CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Le droit international privé peut être présenté comme un méta-droit, en ce sens qu'il appréhende des phénomènes juridiques bien connus dans les relations internes, mais dont il entend saisir les aspects internationaux. Il en résulte que l'objet de ses règles, de conflit de lois comme de conflit de juridictions, est généralement référencé : il s'agit de concepts juridiques bien identifiés en droit substantiel comme le contrat, le délit, les régimes matrimoniaux, le mariage ou le divorce, par exemple. Lorsqu'une règle de droit international privé prétend appréhender et réguler les aspects internationaux de l'un de ces concepts, il bénéficie d'un substrat connu et référencé pris en l'institution telle qu'elle existe dans les relations internes.

2Pour prendre un exemple, lorsque les règles de droit international privé entendent identifier la loi applicable et la juridiction compétente en matière de contrat, elles s'appuient sur le concept contractuel tel que développé par le droit civil. Ceci explique que l'ensemble de la matière est structuré autour de concepts de droit privé. Au plus profond des sources de cette construction, il y a très certainement la théorisation opérée par Bartin et le principe selon lequel les concepts de droit international privé reposent sur une projection des catégories du droit interne [1].

3Fort de ce constat, on peut s'interroger sur la pertinence qu'il pourrait y avoir à confronter le droit international privé à un objet comme celui de la blockchain. Il ne s'agit pas en effet d'un concept juridique, mais d'une technique [2]. On ne verrait aucun intérêt à se pencher sur les aspects de droit international privé, par exemple, de l'automobile comme moyen de transport ou du tableur comme mode de présentation et de rationalisation de données numériques… Pourtant, au moins de prime abord, une analyse sous l'angle du droit international privé de la blockchain paraît plus pertinente que pour l'automobile ou le tableur. L'explication est sans doute qu'on est en présence ici d'un phénomène qui va au-delà d'une simple technique. De par sa construction sécurisée, la blockchain génère en fait un véritable système dont les principes de fonctionnement s'imposent à tous ses utilisateurs.

4Si l'on devait présenter métaphoriquement ce qu'est la blockchain, il serait possible de prendre l'exemple d'une communauté de personnes et d'une toile vierge. L'un des membres de cette communauté peut décider de peindre une maison sur cette toile. Un deuxième membre peut y rajouter un arbre, mais le premier comme tous les autres membres de la communauté vont immédiatement être informés de ce changement. Plus encore, ils vont être les détenteurs et les garants de ce changement subi par la toile. Si un troisième membre de la communauté ajoute sur celle-ci un ciel nuageux, ce nouveau changement est à nouveau indiqué à tous les autres membres qui, là encore, sont les détenteurs et les garants de cette nouvelle modification de la toile.

5Pour le dire en termes plus techniques, la blockchain est une technique de registre partagé ou Distributed Ledger Technology (DLT) [3]. Elle permet à la fois de stocker et de transmettre des informations de manière transparente et sécurisée. Ce résultat est obtenu grâce à son mode de fonctionnement particulier, en ce que la base de données ainsi constituée contient l'historique de tous les échanges effectués entre ses utilisateurs depuis sa création. Plus encore, celle-ci n'est pas entre les mains d'un organe central - un tiers de confiance - mais partagée et cryptée entre tous ses utilisateurs, sans intermédiaire donc, ce qui permet à chacun d'entre eux de s'assurer de la validité de la chaîne. Ceci explique que le répertoire d'information public ainsi partagé soit considéré comme irréversible et incorruptible [4].

6Ce résultat peut être obtenu grâce à ce qu'il est convenu d'appeler une chaîne de blocs (blockchain). Celle-ci repose sur un logiciel s'exécutant sur un ordinateur appelé nœud (node). Chaque nœud est relié au réseau blockchain et peut soumettre et recevoir des transactions. Les nœuds collectent et regroupent les transactions validées dans un bloc au sein duquel sont stockées des informations. Chaque bloc de transactions est lié au suivant par son empreinte, ou hash, qui permet d'établir la continuité de la blockchain. Lorsqu'un nouveau bloc est validé, il est horodaté et ajouté à la chaîne des blocs. La transaction est alors visible pour le récepteur ainsi que pour l'ensemble du réseau, ce qui garantit qu'elle ne puisse pas être modifiée.

7Les transactions à l'origine de la création d'un nouveau bloc ne sont pas anonymes mais pseudonymes, en ce sens que chaque participant se voit affecter un identifiant permettant de le tracer tout en ne révélant pas son identité. Cet identifiant repose sur deux clés, l'une publique contenant son adresse et l'autre privée permettant de signer électroniquement les transactions.

8À l'aune de cette présentation, il est possible d'affirmer que chaque blockchain présente au moins trois caractéristiques fondamentales. Tout d'abord, c'est un registre distribué puisque chaque participant dispose d'une copie de l'ensemble de la chaîne de blocs. Ensuite, c'est un registre fiabilisé en ce qu'il y a une immuabilité des données enregistrées et que l'historique des transactions ne peut pas être modifié. Enfin, c'est un registre décentralisé puisqu'il n'existe aucune autorité centrale jouant le rôle d'un tiers de confiance. Elle est inutile puisque l'algorithme permet à tous les participants au réseau de vérifier facilement qu'aucune fraude n'a eu lieu. Cela étant, cette dernière caractéristique s'applique exclusivement aux blockchains publiques. On rencontre en effet également des blockchains dites privées ou de consortium, pour lesquelles existe une autorité centrale, laquelle maîtrise la chaîne et en réserve le bénéfice à certains acteurs.

9Mais qu'elle soit publique ou privée, chaque blockchain repose sur des règles de fonctionnement s'imposant à tous ses utilisateurs, ce qui en fait une institution allant bien au-delà d'une simple technique. Il y a, à l'évidence, des points communs entre la blockchain et le droit. C'est sans doute ce qu'entend signifier l'aphorisme souvent repris aux termes duquel « Code is Law » [5]. Autrement dit, la blockchain repose sur des principes de fonctionnement que le code - c'est-à-dire le langage de programmation utilisé - a mis en place. De ce point de vue, elle pourrait même être assimilée à un système juridique. Plus encore, il pourrait même s'agir d'une forme parfaite d'un tel système, dans le sens où non seulement son fonctionnement repose sur des règles posées par le code - informatique -, mais en outre les utilisateurs sont contraints de respecter ces mêmes règles ; ils ne peuvent pas les violer ou les méconnaitre plus généralement.

10Chaque blockchain constitue donc un système auto-suffisant et autorégulé. Plus encore, ces caractéristiques engendrent un phénomène d'adhésion des utilisateurs, en ce qu'il génère auprès de ceux-ci confiance et sécurité. De ce dernier point de vue aussi, il y a manifestement une certaine similitude avec ce que la théorie juridique est susceptible d'entendre par la notion de système juridique.

11La présente contribution ne vise pas à entrer plus avant dans ce débat quant à la question de savoir si le système de blockchain pourrait être considéré comme une forme d'ordre juridique. En revanche, ces quelques éléments de discussion permettent de prendre conscience qu'il ne s'agit pas ici d'une simple technique à laquelle le droit international privé vient à être confronté. C'est un phénomène au moins para-juridique et, de ce point de vue, il se rapproche de ces objets juridiquement organisés auxquels est plus classiquement confronté le droit international privé que sont, par exemple, le contrat, le régime matrimonial ou encore la personne morale.

12Simplement, la très grande spécificité ici de la blockchain, c'est que son organisation n'est pas fondée sur des règles de droit émises par les droits nationaux, voire par des personnes privées comme dans un contrat par exemple, mais toujours, même dans cette dernière hypothèse, sous l'égide de règles nationales. La blockchain est singulière et ne connaît pas d'équivalent car son organisation en système repose sur un langage de programmation.

13Il est évident que cette dernière caractéristique la rend assez étrangère au droit international privé. En revanche, il est une autre caractéristique essentielle de la blockchain avec laquelle cette dernière matière est bien plus familière. En effet, ses applications sont par essence transnationales, en ce sens que leur immatérialité leur permet d'échapper à tout cloisonnement territorial au sein d'un État [6]. Il est même possible de « partir du principe que l'utilisation d'une blockchain suffit pour conférer une portée internationale à la transaction » [7]. Or c'est bien ce type de phénomènes internationaux que le droit international privé en général et le conflit de lois en particulier entendent appréhender.

14Cette matière prétend en effet saisir des situations humaines ou des relations sociales, qu'elles soient familiales, commerciales, financières ou autres, transcendant les frontières nationales. Or les applications issues de la technologie de la blockchain présentent à l'évidence cette caractéristique. Dès lors, au moins en première analyse, elle entre a priori dans le périmètre du droit international privé, et plus particulièrement sans doute encore dans celui du conflit de lois [8].

15Pour autant, ce n'est pas parce que, d'une part, les applications des technologies fondées sur la blockchain ont une nature internationale et que, d'autre part, le droit international privé a traditionnellement pour objet ce type de relations, que la rencontre entre celles-là et celui-ci doit nécessairement s'opérer. Il est possible qu'elle ne soit pas utile, ou non-pertinente, voire impossible.

16À ce stade, on ne peut présupposer qu'il y ait un intérêt et une utilité à voir cette technologie émergente être régie par cette branche du droit. C'est pourquoi, pour le vérifier, il convient de confronter la technologie de la blockchain en général au droit international privé (I). Fort des conclusions tirées à cet égard, il pourra alors être possible de procéder à la confrontation de cette même matière à certaines des applications particulières de cette technologie (II).

I - La confrontation du droit international privé à la technologie de la blockchain en général

17Envisager les relations possibles entre le droit international privé, d'une part, et la technologie de la blockchain en général, d'autre part, suscite au moins deux questions. La première d'entre elles revient à se demander si les techniques du droit international privé peuvent s'avérer ici utiles (A). Toutefois, qu'elles puissent être utiles n'induit pas nécessairement pour autant, aux termes d'une seconde question, qu'elles s'avèrent également adaptées à cette technologie (B).

A - L'utilité des techniques de droit international privé en matière de blockchain

18Du fait de son internationalité qui est quasiment ontologique, l'utilisation d'une blockchain paraît pouvoir présenter des liens avec une multitude de systèmes juridiques nationaux. On pense en particulier à tous les droits nationaux de tous les utilisateurs d'une chaîne de blocs en particulier.

19Or, au constat de ce type de situation, la doxa du droit international privé déduit l'existence d'un conflit de lois qui doit être tranché. En d'autres termes, parmi toutes ces lois nationales présentant des liens avec la situation, il convient d'en choisir une, celle qui est jugée la plus pertinente pour régir cette même situation. Le mécanisme de la règle de conflit de lois permet notamment de rapporter une situation ou une relation juridique internationale à une loi nationale en particulier, laquelle sera considérée comme applicable et lui assignera son régime juridique.

20Si l'on prend l'exemple d'un mariage célébré au Royaume-Uni entre un Français et une Allemande, on identifie bien les lois possiblement intéressées par cette situation, c'est-à-dire les lois nationales en conflit en somme. La règle de conflit de lois va permettre d'identifier l'une d'entre elles : celle du lieu de célébration par exemple viendra régir les conditions de forme de ce mariage. Tout l'art du conflit de lois, c'est en effet de permettre l'identification d'une loi nationale en particulier, en ce sens qu'elle est jugée la plus pertinente pour venir régir la situation internationale considérée [9].

21La question se pose néanmoins de savoir si ce modèle est adapté à la technologie de la blockchain. Pour le dire différemment, s'il est a priori évident qu'une utilisation de cette technologie suscite un conflit de lois, en ce sens qu'elle est en contact avec plusieurs droits nationaux, il n'est en revanche pas aussi évident que ce même conflit doive être tranché [10].

22Pour illustrer ce dernier propos, si l'on prend un mariage ou une action en responsabilité délictuelle présentant des éléments d'extranéité, il est impératif d'identifier un droit national en particulier au sein duquel seront déterminées les règles appelées à régir l'un comme l'autre. On ne saurait concevoir que ce mariage ou cette action délictuelle ne soit finalement pas soumis au régime juridique prévu par un droit national. Ils ne pourraient l'un comme l'autre évoluer dans un espace sans règles de droit nationales.

23La situation est un tant soit peu différente pour la blockchain, puisque cette technologie génère ses propres principes de fonctionnement, ce qui n'est pas le cas d'un mariage et moins encore d'une action en responsabilité délictuelle. Autrement dit, aux termes du paradigme « Code is Law », on pourrait estimer que la recherche d'une loi nationale applicable est, en la matière, inutile.

24Chaque application de la technologie de la blockchain est un système autopoïétique et, à ce titre, il se suffit à lui-même [11]. Contrairement à un mariage ou à une action délictuelle, il faut bien reconnaître qu'il n'a pas nécessairement besoin de l'assistance d'un régime juridique hétéronome pour fonctionner.

