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Si la catastrophe se définit comme rupture radicale, disruption dans la trame de l’ordinaire, cette définition ne doit pas celer que toute catastrophe est toujours annoncée, anticipée, attendue, prédigérée avant même de se produire. Lorsque le 11 septembre 2001 les tours jumelles de Manhattan s’effondrèrent, à peine l’événement s’était-il produit qu’on a dit, dans une veine baudrillardienne, que les blockbusters d’Hollywood avaient déjà imaginé la destruction des tours. New York en ruines, le cinéma l’avait montré plus souvent qu’à son tour. De même, si le sida fut la grande catastrophe qui frappa les homosexuels à la fin du xxe siècle, dès 1973, le romancier Yves Navarre envisageait dans Les Loukoums la possibilité d’une maladie sexuellement transmissible source de mort pour les homosexuels. Toute catastrophe a ses Cassandre, fussent-ils de fantaisie. Cette vision tranche avec le grand éclat de rire qu’Hervé Guibert attribue à Muzil (Michel Foucault) dans À l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie : « Un cancer qui toucherait exclusivement les homosexuels, ce serait trop beau pour être vrai, c’est à mourir de rire ! »
Sodome est le nom propre de la « catastrophe homosexuelle » : l’ombre de la cité pécheresse semble rappeler à quiconque prétendrait l’oublier qu’un interdit fondamental et fondateur pèse sur les « sodomites » et que toute transgression appelle nécessairement châtiment. Sodome signifierait pour les homosexuels l’impossibilité de leur être individuel et collectif, l’idée que toute société homosexuelle est nécessairement vouée à sa perte…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 03/09/2012
- https://doi.org/10.3917/criti.783.0775
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