CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 la relation entre le champ politique et le champ économique peut être saisie à travers la question de leur interdépendance. Les effets qui découlent de ce type de relation sont analysés en particulier par les chercheurs qui travaillent sur les interlocks (ou interlocking directorates), autrement dit sur la pratique qui consiste pour un petit nombre d’individus à occuper des positions de direction dans les conseils d’administration de plusieurs entreprises. Dans la lignée des travaux de Charles Wright Mills, William Domhoff a vu dans cette pratique la principale caractéristique du pouvoir politique aux États-Unis, puisque ledit pouvoir est détenu par les plus fortunés [1]. Toujours pour les États-Unis, Mark Mizruchi a montré que les interlocks contribuent, via les mécanismes d’échanges d’informations, au « lissage » du comportement politique des grandes sociétés industrielles (similarity of political behaviour) [2]. Donald Palmer a constaté, lui aussi, que les interlocks constituent des vecteurs de coordination entre les dirigeants des entreprises [3]. Et Michael Useem a évoqué le « cercle restreint » (inner circle) formé par les dirigeants des grandes sociétés industrielles aux États-Unis et en Grande-Bretagne, qui disposent, à ce titre, d’un pouvoir de contrôle et d’influence sur la sphère politique [4]. En France, Nathalie Del Vecchio a travaillé sur les réseaux des conseils d’administration qui, par-delà les mécanismes de contrôle et de transfert de ressources, ouvrent la voie aux processus collaboratifs en matière de gouvernance en dehors de ces conseils, grâce aux ressources accumulées et mobilisées au sein des réseaux ouverts [5]. Les travaux de François-Xavier Dudouet et de Catherine Comet sur les patrons du CAC 40 ont mis en évidence une structure sociale fortement cohésive et difficilement pénétrable, caractérisée par l’expérience partagée au sein de la haute administration de l’État [6]. Dans cette perspective, Jean Finez et Catherine Comet [7] ont montré que les réseaux interlocks sont constitués de « castes de dirigeants » d’entreprises du CAC 40 soudés par des « solidarités patronales limitées ». Philippe Blanchard, François-Xavier Dudouet et Antoine Vion ont étudié les réseaux politico-économiques à l’échelle de l’Union européenne et démontré l’importance des profils « financiers » [8] au sein des milieux d’affaires européens. William Genieys s’est interrogé sur l’effritement supposé des élites politiques qui, aux États-Unis et dans l’Union européenne, seraient victimes du démantèlement de l’État à l’ère néolibérale. Ce faisant, il a constaté, au contraire, l’émergence d’une élite qualifiée de « gardienne des politiques de l’État », fortement intégrée dans les dispositifs institutionnels en constante mutation, et parvenant non seulement à se maintenir dans des secteurs clés comme la défense ou la santé, mais aussi à influencer à son avantage les politiques publiques libérales [9]. William Carroll a évoqué l’émergence d’une classe dirigeante économique transnationale, dotée d’un pouvoir d’influence à l’échelle internationale [10]. Sur un terrain plus « exotique », Daniel Bach a abordé la question du rapport entre les milieux d’affaires et le pouvoir politique dans ses recherches sur le « capitalisme de connivence » (crony capitalism) dans les États néopatrimoniaux, africains notamment [11], et avec Caroline Dufy, dans les États postsoviétiques [12]. Enfin, les travaux de Micheal A. Witt et Gordon Redding sur les réseaux informels qui, en Chine, lient les milieux d’affaires capitalistes internationalisés au pouvoir politique pourtant autoritaire et illibéral permettent de comprendre comment le libéralisme économique réussit à s’adapter à l’autoritarisme politique [13].

2 Dans ce vaste tableau des relations entre champ politique et champ économique, qui présente souvent le premier comme étant sous l’influence du second, la Russie de Vladimir Poutine constitue le cas singulier d’un pays où l’élite de l’État domine l’activité économique. Comment cette configuration particulière s’est-elle mise en place ? Pour répondre à cette question, nous nous servirons de l’apport théorique des travaux sur les interlocks. Les réseaux politico-économiques qui se sont constitués sous l’autorité de V. Poutine permettent de comprendre la domination d’une classe politique, unie autour des valeurs que symbolise le président russe, consciente de sa supériorité, mobilisée par les mêmes intentions et contrôlant à la fois les moyens de production et les mécanismes institutionnels permettant leur exploitation. La classe dirigeante russe se caractérise donc par son enracinement à la fois dans le domaine des institutions publiques et dans le champ économique qu’elle contrôle et exploite dans son propre intérêt au nom de ce qu’elle appelle un « patriotisme économique ».

3 Nous retracerons tout d’abord l’évolution des rapports entre l’économie et le politique dans la Russie postsoviétique. Si les années 1990 ont été marquées par une captation de l’État par les intérêts privés des oligarques, le mouvement s’inverse avec l’arrivée au pouvoir de V. Poutine. Progressivement, l’élite politique investit les entreprises les plus puissantes par le biais de leurs conseils d’administration. Nous illustrerons ce phénomène à l’aide d’un réseau panoramique mettant en évidence les interlocks politico-économiques. La particularité de ce réseau réside dans les liens de proximité que ses membres entretiennent avec le président Poutine, liens qui illustrent leur unité en tant que corps constitué autour d’une vision commune de l’« État fort ». Nous analyserons ensuite le pouvoir d’influence des membres de cette classe dirigeante via l’étude des mécanismes qui leur permettent de contrôler l’économie, de coordonner les décisions stratégiques et de mettre en place les dispositifs de redistribution des ressources économiques à travers les marchés publics.

La Russie postsoviétique à l’épreuve du capitalisme

4 Lorsque la Russie s’ouvre au marché après la chute de l’URSS, c’est tout un pan de l’ancienne économie, planifiée et fermée au monde extérieur, qui, en quelques mois d’une « thérapie de choc » [14], doit intégrer des lois que le capitalisme du monde occidental, désormais en pleine mondialisation, a mis plusieurs décennies à élaborer. Cette accélération de son histoire économique donne lieu à une situation paroxystique : les pauvres deviennent encore plus pauvres, et surtout de plus en plus nombreux, tandis qu’une minorité accumule des richesses dont l’ampleur donne le vertige [15]. Le « phénomène oligarchique » [16] propre à la « Russie de Poutine » trouve là ses origines. Au milieu des années 1990, Boris Berëzovski, l’un des plus puissants oligarques russes, révèle dans les médias qu’il est une des sept personnes (semibankirshina) qui contrôlent plus de 50 % de l’économie nationale [17]. Au cours de ces « folles années 1990 » (lihie 90e), la domination que l’oligarchie capitaliste fraîchement constituée exerce sur un État dont les institutions frôlent la déliquescence et sur la société russe de manière générale [18] ne cesse de croître. Les frontières entre l’État et l’économie deviennent à ce point poreuses qu’on parle de « capture de l’État » (state capture) par les intérêts privés [19]. L’inefficacité, voire l’absence de « règles du jeu » formelles plongent progressivement l’économie russe dans l’ombre [20] d’un « entreprenariat violent » [21], soutenu par les mouvements mafieux.

5 L’arrivée au pouvoir de V. Poutine en 2000 inverse totalement la donne. Durant les premières années de son mandat, le Président conserve la ligne directrice des « arrangements informels » [22], sortes d’accords de non-intervention réciproque entre les champs politique et économique que son prédécesseur, Boris Eltsine, avait instaurée avec les oligarques. C’est pour lui une affaire de « principe », certains de ces oligarques, notamment Boris Berëzovski, ayant contribué à son accession à la présidence de la Fédération de Russie grâce au financement de sa campagne.

