CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1L’adverbe grec ????? (ou ??????, avec un ? éphelcystique) « de côté, à part, loin (de), à l’écart (de), excepté », également utilisé comme préposition, est essentiellement attesté dans la poésie épique et lyrique (Homère, Hésiode, Théognis, Simonide, Ibycus, Bacchylide, etc.) [2]. Ce mot a longtemps résisté à toute tentative d’étymologie : P. Chantraine (DÉLG2, p. 729), après avoir souligné que l’élément -?? avait des chances d’être la désinence d’instrumental qui est bien attestée en mycénien et dans la langue homérique, remarquait : « il n’y a pas d’étymologie » ; de même, Hj. Frisk (GEW, II, p. 324 : « ohne überzeugende Etymologie ») énumérait différentes hypothèses étymologiques qui ont pu être proposées, mais considérait que rien de concluant n’avait été trouvé jusqu’ici. Tout récemment, le dictionnaire étymologique de R.S.P. Beekes arrive à la même conclusion (EDG, II, p. 1024-1025 : « no etymology »).

2Une solution d’importance a néanmoins été proposée il y a quelques années par J.-V. Vernhes (2002) et R. Stefanelli (2004) : indépendamment l’un de l’autre, et par des moyens différents, ces deux auteurs sont arrivés à la conclusion que l’adverbe grec ????? devait être rattaché à la racine indo-européenne *nes- (LIV2, p. 454-455), dont sont issues des formes grecques comme ???µ?? « revenir sain et sauf » et ?????? « bon retour ». R. Stefanelli, à travers une étude lexicale développée des occurrences homériques de ?????, aboutit à l’idée que le sens premier de ce terme, qui serait l’instrumental figé d’un ancien nom-racine, serait purement local, et tiré de l’idée de retour que l’on trouve dans le verbe ???µ?? : ????? signifierait originellement « sur le chemin du retour », d’où, secondairement, « en arrière ». Plus précisément, le nom-racine ainsi reconstruit dénoterait le moment initial du retour, la mise en mouvement qui prélude au retour, et non pas le retour effectif, le retour accompli. Selon J.-V. Vernhes, en revanche, c’est l’idée de salut dénotée par la racine *nes- qui serait essentielle pour comprendre ????? : ce terme aurait signifié d’abord « en lieu sûr » (avec un sens locatif de -??), d’où, secondairement, « à l’écart ». Son hypothèse, contrairement à celle de R. Stefanelli, ne prend pas appui sur les données fournies par les textes. Présentée dans une perspective plus théorique, elle est étayée par l’idée d’une matrice métaphorique qui unit la notion de « sauver » et celle de « mettre à l’écart, éloigner » : en français, il s’est sauvé peut signifier il est parti ; de même, la préposition sauf, qui provient de l’adjectif sauf et dénotait donc, à l’origine, l’idée de salut (cf. Tout est perdu, sauf l’honneur, c’est-à-dire « l’honneur étant sauf »), a fini par prendre le sens de « excepté », indépendamment de son sens premier (cf. Ils ont tous été sauvés, sauf lui). Comme cette préposition sauf, ?????, selon J.-V. Vernhes, aurait perdu son sens ancien pour passer à celui de « à l’écart ».

3L’objet du présent article est de montrer que, d’un point de vue sémantique, l’hypothèse suggérée par J.-V. Vernhes doit être la meilleure. Nous recourrons, pour ce faire, à une méthode différente de celle de cet auteur, en nous intéressant tout particulièrement aux conclusions que l’on peut tirer de l’examen des textes les plus anciens. Nous procéderons tout d’abord à une étude des emplois de ????? dans l’épopée ancienne, afin de voir dans quelle mesure l’idée de salut y apparaît liée à ce terme. Sur la base de cet examen, nous reprendrons ensuite le dossier étymologique de ????? : après un rappel des hypothèses antérieures, nous chercherons à préciser l’analyse formelle de cet adverbe comme un terme issu de la racine *nes-, ainsi qu’à mettre en évidence les liens phraséologiques qui pouvaient l’unir à d’autres mots provenant de cette même racine, en rapport avec l’idée de salut.

1 – Étude lexicale

1.1 – Les emplois de ????? dans les poèmes homériques et hésiodiques

1.1.1 – Dans l’Iliade

4L’adverbe et préposition ?????, dans l’Iliade (31 occurrences), est très souvent employé dans un contexte spécifique. Théoriquement, un mot signifiant « loin (de), à l’écart (de) », peut se rencontrer dans trois types de situations : il peut marquer l’éloignement par rapport à une réalité conçue comme bonne, profitable, ou bien par rapport à une réalité néfaste, cruelle, ou encore par rapport à une réalité de valeur neutre. Or, il apparaît que ????? se rencontre majoritairement dans des contextes où l’éloignement se fait par rapport à une réalité dangereuse, ou pénible. Il est très rare, en revanche, que cet éloignement implique une séparation par rapport à une réalité connotée positivement.

1.1.1.1 – ????? et la sécurité loin de la bataille ou de la mort (11 occurrences)

5Dans le contexte guerrier de l’Iliade, il s’agit fréquemment d’un éloignement de la bataille, ou de la mort. Celui-ci est souvent présenté comme bénéfique ; mais il peut aussi, quelquefois, apparaître comme un signe de lâcheté (par exemple en Z 443).

6?????, accompagné ou non de ??? [3], introduit plusieurs fois un complément au génitif désignant la bataille ou la mort. On a par exemple un syntagme # ?????? ??? ???????? // « loin du tumulte » en E 322 (le fils de Capanée retient ses chevaux à l’écart du combat) et en K 416 (Hector est occupé à consulter loin de la bataille). Certes, il n’y a pas d’insistance, dans ces passages, sur l’idée de la sécurité que l’on connaît loin du combat. Mais l’emploi du substantif ????????, indépendamment de sa structure métrique qui permettait de l’utiliser après ?????? ???, n’est sans doute pas anodin. En effet, dans un autre passage, ce nom désigne le combat comme ce dont on sauve quelqu’un : ?? ????????? ?????µ?? ?????? ??????? # (E 469) « sauvons du tumulte notre brave compagnon ». La confrontation de E 322 et K 416 avec E 469 peut donc suggérer que ?????? était associé à l’idée de salut (dénotée, en E 469, par ?????µ??) [4].

7D’une manière analogue, en Z 443, on trouve un syntagme ?????? […] ????µ??? « loin de la bataille ». Le fait de se trouver en sécurité loin de la bataille est présenté, dans ce passage, comme une manifestation de lâcheté (?? ?? ????? ?? ?????? ???????? ????µ??? « si je fuis, comme un misérable, loin de la bataille »). En outre, en ? 464-465, c’est le génitif ???????? qui est régi par ????? : ?? ??? µ?? ???????? ???????? ??? ?????µ?? # ?????? ????????? « aussi vrai que j’aimerais pouvoir le dérober à la mort douloureuse ».

8Dans deux passages, il est question d’un guerrier blessé qui va trouver le repos loin du combat : il s’agit d’Agamemnon en ? 284 (// ????? ?????? #), et d’Hector en ? 440 (// ????? ?????? #) ; ????? est repris au chant suivant (O 244) pour parler du même Hector, encore assis loin des autres qui sont au combat (// ?????? ??? ????? #).

9Dans deux autres passages, une comparaison est faite avec un lion qui, chassé par les javelots, les mains intrépides et les torches enflammées de paysans dont il cherche à dévorer les bœufs, s’éloigne à l’aube de ce champ de bataille (? 555 = P 664 : ????????? ???).

10Enfin, dans deux passages, il y a toujours l’idée d’une sécurité loin de la guerre ou de la mort ; mais, contrairement aux passages précédents, cette sécurité ne concerne pas directement celui qui se trouve dans l’état décrit par ?????. En O 548, il est question de Mélanippos, qui, avant la guerre de Troie, faisait paître ses bœufs à Percote, car l’ennemi était encore loin (?????????) ; autrement dit, la sécurité régnait loin de la guerre. Et, en ? 583, Achille emmène à l’écart (??????) le corps d’Hector, avant l’arrivée de Priam : c’est que, si Priam le voyait, il pourrait se mettre en colère, et Achille risquerait de le tuer (? 583-586) ; autrement dit, mettre à l’écart le corps d’Hector implique d’éloigner également le meurtre de Priam par Achille.

1.1.1.2 – ????? et la sécurité au sein même de la bataille (3 occurrences)

11Dans trois autres passages se produit une sorte de renversement par rapport à ce type d’occurrences : ce n’est plus celui qui est hors du combat qui se trouve être ?????, mais des guerriers eux-mêmes, sur le champ de bataille.

12En P 377-383, il est question de guerriers, Thrasymède et Antiloque, qui accomplissent leur aristeia en combattant à part (P 382 : # ?????? ?µ????????). Or, tandis que les autres guerriers combattent autour du corps de Patrocle, il se trouve justement que l’endroit où ces deux héros se tiennent se situe dans un espace comme extérieur à la lutte la plus douloureuse : ils ignorent encore la mort de Patrocle, et ne songent qu’à défendre les leurs. Par là même, tout se passe comme s’ils étaient, pour ainsi dire, en sécurité au sein même de la bataille. Cet épisode peut être mis en relation avec plusieurs passages de l’Iliade : notamment, en N 673-678, Hector poursuit victorieusement la lutte, sans savoir que ses hommes, à gauche des vaisseaux, se font massacrer par les Achéens ; comme Thrasymède et Antiloque au chant P, il est en dehors de l’endroit où la lutte est la plus rude. D’une manière analogue, Arès, en N 521-525, se trouve sur l’Olympe, ignorant de la mort de son fils au combat. Il est intéressant de constater que les dieux, avec lesquels il est retenu par Zeus, sont qualifiés de ?????µ???? ????µ??? (N 525) « écartés du combat » : d’une manière similaire, en P 377-383 et N 673-678, Thrasymède, Antiloque et Hector se trouvent, au sein même du combat, comme écartés de celui-ci, autrement dit dans une forme de sécurité [5].

13En ? 135, Achille émet une menace contre les Troyens, afin de venger la mort des Achéens qu’ils ont tués loin de lui (# ??? […] ???????? ?????? ?µ??? # « que vous avez tués loin de moi »). Il semble donc que le fait d’être ????? implique ici une forme de sécurité, comme dans les passages où la sûreté vient du fait d’être en dehors de la bataille : les Troyens se trouvaient comme en sécurité au sein même du combat, et pouvaient tuer leurs ennemis facilement, dès lors qu’ils étaient éloignés d’Achille, resté sous sa tente.

14Cette remarque est confortée par un autre passage, où Achille déclare à Hector qu’il avait tort de se croire tranquille lorsqu’il dépouillait Patrocle (X 331-332) : ?????, ???? ??? ???? ????????? ?????????? # ??? ???????, ?µ? ?? ????? ?????? ?????? ????? « Hector, tu croyais peut-être, quand tu dépouillais Patrocle, qu’il ne t’en coûterait rien ; tu n’avais cure de moi ; j’étais si loin ! » (trad. Mazon). Dans ce passage, le rapprochement de ?????? et de ??? « sain et sauf » est notable : il n’est pas sans rappeler la comparaison que nous avons faite plus haut entre # ?????? ??? ???????? // (E 322, K 416) et ?? ????????? ?????µ?? (E 469). Toutefois, une nuance doit être apportée à cette remarque : celui qui est présenté comme ??? (Hector) n’est pas le même que celui qui se trouve ????? (Achille) ; de ce point de vue, ce passage fait plutôt penser à O 548, où il est dit de Mélanippos qu’il vivait paisiblement tant que l’ennemi était loin (?????????) [6].

