CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Ministère public c/ Clyde Union, Flowserve Pompes, Renault Trucks e. a.

2[Les motifs décisoires de l’arrêt commenté ci-dessous sont publiés sur le site ]

3Du 18 juin 2015 – Tribunal de grande instance de Paris (11e ch. corr.) – Mme de Perthuis de Laillevault, prés., Huboux, v. proc. – Mmes Le Meur-Baudry, Ottaway, Scemla, MM. Alquezar, Champetier de Ribes, Deleuze, Douarre, Fayolle, Hamelle, Jakubowicz, Leblanc, Lequette, Maisonneuve, Pagès, Peltier, Tamalet, Reinhart, Wexler, av.

4(1) En faisant d’un accord transactionnel pénal (dit Non Prosecution Agreement) de droit américain une fin de non-recevoir de poursuites en France portant des mêmes faits, le tribunal correctionnel de Paris [1] donne au principe non bis in idem (ou ne bis in idem) une extension notable à son champ d’application en matière internationale, et à la nature de la décision étrangère justifiant son application. Diverses sociétés de droit américain ou ayant émis des valeurs mobilières aux États-Unis et certaines filiales, notamment françaises, ont été amenées à reverser à des officiels irakiens une parties du prix des produits vendus dans le cadre du programme « Pétrole contre Nourriture » [2] autorisant l’Irak à appliquer le produit de la vente de pétrole à l’achat de produits de première nécessité. Ces versements relevaient de la réglementation américaine relative à la corruption d’agents publics étrangers [3]. Ces entreprises ont conclu avec le ministère fédéral de la Justice des accords (dits Non Prosecution Agreements et Deferred Prosecution Agreements) écartant toute poursuite à ce titre, en contrepartie du paiement d’amendes substantielles et de la mise en place d’un programme interne de prévention. Le respect de cette obligation pouvait être apprécié sur une période de 3 ans.

5Or ces faits de corruption relevaient également de la compétence des tribunaux français et entraient dans le champ de l’article 435-3 du Code pénal. Poursuivies en France, les sociétés soulevèrent une fin de non-recevoir en invoquant non bis in idem à raison des accords conclus avec les autorités américaines. Le jugement leur donne raison.

6Le développement de ces types d’accords combinant une sanction, souvent fort sévère, et des mesures de prévention à la charge des contrevenants, et l’activisme de certaines autorités de poursuite étrangères donnent à ce jugement fortement argumenté un intérêt réel pour les personnes susceptibles de poursuites multiples et auxquelles il ouvre des perspectives de stratégie de défense. Sur un plan plus théorique, sa motivation met en lumière les difficultés suscitées par la répression dans une économie globalisée.

7Cette décision s’inscrit dans le contexte, aujourd’hui très médiatisé, de la lutte contre la corruption. La volonté déclarée (à défaut d’être avérée) de l’éradiquer a suscité la signature par de très nombreux pays d’instruments internationaux significatifs : Convention des Nations unies contre la corruption du 31 octobre 2003 [4] (la « Convention ONU ») et la Convention sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales du 17 décembre 1997 (la « Convention OCDE »).

8De fait, les pratiques de corruption ont souvent un caractère international de par leurs acteurs ou les juridictions étrangères dépositaires discrètes des versements. En l’absence d’une juridiction internationale exclusive et d’une réglementation uniforme, la localisation des éléments constitutifs de l’infraction dans divers pays multiplie donc les chefs de compétence juridictionnelle et législatives. En outre, l’effectivité de la prévention, volet essentiel de l’éradication des comportements reprochables, peut être obérée par la diversité des réglementations nationales protectrices des personnes (droit du travail, protection des données personnelles, déontologie des conseils) ou des entreprises (lois dite de blocage [5]).

9Cette internationalité met en jeu deux principes inhérents à la matière pénale, qui paraissent alors s’opposer : la compétence exclusive des tribunaux pénaux et la proportionnalité des peines. Le jugement s’efforce de les coordonner par l’application du principe non bis in idem.

10Tant l’approche adoptée (I) que les éléments déterminants retenus (II) pour l’application de ce principe paraissent éclairés par le souci d’assurer une sanction, ce dont les implications pratiques et méthodologiques permettront l’éventuelle généralisation (III).

11Par ailleurs, les juges relaxent certaines personnes physiques de poursuite pour délit de corruption. Les remarques qui suivent n’examinent pas cet aspect proprement pénal du jugement [6].

I – Sur le principe non bis in idem

12Certains éléments constitutifs (notamment des paiements) du délit de corruption d’agents publics étrangers étant localisés en France, le tribunal français était compétent en vertu de l’article 113-2 du Code pénal. L’application de non bis in idem en l’espèce invite à s’interroger sur son fondement (A) et ses implications pratiques (B).

A – À la recherche du fondement de l’application de non bis in idem

13Dès lors qu’ils sont compétents, les tribunaux français peuvent sanctionner une infraction sans considération d’une décision étrangère rendue antérieurement sur les mêmes faits [7]. Cette exclusivité de compétence, manifestation de la souveraineté de l’État, exclurait le jeu de non bis in idem en matière internationale. Les articles 113-9 du Code pénal et 692 du Code de procédure pénale [8] ne reconnaissent l’autorité de chose jugée à des décisions étrangères qu’à l’égard d’infractions entièrement commises en dehors du territoire français et ne touchant par les intérêts fondamentaux du pays. Le tribunal pouvait donc refuser d’appliquer non bis in idem en l’espèce. Il le fait pourtant.

141. La raison n’en est-elle pas un souci des conséquences de sa décision ?

15L’approche peut naturellement procéder d’un souci d’humanité et de justice [9], que formalise le principe fondamental de proportionnalité des peines, d’éviter aux personnes condamnées un cumul de peines hors de proportion avec l’infraction. Par ailleurs, l’autorité de chose jugée reconnue à une décision étrangère n’implique pas de mesure d’exécution en France et n’attente donc pas positivement à sa souveraineté.

16Mais, la démarche du tribunal ne procèderait-t-elle pas aussi d’un souci positif d’efficacité répressive ? N’aurait-il pas considéré que la sévérité des sanctions [v. infra II B (a)] et les mesures de prévention [10], imposées par les accords américains, permettaient la meilleure réalisation de l’objectif de lutte contre la corruption recherchée par la législation française ?

