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Les économistes ne pensent pas la catastrophe. Il faudrait se demander pourquoi. L’histoire témoigne pourtant assez de dévastations proprement économiques portant les sociétés au bord du chaos : l’hyperinflation allemande de 1923, les grands effondrements financiers et bancaires, tel celui de 1929... La crise ouverte en 2007 est potentiellement porteuse de dislocations de cette magnitude – on peine ainsi à se figurer concrètement ce que pourrait donner une explosion de l’euro. Pourtant, comme si l’ordre des choses économiques était postulé d’une régularité intrinsèque, ou bien n’admettant que des irrégularités « raisonnables », les économistes n’ont pas d’autre concept à leur disposition que la « crise ». À quoi pourraient-ils donner le nom de « catastrophe » ? Peut-être à une destruction terminale des institutions de l’économie capitaliste... c’est-à-dire à l’anéantissement de leur « objet » – raison pour quoi la « catastrophe » demeure de l’ordre de l’impensable, si ce n’est de l’impensé décisoire. Il n’y aura donc que la « crise ». Et encore : les économistes la pensent-ils vraiment ?
Il le faudrait car dans le champ élargi du débat public et politique, la « crise » est assurée de faire très bonne figure au concours des « concepts » les plus mal bâtis. Il suffit pour en avoir l’intuition de penser à la prolifération incontrôlée des « crises » de toutes natures, « économique » bien sûr, mais également « politique », « sociale », « environnementale », « morale » ou « de civilisation »…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 03/09/2012
- https://doi.org/10.3917/criti.783.0699
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