15Ainsi, le fait d’être ????? semble impliquer la sécurité, que l’on se trouve loin du champ de bataille ou même, quelquefois, à l’intérieur du combat.

1.1.1.3 – ????? et la tranquillité (8 occurrences)

16À travers tous ces exemples apparaît donc une caractéristique de ????? : ce mot implique une forme de sécurité, de tranquillité, loin des dangers de la guerre. Cela se reconnaît également dans d’autres contextes, qui ne sont pas, quant à eux, nécessairement guerriers : un personnage s’écarte des autres pour trouver la tranquillité, ou pour fomenter secrètement un complot. Cette idée de secret, d’action réalisée en cachette, n’est d’ailleurs pas absente de certains des passages liés à la guerre qui viennent d’être cités : en ? 465, l’emploi du verbe ????????? est significatif [7].

17Dans deux de ces passages, ????? est associé au participe ???????? « s’étant détourné, s’étant écarté ». En A 349, il s’agit d’Achille qui, après avoir remis Briséis aux envoyés d’Agamemnon, s’écarte de ses compagnons (?????? […] ????? ???????? #) pour aller s’asseoir seul au bord de la mer et y implorer Thétis. Certes, le complément régi par ????? n’est pas connoté négativement ; mais, plus généralement, Achille s’écarte des lieux où il vient de connaître un moment douloureux. La même expression, ????? ???????? #, se retrouve en ? 80 à propos de Zeus : celui-ci, placé en quelque sorte au-dessus de la mêlée, s’est « mis à l’écart » et contemple, loin des autres, « les hommes qui tuent et les hommes qui meurent » (? 83 : ???????? ?? ????µ????? ?? #). De même, en N 2-4, Zeus détourne son regard des combattants qui subissent peine et misère (N 2 : ????? […] ??? ?????), et le porte au loin (N 4 : ??????), vers d’autres terres.

18Un autre passage où des dieux contemplent de loin les hommes se trouve en ? 9 : Zeus constate ironiquement qu’Héra et Athéna, au lieu de défendre Ménélas, se plaisent simplement à le regarder, tranquillement assises loin (?????) de lui. Il oppose cette attitude passive à celle d’Aphrodite, qui vole toujours au secours de Pâris.

19Dans d’autres passages, enfin, ????? implique une prise de distance par rapport aux autres, afin d’être tranquille, en sûreté, pour pouvoir se consacrer à des actions plus ou moins nobles. En B 233, Thersite accuse Agamemnon d’avoir besoin d’une jeune captive afin de la garder pour lui seul, loin de tous (????????). En P 408, Thétis prend Achille à part (??????) pour lui rapporter le dessein de Zeus. L’idée d’un complot tramé secrètement apparaît ailleurs. En A 541-542, après une scène où Zeus et Thétis se sont concertés secrètement pour donner la victoire aux Troyens, Héra vient reprocher à son époux d’avoir comploté avec un autre : ???? ??? ????? ????? ?µ?? ????????? ????? # ????????? ????????? ??????µ?? « Tu te plais toujours, loin de moi, à décider d’un cœur secret » (trad. Mazon). L’emploi de ????????? « choses cachées, secrètes », n’est pas sans rappeler celui du verbe ????????? en ? 465. En B 346-347, enfin, il est question de ceux qui, à l’écart des autres Achéens (?????? # ??????), forment des projets de retour dans leur patrie.

1.1.1.4 – Emplois « neutres » de ????? (6 occurrences)

20Dans certains passages, ????? ne présente pas de connotation spécifique, et a simplement un sens local. En ? 490, on pourrait se demander, a priori, si l’idée de sécurité n’est pas au moins sous-jacente : Hector emmène les Troyens loin des vaisseaux (# ????? ????) des Achéens, c’est-à-dire loin du lieu de la bataille, « là où un espace libre se montrait entre les cadavres » (? 491 : ??? ?? ?????? ?????????? ????? #). Mais cela n’est pas sûr, puisque les Troyens étaient victorieux jusqu’alors, et que cette retraite a pour seule cause la tombée de la nuit. Le syntagme # ????? ???? réapparaît en ? 365, où il s’agit des chevaux qui s’éloignent des vaisseaux, à l’occasion de la course de chars qui a lieu lors des jeux en l’honneur de Patrocle. En E 803, il est question de Tydée quittant les Achéens (// ?????? ?????? #), et, en I 348, d’Ulysse qui, sans Achille (// ?????? ?µ??? # « loin de moi », « sans moi »), a bâti un mur, tracé un fossé et y a planté des pieux ; le syntagme // ?????? ?µ??? # est identique à celui du vers ? 135, où le pronom ?µ??? s’applique également à Achille [8].

21????? présente en outre le sens de « sauf, excepté » en M 466 (# ????? ???? « sauf les dieux ») et Y 7 (????? ???????? « sauf Océan »).

1.1.1.5 – ????? et la perte de la sécurité (3 occurrences)

22Ce type d’emploi est rare : on n’en compte que trois exemples, dans des contextes proches. En ? 256, Héra, à l’insu de Zeus, tente de faire périr Héraklès en mer, « loin de tous les siens » (# ????? ????? ?????? //). En T 422, Achille dit au Xanthe que son sort est de périr en ces lieux, « loin de son père et de sa mère » (# ????? ????? ?????? ??? µ?????? //). Enfin, en X 508, Andromaque parle d’Hector dont le cadavre va être dévoré par les chiens et les vers, loin de ses parents (// ????? ?????? #).

1.1.1.6 – Conclusion

23Une implication, directe ou indirecte, entre l’emploi de ????? et l’idée de sécurité apparaît donc dans au moins vingt-deux des trente et une occurrences de ce mot dans l’Iliade. En outre, quelques-uns des six passages où ce mot présente un sens purement local (en particulier ? 490 ; et peut-être aussi I 348, parce qu’on y retrouve un syntagme attesté dans un autre passage où ????? implique la sécurité) pourraient éventuellement être interprétés comme secondaires par rapport à ce type d’emplois. ????? ne suppose de contradiction claire avec l’idée de sécurité que dans trois passages.

1.1.2 – Dans l’Odyssée

24Les emplois de ????? dans l’Odyssée (23 occurrences) ne sont guère comparables à ceux de l’Iliade : ce mot y présente un sens essentiellement local, sans connotation spécifique.

25Une illustration de cette valeur neutre de ????? peut être la formule de fin de vers // ??? ????? ????? ?????? # (? 185, ? 383, ? 212 et 308) « aux champs, loin de la ville » : ????? y a un sens local. À la rigueur, on pourrait formuler, pour un de ces passages (? 383), une hypothèse analogue à celle que nous avons avancée pour l’Iliade. Antinoos y propose aux prétendants de se débarrasser de Télémaque aux champs, loin de la ville : on pourrait donc se demander si l’emploi de ????? n’impliquerait pas que, pour les prétendants, la campagne constituerait un lieu sûr où commettre leurs méfaits. Cette interprétation semble certes possible ; mais elle manque de parallèles dans l’Odyssée.

26Une autre expression revient plusieurs fois, avec des variantes : // ?????? ??????? # (? 367 ; Idothée, la fille de Protée, vient trouver Ménélas un jour où il errait « loin de ses compagnons »), ????? ????????? (? 113 ; Hermès dit à Calypso que le destin d’Ulysse n’est pas de mourir sur son île, « loin de ses proches »), // ????? ????????? ??????? # (µ 33 ; Circé emmène Ulysse « à l’écart de ses compagnons », pour pouvoir l’interroger sur son voyage), ?????? ???????? (? 529 ; le devin Théoklymène prend Télémaque « à l’écart de ses compagnons » pour lui faire part d’un présage favorable). Ces tours ne sont pas absolument différents de ceux de l’Iliade : l’emploi de ??????? / ?????? rappelle le tour ?????? […] ????? (A 349), où Achille s’écarte de ses compagnons pour aller implorer Thétis ; les passages des chants µ et ? évoquent l’idée de conversation secrète qui apparaît plusieurs fois dans l’Iliade ; et celui du chant ? est à mettre en relation avec les trois passages de l’Iliade où un héros périt, ou risque de périr, loin de ses proches (l’emploi de ????? y apparaît en ? 256 et T 422). Mais ces différentes situations, qui étaient clairement distinctes dans l’Iliade, semblent mêlées dans l’Odyssée par le recours à des syntagmes très proches.

27En outre, contrairement à l’Iliade, on n’observe guère, dans l’Odyssée, de passage où ????? implique clairement une prise de distance par rapport à une réalité hostile, dangereuse. Tout au plus, en ? 544, constate-t-on que l’ombre d’Ajax, toujours hostile à Ulysse, se tient à l’écart (??????) de lui lors de la Nékuia. Et, en ? 288-289, lors de l’épisode du cheval de Troie rappelé par Ménélas à Hélène, il est question d’Ulysse qui sauva (?????) les Achéens en empêchant Antiklos de répondre à Hélène, qui les appelait de l’extérieur en imitant la voix de leurs épouses, puis d’Athéna qui emmène Hélène loin (??????) du cheval, sauvant ainsi ses occupants. Ce passage, qui peut faire penser à celui de l’Iliade (X 331-332) où sont rassemblés l’adjectif ??? « sain et sauf » et l’adverbe ??????, associe indirectement ?????? au verbe « sauver » ; mais, étant donné l’absence de parallèles nets, on ne peut guère y accorder à ?????? autre chose qu’une valeur locale.

28Pour conclure, deux exemples peuvent illustrer la déperdition de sens qu’a dû connaître ????? dans l’Odyssée, par rapport à l’Iliade. En ? 286, Héphaïstos, après avoir préparé le piège dans lequel tomberont Aphrodite et Arès, s’éloigne de sa demeure (// ????? ?????? #) : il s’agit là de la même expression, placée au même endroit du mètre, qu’en ? 284 et ? 440, où respectivement Agamemnon et Hector s’éloignaient, blessés, du champ de bataille. Mais tandis que dans l’Iliade, quitter le lieu du combat lorsque l’on est blessé implique la recherche d’un endroit plus sûr, le syntagme ????? ??????, dans l’Odyssée, ne présente plus guère qu’un sens local (il serait vain de penser qu’Héphaïstos s’éloigne d’un lieu où se trouve un piège, puisque le danger ne le concerne pas personnellement). D’autre part, en ? 164, Poséidon s’en retourne chez lui (????? ??????? #) après avoir transformé le navire des Phéaciens en rocher : le tour ????? ??????? peut évoquer le syntagme de l’Iliade ????????? ??? (? 555 = P 664), où il s’agissait du retour d’un lion s’éloignant du lieu de son combat ; mais dans l’Odyssée, l’idée d’un danger dont on s’écarte s’est totalement estompée.

29On retrouve donc, dans l’Odyssée, certains emplois ou syntagmes analogues à ceux de l’Iliade. Mais, pour l’essentiel, ????? y a visiblement pris une valeur purement locale, sans connotation particulière liée à l’éloignement du danger, hormis dans quelques passages isolés [9].