172. Au-delà de sa légitimité morale ou de son opportunité répressive, la démarche du tribunal est techniquement régulière.

18Le tribunal justifie sa prise en compte des accords américains par l’application de traités auxquels la France et les États-Unis sont parties et qui ont donc, de par leur nature, une autorité supérieure à la loi.

19Il juge que l’application de non bis in idem à raison des accords américains, résulterait de l’application de l’article 14-7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 (le Pacte) : « [n]ul ne peut être poursuivi ou puni en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure de chaque pays ». Pourtant ce texte n’est pas explicite quant à son champ d’application. En l’appliquant en matière internationale, le jugement en propose une interprétation.

20Sur le plan procédural, il peut le faire sans consulter préalablement le gouvernement, la chambre criminelle ayant désormais [11] adopté [12] la position des chambres civiles sur ce point [13].

213. Le fondement de cette interprétation du champ de l’article 14-7 du Pacte s’avère toutefois pour le moins nébuleux.

22Le jugement reconnaît que ce texte « ne limite pas la portée de la règle aux seuls cas des personnes jugées par les juridictions d’un même État ». De cette absence d’exclusion formelle de non bis in idem en matière internationale, le tribunal conclut à son application dans ce domaine. Cette articulation ne peut logiquement se justifier qu’en admettant que l’interprétation extensive du texte procède d’un principe supra-législatif que le texte du Pacte ne ferait que refléter ou, le cas échéant, limiter.

23Or le jugement ne dit rien de ce principe. Écartant, à juste titre, toute suggestion qu’il soit de nature constitutionnelle [14], le jugement le place dans le champ du droit international. C’est ce que suggèrent les multiples références du jugement à des instruments internationaux : l’article 4 alinéa 2 de la Convention OCDE, l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (la « Convention européenne »). Aucun de ces textes ne vise d’ailleurs le principe non bis in idem : le premier organise une concertation entre des États compétents pour juger de mêmes faits de corruption afin de déterminer le tribunal le mieux à même de les poursuivre ; le second expose les principes de légalité des poursuites et peines. L’existence et la teneur même de ces références montrent que non bis in idem ne serait pas un principe fondamental en matière internationale et n’aurait pas de fondement textuel précis [15]. En l’absence de toute orientation textuelle claire, le Pacte doit logiquement être interprété selon les règles applicables aux conventions internationales [16].

24Or il n’existe ni travaux préparatoires précisant le champ territorial de l’article 14-7 du Pacte, ni déclaration interprétative officielle [17]. L’interprétation de cet article du Pacte paraît dès lors devoir être effectuée selon ses buts et fonctions ou son « esprit ». C’est bien cette approche que reconnaît le tribunal qui affirme, à propos de l’article 4 alinéa 2 de la Convention OCDE organisant une coordination entre juridictions, que « l’esprit de [cette] Convention était donc d’éviter les doubles poursuites et, le cas échéant, les doubles condamnations ». Cet « esprit » paraît pouvoir être repéré dans la combinaison du but des conventions que le tribunal considère comme pertinentes. En l’espèce, le rapprochement de l’article 4 alinéa 2 de la Convention OCDE structurant la répression de la corruption, et de l’article 6 de la Convention européenne indiquant que si non bis in idem n’était pas appliqué, les droits fondamentaux des sociétés signataires des accords pourraient être violés, suggère que non bis in idem est applicable si cela n’interdit pas la sanction la plus énergique des faits de corruption et pour autant que les droit de la défense ne soient pas remis en cause. Ce fondement implicite de l’application de non bis in idem par le jugement paraît expliquer qu’il ne vise pas l’article 54 de la Convention d’application de l’accord de Schengen du 19 juin 1990, qui prévoit certes l’application de non bis in idem en matière internationale, mais dans le cadre de la politique de circulation de personnes dans l’espace instauré par la convention, non pertinent en l’espèce. Cette justification de l’application de non bis in idem en l’espèce permet d’ailleurs de préserver le principe de l’exclusivité qui est au cœur de la compétence des tribunaux pénaux.

25En faisant découler l’application de non bis in idem des conventions internationales applicables aux circonstances de l’espèce, le jugement s’avère donc peu original sur ce point.

B – Une décision à l’effet asymétrique

26Il convient de noter que les tribunaux américains refusent d’appliquer le Pacte [18]. Ils invoquent que, lors de sa ratification, les États-Unis ont déclaré qu’il n’avait pas d’application directe [19], et qu’une personne privée ne pourrait donc l’invoquer [20]. Les tribunaux américains ne pourraient donc appliquer, en vertu du Pacte, non bis in idem à une personne déjà condamnée en France pour les actes de corruption susceptibles d’être sanctionnés aux États-Unis.

27Cette pratique des tribunaux américains empêchait-elle le tribunal, s’il en était avisé, d’invoquer le Pacte et d’appliquer non bis in idem ? L’article 55 de la Constitution prévoit en effet que les traités ou accords « ont […] une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie ». L’argument selon lequel la position des tribunaux américains constituerait un tel cas de non-réciprocité paraît toutefois sans pertinence. Sur un plan procédural, un tribunal français ne peut plus aujourd’hui [21] constater le défaut de réciprocité lorsqu’il applique un traité, applicable jusqu’à sa dénonciation formelle par le gouvernement [22].

28Sur le fond, outre qu’une déclaration n’est pas une réserve formelle, d’une part, il est douteux qu’une jurisprudence constitue une non-application au regard du droit international : les tribunaux ne sont pas signataires du traité et sont indépendants des pouvoirs exécutif ou législatif [23]. D’autre part, le défaut d’application directe implique seulement que des mesures d’application doivent être prise en droit interne mais, en tant que tel, pas que l’État déclarant entend se soustraire à ses obligations ; d’ailleurs le rapport initial présenté par les autorités américaines sur la mise en œuvre du pacte indique que les dispositions prévues par le Pacte figurent déjà dans la réglementation interne [24] ; la déclaration s’avère donc sans substance.

29Il a même été admis que la condition de réciprocité n’a pas à s’appliquer à certains traités à raison de leur objet. Cette approche, retenue pour les crimes relevant de la Cour pénale internationale [25] ne pourrait-elle pas être étendue au domaine de la répression de la corruption, préoccupation commune à « l’ensemble de la communauté internationale » ?