25Le code se suffisant à lui-même, il pourrait effectivement s'avérer non-pertinent de procéder à la recherche d'un ou de plusieurs droits nationaux qui lui seraient applicables. Au-delà du conflit de lois, on pourrait également considérer que son mode de fonctionnement exclurait si ce n'est tout litige, en tout cas tout contentieux susceptible d'être tranché devant une juridiction étatique. En présence d'une contestation relative au fonctionnement d'une blockchain, celle-ci pourrait selon certains auteurs être réglée par la communauté des utilisateurs elle-même.

26Il est vrai qu'il existe en la matière au moins un précédent. En juillet 2016, l'utilisateur d'une blockchain semi-publique - la première tentative de créer une decentralized autonomous organization appelée « The DAO » [12] - a identifié une faille dans le code qu'il a exploité afin de soutirer une somme équivalente en crypto-monnaies à 70 millions de dollars en quelques heures [13]. À proprement parler, il ne s'agissait pas d'un hackage ou d'un vol, mais d'une lacune laissée par les programmateurs lors de la rédaction du code. En réalité, il était possible de demander plusieurs fois la restitution d'une même somme avant que la blockchain ne mette à jour le solde. Les codeurs n'avaient pas pris en compte la possibilité d'un appel récursif et le fait que le système envoie d'abord les fonds avant de mettre à jour le solde.

27Or il est intéressant de noter que face à ce qui pourrait passer pour un détournement, il y a eu un débat entre les utilisateurs de la chaîne quant à la pertinence du principe « Code is Law ». Ils se sont en effet demandé si cet utilisateur en respectant le code, tout en méconnaissant l'esprit du projet, devait être sanctionné. Un vote a finalement été organisé pour déterminer s'il fallait, ou non, modifier le code pour combler la lacune à l'origine du transfert de fonds. La réponse a été positive et les fonds ont été restitués [14].

28Cette affaire est édifiante à au moins deux titres. Tout d'abord, il est étonnant de constater que les participants à cette blockchain se sont interrogés sur la portée obligatoire à leur endroit du code, allant même, pour certains d'entre eux à tout le moins, jusqu'à penser que le respect de celui-ci devrait être considéré comme intangible, et ce, même si son application méconnait l'esprit du projet. Ensuite, on est également frappé par le mode de résolution de ce qui s'apparente à un litige, lequel est finalement passé par un vote démocratique des participants.

29Du reste, d'aucuns sont en passe de franchir une étape supplémentaire consistant à se servir de la technologie de la blockchain afin de créer une juridiction virtuelle pour tous les litiges nés des actifs incorporels fondés sur cette même technologie, comme les crypto-monnaies, les smart contracts, les decentralized organizations, etc[15]. Il existe plusieurs projets en cours à cet égard.

30Ainsi, pour présenter l'un d'entre eux, le réseau Aragon entend créer une forme de juridiction numérique fonctionnant sur la blockchain Ethereum[16]. Une requête peut y être déposée contre un paiement en crypto-monnaies, dont la somme sera restituée si la demande est jugée fondée. Corrélativement, les utilisateurs du réseau qui souhaitent être désignés pour juger de l'affaire doivent également procéder à un tel dépôt. Ce sont cinq juges qui sont choisis au hasard parmi les candidats et qui constituent alors une forme de juridiction de première instance appelée la Decentralized Court du réseau Aragon. Ils doivent se prononcer en application d'arguments nécessairement fondés sur les règles du réseau. La décision est adoptée à la majorité, étant précisé que le juge qui appartient à celle-ci est appelé à être récompensé financièrement, tandis que celui qui est resté minoritaire perd son dépôt.

31La décision peut ensuite faire l'objet d'une forme d'appel devant la Prediction Market Court, à laquelle cette fois-ci tous les juges du réseau participent, le processus de décision étant identique à celui qui prévaut en première instance. Enfin, en dernier ressort, il est possible de saisir la Supreme Court du réseau, laquelle est composée de neuf juges considérés comme les plus compétents. Si cette Cour confirme le jugement, les juges du tour précédent seront récompensés financièrement. En revanche, si elle l'infirme, ces mêmes juges seront pénalisés de la même manière.

32Un autre exemple de juridiction virtuelle est le protocole d'adjudication Kleros, fonctionnant également à partir de la blockchain Ethereum. Son fonctionnement est assez proche de celui du réseau Aragon, à la différence toutefois qu'il entend réduire la part de subjectivité humaine dans la décision appelée à être prononcée par, là encore, des juges ou jurés choisis au hasard au sein des acteurs du réseau, et ce, à la faveur d'un algorithme reposant sur la théorie des jeux [17]. En effet, après avoir évalué les preuves et arguments, les jurés votent en faveur de l'une des options de résultat proposées par le système. La décision est celle qui a emporté la majorité des votes. Un mécanisme d'appel existe également et en cas de réforme de la décision antérieure, les jurés ayant voté en faveur de celle-ci verront leur rémunération redistribuée proportionnellement entre les autres jurés.

33L'objectif évident - et du reste exprimé ouvertement par leurs promoteurs - de ces juridictions virtuelles est de permettre à la blockchain de fonctionner en dehors du périmètre d'intervention des tribunaux étatiques. Il en résulte que l'existence de ces mécanismes directement intégrés à la blockchain pourrait donner à penser que le recours aux règles de conflit de juridictions, et plus particulièrement de compétence internationale directe, serait inutile.

34On peut toutefois douter de cette inutilité, et ce, de deux points de vue. Le premier d'entre eux est celui des utilisateurs de la blockchain eux-mêmes, tandis que le second est celui des États.

35Tout d'abord, du point de vue des utilisateurs, il est fort possible que certains aspects des relations interindividuelles ne puissent être intégralement réglés par le code, et que les contestations éventuelles ne puissent être tranchées par le seul fonctionnement interne de la blockchain.

36Ensuite, du point de vue des États, l'application des mécanismes de droit international privé à la blockchain a également une fonction de politique juridique. On entend ici que ces mécanismes peuvent avoir pour fonction d'éviter le développement d'un monde numérique indépendant des ordres juridiques étatiques. Ce qui est en jeu ici, c'est finalement d'éviter que se développe une forme d'ordre juridique numérique indépendant et autonome des États.

37Du point de vue du droit pénal ou du droit fiscal, il y a bien longtemps que cette volonté d'indépendance du monde numérique est contrariée, et même remise en cause par les États souverains [18]. L'utilisation de la blockchain à des fins de blanchiment de fonds ou de fraude fiscale est, par exemple, scrutée de près par les administrations étatiques. Il est vrai que le droit international privé n'est pas concerné par ce type de législations nationales ; il n'a trait qu'à des relations juridiques de droit privé.

38Or, sur ce dernier terrain, on pourrait considérer que les intérêts étatiques sont de moindre importance qu'en matière pénale ou fiscale. En conséquence, le champ d'intervention du droit international privé pourrait ne pas intégrer les différentes applications de la blockchain. Ceci aurait pour conséquence de laisser ces applications être exclusivement régulées par le code, y compris le règlement de contestations éventuelles.

39Une telle conséquence ne paraît toutefois pas admissible, sauf à retenir une vision entièrement libertarienne du monde numérique dont les lois et les tribunaux étatiques seraient totalement exclus [19]. Pour s'en convaincre, il suffit de relever que les applications de la blockchain sont susceptibles de générer des questions non seulement de droit des contrats ou de responsabilité contractuelle, mais aussi de régulation financière, de protection des consommateurs ou des données personnelles, par exemple. Or, dans tous ces domaines, les lois nationales véhiculent un certain nombre de valeurs, lesquelles ne peuvent être rendues inapplicables au motif que la blockchain constituerait un système indépendant des droits étatiques.

40Il en résulte qu'un lien doit être tissé entre les droits nationaux et les tribunaux étatiques, d'une part, et la blockchain, d'autre part. Ce lien, c'est précisément les mécanismes de droit international privé qui sont susceptibles de le créer, et ce, en identifiant un ou plusieurs droits nationaux applicables, de même que les juridictions étatiques compétentes en cas de litige [20].

41Que le langage de programmation crée du droit ou n'en crée pas - que le « Code » soit « Law » ou ne le soit pas - n'est finalement pas la question fondamentale. Ce qui l'est en revanche, c'est la nécessité d'éviter que les ordres juridiques étatiques perdent ici pied et que les intérêts que véhiculent leurs droits et leurs tribunaux se trouvent être méconnus par les technologies issues de la blockchain[21]. Le droit international privé a donc ici une pleine, et centrale, utilité [22] ; il est en mesure de préserver en la matière certains intérêts véhiculés par les droits nationaux [23].

42Pour autant, que les mécanismes du droit international privé s'avèrent en la matière indéniablement utiles n'implique pas nécessairement qu'ils soient également adaptés à cet univers particulier qu'est celui de la blockchain.

B - L'adaptabilité des techniques de droit international privé en matière de blockchain

43Les mécanismes de droit international privé, particulièrement en matière de conflit de lois, ne sont pas nécessairement adaptés aux différentes applications de la blockchain. Il s'agit ici d'un objet d'une nature éminemment particulière, et très différent des types de situations ou de relations sociales pour lesquelles les mécanismes de droit international privé ont été originellement conçus.

44Pour illustrer ce propos, il est possible de relever que la commission européenne avait constitué un groupe de travail sur « Conflict of laws regarding securities and claims ». Or, en matière de transactions financières, la technologie blockchain est assurément une piste possible pour l'avenir. Toutefois, face à la difficulté de faire coexister celle-ci avec la science du conflit de lois, une partie du groupe de travail a préféré laisser de côté cette question [24]. Celle-ci a manifestement été jugée trop complexe, de sorte qu'elle nécessiterait une réflexion complémentaire et approfondie [25].

45Si cette difficulté de transposer les techniques du conflit de lois à la blockchain a été identifiée, c'est parce qu'il existe en réalité deux caractéristiques propres à cette technologie qui la rendent assez rétive à ces mêmes techniques. La première d'entre elles est tirée du constat que la blockchain est entièrement immatérielle ; elle est dépourvue d'existence physique, de sorte que son rattachement à un territoire national donné est rendu éminemment complexe [26]. Par ailleurs, la blockchain est également décentralisée, c'est-à-dire qu'elle ne peut être incarnée par une entité ou une autorité en particulier localisée - là encore - sur le territoire d'un État.

46Ces deux caractéristiques - immatérialité et décentralisation - sont susceptibles de s'ériger en obstacles à la détermination de la loi applicable aux différentes applications de la blockchain. La raison en est que les règles relatives aux conflits de lois s'attachent à rattacher une situation juridique - un contrat, un délit, une filiation, etc. - présentant des éléments d'internationalité à un système juridique national en particulier. Or, à cette fin, le droit international privé retient, et ce, depuis au moins l'école statutiste [27], des liens de rattachement territoriaux ou personnels : le lieu du délit ou du dommage, le lieu d'exécution du contrat, la situation de l'immeuble, la nationalité, le domicile ou la résidence habituelle d'une personne, d'un contractant, de la mère, de son enfant, etc.

47Il est toutefois vrai qu'à partir de la fin du XIXe siècle puis surtout au XXe siècle, ces modèles ont dû être adaptés à l'apparition de nouveaux biens, lesquels présentaient - déjà - la particularité d'être immatériels. Afin de déterminer la loi susceptible de leur être appliquée, il a fallu à l'évidence substituer à ces rattachements purement territoriaux ou personnels, des rattachements plus fictionnels, comme le lieu de la première diffusion de l'œuvre ou celui de l'enregistrement du brevet. Ils sont au moins en partie fictionnels en ce qu'ils ne désignent pas nécessairement la loi de l'État le plus proche de l'œuvre exploitée ou de l'invention brevetable [28].

48Mais il n'en reste pas moins que, dans ce domaine de la propriété intellectuelle, ces critères de rattachement ont été retenus afin de révéler un lien avec le territoire d'un État en particulier et, par voie de conséquence, la loi de celui-ci. Ce mode d'identification du droit applicable n'est toutefois pas nécessairement adapté à la blockchain.

49En un sens les applications de la blockchain sont encore plus rétives à la mécanique classique de résolution du conflit de lois que ne l'est la propriété intellectuelle. La raison en est qu'il n'existe pas, en la matière, de premier lieu de diffusion ou de lieu d'enregistrement. En d'autres termes, de tels liens avec le territoire d'un État, aussi ténus puissent-ils être, n'existent même pas en matière de blockchain. Du fait de son immatérialité à laquelle s'ajoute sa décentralisation, la recherche d'un droit national applicable paraît donc vouée à l'échec.