1.1.3 – Dans Les Travaux et les Jours, et dans le Bouclier

30À une époque postérieure, on ne retrouve guère de situation comparable, d’un point de vue lexical, à ce que nous avons observé dans l’Iliade : ????? y présente, pour l’essentiel, un sens purement local. Nous mentionnerons seulement un emploi de ce mot chez Hésiode (dans Les Travaux et les Jours) [10], ainsi que dans le Bouclier, où l’on rencontre un fait intéressant.

31Un emploi formulaire nouveau apparaît dans deux passages des Travaux, où ????? est associé à ???? « à l’écart de » : # ?????? ???? ?? ????? ??? ???? ???????? ?????? # ?????? ?? ???????? // (v. 91-92) « à l’écart et à l’abri des maux, de la dure fatigue, des maladies douloureuses » (trad. Mazon modifiée) ; # ?????? ???? ?? ????? ??? ?????? // (v. 113) « à l’écart et à l’abri des peines et des misères » (trad. Mazon). Ces emplois sont analogues à ceux de l’Iliade où ????? implique l’éloignement de ce mal qu’est, en particulier, le combat. Celui du vers 113 reprend l’expression ????? […] ??? ????? # de l’Iliade (N 2), qui renvoie aux peines et aux misères des combattants dont Zeus détourne son regard, pour le porter à l’écart (N 4 : ??????), vers d’autres lieux [11].

32Ce tour formulaire réapparaît dans le Bouclier, mais dans un contexte tout différent : # ?????? ???? ????????? ???µ???? // (v. 15) « écarté et privé du tendre amour » (trad. Mazon). Il est remarquable que ce dont Amphitryon est privé ici est une réalité connotée positivement, contrairement aux deux passages des Travaux : tout se passe comme si le poète du Bouclier avait réutilisé une formule des Travaux sans en retenir la nuance de sécurité qu’y impliquait l’emploi de ?????, un peu de la même manière que, dans l’Odyssée, un syntagme de l’Iliade comme ????? ?????? se trouve repris, en ? 286, avec une certaine déperdition de sens [12]. Cela dit, étant donné le petit nombre d’occurrences de ????? chez Hésiode, il est difficile de savoir avec certitude quel statut accorder à ses attestations dans les Travaux.

1.2 – Les emplois du verbe ???????µ??

33Le verbe ???????µ?? « s’éloigner de, quitter, abandonner », attesté seulement au moyen chez Homère, est dérivé de ????? [13]. Ce verbe, au moyen comme à l’actif, est bien plus fréquent que ????? après Homère : contrairement à cet adverbe, qui se limite quasiment à la poésie épique et lyrique, il se rencontre plusieurs fois chez les Tragiques, ainsi qu’en prose (Xénophon, Théophraste, Polybe, etc.) ; on le trouve également dans plusieurs papyrus et inscriptions (cf. LSJ, p. 1182). L’examen des emplois de ???????µ?? dans les poèmes homériques semble confirmer l’analyse qui précède, pour autant que le nombre réduit d’occurrences de ce verbe dans ce corpus puisse nous mener à des conclusions fermes.

34Dans l’Iliade, ce verbe apparaît dans deux vers identiques (B 81 = ? 222) : ?????? ??? ???µ?? ??? ????????µ??? µ????? « nous n’y verrions qu’un piège, nous n’en aurions que plus de méfiance » (trad. Mazon) [14]. Au chant B, Nestor dit que si c’était un autre Achéen qui leur avait conté le songe que vient de leur rapporter Agamemnon, ils n’y verraient qu’un piège (il s’agit d’un songe envoyé sur l’ordre de Zeus, afin de pousser Agamemnon à appeler aux armes les Achéens). Au chant ?, Priam explique que, si l’avis qui vient de lui être donné par Iris lui était venu d’un simple mortel, par exemple d’un devin ou d’un prêtre, il n’y aurait vu qu’un piège (cet avis, envoyé lui aussi sur l’ordre de Zeus, invite Priam à se rendre auprès d’Achille pour racheter le corps d’Hector). Dans ces deux contextes, ???????µ?? revient à se placer ?????, à l’écart, en sécurité, loin d’un piège susceptible d’être tendu.

35Dans l’Odyssée, en revanche, les emplois de ???????µ??, bien plus nombreux (huit occurrences), sont aussi beaucoup plus neutres. En ? 263, il s’agit pour Hélène d’un être cher qu’elle a quitté, à savoir sa fille (# ????? ?? ?µ?? ????????µ???? //). En ? 73, Elpénor supplie Ulysse de ne pas l’abandonner (# ??????????) sans pleurs et sans funérailles. En ? 425, Clytemnestre sort (# ?????????) du lieu où elle vient de tuer Agamemnon et Cassandre. En ? 339, Ulysse dit s’être éloigné (# ???????µ??) des monts de la Crète. En ? 579 et ? 77, Pénélope dit qu’elle quittera (????????µ???) sa demeure pour suivre celui qui saura tendre l’arc d’Ulysse ; Télémaque reprend ce propos en ? 104. Enfin, en ? 98, Télémaque reproche à Pénélope de s’écarter de son père (?????? ?????????).

36Il apparaît donc que ???????µ?? qui, dans l’Iliade, était associé à l’idée de sûreté, ne présente plus aussi clairement dans l’Odyssée les mêmes connotations, et y devient un terme de valeur beaucoup plus locale [15]. Par la suite, il est évident que ??????? / ???????µ?? n’implique plus du tout la sûreté. Un exemple tiré des vers 1426-1427 du Philoctète de Sophocle suffira à illustrer ce fait : ????? […] # ??????? ???? ?µ???? ???????? ???? « par mes flèches, tu écarteras Pâris de la vie » (c’est-à-dire : « par mes flèches, tu feras périr Pâris »).

1.3 – Conclusion

37Il apparaît donc que ????? est associé à l’idée de sûreté, de sécurité, dans l’Iliade, et que cette valeur a tendu à s’estomper par la suite, dès l’Odyssée. Ce phénomène semble confirmé par les occurrences du verbe ???????µ??.

38Il convient, toutefois, de se demander dans quelle mesure cette association peut être légitimement tenue pour ancienne. En effet, il serait envisageable de penser, a priori, qu’elle trouverait son origine dans le contexte guerrier de l’Iliade : dans un poème de ce genre, il peut être parfaitement compréhensible que l’éloignement se produise souvent par rapport au combat. Cela permettrait alors d’expliquer la divergence des emplois de ????? entre l’Iliade et l’Odyssée. Cela dit, l’hypothèse inverse pourrait tout aussi bien être avancée : le rapport avec l’idée de sécurité serait un héritage, et aurait été préservé d’autant plus facilement dans l’Iliade qu’il s’agissait d’un poème de nature guerrière.

39Un argument va, en tout cas, dans le sens d’un héritage : si les emplois de ????? impliquent souvent la sécurité loin du combat, et entrent donc, pour beaucoup d’entre eux, dans un contexte guerrier, il n’en est pas de même, en revanche, de ceux de ???????µ??. Ceux-ci, nous l’avons vu (cf. 1.2), impliquent la sûreté par rapport à un piège qui pourrait être tendu aux Achéens (B 81) ou à Priam (? 222), sans que la référence à une situation militaire soit directe.

40Un autre moyen de déterminer s’il s’agit ou non d’un héritage consiste à considérer les occurrences, dans l’Iliade, de mots de sens proche de ?????, comme ?????? (17 occurrences) et ???????? (33 occurrences) « à l’écart de, loin de ». Ces mots sont dérivés de ???? « loin de ; sans, malgré », et leur étymologie ne permet nullement de penser qu’ils aient eu originellement un rapport privilégié avec l’idée de sécurité [16]. Par conséquent, si leurs emplois impliquaient très majoritairement un rapport avec celle-ci, cela tendrait à suggérer que, pour ?????, le lien avec cette idée aurait de fortes chances d’être, lui aussi, de nature contextuelle.

41Et, de fait, on trouve clairement des occurrences de ?????? et de ???????? dans des contextes analogues à ceux où apparaît ?????, voire dans les mêmes passages que ????? [17]. Par exemple, dans le passage du chant ? où Agamemnon s’en va, blessé, du champ de bataille (? 284 : // ????? ?????? #), il est dit, au vers 283, que les chevaux emportent le roi épuisé µ???? ???????? « loin de la bataille » [18] ; et, dans le passage du même chant (? 80-81) où Zeus contemple les hommes loin de la mêlée, ce dieu est présenté à la fois comme ????? ???????? « s’étant mis à l’écart », et comme assis ??? ????? ???????? « loin des autres », sans qu’une nuance soit sensible, à première vue, entre l’emploi de ????? et celui de ???????? [19]. En A 35, Chrysès, qui vient de fuir la colère d’Agamemnon après l’échec de sa requête, est allé au loin (???????? ????), le long du rivage, pour implorer Apollon ; ce passage n’est pas sans rappeler celui du même chant (A 349) où Achille, s’isolant après avoir livré Briséis aux envoyés d’Agamemnon, se met à l’écart (?????) au bord de la mer, où il va implorer Thétis. Par ailleurs, en I 478, Phœnix évoque sa fuite loin (????????) de son père, qui le retenait prisonnier : il recouvre ainsi la liberté, et donc une forme de sécurité.

42Mais de telles occurrences sont assez peu nombreuses. Et, d’une manière générale, il apparaît que ?????? et ???????? ont essentiellement un sens local, non connoté d’un point de vue qualitatif : il ne s’agit pas d’opposer la sûreté au danger. Il n’est donc pas certain que ??????? serve à insister sur l’idée de sécurité loin de la mort aux vers X 300-301 (??? ?? ?? ?????? µ?? ??????? ?????, ???? ??? ??????? # ???? ???? // « À cette heure, elle n’est plus loin, elle est là, pour moi toute proche, la cruelle mort. Nul moyen de lui échapper », trad. Mazon), comme pour ????? en ? 464-465 : l’association avec la mort relève sans doute d’un sens contextuel, car ??????? peut y avoir pour fonction première d’être en contraste avec ?????? « près » (cf. ? 340-341 et ? 378, où ???????? et ?????? s’opposent en un sens purement local à ????? « près »).

43À cet égard, le fait le plus important est que, dans bon nombre de passages (à la différence de ?????), l’éloignement dénoté par ?????? et ???????? va clairement à l’encontre de l’idée de sûreté, de sécurité. Par exemple, en X 39, Priam dit à Hector de ne pas attendre Achille « seul, loin des autres » (# ???? ?????? ????? //), car sinon, le Péléide aura vite fait de le tuer. De même, en X 88, Hécube invite Hector à ne pas aller se battre contre Achille en dehors des murs de Troie, faute de quoi il périra loin des siens (?????? […] ???? # « loin de nous ») ; et, en ? 211, Hécube dit d’Hector que son destin était de périr « loin de ses parents » (// ??? ???????? ?????? #) [20]. En ? 78, Lykaon rappelle à Achille que celui-ci l’avait emmené par la force hors du verger paternel et l’avait vendu, loin de son père et des siens (??????? […] ?????? ?? ????? ?? #). En T 378, les marins sont jetés « loin des leurs » (????? ????????) par les rafales du vent, dans la tempête (et quatre vers plus haut, on a un emploi purement local de ???????? : il s’agit du bouclier d’Achille, dont jaillit au loin l’éclat, # ??? ?? ???????? ????? ??????). En ? 277, un chevrier voit de loin (???????) un nuage aussi noir que la poix ; mais il n’est pas pour autant en sûreté, car le nuage avance vers lui avec une immense tourmente. En E 185, le syntagme ??? […] ?????? ????, appliqué à Diomède en train d’accomplir son aristeia, signifie « avec l’aide d’un dieu » ; à l’inverse, le fait d’être ?????? ???? serait néfaste pour Diomède. En ? 10, Zeus menace de châtier celui qui s’éloignera des dieux (???????? ????) pour aider les Achéens ou les Troyens. En B 27 = B 64, Zeus, loin d’Agamemnon à qui le Songe s’adresse (??? ??????? « loin de toi »), s’inquiète terriblement sur le sort de ce guerrier (même chose en ? 174, où Zeus s’inquiète sur Priam) : l’éloignement n’implique donc pas ici la tranquillité au-dessus de la mêlée, comme cela se produit plusieurs fois avec ?????.

