CAIRN.INFO : Matières à réflexion
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1 Prix Nobel : « Aucun homme ne devant être ainsi désigné comme une référence sur un sujet aussi complexe que l’économie, »

2 Parfaitement d’accord (une fois n’est pas coutume) avec Friedrich Hayek, lui-même co-lauréat en 1974, du Prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel, tout juste créé en 1969, la Rédaction a donc pensé que le livre de Jean Tirole, dernier lauréat français de ce prix, un économiste qui s’aventure dans la gestion des entreprises, méritait que plusieurs chroniqueurs d’horizons différents rapportent sur « l’Économie du Bien commun » ! En effet, « celui qui pense que faire de la science consiste à ne jamais avoir tort n’a pas commencé à avoir la moindre lueur de ce qu’est la science [1] ». Diversité des opinions et débat contre la vision simplifiante et totalitaire du main stream, celui de la « seule voie » que nous avons toujours rejetée [2] à LaRSG ! Ne dit-on pas d’ailleurs depuis toujours : Testis unus, testis nullus ? A chacun de lire pour se forger une opinion !

3 Philippe Naszályi

4 THE ECONOMICS OF THE COMMON GOOD[1]SEVERAL READINGS

5 Nobel Prize: “No man should be thus designated as a reference on a subject as complex as economics,”

6 Perfectly in agreement (just this once) with Friedrich Hayek, himself joint prize-winner in 1974 of the Bank of Sweden Prize in economic sciences in memory of Alfred Nobel, newly created in 1969, the Editorial board therefore thought that the book by Jean Tirole, last French prize-winner of this prize, an economist who ventures into company management, was worth several journalists from different backgrounds reporting on “the Economics of the Common Good”! In fact, “the one who thinks that doing science consists in never being wrong has not begun to having the slightest glimmer of what science is” [2] Diversity of opinions and a debate against the simplified and totalitarian vision of mainstream, that of the “sole path” that we have always rejected [3] at LaRSG! Furthermore haven’t we always said: Testis unus, testis nullus? It’s up to each to read to make your own mind up!

7 Philippe Naszályi

8 LA ECONOMÍA DEL BIEN COMÚN[4]VARIAS LECTURAS

9 Premio Nobel: « Ningún hombre debería ser considerado una referencia en un asunto tan complejo como la economía, »

10 ¡Totalmente de acuerdo (sin que sirva de precedente) con Friedrich Hayek, a su vez cogalardonado en 1974, con el Premio del Banco de Suecia en ciencias económicas en memoria de Alfred Nobel, recién creado en 1969, la Redacción ha pensado por tanto que el libro de Jean Tirole, el último francés galardonado con ese premio, un economista que se ha aventurado en la gestión de empresas, merecía que varios cronistas de diferentes horizontes hablasen sobre « la Economía del Bien Común »! De hecho, « quien piense que trabajar en ciencia consiste en no equivocarse nunca no ha empezado ni remotamente a entender lo que es la ciencia [5]» ¡Diversidad de opiniones y debate contra una visión simplificadora y totalitaria del main stream, el de la « única vía » que siempre hemos rechazado [6] en LaRSG! De hecho, ¿no se ha dicho siempre: Testis unus, testis nullus?

11 ¡Hay que leer para poder opinar!

12 Philippe Naszályi

Une lecture critique de l’Économie du bien commun de Jean Tirole

13 L’Économie du bien commun, ouvrage de Jean Tirole publié au printemps 2016 [1] est un succès de librairie. Selon Paris Match, magazine grand public qui traite généralement de sujets plus « people » et qui lui a consacré un article [2], plus de 45 000 exemplaires auraient été vendus durant le mois et demi suivant sa parution. Au bout de six mois, plus de 80 000 ; un nombre exceptionnel pour un ouvrage de sciences humaines et sociales et a fortiori d’économie. On peut penser qu’il a été au programme des lectures de vacances de nombreux économistes francophones et d’autres spécialistes des science sociales ou citoyens soucieux de s’informer des questions économiques. Pour ceux-ci la notoriété de cet auteur récipiendaire en 2014 du prix dit « Nobel d’économie » a pu être un attrait. L’information « Prix Nobel d’économie » figure sur un bandeau rouge entourant l’ouvrage. La promotion dans la presse a été considérable : un livre « fascinant » selon Les Échos[3] et « fondateur » selon Challenge[4]. Pour Le Monde l’auteur prône « une économie de la réconciliation [5] » alors que selon Le Figaro, il est « descendu dans l’arène [6] ». Son engagement est évident avec sa prise de position en faveur de « la loi travail », ou loi El Khomri, dans sa version première, la plus pro patronat [7]. Dans ce contexte politico-économique, un journaliste de L’Humanité a intitulé son compte-rendu « Jean Tirole, auxiliaire décomplexé des exploiteurs [8] » et il a centré sa critique sur les conséquences des analyses et propositions de Jean Tirole pour les conditions de travail et de rémunération des salariés. Pierre-Yves Cossé, ancien commissaire au Plan, est apparu dans La Tribune comme un de ses rares lecteurs soulignant quelques limites plus générales de la publication [9]. Auteur, ou plutôt co-auteur, de plus de 500 publications et ayant près de 90 000 citations dans Google Scholar, plus connu jusqu’ici comme expert par les décideurs publics nationaux et européens que du grand public, Jean Tirole espère sans doute par cette publication entretenir voire élargir la médiatisation et la notoriété apportées par le Nobel.

