît à beaucoup comme l’erreur de l’après 1929 : à savoir toute forme de protection nationale des emplois salariés et des équipements productifs.

7 D’une certaine façon, la forte critique de la science économique dans son état actuel, qui introduit l’ouvrage, dresse le programme de recherche suivi par l’auteur dans cet ouvrage qui couronne ses précédents travaux [1], tout particulièrement ceux initiés avec Bernard Rosier, auquel l’ouvrage est dédié, tout comme ses enseignements depuis le début des années 1970 donnés avec brio à l’université de Lyon en économie internationale, en croissance et fluctuations économiques et en histoire de la pensée économique. Au fil des pages, il a remis et remet le savoir économique sur ses pieds et dans le droit chemin. Sa déconstruction / construction montre qu’il est encore possible de faire une autre économie s’appuyant sur des leçons théoriques et factuelles du passé. Son objectif scientifique est ainsi bien rempli puisque l’ouvrage échappe aux limites du savoir économique dominant actuel qu’il dénonce. Y compris par sa forme (c’est un livre et non une série d’articles, modalité de publication jugée seule scientifique par la doxa économique au point de réduire de plus en plus les thèses de doctorat au collage de trois ou quatre articles déjà parus ; dont certains collectivement écrits…). Et aussi par son support : la collection Bibliothèque de l’économiste dirigée par André Tiran aux éditions Classiques Garnier. Il en constitue le 13e volume. Y sont édités essentiellement des ouvrages en marge du courant dominant l’économie. On peut regretter que l’éditeur ait négligé de faire figurer la liste des précédentes publications de la collection dans l’ouvrage, parmi lesquelles un ouvrage d’hommage à Pierre Dockès intitulé Les Marmites de l’Histoire[2].

8 À travers une double grille de lecture, celle des transformations économiques des modes de production, d’échange et de financement des sociétés depuis le XVIIe siècle et celle de leurs représentations successives par les économistes (de grande renommée comme le laisse penser le sous-titre de ce volume premier « Sous le regard des géants », mais pas seulement), Pierre Dockès analyse la croissance et la distribution des revenus, leurs phases alternées d’expansion, de stagnation et de régression. Autrement dit il œuvre simultanément en histoire des faits et en histoire de la pensée économique. Les trois premiers chapitres de l’ouvrage présentent d’abord un plaidoyer pour cette économie historique, puis une synthèse des explications données, des théories donc, et enfin celle des données que l’on doit retenir pour saisir ces mouvements, ces rythmes du capitalisme selon l’expression que son titre en retient. Suivent des chapitres chronologiques factuels éclairés par la présentation des auteurs, les incontournables et d’autres moins connus mais, d’une certaine façon, tout aussi précieux. Dans son compte-rendu de l’ouvrage, Alexandre Chirat [3] évoque judicieusement trois figures tutélaires des sciences sociales : Joseph Schumpeter pour son histoire de l’analyse économique et Fernand Braudel et Paul Bairoch pour leur fresque respective des évolutions du capitalisme dans un contexte de mondialisation. Pierre Dockès a bien connu ces deux derniers. Braudel avait publié sa thèse de doctorat dans sa collection Nouvelle bibliothèque scientifique chez Flammarion et l’a convié à son séminaire à l’Instituto Datini de Prato. Bairoch l’a invité à de multiples reprises à intervenir à l’université de Genève et certains avaient milité localement pour qu’il y prenne sa succession. Avec cet époustouflant parcours de l’histoire du capitalisme et de ses représentations par les économistes, le lecteur éprouve une curieuse impression. Alors que l’ouvrage pèse plus de 800 pages, plus un index auteurs, un copieux index thématique et une monumentale bibliographie de 68 pages classée par chapitres, on a l’impression comme le note Christian Chavagneux dans sa recension dans Alternatives économiques (juillet 2017) [1] de vouloir en savoir plus sur chacun des moments et nombreux auteurs que Pierre Dockès présente.