44En dernier lieu, il faut mentionner un emploi qui manifeste clairement la valeur purement locale de ?????? et de ???????? : l’expression µ???? ???????? « loin de la bataille », mentionnée ci-dessus, se retrouve en B 391 (???????? µ????). Mais au chant B, le fait d’être ???????? µ???? n’implique nullement la sécurité : tout au contraire, Agamemnon profère ici une menace de mort, et d’absence de sépulture, contre ceux qui se trouveront ???????? µ????, autrement dit contre les déserteurs. La même chose peut être observée en O 348, où Hector promet la mort sur place et l’absence de sépulture à ceux qu’il verra loin des vaisseaux des Achéens (???????? ????), où il veut porter le combat.

45Il apparaît donc de manière très nette que ?????? et ????????, dans l’Iliade, n’impliquent pas l’idée de sûreté, de sécurité, comme le révèlent de nombreux passages (nous en avons cité treize, sur les cinquante occurrences de ces deux adverbes dans l’Iliade[21]) ; il s’agit de formes non connotées qualitativement, de sens simplement local. En revanche, les occurrences de ????? qui se trouvent en contradiction avec cette idée sont très peu nombreuses (3 occurrences sur 31) : elles peuvent donc parfaitement être secondaires.

46Ainsi, il n’est nullement évident que l’association de ????? à cette idée de sécurité vienne du contexte guerrier de l’Iliade. Il peut donc sembler légitime d’essayer d’en tenir compte pour procéder à l’étude étymologique de cet adverbe. Mais, avant de revenir sur le rattachement de ????? à la racine *nes- qui a été avancé par J.-V. Vernhes (2002) et R. Stefanelli (2004), et qui peut, suivant l’analyse sémantique que l’on adopte, être dans le prolongement de l’étude lexicale qui précède, il convient de rappeler les hypothèses étymologiques qui ont été proposées antérieurement.

2 – Étude étymologique

2.1 – Les hypothèses antérieures à celles de J.-V. Vernhes et de R. Stefanelli

47Les tentatives suivantes, à l’exception de celle de A.J. Van Windekens (1986, p. 163), sont mentionnées dans les dictionnaires de Hj. Frisk (GEW, II, p. 324) et de R.S.P. Beekes (EDG, II, p. 1024-1025) :

48(1) Selon une vieille hypothèse (cf. Curtius, 1879, p. 320), ????? serait apparenté au nom du dos, ????? (masc.) / ????? (nt.). Cette hypothèse a notamment été admise par W. Schulze (1888, p. 262, note 1 = 1933, p. 375, note 2), et E. Schwyzer (GG, p. 362) ; ce dernier, comme G. Curtius, pose un étymon *???-?-??.

49Mais la reconstruction du nom grec du dos n’est pas absolument claire [22]. On a souvent comparé à ce nom le substantif latin nat?s « fesses », principalement attesté au pluriel. Non sans faire remarquer le caractère incertain de ces reconstructions, M. De Vaan (2008, p. 402) pose une racine *nh2t-, avec thématisation en grec (*noh2t-o-), ou bien une racine *nh2-, ce qui impliquerait que le mot latin provienne de *nh2-ti- (avec une resyllabation du groupe initial sonante + laryngale, qui aboutirait phonétiquement à *n?-, sur le modèle des groupes consonne + laryngale), et le mot grec de *noh2-to-. Quoi qu’il en soit, cette reconstruction exclurait toute tentative de rapprochement avec ?????. P. Schrijver (1991, p. 169), en revanche, pose une racine comprenant la laryngale *h3 : il faudrait partir de *nh3t-i- pour le latin (nom-racine *nh3t- refait comme un thème en -i-, du type de nox, gén. noctis « nuit », qui provient de la réfection du nom-racine indo-européen *nóku?-t- / *néku?-t- « soir ») et de *ne/oh3t-o- pour le nom grec du dos (????? en face du nom-racine *ne/oh3t- serait, selon lui, du type de ????? « sol » en face de *p?d- / *pód- / *péd- « pied », cf. nom. ??? [dor.], gén. ????? « pied »). Dans ce cas, le ? de ????? serait à la rigueur explicable par un degré zéro radical, et P. Schrijver reconstruit un étymon *nh3t-s- à l’origine de ???- ; mais le ? n’en demeurerait pas moins obscur.

50Cette analyse doit donc vraisemblablement être rejetée, bien qu’elle ne soit pas absurde du point de vue du sens. Il faut mentionner à cet égard le verbe ??????, dérivé du nom du dos : ce verbe a parfois le sens de « tourner en arrière » (avec comme complément ???µ?µ? chez Sophocle, OT 193, « tourner sa course en arrière », c’est-à-dire « rebrousser chemin en courant, s’enfuir »), « tourner le dos » (cf. E., Andr. 1141, avec idée de fuite : ???? ????? ???????? « ils s’enfuirent, tournant le dos »). En outre, il existe un préverbé ????????? « faire tourner le dos, mettre en fuite » (S., fr. 647 Nauck = 713 Pearson ; E., Ba. 763).

51(2) Un rapprochement a été envisagé par P. Persson (1893, p. 204, note 3) entre ????? et la préposition lituanienne nuõ « (loin) de ». Mais cette étymologie, qui poserait des problèmes formels, ne saurait être retenue : en effet, nuõ est issu de *n? (cf. LiEW, I, p. 511 ; SEJL, I, p. 430), et, dans cette hypothèse, aussi bien la voyelle brève radicale de ????? que la présence d’un ? seraient inexpliqués.

52(3) Selon une hypothèse proposée par P. Thieme (1984, p. 369-370) et prolongée par A. Heubeck (1985), ????? serait une ancienne forme d’instrumental en -?? du nom indo-européen du nez (cf. véd. n??s- / nás- « nez », lat. n?r?s « narines », lit. nósis « nez », v. sl. nos? « nez », all. mod. Nase « nez », etc.). Ce mot signifierait originellement « avec le nez » : P. Thieme explique ainsi certains passages homériques où il s’agit de se détourner, ou bien de s’éloigner des autres ou du combat (? 350, ? 80, A 349, E 322). L’idée serait celle de la tête dont on voit le nez se déplacer lorsqu’elle se détourne : par exemple, en ? 350 (???????? ????????? #, ou ??? ????? ????????? #), il s’agirait originellement, pour Ulysse, de se détourner (??? […] ?????????) avec le nez (?????) après avoir jeté loin de lui le voile d’Ino. P. Thieme précise qu’il s’agirait là du sens étymologique, non du sens perçu en synchronie par les aèdes.

53Il faut reconnaître, cependant, que cette étymologie n’est pas lumineuse du point de vue du sens. Elle est, en outre, impossible formellement. En effet, le nom indo-européen du nez doit être un ancien substantif neutre sigmatique. M. Fritz (1996) propose un rattachement de ce nom à la racine verbale *h2enh1- « respirer » (LIV2, p. 267-268) : le nom du nez (littéralement : « ce qui respire », « ce par quoi l’on respire ») reposerait sur un neutre de type holodynamique *h2(e)nh1-(e/o)s- ; selon M. Fritz, on en aurait une trace en grec dans l’adjectif ?????? (Hom.+) « la face tournée vers le bas ; la tête la première », qui remonterait à *pr?-h2n-?s (pour la formation, cf. lat. praeceps « la tête la première », composé de caput « tête ») [23]. Si l’on suivait cette reconstruction, on attendrait donc, à l’instrumental en -??, non pas ?????, mais *??????, du type de formes homériques comme ???????? et ?????? (cf. ?????? « poitrine », ???? « montagne »). Les autres reconstructions du nom du nez, comme celle de R.S.P. Beekes (1995, p. 180 ; EDG, II, p. 1025), qui pose un ancien neutre sigmatique *neh2-s- / *nh2(e)-s-, figé sous une forme non alternante dans la plupart des langues, rendent tout aussi indéfendable une analyse de ????? comme une forme casuelle de ce substantif [24].

54(4) Dans une perspective entièrement différente des précédentes hypothèses, A.J. Van Windekens (1986, p. 163) considère que ????? ne comprendrait pas une ancienne désinence -??, mais que cette forme devrait être segmentée comme ??-???. La finale -??? ferait penser à µ???? « jusque, jusqu’à ». L’élément radical ??- remonterait à *sno-, issu de la thématisation de *sen- (cf. gr. ???? [avec psilose] « à l’écart de, sans », lat. sine « sans », etc.). Mais cette reconstruction est arbitraire, et, d’un point de vue formel, elle pose plus de difficultés qu’elle n’en résout.

55(5) Enfin, E. Risch (1974, p. 362 ; 1986, p. 76, note 39) et M. Meier-Brügger (1987) considèrent que ????? signifierait originellement « loin de nous » (« von uns weg »), et proviendrait de l’ajout de la désinence -?? à la forme *nos (vs *n?s) du pronom indo-européen de première personne du pluriel : cf. véd. nah? (acc.-gén.-dat., < *nos), v. avest. n?? (acc., < *n?h < *n?s), n?? (gén.-dat., = véd. nah?), avest. récent n? (acc.-gén.-dat., = véd. nah?), lat. n?s (nom.-acc., qui doit être issu de *nos selon la loi d’allongement de la voyelle dans les monosyllabes accentués). Pour le sens, on serait passé de « loin de nous », avec une valeur ablative de -??, à « loin de ».

56D’un point de vue formel, cette analyse est possible : on aurait là une trace, dans une vieille forme casuelle figée, du thème *nos du pronom de première personne du pluriel, qui n’apparaît par ailleurs qu’au degré zéro *n?s- (cf. l’accusatif éol. ?µµ?, issu de *n?s- auquel s’est jointe une particule *-me ou *-sme). Cette hypothèse pourrait en outre s’appuyer sur le parallèle de la forme ??? du pronom de troisième personne : ce pronom a des chances d’être constitué du thème pronominal *se- au degré zéro, suivi de la désinence d’instrumental -?? [25].