6 Cependant, les « principes implicites » sont rapidement mis de côté et la relation État-monde des affaires aborde une nouvelle phase. Certains oligarques, tel le magnat du pétrole Mikhail Khodorovsky, entrent alors en confrontation directe avec le nouveau pouvoir en finançant les partis et les mouvements d’opposition dont ils favorisent la promotion via les holdings médiatiques dont ils ont encore le contrôle [23]. On sait comment se sont soldées ces tentatives de résistance : l’« affaire Yukos », orchestrée par le pouvoir afin de démanteler le géant pétrolier russe, et notamment l’arrestation en 2003 du fondateur de la compagnie, Mikhaïl Khodorkovski, puis son emprisonnement jusqu’en 2013 pour extorsion de fonds [24], signent la fin de la domination des oligarques et le grand retour de l’État dans le champ économique. C’est à partir de la seconde moitié du premier mandat de V. Poutine que l’élite politique commence à procéder à une véritable « déprivatisation » de l’économie nationale [25]. La « capture de l’État » laisse ainsi la place à une « capture du monde des affaires par l’État » (business capture) [26].

7 Peu à peu, le capitalisme oligarchique des années 1990 prend des allures de « capitalisme de caste » [27], de « capitalisme administré par l’État » [28], voire de « capitalisme patrimonial » [29]. Le politologue russe Vladimir Gelman emploie le concept de « capitalisme de connivence » pour décrire une situation dans laquelle « la réussite en affaires dépend avant tout des liens informels que tissent les groupes d’intérêt et les dirigeants politiques[, ] les ressources et les privilèges [étant] redistribués selon la bonne volonté de ceux qui sont au pouvoir » [30]. Certains travaux soulignent également l’importance des liens de parenté (kinship) [31] et vont jusqu’à définir l’État russe comme une « entreprise familiale » [32]. La perméabilité de la frontière entre l’État et le monde des affaires favorise le développement de réseaux qui s’appuient plus sur des relations informelles que sur le droit et les règles du marché. Le secteur des hautes technologies de Saint-Pétersbourg pourrait être l’exemple au niveau local de ce « modèle de capitalisme en réseau » [33]. Contrairement aux pays occidentaux et surtout aux États-Unis où les réseaux d’entreprises sont eux aussi extrêmement développés et où les banques jouent un rôle central [34], la Russie pratique une économie dans laquelle les banques sont subordonnées, à l’intérieur même des réseaux, aux industries des matières premières [35].

8 Les réseaux de relations informelles, structurés notamment par des rapports de clientèle, ont toujours joué un rôle prépondérant au sein de l’élite dirigeante russe, et ce depuis la période soviétique [36]. Aujourd’hui, c’est tout un « système » [37] de pouvoir informel qui s’est greffé sur les institutions publiques. La thèse de l’« État réseau » permet d’expliquer cette situation : l’État russe « est chroniquement faible et subordonné aux réseaux, même s’il garde la tête hors de l’eau telle une carcasse institutionnelle dont les réseaux ont besoin (…). [Ceux-ci] sont au-delà des différentes divisions administratives et des agences ministérielles. Les allégeances fondées sur les intérêts commerciaux ou purement personnels surpassent les structures bureaucratiques » [38]. L’accès à cette « carcasse institutionnelle » se fait par des mécanismes de recrutement qui ne sont pas sans rappeler ceux employés par la nomenklatura soviétique [39]. Dans ce tableau, le président Poutine joue le rôle du « patron » [40] à la tête d’un « État-entreprise » [41].

9 Les travaux les plus récents mettent en évidence l’extension des relations clientélaires sur toute la sphère de l’État. Le terme de patronage qui caractérise ces relations désigne les attributs informels du pouvoir [42], à savoir la soumission systématique des rapports hiérarchiques formels à la logique patron-client fondée sur la dépendance mutuelle et les échanges de faveurs. Dans un climat de faiblesse générale de l’État de droit [43], le « présidentialisme patronal » [44] se substitue aux mécanismes institutionnels démocratiques qui, loin de jouer leur rôle de contrepoids, servent au pouvoir de moyens de contrôle [45]. Ce patronage systémique qui s’accompagne d’un autoritarisme électoral [46] a la particularité de s’immiscer dans le champ économique dominé par le capitalisme de connivence [47].

10 Le modèle politico-économique qui émerge alors s’apparente au néopatrimonialisme [48], fondé sur un système de redistribution des ressources administré par l’État dans l’intérêt de l’élite dirigeante. La particularité de ce modèle est de parvenir à garder un certain équilibre autosuffisant [49] qui le préserve de la dégénérescence politique et économique, tout en étant dans le « cercle vicieux » [50] de la dépendance aux rentes patrimoniales. Le chef de l’État se trouve dans la position non seulement d’un président institutionnel, mais aussi et surtout d’un « patron » et arbitre suprême des jeux d’influence économiques et financiers. Neil Robinson explique que c’est bien grâce à cette capacité de contrôle, représentée par le « pouvoir négatif » d’empêcher les oligarques d’influencer le politique et par le « pouvoir positif » d’impulser les politiques de modernisation économique, que V. Poutine arrive à stabiliser le capitalisme patrimonial [51]. Une analyse positionnelle nous permettra de situer les entreprises qui font partie du réseau politico-économique, tandis que l’analyse décisionnelle pourra rendre compte de l’influence réelle qu’exerce ce réseau.

Qui est dans le réseau et pourquoi ?

11 Quelles sont les positions institutionnelles qui permettent d’identifier les décideurs politiques et les décideurs économiques [52] ? La branche exécutive du pouvoir est centrale puisque les membres qui la composent prennent les décisions capitales en ce qui concerne les tendances et orientations globales de la politique intérieure et extérieure. Le Gouvernement fédéral remplit ce rôle [53] en parallèle avec l’Administration présidentielle, voire entre en concurrence avec elle, notamment dans le cadre des « compétences implicites » [54]. Le Premier ministre, ainsi que les vice-Premiers ministres et les ministres participent aux prises de décision majeures en matière de politiques publiques aux niveaux national et international et constituent, par conséquent, les positions institutionnelles clés du champ décisionnel politique.

12 L’objectif de notre recherche consiste à analyser les profils des personnalités ayant occupé une fonction ministérielle dans l’un des trois gouvernements fédéraux entre 2000 et 2012. Notre échantillon se compose de 79 personnalités dont V. Poutine lorsqu’il était Premier ministre du Gouvernement fédéral de 2008 à 2012. Cette période est essentielle pour comprendre les changements majeurs intervenus dans la vie politique russe, changements qui se traduisent principalement par un renversement radical du rapport de force entre les champs politique et économique. En effet, la principale caractéristique de l’administration Poutine est que ses membres occupent des postes de responsabilité au sein de l’État et des positions d’autorité dans les grandes entreprises russes. C’est à partir de leurs positions institutionnelles que nous allons les cartographier.

