CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1 L’appellation d’économie « collaborative » ou « du partage » (en anglais sharing economy) est ambiguë. Elle renvoie généralement à une diversité de pratiques telles que la recirculation de biens, la production décentralisée de biens ou de services, ou l’optimisation de l’utilisation des biens durables  [1]. Ces pratiques ne sont en elles-mêmes pas forcément nouvelles (par exemple, le covoiturage existe depuis longtemps) mais, du fait qu’elles sont coordonnées par les plateformes numériques, elles acquièrent une ampleur inouïe jusqu’ici. Pour décrire ce phénomène en tâchant de naviguer entre fidélité au discours des acteurs et souci de clarté conceptuelle, nous parlerons d’« économie des plateformes collaboratives ».

2L’économie des plateformes collaboratives s’est imposée en quelques années comme un phénomène incontournable, en grande partie en raison de la croissance impressionnante des principaux acteurs comme Uber ou Airbnb. Elle fait également l’objet de nombreuses controverses, ses partisans vantant notamment son potentiel d’innovation disruptive, voire ses avantages sociaux ou environnementaux, alors que ses détracteurs l’accusent de saper les standards de protection sociale ou de mettre à mal la capacité de l’État à réglementer l’économie. De nombreuses questions se posent en tout cas sur le cadre juridique applicable à ces plateformes collaboratives, entre réaffirmation du droit en vigueur et adaptations du régime juridique.

3Une préoccupation récurrente porte sur le phénomène que les médias ont désigné par le terme d’« ubérisation » (un néologisme devenu tellement populaire qu’il bénéficie déjà d’une entrée dans l’édition 2017 du Petit Robert), que l’on pourrait définir comme « l’utilisation des nouvelles technologies par un nouvel intermédiaire (l’opérateur de plateforme), pour capturer une partie de la chaîne de valeur au détriment des intermédiaires traditionnels »  [2]. En d’autres termes, l’ubérisation constitue une forme de désintermédiation-réintermédiation  [3]. Ce phénomène n’est pas neuf. Il est déjà à l’œuvre depuis quelques années dans bon nombre de secteurs : on peut citer l’exemple d’Amazon vis-à-vis des chaînes de grande distribution, de Netflix et de Youtube vis-à-vis des chaînes de distribution audiovisuelle, ou encore d’iTunes et de Spotify vis-à-vis des chaînes de distribution musicale, etc. Toutefois, ce phénomène a récemment connu une rapide extension à d’autres secteurs de l’économie, notamment grâce à la flexibilité offerte par les applications mobiles et à un niveau d’investissement très élevé grâce au soutien de fonds de capital-risque. La croissance considérable de quelques sociétés comme Uber ou Airbnb a imposé les plateformes collaboratives comme des acteurs impossibles à ignorer pour leurs concurrents et pour les autorités publiques. En quatre années d’existence, les revenus d’Uber dans sa ville d’origine, San Francisco, ont été trois fois plus élevés que l’ensemble du marché des taxis  [4].

4Pour y voir plus clair, nous suivrons trois axes dans le cadre du présent Courrier hebdomadaire. Premièrement, nous envisagerons les questions de définition de l’économie des plateformes collaboratives, afin de mieux comprendre les phénomènes et affirmations des acteurs. Deuxièmement, nous discuterons une série de problématiques transversales à la réglementation de l’économie des plateformes collaboratives, telles que les questions de droit de la concurrence, ou les accusations de contournement par les plateformes de la législation en vigueur en matière de droit du travail, de droit de la protection du consommateur et de droit fiscal. Troisièmement, nous décrirons plus en détail le cadre juridique applicable (en droit belge et en droit comparé) aux plateformes de transport et aux plateformes d’hébergement, en nous concentrant sur les deux principaux acteurs dans ces domaines, respectivement Uber et Airbnb. Il y aurait certes beaucoup à dire sur de nombreuses autres catégories de plateformes, mais prétendre à l’exhaustivité serait illusoire, tant le secteur bouillonne de création de nouvelles startups et initiatives, commerciales ou non. Nous avons choisi de nous concentrer sur les deux principales plateformes commerciales, étant donné que ce sont elles qui, en raison de leur ampleur, ont suscité le plus de litiges et d’initiatives réglementaires, et sur lesquelles le plus de données empiriques sont disponibles. Notre propos a toutefois vocation à s’appliquer au-delà de ces deux cas d’études.