30Pourtant, cette situation a une incidence pratique : elle peut inspirer la stratégie contentieuse chez les personnes susceptibles de faire l’objet de poursuite en France et aux États-Unis [26] : il pourrait en effet s’avérer judicieux de rechercher un accord avec le procureur américain (quitte à acquitter une forte amende) puis de l’invoquer devant le juge français, plutôt que de tenter de faire valoir ce principe devant le juge américain en invoquant une décision française antérieure [27].

II – Sur l’accord transactionnel justifiant l’application du principe non bis in idem

31À quel titre l’accord transactionnel conclu avec le procureur américain (A) peut-il justifier l’application de la règle ne bis in idem (B) ?

A – La pratique des deferred prosecution agreements (et des non prosecution agreements) [28]

32En procédure pénale américaine, un procureur peut convenir avec une personne physique ou morale de ne pas la poursuivre pour des faits susceptibles de qualification pénale, en contrepartie du paiement d’une amende et de certains engagements de sa part. Cette pratique a fait l’objet d’un développement remarquable en matière de délits présumés de corruption ou de violation d’embargo : les amendes considérables payées en application de tels accords par Siemens, Alstom, Total ou BNP Paribas sont bien connues. Ces accords sont publiés et comprennent une reconnaissance des faits, exposés dans une annexe détaillée. Par contre, aucune reconnaissance formelle de culpabilité n’est requise [29]. L’accord est conditionné à la réalisation de certains objectifs adaptés aux faits concernés. Ainsi dans le domaine de la lutte contre la corruption ou les délits boursiers, il comprend généralement un engagement de mettre en place et en œuvre, sous la supervision d’un administrateur indépendant (monitor), des mesures internes (instauration de responsable de la conformité, procédures de contrôle et d’investigation, actions de formation visant à détecter et prévenir les faits reprochables). Il y a là à la fois la mise en œuvre convenue d’une exigence de la réglementation américaine [30] et un clair souci de prévention. En pratique, les deferred prosecution agreements prévoient la mise en place d’un tel programme de prévention dans un délai de deux ou trois ans mais le procureur dépose auprès du tribunal un document exposant les charges retenues. Au terme de la période convenue, il constatera, le cas échéant, le respect des engagements et retirera alors les charges « with prejudice », comparable à un désistement d’instance et d’action en droit français ; son engagement de ne pas poursuivre la procédure sera alors définitif. Dans les accords de non prosecution agreements, l’abstention de toute poursuite est immédiate, contre le paiement de l’amende et sous réserve de l’exécution des engagements convenus dans le futur.

33S’ils ne sont pas formellement réglementés, ces accords ne sont pas pour autant le jeu de l’arbitraire unilatéral des autorités. Des facteurs que le procureur peut prendre en compte pour engager une procédure ou rechercher un accord figurent dans un document du ministère de la Justice [31] exposant des principes, non-obligatoires, qui peuvent inspirer les autorités fédérales dans l’exercice de leur discrétion ; par ailleurs, le montant des amendes est généralement déterminé par référence aux directives relatives à la fixation des sanctions (Sentencing Guidelines) [32]. Cependant la démarche du procureur s’insère dans un contexte procédural largement différent du droit français : le procureur ne peut traduire l’auteur présumé d’un délit devant un tribunal, sans le présenter à un Grand jury qui décidera (ce qui n’est en pratique qu’une formalité) de façon non-contradictoire, si les éléments de preuve présentés par le procureur justifient un renvoi devant un tribunal (indictment). Un deferred prosecution agreement (ou un non prosecution agreement) intervient donc antérieurement à cette étape. En pratique, ces accords comprennent d’ailleurs une renonciation de la personne à exiger d’être traduite devant une instance judiciaire. Ils sont donc essentiellement contractuels et ne procèdent pas d’une décision judiciaire. Certes, la constatation de la satisfaction des conditions posées par les deferred prosecution agreements est parfois homologuée par un tribunal mais l’opération est alors purement formelle et sans débat contradictoire [33]. Pour leur part, les non prosecution agreements ne sont pas homologués par un tribunal, et ne sont donc rien d’autre que de simples transactions entre deux parties.

34Cette pratique d’accords entre évidemment mal dans les qualifications françaises. Le fait de ne pas engager une procédure aboutissant à la saisine d’un tribunal pourrait suggérer qu’il s’agit d’un équivalent fonctionnel d’un classement sans suite, comme le mentionne d’ailleurs le jugement ; cette approche néglige toutefois que le procureur, tenu par la formalité préalable de la présentation au Grand jury, ne traduit pas directement les contrevenants devant un tribunal, et ne commande donc pas ce que le droit français qualifie d’action publique. L’absence de reconnaissance de culpabilité empêche de la rapprocher de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. L’institution française la plus comparable apparaît être la composition pénale instaurée par l’article 41-2 du Code pénal qui confère le caractère de chose jugée à l’accord passé avec le parquet avant le renvoi devant le tribunal. Il demeure que cette institution ne s’applique qu’à des infractions limitées et mineures commises par des personnes physiques et que le parquet commande l’action publique, contrairement au procureur américain qui ne peut que présenter la personne devant le Grand jury.

B – Le champ international de l’accord transactionnel pénal américain

35Lorsqu’elle l’a fait, la jurisprudence française n’a attaché l’autorité de chose jugée qu’à des jugements étrangers (a) portant sur les mêmes faits (b), définitifs, exécutés, et rendus par une juridiction compétente (c) [34].

36(a) Cette exigence, procédant d’un souci d’effectivité des peines, trouve un fondement textuel tant dans les dispositions invoquées du Pacte qui exige un « jugement définitif » que dans les articles 113-9 du Code pénal et 692 du Code de procédure pénale requérant que la personne ait été « jugée définitivement ». De plus, elle procède du souci que la procédure étrangère ait respecté les droits de la défense, souci commun à l’exequatur des décisions civiles étrangères. Or, l’accord transactionnel américain ne présente pas les spécificités d’un jugement entendu au sens procédural français : s’il a un caractère individuel, impose des sanctions (amendes ; obligations non pécuniaires d’organiser un contrôle interne de conformité) et fait suite à un processus permettant à chaque partie de faire valoir ses arguments et éléments de preuve [35], il n’est pas formellement émis au nom d’un État par une personne indépendante et ne comporte pas de décision fixant formellement la culpabilité. Le juge d’instruction avait d’ailleurs écarté la fin de non-recevoir au motif que les accords passés aux États-Unis ne constituent pas des « jugements ».