50Une conclusion similaire s'évince d'une analyse des règles de conflit de lois applicables dans un autre pan du monde immatériel que constituent les titres financiers. Notamment, l'approche du lieu de l'intermédiaire pertinent (PRIMA) que retient en particulier la Convention de La Haye du 5 juillet 2006 sur la loi applicable à certains droits sur des titres détenus auprès d'un intermédiaire [29] pour identifier la loi applicable, et que l'on retrouve en substance dans certains textes européens [30], est dépourvue de pertinence en matière de blockchain [31]. La raison en est que ce type d'intermédiation n'existe plus en matière de blockchain, et c'est même ce qui en fait l'un des intérêts majeurs. En la matière, les transactions ne sont pas enregistrées sur un compte. Il n'existe ici ni intermédiaires, ni fournisseurs de compte. Le concept de « maintien des titres intermédiés » comme défini dans la Convention de la Haye est donc inadapté en matière de blockchain, car ces liens territoriaux, là encore, n'existent tout simplement pas [32].

51Il est vrai qu'afin de circonscrire un lien territorial, un auteur s'est attaché à la coexistence pour chaque blockchain d'une clef publique et d'une clef privée [33]. Cette dernière clef est détenue par chaque utilisateur et lui est propre ; autrement dit, elle n'est pas - contrairement à la clef publique - partagée avec les autres utilisateurs. Plus encore, cette clef privée peut être considérée comme se trouvant physiquement localisée auprès de celui-ci. Comme l'indique l'auteur, « the possession of the private key is a physical, palpable, material element : this private key is stored in a computer, on a USB medium, in a wallet or elsewhere, but it is “somewhere” » [34]. Celui-ci envisage, sans pour autant se prononcer de manière définitive sur cette possibilité, de retenir la localisation de la clef privée comme critère de rattachement à un État, et donc d'identification de la loi applicable en matière, en particulier, de détention de titres financiers fondés sur la technologie de la blockchain.

52Cette référence à la clef privée est assurément un lien territorial possible entre les différents usagers de la blockchain, d'une part, et un État, et donc éventuellement la loi de celui-ci, d'autre part. Finalement, ce critère est susceptible de rattacher la blockchain à l'utilisateur lui-même, puisqu'il est celui qui détient la clef privée, ou plutôt sa clef privée. Cette toute dernière observation conduit immédiatement à formuler une objection importante s'agissant de la clef privée comme critère de rattachement de la blockchain à une loi nationale. En effet, cette solution revient à soumettre chaque application de cette technologie à autant de lois nationales qu'elle a d'utilisateurs, et donc de clefs privées, situés dans des États différents.

53On comprend que ce recours à la clef privée reviendrait à éclater la régulation juridique de la blockchain entre une multitude de lois nationales. En outre, cette solution est en parfaite contradiction avec le principe de sécurité juridique, car la loi étatique - ou plutôt les lois étatiques - applicable ne peut être identifiée par avance [35]. Plus encore, l'anonymat fréquent [36], pour ne pas dire systématique en tout cas dans les blockchain publiques, des utilisateurs de cette technologie rend la mise en œuvre du critère de la clef privée très aléatoire, voire impossible.

54Outre cette proposition doctrinale, on constate qu'au moins un État dans le monde s'est essayé à adopter une règle de conflit de lois spécifique aux applications de la blockchain. Il s'agit de la Principauté de Monaco dont le Conseil national a adopté le 21 décembre 2017 une proposition de loi relative à la blockchain[37]. L'article 5 de ce texte prévoit en effet que « le droit monégasque est applicable aux blockchains (chaînes de blocs), aux smart contracts (contrats intelligents), aux entreprises processus algorithmiques et aux monnaies cryptographiques qui produisent des effets sur le territoire de la Principauté de Monaco » [38]. Cette règle de conflit de lois assurément de facture unilatérale tâche ensuite de définir plus avant le facteur de rattachement retenu dans les termes suivants : « L'effet est réputé se produire sur le territoire de la Principauté de Monaco dès lors qu'un de ses faits constitutifs ou une de ses conséquences a eu lieu sur ce territoire » [39].

55À la lecture de cette dernière disposition, on constate que ce critère de l'effet sur le territoire monégasque n'apparaît pas être très pertinent. En effet, et a priori au moins, les « faits constitutifs » présidant à la constitution d'une application particulière de la blockchain ne sont pas localisés sur un territoire donné puisqu'ils sont tout entier immergés dans le monde numérique. À cet égard, le seul lien pourrait finalement être que l'un des promoteurs ou fondateurs d'une application en particulier réside sur le territoire de la Principauté, ou qu'il s'agisse d'une société qui y est enregistrée. Quant aux « conséquences », on imagine qu'il pourrait s'agir d'utilisateurs d'une crypto-monnaie ou de smart contracts[40], voire d'investisseurs participant à une Initial Coin Offerings (ICO) [41], également résidents ou enregistrés à Monaco.

56Alors même que le critère de l'effet a un sens afin d'identifier la loi applicable en matière de pratiques antitrusts par exemple, en ce qu'il repose sur l'existence d'un marché affecté [42], son application dans le domaine de la blockchain paraît bien plus aléatoire. Sauf à finalement s'en remettre à un classique critère du domicile ou du siège social, on ne voit pas ce que l'effet en la matière pourrait en pratique recouvrir d'autre.

57Plus généralement, on peut d'ailleurs se demander s'il y a véritablement un sens à rechercher la loi applicable à la blockchain en général ou même à une blockchain en particulier [43]. En effet, si l'on examine l'ensemble des règles de conflit de lois existant dans les systèmes de droit international privé nationaux ou régionaux, et en premier lieu celui de l'Union européenne, on constate qu'elles partagent sans exception une donnée commune. Elles reposent nécessairement sur un concept juridique, c'est-à-dire une notion à laquelle est associé dans les droits nationaux un régime juridique. Plus précisément même, il s'agit généralement d'un concept qui fait, en règle générale, l'objet d'une réglementation dans les droits nationaux.

58C'est finalement l'ancien principe axiomatique de la communauté de droit identifié par Savigny lui-même comme étant au fondement de la règle de conflit de lois qui est ici à l'œuvre [44]. À titre d'exemple, la règle de conflit identifiant la loi applicable aux conditions de fond du mariage repose sur le postulat selon lequel dans les droits nationaux impliqués par un mariage présentant des éléments d'extranéité, il existe des régimes applicables aux mariages entre lesquels il faut choisir. Un constat exactement identique peut être opéré pour toutes les règles de conflit de lois. Qu'elles visent à identifier la loi applicable à la filiation, au contrat ou à une société par exemple, le constat est le même : elles reposent toutes sur le postulat qu'il existe dans les droits nationaux en présence un ensemble de règles substantielles applicables à cette institution en particulier.

59C'est d'ailleurs la mise à mal de ce postulat qui rend particulièrement complexe l'identification de la loi applicable à une notion très spécifique à un droit national en particulier. Ainsi si la détermination de loi applicable à des institutions comme le trust[45], le majorat [46] voire, avant que celui-ci ne se développe en droit comparé, le partenariat enregistré [47], s'avère difficile à l'aune du système traditionnel de conflit de lois, c'est parce qu'elles ne font pas l'objet, au sens savignien, d'une communauté de droit.

60Or, s'agissant de la blockchain, ce constat est en quelque sorte plus exacerbé encore. Cette technologie ne fait pas l'objet d'une réglementation dans les droits nationaux. On constate bien, ci et là, des réglementations nationales relatives à certaines applications particulières de la blockchain, comme la possibilité en droit japonais de payer en crypto-monnaies [48] ou celle d'émettre et de céder des minibons en droit français [49], mais aucun régime juridique d'ordre général de la blockchain n'existe dans les droits nationaux [50].

61Il est vrai qu'à cet égard, le droit monégasque semble au moins de prime abord faire figure d'exception. La proposition de loi adoptée par le Conseil national le 21 décembre 2017 déjà évoquée [51] se présente comme proposant un régime d'ensemble applicable aux principales applications connues à ce jour de la blockchain. Mais, en réalité, même si le texte contient un certain nombre de définitions, à savoir de la blockchain elle-même [52], mais aussi des monnaies cryptographiques [53] et des smart contracts[54], il n'entend pas réellement réglementer ces activités. L'idée sous-jacente est plutôt d'attirer les opérateurs du secteur sur le territoire de la Principauté, le texte les assurant à cet effet qu'ils y bénéficieront d'une « absence de contraintes d'ordre réglementaire » [55].

62Même cet exemple particulier, et très circonscrit, démontre que finalement les droits nationaux ne posent généralement pas de régime juridique applicable à la blockchain en général. Or, l'absence de celui-ci rend en réalité sans objet l'identification d'une règle de conflit de lois applicable à la blockchain en général. C'est donc que le débat de droit international privé doit en réalité se déplacer vers les applications particulières de cette technologie.

II - La confrontation du droit international privé aux applications particulières de la blockchain

63La technologie de la blockchain est à l'évidence appelée à connaître dans l'avenir des développements nouveaux, et sans doute même non-envisagés à ce jour. On se contentera donc dans le cadre de la présente étude de s'attacher à certaines applications particulières et référencées de la blockchain[56] afin de les confronter aux méthodes du droit international privé et, plus particulièrement, du conflit de lois. Il s'agit des crypto-monnaies (A), des « contrats intelligents » ou smart contracts (B), des Initial Coin Offerings (ICO) (C) et des organisations autonomes décentralisées ou decentralized autonomous organizations (DAO) (D).

A - La loi applicable aux crypto-monnaies

64Il est bien connu que le bitcoin constitue la première application de la blockchain. Depuis son lancement à la fin de l'année 2008 [57] - la première transaction a été réalisée en janvier 2009 -, bien d'autres crypto-monnaies ont vu le jour, mais il n'en demeure pas moins qu'il reste, sans doute du fait de son antériorité, encore aujourd'hui la plus utilisée [58]. Quoi qu'il en soit, le bitcoin comme tous ses congénères permet d'opérer un paiement [59] sans avoir recours à une devise étatique ou multiétatique - à l'instar de l'euro. Plus encore, cette opération de paiement n'est en aucun cas enfermée dans des frontières nationales ; elle est dans bien des cas, si ce n'est dans la majorité des hypothèses, de nature internationale.

65Or c'est en cela que l'usage des crypto-monnaies est susceptible de susciter des questions d'identification de la loi applicable [60]. Plus exactement, c'est certainement la question de l'utilisation de ce type d'instrument comme mode de paiement à l'aune de la loi applicable à ce même paiement qui est susceptible de se poser [61]. Pour reprendre une terminologie classique du droit privé, il s'agit ici de se demander si une crypto-monnaie peut être utilisée comme une « monnaie de paiement » [62]. En d'autres termes, on s'interroge sur la possibilité pour un débiteur de régler sa dette en procédant à un paiement en bitcoins ou autres. La réponse à cette question doit être recherchée dans les règles nationales appelées à gouverner le paiement dont il s'agit.

66On sait en effet que la plupart des droits nationaux n'assimilent pas les crypto-monnaies à des monnaies pures et simples. Il en résulte que lorsqu'ils encadrent et autorisent un paiement, c'est en assimilant nécessairement celui-ci à un transfert de devises [63]. Ainsi, en droit français notamment, l'article L. 111-1 du code monétaire et financier prévoit que « la monnaie de la France est l'euro ». Quant à l'article 1343-3 du code civil, il dispose que « le paiement, en France, d'une obligation de somme d'argent s'effectue en euros ».

67Certes, le second alinéa de cette dernière disposition réserve des exceptions à ce principe du paiement en euros, en particulier lorsqu'il s'agit d'une « opération à caractère international » [64]. Mais ces exceptions ne sont en tout état de cause pas applicables aux crypto-monnaies puisqu'elles ne permettent en réalité que de fonder un paiement dans une « autre monnaie », c'est-à-dire une devise étrangère [65]. Ce type de règle vise au maintien de la souveraineté monétaire des États. En imposant l'obligation de régler les dettes dans une monnaie étatique, des droits nationaux comme ici le droit français entendent perpétuer la maîtrise et l'emprise des États sur la monnaie [66]. D'ailleurs, tant la Banque de France que la Banque centrale européenne refusent de qualifier de monnaie les crypto-actifs comme le bitcoin [67].

68Il en résulte que si le droit français est applicable à une opération de paiement, celui-ci ne devrait pas pouvoir être réalisé en crypto-monnaies par le solvens. Plus concrètement, ceci a pour conséquence qu'un créancier pourrait refuser un paiement en bitcoins alors qu'il ne pourrait pas décliner un paiement en euros [68]. Cette dernière conclusion est toutefois sujette à deux facteurs de relativité.

69Le premier d'entre eux est relatif à l'identification, au sens de l'article 1343-3 du code civil, du droit français comme loi applicable à une opération de paiement donnée dont le solvens souhaiterait qu'elle s'opère en crypto-monnaies. En effet, le critère de la localisation sur le territoire français du lieu du paiement pourrait être de mise en œuvre complexe s'agissant d'un versement de crypto-monnaies. À l'évidence, nous ne sommes pas ici en présence d'une remise matérielle de monnaie fiduciaire, laquelle se réalise nécessairement en un lieu donné. Plus encore, ce n'est pas non plus équivalent à un paiement en monnaie électronique, lequel s'opère par un virement à destination d'un compte bancaire situé dans un établissement de crédit localisé sur le territoire d'un État donné.