5Nous terminerons en évoquant quelques pistes de réforme envisagées par les législateurs pour tenir compte des plateformes collaboratives.

6Il est à noter que la situation présentée est celle arrêtée en décembre 2016.

1. Notions

7Une difficulté majeure du débat sur les plateformes collaboratives réside dans le flou conceptuel qui règne en la matière. En effet, il n’existe toujours pas aujourd’hui de consensus sur les termes utilisés pour décrire les phénomènes en jeu. Dans le débat public, des expressions comme « consommation collaborative », « économie collaborative » ou « économie du partage » sont utilisées de manière interchangeable pour décrire des phénomènes considérés comme apparentés, mais qui ne sont pratiquement jamais définis de façon rigoureuse. Si les termes d’« économie collaborative » et « économie du partage » sont les plus fréquents, leur prévalence diverge selon les espaces linguistiques : tandis que les locuteurs francophones semblent privilégier l’expression « économie collaborative », dans l’espace anglophone c’est l’expression « sharing economy » qui est la plus fréquente, de même que dans l’espace néerlandophone (« deeleconomie »). Les appellations d’économie « collaborative » ou « du partage » sont utilisées pour recouvrir des pratiques très diverses de production ou de consommation soutenues par des plateformes numériques, telles que des pratiques de re-circulation de biens (services de vente ou de don d’objets usagés), des pratiques d’optimisation de l’utilisation des biens durables (service de covoiturage, offres de logement, etc.), ou des pratiques d’échange de biens ou de services entre utilisateurs.

8Ce flou conceptuel trouve sans doute son origine dans la triple interaction entre discours militant, discours commercial et discours des observateurs à propos de ces pratiques. Dans un premier temps, des activistes et auteurs engagés rangent une série d’initiatives sous l’ombrelle de l’économie « collaborative » ou « du partage », cherchant davantage à promouvoir certaines valeurs qu’à décrire précisément un phénomène. Dans un second temps, ces catégories sont reprises par des entrepreneurs de l’économie numérique, qui ont tendance à se réclamer, de manière plus ou moins justifiée, de tel ou tel modèle afin de tirer parti des connotations positives qui y sont associées (un phénomène que certains ont qualifié de « sharewashing »  [5]). Enfin, ces associations conceptuelles sont reproduites par des journalistes et par des chercheurs qui, en cherchant à faire correspondre leur analyse avec le discours des acteurs, participent à leur tour à distendre les concepts existants  [6].

9Dans la littérature, les tentatives de définitions de l’économie collaborative ou du partage sont souvent prises entre deux écueils : soit chercher à préciser l’ensemble des dimensions associées à ces courants, au risque d’aboutir à une énumération de pratiques plutôt qu’une définition  [7], soit s’efforcer de garder un certain degré de généralité, au risque de formuler une définition trop vague pour être vraiment utile  [8]. Certains ne cachent d’ailleurs pas leur scepticisme à propos de la pertinence des concepts d’économie collaborative ou du partage. Ainsi, pour le journaliste Arthur de Grave, co-fondateur du think tank OuiShare, « l’économie collaborative est morte tout simplement parce qu’en tant que concept, elle a perdu toute puissance explicative »  [9].

10Dès lors, plutôt que de tenter de formuler une seule définition exhaustive permettant de couvrir l’ensemble des significations associées aux phénomènes envisagés, nous proposons de procéder par étapes et de démêler le champ en plusieurs notions. Nous tâcherons d’abord de formuler une définition purement fonctionnelle de la notion de « plateforme collaborative », afin de saisir les caractéristiques singulières du phénomène économique. Ensuite, nous proposerons trois définitions normatives reflétant les prétentions et conceptions normatives mises en avant par les acteurs (économie de la fonctionnalité, économie du don, économie « peer-to-peer »).

1.1. Définition fonctionnelle : l’économie des plateformes collaboratives

11Commençons par une description élémentaire du phénomène de l’économie des plateformes. Ce que les services associés à l’économie collaborative ou du partage ont en commun, c’est qu’ils fonctionnent tous à partir d’un site ou d’une application en ligne alimentée par ses utilisateurs, la « plateforme ».