9 De façon générale, Le capitalisme et ses rythmes, quatre siècles en perspective, illustre une thèse centrale dans l’œuvre de Karl Polanyi (un penseur inclassable d’un point de vue disciplinaire à la différence de Pierre Dockès qui se reconnaît lui comme économiste). L’auteur de La Grande Transformation, parcourant le temps et l’espace, traite beaucoup d’économie : l’institution progressive d’abord en Europe depuis le Moyen Âge, puis à travers toute la planète et avec une accélération considérable à partir du début du XIXe siècle, de la force de travail humaine, de la terre (et au-delà de celle-ci de plus en plus de la nature) et de la monnaie comme des « marchandises fictives » [2]. Celles-ci ne peuvent pas être produites par nature pour être vendues ; mais elles sont traitées et gérées comme si elles étaient des marchandises [3]. Pierre Dockès le saisit comme une soumission aux intérêts du capital qui rythme l’histoire économique des nations intégrées dans leurs géographies.

10 D’une part, cette transformation explique une dimension des crises car cette production comme marchandises ne peut jamais être (pleinement) accomplie puisqu’elle se heurte aux mouvements hostiles à cette destruction du social, du politique et de la culture engendrée par cette marchandisation. D’autre part cela éclaire cette évolution historique saccadée. La monnaie est la première qui, dès le Moyen Âge, a été soumise aux lois du marché, via les spéculations et la généralisation du prêt à intérêt, malgré toutes les résistances morales que les Églises ont imposées (pas seulement le catholicisme si l’on pense au protestantisme dans sa dimension non calviniste mais luthérienne). Le processus a été subi dans un second temps par la terre et les forces de travail ; le salariat ayant été longtemps marginal et ayant pris d’abord surtout la forme en quelque sorte transitoire de la fabrique à domicile, de la proto industrialisation et du putting out system. C’est d’ailleurs via les politiques monétaires et financières qu’aujourd’hui les experts tenants de l’économisme pèsent le plus pour imposer la re transformation de l’ensemble de l’organisation économique des sociétés.

11 Pour ce qui est la financiarisation, qui est une part de la transformation de la monnaie en « marchandise fictive », elle est surtout vue par le haut par Pierre Dockès, tant pour les crises financières antérieures au XIXe siècle que pour le temps présent. Sans doute, aurait-il été pertinent de faire connaître l’évolution du pourcentage des activités financières par rapport à l’économie dite « réelle » parce que directement liée aux productions primaires, aux transports et aux consommations intermédiaires et finales. Pour les Etats-Unis, la part du secteur financier serait passée de 1,6 % du PIB en 1860 à 2,9 % en 1950, et de 4,7 % en 1980 à 8 % en 2007. On doit noter cette accélération au cours du dernier demi puis plus encore quart de siècle. L’ouvrage laisse largement penser, à partir du passé capitaliste des XIXe et XXe siècles que le crédit sert encore à « financer l’économie » ; entendons pas là à apporter les fonds nécessaires à l’investissement des entrepreneurs. L’ambiguïté en anglais du terme « investment » qui confond à la différence des langues latines les placements et les investissements réels montre ici tout sa nocivité. Rappelons ici quelques données qui, même si leur évaluation précise peut donner lieu à des débats quasi sans fin, montrent l’abîme qui s’est brutalement creusé à la fin du XXe siècle entre l’économie que l’on peut qualifier de substantive et l’économie « spéculative ». Cela fait me semble-t-il que l’on est sorti du « capitalisme » tel que deux siècles d’activités humaines l’avaient établi à travers la confrontation ou la collaboration capital/ travail. La narrow money, autrement dit la monnaie facilement accessible (constituée par les pièces, les billets et les comptes à vue) s’élève à 28 600 milliards de dollars, soit 5,7 fois plus que le total des pièces et billets dans le monde (5000 milliards de dollars). Si l’on ajoute à cette narrow money tous les dépôts pour comprendre l’ensemble de la broad money (la monnaie au sens large) on atteint 89 900 milliards de dollars (donc trois fois plus que la narrow money et dix-huit fois plus que la monnaie manuelle en pièces et billets). La dette mondiale privée et publique, quant à elle, s’élèvent à 199000 milliards de dollars (pour les deux tiers de dettes privées et un tiers publiques) [4], soit sept fois plus que les pièces, les billets et les comptes à vue (narrow money). Les produits dérivés