57Sur le plan lexical, en revanche, cette étymologie ne serait guère appuyée par l’étude du sens de ????? dans les premiers textes. M. Meier-Brügger (1987, p. 183-184) propose de retrouver le sens ancien de « loin de nous » dans quelques passages homériques, où ????? est employé dans un contexte de discours : par exemple, lorsque, en B 233, Thersite fait le reproche à Agamemnon de garder une jeune captive pour lui tout seul, loin de tous (????????), on pourrait tout aussi bien comprendre ????? au sens de « loin de nous » ; ce type d’analyse serait également possible, selon lui, en B 347, ? 9, ? 289, ? 486. Mais ces exemples, très peu nombreux en comparaison des autres occurrences de ????? dans les poèmes homériques, ne prouvent rien : ils n’auraient de valeur probante que si ????? se trouvait employé de manière privilégiée dans des contextes de ce genre en discours direct. Or, cela n’est pas le cas ; et en outre, même dans le discours direct, ????? introduit souvent d’autres pronoms [26] : cf. A 541 (?µ?? ????????? « loin de moi »), I 348 (// ?????? ?µ??? # « loin de moi », « sans moi »), ? 135 (?????? ?µ??? « loin de moi »). Tout cela suggère clairement que ?????, dans les poèmes homériques, ne saurait avoir conservé le sens de « loin de nous », à supposer que celui-ci soit ancien ; il n’est donc sans doute pas légitime d’utiliser quelques occurrences isolées pour chercher à montrer qu’il aurait pu le préserver.

58Un problème supplémentaire posé par cette analyse est la valeur purement ablative de ????? (« en partant de nous », d’où « loin de nous »), contrairement à ???, qui, comme le souligne M. Meier-Brügger (1987, p. 183), a un sens instrumental-sociatif. Il est vrai que la désinence -?? semble présenter plusieurs fois une valeur de ce type, dès le mycénien, dans certains toponymes, et que l’on rencontre chez Homère des mots en -?? en fonction de génitif-ablatif : une valeur ablative semble donc s’être dégagée du sens primitif instrumental, à côté de la valeur locative qui en est également issue [27]. Mais on peut s’étonner de ce que, dans ce vieux mot qui serait le seul où le pronom personnel de première personne du pluriel se serait conservé sous la forme *nos, seule une valeur ablative secondaire soit reconnaissable.

59C.J. Ruijgh (1995, p. 70-71) a donc proposé une variante de cette étymologie, en postulant une valeur locative, et non ablative, de la désinence -??. Selon lui, ????? signifierait originellement « chez nous ». Le sens général de « loin, à l’écart », se serait développé à partir de l’expression ??? ?????/ ???????? « loin de nous », où l’on ne reconnaissait plus une forme du pronom personnel « nous » ; celle-ci aurait été considérée secondairement comme un doublet étoffé de ?????, du type de ???????? en face de ??????, et ????? aurait donc pris le sens de ????????.

60Il nous semble cependant qu’une analyse de ????? comme une forme casuelle du pronom « nous » n’est guère meilleure que les hypothèses qui ont pu être avancées précédemment, quelle que soit la position que l’on adopte en ce qui concerne la valeur précise, ablative ou locative, de -?? : si l’analyse formelle qu’elle suppose peut être considérée comme irréprochable, cette étymologie ne rend guère compte, en revanche, des emplois de ????? dans l’Iliade[28].

2.2 – Le rattachement à la racine *nes-

61L’analyse des occurrences de ????? dans l’Iliade a suggéré que ce mot était lié originellement à l’idée de sûreté, de sécurité. Il convient donc d’examiner, à la suite de J.-V. Vernhes (2002) et de R. Stefanelli (2004) et en préférant, d’un point de vue sémantique, l’hypothèse de J.-V. Vernhes (cf. plus haut, introduction), si l’on ne pourrait pas envisager un rattachement à la racine indo-européenne *nes-. C’est notamment, en grec, la racine de ???µ?? « revenir sain et sauf » (< *nes-e/o-), de ?????? « bon retour » (< *nós-to-s, vieux nom d’action à degré o apophonique et accent radical, du type de ?????? « couche » vs ???µ?? « être couché », ?????? « charge, fardeau » vs ???? « porter »), ainsi que de ??µ???? « joyeux, content » (dont le sens est issu de « qui est revenu sain et sauf », cf. ci-dessous). Cette racine doit être comprise au sens de « revenir sain et sauf, être sain et sauf » (cf. LIV2, p. 454-455), comme l’ont soutenu de nombreux savants tels que C.J. Ruijgh (1967, p. 369-372) et F. Bader (1986, p. 484-486) [29]. R. Stefanelli (2004, p. 197-198), en revanche, considère que le rapport des formes issues de la racine *nes- avec la notion de salut serait secondaire ; mais cette idée est improbable, comme l’illustrera, notamment, le dossier de ??µ????, qui sera rappelé plus bas (2.2.2).

62Chez les grammairiens et les lexicographes anciens, on rencontre quelques associations entre le groupe de ????? et la famille de ???µ?? et de ??????. Il ne s’agit pas toujours de rapprochements d’ordre étymologique : chez Hésychius, par exemple, on trouve une simple glose de ?????????? par ??????????µ??. Mais il arrive qu’il s’agisse d’une véritable tentative étymologique, qui relève de l’étymologie populaire. Par exemple, ????? est rapproché de ?????? dans l’Etymologicum Magnum (480, 7-10 ; cf. 607, 17-19) [30], et se trouve comparé, pour la formation, à ??? « par la force » :

63

?? ??? ??? ?????? ?????? ??????? ???????, ??? ???? ???????? ?????, ???? ??? ??? ??? ?? ????, ? ??µ????? ??? ????µ??, ??????? ?????, ??? ???? ????????, ???.
« De même qu’à partir de ??????, ??????, on tire ???????, et, par syncope, ?????, de même également à partir de ??, ????, qui signifie la “puissance”, on tire ?????, et, par syncope, ???. »

64Ces analyses de ????? et de ???, bien évidemment, ne peuvent plus être acceptées en tant que telles, et il est nécessaire de recourir à une analyse formelle plus rigoureuse.

2.2.1 – Analyse formelle

65Le rattachement de ????? à la racine de ???µ?? serait envisageable si l’on postulait, avec R. Stefanelli (2004, p. 188-189), l’existence d’un nom-racine grec *???, acc. *???-? (> *??h-?), gén. *???-?? (> *??h-??). Ce mot serait du type du nom du pied : nom. ??? (forme dorienne issue de *p?d-s, cf. got. fotus pour le vocalisme ; ???? provient d’une réfection de ???), acc. ???-? (< *pód-m?), gén. ???-?? (< *pod-ós, issu de la réfection de *péd-s ; le latin, à l’inverse, a conservé le degré e dans le génitif pedis < *ped-es, et l’a étendu ailleurs, cf. nom. p?s).

66L’adverbe ????? serait alors l’instrumental de ce nom, et -?? aurait été directement ajouté au thème ???-. Ce type de formation disposerait de plusieurs parallèles en grec : par exemple, pour le nom du pied, l’instrumental mycénien po-pi (cf. PY Ta 642, 3) doit vraisemblablement être interprété comme /popphi/, issu de /pod-phi/ ; chez Homère, pour le nom du navire (????), une forme ?????(?) est attestée (B 794, ? 498), où -?? est ajouté au thème *???- (< *neh2u?-, cf. véd. náu-) ; et, pour ??? « force » (cf. lat. u?s « force »), on rencontre fréquemment l’instrumental adverbial ??? (A 38, etc.) « avec force, par la force », issu de *??-??. La disparition de ce nom-racine, en dehors de la forme adverbiale figée ?????, serait due au fait que la chute de la sifflante, qui était intervocalique à la plupart des cas, devait rendre sa conservation difficile.

67Une analyse un peu différente pourrait à la rigueur être avancée : théoriquement, il serait possible de partir d’une formation acrostatique à suffixe *-t-, *nós-t- (avec généralisation du degré o radical à l’ensemble des cas), du type du nom indo-européen *nóku?-t- / *néku?-t- « soir » [31]. L’instrumental adverbial ????? serait alors issu de *???-?-??, ce qui supposerait une évolution de *?????? vers *?????? (cf., ci-dessus, le cas de myc. po-pi), d’où ????? par simplification du groupe de consonnes. Ce type de formation existe, en tout cas, en grec, dans de vieux noms d’action déverbatifs : cf. ????, gén. ?????? (Hom.+) « repas, festin, banquet », de la racine de ????µ?? « diviser » ; ??? (Hes.) « dot », cf. ????µ? « donner » et lat. d?s (gén. d?tis) « dot » [32]. En outre, certaines formes d’autres langues indo-européennes présenteraient une structure radicale analogue à celle de cette reconstruction *nós-t- : cf. notamment tokh. B kest, A ka?t « faim, famine », et hitt. kašt- « faim, famine », issus d’un nom-racine de type acrostatique *Kós-t- / *Kés-t-[33].

68Mais cette analyse n’est nullement meilleure que la précédente. Il peut sembler hasardeux, en tout cas, d’interpréter ?????? « retour » comme une réfection de ce substantif : ?????? s’analyse parfaitement comme un nom du type de ??????, ?????? (type *CóC-to-s). On ne peut guère, non plus, prendre appui sur des formes en *-t- d’autres langues : par exemple, véd. ásta- « maison » (comme lieu du retour), doit provenir de la substantivation d’un adjectif verbal *astá- (< *n?s-tó-), avec recul de l’accent subséquent, du type de véd. ánna- « nourriture » vs *anná- « mangé » (cf. EWAia, I, p. 150) ; véd. n??satya-, autre nom des A?vin (chargés du « bon retour »), peut être une formation à vr?ddhi issue de *nas-atí- « bon retour » (mot du type de vas-atí- « fait d’habiter, de séjourner, séjour, demeure » ; cf. EWAia, II, p. 39) [34] ; et un nom en -ti-, véd. s(u)vastí- « bonheur, salut », peut théoriquement provenir de *h1su-n?s-tí- (« bon retour, retour sain et sauf » ; le premier élément du composé ne ferait que développer le sens de *n?s-tí-), si du moins son second terme ne provient pas de la racine as- « être », ce qui est moins probable (cf. EWAia, II, p. 796-797).

69Pour ?????, l’hypothèse d’un nom à suffixe *-t- semble donc moins vraisemblable que celle d’un nom-racine non suffixé. En effet, ces formations en *-t- sont assez rares en grec ; et la disparition totale de ce nom (hormis dans ?????) s’expliquerait mieux par la difficulté phonétique posée par la présence d’une sifflante sourde intervocalique à la plupart des cas. Une telle reconstruction d’un nom-racine n’en demeure pas moins hypothétique, en l’absence de toute autre trace dans les autres langues indo-européennes [35].

2.2.2 – Analyse sémantique et phraséologique

70Si l’on admet son existence, il s’agit dès lors de déterminer le sens premier de ce nom-racine. R. Stefanelli (2004, p. 189, 194) voit en lui un ancien nom d’action. Toutefois, suivant l’analyse de J. Schindler (1972, p. 36), les noms-racines acrostatiques à vocalisme alternant o / e ne relèvent que des deux types suivants : d’une part, on trouve des substantifs féminins à valeur résultative ou passive, du type de *dóm- / *dém- (cf. véd. dám-, etc.) qui désigne la maison comme ce qui est construit, ou *u?óku?- / *u?éku?- (cf. véd. v??c-, etc.) « voix, parole, discours » (« ce qui est dit ») ; d’autre part, des noms d’agent (adjectifs et substantifs), comme *pód- / *péd- « pied », interprété par J. Schindler comme « ce qui foule », ou comme gr. ??? (< nom. *bh?r) « voleur » (« celui qui emporte », cf. ???? « porter, emporter »). Il semble donc difficile de voir dans le nom-racine *nós- un ancien nom d’action (« fait de revenir sain et sauf », « fait d’être sain et sauf ») ; ce sens premier ne serait envisageable que dans l’hypothèse d’un nom à suffixe *-t-. Peut-être faut-il alors penser, en lien avec la catégorie des féminins à valeur résultative ou passive, à un sens exprimant, d’une manière concrète, le résultat de l’action de revenir sain et sauf, d’où le salut, la sécurité : dans ce cas, l’instrumental adverbial ????? signifierait donc, avec une valeur locative secondaire de la forme en -??, « en sécurité ». Ou bien, en un sens local, le nom-racine signifierait « lieu où l’on revient sain et sauf », « lieu du retour sain et sauf », d’où « abri », et ????? aurait donc pour sens premier « à l’abri », ou, pour reprendre l’expression de J.-V. Vernhes (2002), « en lieu sûr » [36].