13 Notre « terrain de recherche » se compose des sources biographiques des personnalités concernées. Nous nous appuyons pour ce faire sur la série d’ouvrages d’Aleksey Mukhin consacrés aux biographies du personnel politique [55]. Ces informations sont complétées par des communiqués officiels des plateformes gouvernementales en libre accès, des communiqués de presse (ITAR-TASS) concernant les destitutions et les nominations, ainsi que des éléments concernant uniquement des aspects de la vie publique de ces personnes dans les quotidiens spécialisés, principalement Kommersant, Ria Novosti et Ekho Moskvy. Dans le champ politique, nous nous intéressons aux fonctions de Premier ministre, vice-Premier ministre et ministres ; dans le domaine économique, ce sont les postes de président-directeur général, directeur général, membre de conseils d’administration, membre du Conseil exécutif et membre du Comité de tutelle gouvernementale qui nous intéressent. Ces postes constituent le cœur décisionnel où s’élaborent des stratégies macroéconomiques à moyen-long terme (fonds d’investissements, fusions-acquisitions, etc.). Le conseil d’administration est un canal d’accès à l’agenda stratégique des entreprises. Par conséquent, lorsqu’il est composé d’une majorité de membres en provenance du gouvernement, ce canal devient non seulement informatif, mais aussi vecteur de transmission de l’agenda politique dans la stratégie de l’entreprise.

Panorama des membres du gouvernement et des administrateurs d’entreprises

14 Sur la figure 1, nous avons représenté, à l’aide des logiciels d’analyse de réseaux sociaux UCINET et NETDRAW [56], le point de jonction entre les éléments biographiques de deux personnalités politiques du gouvernement russe : German Gref, ministre du Commerce et du Développement économique entre 2000 et 2007, et Viktor Zoubkov, Premier ministre entre 2007 et 2008, puis vice-Premier ministre entre 2008 et 2012. Ces deux membres du gouvernement ont également eu accès aux fonctions de direction au sein de Gazprom (Zoubkov en tant que président du conseil d’administration en 2007, Gref en tant que membre du conseil d’administration en 1999), ce qui constitue la variable structurale de leur lien. Lorsque nous ajoutons un troisième nom (figure 2), Igor Ivanov, ministre des Affaires étrangères entre 1999 et 2004 et membre du conseil d’administration de Lukoil depuis 2009, nous constatons que celui-ci est relié à German Gref, qui est également mentionné au sein du conseil d’administration de ce géant pétrolier en 2009. En reconstituant l’ensemble des connexions ou interconnexions suivant cette méthode simple du réseau binaire, nous aboutissons à un réseau global (figure 3) constitué de 79 personnalités politiques (points carrés) reliées entre elles ou non dans un ensemble de 136 institutions économiques (points ronds). La spécificité des relations entre les acteurs étudiés réside dans ces points de jonction formés par leurs passages par les conseils d’administration des entreprises. Notre postulat est que ces acteurs accumulent alors un « capital administratif » – au sens du « capital social » de Pierre Bourdieu – qui se maintient même lorsque leur mandat prend fin. Le pouvoir dans la Russie de Poutine puise ses sources précisément dans ce capital administratif grâce auquel et à travers lequel agit la classe dirigeante. Entre 2000 et 2012, trois gouvernements fédéraux se sont succédé : celui de Mikhail Kasianov de 2000 à 2004, celui de Mikhail Fradkov de 2004 à 2008, et celui de V. Poutine de 2008 à 2012. Parmi les personnalités étudiées, il en est 18 sur lesquelles nous n’avons recueilli aucune information formelle concernant les positions qui nous intéressent dans le domaine économique.

15 Dans le réseau global (figure 3), nous retrouvons ces 18 personnalités « isolées » et les 136 institutions économiques mentionnées dans leurs biographies respectives. Certaines de ces institutions n’existent plus ou font désormais partie de sociétés plus grandes, mais leur représentation n’en est pas moins importante car elle révèle des points de jonction infra-élitaires. D’autres constituent aujourd’hui le cœur de l’économie russe : ce sont notamment OAO Gazprom et ses filiales [57], OAO Lukoil, le leader pétrolier, RAO UES, le monopole énergétique, OAO Sberbank, la plus puissante banque russe, OAO Rosteh, le conglomérat de plus de 400 entreprises de développement technologique. 15 de ces entreprises font partie du top 100 [58] par capitalisation boursière sur le marché russe (tableau). À elles seules, elles représentent plus de 20 % du PIB russe lorsque l’on cumule leurs capitalisations [59], autrement dit, elles forment le noyau le plus productif de l’économie russe.

Une classe dirigeante unie autour de l’« État fort » incarné par V. Poutine

16 Une partie du projet politique de V. Poutine, notamment le versant de la politique économique, puise ses sources dans la thèse qu’il a rédigée en 1997 sur « La planification stratégique du renouvellement de la base minérale et des matières premières » [60]. Fortement inspirée des travaux de deux chercheurs [61] de l’Université de Pittsburgh, cette étude de cas de la région de Saint-Pétersbourg dessine les contours du projet politique des « champions nationaux » [62] que V. Poutine lance dès qu’il est élu à la présidence en 2000. L’idée est de créer des géants économiques qui défenderont les intérêts nationaux sur la scène internationale et favoriseront le développement du capitalisme d’État en protégeant la population des inégalités engendrées par la montée en puissance des oligarques. Dans sa forme, le projet du Président rappelle la politique volontariste du général de Gaulle après la seconde guerre mondiale et les grands chantiers menés sous l’égide de l’État dans une France en reconstruction. Dans le fond, il constitue la voie royale de l’accès aux rentes économiques pour une élite étatique qui se venge ici des torts qu’elle a subis lors de la transition vers l’économie de marché. En effet, le projet implique un véritable retour de l’État, partant, de l’ancienne classe politique issue de la nomenklatura soviétique, dans la direction de l’économie.

17 La rhétorique de l’« État fort », au service du peuple et contre les oligarques, trouve un écho très favorable auprès de l’opinion publique, comme en témoignent les études conduites par le centre indépendant Levada [63]. Idéologiquement, elle se retrouve dans la théorie de la « démocratie souveraine » (suverennaya democratiya) élaborée en 2006 par le chef adjoint de l’Administration présidentielle, Vladislav Sourkov, pour justifier les mesures autoritaires visant à garantir l’ordre politique et la stabilité économique. Cette conception s’oppose à la démocratie libérale promue par les pays occidentaux, qu’elle entend concurrencer. Les principes de la « démocratie souveraine » consistent en la maîtrise par l’État des intérêts nationaux, et ce en dehors de toute influence étrangère. Cette influence est combattue, au niveau politique, par l’interdiction sur le sol russe des ONG financées par des capitaux étrangers, et d’ailleurs qualifiées, le cas échéant, d’« agents étrangers » [64] ; au niveau économique, par la reprise du contrôle des capitaux détenus par les investisseurs étrangers dans les secteurs dits « stratégiques » [65], ainsi que par la limitation de l’influence des oligarques sur la politique de l’État.

18 Bien que ce modèle ne soit plus cité comme référence aussi fréquemment qu’à la veille de l’élection de 2008, les idées qu’il porte font toujours consensus au sein de l’élite. Outre V. Sourkov, qui a largement participé à promotion de cette vision et de ses valeurs dans le milieu de la télévision, tous les membres de l’élément central du réseau politico-administratif (figure 4) sont, par leur mentalité commune de tchékistes [66], idéologiquement et personnellement liés à V. Poutine : German Gref, Alexeï Kourdine, Sergeï Narychkine, Sergeï Ivanov, Igor Ivanov, Igor Setchine, Igor Levitine, Viktor Zoubkov, Igor Chuvalov, Sergeï Sobianine et bien sûr Dmitri Medvedev. Certains d’entre eux forment ce que l’on appelle le « groupe des Pétersbourgeois » [67], dont V. Poutine s’est rapproché lorsqu’il travaillait à la mairie de Saint-Pétersbourg sous la direction de Anatoly Sobtchak entre 1992 et 1996. D’autres font partie des siloviki, les « hommes forts » issus des services de renseignement, l’ex-KGB. Contrairement à V. Poutine, ils ne vouent pas un culte à Yuri Andropov, quatrième Secrétaire général du PCUS et chef du KGB, mais tous partagent cette même mentalité conservatrice faite de traditions de l’expérience soviétique et de valeurs orthodoxes, aux deux sens du terme, du « monde russe ». Selon Jean-Robert Raviot, ce qui distingue ces personnalités, c’est leur caractère d’« insiders », ou de svoi (les nôtres). Connaissant parfaitement les rouages de l’ancienne nomenklatura soviétique, ils forment aujourd’hui la korporatura ou corpocrtatie[68], et s’opposent aux outsiders, ou tchuzhye (les autres), qui, tel l’oligarque Khodorovski, ne partagent pas leurs valeurs.

