CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Les maladies périarticulaires [1] constituent depuis 1989 la catégorie la plus nombreuse des maladies professionnelles reconnues par le ministère du Travail. Leur nombre n’a cessé de croître de façon à peu près exponentielle depuis la création de la catégorie en 1972, jusqu’à atteindre 29379 cas indemnisés en 2006 [2], soit les deux tiers du total des maladies professionnelles. Il les impose au premier rang des problèmes de santé au travail en France, comme dans un grand nombre de pays développés. L’acuité de ce problème au cours des années récentes est confirmée par l’étude d’archives produites au ras du travail aussi bien que par l’enquête ethnographique. De telles sources montrent comment le développement de ces pathologies correspond à ce que des ergonomes qualifient de « maladie des organisations du travail » [3], et combien les salariés et leurs représentants immédiats s’inquiètent devant cette mise en cause de leur santé au travail [4].

2Mais l’histoire de ces maladies de l’effort excessif au travail, pour faire écho à des formules anglo-saxonnes qui les désignent (overuse injuries, ou cumulative trauma disorders), ne se superpose pas à leur reconnaissance réglementaire. Tout d’abord, la multiplication des cas reconnus n’exprime pas directement l’évolution des cas effectifs, tant les études et les archives soulignent de façon récurrente l’importance de la sous-déclaration et de la sous-reconnaissance de ces affections, comme des autres maladies professionnelles [5]. Un tel écart dissuade de prendre la multiplication des cas reconnus pour la réalité de l’évolution, ou de croire au contraire que cette croissance découle mécaniquement des modifications de la réglementation. Ensuite, les pathologies des mains ou des différentes articulations n’ont pas attendu pour se développer l’existence d’un cadre légal et réglementaire. Repérée de façon ponctuelle depuis des siècles, leur histoire comporte en France une période singulière située entre la loi de 1919, qui ouvre la possibilité de reconnaître et d’indemniser les maladies professionnelles en général, et les décrets d’application qui, pas à pas, de 1972 à 1991, permettent la reconnaissance effective de ces pathologies. Au cours de cette longue période, des victimes se heurtent de façon récurrente au refus des autorités administratives, désormais en charge de la décision. Durant cinquante à soixante-dix ans, les victimes de ces pathologies adoptent tous les argumentaires possibles pour se faire entendre. La surdité de l’administration s’adapte, flexible et multiple elle-aussi. Au-delà des seuls cas individuels, les poussées en faveur des malades et les résistances qu’elles suscitent nouent des jeux de forces autour de la reconnaissance des affections ostéoarticulaires dans le champ des maladies professionnelles. Elles permettent d’esquisser les formes du déni comme les voies de l’acceptation. Pour l’historien, l’enjeu est également d’ordre épistémologique :quand aucune catégorie n’existait pour prendre en considération officiellement les affections périarticulaires, quelles traces peut-on trouver du phénomène, et comment faire l’histoire d’une réalité déniée ?

3La complexité de l’enjeu, partagée avec de nombreuses maladies professionnelles, prend des formes particulières, en raison de la nature même des affections périarticulaires. Ces affections n’ont pas le sinistre prestige attribué à d’autres maladies telles que la silicose [6], l’asbestose, le saturnisme ou les cancers professionnels. Aucune mortalité directe et massive ne suit ces pathologies, dont certaines, même, peuvent s’estomper dans certaines conditions. Situées précisément entre les risques saillants que sont les accidents du travail et les maladies professionnelles qualifiées de « grandes tueuses », elles restent un genre mineur dans l’ensemble des dégâts subis au travail. Ne résultant généralement pas des ravages provoqués par un agent extérieur sur le corps des travailleurs, les affections périarticulaires sont rétives à l’analyse. Hormis celles qui résultent de l’usage de matériels vibrants, elles s’articulent à l’activité proprement dite, au cœur du travail et des gestes effectués. Elles sont liées à l’usage industrieux du corps. En cela, elles soulèvent deux questions sensibles. Tout d’abord, le travail tel qu’il est effectué est-il considéré comme pathogène et, si c’est le cas, de quelle façon et à quelles conditions ? Vient ensuite la question de l’acceptabilité, qui se pose ici comme pour toutes les maladies professionnelles. La société considère-t-elle comme scandaleux ou au contraire normal que le corps soit affecté voire dégradé par l’activité exercée ? Et, le cas échéant, où place-t-elle la limite ? L’histoire des réponses à ces questions, posées ici à propos des maladies périarticulaires, éclaire la valeur sociale accordée au travail, tant pour le travailleur que pour la société.

4Sur ces questions, les archives des ministères en charge du travail et de la protection sociale offrent des fonds d’une grande richesse [7]. On y trouve des demandes émanant de victimes de maladies ostéo-articulaires, ou de gens et d’organismes plaidant leur cause, ainsi que les réponses faites au nom du ministère. Celui-ci apparaît alors comme une entité, lisse et opaque. D’autres fonds introduisent au-delà de la façade et font accéder aux échanges qu’entretiennent différents niveaux hiérarchiques, différents services, différentes fonctions, au ministère ou à la Sécurité Sociale. Certaines époques semblent alors marquées par une animation plus vive que d’autres sur le sujet. Ainsi, les questions prennent une relative historicité, en ce que, même de façon incomplète, les archives permettent de rythmer certaines évolutions des acteurs impliqués dans la qualification des maladies ostéo-articulaires. Elles permettent de combler le long vide qui sépare le moment de la création des maladies professionnelles et celui où les premières affections périarticulaires y trouvent leur place.

LES BORNES D’UN VIDE À EXPLORER (1919-1972)

5Des douleurs au travail et des pathologies périarticulaires qui les suscitent, l’histoire peut saisir des traces dans la connaissance clinique que pour certains métiers, Bernardino Ramazzini initie à l’aube du XVIIIe siècle [8]. Ce médecin italien traite des maladies affectant les écrivains et les copistes, les tisserands, les boulangers, les aiguiseurs de rasoirs ou encore les cochers. Il diagnostique des membres douloureux, affaiblis et parfois déformés en raison d’efforts excessifs et de leur tension continue. Ses prescriptions, qui consistent dans plusieurs cas à recommander l’allégement du travail, se situent dans la perspective d’une gestion privée de ces maladies. Sur le relatif refoulement public dont elles font l’objet au cours du XIXe siècle, un numéro du Mouvement social soulignait la discordance fréquente entre le regard médical et l’expérience ouvrière [9]. Tandis que le premier s’attachait tantôt à l’idée d’insalubrité des professions soulignée par Ramazzini et tantôt à la mise en cause du mode de vie ouvrier [10], la seconde témoignait de la montée des exigences patronales en matière d’intensité du travail. Depuis, d’autres recherches suggèrent un rythme plus précis. Si, à la fin du XVIIIe siècle, divers médecins soulignaient les risques liés à l’exercice de certains métiers, les hygiénistes tendent, à partir de la Révolution, à diluer ces risques dans le mode d’existence ouvrier [11], tandis que la fin du XIXe siècle verrait revenir une mise en cause du travail au sein du corps médical [12]. Alors, parallèlement à l’élaboration de la loi du 9 avril 1898 sur les accidents du travail, diverses initiatives enclenchent des premiers pas dans la prévention et la réparation des maladies professionnelles [13]. Certains débats mobilisent des médecins, à l’échelle internationale, en particulier lorsque surviennent des maladies correspondant à de nouvelles activités comme la crampe de l’écrivain touchant les employés aux écritures, dont le nombre se multiplie, et les conditions de travail changent, ou la crampe du télégraphiste [14]. Ces pas timides mesurent chichement les contraintes fixées en matière de prévention et de contrôle [15]. En ce qui concerne la réparation des dommages causés par les maladies professionnelles, de laborieux débats à l’Assemblée nationale débouchent en 1913 sur une proposition de loi indemnisant les seules intoxications par le plomb et le mercure, que les sénateurs ne ratifient que le 25 octobre 1919. Un cadre législatif est donc créé, susceptible d’accueillir les affections périarticulaires au rang des maladies professionnelles. Mais elles resteront encore pour un demi-siècle hors du champ de l’action publique.