12 La littérature économique a déjà recours depuis longtemps à la notion de « plateforme » dans le contexte des marchés dits bifaces ou multifaces  [10]. Dans un article classique, Jean Tirole et Jean-Charles Rochet définissent ces marchés multifaces comme des marchés où des plateformes permettent l’interaction entre utilisateurs finaux et qui sont caractérisés par des externalités de réseau croisées positives (plus les membres d’une catégorie d’utilisateurs sont nombreux, plus le surplus généré par les autres catégories est important)  [11].

13 Plus récemment, dans leurs efforts vers une réglementation de l’économie collaborative, les autorités publiques ont proposé diverses tentatives de définition des plateformes.

14 Dans sa communication « Les plateformes en ligne et le marché unique numérique », la Commission européenne ne se risque pas à donner une définition à proprement parler, mais elle suggère une série de caractéristiques intéressantes de la notion de « plateformes en ligne » : leur capacité à créer et à façonner de nouveaux marchés à partir de l’accumulation de données personnelles, le fait qu’elles opèrent dans des marchés multifaces, qu’elles bénéficient d’effets de réseau, ou qu’elles reposent souvent sur les technologies de l’information et de la communication  [12].

15 En France, la loi du 7 octobre 2016 qualifie d’« opérateur de plateforme en ligne » toute personne proposant « un service de communication au public en ligne reposant sur : 1° le classement ou le référencement, au moyen d’algorithmes informatiques, de contenus, de biens ou de services proposés ou mis en ligne par des tiers ; 2° ou la mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un contenu, d’un bien ou d’un service »  [13].

16 Il nous paraît important d’établir cette distinction entre les services de mise en relation tels qu’Uber ou Airbnb, et les moteurs de recherches et agrégateurs de contenu proposés par des tiers tels que Google Search, Google News, Expedia, Kelkoo, etc. Les plateformes de mise en relation exhibent des externalités réciproques entre les deux faces du marché (offreurs et consommateurs), car les deux catégories d’utilisateurs sont nécessaires au fonctionnement du service. Par contraste, dans le cas des moteurs de recherche ou agrégateurs, seule l’une des faces du marché (les utilisateurs) est nécessaire, alors que l’autre (les annonceurs) n’est pas indispensable au fonctionnement du service en lui-même, mais seulement à son financement. Dans le cas des plateformes de mise en relation, la structure biface n’est pas simplement un modèle d’affaires contingent (qui pourrait être remplacé par un autre mode de financement), elle est essentielle au fonctionnement du service  [14].

17 En outre, ces deux types d’acteurs relèvent de modèles économiques très différents, avec des implications différentes du point de vue de leur réglementation : ainsi, les moteurs de recherche et agrégateurs indexent généralement le contenu de leur propre initiative, et ne sont donc pas alimentés par les producteurs des contenus (qui ne sont donc pas des « utilisateurs », et n’ont donc pas de relation contractuelle avec le gestionnaire de la plateforme). Dès lors, contrairement aux services de mise en relation, leurs opérations ont peu de chance de soulever des enjeux spécifiques de droit du travail ou de droit de la sécurité sociale, pour ne citer que ces deux domaines.

18 Nous proposons donc de désigner spécifiquement ces services de mises en relation en utilisant l’expression « plateformes collaboratives », pour dénoter le fait que les utilisateurs collaborent au fonctionnement du service (même si ce n’est pas toujours une collaboration désintéressée)  [15]. Ce sont ces plateformes collaboratives qui nous intéresserons dans le présent Courrier hebdomadaire.

19 On pourrait définir les plateformes collaboratives comme des applications ou sites Internet permettant des interactions entre plusieurs catégories d’utilisateurs en vue de l’échange ou de la mise en commun d’informations, de biens ou de services, à titre commercial ou non  [16].