37Par ailleurs, il est régulièrement décidé que non bis in idem ne peut être appliqué au motif d’un classement sans suite étranger [36], ce que l’accord américain, antérieur à la saisine du tribunal, paraît pratiquement constituer, comme le mentionne d’ailleurs le jugement.

38L’application du principe par le tribunal n’est pourtant pas entièrement originale. Quant à l’autorité étrangère dont émane la décision invoquée, la Cour de justice des Communautés européenne a considéré qu’une décision du ministère public peut justifier l’application de la règle dans le cadre des dispositions de la Convention d’application de l’Accord de Schengen [37]. Quant à la nature transactionnelle de l’acte étranger, cette décision a appliqué non bis idem à un accord mettant fin aux poursuites en contrepartie de la satisfaction de certaines obligations dont le paiement d’une amende. La Chambre criminelle a certes refusé d’appliquer la règle au signataire d’une transaction avec le procureur néerlandais [38], mais au motif que les faits, entendus comme les infractions (importation/exportation), n’étaient pas les mêmes en France et aux Pays-Bas ; cette approche peut suggérer que la cour n’objecte pas par principe à appliquer non bis in idem à une transaction pénale étrangère.

39En outre, le tribunal répond indirectement à l’objection que l’accord ne constituerait pas un jugement : les sociétés auraient effectivement bénéficié, dans le cadre de sa négociation, des mêmes droits que devant un tribunal, la procédure ayant été « impartiale, indépendante, diligente, et […] n’a pas visée à les soustraire à leur responsabilité pénale ». Au-delà de la satisfaction de ces conditions (v. infra (c)), la négociation permet au justiciable de faire valoir ses arguments et ne paraît donc pas, dans son principe, léser les droits de la défense ; en outre, la publicité, l’importance et la nature des sanctions n’assurent-ils pas en pratique l’effet sanctionnateur et dissuasif d’une décision pénale ?

40Ne pas tenir compte des accords pourrait même en l’espèce heurter des principes essentiels du droit pénal. Ces accords contiennent, comme c’est généralement le cas, une reconnaissance des faits reprochés, sur laquelle les signataires s’engageaient à ne pas revenir. Devant le juge français, ils ne pourraient contester les faits reprochés sans violer cet engagement ; il ne pourrait donc pas y avoir de défense effective, ce que reconnaît d’ailleurs expressément le jugement. De plus, les amendes acquittées par les sociétés représentent une fraction substantielle (1 150 000 USD [39]) ou même excèdent (4 000 000 USD et 12 602 649 USD) le maximum applicable de 750 000 € [40] ; une condamnation en France impliquerait que les sociétés subissent en définitive une sanction totale supérieure au maximum fixée par la loi française ; n’y aurait-il pas là une atteinte au principe de proportionnalité des peines ? Enfin, les montants des amendes convenues avec le procureur américain représentent dans chaque cas une fraction substantielle du montant maximum susceptible d’être infligée par le tribunal [41] et ne paraissent donc pas constituer une faveur particulière [42].

41(b) Le principe non bis in idem exige, comme exprimé dans les articles 113-9 du Code pénal et 692 du Code de procédure pénale, que la décision étrangère porte sur les « mêmes faits » que ceux poursuivis en France.

42L’identité paraît avoir été généralement entendue comme celle des infractions plutôt que celle de la matérialité des faits : le texte du Pacte vise formellement « une infraction » ; la jurisprudence a considéré qu’une opération d’exportation de stupéfiants de la France vers le Canada est différente de leur importation dans ce dernier et que la décision canadienne de relaxe ne peut donc justifier l’application de non bis in idem par les juridictions françaises [43]. Cette approche paraît discutable : la détermination de l’identité, nécessaire à la mise en œuvre d’une règle juridictionnelle française, constitue une question de qualification qui devrait donc s’effectuer lege fori ; en outre, cette démarche aboutit à ce qu’une compétence légale étrangère commande la compétence juridictionnelle française. Le jugement, privilégiant la logique au texte clair du Pacte visant une « infraction », ne s’attache qu’à la matérialité des faits [44]. Cette question paraît néanmoins sans incidence sérieuse car les faits sont qualifiés de corruption par les autorités françaises et américaines. Par ailleurs, l’indication que les faits reprochés sont « identiques ou intrinsèquement similaires », qui élargit la notion d’identité ne paraît toutefois pas remettre sérieusement en cause cette exigence et répond à la réalité d’une démarche comparative.

43(c) Les autres exigences relatives à la décision étrangère (compétence de l’instance étrangère ; respect des droits de la défense ; peine exécutée) ne sont pas discutées par le jugement qui les considère donc satisfaites.

44La compétence de l’organe étranger ayant pris la décision doit être appréciée selon le droit étranger. C’est le cas, le procureur agissant dans le cadre de sa discrétion de poursuivre ou non [45].

45L’accord n’est certes pas la conclusion d’une procédure permettant à la personne de faire valoir ses arguments devant un tiers indépendant. En pratique toutefois, la négociation avec le procureur est menée avec l’assistance, ou même par des conseils de premier plan (parfois anciens procureurs eux-mêmes), qui ont donc l’opportunité de discuter les charges présentées par les autorités ; de plus la coopération du signataire dans la recherche des violations et la mise en place des mesures de prévention, est pris en compte dans la décision de proposer un accord et la mesure des sanctions. Si l’activisme répressif des autorités américaines introduit un élément de contrainte dans une telle négociation, les droits de la personne en infraction ne paraissent pas substantiellement différents de ceux dont elle bénéficierait devant un juge. D’ailleurs le refus d’un accord permet toujours de bénéficier des garanties procédurales attachées à un procès.

46Enfin, les sanctions ont été effectivement subies : les amendes ont été payées et les procédures internes mises en place.

III – Une approche pour l’avenir ?