71Du point de vue du sens, cette étymologie se trouverait donc dans le prolongement de l’étude lexicale qui précède. En outre, elle permettrait un rapprochement phraséologique avec un mot issu de la racine *nes- : il s’agit de ??µ???? « joyeux, content », attesté depuis l’Iliade, et que l’on interprète désormais, à la suite d’une analyse proposée par J. Wackernagel, comme une ancienne forme de participe aoriste moyen, issue de *n?s-meno-s[37]. Pour la phonétique, comme l’a montré C.J. Ruijgh (1987, p. 542 = 1991-1996, II, p. 156), le maintien du groupe -?µ- pourrait être dû à l’analogie d’un aoriste radical moyen *???? (< *n?s-to) « il se sauva » (du type de ???? « il versa »), où le ? devait se maintenir phonétiquement [38]. Ce mot apparaît notamment, chez Homère, dans une même expression en Y 350 (??µ???? ?? ????????), ? 63 = 566 = ? 134 (??µ???? ?? ????????). Ce syntagme peut se traduire, comme on le fait généralement, par « heureux d’avoir échappé à la mort ». Toutefois, on peut comprendre que l’idée d’« avoir échappé à » ou de « s’être sauvé » n’est pas dénotée seulement par la préposition ??, mais aussi, anciennement, par ??µ???? : ce mot aurait pour sens premier « s’étant sauvé », « étant revenu sain et sauf ». C’est, en tout cas, une interprétation qui peut être faite pour le passage de l’Iliade : ?? ??? ??? ????? ??µ???? ?? ???????? # (Y 350) « il est trop heureux à cette heure d’avoir échappé à la mort » (trad. Mazon). ????? ??µ???? ?? ????????, dans ce vers, devait signifier anciennement « il a fui (?????), sain et sauf / s’étant sauvé (??µ????), loin de la mort (?? ????????) » ; l’idée de joie n’y est pas fortement soulignée. En revanche, dans les passages de l’Odyssée, le contexte montre que ??µ???? insiste clairement sur la joie d’Ulysse et de ses compagnons, qui fait contraste avec leur tristesse d’avoir perdu plusieurs des leurs : // ?????µ???? ????, # ??µ???? ?? ????????, ?????? ????????? ???????? (? 62-63, 565-566, ? 133-134) « le cœur triste, heureux d’avoir échappé à la mort, mais pleurant nos compagnons disparus ». Comme souvent, l’Odyssée reproduit formellement des syntagmes de l’Iliade, sans que le sens premier y soit aussi bien préservé [39] ; celui-ci paraît encore sensible, toutefois, dans certains passages de textes postérieurs aux poèmes homériques [40].

72Dès lors, il semble envisageable de rapprocher le syntagme ??µ???? ?? ???????? de tours où apparaît ?????, comme # ?????? ??? ???????? // (E 322, K 416) « loin du tumulte », ?????? […] ????µ??? (Z 443) « loin du combat », et surtout, avec le même complément que ??µ????, ???????? […] # ?????? ????????? (? 464-465) « dérober à la mort ». Mark W. Edwards (dans Kirk, 1985-1993, V, p. 199) constate que, dans ce dernier passage, l’expression ???????? […] # ?????? ????????? est une manière inhabituelle de dire « sauver de la mort » : cette remarque rappelle ce qui est apparu par la comparaison de E 322 et K 416 (?????? ??? ???????? « loin du tumulte ») avec E 469 (?? ????????? ?????µ?? « sauvons du tumulte ») [41]. Cette expression insolite, qui ne se justifie donc pas immédiatement par une analyse synchronique, pourrait alors être comprise comme une autre trace d’un lien formulaire ancien entre des formes issues de la racine *nes- et le nom de la mort.

73Il est également possible de mettre ????? en relation avec certains tours où apparaissent les verbes ???µ?? et ?????? (dérivé de ??????). Par exemple, le syntagme ???????µ?? ?? ????µ??? # (P 239) « revenir sain et sauf du combat » peut être rapproché de ?????? […] ????µ??? (Z 443) « loin du combat ».

74En outre, on observe plusieurs fois une relation entre le verbe ???µ?? et des mots de la famille de ??? « sain et sauf » [42] : cf. // ???????? ?? ?? ????? # (A 32) « afin que tu reviennes sain et sauf », ???? ?? ???????? µ???? ?? ?????????? # (? 252) « mais il ne lui a pas accordé de revenir sain et sauf de la bataille ». Ce fait est également observable avec ?????, comme nous venons de le rappeler par la comparaison entre E 322, K 416 et E 469 [43].

75Les rapprochements qui viennent d’être proposés, bien entendu, sont loin d’être incontestables. Une partie d’entre eux est certainement due au contexte de l’Iliade : par exemple, le rapport qui vient d’être fait entre ???????µ?? ?? ????µ??? # (P 239) « revenir sain et sauf du combat » et ?????? […] ????µ??? (Z 443) « loin du combat », n’a peut-être pas plus de valeur, d’un point de vue étymologique, que celui que l’on peut observer entre // µ???? ?? ?????????? # (E 157) « revenant de la bataille » et µ???? ???????? (? 283, etc.) « loin de la bataille ». Pourtant, rien n’interdit absolument de penser qu’ils relèveraient, ne fût-ce que pour une part, d’un héritage ancien : notamment, le fait que ????? est bien plus clairement associé que ?????? et ????????, dans l’Iliade, à l’idée de sûreté et de sécurité loin d’une réalité dangereuse ou pénible, invite à penser que des rapprochements de ce type entre les emplois de ????? et ceux d’un verbe comme ?????? ont moins de chances d’être fortuits que ceux que l’on peut relever entre ce même verbe et des adverbes comme ?????? et ????????.

76En outre, un fait supplémentaire doit être souligné, dont on voit difficilement comment il pourrait être d’ordre purement contextuel. Comme le remarquent E.-M. Voigt (LfgrE, I, col. 1108, s.u. ????????) et G. Markwald (LfgrE, III, col. 435, s.u. ?????), et comme le constate également R. Stefanelli (2004, p. 189 sq.), ?????, dans l’Iliade, est fréquemment employé avec des verbes de mouvement : on peut citer en particulier, à cet égard, sur les trente et une occurrences de ????? / ???????? dans l’Iliade, les vers ? 284 = ? 440 (??????) [44], A 349 et ? 80 (????????) [45], ? 555 = P 664 (???), E 803 (?????), Z 443 (????????), ? 490 (??????), ? 255-256 (?????????) [46]. Il s’agit là, parmi les mots signifiant « à l’écart (de), loin (de) », d’un trait assez spécifique, puisque cela ne s’observe guère, en revanche, avec ?????? et ???????? : en ce qui concerne ??????, E.-M. Voigt (LfgrE, I, col. 820) ne relève que le vers ? 78 (donc une seule occurrence sur dix-sept) avec un verbe de mouvement (????) ; et il évoque explicitement, à ce propos, le lien de ????? avec des verbes de mouvement en ? 490 et ? 255-256. En ce qui concerne ????????, le même auteur (LfgrE, I, col. 991-992) ne mentionne dans l’Iliade que les vers A 35 (????) et I 478 (??????), tout en indiquant que ces emplois font penser à ceux de ????? [47], ainsi que ? 283 (avec ????????) et T 356 (avec ???????) ; cela fait donc quatre occurrences sur trente-trois, auxquelles on peut ajouter T 378 (avec ????????). Les emplois de ?????? et de ???????? sont donc très majoritairement statifs, locatifs, tandis que ceux de ????? sont assez fréquemment directifs : cette caractéristique pourrait être imputée au fait qu’à l’origine, ????? impliquait le « bon retour » loin d’une réalité pernicieuse, et donc supposait un mouvement.

77Ainsi, on a là un argument complémentaire en faveur d’un rattachement de ????? au groupe de ???µ??. Il paraît difficile, en effet, d’expliquer le caractère souvent directif des emplois de ?????, en face du comportement essentiellement statif de ?????? et ????????, par des raisons purement contextuelles : l’hypothèse d’un rapprochement avec la famille de ???µ?? présente donc, de ce point de vue, un pouvoir explicatif qui ne saurait être négligé.

Conclusion

78Ainsi, l’adverbe ????? pourrait bien être, comme l’ont proposé J.-V. Vernhes (2002) et R. Stefanelli (2004), un ancien instrumental adverbial d’un nom-racine issu de la racine *nes-. Dans cette hypothèse, il faut vraisemblablement postuler comme sens premier celui de « en sécurité » ou « à l’abri », ou bien, pour reprendre les termes de J.-V. Vernhes, celui de « en lieu sûr ». Le sens de « loin (de) », « à l’écart (de) » serait secondaire ; mais, dans l’Iliade, on reconnaîtrait encore assez nettement un rapport avec l’idée d’un salut lié à l’éloignement dénoté par ?????. Dès l’Odyssée, l’analyse des occurrences de ????? révèle que ce sens ancien devait s’être en grande partie estompé.

79On observerait donc, dans le cas de ?????, un phénomène déjà bien connu pour d’autres formes issues de la racine *nes-. Si le sens de « revenir » a été préservé dans le groupe de ???µ?? et de ??????, en revanche ??µ???? a tendu à se séparer de cette famille, pour finir par dénoter essentiellement l’idée de joie, de contentement. De même, une autre famille s’est également constituée, sans que le rapport étymologique avec ???µ?? soit demeuré perceptible en synchronie : celle de ???? « habiter » (< *n°s-i?e/o-, avec resyllabation du degré zéro *n?s-) et du nom du temple, attique ???? (< *n°s-u?o-) [48]. D’une manière analogue, le sentiment d’une parenté entre le groupe de ????? et de son dérivé ???????µ?? et celui de ???µ?? aurait fini par s’estomper, ce qui est déjà visible dans l’Odyssée. Un passage de l’Odyssée est remarquable à cet égard : au chant ?, Hélène raconte qu’au moment où Ulysse, entré furtivement dans Troie, y fit un grand massacre de Troyens, son cœur à elle se réjouit, et que ses vœux changés la ramenaient (???????, v. 260) désormais dans la demeure de Ménélas ; quatre vers plus loin, elle rappelle la folie que lui avait mise dans le cœur Aphrodite, qui lui avait fait quitter son pays natal et sa fille : elle emploie alors, pour évoquer ce départ loin de sa fille, la forme ????????µ???? (v. 264). Ainsi, dans ce passage, ???µ?? implique le retour chez soi, tandis que ???????µ??, tout au contraire, en souligne l’éloignement : la parenté de ces deux mots semble déjà perdue.

