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Qu’il soit exagéré d’amalgamer, comme l’histoire littéraire l’a fait longtemps (et continue de le faire dans les manuels scolaires), le salon, la littérature et les idéaux égalitaires et intellectuels de la République des Lettres, certaines recherches récentes l’ont bien montré : espace de sociabilité des élites de l’Ancien Régime, le salon est avant tout un lieu de divertissement régi par une subtile économie domestique, qui perdure largement après l’effondrement de l’Ancien Régime. Mais que le salon et l’imaginaire littéraire aient quelque chose en partage, nul ne le contestera : de Guez de Balzac à Marcel Proust, ce lieu de sociabilité est indissolublement lié aux représentations qui ont contribué à le doter d’une aura particulièrement suggestive. Au XIXe siècle d’une manière inégalée par l’ampleur et la fréquence du phénomène, le salon est en effet littéralement modelé par le roman réaliste, qui a contribué à en léguer l’image composite dont nul ne peut désormais se départir. Si le salon existe encore pour nous, c’est que ses intrigues ont été imaginées par Balzac et que le jeune Marcel y a fixé ses rêveries — et ses déceptions. Le salon a donc été pour le roman l’objet d’une efficace « sociologie-fiction » ; un lieu avec ses types (la salonnière, le jeune entrant, le mari trompé, la demoiselle à marier), ses hiérarchies (Paris, Province, aristocratie, bourgeoisie, Faubourg Saint-Germain, Faubourg Saint-Honoré), ses intrigues (séduction, rivalités, jalousies), ses scénographies (une entrée, une sortie, un aparté, une apostrophe), etc…
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Auteur
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[*]
Université Laval (Québec).
Cité par
- Mis en ligne sur Cairn.info le 16/11/2010
- https://doi.org/10.3917/rhlf.103.0619
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