19 Cette union idéologique s’est manifestée tout particulièrement lors de l’annexion de la Crimée en mars 2014. Partageant la même vision du rôle que doit jouer la Russie sur la scène internationale, la classe dirigeante a mobilisé tous les moyens dont elle disposait pour faire front commun face aux sanctions occidentales. Au risque de provoquer de lourdes conséquences économiques et sociales à moyen et long terme, elle s’est rassemblée autour de V. Poutine, privilégiant ce que Ioulia Joutchkova et Vladislav Inozemtsev appellent la « logique de la télévision », qui proclame la grandeur de la Russie et sa puissance militaire, au détriment de la « logique du réfrigérateur », dont très logiquement le contenu se vide en cas de difficultés économiques [69]. Son anti-occidentalisme, latent avant la crise, est aujourd’hui manifeste et constitue le principal pilier de légitimité du régime [70], en écho à la popularité de Poutine. Ainsi la classe dirigeante se range-t-elle derrière le chef de l’État dont la vision du rôle et de la place de la Russie est le reflet fidèle du consensus qui règne dans ses rangs. Le capital administratif qu’elle a accumulé est déterminant pour comprendre le degré de synchronisation avec lequel agissent ses membres pour protéger les intérêts de l’État, qui sont avant tout les leurs. Face à cette korporatura, les autres élites se retrouvent en position dominée et n’ont d’autre choix que de simuler la loyauté et de se soumettre [71].

Que fait le réseau et comment ?

Contrôle de l’économie

20 La Commission gouvernementale de contrôle des investissements étrangers [72] est au cœur du processus de tri des capitaux qui entrent dans les sociétés russes. Présidée par Dmitri Medvedev, elle est composée, entre autres, de Anton Silouanov, ministre des Finances, Igor Shuvalov, premier vice-Premier ministre, et Dmitri Rogozine, adjoint au Premier ministre. Dans le réseau que nous avons identifié, ces personnalités sont reliées aux sociétés telles que OAO Rosteh, le conglomérat d’entreprises de hautes technologies, OAO Gazprom, Vnechekonombank, OAO ORT ou encore OAO Sovkomflot, le transporteur d’hydrocarbures. La Commission agit en coordination avec une multitude d’autres commissions, afin d’assurer le contrôle sur l’ensemble des secteurs. Sur la base de cette activité coordonnée, le gouvernement a publié, en octobre 2015, une ordonnance portant sur « Le dépôt de patrimoine au profit du conglomérat d’État Rosteh » [73]. Les autorités veillent à ce qu’aucune entreprise dans le domaine stratégique ne puisse s’approprier une majorité d’actions et donc accroître son pouvoir de décision face à la politique économique de l’État. Pour ce faire, la Commission a agi en faveur du conglomérat Rosteh et contraint les dépositaires privés d’actions dans les sociétés sous sa tutelle à les céder au profit du conglomérat. Le communiqué justifiait le rachat d’actions par le fait que « la présence d’une majorité de représentants de l’État au sein des conseils d’administration des sociétés faisant partie du conglomérat contribue à l’harmonisation de la politique économique de l’État ». Le but recherché était d’éviter « la dissolution du patrimoine de l’État, dont le conglomérat est propriétaire, au profit des détenteurs de capitaux privés et de garder ainsi le contrôle sur son activité ». Dans cet exemple type de gouvernance d’entreprise, le « patrimoine étatique » sert à la classe politique d’outil de contrôle sur les activités économiques. Le verrouillage des conseils d’administration est une stratégie globale de contrôle des secteurs clés de l’économie russe. Il s’agit, entre autres, de veiller à ce que les sources de rente que représentent les hydrocarbures n’échappent pas aux caisses de l’État. L’autorisation d’exploitation du Golfe de Khatanga délivrée au profit de Rosneft en décembre 2015 illustre bien ce procédé. L’État a donné son autorisation au motif que la Fédération de Russie « dispose en droit de la moitié des voix au sein de son conseil d’administration » [74] ; elle garde donc le contrôle sur les décisions majeures de l’entreprise concernant l’exploitation du gisement.

21 De plus, par le biais du même moyen de contrôle, l’État s’assure du prélèvement d’un impôt à la source. En effet, la délivrance de permis d’exploitation ouvre droit aux indemnités forfaitaires pour l’État, qui perçoit dans le cas du Golfe de Khatanga 3,385 millions d’euros (282,512 millions de roubles), tout en s’assurant un contrôle direct sur les actions du groupe, notamment à travers Igor Setchine, ancien vice-Premier ministre et P-DG de Rosneft depuis que celle-ci a absorbé les actifs de Yukos lors de son démantèlement. Par ailleurs, I. Setchine joue un rôle majeur dans la coordination des décisions stratégiques en matière de politique économique de l’État.

Coordination des décisions stratégiques

22 La configuration des liens du réseau permet de visualiser les canaux par lesquels les directives du pouvoir sont transmises vers le monde des affaires. La force de ce modèle relève de la capacité de l’État à garantir la coordination des décisions en matière de politique économique. Contrairement à la plupart des économies occidentales où prime la logique de rentabilité, l’économie russe demeure soumise à l’autorité souveraine. Cela est principalement dû au fait que V. Poutine et son administration centralisent le pouvoir de nomination aux postes stratégiques dans le domaine de l’économie. Ainsi, le chef de l’État garde l’autorité sur le réseau politico-économique et arrive à mobiliser de manière efficace les ressources nécessaires afin de coordonner les prises de décision. Le cas du chantier naval « Zvezda » dans le Kraï du Primorié illustre parfaitement cette faculté de coordination.

23 Le chantier a vu le jour en 2009 sous la forme d’un projet collaboratif entre la compagnie d’État OSK, spécialisée dans la construction navale, et une entreprise coréenne DSME. Il s’agissait de développer un « super-chantier » capable de répondre aux principaux besoins logistiques de l’industrie pétrolière : construction et entretien des navires de transport principalement. Or, dès 2012, le projet a perdu l’un de ses principaux investisseurs, l’entreprise DSME. V. Poutine continuait toutefois de voir dans ce chantier un véritable levier économique pour la région. Il a donc confié au gouvernement la tâche de mobiliser toutes les ressources nécessaires pour redonner vie au projet, et a officialisé son soutien en signant un oukaze [75] par lequel il créait le Centre de construction et d’entretien de l’industrie navale de l’Extrême-Orient (Dal’nevostochnyj Centr Sudostroeniya i Sudoremonta DCSS). Afin d’augmenter l’attractivité du projet, le gouvernement est parvenu à ériger un consortium d’entreprises [76] avec notamment le soutien de Gazprom, Gazprom Bank, Sovkomflot et la banque VEB. Parallèlement, il a obligé Rosneft, par le biais de son P-DG, I. Setchine, à racheter les parts que détenait DSME [77]. À court terme, le projet était tout sauf attractif pour Rosneft. La rentabilité financière du chantier ne devenait positive que si 200 navires au moins étaient commandés d’ici 2030 [78], mais la concurrence, chinoise notamment, ne permettait pas d’atteindre cet objectif (c’était d’ailleurs pour cette raison que l’investisseur coréen s’était retiré). Seule la proximité et l’interdépendance de I. Setchine et V. Poutine [79] peuvent expliquer cette prise de décision. Un échange de bons procédés entre l’État et la direction de l’entreprise complète le tableau. Le gouvernement a en effet garanti à Rosneft des conditions privilégiées d’exploitation du gisement en restreignant notamment les charges et en écartant les concurrents. En échange, l’entreprise devait endosser le rôle du financier et se charger de remplir le carnet de commandes du chantier, y compris lorsque cela était contraire à la rationalité économique. Grâce à ce réseau politico-économique, l’administration de V. Poutine parvient à garantir la coordination des prises de décision en matière de politique économique.