70Le paiement en crypto-monnaie se déroule partout et nulle part [69] ; identifier son lieu de réalisation sur un territoire donné, notamment en France au sens de l'article 1343-3 du code civil, paraît être pour le moins délicat. Une solution à cet égard pourrait être de rechercher la loi applicable à l'obligation dont le solvens entend opérer le paiement de cette manière particulière [70]. Aux termes de ladite loi, le paiement sera nécessairement portable au domicile du débiteur ou quérable à celui du créancier, ce qui devrait permettre de déterminer le lieu où le paiement doit s'opérer, et donc la loi qui pourrait lui être applicable. Il s'agira ensuite de vérifier si celle-ci autorise le paiement en crypto-monnaies ou non.

71Par ailleurs, il existe un second facteur de relativité à la possibilité pour un accipiens de refuser un paiement en crypto-monnaies lorsque la loi applicable à l'opération exige par principe le versement d'une monnaie étatique. L'hypothèse qui a été envisagée jusqu'ici est en réalité celle d'un paiement en bitcoins ou autres unilatéralement décidé par le débiteur pour honorer sa créance. Or, dans la majorité des hypothèses, ceci ne résulte pas d'une décision unilatérale du débiteur, mais d'un commun accord entre celui-ci et le créancier. Plus exactement, le débiteur a accepté par avance ou concomitamment à l'opération elle-même ce mode particulier de paiement.

72D'ailleurs, dans un arrêt rendu par la Cour de Justice de l'Union européenne le 22 octobre 2015 dans une affaire Skatteverket c/ David Hedqvist, la Cour a expressément retenu que « la devise virtuelle « bitcoin » (est) un moyen de paiement contractuel » [71]. Elle relève également « qu'il est constant que la devise virtuelle « bitcoin » n'a pas d'autres finalités que celle de moyen de paiement et qu'elle est acceptée à cet effet par certains opérateurs » [72].

73Il faut donc en conclure qu'au moins à l'aune du droit de l'Union européenne, et donc du droit des États qui la composent, le paiement en bitcoins, voire dans une autre crypto-monnaie même si cela ne résulte pas expressément de l'arrêt de la Cour de justice, est possible dès lors qu'il a été contractuellement convenu. Il en résulte que si le lieu du paiement est localisé sur le territoire français, le droit français tel que désigné comme applicable à la faveur de l'article 1343-3 du code civil ne devrait pas pouvoir exclure un paiement en crypto-monnaies conventionnellement prévu entre deux parties.

B - La loi applicable aux smart contracts

74Certaines chaînes de blocs permettent de donner naissance à ce qu'il est convenu d'appeler des contrats intelligents (smart contracts). On observera à titre liminaire que si la terminologie de contrat (contract) a été retenue par les créateurs des plateformes proposant ce type d'applications particulières de la technologie blockchain, cela ne signifie pas pour autant, et ipso facto, qu'il s'agisse bien là d'authentiques contrats au sens juridique du terme [73].

75Le smart contract met en réalité plutôt en place une automatisation de l'exécution d'un protocole préalablement prévu, et codé [74]. Par exemple, il peut prévoir et mettre automatiquement en œuvre un paiement dès lors qu'un événement particulier se réalise. Ainsi illustre-t-on parfois ceci par le paiement entre les mains du loueur d'une location de voiture qui serait déclenché par l'ouverture dudit véhicule. C'est une illustration, mais il existe un nombre presque infini de configurations possibles aux termes desquelles un smart contract pourrait être prévu. Le point commun à chacune d'entre elles, c'est que le protocole s'exécute automatiquement, sans intervention humaine [75], et ce, selon un processus de « if/then » (« si/alors ») [76]. Autrement dit, si un événement survient [77], la conséquence prévue, et préalablement codée, se produit de manière automatique [78].

76Sur le terrain de l'analyse juridique, il est toutefois évident que si le smart contract ne peut en soi être considéré comme un contrat, il nécessite néanmoins à un moment ou à un autre un accord de volontés de ceux entre lesquels il est mis en place. Il y a donc nécessairement, et a minima, un arrière-fond contractuel à tout smart contract, puisque son principe même a été accepté.

77Plus encore, ce contrat dont le smart contract permet finalement l'exécution automatique de certaines ou de l'ensemble des obligations qu'il fait naître ne paraît pas pouvoir exister juridiquement dans le vide, c'est-à-dire indépendamment de tout système juridique qui serait susceptible tant d'en encadrer le régime que d'en fonder la juridicité dans son principe. Il est vrai que le smart contract associé au précepte selon lequel « Code is Law » [79] a pu faire naître l'illusion d'un contrat qui serait parfaitement autonome, dans le sens où la blockchain sur laquelle il est fondé serait susceptible de générer tout à la fois les règles le gouvernant et un mécanisme automatique d'exécution de ses obligations contractuelles. Toutefois, cette vision très dogmatique de liens contractuels parfaitement indépendants des droits nationaux, si elle renouvelle et reformule sous un jour nouveau l'antienne du contrat sans loi [80], doit être définitivement abandonnée. Il existe en effet au moins deux ensembles de règles d'origine nationale dont on ne saurait concevoir qu'elles puissent ne pas être mises en œuvre en présence d'un smart contract.

78Tout d'abord, il s'agit des règles que l'on pourrait qualifier de péri-contractuelles, en ce sens qu'elles gravitent autour du contrat, mais sans en fonder le régime. Tel est le cas notamment du droit de la concurrence, d'une partie du droit de la consommation ou encore du droit de la régulation financière ou bancaire, voire assurantielle. Il paraît inconcevable que les intérêts étatiques générés par ces règles puissent être mis de côté au seul motif qu'un lien contractuel est né sur la blockchain, et non en dehors de celle-ci.

79Ainsi, si un contrat, fût-il conclu par l'intermédiaire d'une blockchain, l'a été par un consommateur résident sur le territoire de l'Union européenne, les règles protectrices du droit de la consommation doivent impérativement continuer à s'appliquer [81]. De même, un smart contrat qui porterait atteinte à la concurrence sur le marché français ou européen ne doit pas pouvoir échapper au droit de la concurrence national ou européen.

80Ensuite, et au-delà des règles péri-contractuelles, c'est même le droit des contrats - ou à tout le moins un droit des contrats - qui doit continuer à s'appliquer. Comme pour le précédent ensemble de règles, une première raison est certainement ici qu'au moins certaines de ces règles contractuelles sont susceptibles de véhiculer des intérêts étatiques ou plus généralement collectifs dont la blockchain ne devrait pas permettre de se départir, comme en matière de contrariété à l'ordre public contractuel par exemple [82].

81Mais il y a plus. La raison en est que l'automaticité du smart contract concerne avant tout, et en réalité même exclusivement, son exécution, et le cas échéant les sanctions inhérentes à celle-ci. Plus encore, c'est même plus vraisemblablement des obligations de paiement qui peuvent avant tout être mises en œuvre par le truchement de smart contracts. S'agissant de la conclusion, en revanche, on ne peut envisager qu'elle s'opère automatiquement ; ce serait d'ailleurs contraire à la liberté contractuelle [83]. Par ailleurs, ce n'est pas parce que l'on est en matière de smart contracts que cette même conclusion, ne fût-elle pas automatique, n'a pas pu être viciée [84].

82Il en résulte que les smart contracts, tout contracts qu'ils soient, n'en sont pas pour autant des contrats au sens juridique du terme. Ces protocoles automatisés ne recouvrent pas tout le champ contractuel, ce qui nécessairement implique qu'ils soient complétés par les règles d'un système juridique [85].

83Pour s'en convaincre définitivement, il est possible de se fonder sur le détournement intervenu en juillet 2016 déjà mentionné à propos de « The DAO » [86], et aux termes duquel l'utilisateur d'une chaîne a identifié une faille au sein de celle-ci, ce qui lui a permis de détourner des fonds. On relèvera qu'il n'a pas hacké le système - ce qui au reste à ce jour ne s'est jamais produit s'agissant d'une blockchain - ; il a simplement identifié et exploité une lacune dans le code. Or, à considérer le système comme autorégulé, sur le principe que « Code is law », on devrait certainement en déduire que cet utilisateur n'a pas commis un manquement ; il s'en est tenu au code. En revanche, du point de vue du droit, il est probable qu'il a enfreint certaines obligations, celles qui imposent une exécution contractuelle de bonne foi par exemple.

84Bref, on voit ici que même s'agissant de l'exécution d'un smart contract, l'identification d'une loi applicable est indispensable [87]. La question qui se pose alors est celle de savoir comme identifier cette loi applicable ?

85À la vérité, il ne semble pas que, contrairement à ce que l'on pourrait penser en toute première analyse, les difficultés soient réellement insurmontables pour procéder à cette identification, à tout le moins dans toutes les hypothèses puisqu'il importe d'en identifier deux possibles.

86Aux termes de la première d'entre elles, le smart contract est intégré dans un contrat au sens classique du terme. Autrement dit, il constitue une modalité contractuellement prévue d'exécution de certaines obligations d'un contrat conclu entre deux parties connues et identifiées. On conçoit qu'un contrat de vente internationale conclu de manière traditionnelle par un vendeur et un acquéreur puisse ainsi prévoir un paiement automatisé par le truchement d'un smart contract, dès lors que la marchandise a été dédouanée par exemple. Cette forme de contrat a pu être qualifiée d'hybride en ce sens qu'elle associe une forme contractuelle classique à un smart contract[88], et il est vraisemblable qu'elle constituera à l'avenir une part prépondérante des hypothèses de mises en œuvre de la blockchain en la matière.

87Quoiqu'il en soit, dans le cas de ces contrats hybrides, le recours aux règles classiques de droit international privé pour identifier la loi applicable ne paraît pas faire de réelles difficultés [89]. Il s'agit alors d'un contrat au sens parfaitement classique du terme dont on recherchera la loi applicable selon des modalités tout aussi classiques. Le droit applicable sera celui qu'auront choisi les parties dans leur instrumentum ; à défaut, ce sont les règles de conflit applicables en l'absence de choix qui le détermineront.

88Une illustration un peu particulière de ces contrats hybrides peut être tirée de l'évolution récente du droit français en matière de blockchain. L'ordonnance du 8 décembre 2017 a en effet admis la possibilité d'avoir recours à un dispositif d'enregistrement électronique partagé (DEEP), c'est-à-dire à un outil fondé sur cette technologie, en matière de titres financiers [90], et plus précisément aux fins d'émission et de conservation des opérations relatifs à des actions, obligations, titres de créances négociables ou parts ou actions d'OPC. La disposition figure désormais à l'article L. 211-3 du code monétaire et financier.

89L'ambition de ce dispositif récent n'est pas de créer des titres financiers évoluant entièrement au sein d'une blockchain. [91]. Il s'agit plus modestement de s'assurer qu'un titre puisse être cédé sans pouvoir être dupliqué, et ce, sans la présence d'un tiers de confiance « chargé de tenir un registre dans lequel chaque crédit s'accompagne d'un débit corrélatif » [92]. Or, bien qu'il s'agisse de contrats de nature assez particulière, il n'en reste pas moins que cette disposition en matière de titres financiers permet de prendre conscience que des rapports juridiques peuvent avoir une nature hybride, n'impliquant une blockchain que sous certains aspects particuliers, ici la conversation des titres.

90Sur le terrain du droit applicable, cette coexistence d'un rapport juridique classique et d'une utilisation particulière de la blockchain facilite en réalité grandement l'analyse. C'est la loi applicable à ce rapport juridique d'origine, indépendamment de son incidence sur la blockchain, qui doit être recherchée. Finalement, dans cette configuration, la présence d'un smart contract ou plus généralement d'un recours à la technologie blockchain au sein de l'ensemble contractuel n'a aucune incidence sur la recherche de la loi applicable, laquelle s'opère selon les règles de conflit de lois traditionnelles.

91La seule question qui, finalement, est susceptible de se poser est celle de déterminer si la loi ainsi désignée comme applicable autorise une exécution automatisée d'obligations telle que mise en œuvre par le smart contract[93]. D'ailleurs, à cet égard, l'article L. 211-3 du code monétaire et financier précité prévoit que ce sont les titres financiers, « émis en territoire français et soumis à la législation française », qui peuvent être inscrits « dans un dispositif d'enregistrement électronique partagé » [94].

92Cela étant, au côté de ces contrats hybrides, une seconde configuration est également possible, à savoir celle où l'ensemble de l'opération contractuelle est rapporté à l'utilisation d'un smart contract. En d'autres termes, le lien contractuel se déduit de la décision prise par deux parties d'avoir recours à un smart contract entre elles pour une opération donnée, par exemple un paiement. Dans ce cas, la très grande difficulté à laquelle on est confronté pour identifier le droit applicable à ce lien contractuel est l'anonymat des parties [95]. Celui-ci paraît en pratique très difficile, voire impossible à lever, à tout le moins dans les blockchains publiques [96].