6C’est à partir de 1972 que s’effectue, par étapes, un processus de reconnaissance de différentes pathologies périarticulaires professionnelles, et d’indemnisation des cas correspondants [16]. Le premier temps est, cette année-là, la création d’un tableau nouveau parmi les maladies professionnelles, au numéro 57, pour la catégorie simple de l’hygroma du genou, c’est-à-dire l’inflammation de coussinets liquides facilitant le glissement des tendons ou de la peau, dont souffrent des carreleurs, paveurs, maçons et mineurs. Un second temps est la réforme du tableau 57 en 1982, qui élargit la catégorie. Elle intègre des tendinites et des compressions de nerfs se faufilant dans des passages étroits du poignet ou du coude. Elle s’étend vers le coude et le poignet. Elle ouvre l’éventail des facteurs de risques : outre la position en appui prolongé (sur les genoux, le coude ou la main), elle prend en compte la répétition de gestes. Cette réforme installe explicitement la catégorie des affections périarticulaires dans les maladies professionnelles. En 1991 intervient un troisième temps, qui systématise l’extension. Le tableau modifié ajoute les articulations des épaules et des chevilles; il prend en compte les tendinites, les inflammations de tissus et les compressions de nerfs pour chacune des articulations désignées; enfin, il reconnaît la douleur comme symptôme d’affection. Au final, le développement du tableau 57 définit une maladie professionnelle générique des « affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail ». Ces gestes et pathologies sont dissociés de cadres professionnels stricts et sont définis selon des principes biomécaniques qu’une revue médicale traduit par « la triade classique :posture (postures extrêmes), force (poids excessifs manipulés à vitesse lente), fréquence (répétition excessive d’un geste à faible charge mais à cadence rapide)», triade qu’elle résume dans la définition de « pathologie d’hypersollicitation » [17]. C’est alors, et alors seulement, que pour ces maladies, l’administration s’écarte du système hérité de Ramazzini attachant les pathologies à des métiers, pour fonder leur reconnaissance sur le travail des personnes. Ce changement, essentiel, rompt la grille paradoxale de cette tradition d’analyse qui guidait l’attention médicale vers les conditions concrètes d’exercice du travail, et qui, dans le même temps, enserrait l’analyse de ces maux dans une spécificité de métier quasi-naturalisée. Dès lors, l’analyse peut mieux prendre en compte les changements transversaux affectant des professions distinctes ainsi que, plus largement encore, des vagues d’intensification du travail.

7Loin de fonctionner en vase clos, l’activité réglementaire fait écho à des formes de sensibilisation ou de mobilisation qui animent le monde syndical aussi bien que les milieux impliqués dans les questions de santé au travail :recherche médicale, réseaux de médecins du travail, ergonomie, etc. Toutefois, la chronologie comparée laisse penser que les formes de mobilisation contre les affections périarticulaires émanant du monde syndical autant que des milieux de la médecine du travail ou de la recherche, particulièrement repérables à partir du milieu des années 1980, ne précéderaient pas l’évolution réglementaire, mais l’accompagneraient. Une telle relation ne peut se satisfaire d’un début d’émergence fixé en 1972, et appelle une exploration des décennies précédentes.

AVANT 1972, UNE MASSE CACHÉE DE DEMANDES ET DE REFUS

8D’où vient la première reconnaissance de 1972, cantonnée au seul hygroma du genou, et quelles peuvent être les traces de la question au cours de la période qui précède ? Consultées sur les époques précédant la reconnaissance des affections périarticulaires, les archives du ministère du Travail offrent, sans trop de surprise, les traces de demandes nombreuses et variées.

9Certaines émanent directement des intéressés. En 1954, le forgeron lorrain Joseph L., ayant quarante-quatre ans dont vingt-deux de métier, écrit au ministre pour obtenir une intervention qu’appelle son cas qu’il croit « un peu particulier ». Il a été obligé d’arrêter son travail, ne pouvant plus se servir de sa main droite, celle-ci se paralysant sitôt qu’il se servait d’un outil. Il explique ensuite la situation problématique dans laquelle il se trouve [18] :

10

« J’ai obtenu un congé de maladie “accident”. Mais aucune caisse de maladie et de Sécurité Sociale ne veut reconnaître ce cas comme maladie professionnelle. Je suis dans l’embarras, car j’ai trois enfants âgés respectivement de 13,10 et 5 ans à nourrir. Une intervention chirurgicale s’impose mais je ne pourrai plus me servir de ma main droite comme auparavant. Un professeur et un médecin qui me traitent reconnaissent que la paralysie de la main droite provenait de mon travail, mais les difficultés proviennent et refusent (sic) de reconnaître ma maladie comme étant professionnelle.
Je souhaite très sincèrement votre aide, monsieur le ministre, en ce qui concerne mon cas, pour m’éclairer et m’aviser. »

11Pour cette maladie liée à la fois au travail et à l’emploi, le refus n’est pas clairement exposé. Du point de vue du malade, l’évidence du lien n’incite pas à comprendre les arguties d’experts, comme le montre cette lettre adressée à la ministre [19] :

12

« Tout d’abord je vous fais mes excuses pour le dérangement. Voici les faits :je suis atteinte de “crampe des écrivains” du professionnellement (sic), mais malgré les certificats des médecins, je ne suis pas considérée comme telle, ni indemnisée comme mon médecin traitant et le professeur Descotes l’ont affirmé. Je suis en arrêt de travail depuis le 26 janvier 1978. J’ai perdu mon emploi bien sûr. J’étais aide-comptable depuis 9 ans dans une maison de transport.
Est-ce que cette maladie professionnelle ne pourrait pas être inscrite au répertoire des accidents du travail ? Que dois-je faire ? Je joins à ma lettre 1 photocopie du directeur de la Sécurité Sociale de Lyon,1 photocopie de chacun des certificats de médecins.
En espérant, madame le Ministre de la santé, que je recevrai une réponse favorable, recevez, madame, avec mes excuses, mes distinguées salutations. »

13D’autres malades entrent dans l’analyse de leur dossier et décomposent avec précision le point qui fait obstacle à la reconnaissance du caractère professionnel de leur affection [20] :

14

« Mr le Ministre,
J’ai l’honneur de venir très respectueusement par cette lettre attirer votre attention sur un problème médico-légal dont je suis victime […]. Voilà 23 ans que j’exerce ce métier qui consiste à fabriquer de grandes plaques en caoutchouc et, une fois celles-ci prêtes, à en découper des morceaux à l’aide d’un couteau en tenant la plaque de l’autre main tout en luttant contre la cinétique du cylindre qui entoure les plaques et contre les vibrations de cette énorme machine. Si je me suis permis de vous décrire mon travail, c’est parce que progressivement au cours des années sont apparues des déformations articulaires au niveau de mes doigts aboutissant à la constitution de lésions visibles radiologiquement, témoignant d’une arthrose métacarpo-phalan-gienne bilatérale. Bien évidemment cette atteinte de mes deux mains me gêne considérablement vu la nature du travail que je dois exécuter. Par ailleurs, père de 9 enfants dont l’ainé a 15 ans et le plus jeune 4 ans, je suis bien entendu très désireux de travailler mais jusqu’à maintenant je n’ai malheureusement pas pu obtenir dans mon usine un poste davantage adapté à mon état de santé malgré l’avis de mon médecin traitant.
D’autre part j’aimerais soumettre à votre attention le problème suivant :certains de mes amis travaillant dans les travaux publics et utilisant quotidiennement un marteau piqueur et présentant les mêmes lésions que moi (à savoir une arthrose métacarpo-phalangienne) ont vu ces atteintes être reconnues en tant que maladies professionnelles, et indemnisées en tant que telles. Je suis donc étonné de voir que ma maladie n’est pas considérée de la même façon par la Sécurité Sociale alors que les médecins que j’ai été amené à consulter pour ma maladie et particulièrement le Pr agrégé M.-F.Kahn, chef du service de rhumatologie à l’Hôpital Bichat sont tout à fait d’accord pour reconnaître que la répétition quotidienne de micro-traumatismes pendant 23 ans à effectuer le même travail est suffisante pour créer l’apparition d’une arthrose des doigts et donc pour reconnaître la responsabilité de mon travail dans l’atteinte qui m’invalide actuellement, c’est-à- dire pour attribuer un caractère professionnel à ma maladie. Cette discrimination m’apparaît d’autant plus injuste que j’ai pu constater par l’intermédiaire d’amis que des efforts sportifs pro- fessionnels engendrant le même type de troubles sont reconnus sur le plan médico-légal alors que ces troubles provoqués par un métier aussi pénible que le mien ne le sont pas. »