Redistribution des ressources économiques

24 Un autre mécanisme important dans le fonctionnement du réseau est celui qui consiste à entretenir la dépendance des membres de la classe dirigeante aux sources de rente. En effet, dans cet État-entreprise, l’autorité du chef est en grande partie due à sa capacité de pouvoir redistribuer les ressources parmi ceux qui l’entourent. Pour cela, l’État a recours à des offres publiques.

25 Les marchés publics (goszakupki) [80] sont en fait des plateformes qui mettent en relation l’État demandeur de services, d’infrastructures et de télécommunications, via ses différents organes aux niveaux fédéral, municipal et citoyen, avec l’État fournisseur de ces mêmes services, infrastructures et télécommunications grâce au budget fédéral [81]. Ce dernier est constitué à plus de 50 % [82] des taxes prélevées sur les « champions nationaux » de l’exploitation des énergies fossiles tels que OAO Gazprom, OAO Rosneft, le conglomérat Rosteh, et sert ensuite à financer les marchés publics dont les principaux acheteurs sont les entreprises directement reliées aux locomotives énergétiques telles que OAO Sberbank, OAO Rosatom, OAO Rostelekom, OAO Aeroflot, OAO OAK, OAO Sovkomflot. En 2014, par exemple, le premier acheteur bénéficiaire du budget de l’État sur les marchés publics (pour un total de commandes acquises de 175 085 millions de roubles) a été OAO Rostelekom, la compagnie nationale des télécommunications [83]. En 2013, cette compagnie avait été accusée de concurrence déloyale par les fournisseurs des services de télécommunications privés de la région de Saint-Pétersbourg, dont les infrastructures avaient été saccagées [84]. Les travaux de reconstruction de ces infrastructures ont été effectués par Rostelekom, ce qui a écarté, de fait, ses concurrents. La compagnie a ainsi récupéré la gestion de ce segment de marché tout en recevant le financement octroyé via les goszakupki ou « marchés publics ». Il s’agit d’un cas classique de « capitalisme de connivence » où la réussite en affaires est déterminée par les liens entretenus avec le gouvernement. Pour les membres du réseau politico-économique, plus leur position les rapproche du cœur du réseau, plus la situation économique des entreprises qu’ils administrent paraît avantageuse. Lorsque l’on examine l’organigramme de l’entreprise, on constate que son conseil d’administration est présidé par Sergeï Ivanov, actuellement chef de l’Administration Poutine, que son capital administratif relie aux personnalités centrales du Gouvernement : Anton Silouanov, ministre des Finances, Igor Levitine, adjoint du Président, Sergey Narychkine, président de la Douma (chambre basse du Parlement) et Alexey Koudrine ancien ministre des Finances et actuel président du Centre de stratégie économique (figure 5).

26 L’épisode Rostelekom n’est qu’un exemple parmi beaucoup d’autres. V. Gelman a montré que OAO RZD, la compagnie ferroviaire nationale, qui multiplie les affaires de corruption, est une des plus puissantes « machines de rente » (greatest rent machine) dans le système néopatrimonial russe [85]. Au-delà de la corruption endémique – qui classe la Russie au 119e rang des 167 pays étudiés par Transparency International en 2015 [86] –, le système de rente crée une dépendance totale de l’ensemble des acteurs politiques et économiques. Combinant pouvoir de coercition, par sa position au sein de l’État, et pouvoir d’influence, par son contrôle du secteur économique, la classe dirigeante est en mesure de façonner les rapports de domination selon une logique de loyauté-récompense/opposition-punition. Les goszakupki constituent ainsi un système de feedback entre les sociétés d’État, leurs filiales et le budget de l’État, derrière lequel il est possible de percevoir des mécanismes d’arrangements informels et de pots-de-vin (kickback, en russe otkaty). Le capital administratif amassé par la classe dirigeante sous le troisième mandat de V. Poutine permet de centraliser [87] le pouvoir de redistribution des ressources. C’est dans cette double dynamique, qui met autorité politique et influence économique au service d’un groupe retreint, que réside le cœur du pouvoir dans la Russie de Poutine.

27 La configuration politico-économique de la Russie actuelle offre un cas exemplaire de formation, ou plutôt de reformation d’une classe dirigeante. Certes, les membres de l’ancienne nomenklatura ont « perdu la main » [88] dans les années 1990, lors de la transition vers la démocratie et l’économie de marché, mais ils remportent aujourd’hui la mise, tant par leur domination des institutions publiques que par leur verrouillage de la sphère économique. Et s’ils ont bien à nouveau des privilèges, ceux-ci, contrairement à la période soviétique [89], sont désormais cotés en bourse. La relation de proximité que les membres les plus importants de ce réseau politico-économique entretiennent avec V. Poutine démontre par ailleurs, en retour, la toute-puissance du président russe. La particularité du système de gouvernance qui s’est mis en place depuis les années 2000 est son extrême efficacité en matière de stabilisation des turbulences politiques et économiques provoquées par la transition des années 1990. Sa légitimité repose entièrement sur la personnalité de V. Poutine, dont la popularité, servie par une propagande télévisuelle bien rodée, s’appuie à son tour sur des résultats matériels et idéels obtenus dès les débuts de son premier mandat présidentiel. Or c’est justement là que le bât blesse car ce système dépend tellement aujourd’hui de l’implication personnelle de V. Poutine qu’il serait incapable de survivre sans lui, en tant qu’ensemble institutionnel stable. La classe dirigeante est littéralement rivée aux mécanismes de rente mis en place par le pouvoir, et le coût que représentent ces rentes pourrait se révéler fatal à moyen terme. La crise du rouble induite par la chute du prix du pétrole en 2015 a prouvé l’incapacité de ce système à générer un terrain politique favorable à l’innovation économique et au développement durable. Au demeurant, ce serait une erreur d’imputer à V. Poutine, et à lui seul, la responsabilité de l’enlisement actuel du régime. L’importation brutale de l’économie de marché et la destruction quasi totale des institutions de l’époque soviétique doivent être prises en compte pour comprendre la situation politique complexe dans laquelle est plongée la Russie d’aujourd’hui.