93Or l'anonymat prive en réalité de tout intérêt la recherche de la loi applicable [97]. En effet, pour qu'une telle recherche puisse être mise en œuvre, encore faut-il qu'un lien puisse être tissé entre un smart contract en particulier et un système national de conflit de lois. Le plus évident quant à ce type de lien serait l'introduction d'un contentieux par l'une des deux parties à l'encontre de son cocontractant. Toutefois, l'anonymat rend très improbable l'introduction d'une telle instance, car même si le demandeur acceptait de dévoiler son identité, les chances que le défendeur y consente également sont très réduites. Il préférera sans doute préserver son anonymat et s'éviter, ce faisant, une action en justice.

94Ceci explique qu'à tout le moins pour les blockchains publiques, aux fins d'identification du droit applicable, la solution parfois avancée [98] d'insérer une clause de choix de loi dans les conditions générales acceptées par chaque utilisateur ne paraît pas être une solution très efficace en réalité. Certes, celui-ci sera déterminé mais sans que cela n'emporte aucune conséquence en pratique puisqu'en raison de l'anonymat des parties, le droit ainsi choisi ne pourra pas être concrètement mis en œuvre.

95L'anonymat est ici la clef permettant de faire régir un smart contract autonome, c'est-à-dire pris comme ne constituant pas une simple modalité d'exécution d'un ensemble contractuel plus vaste, par un droit national en particulier. S'il ne peut être levé, la recherche du droit applicable s'avère en réalité privée de tout intérêt. Il faut admettre alors qu'un tel smart contract se verra en réalité relever du seul code, les intérêts des droits nationaux étatiques dussent-ils en souffrir.

96En revanche, si l'anonymat peut être levé, soit qu'il s'agisse d'une blockchain privée qui l'autorise, soit même qu'il s'agisse d'une blockchain publique ayant intégré dans son code cette possibilité sous certaines conditions, alors la recherche du droit applicable au smart contract reprend tout son sens. Le choix de loi tel que prévu par des conditions générales permettrait d'y procéder de manière très simple. À défaut de choix, la loi de la résidence du débiteur de la prestation caractéristique telle que préconisée par l'article 4 du Règlement Rome 1 [99] sera également de mise en œuvre aisée, puisque - précisément - l'anonymat des parties aura été levé.

97On constate donc que ce n'est finalement pas du côté du droit international privé que se rencontrent les principales difficultés pour identifier le droit applicable aux smart contracts. Ses méthodes de conflit de lois permettent sans nécessité d'adaptation d'identifier un droit applicable. C'est en réalité du côté des smart contracts eux-mêmes qu'une telle adaptation est nécessaire ; c'est exclusivement en permettant une levée de l'anonymat de leurs utilisateurs qu'ils pourront bénéficier d'un régime juridique de droit national.

C - La loi applicable aux ICO

98Les termes d'Initial Coin Offering (ICO) ont été forgés à partir de ceux d'Initial Public Offering (IPO). Il s'agit d'un mécanisme de levée de fonds, aux termes duquel un porteur de projet sollicite du public un apport en crypto-monnaies. En contrepartie de cet apport, l'investisseur se verra remettre des jetons (tokens) [100] lui conférant un droit ou un avantage, comme celui de voter sur un projet, de se voir gratifier d'une partie des bénéfices que ledit projet serait conduit à dégager, d'utiliser une technologie, etc.

99Comme tout investissement, ces ICO exposent ceux qui y participent à des risques financiers. Ce n'est pas nécessairement une difficulté en soi, et d'aucuns pourront y voir une simple manifestation de l'implacable loi du marché. Ce serait toutefois négliger ici certains ensembles de règles existant dans de nombreux pays dans le monde et en particulier en Amérique du Nord et en Europe, lesquelles visent à protéger l'investisseur financier en tant que tel et plus encore lorsqu'il n'est pas un professionnel.

100De telles règles prises en matière de protection des investisseurs financiers présentent une réelle légitimité à s'appliquer aux opérations financières que sont les ICO. On pense par exemple ici aux informations qui devraient être transmises aux potentiels investisseurs afin que ceux-ci puissent être éclairés quant aux conséquences éventuelles de leur investissement. Il existe en droit des États-Unis ou de l'Union européenne notamment des règles de ce type, lesquelles ne semblent pas a priori exclure de leur champ d'application les ICO [101].

101D'ailleurs, certaines autorités nationales de régulation des marchés financiers n'ont pas hésité à étendre leur champ de compétence, et par voie de conséquence le droit financier qu'elles appliquent, à des opérations de ICO. C'est ainsi que la Securities and Exchange Commission (SEC) des États-Unis a indiqué en 2017 que l'ICO offert par l'organisation virtuelle « The DAO » [102] relevait de sa compétence [103]. Il en résulte qu'en droit de ce pays, les ICO relèvent du régime des offres au public de titres financiers et en particulier du formalisme assez lourd que celui impose avec notamment l'élaboration d'un prospectus.

102Il est vrai que tous les États du monde n'ont pas adopté une position aussi radicale [104]. Ainsi, la Suisse a préféré s'en tenir à un guide de bonnes pratiques qui détermine, en fonction de la nature des tokens proposés, le régime applicable à l'émission [105]. Quant au droit français, il a prévu à la faveur de la loi PACTE une procédure ad hoc de contrôle de ces émissions par l'AMF, qui n'est d'ailleurs qu'optionnelle [106]. En droit britannique, au contraire, la position de la Financial Conduct Authority (FCA) est plus mesurée ; l'application du droit de cet État à une ICO n'est pas tranchée [107].

103S'agissant de l'application des droits nationaux en matière de régulation financière ou d'appel public à l'épargne, il existe finalement plusieurs questions. La première d'entre elles est de déterminer si ces droits entendent étendre leurs législations en la matière aux ICO. Ce point qui a trait au champ d'application ratione materiae des droits nationaux n'est pas toujours tranché et, d'une manière générale, il n'est pas du tout évident qu'un token puisse bénéficier de la qualification requise - celle d'instrument financier par exemple pour le droit français ou européen - et s'en trouver relever de la législation applicable en matière d'appel public à l'épargne [108]. La seconde question est subséquente de la précédente et tient plus du conflit de lois : il s'agit de déterminer les opérations de ICO en particulier auxquelles ces droits s'appliquent lorsque ceux-ci entendent bien, sur le plan substantiel, les régir.

104Sur ce dernier point, il n'y a pas grand risque à affirmer que ces lois nationales doivent trouver à s'appliquer lorsqu'un ICO en particulier est susceptible de solliciter des investisseurs localement. D'ailleurs, c'est proposer ce type d'investissement à des US investors sans respecter les règles américaines qui peut constituer, selon la SEC, une violation du droit de la régulation financière des États-Unis [109].

105Les ICO étant susceptibles de s'adresser à des investisseurs localisés partout dans le monde, on perçoit alors les difficultés auxquelles leurs promoteurs pourraient être confrontés ; il leur appartiendrait de mettre en place un formalisme en accord avec a minima les lois nationales des principales grandes places financières, ce qui est de nature à alourdir considérablement leurs opérations d'ICO. Une solution plus praticable pourrait être de limiter l'accès à une ICO en particulier à une liste d'investisseurs potentiels installés dans des pays prédéterminés. Le code pourrait avoir tenu compte des législations pertinentes de ces États et s'y conformer lors de la naissance de l'opération d'investissement avec un investisseur en particulier.

106D'un point de vue strictement financier, une telle solution limite le nombre possible d'investisseurs. Elle nécessite en outre que les investisseurs participant à l'opération acceptent de lever leur anonymat afin que leur lieu de résidence ou leur nationalité puisse être vérifié. Dès lors que ces obstacles ne sont pas considérés comme suffisamment dirimants, une telle solution paraît tout à fait praticable. D'ailleurs, elle fut retenue lors d'une ICO émise par DFINITY, une organisation suisse. Celle-ci a en effet mis en place un processus de vérification de l'identité de ses investisseurs potentiels et elle a également expressément exclu de l'ICO les nationaux et résidents aux États-Unis [110].

107Une seconde solution, peut-être moins satisfaisante mais plus simple, reviendrait à placer l'ICO sous l'égide d'un droit national en particulier. Par un protocole spécifique, l'investisseur potentiel se verrait, avant d'investir, proposer d'accepter que son régime de protection soit celui de cet État en particulier. À l'évidence, la solution est loin d'être parfaite car elle fait finalement intervenir une forme de professio juris en matière de régulation financière où elle n'est pas commune.

108Surtout, une telle solution est sujette à un aléa important. On ne peut en effet exclure que l'autorité de régulation financière d'un État sur le territoire duquel des investisseurs ont participé à une ICO expressément soumise à une loi étrangère estime que ses propres règles n'ont pas été respectées. Autrement dit, il est possible qu'elle estime que la soumission expresse d'une ICO à une loi étrangère, quand bien même ceci eut été accepté par les investisseurs participants à l'opération, n'est pas de nature à exclure l'application de sa propre loi.

109La détermination des règles nationales susceptibles d'encadrer une ICO n'est donc pas sans solution. Elle implique simplement une démarche anticipatrice de la part de ses initiateurs, afin que le ou les lois applicables puissent être identifiées préalablement au lancement de l'appel de fonds.

D - La loi applicable aux decentralized autonomous organizations (DAO)

110À l'origine des organisations décentralisées créées en application de la technologie de la blockchain, il en est une en particulier qui a fait beaucoup parler d'elle et appelée Decentralized Autonomous Organization (« The DAO ») déjà évoquée [111]. Lancée en 2015, elle fut la première organisation de ce type, mais sur son modèle a ensuite été repris et développé [112].

111Pour l'essentiel, « The DAO » était une forme de fonds d'investissement fonctionnant à partir d'une blockchain à l'origine d'une crypto-monnaie distincte du bitcoin, l'Ethereum. Il s'agissait pour ses fondateurs de proposer à de potentiels investisseurs des prises de participation dans cette crypto-monnaie dans le DAO, ces fonds devant ensuite être réinvestis dans des projets sélectionnés sur le fondement de votes de ses membres, et à terme générer des bénéfices. Autrement dit, « The DAO » était appelé à fonctionner exactement comme un fonds d'investissement en capital - « venture capital firm » pour reprendre l'expression anglaise consacrée - mais sans aucune structure juridique de support. L'inviolabilité attachée à la blockchain était finalement censée palier l'inexistence d'une authentique - et juridique - forme sociétale.

112On peut d'ailleurs affirmer que le modèle a, au moins dans un premier temps, parfaitement tenu ses promesses, puisque plus de 10.000 personnes dans le monde ont, anonymement, pris le parti d'investir dans le DAO, et ce, pour un montant s'étant élevé à 168 millions de dollars [113]. La suite fut toutefois moins réjouissante, puisqu'en raison d'une lacune lors de son codage, « The DAO » et ceux qui y participaient ont été victimes d'un détournement de fonds [114].

113Mais il n'en reste pas moins que ce projet a donné naissance à une forme possible de structure d'investissement reposant entièrement sur la blockchain. En un sens, de nom propre - « The DAO » -, l'acronyme DAO est devenu le nom commun d'un mode particulier d'organisation institutionnelle reposant sur une blockchain. Celui-ci est complètement décentralisé, en ce sens qu'il n'est pas doté d'un dirigeant, ni d'un conseil d'administration et qu'il ne nécessite pas la convocation d'assemblées générales des actionnaires. On observera qu'il est également dépourvu d'employés.

114Un DAO fonctionne finalement par lui-même, c'est-à-dire directement à l'initiative et selon les choix opérés par ceux qui ont décidé d'y investir des fonds. Les décisions d'investissement sont généralement adoptées par un vote majoritaire et au prorata du montant investi, mais, cela étant, des modalités différentes sont également tout à fait envisageables. Tout dépend de ce qui a été spécifié dans le code à l'origine du DAO. Dans tous les cas, les décisions d'investir sont adoptées en application de ce même code et mises en œuvre, sans intervention extérieure, à la faveur de la blockchain.

115D'un point de vue juridique, cette forme nouvelle de structure sociétale est évidemment vertigineuse. De prime abord, elle paraît pouvoir se départir des droits nationaux et prétend fonctionner sans l'appui de ceux-ci. Pourtant, on est frappé d'une similitude existant entre un DAO et certaines formes sociétales de droit étatique. D'ailleurs, à cet égard, une intéressante étude doctrinale a proposé d'assimiler les organisations décentralisées à des partnerships de droit américain [115]. Autrement dit, il s'agirait de considérer que cette modalité numérique d'organisation est en réalité assimilable à cette forme de société, non dotée du reste de la personnalité morale, que connaît le droit des États-Unis [116].