15L’argumentaire fait feu de tout bois, rassemblant les munitions apportées par les experts, les amis, le métier, la famille. L’ensemble est remarquablement centré sur la personne et met en cohérence les diverses facettes de sa vie. Mais les services administratifs, auxquels le ministre a transmis la requête, ne voient pas les choses ainsi. L’intéressé n’a pas effectué de demande formelle d’indemnisation au titre des maladies professionnelles, même si son cas a donné lieu à un signalement du médecin-conseil de la caisse primaire d’assurance maladie, et à un examen par le spécialiste des maladies professionnelles. L’affection,« très certainement liée aux gestes répétitifs du travail », ne figure à aucun tableau et ne donne pas droit à indemnisation au titre d’accident du travail, comme l’a demandé cet ouvrier. La concession que fait ici le directeur régional des affaires sociales, dans sa réponse au ministre qui demandait des éclaircissements, n’est là que pour mieux fermer la porte. En l’absence d’un tableau correspondant créé dans la série des maladies professionnelles, il est même possible de reconnaître le caractère professionnel d’une maladie et de refuser son indemnisation. Faut-il ajouter, pour boucler le tableau, que ce rejet s’effectue alors qu’est en cours, depuis 1976, le processus d’extension du tableau 57 qui aboutira à la réforme de 1982 [21] ?

16Parfois, les salariés demandent du renfort. Ce peut être celui de leur médecin traitant, tel celui qui s’adresse directement au ministre [22] :

17

« J’ai l’honneur de vous prier de bien vouloir intervenir pour officialiser le caractère professionnel d’une affection dont est atteinte Mme Soledad G., une ouvrière travaillant depuis 3 ans à CRB, manufacture pharmaceutique […]. Il s’agit d’une arthrite du poignet contractée à force de manœuvres stéréotypées de la main qui devrait être reconnue comme professionnelle afin que cette patiente ne soit lésée dans son bon droit de réparation rentuelle. »

18Le renfort peut aussi venir de personnalités, maire, employeur [23] ou encore député, qui savent ou osent à l’occasion prendre de la hauteur pour plaider « à la fois ce cas particulier et le cas général » [24] :

19

« Parmi les nombreux risques auxquels les travailleurs sont exposés, les maladies professionnelles sont certainement les plus pernicieux. En effet, au-delà du préjudice subi, ce sont les multiples difficultés de reconnaissance et de réparation qui sont en cause.
Nous en sommes en effet réduits à revenir constamment au tableau des maladies reconnues professionnelles. Quelle que soit la rigueur mise à établir ce tableau (mis à jour par vos soins en septembre dernier), la dispersion des activités industrielles et l’accélération des innovations technologiques secrètent des “laissés pour compte” de ce tableau. »

20En fait, les demandes de salariés adressées aux ministres ou au président de la République sont rares au regard des dossiers, beaucoup plus nombreux, qui passent par les instances de la Sécurité Sociale. Suivant cette voie normale, une demande de prise en charge est expertisée par un médecin-conseil. S’il conteste un refus de ce dernier, le demandeur peut déposer un recours en commission de recours gracieux, dont les décisions peuvent à leur tout être corrigées par le directeur régional, puis par le directeur général de la Sécurité Sociale voire par un responsable agissant au nom du ministre. Cette série de paliers de décision, reconstituée ici à partir du parcours effectif de cas concrets, illustre en fait la série des obstacles à franchir pour obtenir la reconnaissance d’affections périarticulaires comme maladies professionnelles. Une série redoutablement efficace : aucun dossier ne semble obtenir gain de cause parmi ces malades ayant déposé une demande, puis contesté le refus de l’expert de la Sécurité Sociale [25]. Seule exception visible, un cas pour lequel le directeur du Travail recommande d’accepter la reconnaissance, du fait « qu’il n’y a pas lieu de craindre la survenance de nouveaux cas […] et de la faible importance que présente cette affaire sur le plan financier » [26]. Cette exception est pourtant aussi sujette à contestation que d’autres pourtant :un soudeur amené à ramper dans des tubes exceptionnellement étroits y avait contracté des lésions résultant « d’une série d’événements à évolution lente auxquels on ne saurait assigner une origine ou une date certaines », pour reprendre la terminologie de la cour de cassation qu’invoque le directeur régional de la Sécurité Sociale. Ni accident, ni maladie puisqu’aucune n’est reconnue, l’affaire semble classique. Mais elle ne porte que sur 81,17 F et ne risque pas de peser sur la jurisprudence. Les arguments montrent le poids des critères de gestion dans la conduite que tiennent les décideurs en matière de qualification des maladies. La règle, en effet, s’exprime suivant un raisonnement que l’on retrouve dans la plupart des réponses adressées aux intéressés, aux organismes intermédiaires de l’administration du travail ou de la Sécurité Sociale ainsi qu’aux porte-paroles politiques ou associatifs des salariés atteints. La lettre adressée à un poseur de revêtements de sol par le ministère rassemble l’essentiel de cet argumentaire maintes fois réitéré :

21

« Monsieur,
[…] Exerçant la profession de poseur de revêtement du sol, vous avez contracté un hygroma du genou dont l’origine professionnelle a été reconnue tant par votre médecin traitant que par le médecin conseil de la caisse de Sécurité Sociale de Chateauroux. Ce dernier praticien vous a toutefois précisé que la lésion dont vous êtes atteint ne peut être considérée comme maladie professionnelle et être indemnisée en tant que telle.
Vous désirez avoir de plus amples indications à ce sujet.
J’ai l’honneur de vous faire connaître que la réponse qui vous a été faite est conforme aux dispositions légales et réglementaires applicables en la matière.
Je vous confirme en effet qu’en l’état actuel des textes, seules les affections inscrites à l’un des 41 tableaux de maladie professionnelle annexés au décret du 31 décembre 1946 modifié peuvent être considérées comme maladie professionnelle et être indemnisées à ce titre.
Les hygromas du genou ne figurent pas à ce tableau.[…]» [27].

22Le fond du refus disjoint donc le diagnostic médical clinique, ici incontesté en faveur d’une origine professionnelle de la maladie, du classement en maladie professionnelle, lequel ne découle que de la conformité à un des tableaux existants. Toutefois l’accumulation de dossiers de demande de reconnaissance, contestant le refus du médecin-conseil avec, pour une partie des cas, l’accord des commissions de recours, montre qu’il y a débat. Débats, devrait-on plutôt dire, car chaque niveau de décision suscite ses jeux de rôle. Dans la Sécurité Sociale, les représentants de l’administration contrant les décisions compréhensives des commissions. Le caractère paritaire des caisses de Sécurité Sociale crée, ipso facto, des jeux de rôles entre les médecins conseils et les commissions de recours gracieux. Selon les cas, les décisions de ces dernières confirment les refus ou, au contraire, tranchent en faveur d’une acceptation. Là, toujours, les argumentaires sont plus délimités, plus acérés, en d’autres termes plus techniques, visant à interpréter le plus efficacement possible les textes réglementaires et les catégories contenues dans les tableaux. Ensuite, la ligne hiérarchique fait intervenir la contradiction entre ces commissions et les responsables régionaux puis, on le verra, entre les deux directeurs de la Sécurité Sociale et du Travail.

SE DÉCLARER EN ACCIDENT : UN BIAIS GÉNÉRALEMENT VAIN

23Entre l’époque de la Reconstruction et les années 1980, la tension entre l’exclusion réglementaire des affections périarticulaires et la propension des salariés à imputer celles-ci à leur travail suscite des débats vifs ou feutrés au sein des administrations, des instances de la Sécurité Sociale et du corps médical.

24À court terme, des salariés ou des médecins tentent de façon récurrente de contourner l’absence de reconnaissance pour remédier à des situations qu’ils estiment inacceptables :ils cherchent parfois à élargir des définitions de tableaux existants, comme le demande explicitement un médecin généraliste lorrain, en s’appuyant sur l’expertise d’un collègue neurologue, à propos de tourneurs de verre [28]. Surtout, ils déclarent les lésions ostéo-articulaires en accidents du travail.