47Si le jugement est satisfaisant tant pour les sociétés signataires que pour les autorités de poursuites [46], l’application de non bis in idem (B) et les incidences pratiques (A) et méthodologiques (C) de sa justification permettent-elles que cette approche constitue une directive pour l’avenir ?

A – Non bis in idem et deferred prosecution agreement en cours d’exécution ?

48L’adoption par certain pays (notamment le Royaume Uni [47]) d’une telle procédure, faisant assurer aux acteurs eux-mêmes la recherche des manquements et le contrôle du respect de la réglementation, et l’activisme des autorités de poursuite ne manquera pas de poser cette question. Jusqu’au terme du délai, de deux ou trois ans, fixé pour satisfaire les engagements convenus, la procédure n’est que suspendue. Or pour les articles 113-9 du Code pénal et 692 du Code de procédure pénale et la jurisprudence [48], seule une décision étrangère définitive peut justifier l’application de non bis in idem. Toutefois, s’il considère que les dispositions de l’accord en cours d’exécution organisent une répression efficace, le tribunal ne pourrait-il pas suspendre les poursuites en France jusqu’au terme fixé par l’accord ? Cette approche permettrait d’éviter toute contradiction des décisions et tout cumul des sanctions, qui pourrait être contraire au principe de proportionnalité, tout en réduisant l’encombrement des tribunaux.

B – Application de non bis in idem aux sanctions plutôt qu’aux poursuites ?

49L’imputation de la sanction étrangère sur celle exécutée en France aboutirait en pratique [49] aux mêmes conséquences que le jugement : l’auteur de l’infraction subirait en définitive une combinaison de sanctions n’excédant pas le maximum fixé par la loi française. De plus, tant l’exclusivité de compétence des tribunaux français que la proportionnalité des peines (appréciée au maximum de la peine applicable en droit français) seraient respectées. Une décision récente et limpide de la Cour de cassation valide cette approche [50]. Dans ce cadre, le jugement qui applique non bis in idem aux poursuites apparaît un détour inutile.

50Toutefois, cette approche, visant les peines plutôt que les poursuites, recèlerait deux difficultés pratiques. D’une part, si l’imputation du temps de prison subi à l’étranger sur le temps accompli en France paraît simple à mettre en œuvre car l’administration pénitentiaire relève du même ministère que les tribunaux, l’imputation du montant d’une amende acquittée à l’étranger sur celle due en application du jugement français [51] paraît plus difficile : l’agent comptable du Trésor assure son recouvrement sur la base du jugement sans pouvoir modifier les montants qui y figurent. Il semble donc préférable que les amendes payées en application de la décision étrangère soient directement prises en compte lors du jugement. D’autre part, la nature même des sanctions étrangères peut rendre difficile leur imputation sur celles exécutées en France : en l’espèce, les accords américains convenaient d’amendes (pénales et de restitution de profit) et des mesures de prévention, particulièrement contraignantes et nullement accessoires ; peut-on légitimement n’imputer que les seules amendes pénales américaines sur celles prononcées par le tribunal français ? L’application de non bis in idem aux poursuites évite tout reproche d’imputation partielle.

C – Quelles incidences méthodologiques ?

51Le jugement n’est apparu cohérent que si l’application du principe en matière internationale participe à la mise en œuvre d’une politique répressive commune aux États signataires de traités la matérialisant (supra I A (3)).

52Ainsi, dans le cadre de la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers, la considération essentielle serait celle d’une sanction effective des faits de corruption. Ce souci de sanctionner et dissuader permet d’expliquer les divergences de solutions entre le jugement examiné qui applique, et les décisions antérieures ayant écarté, non bis idem : les lourdes amendes et les programme de prévention convenus par les accords américains répondraient opportunément au souci d’une telle répression ; inversement, le classement sans suite par un juge étranger ou le faible montant de la sanction étrangère écarterait l’application de non bis in idem[52]. Celui-ci ne serait donc pas, en matière internationale, un principe fondamental, absolu, mais simplement relatif, et ce, à un double titre. D’une part, le fondement de l’application du principe remettrait en cause, en fonction de considérations évolutives de politiques pénales, l’exclusivité qui s’attache à la compétence juridictionnelle française en matière pénale. D’autre part, l’application du principe dépendrait de la sévérité de la sanction effective étrangère. Dans cette logique, non bis in idem s’avèrerait un accessoire plutôt qu’un principe.

53Ce fondement impliquerait que le juge détermine le seuil de sévérité justifiant l’application du principe [53]. Toutefois, sur un plan théorique, il implique que la compétence des juridictions pénales françaises serait fonction de la teneur et de la sévérité d’une décision pénale étrangère. Il s’agirait là d’une atteinte fondamentale aux fonctions régaliennes de la France.

54Pour autant, cette implication du fondement de l’application de non bis in idem justifierait-elle d’écarter celui-ci comme contraire à un principe fondamental du droit international ? L’application de l’article 14-7 du Pacte en l’espèce n’est-elle pas la simple mise en œuvre de la coopération active à laquelle s’engage et s’astreint la France en concluant certains traités à contenu répressif substantiel ? En outre, la décision française rendue sans considération de l’accord avec les autorités américaines aboutirait probablement à un total de sanctions excédant le maximum de celles prévues par le Code pénal, violant alors le principe de proportionnalité des peines. Inversement, l’imputation des sanctions américaines sur les sanctions françaises serait inutile car les premières sont pour l’essentiel supérieures à ce maximum (v. supra II B (a) et note 38).

55Le fondement repéré de l’application de non bis in idem en matière internationale invite à une gestion des risques pénaux par le biais d’un forum shopping. L’auteur d’une infraction susceptible d’être poursuivi dans plusieurs juridictions pour de mêmes faits pourrait rechercher l’application d’une procédure pénale lui assurant une meilleure maîtrise des conséquences de son infraction en matières financière, d’organisation ou de réputation, et obtenir une décision qu’il pourrait ultérieurement opposer aux juridictions d’autres pays poursuivant la politique commune de répression. Mais si le but poursuivi par les pays est bien celui d’une condamnation suffisante, est-il nécessaire qu’elle soit prononcée par un tribunal plutôt qu’un autre, si elle remplit sa fonction sanctionnatrice et dissuasive ? Dans un tel cadre, le forum shopping ne paraît pas scandaleux car il ne constitue pas une forme de fraude à la loi.