80Si l’on en acceptait les conclusions, cette étude permettrait donc de mettre en relief, une fois de plus, la richesse de l’Iliade, où ont pu être préservés des archaïsmes qui ne sont plus guère reconnaissables par la suite : on ne peut pas simplement lire l’Iliade en y donnant aux mots le sens qu’ils se révèlent avoir à une époque postérieure de l’histoire de la langue grecque.

Liste des abréviations employées

DÉLG2 :Chantraine, Pierre, Dictionnaire étymologique de la langue grecque. Histoire des mots, rééd. avec un supplément comprenant les Chroniques d’étymologie grecque 1-10 (1re éd., 1968-1980 ; rééd. en un volume, 1999, avec un supplément comprenant les Chroniques d’étymologie grecque 1-3), Paris, Klincksieck, 2009.
EDG :Beekes, Robert S.P., Etymological Dictionary of Greek, Leyde-Boston, Brill, 2010.
EWAia :Mayrhofer, Manfred, Etymologisches Wörterbuch des Altindoarischen, Heidelberg, Winter, 1986-2001.
GEW :Frisk, Hjalmar, Griechisches etymologisches Wörterbuch, Heidelberg, Winter, 1960-1972.
GG :Schwyzer, Eduard, Griechische Grammatik, I, Allgemeiner Teil, Lautlehre, Wortbildung, Flexion, 2e éd. (1re éd., 1939), Munich, Beck, 1953.
GH :Chantraine, Pierre, Grammaire homérique, I, Phonétique et morphologie, 1942 (3e tirage, 1958) ; II, Syntaxe, Paris, Klincksieck, 1953.
LfgrE :Snell, Bruno, et alii (éd.), Lexikon des frühgriechischen Epos, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1955-2010.
LiEW :Fraenkel, Ernst, Litauisches etymologisches Wörterbuch, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1962-1965.
LIV2 :Rix, Helmut (dir.), Lexikon der indogermanischen Verben, 2e éd. (1re éd., 1998), Wiesbaden, Reichert, 2001.
LSJ :Liddell, Henry George, et Scott, Robert, A Greek-English Lexicon, 9e éd. (1940) révisée par Henry Stuart Jones et Roderick McKenzie, avec un supplément (P.G.W. Glare, éd., 1996), Oxford, Oxford University Press.
SEJL :Smoczy?ski, Wojciech, S?ownik etymologiczny j?zyka litewskiego, I-II, Vilnius, Uniwersytet Wile?ski, 2007.