Annexes

Valeur boursière des entreprises du réseau

figure im1

Valeur boursière des entreprises du réseau

Figure 1

Exemple de lien n°1

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Exemple de lien n°1

Figure 2

Exemple de lien n°2

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Exemple de lien n°2

Figure 3

Réseau global

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Réseau global

Figure 4

Réseau central

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Réseau central

Figure 5

Le capital administratif de Sergeï Ivanov

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Le capital administratif de Sergeï Ivanov

Notes

  • [1]
    G. William Domhoff, Who Rules America ? The Triumph of the Corporate Rich, New York, McGraw-Hill Education, 7e édition, 2015.
  • [2]
    Mark S. Mizruchi, « Similarity of Political Behavior among Large American Corporations », American Journal of Sociology, 95 (2), 1989, p. 401-424 ; M. S. Mizruchi, « What Do Interlocks Do ? An Analysis, Critique, and Assessment of Research on Interlocking Directorates », Annual Review of Sociology, 22, 1996, p. 271.
  • [3]
    Donald Palmer, « Broken Ties : Interlocking Directorates and Intercorporate Coordination », Administrative Science Quarterly, 28 (1), 1983, p. 40-55.
  • [4]
    Michael Useem, The Inner Circle : Large Corporations and the Rise of Business Political Activity in the US and UK, Oxford, Oxford University Press, 1984.
  • [5]
    Nathalie Del Vecchio, « Réseaux de conseils d’administration et adoption de pratiques de gouvernance d’entreprise », Revue française de gestion, 202 (3), 2010, p. 145-161.
  • [6]
    Catherine Comet, François-Xavier Dudouet, Jean Finez, « Patrons du CAC 40 », Références, 1er décembre 2014, p. 431-447 ; François-Xavier Dudouet, Éric Grémont, Hervé Joly, Antoine Vion, « Retour sur le champ du pouvoir économique en France : l’espace social des dirigeants du CAC 40 », Revue française de socio-économie, 13 (1), 2014, p. 23.
  • [7]
    J. Finez, C. Comet, « Solidarités patronales et formation des interlocks entre les principaux administrateurs du CAC 40 », Terrains & travaux, 19 (2), 2011, p. 57-76.
  • [8]
    Philippe Blanchard, François-Xavier Dudouet, Antoine Vion, « Le cœur des affaires de la zone euro », Cultures & Conflits, 98 (2), 2015, p. 71-99.
  • [9]
    William Genieys, Jean Joana, « Bringing the State Elites Back In ? », Gouvernement et action publique, 3 (3), 2015, p. 57-80.
  • [10]
    William K. Carroll, The Making of a Transnational Capitalist Class : Corporate Power in the 21st Century, Londres, New York, Zed Books, 2010.
  • [11]
    Daniel C. Bach, Neopatrimonialism in Africa and Beyond, Londres, Routledge, 2012.
  • [12]
    Daniel C. Bach, Caroline Dufy, « Pouvoirs présidentiels, gouvernance et milieux d’affaires dans les États postsoviétiques et africains », Revue internationale de politique comparée, 20 (3), 2013, p. 204.
  • [13]
    Michael A. Witt, Gordon Redding, « China : Authoritarian Capitalism », dans M. A. Witt, G. Redding (eds), The Oxford Handbook of Asian Business Systems, Oxford, Oxford University Press, 2014, p. 11-32.
  • [14]
    Anders Åslund, How Russia Became a Market Economy, Washington, Brookings Institution, 1995 ; A. Åslund, How Capitalism Was Built : The Transformation of Central and Eastern Europe, Russia, and Central Asia, Cambridge, New York, Cambridge University Press, 2007.
  • [15]
    Jean-Pierre Pagé, Julien Vercueil, De la chute du Mur à la nouvelle Europe. Économie politique d’une métamorphose, Paris, L’Harmattan, 2005.
  • [16]
    Marie Mendras, Russie, l’envers du pouvoir, Paris, Odile Jacob, 2008, p. 278.
  • [17]
    « “Semibankirshinna”. Spavka (Le « règne des sept banquiers ». Note de synthèse), Ria Novosti, 11 août 2011.
  • [18]
    David E. Hoffman, The Oligarchs : Wealth and Power in the New Russia, New York, Public Affairs, 2001.
  • [19]
    Evgeny Yakovlev, Ekaterina Zhuravskaya, « State Capture : From Yeltsin to Putin », Working Paper, Center for Economic and Financial Research (CEFIR), octobre 2005.
  • [20]
    Vladimir Biryukov, Alla Ratner, From Shadow Economy to Shadow Society : A Snapshot of Post-Soviet Russia, Minneapolis, Leadership Research Center, Inc., 2013.
  • [21]
    Vadim Volkov, Violent Entrepreneurs : The Use of Force in the Making of Russian Capitalism, Ithaca, Cornell University Press, 2002.
  • [22]
    Le plus célèbre de ces arrangements est probablement l’« accord barbecue » : en échange du soutien des oligarques à la politique de centralisation entamée par V. Poutine en 2000, l’État s’engageait à « laisser faire » et prospérer les affaires de ces derniers. Vladimir Gelman, « Russia’s Crony Capitalism : The Swing of Pendulum », Open Democracy Post-Soviet World, 14 novembre 2011.
  • [23]
    Notamment Media-Most que détenait Vladimir Gussinsky et qui possédait la chaîne privée très populaire dans les années 1990 NTV, l’hebdomadaire Itogi et la station de radio Ekho Moskvy. Sur les pôles médiatiques de ces années, voir Maria Lipman, Michael McFaul, « The Media and Political Developments », dans Stephen K. Wegren, Dale R. Herspring, After Putin’s Russia : Past Imperfect, Future Uncertain, New York, Rowman & Littlefield Publishers, 2010, p. 109-129.
  • [24]
    Marshall I. Goldman, « Putin and the Oligarchs », Foreign Affairs, 1er novembre 2004 ; M. I. Goldman, Petrostate : Putin, Power, and the New Russia, Oxford, Oxford University Press, 2008 ; Martin Sixsmith, Putin’s Oil : The Yukos Affair and the Struggle for Russia, New York, Continuum, 2010.
  • [25]
    Richard Sakwa, « Political Leadership », dans S. K. Wegren, D. R. Herspring, After Putin’s Russia : Past Imperfect, Future Uncertain, op. cit., p. 26.
  • [26]
    Andrei Yakovlev, « The Evolution of Business : State Interaction in Russia : From State Capture to Business Capture ? », Europe-Asia Studies, 58 (7), 2006, p. 1033-1056.
  • [27]
    Yury Afanasiev, « The End of Russia ? », Open Democracy, 21 janvier 2009.
  • [28]
    Jean-Robert Raviot, Qui dirige la Russie ?, Paris, Lignes de repères, 2007, p. 112.
  • [29]
    Neil Robinson, « Russian Patrimonial Capitalism and the International Financial Crisis », Journal of Communist Studies and Transition Politics, 27 (3-4), 2011, p. 434-455.
  • [30]
    V. Gelman, « Russia’s Crony Capitalism : The Swing of Pendulum », art. cité. Nous traduisons l’ensemble des citations de cet article.
  • [31]
    Margareta Mommsen, « Russia’s Political Regime : Neo-Soviet Authoritarianism and Patronal Presidentialism », dans Susan Stewart et al., Presidents, Oligarchs and Bureaucrats : Forms of Rule in the Post-Soviet Space, Farnham, Ashgate, 2012, p. 66.
  • [32]
    Voir la récente « affaire Chaïka », du nom du procureur général Yuri Chaïka et de ses deux fils qui, sous couvert de l’autorité du parquet, participaient à l’activité d’entreprises criminelles (http://www.forbes.ru/sobytiya/biznes/270101-kak-po-relsam-chem-zarabatyvaet-na-zhizn-syn-generalnogo-prokurora-yuriya-cha).