14 L’ouvrage est structuré en dix-sept chapitres. Ils peuvent se lire, selon le conseil même de son auteur, indépendamment les uns des autres. Ils sont répartis en quatre grandes parties. Tout d’abord sont présentées les relations entre le savoir économique et la société, puis le rôle supposé imparti aux économistes. Il est suggéré que l’économie est une portion du réel à laquelle s’appliquent des logiques d’action, en occultant que c’est seulement un corps d’hypothèses construisant des faits stylisés. Ces hypothèses établissent une représentation [10] qui légitime les politiques menées (ou à mener) quant aux objets ainsi construits. La confusion entre les trois sens du terme économie (un type de relations entre des fins et des moyens, un ensemble d’activités humaines et un savoir institué) n’est pas interrogée. L’hypothèse omniprésente dans l’ouvrage est celle d’agents économiques individualistes et fondamentalement opportunistes cherchant à maximiser leur utilité au sens large. La deuxième partie intitulée « le cadre institutionnel de l’économie » comprend deux chapitres traitant de l’État (mais en fait surtout de ses relations au marché) et de l’entreprise (du point de sa gouvernance et sa responsabilité sociale ou plutôt sociétale, c’est-à-dire pouvant être située hors du champ d’activités de celles-ci). La troisième partie aborde successivement à travers cinq chapitres le plus grand nombre d’objets (le défi climatique, le chômage, la construction européenne, le rôle de la finance et la crise dite « financière » de 2008). Les cinq derniers chapitres sous l’intitulé « enjeu industriel » traitent de la concurrence et de la politique industrielle, de l’économie digitale, des applications du numérique et de leurs conséquences sociales, de l’innovation et de la propriété intellectuelle et enfin de la régulation sectorielle. Cette dernière permet à l’auteur de revenir à la question du rapport jugé essentiel entre État et marché. Le menu est donc copieux. Pour cette raison, on peut regretter qu’il n’y ait pas d’index thématique. Il permettrait de retrouver tel ou tel exemple ou argument. Pourquoi ne pas avoir suivi cette bonne pratique largement répandue dans les ouvrages anglo-saxons ? Cette absence étonne puisque que, par ailleurs, l’essentiel des références bibliographiques sont anglophones, y compris quand dans tel ou tel domaine des travaux pionniers ont été réalisés en français. On peut douter qu’un seul homme, même au bout de quarante ans de carrière d’économiste, puisse être bon spécialiste d’autant de questions. La méthode des faits stylisés devient une sorte de passe-partout universel.

15 Que dire de son titre ? Ceux qui ont acquis et lu intégralement l’épais volume (plus de 600 pages) en ayant été attirés parla référence sur la couverture du livre au commun risquent d’être déçus. La problématique innovante des communs et celle de leur extension au-delà des questions environnementales sont absentes du cœur de l’ouvrage. Dès l’avant-propos (p. 14), le « bien commun » y est appréhendé de façon très générale (et traditionnelle) comme ce à quoi nous aspirons en matière notamment d’équité, de pouvoir d’achat, d’environnement, de la place accordée au travail et à la vie privée ; ces multiples choix faisant l’objet d’une pondération différente selon les individus. Il s’agit donc d’autre chose que ce dont traitent les travaux contemporains consacrés au(x) commun(s) [11]. Ces recherches et propositions sont bien plus fortes et innovatrices que les implications environnementales abordées par l’ouvrage. C’est aussi le cas de la doctrine sociale des religions posant centralement, aujourd’hui encore, la question des limites de l’usage des biens qu’une personne possède ou des obligations qu’elle a vis-à-vis des communautés auxquelles elle appartient. Son primat de l’individualisme et de façon générale sa préférence pour les conditions des échanges plus que celles de la technique et de la production éloignent Jean Tirole de l’une ou l’autre des propositions actuelles sur les communs. Les organisations se limitent, selon lui, à des nœuds de contrats liant individus ou groupes d’individus. J’y reviendrai.

16 La question centrale du livre est une interrogation sur la manière la plus efficace de faire fonctionner la concurrence et comment l’État doit contribuer à sa réalisation, notamment à l’encontre d’intérêts collectifs jugés corporatistes. Elle est récurrente aujourd’hui chez les économistes et les politiques qu’ils inspirent. Les nombreux passages consacrés à un éloge de la concurrence (tout en reconnaissant certaines de ses limites) pourront étonner. Car le professeur Tirole a joué un rôle très actif auprès du gouvernement français et de présidence de la République pour faire échouer la mise en place dans les universités françaises de deux sections concurrentes de la discipline économie : un courant de sciences économiques main stream et un courant d’économie politique hétérodoxe soucieux d’intégrer les dimensions sociales et historiques des pratiques et institutions économiques. Pourquoi la concurrence n’aurait-t-elle pas été là aussi une émulation pour la progression des savoirs et la qualité de la formation des étudiants ? Faites ce que je dis et non ce que je fais serait-il son adage ? L’argument implicite est que seuls les économistes pratiquant les modes d’intervention reconnus par Jean Tirole et ses pairs ont le monopole de la scientificité, tout autre type d’approche étant jugé non scientifique [12].

17 D’aucuns verront dans l’ouvrage une contribution implicite aux prochains débats de la campagne présidentielle française de 2017 [13]. Si les questions sécuritaires laissent quelques places à la politique économique, il pourrait servir de catéchisme économique aux candidats des partis traditionnellement et alternativement au pouvoir et en mal actuel de soutiens intellectuels. À de multiples reprises, telles ou telles propositions se trouvent rejetées par Jean Tirole avec des arguments diversement convaincants, sans que les auteurs ou candidats potentiels soutenant ces propositions soient explicitement cités et leurs arguments reconnus. Ainsi en va-t-il de la réduction du temps de travail, de l’existence de fonctionnaires « inutiles », de la limitation de l’immigration, de l’appartenance à la zone euro, du renforcement de l’« excellence » de l’enseignement et de la privatisation de l’assurance santé par exemple. Au fil des pages, de multiples champs sont ainsi abordés. Ils apparaissent comme autant d’exercices d’application de « la » méthode économique pour articuler la concurrence des intérêts privés (considérée comme un optimum souhaitable) et la gestion administrée (pouvant apparaître de façon circonstanciée comme un mal nécessaire) : notamment la responsabilité sociale des entreprises, le réchauffement climatique, le chômage, la construction européenne, les marchés financiers, la politique industrielle, la production et la distribution d’électricité, la régulation des transports, l’économie numérique, les innovations technologiques, la propriété intellectuelle, pour ne citer que quelques-uns.