quant à eux sont estimés entre 630 000 milliards de dollars et 1,2 million de milliards de dollars, soit entre 126 et 240 fois la masse de pièces et billets, entre 22 et 41 fois la narrow money et entre 3 et 6 fois le total de la dette mondiale [5]. Par comparaison l’encours total de microcrédit en 2016 s’est élevé à 102 milliards de dollars soit la 2000e partie de la dette globale mondiale et le 10000e partie des produits dérivés. Si l’impact investing atteint 500 milliards de dollars en 2020 cela correspondra à la 400e partie de la dette globale mondiale et à la 2000e partie des produits dérivés dans leur estimation basse… On est (encore) très loin des solutions miracles rêvées par certains pour répondre aux formes actuelles dominantes de financiarisation au cœur du nouveau modèle économico-financier. Si l’on tient compte de l’ensemble des charges d’intérêt, celles-ci représenteraient actuellement globalement 13 % des produits nationaux bruts cumulés et au rythme de leur accroissement cette charge doublerait assez rapidement. Il faut ajouter à cela l’ensemble des frais bancaires et financiers annexes, qui sont autant de prélèvements. Et au-delà des activités financières au sens strict, il faut tenir compte des activités financières au sein même des entreprises industrielles ou commerciales et aussi dans leurs relations [1]. Et surtout il faut comprendre comment et pourquoi la financiarisation s’est progressivement immiscée dans la vie quotidienne du plus grand nombre sur quasi toute la planète.

12 Les sociétés ont donc subi une intensification et une extension, donc un approfondissement de cette financiarisation. On peut la penser depuis les modes de paiement informatisés, la gestion de la couverture des risques et des retraites et les prêts de toute nature jusqu’à la gestion des entreprises dont les impératifs financiers l’emportent de plus en plus sur tout autre. On constate, vu l’origine des fonds, que les dépossédés alimentent les conditions mêmes de leur exploitation. Bel exemple d’aliénation. Les spéculations anciennes avaient surtout pour base directe des crédits à l’économie réelle, qu’il s’agisse du financement de la construction de navires, de celui du commerce du textile ou des aventures coloniales et aussi de la guerre par les États européens. De fortes crises et spéculations pouvaient avoir pour cause des spéculations effrénées sur ces réalités ou des évènements climatiques, dont les conséquences sont bien analysées par Pierre Dockès. La disproportion actuelle, à une échelle planétaire, entre d’un côté l’économie que l’on peut qualifier de substantive, et d’un autre côté les éléments financiers permet de multiplier en chaine des surplus artificiels. Leur accaparement fait exploser les inégalités économiques en termes de répartition des revenus et des patrimoines. Or les activités financières sont devenues indispensables pour mutualiser les activités humaines. Et les groupes qui jouent un rôle nodal dans cette mutualisation s’approprient l’essentiel de ce surplus. Naguère le contrôle par les maîtres et les capitalistes des approvisionnements, de tout ou partie des moyens de production et des débouchés permettaient l’exploitation des dépendants et salariés. Aujourd’hui, ce processus de contrôle physique n’a pas disparu mais il a quantitativement beaucoup régressé en faveur de nouveaux modes d’exploitation qui apparaissent de plus en plus dématérialisés. Mais c’est toujours la position occupée dans l’interconnexion des activités humaines qui permet la ponction massive d’un surplus. Les spéculations sur les matières premières ou les devises, afin que les acteurs de l’économie réelle couvrent divers risques, ne sont qu’un élément de ce vaste ensemble que la crise aux États-Unis des sub-primes en 2007 a mis en débat sur la place publique. Son lien avec des prêts pour des emprunteurs à risque, l’abaissement de valeur de leurs biens immobiliers supports premiers de ces crédits et l’accroissement des taux d’intérêt peuvent laisser penser qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Les leçons du passé peuvent certes éclairer le démarrage de cette énième crise. Pierre Dockès remarque la différence entre 1929 et 2008 quant aux masses concernées. Toutefois, la généralisation de la financiarisation par son extension et son approfondissement indique que nous sommes entrés dans un nouveau monde, qu’un après capitalisme a commencé ; pour autant que la définition du capitalisme ne soit pas devenue si extensive que toute manipulation d’argent la caractéristise. Si est retenue l’hypothèse d’un