  • [33]
    Anton Oleinik, « A Model of Network Capitalism : Basic Ideas and Post-Soviet Evidence », Journal of Economic Issues, 38 (1), 2004, p. 85-111 ; Markku Lonkila, Networks in the Russian Market Economy, Basingstoke, New York, Palgrave Macmillan, 2011.
  • [34]
    Élise Penalva-Icher, Emmanuel Lazega, « Remplacer l’État ? Promotion et réseaux de partenariats public-privé en France », La Nouvelle Revue du Travail, 2, 30 mars 2013, p. 2-17.
  • [35]
    Ilya Okhmatovskiy, « Sources of Capital and Structures of Influence Banks in the Russian Corporate Network », International Sociology, 20 (4), 2005, p. 427-457.
  • [36]
    Gerald M. Easter, Reconstructing the State : Personal Networks and Elite Identity in Soviet Russia, Cambridge, Cambridge University Press, 2007.
  • [37]
    Alena V. Ledeneva, How Russia Really Works : The Informal Practices that Shaped Post-Soviet Politics and Business, Ithaca, Cornell University Press, 2006 ; A. V. Ledeneva, Can Russia Modernise ? : Sistema, Power Networks and Informal Governance, Cambridge, Cambridge University Press, 2013 ; A. V. Ledeneva, Russia’s Economy of Favours : Blat, Networking and Economic System, Cambridge, Cambridge University Press, 1998.
  • [38]
    Vadim Kononenko, Arkadii Moshes, Russia as a Network State : What Works in Russia when State Institutions Do Not ?, Basingstoke, Palgrave Macmillan, Helsinki, Ulkopoliittinen Instituutti, 2011, p. 5-6.
  • [39]
    Victor Mokhov, « Neonomenklatura v strukturax sovremennoj vlasti » (Néonomenklatura au sein des structures actuelles du pouvoir), dans Alexandre Duka (dir.), Vlastnye struktury i gruppy dominirovaniya (Les structures du pouvoir et les groupes de domination), Saint-Pétersbourg, Intersocic, 2012, p. 253-262 ; Nikolai Petrov, « The Nomenklatura and the Elite », dans M. Lipman, N. Petrov, Russia in 2020 : Scenarios for the Future, Washington, Carnegie Endowment, 2011, p. 483-510.
  • [40]
    M. Mommsen, « Russia’s Political Regime : Neo-Soviet Authoritarianism and Patronal Presidentialism », dans Susan Stewart, Margarete Klein, Andrea Schmitz, Hans-Henning Shröeder (eds), Presidents, Oligarchs and Bureaucrats : Forms of Rule in the Post-Soviet Space, Farnham, Ashgate, 2012, p. 63-87.
  • [41]
    N. Petrov, « Corporativizm vs. Regionalizm », polit.ru, 21 novembre 2007 (http://polit.ru/article/2007/11/21/petrov/).
  • [42]
    Selon la distinction établie par Jean-François Médard entre les formes juridiques ou codifiées de clientélisme, telles qu’elles existaient au Moyen-Âge avec le féodalisme, et les formes informelles qui se développent dans le contexte politique moderne. Jean-François Médard, « Le rapport de clientèle : du phénomène social à l’analyse politique », Revue française de science politique, 26 (1), 1976, p. 118-119.
  • [43]
    Henry E. Hale, Patronal Politics : Eurasian Regime Dynamics in Comparative Perspective, New York, Cambridge University Press, 2015.
  • [44]
    Formule utilisée par M. Mommsen pour décrire le double rôle, institutionnel en tant que président et informel en tant que « patron », de V. Poutine. M. Mommsen, « Russia’s Political Regime : Neo-Soviet Authoritarianism and Patronal Presidentialism », art. cité.
  • [45]
    N. Petrov, M. Lipman, H. E. Hale, « Overmanaged Democracy in Russia : Governance Implications of Hybrid Regimes », Russia and Eurasia Program, 106, 2010, p. 1-25.
  • [46]
    V. Gelman, Authoritarian Russia : Analyzing Post-Soviet Regime Changes, Pittsburgh, University of Pittsburgh Press, 2015.
  • [47]
    Gulnaz Sharafutdinova, Political Consequences of Crony Capitalism inside Russia, Notre Dame, University of Notre Dame Press, 2010.
  • [48]
    Oleksandr Fisun, « Rethinking Post-Soviet Politics from a Neopatrimonial Perspective », Demokratizatsiya, 20, 2012, p. 87-96 ; V. Gelman, « The Vicious Circle of Post-Soviet Neopatrimonialism in Russia », Post-Soviet Affairs, 32 (5), 2016, p. 455-473.
  • [49]
    N. Robinson, The Political Origins of Russia’s « Culture Wars », Limerick, Department of Politics and Public Administration, University of Limerick, 2014.
  • [50]
    V. Gelman, « The Vicious Circle of Post-Soviet Neopatrimonialism in Russia », art. cité.
  • [51]
    N. Robinson, « Economic and Political Hybridity : Patrimonial Capitalism in the Post-Soviet Sphere », Journal of Eurasian Studies, 4 (2), 2013, p. 136-145.
  • [52]
    W. Genieys, Sociologie politique des élites, Paris, Armand Colin, 2011, p. 27.
  • [53]
    Comme le stipule l’art. 114 de la Constitution russe (en langue française : http://www.constitution.ru/fr/part6.htm).
  • [54]
    Yaroslav Startsev, « L’institutionnalisation des compétences implicites du président russe et leur rôle dans le fonctionnement du pouvoir présidentiel », Revue d’études comparatives Est-Ouest, 39 (2), 2008, p. 93-116.
  • [55]
    Aleksey Mukhin, Putin : blizkij krug prezidenta. Kto est’ kto sredi « piterskoj gruppy » (Poutine : le cercle proche du Président. Qui est qui parmi le « groupe des Pétersbourgeois »), Moscou, CPI, 2003 ; A. Mukhin, Praviteli Rossii : staraya ploshad’ i belyj dom (Les dirigeants russes : la vieille place et la Maison Blanche), Moscou, Algorythme, 2005.
  • [56]
    Stephen P. Borgatti, Martin G. Everett, Jeffrey C. Johnson, Analyzing Social Networks, Londres, Sage Publications, 2013.
  • [57]
    En russe, OA (Akcionernoe Obchestvo) correspond aux sociétés par actions (SA) ; OAO (Otkrytoe Akcionernoe Obchestvo) aux sociétés par actions de type ouvert ; ZAO (Zakrytoe Akcionernoe Obchestvo) aux sociétés par actions de type fermé, et OOO (Obchestvo s Ogranichennoj Otvetstvennostiou) aux sociétés par actions à responsabilité limitée (SARL).
  • [58]
    Selon les données de Ria Novosti (http://riarating.ru/infografika/20130201/610536030.html).
  • [59]
    En 2013, selon le ministère des Finances, la somme des capitalisations de ces 15 entreprises était d’environ 13 725 milliards de roubles (soit environ 356,52 milliards de dollars américains) et le PIB de 66 755,3 milliards de roubles (soit environ 1 734,03 milliards de dollars américains) (http://info.minfin.ru/gdp.php).
  • [60]
    L’intitulé exact est « Strategitcheskoe planirovanie vosproizvodstva mineral’no-syrievoj bazy regiona v usloviah formirovania rynochnyh otnoshenij », thèse de doctorat en économie, Institut des Mines de Saint-Pétersbourg, 1997.
  • [61]
    William R. King, David. I. Cleland, Strategic Planning and Policy, New York, Van Nostrand Reinhold Company, 1978. En 2006, ces deux chercheurs ont accusé V. Poutine de plagiat (http://www.washingtontimes.com/news/2006/mar/24/20060324-104106-9971r/).
  • [62]
    M. I. Goldman, Oilopoly : Putin, Power and the Rise of the New Russia, Oxford, Oneworld Publications, 2010.
  • [63]
    Centre Levada, « Biznes i goskorporatsii / Levada Centr » (Le monde des affaires et les entreprises d’État) (http://www.levada.ru/29-10-2014/biznes-i-goskorporatsii) (consulté le 3 novembre 2014).