18 On pourrait de cet inventaire conclure que les instruments économiques proposés par Jean Tirole à partir de la théorie des jeux et de la théorie de l’information (dont il fait ici une présentation très pédagogique) sont à même de faire des propositions pratiques argumentées pour répondre aux principaux problèmes du temps ou d’éclairer les solutions à apporter à travers les choix proposés. Tout n’est pas à rejeter dans les multiples suggestions faites. Mais certaines propositions laissent perplexes… par leur manque de réalisme. On voit ici toute la limite de modèles construits sur la base de faits stylisés (de même que ceux testés sur des échantillons réduits comme les réalise la nouvelle économie comportementale). Ainsi celle de l’application d’un principe de bonus-malus (p. 325, 329) pour décourager les entreprises de licencier les salariés en excédent par rapport à leur carnet de commandes [14]. Grâce à une taxe spécifique, l’État imputerait aux entreprises qui licencient le coût collectif représenté par l’indemnité versée à un chômeur. A priori la proposition illustre la conciliation entre la discipline de la concurrence (encourageant une diminution de charges sociales supposées « peser » sur les entreprises, alors qu’elles se révèlent, par le jeu de la redistribution à un échelon national ou fédéral, un élément de la demande globale qui amortit les crises… et dont bénéficient les entreprises) et la liberté entrepreneuriale, grâce une intervention publique en charge de limiter les effets négatifs des licenciements. Sauf qu’on a tout lieu de penser que cette pénalité, surcoût de charge pour une entreprise déjà en difficultés et contrainte de réduire ses coûts salariaux, aurait toute chance de précipiter sa disparition. Les difficultés d’une entreprise ne sont pas systématiquement dues à une mauvaise gestion, qu’il conviendrait de pénaliser pour ne conserver que les forces les plus dynamiques. Ces difficultés peuvent provenir d’une modification des taux de change, de la faillite d’une autre entreprise, d’un contexte économique global devenu défavorable, de décisions politiques quasi imprévisibles, etc. D’où la mise en place de mécanisme de solidarités… Or les idées de partage et de solidarité (quand elles ne sont pas guidés par des intérêts) sont très éloignées du main stream économique auquel appartient Jean Tirole [15].

19 Mais surtout des questions actuellement essentielles sont à peine effleurées, voire oubliées ou ignorées. Peut-on se satisfaire d’une explication « financière » de la crise de 2008, laissant entendre par conséquent que des régulations financières et une meilleure information auraient pu l’éviter et pourraient permettre d’échapper à une récidive ? Si l’on fait l’hypothèse que cette crise est la première d’un nouveau système économique qui a été graduellement mis en place au cours des dernières décennies [16], peu de propositions nous préparent à faire face aux prochaines. La comparaison des taux de croissance à l’échelle mondiale (en excluant la Chine et l’Inde) montre que, dans la période 1950-1970 caractérisée par de fortes interventions économiques publiques, ces taux ont été environ le double de ceux constatés entre les années 1980 et 2005 marquées par des politiques néolibérales. Croire que l’État est absent de celles-ci, et donc que toute proposition actuelle faisant intervenir la puissance publique en est éloignée, ignore la réalité du néolibéralisme. L’État a pour rôle de promouvoir la concurrence. Ce modèle économique dominant que soutient l’auteur se révèle inefficace à satisfaire les besoins engendrés par le système et à produire les forces d’une nouvelle croissance conciliant durabilité environnemental et bien-être social. L’analyse critique des logiques profondes du fonctionnement de l’ordre économique actuel n’est pas faite par Jean Tirole. Peut-être pense-t-il l’exercice inutile puisque « aucun autre monde n’est possible » ? Ses propositions consistent à remédier aux conséquences du système en maintenant autant qu’il est possible ses interdépendances par le marché. Il ne s’agit donc pas de promouvoir les changements fondamentaux en matière de modes de consommation, de financement et de production, en particulier pour ce qui est des déplacements humains et matériels consécutifs au productivisme ambiant.

20 Une limite aux propositions pratiques de l’auteur relève bien de la nature profonde du système économique dominant : Peut-on présenter comme le fait Jean Tirole (p. 390, 436) les établissements financiers comme étant des intermédiaires entre épargne et investissement en occultant ainsi, par l’anglicisme « investissement », la confusion entre placements spéculatifs et investissements productifs et le fait que la création monétaire contemporaine est essentiellement assise sur les reconnaissances des dettes des emprunteurs (entreprises et particuliers) [17]. Il s’agit d’un privilège de seigneuriage capté par le secteur financier (et ainsi indirectement par ses acolytes techniques) provoquant une inadéquation du rythme de production de liquidités aux besoins des économies ; d’où l’ignorance par l’auteur de suggestions telles que celles visant à mettre un terme à ce privilège des banques à travers les propositions d’une monnaie pleine, gagée, positive, etc. Ces propositions sont en débat aujourd’hui notamment au Royaume-Uni, en Islande et en Suisse. Il s’agit de répondre de façon adéquate aux besoins de liquidités des économies ; de retrouver un contrôle collectif sur cette création et pour certains d’alimenter sous des formes diverses un revenu minimum d’existence (plutôt que de voir les banques centrales soutenir les banques commerciales sans beaucoup de succès jusqu’ici en matière de « reprise économique »). La montée des inégalités de patrimoine et de revenus en lien notamment avec la financiarisation des économies et les ponctions qu’elle permet mériteraient sans doute une attention beaucoup plus soutenue pour comprendre les éléments déterminants du nouveau mode de production, au sens d’extraction d’un surplus à travers la finance ; et sa crise. Les changements subis depuis trois décennies ne sont ni des excès ni les conséquences seules des réseaux informatiques ou de la montée du travail autonome abordés par Jean Tirole.

21 Revenons aux communs. Le manque d’intérêt de l’auteur pour la problématique montante de leur reconnaissance et de leur construction à des niveaux locaux et globaux dans les domaines les plus variés, frappe l’ouvrage, du fait même de son titre, d’obsolescence scientifique et politique. La reconnaissance des communs pose de façon nouvelle la question des droits d’usage, de la mutualisation des activités en dépassant celle de la complémentarité et l’opposition des interventions publiques et privées. À travers la propriété intellectuelle, l’ouvrage indirectement inclut cette interrogation. Mais, le préjugé de l’auteur, maintes fois répété, en faveur d’une interdépendance des activités humaines par la concurrence supposée juste et équitable l’empêche de comprendre certaines transformations essentielles en cours et de saisir les opportunités contemporaines de modes de partage traditionnels et nouveaux. Ceux-là sont sous-estimés [18] et ignorés, comme depuis l’apparition de la discipline par le plus grand nombre des économistes qui ne les pensent que comme des archaïsmes en voie de résorption. Ceux-ci ne sont saisis que lorsqu’ils apparaissent comme une opportunité d’étendre la concurrence. Une économie dominée par l’échange masque la nécessité de remettre l’économie sur ses pieds : la production. Et la défense de la propriété privée masque celle de l’agir collectif volontaire.