basculement du système économique et financier dans un au-delà du capitalisme, caractérisé notamment par une domination de la liquidité, la lecture du passé d’un monde dit « capitaliste » et de son mode de financement est insuffisante pour comprendre le présent et anticiper quelque peu les avenirs possibles. Le maintien de sa qualification comme « capitaliste » ou même de « néo capitaliste » (p. 147) risque de limiter la perception de la nouveauté et donc des solutions plus ou moins performantes, plus ou moins socialement justes ou politiquement acceptables, pour sortir des crises, crises que ce monde nouveau ne manquera pas d’engendrer de manière répétitive. La dette d’ailleurs ne peut pas se limiter à ce que mesure la finance car l’empreinte écologique actuelle des activités productives et des consommations, qui fait que les humains consomment plus que ce que la planète est capable de reproduire matériellement chaque année fait que les générations présentes s’endettent en quelque sorte vis-à-vis des prochaines. Les hommes et les femmes de ce temps vivent collectivement aux dépends de leurs descendants en faisant comme si ceux-ci trouveront aisément les solutions aux problèmes dont ils auront hérité. Les pressions exercées par les prélèvements financiers sur les entreprises productives de biens et services ne font que pousser ici à l’hyper-productivisme et là à la destruction de capacités humaines et techniques du fait d’un manque de rentabilité pensée uniquement d’un point de vue financier. C’est une dimension de la crise actuelle sans doute trop peu intégrée par Pierre Dockès pour spécifier les crises passées par rapport à la crise et aux évolutions en cours.

13 Aux caractéristiques de la doxa économique actuelle indiquées par Pierre Dockès en introduction de son ouvrage, il est possible d’en ajouter quatre. De mon point de vue de socioéconomiste, et de ci-devant économiste, ils m’apparaissent aussi comme limites de son enquête.

14 7. La croyance au déterminisme économique demeure partie intégrante du discours économique dominant (et pas seulement). Il ne suffit pas de compléter l’argumentation économique par l’inclusion de traits politiques ou sociaux pour y échapper. Le déterminisme économique, de façon implicite ou explicite, donne à penser que le moteur essentiel des transformations et d’évolution des sociétés se trouve dans l’économique condensé comme ensemble de phénomènes réels. Prenons l’exemple de la transition démographique. Fort pertinemment, Pierre Dockès inclut dans ce qui peut apparaître comme conséquence des activités de production et d’échange les rythmes démographiques. Ceux-ci expliquent avec un décalage générationnel et des effets temporels d’échos (qu’il s’agisse des naissances ou des effets des guerres) les entrées plus ou moins massives sur le marché du travail à un moment donné. Ce poids démographique éclaire la différence considérable présente entre la Chine, l’Inde et l’Afrique subsaharienne par exemple et aussi la pression aux migrations transcontinentales.

15 Cet accroissement annuel d’humains en âge de travailler repose beaucoup sur l’état de santé de la population, que déterminent, entre autres, les progrès de la médecine, donc de l’industrie et de l’éducation. Le nombre d’enfants par couple résulte bien évidemment de la conjoncture économique et de cette infrastructure. Mais le nombre de naissances dépend aussi de la culture de la sexualité, de la place des enfants dans la société et du contrôle des naissances sur le long terme, de la liberté de copuler dans un cadre matrimonial et hors de celui-ci, de la licence sexuelle accordée aux adolescents, de l’utilisation des méthodes abortives ou contraceptives pour limiter le nombre des naissances [1]. L’abaissement de l’âge des premières règles en Occident, et donc l’accroissement potentiel de la fécondité, ne procèdent pas seulement des régimes alimentaires ou du climat. Le physique là est intimement lié au culturel. De même, la pratique de la mise en nourrice qui diminue l’allaitement pour une partie de femmes a par exemple augmenté leur période de fécondité après la naissance. Tout cela ne peut pas être compris sans intégrer des normes morales et culturelles qui pèsent lourdement et sont difficilement réductibles aux effets de la rareté au cœur du discours économique. Autant de facteurs non économiques qui jouent sur le flux de population entrant au bout de quinze, vingt ou vingt-cinq ans sur le marché de travail par exemple ou restant « inactif » du fait de normes culturelles (affectant tout particulièrement les femmes).