25Le contournement des décrets remonte en réalité à l’entre-deux guerres :en 1938,« la plupart des Compagnies [minières] traiteraient d’ores et déjà comme accidentés du travail les cas aigus d’inflammation du tissu cellulaire sous-cutané. [29] » Pour sa part, la Commission d’Hygiène Industrielle relevait la même année que « les inflammations du tissu cellulaire sous-cutané et les arthrites chroniques ne se produisent pas seulement chez les mineurs, mais se rencontrent dans de nombreuses professions » et estimait « qu’avant de désigner un rapporteur il y a lieu de demander une enquête complémentaire pour rechercher dans quelle mesure ces affections sont indemnisées comme accidents du travail » [30].

26La poursuite de cette pratique est suggérée par les lettres types d’explication de refus, dont la première partie, citée plus haut, notifiait l’absence de tableau correspondant à une affection liée au travail d’un poseur de revêtements de sol. La lettre continue ainsi [31] :

27

« D’autre part, en dehors des affections inscrites aux dits tableaux, les maladies contractées au cours du travail ne sont susceptibles de donner lieu à l’application de la législation sur les accidents du travail que dans le cas où la preuve est apportée qu’elles résultent d’un fait brutal et soudain ayant le caractère d’un accident du travail.
Tel n’est pas le cas d’une lésion consécutive à des traumatismes répétés résultant du travail. En effet, selon la jurisprudence intervenue en la matière, la succession de traumatismes à répétition – dont aucun n’aurait été suffisant pour provoquer la lésion – n’est pas constitutive d’un accident du travail au sens de la législation. Cette lésion ne peut donc ouvrir droit qu’aux prestations des assurances sociales dans la mesure bien entendu, où sont remplies les conditions d’attribution des dites prestations.[…]»

28La conversion de maladie en accident est attestée dans certains rapports tels celui d’une caisse primaire de Sécurité Sociale, dont un extrait évoque les cas d’hygroma du genou [32] :

29

« Hygromas du genou :femmes de ménage par récurage, tapissiers, carreleurs travaillant à genoux; pour la Sécurité Sociale agricole, botteleurs ou confection des fagots.
Ces bursites ont une durée évolutive illimitée car le médecin traitant et surtout l’intéressé résistent à l’acte chirurgical – seul procédé thérapeutique qui met un terme à cette affection – et essaient souvent de faire considérer cet hygroma comme un accident du travail par le mécanisme d’un traumatisme unique). »

30Sur le sujet, les opinions et les décisions ne suivent pas facilement le cadrage réglementaire. Ainsi, un médecin-conseil de La Rochelle consulte un confrère de Limoges sur le cas troublant d’un ouvrier « dont le métier consiste à tenir en permanence un revolver pneumatique depuis 20 ans » et qui se trouve atteint d’une inflammation de la main [33] :

31

« Il s’agit du cas professionnel de la « main battue » prévu au décret du 16 octobre 1935 et nécessitant la déclaration obligatoire. D’autre part, ce cas professionnel n’est pas indemnisable au titre M.P., n’étant pas inscrit au tableau.
L’ouvrier désire faire traiter sa main par électrothérapie mais à la condition qu’il soit traité au titre du travail sans ticket modérateur. Il ne cesse pas son travail. Tout ceci sur le conseil de son médecin d’usine.
Quelle conduite me proposez-vous ? Si je m’en tiens au tableau des maladies professionnelles indemnisables – c’est un refus. Je vous serais reconnaissant de me donner votre point de vue. Bien entendu, il ne peut y avoir un “accident du travail” puisque les lésions sont le résultat de chocs répétés et non d’un accident. »

32Hors de l’administration de la Sécurité Sociale, certains experts médicaux n’hésitent pas à qualifier une pathologie d’accident du travail [34] :

33

« Mon cher confrère,
J’ai examiné sur votre demande l’assuré S. José de Nieul sur Mer. […] En conclusion, troubles de neurone moteur à point de départ au niveau de l’extrémité du membre supérieur gauche avec altération par voie ascendante et diffusion du côté gauche […] fonction de la répétition du micro-choc par emploi du marteau-pneumatique.[…]
Pour répondre aux questions essentielles posées dans votre lettre, j’estime que l’état actuel de monsieur S.José est le résultat d’un accident du travail. »

34Au sein de l’Assurance maladie, certains semblent aussi franchir le pas, selon ce qu’écrit un assuré, qui affirme avoir été classé malgré lui comme victime d’accident du travail à la suite de violentes douleurs au coude, diagnostiquées par un spécialiste comme « une épicondylite du coude droit provenant de brusques mouvements durs et répétés,[qui] ne pouvait être accidentelle » [35]. Cependant, de façon générale, les controverses internes opposent plutôt, on l’a vu, la commission de recours, plus facilement favorable au salarié, aux experts et administrateurs de la Sécurité Sociale arc-boutés sur les règlements, quitte à utiliser le témoignage bienveillant d’un collègue pour faire refuser la maladie professionnelle d’un assuré :

35

« Le 9 novembre 1953, M. Lucien B. devait cesser son travail en raison de fortes douleurs dans le bras droit provoquées par l’usage du pistolet pneumatique. Il utilisait cet outil depuis le 28 juillet 1950. Le médecin traitant de M.B.l’a déclaré atteint d’arthrite chronique déclenchée par des traumatismes répétés.
La caisse primaire refusa avec l’approbation de la caisse régionale de Sécurité Sociale la prise en charge au motif :“affection due à la profession non inscrite au tableau des maladies professionnelles”. La commission de recours gracieuse de la CP a décidé la prise en charge au titre d’accident du travail, pour le motif suivant :“… attendu que s’il ne s’agit effectivement pas d’une affection figurant au tableau des maladies professionnelles, on peut cependant admettre qu’il y a eu le 9 novembre 1953 un traumatisme ayant causé une douleur soudaine et violente à l’intéressé” » [36].

36Mais un témoin déclarait lors de l’enquête du greffier de paix :

37

«“Je travaille dans le même atelier que M. B. Je me souviens que déjà avant l’état (sic) 1953, celui-ci se plaignait de douleurs violentes et tenaces dans le bras, douleurs qui l’obligeaient souvent à lâcher le pistolet pneumatique avec lequel il travaille. Même quand il ne travaillait plus, je l’entendais se plaindre de continuer à souffrir.” Il résulte de cette déposition qu’il n’y a pas eu l’action soudaine et violente d’un élément extérieur qui caractérise l’accident du travail, mais une action lente et progressive.
Par ailleurs, l’arthrite chronique n’étant pas prévue au tableau des maladies professionnelles, la prise en charge nous semble devoir être refusée […]. »

38Parfois, la confusion des catégories submerge la Sécurité Sociale, comme le montre la conclusion apportée au cas d’un ouvrier de scierie. Consulté par le médecin conseil régional, un chirurgien pratique une expertise qui renvoie chacun à ses responsabilités :

39

« Il est bien certain que cette lésion n’est pas imputable à un traumatisme qui serait survenu quelques jours seulement avant la radiographie. Mais d’autre part, il est classique d’admettre que cette affection apparaît chez des ouvriers soumis à de micro-traumatismes professionnels répétés; tel est bien le cas chez mr C., que son emploi dans une scierie exposait à de pareilles atteintes; il apparaît donc que cette lésion devrait être admise comme maladie professionnelle » [37].

40Sur ce cas, le patient avait déposé une déclaration d’accident du travail, refusée par la caisse primaire de Sécurité Sociale. Le médecin traitant, contestant cette décision, est donc conforté par l’expert. Dans l’impasse, la direction régionale classe le dossier en longue maladie [38], refusant la qualité d’accident du travail. Cependant elle transmet ce dossier au directeur de la Sécurité Sociale qui donne suite au dossier. La confusion des attitudes montre combien, derrière la façade, l’administration de la Sécurité Sociale est mal accordée.

À LA SÉCURITÉ SOCIALE, DISCRÈTES POUSSÉES POUR LA RECONNAISSANCE

41Pour les malades et leurs médecins, la Sécurité Sociale semble faire barrage aux demandes de reconnaissance. Cependant, vue de l’intérieur, la même administration apparaît traversée de poussées qui, bien que généralement feutrées, traduisent combien la ligne du refus est au fond intenable.