20 Ces plateformes peuvent être monétisées de diverses manières par leur gestionnaire, par exemple en prélevant une commission sur les transactions (Uber, Airbnb, La Ruche qui dit oui), en vendant des encarts publicitaires (Leboncoin), en offrant des services complémentaires payants (Homexchange, GuestoGuest), etc.  [17] Ces plateformes peuvent prendre la forme d’une simple place de marché ou « marketplace » (Craigslist, Ebay, Leboncoin, Adonner.be), ou bien d’un service intégré qu’elles structurent et définissent (Uber, Airbnb, etc.). Elles peuvent porter sur l’échange de biens ou de services, ou permettre le soutien ou l’investissement dans des initiatives entrepreneuriales ou citoyennes (Kickstarter, KissKissBankBank, Growfunding). Elles peuvent mettre en relation des particuliers entre eux (« consumer to consumer », C2C), ou des entreprises et des particuliers (« business to consumer », B2C).

21 Comme elles cherchent à susciter l’interaction entre leurs utilisateurs, les plateformes ont recours à d’importantes techniques de traitement de données : données sur les offres de biens et de service, afin de favoriser la rencontre de l’offre et de la demande, et données personnelles des utilisateurs (souvent par le biais d’un profil public), afin de favoriser la confiance entre les utilisateurs. Ces données personnelles constituent un actif essentiel pour le gestionnaire de la plateforme.

22 La définition que nous proposons ici est d’un intérêt essentiellement heuristique. En effet, nous ne prétendons pas qu’elle puisse être directement utilisable par le législateur. Remarquons d’ailleurs que la faisabilité et l’opportunité d’une définition générale de l’économie des plateformes est reçue avec scepticisme par certains commentateurs  [18] et par des répondants à une consultation de la Commission européenne sur les plateformes en ligne  [19], arguant qu’une telle définition générale pourrait s’avérer redondante avec la notion d’intermédiaires de services en ligne, ou qu’il serait préférable de réglementer ces services secteur par secteur. Nous laisserons cette question ouverte dans le cadre de cette étude.

1.2. Définitions normatives : trois conceptions distinctes dans le discours des acteurs

23Au-delà de cette notion élémentaire, les services de l’économie des plateformes diffèrent fortement, que ce soit du point de vue de leur mode de fonctionnement, des acteurs concernés ou, surtout, des objectifs poursuivis. En effet, le discours des promoteurs de l’économie des plateformes présente une forte dimension normative : l’économie des plateformes se décrit comme « collaborative » ou « du partage », car elle affirme tendre à rendre le monde meilleur. Parmi la variété des initiatives existantes, on relève au moins trois prétentions normatives récurrentes (même si elles ne sont pas nécessairement partagées par tous les acteurs) : la prétention à promouvoir une économie plus écologique, celle à promouvoir une économie retissant un lien social plus authentique, et celle à promouvoir une horizontalisation ou une démocratisation de l’organisation du travail  [20].

24 Toutefois, les expressions courantes d’« économie du partage » ou « économie collaborative » n’évoquent ces prétentions normatives que de manière partielle et ambiguë. Ainsi, le terme « partage » présente un double sens : un sens de « division », qui évoque l’objectif écologique, et un sens de « partage non marchand » qui évoque un objectif de solidarité interpersonnelle  [21]. De même, dans un certain sens, le terme « économie collaborative » évoque une idée d’égalité entre les collaborateurs et, dans un autre, il évoque simplement un fonctionnement décentralisé, où tous les utilisateurs « collaborent » à la réalisation d’un projet donné.

25 Plutôt que de tenter de sauver une terminologie particulièrement confuse, il nous paraît préférable de distinguer entre ces trois prétentions normatives avancées par les acteurs de l’économie des plateformes. Et ce d’autant qu’il n’est pas nécessaire de créer de nouveaux termes pour renvoyer à ces différentes approches, puisque chacune d’entre elles correspond assez bien à des conceptions qui existent déjà dans le débat public : l’économie de la fonctionnalité, l’économie du don et l’économie peer-to-peer [22].

1.2.1. Économie de la fonctionnalité (ou économie du partage de l’usage)

26La prétention normative la plus fréquente liée à l’économie des plateformes collaboratives est celle de contribuer positivement à une plus grande soutenabilité de nos modes de vie, en permettant une optimisation de l’utilisation des biens existants. C’est le premier sens du mot « partage » que nous avons identifié – le partage comme division –, présent dans le terme d’« autopartage » (en anglais, « car-sharing »). C’est également l’idée qui est au cœur de la notion de « consommation collaborative » mise en avant par Rachel Botsman et Roo Rogers dans leur influent essai What’s Mine is Yours [23].