16 8. Si un certain nombre d’économistes, et notamment à propos des crises, intègrent des facteurs psychologiques, l’ethnopsychiatrie n’entre quasiment pas dans leur boite à outils. Ne serait-ce que comme reconnaissance des limites des explications fournies à partir de stéréotypes sur l’action humaine. Même l’apport récent du nouveau comportementalisme venu complexifier l’image de l’homo œconomicus[2] n’échappe pas à une croyance en des comportements humains présumés universels. Pierre Dockès fait référence à des changements de « mentalité » sans spécifier le ou les contenus de celle-ci et leurs évolutions. L’économiste s’appuie surtout de données globales et accessoirement illustrées par quelques vues du bas des comportements. Mais on reste pour ce qui est de cette dimension psychologique largement dans le macrocosme. Les pathologies psychologiques nécessaires à la soumission massive au capital telles que les ont analysées Wilhelm Reich ou Erich Fromm par exemple, paraissent ignorées. Tout comme celles de l’après capitalisme connecté. Or, le caractère du travailleur formellement libre dans le putting out system pensé plus comme un prolongement de l’artisanat que du salariat aux pièces (quand les producteurs possèdent leur outil de travail), la mentalité nécessaire à l’enfermement en masse dans les mines, les fabriques et les usines, celle propres aux activités assises sur les décentralisations informatiques et à sa généralisation hors du travail différent considérablement. Bien évidemment il n’y a pas uniformités psychologiques des humains au sein de chaque époque mais certains types apparaissent plus pertinents au sens d’efficaces que d’autres pour assurer le consentement à la soumission. Voire son désir dans une perversion de masse, comme l’a analysée Reich dans Psychologie de masse du fascisme (rédigé entre 1930 et 1933). Le problème est une inadéquation possible entre les besoins d’adaptation du système de production et d’échange et la pathologie psychologique collectivement prévalant. Cela explique aussi pourquoi la machine et le marché sont pris par les économistes surtout comme des réalités et ne sont pas d’abord perçus, comme l’a fait Karl Polanyi, comme une idéologie organisant la façon de voir le monde et donc d’agir et de le transformer ; leur utilisation en découlant.

17 9. On peut aussi remarquer que l’homo oeconomicus, figure devenue aujourd’hui implicite du discours des économistes, est un neutre, même si on peut lui reconnaître des attributs masculins. Sauf de rares exceptions (telle que celle de John Stuart Mill co auteur avec son épouse Harriet Taylor Mill de The Subjection of Women [De l’assujettissement des femmes] publié en 1869), les économistes accordent peu d’importance aux questions de genre [3]. Notamment la reconnaissance de catégories sexuées dans les comportements économiques n’est pas un prérequis dans la construction de la micro-économie. Dans sa lecture des économistes, Pierre Dockès ne mène pas de développement sur les attributs genrés, ni même sur les effets des crises en terme de genre ; pas d’entrée femme, genre, homme, sexe ou sexualité dans son large index thématique, même si p. 528 une courte indication est donnée sur les effets positifs de la guerre de 1914-1918 quant à l’émancipation des femmes.