42À partir de 1945, et de la création de la direction de la Sécurité Sociale, la plupart des demandes de reconnaissance émanant des salariés, du corps médical et d’autres forces sociales passent par cette administration. En outre, celle-ci engage périodiquement des enquêtes sur l’état des déclarations effectuées [39]. Plus tard, des comités techniques par branche d’activité examinent les problèmes de santé au travail. Ainsi le comité technique du vêtement met à l’étude les douleurs cervicales « irradiant dans les épaules, avec contractures musculaires, dites maladie des couturières ou maladie des dactylos » [40]. Il transmet ensuite à la direction du Travail, dont dépend la CHI, les dossiers qui lui semblent significatifs. En août 1947, le directeur de la Sécurité Sociale demande à son homologue à la direction du Travail la possibilité d’inscrire une maladie ostéoarticulaire, la maladie de Dupuytren, au tableau des maladies professionnelles [41]. La lettre inaugure une longue série d’échanges dont le ton, toujours policé, accompagne une poussée continue en faveur d’une reconnaissance de telle ou telle affection articulaire. Après des échanges de correspondance en 1948 et 1951, le directeur de la Sécurité Sociale écrit à nouveau à son collègue en 1952 [42] :

43

« J’ai l’honneur de vous faire connaître que mon attention avait été à nouveau appelée sur divers cas d’affections ostéo-articulaires d’origine professionnelle, j’ai fait procéder à une nouvelle enquête auprès de l’ensemble des organismes de Sécurité Sociale (tant du régime général que du régime spécial des mines) en vue d’obtenir toutes les précisions utiles sur les cas de maladies entrant dans les catégories suivantes [43] […]. De cette enquête, il résulte que les Caisses et les organismes de Sécurité Sociale dans les mines ont eu connaissance d’un certain nombre de ces affections pour lesquelles la relation avec le travail ne paraît pas faire de doute. Toutefois, les cas les plus nets et les plus fréquemment constatés concernent les trois premières catégories susvisées, ainsi qu’il ressort des précisions fournies [44] […].
Je vous serais obligé de vouloir bien me faire connaître la suite qui sera apportée, compte tenu des renseignements recueillis, à la question de l’inscription éventuelle aux tableaux des maladies professionnelles, des affections dont il s’agit. »

44À l’automne, le directeur du Travail décide de mettre « à l’ordre du jour de la prochaine réunion de la Commission d’Hygiène Industrielle l’étude de l’indemnisation des cas professionnels d’inflammation du tissu cellulaire sous cutané de la main ou du genou et de bursite aigüe [45] », et de réunir une documentation plus complète avant d’envisager l’étude de l’indemnisation des inflammations du poignet, des arthrites chroniques des membres supérieurs et enfin de la maladie de Dupuytren [46]. Avec toute la prudence nécessaire, le projet semble se dessiner :

45

« Afin de tracer le cadre d’un nouveau tableau éventuel de maladie professionnelle, il nous semble opportun d’établir une distinction entre “les cas professionnels d’inflammation du tissu cellulaire sous cutané de la main ou du genou, de bursite aiguë du coude”, et l’ensemble des autres affections signalées plus haut.[…]
De tels cas nous semblent bien rentrer dans le cadre des maladies professionnelles, car il ne s’agit pas d’accidents du travail, et ils se rencontrent à peu près exclusivement dans certaines professions, au cours de certaines attitudes particulières nécessitées par le travail. Il serait légitime d’indemniser de telles lésions, mais uniquement lorsqu’elles prennent un aspect aigu et qu’elles nécessitent un traitement chirurgical et une immobilisation.[…]».

46Les dossiers semblent engagés. Las ! En 1953 et 1954, c’est à propos de maladies de l’épaule, de tendino-synovites et d’hygroma du genou que les deux mêmes personnages s’écrivent. Le directeur du Travail annonce à nouveau qu’il soumet à la commission d’hygiène industrielle les dossiers de l’inflammation des tissus sous-cutanés de la main et de bursite aiguë (hygroma) [47]. Mais en 1956, nouveaux courriers sur l’hygroma du genou [48]. En 1963 et 1964, reprise de correspondance entre les mêmes :

47

« Objet :révision et extension des tableaux de maladies professionnelles J’ai l’honneur de vous rappeler la correspondance visée en référence relative à la révision et à l’extension des tableaux de maladies professionnelles. Selon les précisions contenues dans vos lettres du 2 janvier 1963 et les informations recueillies depuis lors auprès de vos services, vous vous proposiez de soumettre à l’examen de la commission d’hygiène industrielle les questions ci-après :[…]
– inscription aux tableaux de maladies professionnelles de la maladie de Raynaud (chez les ouvriers glaciers). D’après votre réponse du 28 août 1963, une sous-commission devait être chargée d’élaborer un projet de tableau. […]
En vue également de la saisine de la commission d’hygiène industrielle, vous envisagiez . la poursuite ou la reprise des études concernant les problèmes suivants :
– Inscription des bursites ou hygromas aux tableaux des maladies professionnelles,
– Modification et extension du tableau n° 35 (affections ostéo-articulaires professionnelles provoquées par l’emploi du marteau pneumatique). […]
Les éléments dont je dispose ne me permettent pas de déterminer dans chaque cas l’état actuel de la question, je vous serais très obligé de vouloir bien me faire parvenir toutes précisions utiles à ce sujet et de m’indiquer notamment celles des questions qui seront effectivement soumises à la commission d’hygiène industrielle lors de sa prochaine réunion.
Pour ma part, je ne peux qu’insister sur la nécessité de donner leur pleine application aux dispositions de la législation en vigueur.À cet effet, il me paraît souhaitable qu’intervienne une extension des tableaux dans tous les cas où le caractère professionnel au sens de l’article L496 du code de la Sécurité Sociale se trouve établi avec suffisamment de netteté.[…]
J’attacherais le plus grand prix à recevoir votre réponse dans un délai aussi rapproché que possible » [49].

48Cette lettre campe avec clarté les relations qu’entretiennent les deux directeurs de la Sécurité Sociale et du Travail. L’impatience polie mais martelée du premier, auteur de la lettre, donne de la force au rappel des demandes et contributions [50] de la Sécurité Sociale pour faire avancer les dossiers, et du freinage effectué par la direction du Travail, fort peu coopérative [51]. Pour argumenter plus solidement, la direction de la Sécurité Sociale recense les déclarations de maladies à caractère professionnel non reconnues [52] :

tableau im1
1962 1963 1964 1965 1966 1968 TOTAL 57 58 59 93 86 88

49Année après année, malgré la sous-déclaration, particulièrement forte lorsqu’aucune perspective immédiate de prise en compte n’existe, la réalité des cas ressort avec une force difficile à négliger. Enfin, quand les directions du Travail et de la Sécurité Sociale appartiennent à des ministères différents, c’est parfois aux ministres eux-mêmes que le courrier est envoyé, afin de peser davantage [53] :

50

« Objet :révision et extension des tableaux de maladie professionnelles
J’ai l’honneur de vous transmettre ci-joints en vous priant de vouloir bien en saisir les groupes de travail compétents, les fiches qui m’ont été transmises par le directeur régional de la Sécurité Sociale de Nantes, relatives à des cas de maladies d’origine professionnelle dont les caisses primaires d’assurance maladie de cette région ont eu connaissance et qui ont par ailleurs fait l’objet de déclarations par leurs médecins conseils, en application de l’article 500 du code de la Sécurité Sociale. […] 2. Affections inflammatoires du genou : hygromas chez des travailleurs travaillant à genou […].3. Affections ostéo-articulaires. »

51Ainsi, les services de la Sécurité Sociale, qui appliquent les règles en vigueur, pèsent tout au long de leur existence afin de faire reconnaître des maladies professionnelles dont ils ont connaissance. L’insistance rend d’autant plus fort le besoin de connaître les réactions de leurs interlocuteurs à la direction du travail, pour autant que les archives permettent d’y accéder.

LA DIRECTION DU TRAVAIL ET SES EXPERTS, OU LE TEMPS IMMOBILE ?