56Opportun en l’espèce et respectueux de la proportionnalité des peines, le jugement, privilégiant l’effet d’une décision ou d’un acte étranger à sa nature, ne paraît logiquement justifiable que par un fondement qui ne fait de non bis in idem qu’un simple accessoire technique de politiques. S’agit-il d’une implication logique mal perçue par le tribunal ou bien d’une anticipation de développements inhérents à toute politique pénale commune à plusieurs États ? Outre l’arrêt de la cour d’appel saisie du jugement, l’activisme répressif de certains états devrait susciter de nouvelles occasions d’approfondir cette question du fondement de non bis in idem en matière internationale.

Notes

  • [1]
    11e chambre correctionnelle 2, 18 juin 2015, n° 06026092035.
  • [2]
    Résolution 986 du Conseil de sécurité du 14 avr. 1995.
  • [3]
    Foreign Corrupt Practices Act, 15 U.S.C. 78dd-1 s.
  • [4]
    Signée par 177 pays.
  • [5]
    L. n° 68-678 du 26 juill. 1968 telle qu’amendée, interdisant la communication à des autorités administratives étrangères d’informations relatives à une entreprise basée en France.
  • [6]
    J. Lelieur, Créativité judiciaire en faveur des entreprises françaises dans l’affaire Pétrole Contre Nourriture, AJ pénal 2015. 540.
  • [7]
    Cf. not. Crim. 21 mars 1862, S. 1862. I. 542, rapp. F. Hélie, concl. P. Savary ; Crim. 26 janv. 1966, n° 65-91.605, Bull. crim. n° 23 ; Rev. crit. DIP 1966. 661, note A. Huet ; Crim. 3 nov. 1970, n° 70-90.953 Bull. crim. n° 285 ; Crim. 13 mai 1971, n° 70-92.059, Bull. crim. n° 157 ; JCP 1971. IV. 156 ; Crim. 17 mars 1999, n° 98-80.413, Bull. crim. n° 44 ; D. 1999. IR. 133, JCP IV, n° 2798 ; Crim. 8 juin 2005, n° 05-81.800, Bull. crim. n° 174 ; Crim. 26 sept. 2007, n° 07-83.829, Bull. crim. n° 224. Certaines décisions inférieures ont toutefois, déjà admis appliqué non bis in idem en matière internationale : C. assises Pyrénées-occidentales, 18 juin 1870, S. 1871. 2. 153 ; TGI Paris 11e ch. corr., 8 juill. 2013, n° PO11779206 (concernant la société Vitol).
  • [8]
    C. pén. art. 113-9 : « Dans les cas prévus aux articles 113-6 et 113-7, aucune poursuite ne peut être exercée contre une personne justifiant qu’elle a été jugée définitivement à l’étranger pour les mêmes faits et, en cas de condamnation, que la peine a été subie ou prescrite ». C. pr. pén., art. 692 : « Dans les cas prévus au chapitre précédent, aucune poursuite ne peut être exercée contre une personne justifiant qu’elle a été jugée définitivement à l’étranger pour les mêmes faits et, en cas de condamnation, que la peine a été subie ou prescrite ». Les « cas prévus » par ces articles visent des infractions entièrement commises à l’étranger.
  • [9]
    Cf. Cass., req., 14 avr. 1868, S. 1868. 1. 183 ; v. dans le même sens « dignité, justice et humanité » Cour d’assises des Pyrénées-occidentales 18 juin 1870, S 1871. 2. 153. V. également : A. Huet et R. Koering-Joulin Droit pénal international, 3e éd., Puf, 2005, § 151 p. 255 ; et J.-Cl. Internat. fasc. 404-10, n° 19 et les réf., notamment doctrinales, citées.
  • [10]
    Le droit français ne sanctionne pas l’absence d’un programme de mesures visant à détecter et prévenir des actes de corruption, contrairement aux droits américain (15 USC 78m (b) (2) ou anglais (U.K. Bribery Act 2010, art. 7). Le projet de loi 3623 du 31 mars 2016 (art. 8) introduit toutefois une telle obligation pour les entreprises importantes, mais ne prévoit pas la possibilité, initialement envisagée, de transaction pénale.
  • [11]
    Crim. 22 janv. 1963, n° 62-91.509, D. 1963. 531 ; Crim. 9 mai1972 n° 71-92.126, Bull. crim. n° 159 ; Crim. 3 juin 1985, n° 84-94.404, Bull. crim. n° 212 ; Crim. 10 mai 1988, n° 88-81.980, Bull. crim. n° 201.
  • [12]
    Crim. 11 févr. 2004, n° 02-84.472, Bull. crim. n° 37.
  • [13]
    Civ. 1re, 19 déc. 1995, n° 93-20.424, Bull. civ. I, n° 420 ; Rev. crit. DIP 1996. 468, note B. Oppetit.
  • [14]
    Le principe n’a pas à ce jour de valeur constitutionnelle : E. Piwnica, Le principe non bis in idem et la Cour de cassation, JCP E 2015. 1396.
  • [15]
    Le jugement le reconnaît d’ailleurs qui indique que l’article 6 du Code de procédure pénale « […] ne soumet la chose jugée à aucune condition particulière, qu’elle soit française ou étrangère ».
  • [16]
    Un texte de valeur supra-législative ne peut être interprété que selon les méthodes propres à son domaine pour éviter une jurisprudence diversifiée : v. note B. Oppetit, Rev. crit. DIP 1996. 472. Sur les méthodes d’interprétation des traités : v. Convention de Vienne sur les Traités du 23 mai 1969, art. 31 et 32 ; J. Combacau et S. Sur, Droit international public, 11e éd., LGDJ, 2014, p. 170-181 ; P. Daillier, M. Forteau, A. Pellet, Droit international public, 8e éd., LGDJ, 2009, § 178-179.
  • [17]
    Le tribunal n’était pas tenu par le point de vue du Comité des droits de l’homme de l’Organisation des Nations unies (Déclaration Doc. ONU HCR CPRR/3/C/31/D/204 du 2 nov. 1997), limitant l’application du texte de l’article 14-7 du Pacte aux condamnations prononcées par les organes d’un même État : ce comité n’a pas qualité pour interpréter le Pacte et ses avis ne peuvent même pas lier pas les États concernés.
  • [18]
    Sosa v. Alvarez-Machain, 542 U.S. 692 (2004) ; United States v. Duarte Acero, 296 F.3rd 1277 (11th circuit 2002) (« […] le pacte ne crée pas de droit applicable par les tribunaux ») ; United States ex rel Perez v. Warden 286 F3d. 1059 (8th circuit 2002) au III ; Buell v. Mitchell 274 f3d. 337 (6th ciruit 2001).
  • [19]
    « The provisions of Article 1 through 27 of the Covenant are not self-executing ». V. 138 Cong. Rec. S4781-84 (1992) in III 1.
  • [20]
    Le rapport du Sénat autorisant la ratification du Pacte précise « this declaration was meant to clarify that the Covenant will not create a private cause of action in U.S. courts ». Senate executive report 102-23 (1992) du 24 mars 2004, p. 20, déclaration 1.
  • [21]
    Un arrêt l’avait autrefois admis : Nîmes 22 mai 1968, Rev. crit. DIP 1969. 448, note Ph. Francescakis, JCP 1969. II. 16002 note M. Simon-Depitre ; JDI 1970. 1687, note C. Gavalda.
  • [22]
    Civ 1re, 6 mars 1984, n° 82-1984, Bull. civ I, p. 85 ; D. 1985. IR 182, obs. B. Audit ; Rev. crit. DIP 1985. 108, note G. Droz ; JDI 1984. 859, note J. Chappez ; Civ 1re, 15 nov. 1989, n° 87-20.045, Bull. civ I, n° 346 ; JDI 1990. 611, note F. Julien-Laferrière ; Civ 1re, 23 mars 1994, n° 92-14.573, Bull. civ I, n° 105 ; Rev. crit. DIP 1995. 51, note P. Lagarde. Les juridictions administratives ont une approche opposée, se réservant de consulter le gouvernement à titre de simple avis : CE, ass., 9 juin. 2010, n° 317747, D. 2010. Pan. 2858.
  • [23]
    V. P. Lagarde, La réciprocité dans l’application des traités internationaux, Rev. crit. DIP 1975, § 18, p. 40.
  • [24]
    V. CCPR/C/81/Add.4, 24 août 1994, § 8.
  • [25]