18 10. Enfin, une autre caractéristique de la pensée économique dominante, est sa forte ignorance des pratiques et des théories situées hors du champ du capitalisme. Cela est vrai hier notamment pour ce qui est du socialisme dit « utopique » ou aujourd’hui des pratiques dites « solidaires » de l’économie. La seule utopie qui a été intégrée à l’économie dominante, plus fortement à certaines périodes qu’à d’autres où l’oubli-rejet a prévalu, est le marxisme ; parce qu’il était devenu un « socialisme réel » et pour autant qu’il pouvait être mouliné selon les catégories de l’économie dominante (y compris pour le critiquer si l’on pense par exemple à la lecture de J. A. Schumpeter). Ce dixième argument critique de la science économique est essentiel si l’on fait l’hypothèse que nous sommes entrés dans un au-delà du capitalisme, capitalisme tel que les humains vivant dans le monde en développement et développé l’ont subi depuis plus de deux siècles et dans lequel l’exploitation salariale et ses transformations ont été nodales pour comprendre son fonctionnement et son évolution. La question essentielle si l’on adopte cette perspective d’une entrée dans un au-delà du capitalisme n’est plus celle qui a marqué un conflit idéologique central pour interpréter les crises et penser leur issue : le système capitaliste va-t-il spontanément à travers une crise finale aboutir à d’autres rapports sociaux ou faut-il par des combats politiques précipiter cette chute pour ne pas sombrer dans la barbarie et lui trouver une issue. Il est frappant que Pierre Dockès parle surtout des luttes, donc des révoltes, de la résistance contre la domination de la machine et du marché de libre concurrence mais pas des diverses contre organisations qui ont émergé au fil des décennies. Certes elles peuvent apparaître comme les inventions de vaincus de l’histoire. Mais certaines (pensons à la protection sociale) ont été intégrées par le système afin de permettre sa perpétuation. Et l’histoire n’a pas dit son dernier mot quant aux destinées des prétendues « utopies ». On peut regretter que Pierre Dockès n’ait pas développé les contre tendances ou contre mouvements de la société pour s’organiser à travers des alternatives [1]. Il évoque très brièvement l’économie dite de partage ou circulaire. Mais la récupération de celle-ci apparaît de plus en plus évidente [2]. Ce biais est particulièrement frappant, non seulement pour les périodes récentes, mais aussi pour celles beaucoup plus anciennes, quand il aborde les crises d’Ancien Régime. On aurait pu s’attendre à ce qu’il accorde alors une plus grande place aux mesures de stockage, de contrôle des prix pour ce qui est des céréales ou dans l’ordre artisanal au contrôle des approvisionnements en matières premières, de la main d’œuvre et des débouchés via les jurandes et corporations ; pour ce qui est du XIXe siècle des mouvements associatifs, mutualistes, coopératifs, du socialisme de guilde qui inventèrent un autre monde dont une partie des revendications et activités furent absorbées par une gestion étatique de la protection sociale au XXe siècle. Cela est principalement visible en matière d’assurance santé et de retraite. Une histoire longue et détaillée des alternatives reste largement à écrire [3]. Une relecture de travaux comme ceux de Charles Gide et de George Douglas Cole serait sans nul doute encore utile. Un autre monde a émergé que les classiques ne pouvaient pas connaître et qui n’est pas celui dont rêvaient les penseurs alternatifs du tournant des XIXe et XXe siècles, auteurs qui furent largement oubliés avec les trente glorieuses et le regard obnubilé par le duo – conflit État/marché. Au début du capitalisme industriel avec les luddistes se posaient des questions similaires à celles d’aujourd’hui : comment s’opposer ? On dit désormais : comment construire des alternatives pérennes durables et démocratiques [4]? Pour cette raison même la lecture des crises et des transformations anciennes est indispensable pour imaginer des débouchés aux mutations en cours. Pierre Dockès maintient un certain suspens quant au contenu du ou des volume(s) suivant(s). Son (ou leur) contenu n’est pas présenté. Peut-être les abordera-t-il. Le seul élément que l’on peut anticiper est qu’il s’agit de l’après 1946 dont il a déjà donné des éléments en montrant comme certaines théories anciennes font penser à ce que des auteurs postérieurs et même contemporains ont pu traiter ; et sans doute d’une synthèse de l’approche par Pierre Dockès des crises et des rythmes avec on l’espère quelques indications sur l’après 2017… tout en sachant qu’il est plus aisé de prédire le passé que l’avenir. Mais nul besoin d’attendre cette suite, vu l’apport de ce premier volume, pour le lire.

Notes

  • [1]
    Pour le comprendre, il convient de bien distinguer l’échelle du niveau. Et pour cela il faut accorder à chacun de ces termes un sens approprié. Il est courant d’entendre parler d’« échelle » communale, départementale, nationale, continentale ou planétaire, alors qu’il s’agit de « niveaux » ou « échelons » territoriaux d’intervention par des acteurs, des structures ou des organisations. C’est un positionnement hiérarchique dans un ensemble emboitant les institutions. L’observation peut s’y faire de bas en haut comme de haut en bas. L’« échelle » est autre. C’est une distance prise, en l’occurrence une focale choisie pour saisir les objets et les analyser. Elle permet d’observer grâce aux hypothèses particulières retenues avec pour but (pour objectif) de comprendre l’objet étudié, autrement dit de reconstruire et définir un sujet d’étude. Jean-Michel Servet, 2016, « Au-delà des leçons de Gulliver et d’une anamorphose d’Holbein, penser les échelles en sciences sociales », in : Bernard Hubert, Nicole Mathieu, Interdisciplinarités entre natures et sociétés, Bruxelles, Peter Lang, collection Ecopolis, p. 111-132.