52Face aux demandes relativement convergentes en faveur d’une reconnaissance de diverses affections périarticulaires, la direction du Travail semble assumer l’extrême lenteur avec laquelle, en fin de compte, les tableaux s’ouvrent à la première d’entre elles, l’hygroma du genou.

53Les premières traces d’une attention ministérielle apparaissent dès les années 1930. En 1935, la Commission d’Hygiène Industrielle examine une liste de maladies, établie par deux de ses membres, en vue de l’extension des tableaux, parmi lesquelles les cas « d’inflammation du tissu cellulaire sous-cutané de la main ou du genou (main battue, genou battu), de bursite aiguë du coude (coude battu) et d’inflammation de la gaine synoviale et des gaines tendineuses de l’articulation du poignet causées par les travaux miniers; d’hygroma chronique du genou; d’arthrite chronique du membre supérieur causées par les secousses des marteaux pneumatiques. » [54] Cette liste déjà large se retrouvera jusqu’aux années 1960. La discussion qui suit aide à prendre la mesure de l’immobilisme ultérieur :

54

« M. le président trouve que la mention “causées par les travaux miniers” est trop restrictive.[…]
M.Parent [55] estime que le paragraphe ainsi rédigé va être d’application trop générale. Il propose de citer les genres de travaux où les ouvriers sont les plus exposés à ces diverses maladies.
M.le président précise que le texte ne vise que des cas d’inflammation c’est-à-dire d’affection aiguë.
M. Bothereau trouve trop limitative la fin du nouveau paragraphe, relative aux marteaux pneumatiques.
M.Auribault fait remarquer que cette expression sert à désigner tous les appareils à percussion fonctionnant au moyen de l’air comprimé.
M.Piedelièvre propose d’introduire à la suite des mots “articulation du poignet” la précision suivante :“causées par les attitudes particulières et répétées du travail.”
M.Picquenard estime préférable de remplacer la 2e partie de cette formule par “nécessitées par le travail”.
Capitant demande si “l’hygroma chronique du genou” n’est pas suffisamment visé par les mots “inflammation du tissu cellulaire sous-cutané du genou”.
La commission adopte la suppression des mots “hygroma du genou” et le remplacement des mots “causées par les attitudes particulières nécessitées par le travail”. »

55Dès ce moment, la Commission amorce des débats sur la définition des maladies et leur extension. La 14e séance de 1938 redéfinit la liste comme celle « des maladies devant donner lieu à déclaration ». Entre-temps, le ministre des Travaux publics a demandé à la Commission d’étudier les mêmes affections à propos des mineurs [56]. Des enquêtes sont diligentées par les inspections du travail, dans tous les secteurs d’activité, et relèvent des cas, même si certains fonctionnaires notent que dans les mines, « aucun de ces inconvénients, pour pénible qu’il soit, n’est pourtant comparable à celui provoqué par les poussières [57] », considérées comme particulièrement dangereuses. Et la direction des Mines estime :« Il n’y a aucune raison pour que les victimes de ces maladies ne soient pas traitées comme les accidentés du travail » [58]. La commission est donc invitée relativement tôt à se prononcer sur le caractère professionnel des maladies périarticulaires.

56Malgré une impulsion ministérielle à la reconstruction [59], l’après-guerre voit une forme d’immobilisme l’emporter. En 1947, le médecin-conseil régional de Paris cite « deux notoriétés à la compétence indiscutable » pour lesquelles « la maladie de Dupuytren n’est pas d’origine professionnelle » [60]. Le même type de réserves se répète au niveau national. Ayant effectué une enquête parallèle à celle de la Sécurité Sociale, par le biais des médecins inspecteurs du travail, l’inspection générale médicale rapporte au chef de service de la direction du Travail, en 1953 comme en 1952, que « l’enquête générale […] lancée auprès des médecins inspecteurs des diverses circonscriptions ne nous a apporté aucun élément positif nouveau. Par ailleurs, la documentation que vous m’avez transmise [provenant de la direction de la Sécurité Sociale] concernant des lésions dues à des attitudes de travail ne me semble pas significative » [61]. En 1956, le directeur du Travail répond à son homologue de la Sécurité Sociale en citant le docteur Gillon, inspecteur médical général. Lequel effectue un numéro d’équilibriste, en distinguant les maladies du travail, qui ne correspondent à aucune catégorie reconnue, des maladies professionnelles proprement dites [62] :

57

« Les bursites ou hygromas du genou sont en effet assez fréquents dans un certain nombre de professions mais revêtent plus le caractère de déformations professionnelles ou de maladies du travail que de véritables maladies professionnelles. En particulier les hygromas n’entraînent habituellement en dehors de toute infection ni douleur ni interruption du travail. Par contre, lorsqu’il y a infection ou abcès comme dans le cas cité dans votre note, il s’agit d’un accident du travail vraisemblablement dû à une piqûre ou à un autre microtraumatisme. »
« Il paraît difficile de faire entrer ces cas dans les tableaux de maladies professionnelles », en déduit le directeur. L’année suivante, il reprend ses réserves dans une réponse au même collègue, à propos d’une autre maladie [63] : « Objet : inscription aux tableaux des maladies professionnelles des affections arthrosiques et de leurs complications. […] J’ai transmis pour étude cette question au service de l’inspection médicale du travail et de la main-d’œuvre. Ce service a estimé que les affections arthrosiques ont des causes et des origines trop diverses et par ailleurs souvent trop imprécises pour qu’il paraisse possible de rédiger un tableau de maladie professionnelle englobant toutes ces affections. Le risque serait trop grand d’aboutir à l’indemnisation progressive de toutes les affections rhumatismales chroniques. »

58En 1961, le directeur général du Travail et de la main-d’œuvre reçoit les résultats d’une étude sur une troisième affection [64] :

59

« Les chaudronniers formeurs procèdent d’une main à la mise en forme de pièces en acier dur à coups de marteau, en tenant la pièce de l’autre main. Les vibrations engendrées par les coups se transmettent à l’ensemble du membre supérieur attenant à la pièce et provoquent des troubles qui se manifestent par une douleur localisée aux tendons des membres de l’avant bras, se prêtant davantage au diagnostic de ténosynovite qu’à celui d’épicondylite […]. Il ne paraît donc pas possible d’envisager l’élaboration d’un tableau de maladie professionnelle concernant cette affection sans informations supplémentaires. En vue de recueillir ce complément d’information une nouvelle étude va être entreprise […]. »

60Dans ce cas, l’hésitation porte non pas sur le caractère professionnel de la maladie, mais sur son analyse précise. Il en va de même pour une quatrième maladie en 1960 [65] :

61

« Par lettre, vous m’avez transmis en communication un dossier relatif à un cas de maladie de Kienböck provoquée par les vibrations à basse fréquence d’une pelleteuse mécanique.
Vous soulignez à cette occasion qu’il ne vous paraît pas contestable que les travaux effectués par l’intéressé soient à l’origine de la maladie de Kienböck diagnostiquée par le médecin traitant et que par voie de conséquence il serait souhaitable que soient mise en œuvre la procédure de révision du tableau n° 35 des maladies professionnelles.
J’ai l’honneur de vous faire connaître que si dans certains cas la maladie de Kienböck est incontestablement d’origine professionnelle, il n’en demeure pas moins selon l’avis du service de l’inspection médicale du travail et de la main-d’œuvre que sa “pathogénie reste le plus souvent mystérieuse”. Cette incertitude avait d’ailleurs conduit les membres de la commission chargée d’étudier ce problème à limiter volontairement la liste des travaux à l’emploi des marteaux pneumatiques. »

62Dans ces divers cas, le refus de la direction du Travail se fonde sur celui d’experts dont l’avis porte tantôt sur la cause professionnelle, tantôt sur la caractérisation de l’affection, tantôt sur le nombre insuffisant des cas recensés. Autant de réticences qui n’incitent pas l’administration à effectuer des ouvertures hasardeuses.