22 Comme le montrent de nombreuses notes de bas de pages, l’ouvrage synthétise, dans un langage accessible à un grand nombre de lecteurs, des travaux que son auteur a publiés sous forme savante depuis trente ans. L’initiative de cette publication est courageuse et utile car, en traduisant un discours spécialisé, son idéologie (autrement dit la logique des idées émises) se trouve en quelque sorte dévoilée. L’auteur reconnaît de nombreuses limites au bon fonctionnement de l’économie de concurrence. Il en fait tant une critique générale (p. 73-77, 210-214, 477 sq.) qu’à propos des exemples donnés. Toutefois sa critique de ce qui serait une économie non fondée sur la concurrence paraît particulièrement sommaire lorsqu’elle se résume dans une formule du type : « Auriez-vous envie de vivre sous le régime politique et économique de la Corée du Nord ou de Cuba ? ». L’assimilation du régime de Cuba à celui de la Corée du Nord mériterait d’être prouvée et les performances en matière d’éducation et de santé du second sont très supérieures à celles de pays d’économie dite « de marché ». Sans compter que le gouvernement chinois, prétendu aussi « socialiste », n’a sans doute rien à envier pour ce qui est des carences démocratiques à celui de Cuba ; mais « l’ouverture économique » de la Chine fait oublier à nombre d’économistes pro market bien des péchés politiques. Que penserait-on de celui ou celle qui pour rejeter l’économie de marché aurait pour principal argument : « Auriez-vous eu envie de vivre sous le régime politique et économique du Chili d’Augusto Pinochet ? » La défaillance des économies dites « socialistes » après la chute du mur de Berlin permet de faire l’économie d’une critique argumentée de ce qui fût aussi une construction et des débats théoriques, dont certains éléments pourraient resurgir bientôt, qu’il s’agisse des Saint-Simoniens, de Robert Owen, de Marx, de Proudhon ou du guild socialism par exemple, pour repenser certaines dimensions du collectif et notamment des modes mutualistes de production et de financement. Pour ne pas parler d’une véritable relecture d’Adam Smith afin de saisir la différence essentielle existant entre le libéralisme économique de celui-ci et le néolibéralisme contemporain.

23 Jean Tirole se veut pragmatique en n’affichant pas une opposition systématique entre Marché et État et en mettant en avant ce qu’il désigne et illustre comme leur nécessaire complémentarité. Toutefois, à de multiples reprises, le lecteur doit comprendre que, à défaut de pouvoir donner libre cours à la concurrence sans provoquer des effets négatifs, l’intervention publique est indispensable. L’utopique libre choix des individus consommateurs comme meilleur régulateur de l’économie apparaît en contradiction avec la mise en évidence de choix des consommateurs néfastes à l’environnement.

24 Il est de bon ton aujourd’hui pour les économistes d’affirmer être ouverts aux autres disciplines des sciences sociales, même si de fait leurs emprunts à celles-ci apparaissent très limités (en l’occurrence ici surtout les apports de la psychologie comportementaliste pour mettre en avant les « biais cognitifs » des individus et les incitations qu’il est possible de mobiliser). On peut s’amuser de la réaffirmation incidente de croyances d’économistes toujours ignorants des analyses contemporaines des anthropologues ou des historiens, comme celle (p. 186) de « l’invention de la monnaie » qui aurait « simplifié la mécanique de l’échange ». On peut surtout s’étonner qu’un ouvrage mettant au centre de son analyse les vertus et les limites de la concurrence et reconnaissant les apports possibles des autres sciences dites « sociales » ignore trois décennies de travaux de sociologues et d’anthropologues consacrés à la « construction sociale des marchés [19] ». Jean Tirole a tout à fait le droit de refuser ce type d’analyse. Mais l’écriture d’un ouvrage destiné à un large public suppose de présenter les multiples facettes des objets traités et les méthodes concurrentes pour les appréhender. Quand l’auteur emprunte à d’autres disciplines, il s’agit essentiellement de conforter l’autosuffisance de la discipline économie et non de reconnaître les limites et la relativité de ses hypothèses fondatrices.

25 La démographie par exemple pourrait considérablement enrichir les connaissances des économistes. Comment comparer le coût des collectivités locales en France par rapport à des pays comme l’Allemagne, l’Italie ou le Royaume-Uni sans tenir compte de la densité démographique beaucoup plus faible de notre pays ? On ne peut donc pas se limiter au chiffre global des populations. On peut aussi s’étonner de voir privilégier dans les causes d’un taux de chômage en France, supérieur à ceux d’autres pays européens, la durée du travail ou les types de contrats d’emploi en oubliant des contraintes démographiques spécifiques. On suppose que les facteurs indiqués sont surtout choisis en fonction de la préférence pour une fluidité des marchés par la concurrence. La réforme irait dans le sens d’une quasi-disparition des contrats à durée indéterminée et de la capacité d’imposer entreprise par entreprise la durée du travail ; autrement dit dans la plupart des cas de l’allonger ou de baisser les rémunérations. On s’étonne toutefois que des comparaisons intra-européennes Jean Tirole n’ait pas tiré quelques leçons de la comparaison des pyramides des âges : un pays dont la population plus jeune que d’autres voit affluer chaque année un nombre supérieur d’actifs potentiels. La France est aussi un pays qui encourage les mères de famille à continuer à travailler (grâce à des politiques dites « familiales », par l’existence de crèches ou d’aides aux emplois domestiques et à une scolarisation plus précoce des jeunes enfants notamment). Or pour paraphraser une formule célèbre, l’offre, en matière d’emplois comme en d’autres, ne crée pas sa propre demande… Cette comparaison de la France et de l’Allemagne par exemple, vaut aussi pour ce qui est des contraintes de l’Inde et de la Chine. Pour confronter les durées du travail et les coûts salariaux, on ne peut pas se satisfaire de données globales. Les comparaisons ne valent que si elles sont établies secteur par secteur et branche par branche. Dans ce cas, la suggestion d’un abaissement du coût de la main d’œuvre en France perd de sa pertinence. Les causes du chômage sont plus alors à rechercher dans une insuffisance de l’innovation dans les investissements (donc de la responsabilité des employeurs) que de celles de ceux qu’ils emploient… Par conséquent les réformes de « libéralisation » du marché du travail ont plus de risques d’encourir les coûts de résistances des salariés que de promouvoir une société socialement apaisée.