Notes

  • [1]
    Je tiens à remercier Daniel Petit, ainsi qu’Audrey Mathys, pour leur relecture attentive de cet article et leurs remarques pertinentes. Je remercie également les relecteurs anonymes de la Revue de philologie, dont les suggestions m’ont été précieuses. Je suis évidemment seul responsable des erreurs qui pourraient subsister.
  • [2]
    En outre, chez les Tragiques, ce mot apparaît une fois chez Eschyle (Supp. 239). Il faut ajouter à cela une occurrence en prose, sur une inscription de Delphes datant du ive siècle av. J.-C. (cf. le supplément du LSJ, p. 219, colonne 1).
  • [3]
    Sur les graphies en un mot (????????) ou en deux mots (??? ?????) dans la tradition manuscrite, voir LfgrE (I, col. 1108, s.u. ????????, notice de E.-M. Voigt).
  • [4]
    La quatrième et dernière occurrence de ???????? dans l’Iliade se trouve en Y 377, également au génitif (?? ?????????).
  • [5]
    Cf. aussi, dans un autre contexte, X 437-446, où Andromaque tisse paisiblement au foyer, ignorante encore de la mort de son époux.
  • [6]
    Cf. plus haut, 1.1.1.1.
  • [7]
    Cf. plus haut, 1.1.1.1.
  • [8]
    Cf. plus haut, 1.1.1.2.
  • [9]
    Les autres occurrences de ?????(?) dans l’Odyssée sont les suivantes : ? 20, ? 193, ? 350, ? 486, 528, ? 9, 147, 451, 527, ? 304, ? 268.
  • [10]
    Les autres emplois de ????? chez Hésiode ne présentent guère d’intérêt pour cette étude, puisque ?????, comme dans l’Odyssée, doit y avoir un sens purement local ; il en est ainsi dans la Théogonie (57, 777, 870) et dans les fragments. La même remarque peut être faite pour les Hymnes homériques (cf. h.Cer. 4, 27, 72, 114, 303, h.Ap. 95, 105, 314, 331, 338, h.Merc. 446, 537), et pour les occurrences postérieures de ?????.
  • [11]
    Cf. plus haut, 1.1.1.3. Une expression ????? […] ??? ????? # se retrouve ailleurs dans l’Iliade (? 480), mais sans ?????.
  • [12]
    Cf. plus haut, 1.1.2.
  • [13]
    Sur les autres termes apparentés à ?????, voir DÉLG2 (p. 729, s.u. ?????) : à l’époque archaïque, seul un adjectif ????????? « secret, caché » est attesté dans un fragment d’Hésiode (124, 2 Merkelbach-West = 187, 2 Rzach ; cf. LfgrE, III, col. 436, s.u. ?????????, notice de G. Markwald). Sur l’existence éventuelle d’un autre dérivé de ????? à l’époque archaïque, ?????????? (Antimaque de Colophon lit ?? ?????????? « secret, caché » en ? 397, au lieu de ?? ???????? « visible à tous » ; cette variante se retrouve dans un papyrus), voir la bibliographie chez Meier-Brügger (1987, p. 185, note 15).
  • [14]
    On trouve, chez Hésychius, les gloses suivantes pour ????????µ??? : ?????µ??? « nous refuserions », ? ??? ???? ?? ??????µ??? « ou nous nous détournerions vers autre chose », ? ???????µ??? « ou nous nous cacherions ». Les scholies utilisent aussi le verbe ??????µ?? « se séparer, s’éloigner » pour gloser ???????µ?? (cf. LfgrE, III, col. 436-437, s.u. ???????, -??µ??, notice de G. Markwald).
  • [15]
    Il doit en être de même dans les Hymnes homériques, où l’on a trois occurrences de ce verbe (dont deux avec le préverbe ???-) : h.Cer. 92, 158, h.Merc. 562.
  • [16]
    Les différentes hypothèses sur l’étymologie de ces formes sont rassemblées chez Fritz (1995). Voir aussi la Chronique d’étymologie grecque, 11 (Revue de philologie, 80/2, 2006), p. 344 (notice de Markus Egetmeyer).
  • [17]
    En dehors des passages qui vont être cités, cf. aussi X 332-333 (avec ?????? et ???????).
  • [18]
    Cf. aussi ???????? µ???? en ? 30, à propos des vaisseaux des rois blessés au combat ; et, en P 192, à propos d’Hector quittant le combat. En P 426, ce sont les chevaux d’Achille qui pleurent, à l’écart du combat (µ???? ?????????), après avoir vu choir leur cocher : dans ce contexte, le fait d’être loin du combat n’implique pas la tranquillité. Une autre occurrence de ce syntagme se trouve en B 391 (cf. plus bas).
  • [19]
    Il y a en réalité une différence entre ces deux emplois : ????? est associé à un verbe de mouvement (????????), tandis que ???????? est accompagné d’un verbe d’état (????????). Cette différence d’emploi n’est guère utilisable à ce niveau de notre analyse ; mais elle doit avoir son importance, comme nous le verrons plus bas (2.2.2).
  • [20]
    Ce passage rappelle celui du chant X où ????? est aussi employé à propos d’Hector, dans des conditions analogues : // ????? ?????? # (X 508). Mais, à la différence de ?????? et ????????, ce type d’emploi est assez isolé avec ????? (cf. 1.1.1.5).
  • [21]
    Cette liste n’est pas exhaustive, et plusieurs autres passages pourraient sans doute être utilisés pour montrer que ?????? et ???????? sont souvent en contradiction avec l’idée de sûreté, ou de tranquillité : pour une étude plus complète des emplois de ?????? et ????????, qui ne saurait être faite dans les limites de cet article, voir LfgrE (I, col. 819-821, 990-992, notices de E.-M. Voigt).
  • [22]
    Cf. notamment DÉLG2 (p. 733-734) ; EDG (II, p. 1031).
  • [23]
    Pour des éléments de discussion sur cette étymologie, cf. notamment Stüber (2002, p. 196-197) ; Petit (2004, p. 36), qui souligne que cette reconstruction ne convient pas pour le dossier baltique ; Chronique d’étymologie latine, 2 (Revue de philologie, 78/2, 2004), p. 331 (notices de Ch. de Lamberterie, sur les données latines).
  • [24]
    Sur la reconstruction indo-européenne du nom du nez, voir un état du dossier, de peu antérieur à l’article de Fritz (1996), chez Griepentrog (1995, p. 323-351). Celui-ci (1995, p. 342-343) refuse, pour des raisons formelles, l’hypothèse d’un rattachement de ????? au nom du nez ; il en va de même chez Risch (1986, p. 76, note 39).
  • [25]
    Sur le dossier complexe de ce pronom, voir notamment Petit (1999, p. 326-327, 330-331). Hypothèse différente chez Willi (2004).
  • [26]
    Cette seconde objection, naturellement, n’est pas aussi forte que la première : le fait que ????? se trouve régir des formes pronominales de première personne du singulier pourrait être considéré comme une recaractérisation de ce terme, où le pronom « nous » n’était plus reconnaissable.
  • [27]
    Sur la valeur des formes en -?? dans la langue homérique, voir notamment Chantraine (GH, I, p. 234-241). Sur la valeur ablative secondaire de -?? (avec la bibliographie sur cette question), voir notamment Risch (1974, p. 361, note 10) ; Hettrich (1985) ; Meier-Brügger (1987, p. 186, note 21). C.J. Ruijgh (1967, p. 93-95 ; 1979, p. 80, note 33, et p. 82, note 36), en particulier, s’oppose à l’interprétation des toponymes mycéniens en -?? comme des formes de valeur ablative.
  • [28]
    Sur l’étymologie retenue par M. Meier-Brügger, voir en outre Hajnal (1995, p. 301, note 383). R.S.P. Beekes (EDG, II, p. 1024) la rejette en tant que « semantically doubtful ».
  • [29]
    Sur le sens de la racine *nes-, voir aussi, plus récemment, les études de J.L. García Ramón (2004) et D. Kölligan (2007, p. 373, et plus généralement p. 373-376 sur les reliefs de cette racine en grec), où l’on trouvera d’autres éléments de bibliographie. M. Malzahn (2007), toutefois, postule un sens premier de « to approach/get near in joyful anticipation », à partir des données tokhariennes (notamment, tokh. B ñ(y)?s, A ñ?s « désir », qui seraient issus d’un thème en *-u- acrostatique *n?s-u-). Quoi qu’il en soit, du point de vue du grec, l’idée de bon retour est clairement première : c’est donc de cette idée qu’il faudra partir pour rendre compte de ?????, si ce mot doit être rattaché à la famille de ???µ??.
  • [30]
    Cf. notamment Hérodien (II, 527, 19-21 Lentz).
  • [31]
    Sur le nom indo-européen du soir (cf. notamment le génitif hitt. nekuz « soir »), voir en particulier Schindler (1967). Cf. Vij?nas (2009, p. 39-42).
  • [32]
    Sur ces deux noms, voir Vij?nas (2009, p. 62-63, 76-77) ; et plus généralement, sur ce type de formations en grec, voir Vij?nas (2009, p. 70-91).
  • [33]
    Cf. Vij?nas (2009, p. 42-44, 91-92). La nature exacte de la vélaire initiale n’est pas assurée : voir des hypothèses chez Rieken (1999, p. 132-133).
  • [34]
    Sur la fonction des N?satyas, voir des éléments de bibliographie dans EWAia (II, p. 39) et chez Malzahn (2007, p. 238).
  • [35]
    Les formes nominales à degré o radical d’autres langues indo-européennes ne s’expliquent jamais par l’intermédiaire d’un nom-racine : par exemple, le germanique commun *naz-? (cf. v.h.a. nara « salut, rédemption », v.h.a. l?b-nara et v. sax. l?f-nara « moyens de subsistance »), dont le Transponat indo-européen serait *nos-??, avec accent final selon la loi de Verner, est clairement un mot abstrait oxyton du type grec ??µ? « action de couper, coupe » (type à accent final et degré o apophonique, cf. ??µ?? « couper »). Sur le dossier germanique, voir notamment Seebold (1970, p. 359-360).
  • [36]
    Il faut préciser que la désinence -??, dans la langue homérique, n’est pas liée à un nombre particulier : cf. notamment Lejeune (1956).
  • [37]
    J. Wackernagel (1897, p. 6, note 2 = 1953, I, p. 767, note 2) reconstruisait une forme *n?s-s-meno-s (participe aoriste sigmatique), afin de justifier le maintien de ? devant µ.
  • [38]
    Cf. LIV2 (p. 455, note 3) ; Chronique d’étymologie grecque, 7 (Revue de philologie, 76/1, 2002), p. 114-115 (notice de Pierre Ragot) = DÉLG2 (p. 1274) ; Kölligan (2007, p. 365, note 1027).
  • [39]
    On rencontre une autre occurrence de ??µ???? dans l’Iliade, au chant ? (v. 108 : // ?µ?? ?? ??? ??µ??? ??? #), où l’on considère généralement que le sens étymologique n’a pas été préservé : cf. Wackernagel (1897, p. 6, note 2 = 1953, I, p. 767, note 2) ; Janko (dans Kirk, 1985-1993, IV, p. 162). Agamemnon a engagé les Achéens à faire mouiller une partie des vaisseaux en eau profonde, en attendant la nuit où ils pourront peut-être les mettre tous à l’eau, et donc accomplir leur ?????? ; répondant à Ulysse qui s’y est opposé, il demande si quelqu’un aurait un meilleur avis à proposer que le retour, et conclut (? 108) : // ?µ?? ?? ??? ??µ??? ??? # « et il sera pour moi le bienvenu » (trad. Mazon), « il m’en verrait heureux » (trad. Meunier). Certes, ce passage fait penser à des tours du type de ?? ???? ?? ??? ?????µ??? ????? ???????????? (Pl., Grg. 448d) « si toi, tu as envie de répondre » (cf. Th. II, 3, etc.), ??? ?? ?µ?? ?? # ????µ??? ?? ??????? (? 227-228) « cela ne saurait advenir, quelles que soient mes espérances » ; et l’on rencontre, à l’époque classique, des syntagmes où le datif de ??µ???? exprime l’idée de joie (cf., par exemple, A., Pr. 23 ; S., Tr. 18 ; Ar., Pax 582). Mais, dans la mesure où ce passage se trouve dans l’Iliade, on pourrait, à titre de simple hypothèse, avancer l’idée que l’emploi de ??µ??? ne se réduirait pas ici à dénoter la joie d’Agamemnon. Il pourrait suggérer, un peu paradoxalement, que le ?????? qu’Agamemnon proposait aux Achéens n’est finalement pas leur salut, et que le meilleur moyen de revenir sains et saufs après avoir combattu jusqu’au bout est plutôt de rester dans la plaine de Troie ; on pourrait alors traduire ce tour par « il me serait salutaire », « pour moi, il serait le salut ». Cette analyse peut paraître spéculative, mais on rencontre quelquefois des paradoxes de ce type dans les poèmes homériques. Par exemple, dans l’Odyssée, Circé prévient en ces termes Ulysse du danger qu’il courrait s’il tentait d’attaquer Scylla (µ 120) : ???? ??? ???? ????? ??????? ????????? ??? ????? « il n’y a pas de résistance possible : il vaut mieux fuir loin d’elle. » Dans la mesure où les comparatifs et superlatifs employés habituellement au neutre dans des tours impersonnels au sens d’« il vaut mieux » ne sont pas, chez Homère, ???????? et ?????????, on peut considérer l’emploi de ????????? comme marqué : le sens premier de ce superlatif étant de dénoter la force, son emploi suggérerait que la plus grande force se trouve du côté de celui qui fuit, plutôt que de celui qui résiste. Ce serait là un argument, de la part de Circé, pour convaincre Ulysse, qui ne songe qu’à en découdre avec Scylla, qu’il n’y a aucune honte à préférer la fuite. Sur l’analyse de ce vers de l’Odyssée, je me permets de renvoyer à Dieu (à paraître, p. 106-108).
  • [40]
    J. Wackernagel (1897, p. 6, note 2 = 1953, I, p. 767, note 2) cite ainsi un passage des Perses d’Eschyle (v. 736) : la reine y parle de Xerxès qui, après la défaite, « a été trop heureux d’atteindre le pont qui joignait les deux continents » (??µ???? µ????? ??????? ???? ????? ?????????? ; trad. Mazon) ; l’idée du salut de Xerxès est évoquée au vers précédent (??????? « salut ») et au vers suivant (???????? « être sain et sauf ») par l’ombre de Darius. Voir aussi d’autres références du même type chez Wackernagel, op. cit., loc. cit., et DÉLG2 (p. 120, s.u. ??µ????).
  • [41]
    Cf. plus haut, 1.1.1.1.
  • [42]
    Cela suggère que, dans ces contextes, l’idée de revenir sain et sauf n’est pas intrinsèque à ???µ??. Sur l’analyse de ces deux passages, voir Kölligan (2007, p. 369-370).
  • [43]
    En outre, l’adjectif ??? et l’adverbe ?????? sont employés dans la même phrase en X 331-332 (cf. 1.1.1.2) ; cela dit, ces deux termes ne s’y appliquent pas à la même personne.
  • [44]
    Sur l’emploi de ?????? en ? 284 et en ? 440, voir le commentaire de B. Hainsworth (dans Kirk, 1985-1993, III, p. 257) : on trouve dans un papyrus, ad ? 284, une lecture ??????[, qui invite à suppléer ensuite ?????, au lieu de ??????. B. Hainsworth ajoute qu’Aristarque n’aimait pas le syntagme ????? ??????, et il cite la scholie T ad ? 440 (on a pour ce vers, dans de nombreux manuscrits, une uaria lectio ?????? ?????) : ?? ??? ?????? ?????????? « ?????? est une catachrèse », « ?????? est employé abusivement ». En ? 440 comme en ? 284, il s’agit d’un guerrier blessé qui ne s’éloigne pas lui-même du champ de bataille, mais est ramené par d’autres vers son camp ; l’association de ????? avec ce participe ?????? de sens actif peut donc paraître surprenante dans ces contextes, et il s’agit, d’un point de vue sémantique, d’une lectio difficilior. On peut se demander, dès lors, si cet emploi inattendu ne viendrait pas de ce qu’il s’agirait d’une vieille formule unissant ????? à ce verbe de mouvement : cela pourrait constituer un argument de plus pour suggérer que ?????, à l’origine, devait être employé de manière privilégiée avec des verbes de mouvement.
  • [45]
    G.S. Kirk (1985-1993, I, p. 88) remarque qu’en A 349 (?????? […] ????? ???????? #), la séparation de ????? et de son régime ?????? est un peu rude ; cette construction peut donc suggérer que le syntagme ????? ???????? était originellement absolu (cf. aussi Latacz, 2000, p. 39). De fait, il l’est en ? 80 (// ????? ???????? #) ; et, au vers suivant, l’indication que Zeus est assis « loin des autres » est exprimée au moyen d’un autre terme, ????????, précédé de son régime ??? ?????. Cela peut laisser penser que l’emploi le plus ancien de ????? n’est pas prépositionnel ; de même, les associations de ????? avec ??? pourraient éventuellement suggérer qu’à l’origine, ????? était un adverbe d’emploi absolu, qui ne pouvait recevoir de régime que par l’intermédiaire d’une autre préposition.
  • [46]
    Dans l’Odyssée, le fait est moins net : sur les vingt-trois occurrences de ?????, on n’a guère de verbes de mouvement qu’en ? 286 (??????), ? 164 (???????), ? 289 (???????), ? 350 et ? 528 (?????????).
  • [47]
    En ce qui concerne A 35, voir les commentaires de Kirk (1985-1993, I, p. 57) et Latacz (2000, p. 127) : le syntagme ???????? ???? (attesté seulement une fois dans l’Iliade, puis deux fois dans l’Odyssée) appartient à un système formulaire généré oralement, et fait penser à ???????? ???? (quatre occurrences dans l’Iliade) et ???????? ???? (trois occurrences dans l’Iliade).
  • [48]
    L’idée d’« habiter » provient probablement de celle d’« être revenu chez soi » : cf. notamment Kölligan (2007, p. 374-375, avec bibliographie). Une évolution sémantique analogue est observable dans véd. ásta- = avest. récent asta- « maison, lieu de repos », issus de *n?s-to- (cf. plus haut, 2.2.1).
Français

Résumé

Le mot grec ?????, adverbe ou préposition signifiant « loin (de), à l’écart (de) », se trouve fréquemment employé, dans l’Iliade, dans des contextes qui suggèrent un éloignement par rapport à une réalité hostile, dangereuse, ou simplement pénible. Après un examen des emplois de ????? dans les poèmes homériques, on s’efforce de montrer que cette situation ne doit pas être due uniquement au contexte guerrier de l’Iliade, mais qu’elle a des chances de refléter le sens originel de ce terme ; et l’on s’interroge alors, dans le prolongement d’analyses étymologiques avancées récemment par Jean-Victor Vernhes et Rossana Stefanelli, sur l’idée d’un rattachement de ????? à la racine indo-européenne *nes- « revenir sain et sauf », qui est notamment attestée, en grec, dans des formes comme ???µ?? « revenir (sain et sauf) » et ?????? « (bon) retour ».

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    Les abréviations utilisées sont les suivantes : acc. = accusatif ; all. = allemand ; avest. = avestique ; dat. = datif ; dor. = dorien ; éol. = éolien ; fr. = fragment ; gén. = génitif ; got. = gotique ; hitt. = hittite ; lat. = latin ; lit. = lituanien ; masc. = masculin ; mod. = moderne ; myc. = mycénien ; nom. = nominatif ; nt. = neutre ; sax. = saxon ; sl. = slave ; tokh. = tokharien ; v. = vieux, vieil, ou vers ; véd. = védique ; v.h.a. = vieux haut-allemand. Les abréviations des noms d’auteurs et d’œuvres grecs sont identiques à celles qui sont utilisées dans le LSJ. Le signe # indique un début ou une fin de vers, le signe // une coupe ou une césure.
Éric Dieu
Université de Toulouse-II – Le Mirail, PLH-CRATA
Mis en ligne sur Cairn.info le 19/09/2012
https://doi.org/10.3917/phil.841.0051
Pour citer cet article
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