63L’histoire d’un décret d’application mérite-t-elle qu’on s’y attarde ? Le cas des maladies périarticulaires d’origine professionnelle incite à répondre positivement. L’exploration du demi-siècle séparant la loi de 1919 du premier décret créant le tableau 57 des maladies professionnelles fait ressortir quelques résultats que l’histoire peut apporter au débat. Tout d’abord, il se confirme que tout au long du XXe siècle, des travailleurs ont été atteints de maladies périarticulaires diverses, du fait même de leur travail, dans des quantités et des degrés de gravité encore insaisissables. Le rappel n’est pas inutile, à une époque où les peines laborieuses ne sont pas toujours bien mesurées pour l’époque située entre le temps de Zola et celui, très actuel, de la souffrance au travail. Ensuite, ce fait était connu très tôt dans le siècle, par les services en charge de la santé au travail au ministère du même nom, auxquels s’ajoutent ceux des caisses d’assurances puis de Sécurité Sociale. Très tôt aussi, une grande palette d’affections est envisagée, des doigts aux épaules, de l’inflammation des tissus aux arthroses, contrairement à ce que pourrait faire penser l’histoire ultérieure de l’extension du tableau 57.

64Comment, alors, comprendre le demi-siècle durant lequel la loi sur les maladies professionnelles ne s’applique pas en cette matière ? Il ne faut pas sous-estimer, par anachronisme, le poids de la caractérisation professionnelle de chaque affection, qui disséminait chacune d’elles en de multiples emplois et brouillait le phénomène. Non plus que le poids d’expertises médicales souvent polarisées sur les personnes et dont, parfois, le point de vue sceptique ou négatif freine de façon nette l’enclenchement d’une dynamique de reconnaissance. On doit aussi retenir l’attention prioritaire que les forces attentives à la santé au travail portent à des fléaux plus graves ou plus spectaculaires, toujours prioritaires dans le traitement social. Pourtant, il semble bien que, dans la difficulté à distinguer les facteurs professionnels des causes extra-professionnelles de ces pathologies, l’administration chargée d’étendre le nombre des maladies reconnues a persévéré dans le refus de passer à l’acte, résistant aux demandes des salariés et aux pressions des forces sociales qui les soutiennent. Elle y a été encouragée par les analyses discordantes qu’elle recevait du corps médical dont une partie adopte les positions patronales et nourrit ses argumentaires. La peur de ne pas maîtriser la distinction compte beaucoup dans cette politique de résistance : derrière le refus, parfois, les documents laissent poindre la peur des conséquences financières d’une indemnisation tant soit peu incertaine des affections périarticulaires. Toutefois, l’intégration des règlementations sociales au sein de la Communauté européenne et le regain de sensibilité aux conditions de travail au cours des « années 68 » vont faire basculer les arbitrages [66]. Mais ceci est un autre pan de l’histoire.