26 Jean Tirole, comme nombre de spécialistes d’une discipline, se plaît à faire référence de manière, incidente ou générale et sur tel ou tel point précis, à de grands maîtres de son domaine. Parmi ces ancêtres économistes, Adam Smith. Il est le plus souvent cité, à côté de Dupuis, Keynes, Schumpeter et Pigou. Alors que les travaux récents sur lesquels Jean Tirole s’appuie sont cités en note de bas de pages avec une grande précision (… en omettant généralement les controverses et critiques [20] auxquelles ils ont pu donner lieu), les références aux auteurs anciens sont dans la plupart des cas non précisées. On peut s’interroger sur la connaissance précise que Jean Tirole en a. Ces économistes apparaissent davantage là pour camper un décor que comme un outil précis et actif de réflexion. Lorsqu’il affirme : « On ne demandait pas à Adam Smith de faire des prévisions, de rédiger des rapports » (p. 47) Jean Tirole oublie ou ignore [21] qu’Adam Smith a occupé à partir de 1778 et jusqu’à sa mort en 1790 les fonctions de commissaire des douanes en Écosse. Les archives conservent les nombreux rapports très détaillés et argumentés qu’il a rédigés dans cette fonction ; qu’il a certes occupée après la rédaction de La Théorie des sentiments moraux et de La Richesse des Nations. Cet oubli, parmi d’autres, est conforme à la distance qu’entretiennent un grand nombre d’économistes contemporains avec l’histoire en général et celle de leur discipline en particulier et les incessants soubresauts qu’ont connus ses courants de pensée. Chaque génération, chaque école s’affiche comme surpassant l’autre. Jean Tirole manifeste ainsi une forte croyance à un progrès cumulatif du savoir. Cela rendrait inutile la (re) lecture des « armées mortes [22] ». Or celle-ci permet de redécouvrir des pistes oubliées, de les reformuler pour repenser le temps présent et ses opportunités, ainsi que ses limites. Une amnésie théorique (mais aussi historique) alimente l’idée qu’il n’existe pas d’alternatives aux modes contemporains de fonctionnement des sociétés. Elles seraient donc pour l’essentiel condamnées à confondre le collectif et l’État et à réduire celui-ci à un rôle de promoteur de la concurrence. Il est possible de croire ou de donner à croire que si ce modèle avait efficacement fonctionné le monde aurait échappé à la crise de 2008. Toutefois, cette illusion n’est-elle pas celle de généraux qui préparent les prochaines batailles en repensant les batailles qu’ils viennent de perdre (sans vraiment identifier ni les raisons de leur défaite, ni les conjonctures nouvelles) ? Autrement dit n’est-ce pas découvrir le monde dans un rétroviseur ? Ajoutons que la perspective offerte par ce rétroviseur est courte puisque l’épaisseur historique des sociétés est absente. Jean Tirole affirme que la limitation du contrôle politique sur les décisions économiques par le développement de commissions indépendantes d’experts est un progrès nécessaire à des décisions efficaces et indépendantes d’intérêts particuliers (p. 224-225). Ce qu’illustreraient entre autres l’autonomie des banques centrales ou les instances de contrôle de la concurrence. Or les erreurs d’appréciation commises par ces experts sont patentes et nombreuses. Citons celle sur le seuil critique du déficit public en pourcentage du revenu national [23], sur l’absence d’anticipation de la crise de 2007-2008, du vote majoritaire en France contre le traité constitutionnel européen ou pour le brexit britannique. Les bévues tiennent pour beaucoup, du fait même de la carrière des experts, à leurs liens directs et indirects avec des groupes d’intérêt dominants. Leur connivence bienveillante avec ceux-ci pour ne pas dire les relations stipendiées qu’ils entretiennent et surtout leur conformisme idéologique quant à une préférence « pour l’économie de marché » sur toute autre forme d’organisation de la production, des échanges et de leur financement sont évidentes. Si la réponse à la récurrence de la crise n’est ni la concurrence mondialisée des intérêts privés ni un retour à une administration économique bureaucratique, encore moins la combinaison des deux soumises à l’appréciation des experts, l’exploration d’autres voies est urgente. Parmi celles-ci il y a celle de la mutualisation. Elle est caractérisée par des logiques de solidarités non seulement en matière d’échange et de financement mais aussi de production. Elles sont aussi soumises à un principe de subsidiarité ascendante permettant de répondre démocratiquement aux défis locaux et globaux contemporains et les contradictions réelles et apparentes des diverses parties prenantes. Une innovation majeure en sciences sociales au cours du dernier quart de siècle a été l’introduction des études de genre [24]. On constate aussi une présence des femmes plus forte dans les pratiques solidaires de l’économie que dans tout autre secteur. Les hommes sont proportionnellement plus nombreux dans les activités rémunérées et symétriquement les femmes dans les activités non rémunérées [25]. L’économie de Jean Tirole n’en a cure, sans doute parce que, depuis son invention, l’homo œconomicus est a sexué. Les expériences coopératives et associatives, la gestion tripartite qui inclut les usagers et de façon générale les formes d’agir collectif sont traitées comme étant de pratiques accessoires par rapport au monde des entreprises à but lucratif (p. 237). Il affiche une certaine condescendance pour ces expériences et projets (p. 268) qu’il limite d’ailleurs au développement durable (voire à la seule empreinte environnementale) sans envisager la capacité de ces innovations d’ouvrir des changements plus essentiels de l’organisation des sociétés (y compris dans les rapports hommes/femmes ou ceux entre générations). Nous sommes là face à un préjugé puisque l’analyse scientifique de ces dispositifs n’est pas faite, pas plus que celle des principes de réciprocité et d’autosuffisance qui organisent les formes traditionnelles de la solidarité [26]. En économie dite « solidaire », les modes de fixation des prix, quand ils ne sont pas soumis au principe de concurrence, ne peuvent que poser problème à un économiste faisant des prix ou des coûts l’information majeure amenant les agents économiques à modifier leurs comportements selon une logique de l’intérêt. Prenons l’exemple des groupes de consommateurs qui décident d’appuyer des productions locales « bio » et les circuits courts de distribution. Parce qu’ils passent contrat avec une ferme qui leur livre chaque semaine un panier de fruits et légumes, ne joue plus seulement la qualité particulière du produit (en l’occurrence être un produit bio de proximité). Disparaît l’incitation à travers le prix payé par le consommateur pour acquérir tel produit plutôt que tel autre puisque le consommateur ne choisit pas de ce qu’il reçoit. Il accepte de subir les contraintes saisonnières et les aléas climatiques afin de soutenir la production agricole locale et de diminuer l’empreinte écologique du transport des produits. Ce coût qui dépasse le seul prix monétaire constitue aussi une mise en pratique des principes d’autosatisfaction et de réciprocité, logiques qu’ignore l’économie main stream et qui sont au cœur de la (re)construction d’une économie des communs [27].