  • [2]
    Les résultats obtenus à divers niveaux et selon différentes échelles d’observation peuvent apparaître contradictoires lorsqu’on mesure par exemple le taux d’épargne. Supposons que, dans un pays, l’essentiel de l’épargne des populations se fasse sous forme d’associations rotatives d’épargne et de prêt. Dans ces tontines, chaque membre reçoit à tour de rôle le montant global épargné par l’ensemble des membres du groupe. Supposons que l’intégralité de la somme remise à tour de rôle à chacun des membres soit dépensée par le bénéficiaire. Elle peut l’être immédiatement en achats de biens de consommation ou en achats de biens qui ne sont pas enregistrés comme investissement parce qu’ils servent à des activités dites « informelles » d’échange et de production. Ces tontines absorberaient alors toutes les encaisses oisives. Et par conséquent, macro économiquement, tel que pourrait l’enregistrer la comptabilité nationale, le taux d’épargne serait considérablement réduit. Pourtant, dans ce même pays, des enquêtes auprès des ménages révéleraient que la proportion du revenu épargné par les membres de ces groupes tontiniers est considérable.
  • [1]
    Voir l’ouvrage d’Hommage à Pierre Dockès publié aux éditions Classiques Garnier en 2014 et intitulé Les Marmites de l’histoire, titre reprenant en partie celui d’un article publié par Pierre Dockès dans la Revue économique (vol. 44, no. 3, 1993, pp. 485-528) : « Les recettes fordistes et les marmites de l’histoire : (1907-1993) » et consacré aussi à l’histoire longue.
  • [2]
    Voir ci-dessus note 3.
  • [3]
    Alexandre Chirat, « Pierre Dockès, Le capitalisme et ses rythmes : quatre siècles en perspective. tome 1 : Sous le regard des géants », Lectures [En ligne], Les comptes rendus, 2017, mis en ligne le 13 septembre 2017, consulté le 27 octobre 2017. URL : http://lectures.revues.org/23419.
  • [1]
  • [2]
    Pierre Dockès évoque p. 380 de façon à mon sens maladroite le devenir du travail, de la terre et de la monnaie comme « simples marchandises ». Karl Polanyi parle, lui, de « marchandises fictives ». Ce faisant Pierre Dockès occulte un élément central dans La Grande Transformation, qui distingue fortement la représentation et sa réalité. Selon Polanyi transformer effectivement et intégralement le travail, la terre et la monnaie en marchandises mettrait en péril la reproduction des sociétés humaines. En ce sens, voir notamment : Fred Block, Margaret R. Somers, 2014, The Power of Market Fundamentalism. Karl Polanyi’s Critique, Cambridge/London : Harvard University Press.
  • [3]
    Aujourd’hui du fait de l’accaparement de la création monétaire par les banques, réduisant à une portion congrue le caractère public et encore plus commun de la monnaie, la monnaie peut être considérée comme de plus en plus (re)produite comme si elle pouvait être une marchandise. D’où aussi une spécificité des crises financières actuelles.
  • [4]
    En ajoutant les dettes des particuliers, la dette mondiale s’élèverait à 200000 milliards de dollars. Les estimations des dettes enregistrées par les institutions financières sous estiment grandement la dette réelle, si l’on intègre les retraites à verser avec le vieillissement de la population (qui pourrait partiellement être compensée par un accroissement de la productivité du travail) mais surtout le coût futur de démantèlement des équipements nucléaires ou le désamiantage de bâtiments par exemple. Selon Patrick Saint-Sever, elle pourrait dans un pays comme la France être cinq fois supérieur à ce qui est affiché.
  • [5]
    Source : http://www.marketwatch.com/story/this-is-how-much-money-exists-in-the-entire-world-in-one-chart-2015-12-18. Si l’on fait des comparaisons avec les distances entre planètes et astres. Celle entre la Terre et le Soleil est seulement de 389 fois celle entre la Terre et la Lune. Et la distance entre la Terre et Sirius, l’étoile la plus brillante du ciel après le Soleil, est de 8,611 années-lumière, soit 81 millions de milliards de km, soit environ 544 fois la distance Terre Soleil.
