CAIRN.INFO : Matières à réflexion
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1 Sujet actuel et sensible s’il en est, la question de la nébuleuse djihadiste Boko Haram est aujourd’hui une préoccupation d’importance pour le monde entier, mais surtout pour les pays voisins du Nigeria, pays d’origine du mouvement terroriste, sur lesquels il est susceptible de s’étendre. Le Cameroun en est un, et c’est donc avec un intérêt certain que l’on ouvre le travail de Léon Koungou, enseignant chercheur, spécialiste des relations internationales et stratégiques, et des politiques de sécurité en Afrique subsaharienne, qui promet de nous livrer les clefs de la défense contre ce fléau.

2 Une fois fait fi des redites présentes dans l’ouvrage (des paragraphes étant reproduits plusieurs fois à quelques pages d’intervalle) on peut se pencher sur le fond ; et il semble rapidement que l’auteur ne traitera que superficiellement de Boko Haram, pourtant mis en valeur sur la couverture. En fait, Léon Koungou dépeint un portrait général des questions de défense et de sécurité au Cameroun, dans un contexte de menaces nombreuses et diverses (parmi lesquelles reviendront souvent la piraterie ou le grand banditisme). La justification d’une vision holistique de la question ne convaincrait que si de réels liens étaient faits au long de la démonstration, or Boko Haram est le plus souvent cité en exemple parmi d’autres, quand il apparaît.

3 S’il ne traite pas réellement du sujet qu’il énonce, il n’en reste pas moins que le livre expose des informations et une analyse intéressante des menaces et choix auxquels doit faire face le Cameroun, concernant sa stratégie sécuritaire. Le chapitre consacré au renseignement camerounais est ainsi riche d’enseignements, tout comme la question de la stratégie de défense à adopter, qui sous-tend l’ensemble du texte : sous l’égide d’une Union africaine relativement apathique et de difficultés à construire une réelle coopération sous-régionale, quelles solutions pour maintenir la paix et la sécurité ? L’auteur développe un « changement de stratégie » du Cameroun, d’une « armée des habitudes de défense » à une « armée des besoins et sécurité », ce qui nécessite une refonte du système, passant par des notions clefs comme la professionnalisation, le rajeunissement, l’équipement, la coopération, l’anticipation, la réactivité ou la transversalité.

4 Ainsi, si l’ouvrage s’était simplement intitulé Le Cameroun à l’épreuve des menaces, l’on ne sentirait certainement pas la même frustration à la lecture. D’ailleurs la présentation de la société camerounaise, ou même des sociétés puisque c’est ce qu’il ressort de la lecture, permet de mettre en perspective les difficultés de l’État.

5 C’est en réalité dans la conclusion que l’on trouve les aspects les plus intimement liés à la lutte contre Boko Haram (qui est néanmoins parfaitement présenté dans l’introduction et le début de la partie I : « Penser la sécurité sous Boko Haram »), auquel le Cameroun, par l’intermédiaire de son Président a officiellement déclaré « la guerre », comme le rappelle fort à propos Léron Koungou. Un des aspects les plus intéressants est l’analyse de la balance qui doit être faite entre une trop grande répression et un trop grand laisser faire, trop ou trop peu de mesures sécuritaires entraînant le même écueil : la panique dans la population, et donc la victoire des terroristes. Cependant, ces questions sont regrettablement peu développées.

6 On appréciera un style qui s’éloigne rapidement de la trop grande théorisation qui caractérise certains universitaires, et une analyse somme toute teintée de realpolitik qui donne un écho plus important aux recommandations faites par l’auteur. Sa vision sur les aides apportées de l’étranger et notamment de la France est empreinte de réalisme froid, même s’il est clair qu’il a lui-même une relation particulière avec elle.

7 La conclusion qui s’impose est que, malgré un titre un peu racoleur, l’ouvrage donne des outils pour la gestion des menaces au Cameroun et dans sa région : la réponse est autant, si ce n’est plus, politique que militaire (l’auteur considère que le tout militaire ne fait que repousser dans le temps le problème) et passe notamment par le développement, une répartition plus équitable des richesses, un dialogue national apaisé et une gouvernance démocratique. On ne peut qu’être d’accord avec cela.

Paul Bouteiller
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 17/02/2020
https://doi.org/10.3917/rdna.783.0130
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