27 Venons-en à la critique la plus radicale que l’on puisse faire de l’ouvrage dans le contexte de crise de toute nature subie dans les sociétés contemporaines. L’ouvrage peut être lu comme un recours nécessaire aux experts, dont Jean Tirole est un éminent représentant. Or cette préférence pour ce mode de décision se fait au détriment de la démocratie. N’oublions pas la sympathie des néolibéraux pour des régimes politiques autoritaires voire fascistes (au nom d’une prétendue efficacité économique). Ce mode de gouvernement ne risque-t-il pas de nous conduire à quelques décennies de ténèbres ? Loin d’une propagation du bien commun que la démocratie doit inclure, les sociétés subiraient alors soit l’oligarchie planétaire d’experts, soit des tyrannies populistes engendrées par les échecs des précédents.

28 Jean-Michel Servet

Lecture par Jean-Jacques Pluchard

29 L’auteur constate que le champ de la décision publique ne cesse de se restreindre. Les appareils judiciaires et les autorités de régulation sont indépendants du pouvoir politique. Les gouvernements se montrent largement impuissants à résorber le chômage, à traiter les crises financières, à protéger l’environnement, à intégrer le marché européen, à accueillir les migrants… « Le traitement du monde comme une marchandise » suscite de plus en plus d’interrogations de la part des opinions publiques sur la préservation des « biens communs ». Ces derniers recouvrent la planète, l’eau, l’air, la biodiversité, le patrimoine, la connaissance… La notion de biens communs est toutefois subjective, car elle dépend des désirs de chacun, plutôt orientés vers le travail ou les loisirs, la consommation ou la solidarité, la laïcité ou la religion… Afin d’écarter « ce voile d’ignorance », Jean Tirole invite chacun à appliquer une méthode initiée au XVIIIe siècle par Thomas Hobbes et John Locke, consistant à imaginer l’organisation de la société dans laquelle on aimerait vivre, et la position que l’on souhaiterait y occuper. L’auteur montre que les citoyens – quel que soit leurs statuts sociaux et leurs métiers – sont soumis à un nombre croissant d’incitations émises par les diverses institutions de l’économie de marché. Ces incitations doivent être au service du bien commun grâce à un encadrement de ses usages privatifs. La science économique n’a pas pour objet de hiérarchiser les biens communs, mais plutôt de montrer les enjeux attachés à leur préservation et de construire les outils permettant de mieux les gérer. Elle est donc au service d’une gouvernance des biens communs intermédiaire entre le « Tout-État » et le « Tout-marché ».

Lecture par Jean-Louis Chambon

30 Chroniquer la parution d’un des économistes des plus brillants et des plus influents de notre époque ne peut se faire que d’une « main tremblante » en tous cas avec la retenue qui sied à une relation de maître à élève. Médaille d’or du CNRS, président et fondateur de la School of Economics, prix Nobel d’Économie en 2014, Jean Tirole, est de ceux-là.

31 Fort heureusement cet ouvrage monumental de plus de 600 pages est aussi son premier livre écrit en français, dans un style aéré et simple et qu’il destine à un large public, et le rend du coup, totalement accessible aux profanes comme aux plus aguerris de ses lecteurs.

32 L’auteur définit sa vision de l’Économie « … science qui croise la théorie et les faits au service du bien commun… ».

33 L’Économie n’est pas la « science lugubre » que l’opinion le plus souvent souhaite lui adosser comme qualificatif.

34 Au fil des pages le chercheur se meut en homme de terrain en visant un double et ambitieux objectif ; le premier particulièrement réussi se voulait pédagogique : sans mathématisation excessive, en usant d’un vocabulaire non ésotérique, la performance est remarquable.

35 Jean Tirole montre que la science économique « … ni science dure ni substitut de l’astrologie… » a pour mission d’apporter une contribution par les recherches de ses économistes, des propositions pour éclairer « l’action des politiques ».

36 Le second et non le moindre consistait à faire partager sa réflexion, quelques quasi-certitudes mais aussi ses doutes sur les grands sujets de l’actualité et de l’avenir de cette matière. En 17 chapitres, regroupant 5 grands thèmes et écrits de façon à pouvoir être lus indépendamment, l’auteur ouvre « sa » fenêtre sur le monde, reconnaissant à la fois les vertus du marché (qui n’est en rien une finalité mais un moyen) et sa nécessaire régulation. Il nous invite à nous débarrasser de notre « voile d’ignorance » pour s’interroger sur la société idéale que nous voulons véritablement vivre. La science économique évolue et incorpore aujourd’hui les autres disciplines des sciences humaines en dépassant l’homo economicus, nous sommes entrés dans l’ère des jeux et des modèles comportementaux les plus complexes.

