Article
Avant de s’apercevoir, tout à coup, qu’une lourde épée pendait au-dessus de sa tête, Damoclès n’était préoccupé que de lui-même et de l’ordonnance du banquet qu’il présidait. L’idée qu’un quelconque danger pouvait le menacer ne l’effleurait pas. Il fallut, pour qu’il en prenne conscience, cette épée prête de tomber sur lui à chaque instant. Alors pourquoi ne pas imaginer que… passé le premier moment de stupeur – ayant reconnu le péril et l’ayant évalué en fonction du poids apparent de l’arme et de la résistance du fil – Damoclès reprit son repas interrompu et, oubliant dans la chaleur du festin l’état d’insécurité relative dans lequel il se trouvait, retrouva, peu à peu, une quiétude satisfaite.
L’attitude actuelle devant l’espionnage – ce vieux problème des hommes – n’est guère différente. L’espionnage existe, c’est évident. Il est partout : dans le roman, à la télévision, en gros titres dans les journaux et même en orbite dans le cosmos. Mais ses manifestations semblent toujours plus ou moins noyées de brume – à mi-chemin entre le réel et l’irréel.
Il faut beaucoup d’imagination pour matérialiser une action clandestine qui se développe normalement dans l’abstrait d’une « intention coupable » ou d’une « intelligence de nature à nuire » aux intérêts essentiels (politiques, militaires, économiques, etc.) d’une nation. À la plupart, il ne suffit pas d’expliquer que le danger existe – qu’il préexiste à ses effets visibles – il faut surtout lui donner forme, le représenter… par un homme, une technique… un « gadget »…
Auteur
html et pdf (par article) Ajouter au panier
- Mis en ligne sur Cairn.info le 12/07/2021
- https://doi.org/10.3917/rdna.842.0123
Veuillez patienter...