116Mais il y a tout de même une difficulté dans cette proposition qui est de considérer que, par principe, c'est le droit de ce pays qui est applicable aux DAO. En d'autres termes, il manque assurément dans un tel raisonnement une dimension de droit international privé, et plus particulièrement de conflit de lois. On ne peut partir du principe que le droit applicable aux DAO est nécessairement celui d'un État en particulier, fût-il aussi important que les États-Unis, d'autant que les investisseurs y participant sont susceptibles de provenir du monde entier et non uniquement d'Amérique du Nord.

117Cela étant, on comprend que cette dimension de conflit de lois n'ait pas été soulevée, car en réalité, elle suscite une question qui est insoluble. En effet, on ne peut identifier la loi applicable aux DAO parce que les règles de conflit que nous connaissons en matière de sociétés commerciales sont ici parfaitement impuissantes à identifier la loi applicable à ce type de structure [117]. En effet, que l'on retienne le critère du siège statutaire, celui du siège réel ou encore celui de l'incorporation, aucun d'entre eux n'est adapté aux DAO, et ce, pour la simple raison que ces organisations n'ont ni statuts enregistrés dans un État, ni centres de décision localisés quelque part dans le monde, et encore moins une incorporation qui y aurait été organisée.

118Dès lors, pour un DAO qui n'existerait que dans le monde numérique, c'est-à-dire qui ne serait pas doublé par une société physiquement enregistrée [118], l'identification d'une loi qui lui serait applicable est tout simplement impossible.

119Il en résulte, toutefois et corrélativement, que les DAO ne peuvent bénéficier des protections qu'offrent en matière de droit des sociétés les systèmes juridiques nationaux. Ils ne sont notamment pas dotés de la personnalité morale et, plus généralement, les participants à un DAO ne sont en conséquence bénéficiaires d'aucune protection juridique particulière, à la différence des actionnaires d'une société par exemple.

120Cela étant, il n'est pas du tout certain que ceci constitue une réelle difficulté, puisque les investisseurs dans un DAO ont délibérément choisi d'opter pour cette forme d'organisation plutôt que de placer leurs liquidités dans une société commerciale classique et juridiquement constituée. Ils ne peuvent en conséquence s'attendre à bénéficier de la protection qu'offre le droit des sociétés.

121Finalement, les questions de conflits de lois liées à la constitution d'un DAO sont susceptibles de se poser soit au moment de la proposition d'investissement, mais on en revient alors à la problématique des ICO déjà étudiée [119], soit dans l'hypothèse où un dommage est né d'une opération d'investissement conduite par la structure. Dans ce dernier cas, la loi applicable devrait assurément être celle du lieu du dommage, c'est-à-dire nécessairement ici celle de l'État où se situe la victime. L'immatérialité de la blockchain exclut que l'on puisse en retenir une autre.

122Cette loi du pays où se situe la victime ne devrait pas être difficile à identifier puisque, par hypothèse, celle-ci dévoilera son identité afin de demander réparation en justice de son préjudice. En revanche, la question de l'anonymat des défendeurs pourrait à terme être un frein considérable au déploiement de son action. En effet, un DAO étant par définition rattaché à aucune loi, il n'est pas doté de la personnalité morale. Il en résulte que ce sont les investisseurs qui se trouvent, collectivement ou éventuellement uniquement certains d'entre eux, devoir être considérés comme responsables du dommage. Or, si le DAO concerné fonctionne sur la base d'un anonymat de ses participants [120], l'action en responsabilité de la victime, sa loi applicable fût-elle finalement très facilement identifiable, pourrait s'en trouver privée de tout intérêt.

123Comme en matière de smart contracts[121], l'anonymat que peut procurer certaines applications de la blockchain est donc de nature à compromettre la recherche de liens entre celles-ci et les systèmes juridiques étatiques.

124En revanche, et en exceptant ce dernier constat, on constate que finalement, en matière de DAO comme pour les autres applications possibles de cette technologie, la recherche de la loi applicable ne s'avère finalement pas être une entreprise insurmontable. Contrairement à ce que l'on pourrait penser en toute première analyse, les mécanismes traditionnels de désignation du droit applicable peuvent être d'une certaine utilité pour tisser l'indispensable lien devant exister entre la blockchain et les droits nationaux des États.