    Cons. const., 22 janv. 1999, n° 98-408 DC, § 12 : « … ; qu’eu égard à cet objet, les obligations nées de tels engagements s’imposent à chacun des États parties indépendamment des conditions de leur exécution par les autres États parties ; qu’ainsi, la réserve de réciprocité mentionnée à l’article 55 de la Constitution n’a pas lieu de s’appliquer », AJDA 1999. 266 ; ibid. 230, note J.-E. Schoettl ; D. 1999. 285, note P. Chrestia ; ibid. 2000. 111, obs. M.-H. Gozzi ; ibid. 196, obs. S. Sciortino-Bayart ; ibid. 2001. 949, chron. P.-H. Prélot ; RFDA 1999. 285, note B. Genevois ; ibid. 715, note P. Avril ; ibid. 717, obs. B. Genevois ; RSC 1999. 353, obs. J.-F. Seuvic ; ibid. 497, obs. E. Dezeuze ; ibid. 614, obs. A. Giudicelli.
  • [26]
    F. Davis et A. Kirry, A Recent Decision in France Applies « International Double Jeopardy » Principles to U.S. DPAs, Debevoise & Plimpton, FCPA Update sept. 2015.
  • [27]
    Cette dernière approche peut s’avérer particulièrement coûteuse : la société pétrolière norvégienne Statoil avait conclu un accord, assortie d’une forte amende, avec les autorités norvégiennes. Ultérieurement poursuivie aux États-Unis pour les mêmes faits, elle n’a pu éviter une condamnation pénale qu’après conclusion d’un accord avec le procureur en acquittant une nouvelle amende.
  • [28]
    Nous remercions Frederick Davis, ancien procureur fédéral à New York, de ses précisions sur cette pratique. Aussi A. Garapon et P. Servan-Schreiber (éd.), Deals de Justice, PUF, 2013 ; A. Mignon-Colombet et F. Buthiau, Le deferred prosecution agreement américain, une forme inédite de justice négociée, JCP 2015. 621 ; L. Cohen-Tanugi et E. Breen, Le deferred prosecution agreement américain, un instrument de lutte efficace contre la délinquance économique internationale, JCP 2015. 1663.
  • [29]
    En l’espèce, aucun des accords visés n’en comporte.
  • [30]
    En application de l’obligation de disposer de livres comptables reflétant les opérations 15 U.S.C. 78m(2) (b).
  • [31]
    US Attorneys’Manual Chapter 9-28000 Principles of Federal Prosecution of Business Organizations. L’un des critères est celui des conséquences de la procédure adoptée. Le ministère de la Justice et la Security and Exchange Commission ont publié un document précisant leurs considérations, non obligatoires, en matière de corruption d’agents publics étrangers : A Resource Guide to the US Foreign Corrupt Practices Act (14 nov. 2012).
  • [32]
    2014 USSC Guidelines Manual, § 8 A 1.2
  • [33]
    Il est exceptionnel qu’un tribunal examine la teneur d’un deferred prosecution Agreement en cours d’exécution. Une seule décision s’est prononcée sur des conditions convenues au regard de l’infraction en cause : United States v. Fokker Services 79 F.Supp. 3rd 160 (D.D.C. 2015) mais a été rapportée en appel (Court of appeals of the District of Columbia, 5 avr. 2016, n° 15-3016).
  • [34]
    Crim. 2 mars 1862, S 1862. I. 542, rapp. F. Hélie, concl. M. Savary. V. A. Huet et R. Koering-Joulin, J.-Cl. Internat., fasc. 404-10, n° 34-27.
  • [35]
    Même si les circonstances (par exemple un risque d’interdiction de soumissionner à des marchés aux États-Unis) forcent évidemment à composer avec le procureur, les sociétés importantes sont assistées tout au long de la négociation, par des cabinets de conseils de premier plan.
  • [36]
    Crim. 6 déc. 2005, n° 04-86.378, Bull. crim. n° 317 ; D. 2006. 622, note J. Pradel ; Crim. 12 mai 2009, n° 07-85.875, Bull. crim. n° 89 ; Crim. 20 juin 2012, n° 12-68.1729, Bull. crim. n° 156 ; D. 2012. 2500, note D. Brach-Thiel ; Crim. 2 avr. 2014, n° 13-80.474, Bull. crim. n° 101.
  • [37]
    CJUE 11 févr. 2003, aff. C-187/01 et C-385/01, Götzütok et Brügge, D. 2003. 1458, note F. Julien-Laferrière.
  • [38]
    Crim. 3 juin 1991, n° 90-83.151, Bull. crim. 1991, n° 199 ; D. 1992. 228, note J. Pannier.
  • [39]
    Ce dernier chiffre, auquel on peut ajouter une amende 800 000 $ envers la SEC sur les mêmes faits, concernent deux sociétés, susceptibles d’être chacune condamnée à 750 000 €.
  • [40]
    Ce chiffre correspond au montant de 150 000 € prévu par l’article 435-3 du Code pénal, multiplié par 5 en application de l’article 131-38 du Code pénal visé par l’article 435-15 du même code.
  • [41]
    15 U.S.C. 78dd-2 g(1)(A).
  • [42]
    Selon les directives, dites Sentencing Guidelines 2014 USSC Guidelines Manual, § 8 A 1.2, fixant les critères et montants applicables à la détermination des sanctions. Les amendes convenues dans les accords intervenus en 2014 en matière de corruption comprenaient une amende comprise entre 16,7 et 72,5 % du maximum applicable au regard des circonstances V. Berger et al., The Year 2014 in Anti-Bribery Enforcement : New records, New Trends, and New Complexity as Anti-Bribery Enforcement Goes Global, in www.debevoise.com/FCPA update/January 2015.
  • [43]
    Crim. 22 nov. 1973, n° 73-91.840, Bull. crim. n° 434. Également Crim. 3 juin 1991 n° 90-83.151, Bull. crim. n° 199 ; D. 1992. 228 note J. Pannier.
  • [44]
    Sur la notion d’identité dans le cadre l’article 4 du protocole n° 7 additionnel à la Conv. EDH visant une similarité d’« infractions » définitivement jugée par des tribunaux d’un même État : après avoir admis une identité de la matérialité des faits (Gradinger c/ Autriche, 23 oct. 1995, n° 15963/90, § 55 ; opinion dissidente du juge Repik, dans Oliviera c/ Suisse, 30 juill. 1998, n° 25.711/94, Rec. p. V-1990) la Cour se réfère à l’identité d’infractions (Oliviera c/ Suisse v. supra ; Franz Fischer c/ Autriche, 29 mai 2001, n° 37.950/97 § 29 ; Göktan c/ France, 2 juill. 2002, n° 33402/96, § 50) mais paraît revenir à la considération de l’identité matérielle des faits (Zoulotoukhine c/ Russie, 10 févr. 2009, n° 14939/03, § 82 ; Grande Stevens et al. c/ Italie, 2e sect., 4 mars 2014, nos 18640/10, 18647/10, 18663/10, 18668/10 et 18698/10, § 227). De même le Conseil constitutionnel évoque la similarité de « faits » ayant fait l’objet d’une décision de l’AMF, décis. du 14 mars 2015, n° 2014-453/454, § 36.
  • [45]
    V. U.S. v. HSBC Bank USA N.A., 1er juill. 2013, 12 CR 763.
  • [46]
    Assurées de sanctions : supra II B (a).
  • [47]
    Crime and Courts Act 2013, chap. 22, part 2, section 45, et schedule 17.
  • [48]
    Crim. 6 déc. 2005, n° 04-86.378, Bull. crim. n° 317 ; D. 2006. 307, note G. Vermelle ; Crim. 20 juin 2012, n° 12-81.729, Bull. crim. n° 156 ; D. 2012. 2500, note D. Brach-Thiel.
  • [49]
    Sous réserve de l’inscription de la condamnation française au casier judiciaire automatisé (C. pén., art. 768- 1), ce que ne parait pas impliquer la fin de non-recevoir au titre de non bis in idem.
  • [50]
    Crim. 23 oct. 2013, n° 13-83.499, Bull. crim. n° 224 ; D. 2013. 2950, note D. Rebut ; RSC 2013. 857, note D. Boccon-Gibod.
  • [51]
    Cette imputation pose en outre la question de la date de conversion des amendes payées en devises étrangères : date de la décision étrangère ou du paiement à l’étranger ou de la décision française. La dernière option paraît la plus logique au regard de la question en cause de l’application d’une sanction pénale française.
  • [52]
    Cette analyse expliquerait notamment les arrêts des 22 nov. 1973 (décision étrangère de relaxe) et 3 juin 1991 (transaction pénale étrangère mais d’un montant dérisoire : v. note J. Pannier) cités note 43.
  • [53]
    L’objection du défaut de prévisibilité est peu convaincante dès lors qu’une défense de fin de non-recevoir ne s’invoque que devant le juge.
Français