  • [1]
    Pour une mise en perspective longue de la fonction actuelle de l’endettement, voir : Denis Dupré, Caspar Visser’t, « Réflexions sur la gestion de la dette », Entreprise et Société, n° 1, 2017, p. 223-243.
  • [1]
    L’extermination du XVe au XVIIe siècle de dizaines de milliers de sorcières était aussi celle de connaissances pharmacopées qui limitaient les naissances ; un contrôle populaire des naissances, dont les historiens discutent l’ampleur.
  • [2]
    Jean-Michel Servet, à paraître 2018, Un néolibéralisme à visage humain, Paris, Ed. Charles Léopold Mayer.
  • [3]
    Cette problématique critique qui a largement dépassé les sphères dites « féministes » est développée notamment dans Une économie solidaire peut-elle être féministe ? Homo oeconomicus, mulher solidaria, par Christine Verschuur, Isabelle Guérin et Isabelle Hillenkamp (ed.), Paris, L’Harmattan, 2015.
  • [1]
    Cette nécessité de penser l’avenir surtout à partir des alternatives est au cœur de Jean-Louis Laville, Geoffrey Pleyers, Elisabetta Bucolo, Jose Luis Corragio (eds.), Mouvements sociaux et économie solidaire, Paris, Desclée de Brouwer, 2017.
  • [2]
    Jean-Michel Servet, 2014, De nouvelles formes de partage : La solidarité au-delà de l’économie collaborative, Paris, Institut Veblen, http://www.veblen-institute.org/De-nouvelles-formes-de-partage-la ; 2015, « Un douteux retour du partage et de la gratuité », in : Vershuur, Guérin, Hillenkamp (ed.), op. cit., p. 139-151 ; Marlyne Sahakian, Jean-Michel Servet, 2016, « Separating the wheat from the chaff : sharing versus self-interest in crowdfunding » (en collaboration avec) in : Assadi Djamchid (ed.) Strategic Managerial Approaches to Crowdfunding Online, Hershey Pennsylvania, IGI Global.
  • [3]
    Parmi les multiples travaux, citons les approches complémentaires voire opposée d’un côté de Jean-François Draperi, (L’économie sociale et solidaire : une réponse à la crise, Paris, Dunod, 2011) et André Gueslin (L’invention de l’économie sociale, Paris, Economica, 1987) et d’autre part de Jean-Louis Laville, L’économie sociale et solidaire. Pratiques, théories et débats, Paris, Seuil, 2016 ; Jean-Louis Laville, Jose Luis Coraggio (éd.), 2016, Les gauches du XXIe siècle. Un dialogue Nord-Sud, Paris, Le Bord de l’eau.
  • [4]
    Même si dans une enquête du Pew Research Center http://www.pewglobal.org/2017/10/16/globally-broad-support-for-representative-and-direct-democracy/ publiée en octobre 2017 et menée cinq mois plus tôt, on relève l’attirance d’une partie des populations de 38 pays occidentaux pour des solutions non démocratiques : 49 % (contre 44 %) ont une vision favorable d’un gouvernement d’experts. Une enquête Ifop pour Atlantico, conduite en 2015 puis 2017 a indiqué que quatre Français sur 10 seraient prêts à diminuer le contrôle démocratique afin de favoriser « l’efficacité du gouvernement ». On découvre aussi dans l’enquête du Pew Research Center que 24 % (contre 73 %) verraient favorablement l’arrivée au pouvoir de militaires et 26 % celle d’un homme fort (contre 71 % ayant un jugement opposé). Mais la « démocratie directe » bénéficie d’une opinion favorable auprès de 66 % des enquêtés (alors que 30 % ont un jugement défavorable à son encontre) et la « démocratie représentative » bénéficie d’une opinion favorable de 78 % de la population de ces pays contre 17 % ayant une opinion défavorable.
Analyse commentée par
Jean-Michel Servet
Professeur honoraire, Institut de hautes études internationales et du développement, Genève (Suisse)
Mis en ligne sur Cairn.info le 05/04/2018
https://doi.org/10.3917/rsg.287.0153
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