En juillet 2017, peu de temps après son élection, le président de la République Emmanuel Macron avait demandé à Arnaud Danjean, député européen, assisté de quelques experts (dont j’étais), de lui livrer une « revue stratégique », sorte de Livre blanc en version rapide et abrégée, d’ici au 1er octobre suivant. Ces délais très courts s’inscrivaient dans un calendrier serré : notre rapport devait en effet éclairer l’élaboration du premier budget du quinquennat et inspirer la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025, dont le projet devait être rendu public en février 2018.
Mais cette formule, contrainte par le temps, ne serait plus suffisante si l’exercice devait être renouvelé.
Les délais qui nous étaient impartis n’avaient pas permis de mobiliser toutes les ressources des cercles de réflexion, et encore moins de susciter un débat au sein de la classe politique (au demeurant peu portée, dans son ensemble, aux visions de long terme).
Toutefois, cet exercice – mais ceci était également vrai pour les Livres blancs qui l’avaient précédé – était entaché par une confusion entre la définition du besoin et la recherche de moyens. Les consommateurs du budget de la défense étaient membres de droit de notre commission, ce qui les plaçait en position de juges et parties. Les forces armées et les trois armes étaient représentées ès qualités dans notre comité, de même que les industries de défense. L’inconvénient de ce type de composition est de biaiser l’expression des besoins par la recherche d’un équilibre entre les demandes de ces parties prenantes, et en particulier celles de chacune des trois armes (en simplifiant : plus de chars, plus d’avions et plus de bateaux), en faisant passer au second plan une analyse de la menace sous toutes ses formes et une appréciation objective des besoins générés par l’évolution des technologies et les objectifs de notre politique extérieure…