Notes

  • [1]
    Sur le particularisme de Bartin, v. réc. : B. Ancel, Eléments d'histoire du droit international privé, Éd. Panthéon-Assas, 2017, p. 496-497.
  • [2]
    D. Legeais, Blockchain, Jurisl. Comm., Fasc. 534 (2017), spéc. n° 1.
  • [3]
    R. Baron, Aspects techniques de la blockchain, in Blockchain et droit, F. Marmoz (dir.), Dalloz, 2018, p. 7-18.
  • [4]
    M. Mekki, Les mystères de la blockchain, D. 2017. 2160.
  • [5]
    L'expression est attribuée à Lawrence Lessig : Code and other laws of cyberspace, Basic Books, 1999 ; Code is Law. On liberty in cyberspace, Harvard Magazine, janv. 2000, disp. à : https://www.harvardmagazine.com/2000/01/code-is-law-html (dernier accès : 8 juin 2020). V. égal. : P. De Filippi et A. Wright, Blockchain and the Law - The Rule of Code, Harvard University Press, 2018 ; S. De Charentenay, Blockchain et droit : Code is deeply Law, Gaz. Pal. 14 nov. 2017, p. 15.
  • [6]
    « L'utilisation de la blockchain s'inscrit dans le cadre plus général de l'utilisation d'Internet. En tant qu'outil à vocation ubiquitaire et universelle, Internet est non seulement dématérialisé, mais également intrinsèquement transnational. Son utilisation s'inscrit par définition dans une dimension sans frontière. Il en va de même de la blockchain » : F. Guillaume, Blockchain : le pont du droit international privé entre l'espace numérique et l'espace physique, in Conflict of Laws in the Maze of Digital Platforms / Le droit international privé dans le labyrinthe des plateformes digitales, Actes de la 30e journée de droit international privé du 28 juin 2018 à Lausanne, I. Pretelli (dir.), Publications de l'Institut Suisse de droit comparé, Schulthess Éditions Romandes, Genève/Zurich, 2018, p. 164-188, spéc. p. 174.
  • [7]
    F. Guillaume, eod. loc.
  • [8]
    « Il y a donc dans chaque transaction effectuée sur la blockchain un potentiel conflit entre les lois de différents États. Autrement dit, chaque transaction soulève la question de l'ordre juridique compétent pour lui attribuer une portée juridique » : F. Guillaume, art. préc., p. 175.
  • [9]
    Cette identification est susceptible d'être gouvernée par différents principes directeurs, dont le principal d'entre eux est, en l'état du droit international privé contemporain, le principe de proximité admirablement identifié par Paul Lagarde dans son très fameux cours à l'Académie de droit international de La Haye : P. Lagarde, Le principe de proximité dans le droit international privé contemporain. Cours général de droit international privé, RCADI, 1986-I, vol. 196.
  • [10]
    Plus globalement, s'agissant de l'effet disruptif de la blockchain en général tant sur la pratique du droit que sur la manière de le penser, on lira avec le plus grand intérêt la contribution suivante : M. Fenwick, W.A. Kaal et E.P.M. Vermeulen, Legal education in the blockchain revolution, 2017 Vand. J. Ent. & Tech. L. 20, p. 351.
  • [11]
    Sur cette autorégulation de la blockchain, v. not. : N. Devillier, Jouer dans le « bac à sable » réglementaire pour réguler l'innovation disruptive : le cas de la technologie de la chaîne de blocs, RTD com. 2017. 1037.
  • [12]
    Infra, n° 83.
  • [13]
    S. Falkon, The Story of the DAO. Its History and Consequences, disp. à : /https://medium.com/swlh/the-story-of-the-dao-its-history-and-consequences-71e6a8a551ee/ (dernier accès : 3 avr. 2020).
  • [14]
    S. Falkon, art. préc.
  • [15]
    Pour un plaidoyer en faveur du développement de ce type de juridiction virtuelle : W. A. Kaal et C. Calcaterra, Crypto Transaction Dispute Resolution, The Business Lawyer, 2017, p. 109-152. Le recours à la blockchain en matière de résolution des litiges pourrait permettre une exécution automatique des décisions : J.-B. Racine, La résolution amiable des différends en ligne ou la figure de l'algorithme médiateur, D. 2018. 1700.
  • [16]
    Aragon Network Jurisdiction Part 1 : Decentralized Court, Aragon Network, 18 juill. 2017, disp. à : https://blog.aragon.org/aragon-network-jurisdiction-part-1-decentralized-court-c8ab2a675e82/ (dernier accès : 3 avr. 2020).
  • [17]
    C. Lesaege et F. Ast, Kleros Short Paper v1.0.6, nov. 2018, disp. à : /https://kleros.io/assets/whitepaper.pdf/ (dernier accès : 3 avr. 2020).
  • [18]
    M. Quéméner, La cybercriminalité financière : un enjeu majeur. Analyse du phénomène, RLDI, 2020, n° 167, p. 44-47.
  • [19]
    La parenté entre la blockchain et l'idéologie libertarienne est fréquemment relevée. Ainsi, sur la filiation intellectuelle existant entre cette toute première application de la blockchain qu'a incarné le bitcoin et les travaux de F. von Hayek (1899-1992) sur la dénationalisation de la monnaie, v. not. : N. Barbaroux, Un exemple de blockchain à la frontière du droit et de l'économie : Bitcoin, in Blockchain et droit, op. cit., p. 19-32, spéc. p. 20.
  • [20]
    Comme l'a parfaitement indiqué F. Jault-Seseke, « qui dit règles propres à la blockchain ne dit pas nécessairement effacement de l'État », mais « corrélativement, il est nécessaire de mettre en œuvre les raisonnements du droit international privé pour déterminer l'ordre juridique compétent » : La blockchain au prisme du droit international privé, quelques remarques, Dalloz IP/IT 2018. 544.
  • [21]
    S'il existe une certaine unanimité quant à la nécessité de réguler la blockchain ou à tout le moins ses applications, une proposition stimulante a pu être formulée à l'endroit des gouvernants pour que cette technologie soit également utilisée par les États à des fins de régulation. Autrement dit, la blockchain serait ici un outil de régulation étatique, et certaines illustrations existent du reste d'ores et déjà au moins à titre expérimental : P.-J. Benghozi, Blockchain : objet à réguler ou outil pour réguler ?, JCP E 2017. 1470.
  • [22]
    « Le conflit de lois paraît ainsi inéluctable » a-t-on pu écrire : F. Jault-Seseke, art. préc.
  • [23]
    L'alternative pourrait être une régulation internationale de la blockchain mais qui pour le moment en tout cas n'existe pas : É. Treppoz, Quelle régulation internationale pour la blockchain ? Code is law v. Law will become Code, in La blockchain : big bang de la relation contractuelle, Dalloz, coll. Thèmes et commentaires, 2019, p. 55 ; Y. Moreau et C. Dornbierer, Enjeux de la technologie blockchain, D. 2016. 1856. V. toutefois la demande adressée le 30 mai 2018 à la CNUDCI par la République tchèque relative aux smart contracts et à l'intelligence artificielle : http://www.uncitral.org/pdf/english/commissionsessions/51st-session/CN.9-960_CZ_proposal.pdf (dernier accès : 16 juin 2020).
  • [24]
    Meeting of the Expert Group on conflict of laws on securities and claims, Brussels, 15-16 May 2017, p. 2 : « Some experts stressed that blockchain raises a lot of legal problems which the expert group might not have the time to analyse as well as technological problems (time which is needed to validate a transaction, high energy consumption, hardware problems due to huge amount of data being transferred) which might lead to moving beyond DLT soon (e.g. to distributed consensus technology) », disp. à : https://ec.europa.eu/transparency/regexpert/index.cfm ?do=groupDetail.groupDetailDoc&id=33452&n°=2/ (dernier accès : 17 juin 2020).
  • [25]
    La réflexion a d'ailleurs été ultérieurement conduite dans un autre cénacle : Distributed Ledger Technology and Governing Law : Issues of Legal Uncertainty, Financial Markets Law Committee, March 2018.
  • [26]
    En ce sens : F. Guillaume, art. préc., p. 176 ; B. Graham-Siegenthaler et A. Furrer, The Position of Blockchain Technology and Bitcoin in Swiss Law, Jusletter, 8 mai 2017, spéc. p. 9.
  • [27]
    B. Ancel, op. cit., p. 21 s.
  • [28]
    Un auteur fait ce même constat : F. Jault-Seseke, art. préc.
  • [29]
    Convention du 5 juillet 2006 sur la loi applicable à certains droits sur des titres détenus auprès d'un intermédiaire, entrée en vigueur le 1er avril 2017 pour trois États : la Suisse, Maurice, et les États-Unis d'Amérique.
  • [30]
    V. : art. 9, al. 2, de la Dir. 98/26/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 1998 concernant le caractère définitif du règlement dans les systèmes de paiement et de règlement des opérations sur titres (Settlement Finality Directive) ; art. 9, al. 1er, de la Dir. 2002/47/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juin 2002 concernant les contrats de garantie financière (Financial Collateral Directive) ; art. 10, al. 1er, de la Dir. 2001/24/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 avril 2001 concernant l'assainissement et la liquidation des établissements de crédit (Winding-up Directive).
  • [31]
    F. Maclean, Governing The Blockchain : How to determine Applicable Law, (2017) 6 JIBFL 359, spéc. p. 361.
  • [32]
    En ce sens : Distributed Ledger Technology and Governing Law : Issues of Legal Uncertainty, préc., n° 4.6 ; Impacts of distributed Ledgers and blockchain technology on market activities, Paris Europlace - Fintech Working Groupe Report, avr. 2018, spéc. p. 54.
  • [33]
    H. de Vauplane, Blockchain and Conflict of Laws, RTDF 2017. 50-52.
  • [34]
    Ibid., p. 50.
  • [35]
    F. Guillaume, art. préc., p. 180.
  • [36]
    Supra, n° 7.
  • [37]
    Proposition de loi n° 237 relative à la blockchain, disp. à : http://www.conseil-national.mc/ wp-content/uploads/2019/08/Proposition-de-loi-49.pdf (dernier accès : 16 juin 2020). Ce projet de loi a été transformé en une proposition de loi n° 995 relative à la technologie blockchain déposée le 12 juin 2019 et actuellement en cours d'examen, disp. à : http://www.conseil-national.mc/ wp-content/uploads/2019/09/Projet-de-loi-36.pdf (dernier accès : 16 juin 2020).
  • [38]
    Ibid. On observera que cette règle de conflit gouverne aussi la compétence internationale des juridictions monégasques en la matière puisque la même proposition de loi prévoit également la disposition suivante : « Les juridictions de la Principauté de Monaco sont compétentes pour tout fait ou tout acte juridique relevant du droit monégasque » (ibid., art. 5, al. 2).
  • [39]
    Ibid.
  • [40]
    Infra, n° 74.
  • [41]
    Infra, n° 98.
  • [42]
    M. Audit, S. Bollée et P. Callé, Droit du commerce international et des investissements étrangers, LGDJ, Précis Domat, 3e éd., 2019, spéc. n° 332 et 333.
  • [43]
    Pour une solution lexforiste, v. F. Guillaume, art. préc., p. 180 : « Dans la mesure où les transactions effectuées sur la blockchain sont partout et nulle part dans le monde réel, leur localisation géographique n'a en réalité aucune importance. Il nous paraît plus approprié d'adopter des règles de conflit de lois indépendantes de tout critère de localisation. La seule règle subsidiaire envisageable, en l'absence d'une élection de droit valable, est par conséquent l'application du droit du for (la “lex fori”) ».
  • [44]
    B. Ancel, op. cit., p. 478 et p. 480.
  • [45]
    V. par ex. : J.-D. Bredin, L'évolution du trust dans la jurisprudence française, TCFDIP, 1973-1975, p. 137-160.
  • [46]
    Pour une illustration : TGI Seine, 12 janv. 1966, Stroganoff-Scherbatoff, Rev. crit. DIP 1967. 120.
  • [47]
    V. par ex. : J. d'Oliveira et H. Ulrich Le partenariat enregistré et le droit international privé, TCFDIP, 2000-2002, p. 81-111.
  • [48]
    Amendment to the Payment Services Act of Japan, Law Act N°. 59 of 2009, April 1st, 2017. V. ég. aux États-Unis le Uniform Regulation of Virtual-Currency Business Act (VCBA) rendu public le 9 octobre 2017 par la Uniform Law Commission et que certains États fédérés sont en passe de transposer dans leurs législations, comme la Californie : https://www.uniformlaws.org/committees/community-home ?communitykey=e104aaa8-c10f-45a7-a34a-0423c2106778&tab=groupdetails/ (dernier accès : 17 juin 2020).
  • [49]
    C. mon. fin., art. L. 223-12, tel qu'issu de l'Ord. n° 2016-520 du 28 avr. 2016 ; JO, 29 avr. 2016 ; Bull. Joly Bourse, juill. 2016, n° 114, p. 310, note E. Rogey. L'article L. 211-3 du C. mon. fin. permet également l'inscription et la conservation de titres financiers, « émis en territoire français et soumis à la législation française », dans un « dispositif d'enregistrement électronique partagé », c'est-à-dire une blockchain. Sur cette question, v. not. : S. Schiller, Représentation et transmission des titres financiers par une blockchain, JCP 2018. 65.
  • [50]
    Ainsi lorsque l'on s'interroge sur la nécessité de réguler la blockchain, c'est en réalité en termes sectoriels que les propositions sont énoncées : G. Canivet, Blockchain et régulation, JCP E 2017. 1469. Pour des exemples de législations sectorielles en matière de blockchain édictées par différents états fédérés américains (Arizona, Delaware, Illinois, Nevada) : C. R. Young, A Lawyer's Divorce : Will Decentralized Ledgers and Smart Contracts Succeed In Cutting Out the Middleman ?, 96 WASH. U. L. REV. 649 (2018), spéc. p. 667-672.
  • [51]
    Supra, note 37.
  • [52]
    Ibid., art. 1 : « Les blockchains (chaînes de blocs) sont des dispositifs d'enregistrement numériques partagés et cryptés reposant sur le consensus et permettant l'authentification et certification de transactions dans des conditions de sécurité ».
  • [53]
    Ibid., art. 4 : « Une monnaie cryptographique est une unité de valeur électronique utilisable sur une blockchain (chaîne de blocs), fondée sur les principes de la cryptographie, que l'on peut émettre soi-même ou échanger et qui permet de régler des transactions ».
  • [54]
    Ibid., art. 2 : « Les smart contracts (contrats intelligents) sont des algorithmes disposant de la capacité à s'auto-exécuter de façon autonome pour déplacer de la valeur ou des informations à travers les blockchains (chaînes de blocs). Ils constituent des actes juridiques et produisent des effets de droit. Ils obéissent, en tant que de raison, pour leur validité et leurs effets, aux règles qui gouvernent les contrats ».
  • [55]
    Ibid., art. 7, al. 2.
  • [56]
    Pour une présentation plus large des applications possibles de la blockchain, v. par ex. : C. Bondard, G. Chenu, S. Dufournaud, F. Guiader et H. de Vauplane, Blockchain. Quelques utilisations actuelles de cet outil en droit des affaires. Monnaies virtuelles, transmission des instruments, de paiement, outils de financement, smart contracts, etc., JCP E 2017. 1471.
  • [57]
    S. Nakamoto, Bitcoin : A Peer-to-Peer Électronic Cash System, disp. à : https://bitcoin.org/bitcoin.pdf (dernier accès : 17 juin 2020).
  • [58]
    On a ainsi pu estimer qu'il existe près de 1 600 crypto-monnaies dans le monde et qu'à lui seul, le bitcoin représente 0,2 % du volume des transactions au sein de la zone euro : J.-P. Landau, A. Genais, Les crypto-monnaies, Rapport au Ministre de l'Économie et des Finances, 4 juill. 2018, p. 1. Pour la présentation d'autres crypto-monnaies : D. Legeais, L'apport de la Blockchain au droit bancaire, RDBF 2017 (n° 1), chron. 5, spéc. nos 17-21 ; H. de Vauplane, Les défis juridiques du Libra et plus généralement des cryptomonnaies, RDBF 2020 (n° 1), chron. 2 ; A. d'Ornano, Sur le projet Libra, Rev. crit. DIP 2020. 179-184.
  • [59]
    Pour une description de son fonctionnement, v. par ex. : S. Mignot, Le bitcoin : nature et fonctionnement, Banque et Dr. 2015, p. 10 ; G. Granval, Les usages de la blockchain bitcoin appliqués au paiement, Banque et stratégie, sept. 2016, p. 31.
  • [60]
    Sur les très nombreuses questions juridiques susceptibles d'être posées par le bitcoin, v. not. : Dossier « Bitcoins », Banque et Dr. 1-2/2015, n° 159.
  • [61]
    La question de la loi applicable à la titularité et à la substance de droits, notamment celui de propriété, sur ce type de crypto-actifs est également susceptible de se poser.
  • [62]
    Sur le bitcoin comme monnaie de compte : M. Audit, La blockchain et les crypto-monnaies, in La Blockchain saisie par le droit, M. Behar-Touchais (dir.), vol. 1, IRJS Ed., 2019, p. 53-61, spéc. p. 55-57.
  • [63]
    Les législations étatiques sont en effet susceptibles d'évoluer sur ce terrain. Un exemple topique à cet égard est certainement le droit japonais qui, depuis le 1er avril 2017, autorise les paiements en bitcoins : Amendment to the Payment Services Act of Japan, Law Act N°. 59 of 2009, préc.
  • [64]