En dépit du principe selon lequel les décisions rendues par les juridictions pénales étrangères n’ont pas nécessairement, en France, l’autorité de la chose jugée lorsqu’elles concernent des faits commis sur le territoire de la République, il convient, en application de l’article 14-7 du Pacte de New York relatif aux droits civils et politiques et de l’article 6 du Code de procédure pénale, de constater l’extinction de l’action publique à l’encontre de la société prévenue à raison de la chose jugée dès lors que les faits pour lesquels elle est poursuivie en France ont fait l’objet à l’étranger d’une transaction pénale qui y a éteint l’action publique dans le cadre d’une procédure « impartiale, indépendante, diligente et qui n’a pas visé à la soustraire à sa responsabilité pénale, que les peines ont été exécutées et alors que les faits ne constituent pas des atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation » (1)

Mots clés

  • Procédure pénale
  • Non bis in idem
  • Deferred prosecution agreeement
  • Transaction pénale
  • Autorité de chose jugée à l’étranger
  • Corruption d’agents publics
  • Faits commis en France
  • Extinction de l’action publique
  • Droit au procès équitable
Mis en ligne sur Cairn.info le 07/06/2020
https://doi.org/10.3917/rcdip.161.0152
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour Dalloz © Dalloz. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
keyboard_arrow_up
Chargement
Chargement en cours.
Veuillez patienter...