27 Souvent reliée à la notion d’« économie circulaire »  [24], l’économie de la fonctionnalité peut se définir comme un modèle qui « optimise l’usage ou la fonction des biens et services, se concentre sur la gestion des richesses existantes, sous la forme de biens, de connaissances et de capital naturel. L’objectif économique en est de créer une valeur d’usage la plus élevée possible pendant le plus longtemps possible, tout en consommant le moins de ressources matérielles et d’énergie possible »  [25]. Bien sûr, la notion n’est pas spécifique à l’économie des plateformes : on peut considérer que des services de location de véhicules tels que Vélib, Villo, Cambio, etc. participent à l’idée d’économie de la fonctionnalité, même s’ils n’opèrent pas à partir d’une plateforme collaborative.

28 On peut ranger dans cette catégorie les services d’échange de biens entre voisins tels que Peerby  [26] ou les coopératives de prêt de biens utilitaires de seconde main telles qu’Usitoo  [27], qui se donnent pour objectif de réduire le gaspillage de ressources lié à la consommation de biens laissés inutilisés une majeure partie du temps  [28]. De même, des services de covoiturage comme Blablacar affichent clairement l’objectif de réduire l’impact écologique lié à l’usage de la voiture  [29]. Le cas d’Uber est plus douteux : l’entreprise californienne présente souvent ses activités comme du covoiturage  [30], bien qu’une bonne partie de ses services, tels qu’UberX et UberPop, ne présentent pas d’avantage écologique évident, s’apparentant davantage à des services de taxis ou de location de véhicule avec chauffeur. Cela est d’ailleurs confirmé par un arrêt de la cour d’appel de Paris, qui a qualifié de pratique commerciale trompeuse la présentation que fait Uber de son service UberPop comme un service de covoiturage entre particuliers, alors que le contrat signé avec les chauffeurs est un contrat entre professionnels  [31]. Seul le service UberPool (permettant de partager la course avec d’autres voyageurs) semble réellement susceptible de participer aux objectifs de l’économie de la fonctionnalité ; il n’est encore disponible que dans un nombre limité de grandes villes, et n’est pas encore présent en Belgique  [32].

29 En tout état de cause, l’impact écologique de ces services de l’économie de la fonctionnalité n’est pas sans ambiguïté, et il conviendrait de l’évaluer au cas par cas, en tenant compte de différents facteurs. Un premier facteur est l’effet de substitution. Si le covoiturage se substitue à l’usage de la voiture individuelle, l’impact écologique sera sans doute positif. Mais si les consommateurs le substituent à l’utilisation des transports en commun, l’impact sera vraisemblablement négatif. Un deuxième facteur est l’effet rebond. Si les gains réalisés par les utilisateurs des plateformes sont réinvestis dans une augmentation de leur niveau de consommation, cela pourrait conduire paradoxalement à un effet net positif sur leur empreinte écologique  [33]. Si les études sur les impacts de l’économie de la fonctionnalité sont encore rares, une étude menée par des chercheurs de l’Université de Berkeley portant sur les services de covoiturage UberPool et Lyft Line devrait permettre d’en savoir plus sur l’impact écologique de tels services  [34].

1.2.2. Économie du don

30Une autre prétention normative fréquente est celle de promouvoir une sphère économique qui soit moins impersonnelle, plus authentique, orientée vers le partage et l’entraide au sein d’une communauté.

31On pourrait rapprocher cet objectif de celui poursuivi par l’économie du don, qui vise à promouvoir une sphère économique fondée sur un lien de réciprocité différé, qui renouerait avec une qualité de contact humain ou une authenticité dans le lien social, qui feraient défaut aux transactions marchandes traditionnelles  [35]. Une plateforme comme Couchsurfing constitue un bon exemple de ce modèle, en fonctionnant sur la base d’une communauté d’utilisateurs partageant une certaine conception du voyage et un sens de l’hospitalité, qui offrent l’hébergement à titre gratuit, sans obligation de réciprocité immédiate, bien que reposant implicitement sur un principe implicite de réciprocité  [36]. De même, un service d’échange entre voisins comme Peerby (bien que présentant un volet commercial) se revendique clairement de l’objectif de renouer avec un esprit de communauté entre voisins et un lien social fort qui auraient disparu dans la vie urbaine moderne  [37].