Notes

  • [1]
    Ces maladies étaient aussi appelées ostéo-articulaires et, plus récemment, troubles musculosquelettiques (TMS).
  • [2]
    La Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés recense aussi les cas simplement reconnus (36765 en 2006). Cf. www. risquesprofessionnels. ameli. fr.
  • [3]
    Jean-Pierre DURAND, Nicolas HATZFELD, « Quand une question marginale devient centrale : les enjeux quotidiens des restrictions médicales aux usines Peugeot à Sochaux », in Catherine OMNÈS et Anne-Sophie BRUNO (dir.), Les mains inutiles, Paris, Belin,2004, p.389-401.
  • [4]
    Nicolas HATZFELD, « Ergonomie, productivité et usure au travail. Une décennie de débats d’atelier à Peugeot-Sochaux (1995-2005)», Actes de la recherche en sciences sociales,165, décembre 2006, p.93-105. REVUE D’HISTOIRE MODERNE & CONTEMPORAINE 56-1, janvier-mars 2009.
  • [5]
    C.POTEVIN,« Enquête sur les hygromas. Essai d’évaluation de la pathologie professionnelle non déclarée », Limousin emploi formation travail, avril 1988; Annie THÉBAUD-MONY, La reconnaissance des maladies professionnelles en France. Acteurs et logiques sociales, Paris, La Documentation Française, 1991; Marc-Olivier DÉPLAUDE,« Les maladies professionnelles :les usages conflictuels de l’expertise médicale », Revue française de science politique,53-5, octobre 2003, p.707-735; Annette LECLERC et alii,« La situation épidémiologique des troubles musculo-squelettiques :des définitions et des méthodes différentes, mais un même constat »,Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire, n° 44-45,15 novembre 2005, p.218. Les archives indiquent que, dès 1938, la sous-déclaration est considérée comme « démontré[e] une fois de plus » dans les mines pour les inflammations périarticulaires (Arch. Nat., Fontainebleau, CAC 88 0597,22).
  • [6]
    Paul-André ROSENTAL, Jean-Claude DEVINCK,« Statistique et mort industrielle. La fabrication du nombre de victimes de la silicose dans les houillères en France de 1946 à nos jours »,Vingtième siècle. Revue d’histoire,95, juillet-septembre 2007, p. 75-92.
  • [7]
    Une limite mérite toutefois d’être signalée. Une partie des fonds déposés au Centre des archives contemporaines de Fontainebleau sont inaccessibles à la consultation, car entreposés dans des bâtiments classés amiantés. L’histoire de la santé au travail, et plus largement l’histoire contemporaine, est elle aussi victime de l’inconséquence passée en la matière.
  • [8]
    Bernardino RAMAZZINI,Des maladies des artisans, Valergues, Alexitère éditions,1990, p.175-232-235,287-289,296 et 308. (1e éd., De morbis artificum diatriba, Modène, 1700. Traduction française par Antoine de Fourcroy,1777).
  • [9]
    Alain COTTEREAU (éd.), « L’usure au travail », Le mouvement social, 124, juillet-septembre 1983.
  • [10]
    Face aux mutations industrielles, le regard savant a connu en France « deux phases très marquées : après une progression des enquêtes sociales sur la santé ouvrière, durant les années 1830-1851, se produit une régression qui ne sera pas rattrapée avant 1900 », écrit Alain COTTEREAU dans « Destins masculins et destins féminins dans les cultures ouvrières en France, au XIXe siècle », Le mouvement social, 124, juillet-septembre 1983, p.82-83.
  • [11]
    Thomas LE ROUX,« L’effacement du corps ouvrier. La santé au travail lors de la première industrialisation de Paris (1770-1840)», communication au colloque Histoire(s) de la santé au travail, Le Creusot, 25-25 septembre 2008.
  • [12]
    Cf.dans ce numéro l’article de Caroline MORICEAU,« Perceptions du risque professionnel dans la seconde moitié du XIXe siècle. Entre connaissance, déni et prévention ».
  • [13]
    Stéphane BUZZI, Jean-Claude DEVINCK, Paul-André ROSENTAL,La santé au travail 1880-2006, Paris, La Découverte,2006, p.11-17.
  • [14]
    Allard E.DEMBE,Occupation and Disease. How Social Factors Affect the Conception of Work-Related Disorders. New Haven, Yale University Press,1996, p.29-43.
  • [15]
    Vincent VIET, Michèle RUFFAT, Le choix de la prévention, Paris, Economica,1999.
  • [16]
    Nicolas HATZFELD,« L’émergence des troubles musculo-squelettiques (1982-1996). Sensibilités de terrain, définitions d’experts et débats scientifiques », Histoire et mesure, XXI/1,2006, p.111-140.
  • [17]
    Documents pour le Médecin du Travail, bulletin de l’INRS,48 TK5,4e trimestre 1991.
  • [18]
    Archives nationales, Centre des Archives Contemporaines (Fontainebleau) désormais CAC : Joseph L.,11 août 1954, CAC 92 0443,41.
  • [19]
    Mme B.,24 novembre 1978, CAC 92 0443,40.
  • [20]
    Brahim H.,12 décembre 1979, CAC 92 0443,40.
  • [21]
    N. HATZFELD, « Affections périarticulaires : une longue marche vers la reconnaissance (1919-1991)», Revue française des affaires sociales, 62/2-3, avril-septembre 2008, p.141-160.
  • [22]
    Docteur Sousseau, médecine générale, Nice, À Mr le ministre de la santé,11 juillet 1980.
  • [23]
    Le directeur de la Cristallerie de Hartzwiller écrit au ministre : « Un de nos verriers […], occupé à notre usine depuis 1932 comme verrier poseur de pieds, a dû cesser son activité parce qu’avec sa main droite il ne peut plus travailler sur son métier ». Et demande qu’il soit considéré comme victime d’une maladie professionnelle : lettre du 3 avril 1963, CAC 92 0443,41.
  • [24]
    Guy Chanfrault, député de la Haute-Marne, À Mr Pierre Beregovoy,13 décembre 1982, CAC, 92 0443,41. Sur la pratique de façon plus générale :Frédéric MONIER,La politique des plaintes. Clientélisme et demandes sociales dans le Vaucluse d’Edouard Daladier (1890-1940), Paris, La Boutique de l’Histoire éditions,2007.
  • [25]
    C’est pour surmonter un barrage de même nature qu’aux États-Unis, des chercheurs de l’université du Michigan font admettre, en 1985, la notion de lésion due à des traumatismes cumulatifs, tandis qu’en Australie, d’autres installent la notion de pathologies dues à des atteintes répétitives. Cf. Allard E.DEMBE, Occupation and Disease, op.cit., p. 88-92.
  • [26]
    Direction de l’assurance maladie et de la Sécurité Sociale, lettre à Mr. le directeur régional de la Sécurité Sociale de Nancy,7 octobre 1966, CAC 920443,41.
  • [27]
    Direction générale de la Sécurité Sociale, réponse à Mr C., le 21 juin 1962, CAC 92 0443,39.
  • [28]
    Docteur Guy Wecker, médecine générale, le 9 juin 1974, CAC 92 0443,35.
  • [29]
    Direction des Mines,26 février 1938, CAC 88 0597,22.
  • [30]
    Extraits du procès-verbal de la CHI, séance du 16 mars 1938, CAC 88 0597,22.
  • [31]
    Réponse de la direction générale de la Sécurité Sociale à Mr C…, doc.cit.note 27.
  • [32]
    Service médical de la Caisse primaire de Sécurité Sociale, Besançon,17mai 1952, CAC 880597,18.
  • [33]
    Médecin conseil, Caisse départementale de Sécurité Sociale 17B, 20 décembre 1949, CAC 88 0597,18.
  • [34]
    Docteur Jean Carrère,22 novembre 1950, CAC 88 0597,18.
  • [35]
    D.Marius, lettre à Mr le ministre du Travail et de la Sécurité Sociale,21 octobre 1952, CAC 92 0443,41.
  • [36]
    Extrait du PV de la réunion du CA de la caisse régionale de Sécurité Sociale le 22 avril 1955, CAC 92 0443,41.
  • [37]
    Expertise pratiquée par le Dr Piel concernant l’assuré C.Giuseppe,7août 1953, CAC 88 0597,18.
  • [38]
    Direction régionale de la Sécurité Sociale, rapport médical concernant l’assuré Giuseppe C., 11 septembre 1953, CAC 88 0597,18.
  • [39]
    CAC 92 0443,33.
  • [40]
    Comité technique du vêtement, réunion du 27 octobre 1965, CAC 92 0443,41.
  • [41]
    Direction du Travail, lettre au directeur général de la Sécurité Sociale,21juin 1948, CAC 92 0443,41.
  • [42]
    Directeur de la Sécurité Sociale, lettre au directeur du Travail,24 juillet 1952, CAC 88 0597,18.
  • [43]
    La liste reprend les énoncés de 1938, indiqués ci-dessus.
  • [44]
    Suivent quatre pages de recension de cas, par maladie et par région.À ce document sont joints plusieurs dossiers plus détaillés établis par région.
  • [45]
    Directeur du Travail, lettre au directeur de la Sécurité Sociale,3 novembre 1952, CAC 92 0443,40.
  • [46]
    Malheureusement pour l’historien, la plupart des procès-verbaux de réunion de la Commission d’hygiène industrielle, de 1901 à 1968, sont inaccessibles car entreposés dans des bâtiments « amiantés » du CAC de Fontainebleau, ainsi que quelques autres fonds précieux sur ce sujet.
  • [47]
    CAC 92 0443,39 et 40.
  • [48]
    Directeur du Travail au directeur de la Sécurité Sociale,9 juillet 1956, CAC 92 0443,39.
  • [49]
    Alain Barjot, directeur de la Sécurité Sociale, lettre au directeur général du travail et de l’emploi, 26 novembre 1964, CAC 92 0443,40.
  • [50]
    Des lettres antérieures font état de l’envoi de dossiers et de cas destinés à nourrir le travail de la direction du travail. Cf. Directeur général de la Sécurité Sociale, lettre au directeur général du Travail et de l’Emploi, 4 avril 1962, CAC 92 0443,40.
  • [51]
    Une fois l’hygroma du genou reconnu, la correspondance portera sur la reconnaissance d’affections au coude et au poignet :CAC 92 0443,39 et 40.
  • [52]
    CAC,880597,24.
  • [53]
    Le ministre de la Santé publique et de la Sécurité Sociale à Mr le ministre du travail, de l’emploi et de la population,10 mars 1970.
  • [54]
    CHI, PV de la 13e séance, du vendredi 12 juillet 1935, CAC,92 0443,31.
  • [55]
    M. Parent est secrétaire général du Comité central des houillères de France, et M. Bothereau secrétaire adjoint de la CGT. M. Piedelière est professeur à la faculté de médecine. Suivent deux hauts fonctionnaires, M. Capitant, commissaire contrôleur principal des sociétés d’assurances et enfin Charles Piquenard, le directeur du travail au ministère du Travail. La plupart d’entre eux siègent également à la Commission supérieure des maladies professionnelles.
  • [56]
    CHI, Note, non datée, CAC 88 0597,22. Une réponse est donnée le 15 mars 1938, CAC 88 0597,22.
  • [57]
    Inspection divisionnaire du travail, Bordeaux,29 septembre 1938, CAC 88 0597,22.
  • [58]
    Direction des Mines,26 février 1938, CAC 88 0597,22.
  • [59]
    CAC,92 0443,33 et 41.
  • [60]
    Médecin conseil régional de Paris, lettre à M. le ministre des Affaires sociales,31 octobre 1947, CAC 92 0443,41.
  • [61]
    Inspection générale médicale du travail et de la main-d’œuvre,13novembre 1953, CAC 92 0443,41.
  • [62]
    Directeur du Travail, lettre au directeur général de la Sécurité Sociale, 9 juillet 1956, CAC 92 0443,39.
  • [63]
    Directeur du Travail et de la main-d’œuvre, lettre au directeur général de la Sécurité Sociale, 20 septembre 1957.
  • [64]
    Directeur général du Travail et de la main-d’œuvre, lettre au directeur général de la Sécurité Sociale,15 mars 1961, CAC 92 0443,41.
  • [65]
    Directeur général du Travail et de la main-d’œuvre, lettre au directeur général de la Sécurité Sociale,4 juillet 1960, CAC 92 0443,41.
  • [66]
    Geneviève DREYFUS-ARMAND et alii (dir.), Les années 68. Le temps de la contestation, Bruxelles, Complexe,2000.
Français

Tandis qu’en 1919 une loi décide l’indemnisation des maladies professionnelles reconnues,il faut attendre 1972 pour que le ministère du travail reconnaisse une des pathologies périarticulaires. Pourtant des travailleurs sont constamment atteints de ce type de maladies résultant de positions éprouvantes ou d’efforts excessifs des mains,des bras ou des jambes.Sans cesse,certains effectuent des démarches pour faire reconnaître leur maladie comme professionnelle.Très tôt dans le siècle, les services chargés d’établir cette reconnaissance s’interrogent au sujet des affections périarticulaires.Après sa création,les dirigeants de la Sécurité Sociale interviennent de façon récurrente pour leur reconnaissance.Mais au ministère du travail,les experts médicaux,les représentants patronaux et les responsables de l’administration entravent la reconnaissance en recourant à une palette d’arguments et de procédures administratives. La construction européenne et le mouvement critique des années 68 finissent par entrouvrir la barrière du déni administratif.

MOTS - CLÉS

  • France
  • XXe siècle
  • Troubles musculo-squelettiques
  • maladies professionnelles
  • travail
  • affections périarticulaires
  • médecine du travail
  • ministère du travail
Nicolas Hatzfeld
Laboratoire d’Histoire Économique, Sociale et des Techniques Université d’Evry 2 rue du facteur Cheval 91000 Evry
nicolas.hatzfeld@wanadoo.fr
Mis en ligne sur Cairn.info le 06/04/2009
https://doi.org/10.3917/rhmc.561.0177
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