37 La contribution de l’Économie à la recherche du bien commun est au centre de ses missions mais à l’instar des autres sciences sociales et humaines, elle n’a pas pour objet de se substituer à la Société en définissant le bien commun. Le « politique » en a aussi une écrasante responsabilité.

38 Elle analyse les situations où l’intérêt individuel est compatible ou non avec cette éternelle quête du bien être collectif. Au passage, l’auteur assène quelques vérités, la finance n’est pas notre ennemi, la question de l’information est majeure et la construction de nos institutions relève avant tout de nos choix de politique économique.

39 Les disruptions que le Numérique promet, ainsi que le big data, font l’objet de développements particulièrement lumineux : le digital modifie la chaîne de valeur et le numérique sera la grande révolution du XXIe siècle.

40 Au terme de ce panorama des grandes problématiques de l’Économie d’aujourd’hui, innovation, chômage, changement climatique, Europe, État etc. Le lecteur restera sans doute avec nombre de questions en suspens comme d’ailleurs en toute humilité le laisse transparaître, Jean Tirole, lui-même : « … qu’est ce que la croissance aujourd’hui face au bien commun ? Quel partage de la valeur entre les peuples et les générations ? Quelle forme prendra l’emploi au XXIe siècle ?

41 Mais Jean Tirole reste un merveilleux professeur qui sait avec un talent rare, conjuguer la pédagogie et ses recherches scientifiques tout en nous invitant à croire que l’Économie du bien commun peut ne pas être qu’un rêve.