  • [64]
    Loi fédérale de juillet 2012 sur les ONG exerçant des fonctions d’agents étrangers (http://www.rg.ru/2012/07/23/nko-dok.html). Sur les relations entre l’État et la société civile, voir Françoise Daucé, Une paradoxale oppression. Le pouvoir et les associations en Russie, Paris, CNRS Éditions, 2013.
  • [65]
    William Tompson, « Back to the Future ? Thoughts on the Political Economy of Expanding State Ownership in Russia », Les Cahiers Russie, CERI, Sciences Po, 6, 2008, p. 3-18.
  • [66]
    J.-R. Raviot, Qui dirige la Russie ?, op. cit.
  • [67]
    A. Mukhin, Putin : blizkij krug prezidenta. Kto est’ kto sredi « piterskoj gruppy » (Poutine : le cercle proche du Président. Qui est qui parmi le « groupe des Pétersbourgeois »), op. cit.
  • [68]
    J.-R. Raviot, « Russian Post-Soviet Oligarchy : Patterns of Historic Evolution », dans Bernd Zielinski, Jean-Robert Raviot, Les élites en question. Trajectoires, réseaux et enjeux de gouvernance : France, UE, Russie, Bern, Peter Lang AG, Internationaler Verlag der Wissenschaften, 2014, p. 141-165.
  • [69]
    Ioulia Joutchkova, Vladislav Inozemtsev, « La logique non économique de Vladimir Poutine », Politique étrangère, 2, été 2015, p. 39-51.
  • [70]
    Tatiana Kastouéva-Jean, « Le système Poutine : bâti pour durer ? », Politique étrangère, 2, été 2015, p. 53-65.
  • [71]
    En décembre 2015, le Kremlin a convié les oligarques pour les vœux de fin d’année, afin que V. Poutine puisse les remercier du « patriotisme » dont ils avaient fait preuve dans la promotion des intérêts russes au niveau international et dans le « renforcement de la souveraineté russe ». Sur l’une des rares photos de l’événement, les membres de la classe dirigeante sont entourés des plus grands milliardaires du pays : Roman Abramovitch, Victor Vekselberg, Oleg Deripaska, Petr Aven, Vladimir Potanine. À la fin de la cérémonie, le Président a conclu sur le mode informel que la réunion s’était déroulée dans un « cercle intime », voire un « cercle familial ». Andrey Kolesnikov, « Krug poznaetsya v bede » (Le cercle des intimes en temps de crise), Kommersant, 24 décembre 2015 (http://www.kommersant.ru/doc/2884690) ; Forbes, « Kreml’ pozval milliarderov na vstretchu s Putinym » (Le Kremlin a convié les milliardaires pour un rendez-vous avec Poutine), 23 décembre 2015 (http://www.forbes.ru/news/309071-kreml-pozval-milliarderov-na-vstrechus-putinym).
  • [72]
    Voir la description de la Commission sur le site du Gouvernement russe (http://government.ru/department/8/events/).
  • [73]
    Ordonnance disponible sur la page de la Commission gouvernementale du complexe militaro-industriel (http://government.ru/docs/20258/).
  • [74]
    Comme le stipule l’ordonnance de la Commission sur l’utilisation des ressources naturelles et la défense du milieu naturel (http://government.ru/docs/21193/).
  • [75]
  • [76]
  • [77]
    Forbes, « Rosneft mozhet kupit’ 31,26 % iouzhno-korejskogo sudostroitelya DSME » (Rosneft pourra acquérir 31,26 % du constructeur naval coréen DSME), 14 novembre 2013 (http://www.forbes.ru/news/247363-rosneft-mozhet-kupit-3126-yuzhnokoreiskogo-sudostroitelya-dsme).
  • [78]
  • [79]
    Si I. Setchine est actuellement le P-DG de Rosneft, c’est en grande partie grâce au soutien de l’administration Poutine lors du démantèlement des actifs de Yukos. De plus, dans la mesure où l’État reste propriétaire d’une partie des actifs de l’entreprise, par le biais de Rosneftegaz, I. Setchine demeure un employé de l’État. Quant à V. Poutine, il a besoin de la loyauté de I. Setchine pour « harmoniser » la politique économique de l’entreprise en son nom face à ses actionnaires privés.
  • [80]
    Voir la loi fédérale N 44-F3 du 5.04.2013 sur le système des contrats du domaine d’acquisition des produits, travaux et services dans l’approvisionnement des besoins de l’État et des municipalités (https://www.consultant.ru/document/cons_doc_LAW_144624/).
  • [81]
    6 520 240,8 millions de roubles pour 2015, d’après la plateforme officielle des marchés publics (http://www.zakupki.gov.ru/epz/main/public/home.html).
  • [82]
    Sur les recettes de l’État, voir http://ria.ru/infografika/20130912/958932396.html.
  • [83]
  • [84]
  • [85]
    V. Gelman, « The Vicious Circle of Post-Soviet Neopatrimonialism in Russia », art. cité.
  • [86]
  • [87]
    Les travaux de Svetlana Barsukova ont également montré le caractère « centralisé » qu’a pris la corruption sous la présidence de V. Poutine, comparativement à celle qui existait sous Boris Eltsine Svetlana Barsukova, « Mutations du capitalisme et institutionnalisation de la corruption dans la Russie contemporaine », Revue internationale de politique comparée, 20 (3), 2014, p. 41-63.
  • [88]
    Thierry Wolton, Le KGB au pouvoir. Le système Poutine, Paris, Gallimard, 2009.
  • [89]
    Mikhaïl Voslensky, La nomenklatura, les privilégiés en URSS, Paris, Belfond, 1980.
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Après la chute de l’URSS, la Russie a connu une double transformation : politique, avec la transition vers une démocratie pluraliste ; économique, avec l’adoption de l’économie de marché. Cette situation inédite a été propice à l’émergence d’une oligarchie dont les intérêts privés prévalaient sur ceux de l’État. L’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine a totalement inversé la donne : une élite au service des intérêts de l’État s’est constituée, qui a progressivement concurrencé la position dominante des oligarques. Aujourd’hui, cette élite s’apparente plus à une classe dirigeante tant son autorité politique et son influence économique annihilent toute concurrence. Structurée idéologiquement autour de la rhétorique de l’« État fort » et personnellement liée à V. Poutine, cette classe dirigeante agit grâce à un « capital administratif », constitué par le cumul de positions clés dans les champs politique et économique et qui lui permet de contrôler l’économie, de coordonner les décisions stratégiques et de redistribuer les rentes économiques par lesquelles prend forme sa domination.

Roman Volkov
doctorant et ATER en science politique au Centre Montesquieu de recherche politique (IRM-CMRP) de l’Université de Bordeaux. Sa thèse en cours s’intitule « La Russie de Vladimir Poutine : sociologie politique d’un État néopatrimonial ». Ses axes de recherche sont la sociologie de l’État, le néopatrimonialisme, les régimes politiques comparés, la sociologie des élites et les réseaux politico-économiques. Il a publié « L’administration présidentielle russe : une quatrième branche du pouvoir ? », Est-Europa (numéro spécial, 1, 2014, p. 77-98).
roman.volkov@u-bordeaux.fr
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Mis en ligne sur Cairn.info le 04/05/2017
https://doi.org/10.3917/crii.075.0091
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