    L'article 1343-3, al. 2, C. civ. est ainsi rédigé : « Toutefois, le paiement peut avoir lieu en une autre monnaie si l'obligation ainsi libellée procède d'une opération à caractère international ou d'un jugement étranger. Les parties peuvent convenir que le paiement aura lieu en devise s'il intervient entre professionnels, lorsque l'usage d'une monnaie étrangère est communément admis pour l'opération concernée ». V. ég. l'art. R. 642-3 C. pén., lequel sanctionne le refus d'accepter comme moyen de paiement les billets et les pièces libellés en euros.
  • [65]
    La même conclusion peut être tirée de cette autre exception à l'article 1343-3 du code civil que constitue l'article L. 112-5-1 du code monétaire et financier ainsi libellé : « Par dérogation au premier alinéa de l'article 1343-3 du code civil, le paiement peut avoir lieu en une autre monnaie si l'obligation ainsi libellée procède d'un instrument financier à terme ou d'une opération de change au comptant ».
  • [66]
    En 2017, la Chine a frappé d'illégalité les transactions en crypto-monnaies. V. à ce sujet : R. Xie, Why China had to “Ban” Cryptocurrency but the U.S. did not : A Comparative Analysis of Regulations on Crypto-Markets Between the U.S. and China, 18 Wash. U. Global Stud. L. Rev. 457 (2019), spéc. p. 475-477.
  • [67]
    Pour la Banque de France, « au plan juridique, les crypto-actifs ne sont pas reconnus comme monnaie ayant cours légal, ni comme moyen de paiement » : Focus, n° 16, 5 mars 2018, p. 2. Quant à la Banque centrale européenne (BCE), elle considère également que les « monnaies virtuelles » ne sont pas des monnaies au sens légal : European Central Bank, Virtual currency schemes - a further analysis, February 2015, p. 24. Sur la nécessité d'adapter le droit monétaire aux crypto-monnaies : C. Kleiner, Aspects juridiques internationaux. Réflexion renouvelée en raison des « cryptomonnaies, RDBF 2019 (n° 4), n° 34.
  • [68]
    Comme l'a indiqué un auteur, « le caractère juridiquement libératoire de la monnaie telle que reconnu par le droit d'un État [est] un fondement plus pertinent pour distinguer les monnaies de banques centrales des cryptomonnaies » : H. de Vauplane, Blockchain, cryptomonnaies, finance et droit : état des lieux, RLDA n° 140, 1er sept. 2018.
  • [69]
    En ce sens, A. d'Ornano, art. préc., p. 183 : « La technologie blockchain ne permet pas de localiser le lieu d'exécution de l'obligation de payer ».
  • [70]
    V. A. d'Ornano sur le paiement en Libra qui s'exprime dans les termes suivants (eod. loc.) : « Les lois applicable à la libra et à l'obligation de payer sont-elles sans relation ? Envisagé comme l'exécution d'une obligation, le paiement est soumis à la loi de cette dernière ».
  • [71]
    CJUE, 22 oct. 2015, aff. C-264/14, Skatteverket c/ David Hedqvist, pt 43 ; Journal de droit européen, 2018, n° 254, p. 393, obs. P. Honoré et Y. Chevalier ; Rev. contr., 2017/1, p. 54, note J. Huet ; RTD com. 2016. 830, note D. Legeais ; Int. Leg. Materials, 2016, n° 55-4, p. 720, note R. Wolf ; RTDF, 2016/3, p. 105, obs. P.-E. Partsch, et T. Evans ; RISF 2016. 2016/1, p. 170, obs. R. Vabres. V. ég. : G. Bourdeaux, Opérations de change et nature juridique des bitcoins, JCP E 2016, n° 11, p. 35 ; P. Storrer, Le bitcoin est un (pur) moyen de paiement (contractuel), Banque et Dr. 2015, n° 164, p. 55.
  • [72]
    Ibid., n° 52.
  • [73]
    Ainsi a-t-on pu faire le constat que « ce que le monde de la blockchain appelle “contrat intelligent” n'est pas automatiquement un contrat pour le monde du droit » : E. Théocharidi, La conclusion des smart contracts : révolution ou simple adaptation, Rev. Lamy Dr. civ., n° 161, 1er juill. 2018, n° 6468. Pour d'autres auteurs, le smart contrat « n'est ni contrat ni intelligent » : M. Mekki, Les mystères de la blockchain, D. 2017. 2160 ; adde, G. Guerlin, Considérations sur les smart contracts, Dalloz IP/IT 2017. 512. À rebours de cette doctrine, on observera que l'article 2 de la proposition de loi adoptée par le Conseil national monégasque le 21 décembre 2017 déjà évoquée (Supra, note 37) assimile les smart contracts à des contrats au sens juridique du terme. Il prévoit en effet qu'ils « constituent des actes juridiques et produisent des effets de droit » et qu'ils « obéissent, en tant que de raison, pour leur validité et leurs effets, aux règles qui gouvernent les contrats ».
  • [74]
    C. Zolynski, Blockchain et smart contracts : premiers regards sur une technologie disruptive, RDBF 2017, n° 1, p. 85, spéc. n° 13-14.
  • [75]
    S. Polrot, « Smart contrat » ou le contrat auto-exécutant, Ethereum France, 20 mars 2016, disp. à : https://www.ethereum-france.com/smart-contract-ou-le-contrat-auto-executant (dernier accès : 16 juin 2020).
  • [76]
    C. Zolynski, art. préc., n° 14.
  • [77]
    On notera que la réalisation de l'événement, condition de la réalisation de la conséquence, peut nécessiter une appréciation d'un tiers extérieur appelé « oracle » : S. Polrot, art. préc.
  • [78]
    Du point de vue théorique, on peut s'interroger quant à savoir si un tel processus est compatible avec le principe d'une obligation contractuelle, dans le sens où celle-ci nécessite, classiquement en tout cas, un engagement de conformité à ses termes pris par son débiteur. Or, en matière de smart contracts, il n'y a, à proprement parler, rien de tel puisque l'exécution est automatisée. Pour un débat sur ce point à l'aune du droit de common law des contrats mais parfaitement transposable au droit civil, v. : K. Werbach et N. Cornell, Contracts ex machina, 67 Duke Law Jour. 313 (2017), spéc. p. 127-128.
  • [79]
    Supra, n° 9.
  • [80]
    Pour les premiers débats sur la question : L. Peyrefitte, Le problème du contrat sans loi, D. 1965. Chron. 113-120 ; P. Level, Le contrat dit sans loi, TCFDIP, 1964-1966, p. 209-231 : P. Kahn, L'essor du non-droit dans les relations commerciales internationales et le contrat sans loi, in L'hypothèse du non-droit, Université de Liège, 1978, p. 231. Plus récemment : V. Heuzé, La réglementation française des contrats internationaux - Étude critique des méthodes, Joly éd., 1990, n° 199 s. ; J.-M. Jacquet, Principe d'autonomie et contrats internationaux, Economica, 1983, n° 83 s. ; W. Kassir, Étude critique du contrat sans loi - Réflexion sur le droit des relations contractuelles, th. dactyl., Université de Paris 1, 1992. Plus récemment encore : M. Audit, Les dérivés de crédit à l'ombre du contrat sans loi, TCFDIP, 2014-2016, p. 81-108 ; L. Gannagé, Le contrat sans loi devant les tribunaux étatiques. Retour sur un mal aimé, in Écrits rédigés en l'honneur de Jacques Foyer, Economica, 2008, p. 417-440. Pour mémoire, la jurisprudence française est opposée à la possibilité d'un contrat sans loi à tout le moins lorsque son contentieux ne relève pas de l'arbitrage : Civ. 21 juin 1950, Rev. crit. DIP 1950. 609, note Batiffol. Dans un arrêt récent, la Cour de cassation a encore rappelé l'impossibilité pour les parties de soumettre leurs relations contractuelles à des règles - fussent celles du droit international - autres qu'étatiques : Civ. 1re, 17 mai 2017, n° 15-28.767, D. 2018. 966, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke ; Rev. crit. DIP 2017. 431, note D. Sindres.
  • [81]
    Not. la Dir. 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 oct. 2011 relative aux droits des consommateurs, modifiant la dir. 93/13/CEE du Conseil et la dir. 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la dir. 85/577/CEE du Conseil et la dir. 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE, ainsi que le prévoit son article 3.
  • [82]
    M. Raskin, The Law and legality of Smart Contract, 1 Geo. L. Tech. Rev. 305 (2017), spéc. p. 328-329.
  • [83]
    « The initial stage of a contractual agreement is not markedly different between smart and traditional contracts. This is because before any contractware can operate, two parties must agree to some set of terms that initiates the program » : M. Raskin, art. préc., p. 322. Sur l'hypothèse toutefois que la conclusion du contrat pourrait être considérée comme intégrée à la blockchain : E. Théocharidi, art. préc.
  • [84]
    Pour un ex. : M. Raskin, art. préc., p. 324.
  • [85]
    Sur cette incomplétude du smart contract : F. Ghodoosi, Digital Solidarity : Contracting in the Age of Smart Contract, spéc. p. 29-31, disp. à : https://ssrn.com/abstract=3449674 (dernier accès : 16 juin 2020).
  • [86]
    Supra n° 26.
  • [87]
    En ce sens : M. Mekki, If Code is Law, then Code is Justice? Droits et algorithmes, Gaz. Pal. 27 juin 2017, p. 10.
  • [88]
    F. Ghodoosi, art. préc., p. 32 : « Under hybrid contracts, parties automate their obligations in whole or in part but against a backdrop of a traditional contract. In these circumstances, parties may stipulate that code embedded in smart contracts is part of their agreement ».
  • [89]
    Un rapport parlementaire semble abonder en ce sens, en relevant - au conditionnel toutefois - qu'en matière de smart contracts, « les règles de conflit des conventions bilatérales ou multilatérales de droit international privé auraient également vocation à s'appliquer » : L. de La Raudière, J.-M. Mis, Rapport d'information sur les chaînes de blocs (blockchains), 12 déc. 2018, p. 88. Pour un constat du même type mais étendu à d'autres applications de la blockchain : A. Zimmermann, Blockchain-Netzwerke und Internationales Privatrecht - oder : der Sitz dezentraler Rechtsverhältnisse, IPRax, 2018. 568.
  • [90]
    Ord. n° 2017-1674, 8 déc. 2017 ; JO, 9 déc. 2017. Le dispositif a été complété par un décr. n° 2018-1226 du 24 déc. 2018 ; JO, 26 déc. 2018.
  • [91]
    Il ne s'agit en effet « que d'assurer la représentation des instruments financiers, sans toucher directement à leur négociation ni mettre en place un système de livraison-règlement reposant sur une crypto-monnaie circulant elle aussi en blockchain » : M. Julienne, L'inscription des titres financiers en blockchain, Bull. Joly Bourse, Mars-avril 2019, n° 2, p. 58.
  • [92]
    Ibid., n° 1.
  • [93]
    On peut retenir comme exemple le droit de l'Arizona, lequel prévoit que « A contract relating to a transaction may not be denied legal effect, validity or enforceability solely because that contract contains a smart contract term » : Provision 44-7061 A, Arizona Bill HB 2417/2017, disp. à : https://legiscan.com/AZ/text/HB2417/id/1497439 (dernier accès : 16 juin 2020).
  • [94]
    À titre informatif, on observera qu'au sein de l'avant-projet de l'ordonnance du 8 décembre 2017, ce même rattachement au droit français faisait l'objet d'une authentique règle de conflit de lois unilatérale ainsi rédigée : « Les droits sur des titres financiers inscrits dans un dispositif d'enregistrement électronique partagé sont régis par la loi française lorsque le siège social de l'émetteur est situé en France ou que l'émission est régie par le droit français » (projet, art. L. 211-3-2).
  • [95]
    Supra, n° 7.
  • [96]
    Sur cette distinction : supra, n° 9.
  • [97]
    « In smart contracting, however, there is n° entry point for legal intervention. This is due to the fact that parties are anonymous, codes forming smart contracts are immutable, and n° one can issue a “fiat” to change the code and the underlying platform » : F. Ghodoosi, art. préc., p. 31. En ce sens, v. ég. : F. Guillaume, art. préc., p. 179.
  • [98]
    F. Maclean, art. préc., p. 361 ; F. Guillaume, art. préc., p. 178-179 ; Financial Markets Law Committee, Distributed Ledger Technology and Governing Law : Issues of Legal Uncertainty, préc., nos 6.5 et 6.6.
  • [99]
    Règl. (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles.
  • [100]
    Les ICOs sont d'ailleurs parfois dénommés « Initial Token Offerings » ou « Token sales ». Pour une présentation : H. de Vauplane, La levée de fonds en actifs numériques, RDBF 2019, n° 3, chron. 8.
  • [101]
    H. de Vauplane, Quelle régulation pour les offres publiques en cryptomonnaies, Rev. Banque, juill. 2017, n° 810, p. 16-17.
  • [102]
    Supra, n° 26 et n° 83.
  • [103]
    US Securities and Exchange Commision (SEC), July 25, 2017 : « Tokens offered and sold by a “virtual” organization known as “The DAO” were securities and therefore subject to the federal securities laws. The Report confirms that issuers of the distributed ledger or blockchain technology-based securities must register offers and sales of such securities unless a valid exemption applies. Those participating in unregistered offerings also may be liable for violations of the securities laws ».
  • [104]
    Pour une présentation de la position adoptée sur cette question dans 25 pays dans le monde : W.A. Kaal, Initial Coin Offerings : The Top 25 Jurisdictions and Their Comparative Regulatory Responses, CodeX Stanford Journal of Blockchain Law & Policy (2018), disp. à : https://stanford-jblp.pubpub.org/pub/ico-comparative-reg/release/2 (dernier accès : 16 juin 2020).
  • [105]
    Finma, Guide pratique pour les questions d'assujettissement concernant les initial coin offerings (ICO), 16 févr. 2018.
  • [106]
    Article 26 du Projet de loi n° 1088 relatif à la croissance et la transformation des entreprises, devenu article 85 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.
  • [107]
    FCA, September 12th, 2017, Statement « Consumer warning about the risks of Initial Coin Offerings (‘ICOs') ».
  • [108]
    Sur ce point, v. not. : A. Marechal, L'encadrement innovant des ICO et des services sur actifs numériques de la loi PACTE, Rev. jur. Sc. Po., n° 17, juin 2019, p. 85-91, spéc. p. 87.
  • [109]
    US Securities and Exchange Commision (SEC), July 25, 2017, préc.
  • [110]
    « Due to regulatory uncertainty, U.S. citizens and residents will unfortunately be barred from participating. Again - you will not be able to successfully complete the registration portion of the process as a U.S. citizen » : https://medium.com/dfinity/liftoff-the-dfinity-community-airdrop-is-here-5a11b94a2d03 (dernier accès : 16 juin 2020).
  • [111]
    Supra, n° 26.
  • [112]
    Pour d'autres exemple de DAO : A. Maudouit-Ridde, L'organisation autonome décentralisée (DAO), Bull. Joly B., mai 2018, n° 117, n° 4, p. 177.
  • [113]
    L. Leloup, Blockchain : la révolution de la confiance, Éd. Eyrolles, 2017, p. 89 ; I. Bashir, N. Prusty, Advanced Blockchain Development : Build highly secure, decentralized, applications and conduct secure transactions, Packt Publishing Ltd, 2019, p. 53.
  • [114]
    Supra, nos 26-27 et n° 83.
  • [115]
    L. Metjahic, Deconstructing the DAO : the need for recognition and the application of securities laws to decentralized organizations, Cardoz. L. Rev., 2018, vol. 39, p. 1533.
  • [116]
    Pour des analogies du même type en droit français : A. Maudouit-Ridde, art. préc.
  • [117]
    Cette possibilité a tout de même été envisagée : T. Douville, Blockchains et droit international privé : état sommaire des questions, RDIA, 2019 (n° 2), p. 384-392, spéc. p. 390.
  • [118]
    Sur le développement des sociétés-miroirs de DAO : D. Legeais, fasc. préc., n° 58.
  • [119]
    Supra, nos 98 s.
  • [120]
    Supra, n° 7.
  • [121]
    Supra, n° 93.
Français

La blockchain constitue l'un des développements technologiques majeurs de ces dix dernières années en matière de sécurisation des échanges. Ses applications sont très variées, allant des crypto-monnaies, en passant par les smart contracts ou les initial coin offerings (ICOs), jusqu'à la création de decentralized autonomous organizations (DAOs). L'ensemble de ces applications, de même que celles qui restent à venir, présente la particularité d'évoluer dans un environnement détaché de toute assise territoriale. Cette situation spécifique rend à l'évidence complexe la confrontation de la blockchain aux techniques du droit international privé. Pour autant, il n'est pas certain que l'on puisse s'en dispenser car à travers celles-ci, c'est la possibilité pour les droits étatiques d'encadrer les relations juridiques fondées sur cette technologie nouvelle qui est en jeu.

Mathias Audit
Professeur à l'École de droit de la Sorbonne (Université de Paris 1)
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 16/03/2021
https://doi.org/10.3917/rcdip.204.0669
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