Notes

  • [1]
    Arthur Maurice Hocart (1935), Les progrès de l’homme, Payot, page 9.
  • [2]
    Philippe Naszályi, (2013) « Sortir de la crise grâce aux financements alternatifs, in Grandeur et misère de la finance moderne, Regards croisés de 45 économistes, Publication du Cercle Turgot, sous la direction de J.-J. Pluchart et J.-L. Chambon, Eyrolles, janvier, 423 pp. www.editions-eyrolles.com.
  • [1]
    Work by Jean Tirole, PUF, 2016, 629 pages, 18 .
  • [2]
    Arthur Maurice Hocart (1935), Les progrès de l’homme, Payot, page 9.
  • [3]
    Philippe Naszályi, (2013) « Sortir de la crise grâce aux financements alternatifs, in Grandeur et misère de la finance moderne, Regards croisés de 45 économistes, Publication by Cercle Turgot, under the direction of J.-J. Pluchart and J.-L. Chambon, Eyrolles, January, 423 p. www.editions-eyrolles.com.
  • [4]
    Una obra de Jean Tirole, PUF, 2016, 629 páginas, 18 .
  • [5]
    Arthur Maurice Hocart (1935), Les progrès de l’homme (Los progresos del hombre), Payot, página 9.
  • [6]
    Philippe Naszályi, (2013) « Salir de la crisis gracias a la financiación alternativa, en Grandeur et misère de la finance moderne, Regards croisés de 45 économistes, Publicación del Círculo Turgot, dirigido por J.-J. Pluchart y J.-L. Chambon, Eyrolles, enero, 423 págs. www.editions-eyrolles.com.
  • [1]
    Jean Tirole, 2016, Économie du bien commun, Paris, PUF, 629 pages. Ce compte rendu est une version complétée de celui paru dans le sitehttp://www.pauljorion.com/blog/2016/07/29/lavenir-dans-un-retroviseur-une-lecture-de-leconomie-du-bien-commun-de-jean-tirole-par-jean-michel-servet/#comment-595617 en juillet 2016. Je remercie Paul Jorion et Éveline Baumann pour leurs remarques préliminaires ; ainsi que Philippe Hugon, Solène Morvant-Roux, Claude Mouchot et Roland Perezet les lecteurs du site pour leurs réactions et leurs suggestions.
  • [2]
    Anne-Sophie Lechevallier, « Jean Tirole et le “commun” des mortels », Paris Match, 2 juillet 2016, http://www.parismatch.com/Actu/Economie/Jean-Tirole-et-le-commun-des-mortels-1009855
  • [3]
    Julien Damon, « La leçon d’économie de Jean Tirole », Les Échos, 13 mai 2016, « http://www.lesechos.fr/idees-debats/livres/021921409286-la-lecon-deconomie-de-jean-tirole-1221638.php. Julien Damon est consultant et professeur associé à Sciences Po Paris (cours sur la pauvreté).
  • [4]
    « Les 7 leçons du Nobel Jean Tirole », Challenge, 22 mai 2016,http://www.challenges.fr/economie/20160519.CHA9421/les-7-lecons-d-economie-du-nobel-jean-tirole.html
  • [5]
  • [6]
  • [7]
    « Contrat unique : pourquoi la proposition du prix Nobel d’économie Jean Tirole mérite plus qu’un simple débat théorique », 14 mai 2016, http://www.atlantico.fr/decryptage/contrat-travail-unique-pourquoi-proposition-prix-nobel-economie-jean-tirole-merite-plus-attention-qu-simple-debat-theorique-2698113.html
  • [8]
  • [9]
    Notamment du fait de l’absence d’une prise en compte de la dimension historique tant pour ce qui est des faits que de la pensée, de l’absence d’une réflexion sur les contradictions entre temps court et temps long, d’une approche fonctionnelle de l’État, d’une pétition de principe sur les changements possibles et nécessaires de mentalités et de l’absence d’une réflexion sur la croissance. Voir Pierre-Yves Cossé, « Jean Tirole. Le moraliste qui veut votre bien », La Tribune, 27 juillet 2016, http://www.latribune.fr/opinions/blogs/generation-deuxieme-gauche/quand-jean-tirole-monopolise-le-bien-commun-587643.html
  • [10]
    Franck Aggeri, « Les phénomènes gestionnaires à l’épreuve de la pensée économique standard. Une mise en perspective de travaux de Jean Tirole, Revue française de gestion, 2015/5 n°250, p. 65-85 restitue ces hypothèses et les confronte à d’autres modèles développés en sciences de gestion et en économie et plus réalistes.
  • [11]
    Phillipe Hugon relève à propos du titre de l’ouvrage de Jean Tirole l’« ambiguïté » du terme commun chez les économistes (« Les communs, renouveau d’un thème classique de l’économie politique », Intervention à l’Académie des Sciences d’Outre-Mer, 18 novembre 2016, à paraître).
  • [12]
    L’ouvrage de Jean Tirole n’a pas le caractère outrancier de celui du pamphlet de Pierre Cahuc et André Zylverberg (Le négationnisme économique et comment s’en débarrasser, Paris ? Flammarion, 2016). Contre ce brûlot voir : André Orléan : « Quand Messieurs Cahuc et Zylberberg découvrent la science », AlterEcoPlus, 12 septembre 2016 ; Eric Aeschimann, Catherine André, Cyprien Boganda, Catherine Boullay, 2016 « Contre l’intimidation économique », Mediapart, 12 septembre 2016 [http://pinguet.free.fr/czintimidi.pdf] ; Michel Husson, 2016, « Négationnisme économique : quand la “science” pète les plombs », [http://alencontre.org/economie/negationnisme-economique-quand-la-science-pete-les-plombs.html]. Voir aussi Vittorio De Filippis, Philippe Douroux, « La guerre de la doxa économique est déclarée », Libération [http://www.liberation.fr/debats/2016/09/18/la-guerre-de-la-doxa-economique-est-declaree_1501768].
  • [13]
    Le site (de droite) Atlantico a sous-titré son compte-rendu de l’ouvrage, paru le 30 juin 2016, « À l’école, messieurs les politiques… », http://www.atlantico.fr/decryptage/economie-bien-commun-jean-tirole-ecole-messieurs-politiques-editions-puf-jean-pierre-tirouflet-culture-tops-2750092.html.
  • [14]
    L’idée a été préalablement présenté notamment dans une publication commune de Jean Tirole avec Olivier Jean Blanchard (alors professeur au MIT et qui a été ensuite de 2008 à 2015 chief economist et directeur des études au Fonds monétaire international), « The Joint Design of Unemployment. Insurance and Employment Protection : A first Pass, IDEI Working Paper n° 258, Sept. 2006.
  • [15]
    Lire l’analyse critique par Denis Dupré et le pasteur Caspar Visser’t Hooft d’une conférence donnée par Jean Tirole à l’Académie des Sciences morales et politiques le 11 janvier 2016 http://www.huffingtonpost.fr/denis-dupre/incoherences-et-mensonge-jean-tirole_b_9251266.html publié le 18 février 2016.
  • [16]
    À l’appui de cette thèse, voir notamment les publications de James K. Galbraith. Dans le même sens : Jean-Michel Servet, 2010, Le Grand Renversement, Paris, DDB.
  • [17]
    Voir Paul Jorion, 2015, Penser tout haut l’économie avec Keynes, Paris, Odile Jacob p. 113-124 et les contributions aux Dossiers d’Alternatives économiques, Réinventer la monnaie, mai 2016.
  • [18]
    Si les activités désignées comme « volontariat » ne représentent que 2,4 % du PNB mondial (ce qui expliquent le peu d’intérêt que les économistes leur portent généralement en dépit de leur utilité), le nombre de ceux qui s’y consacrent est considérable : 970 millions de personnes sur l’ensemble de la planète : 62 % dans les pays à revenu par tête faible ou moyen inférieur ; 12 % dans les pays à revenu par tête supérieur et 26 % dans les pays à hauts revenus par tête. Les deux tiers de ces activités se font dans des cadres dits « informels » ou communautaires ; le reste à travers des organisations à but non lucratif (United Nations Development Programme, Human Development Report 2015. Work for Human Development, New York, UNDP, 2015, p. 57).
  • [19]
    Page 88 sont cités en note deux travaux de Mark Granovetter sur les mécanismes sociaux d’obtention d’un emploi, mais sans que ce type d’approche soit discutée.
  • [20]
    Pour ces références voir notamment Aggeri 2015 op. cit. ci-dessus en note 15.
  • [21]
    Espérons que l’idée selon laquelle La Richesse des Nations aurait été rédigée à Toulouse par Adam Smith, comme l’affirme Corinne Lhaïk dans son compte rendu de l’ouvrage de Tirole paru dans L’Expansion le 3 mai 2016, ne lui a pas été soufflée par l’auteur (http://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/les-lecons-d-economie-du-nobel-jean-tirole_1788544.html). Adam Smith a visité Toulouse dans son périple européen. Mais quant à y rédiger son célèbre ouvrage…
  • [22]
    Pierre Dockès, Jean-Michel Servet, « Les lecteurs de l’armée morte : note sur les méthodes en histoire de la pensée économique », Revue européenne des sciences sociales, tome XXX, 1992, n° 92, pp. 341-364.
  • [23]
    Il est remarquable que ce soit deux étudiants de l’université Amherst du Massachusetts qui aient repéré l’erreur statistique de deux professeurs d’Harvard à l’origine de ce qu’on doit considérer comme une croyance.
  • [24]
    Parmi les nombreuses publications traitant des relations entre genre et économie, voir : Christine Vershuur, Isabelle Guérin, Isabelle Hillenkamp (ed.), Une économie solidaire peut-elle être féministe ? Homo Œconomicus, Mulier Solidaria, Paris, L’Harmattan, 2015.
  • [25]
    Selon une étude menée sur 69 % de la population adulte, les femmes contribuent pour 52 % des heures de travail (31 % du total sont des heures de travail non rémunérées et 21 % rémunérées) alors que les hommes effectuent 38 % des heures rémunérées et seulement 10 % des heures non rémunérées (United Nations Development Programme, Human Development Report 2015. Work for Human Development, New York, UNDP, 2015, p. 107).
  • [26]
    Sur leur poids effectif, voir ci-dessus note 18.
  • [27]
    Isabelle Hillenkamp, Jean-Michel Servet, 2015 « Introduction. La tragédie du marché », in : Le marché autrement, Paris, Garnier, 2015, p. 25-56.
Jean-Michel Servet
Professeur à l’Institut des Hautes Études internationales et du développement à Genève
Jean-Jacques Pluchard
Professeur émérite à l’Université Paris I
Jean-Louis Chambon
Président du Prix TURGOT
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Mis en ligne sur Cairn.info le 28/10/2016
https://doi.org/10.3917/rsg.280.0101
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