32 Bien qu’Airbnb se réclame fréquemment de « l’économie du partage » dans un sens apparenté (évoquant, dans sa communication, la qualité du contact humain lié à l’hébergement chez l’habitant, la possibilité de faire de nouvelles rencontres, le sens de la communauté, etc.  [38]), sa nature exclusivement commerciale semble placer d’emblée cette plateforme en porte-à-faux avec l’objectif de l’économie du don. En effet, du point de vue de la qualité du lien social et des relations humaines, on peut se demander ce qui le différencie en principe des chambres d’hôtes et autres logements touristiques chez l’habitant, qui peuvent également se targuer d’offrir une expérience plus conviviale qu’un hôtel d’une grande chaîne. En outre, l’existence d’options permettant aux hôtes d’éviter de rencontrer leurs visiteurs, telles que la fonctionnalité « accueil 24h/24 », ou les services de sous-traitance de l’échange des clés comme Guestify  [39], constituent des raisons supplémentaires de douter qu’Airbnb soit forcément de nature à créer plus de lien social que d’autres services hôteliers existants.

1.2.3. Économie « peer-to-peer » ou économie coopérative

33Enfin, l’économie « collaborative » est souvent présentée comme une opportunité de démocratiser le travail, en horizontalisant des relations de production qui étaient auparavant organisées sur un mode hiérarchique dans l’entreprise traditionnelle  [40]. Qualifiée par certains de « démocratique par nature »  [41], l’économie collaborative est souvent associée avec l’idée d’une plus grande liberté pour les travailleurs. Selon R. Botsman, travailler dans l’économie collaborative se révèle plus intéressant qu’avoir un emploi salarié : « [Pour les chauffeurs Lyft] le contrôle sur leur emploi du temps, leurs tarifs et leur lieu de travail, en plus de la possibilité de décider des activités pour lesquelles ils sont doués et d’y prendre plaisir, surpasse les bénéfice d’un job traditionnel »  [42].

34 Pour désigner les modèles mettant en avant cette conception normative visant à l’horizontalisation et à la démocratisation de la production, il est sans doute préférable de se référer au concept d’économie peer-to-peer. Selon Michel Bauwens (P2P Foundation), l’économie peer-to-peer vise à promouvoir un modèle dans lequel la production est organisée par « la libre coopération entre égaux »  [43]. Les exemples emblématiques de cette conception normative sont l’encyclopédie collaborative Wikipedia ou le projet Debian, dont la gouvernance démocratique permet à tous les utilisateurs de participer à la prise de décision sur les règles de fonctionnement de la plateforme.

35 Par ailleurs, un autre repère important pour ceux qui partagent l’objectif de démocratiser le travail et la production est évidemment le mouvement des entreprises coopératives. Toutefois, il est intéressant de constater que, même parmi les promoteurs du modèle peer-to-peer, très peu de services de l’économie des plateformes remettent en cause la propriété de la plateforme elle-même.

36 Face à ce point aveugle de l’économie des plateformes, un courant émergent propose d’aller plus loin, en plaidant en faveur d’un « coopérativisme de plateforme », dans lequel la propriété de la plateforme serait détenue collectivement par l’ensemble de ses contributeurs  [44]. Alors que, jusqu’ici, peu de liens existent entre le monde des coopératives et celui de l’économie peer-to-peer, le mouvement Platform Cooperativism vise à les connecter, afin de tirer parti à la fois des modèles de gouvernance issus des coopératives et de l’envergure et la décentralisation que permettent les plateformes  [45].

37 Ainsi, parmi les plateformes de services locaux à la demande, la plateforme états-unienne Loconomics  [46] représente le pendant coopératif d’une plateforme comme Taskrabbit : en tant qu’entreprise coopérative détenue par ses travailleurs, Loconomics donne un droit de vote égal à ses coopérateurs pour sa gestion, et ses bénéfices sont soit réinvestis dans la croissance de l’entreprise soit redistribués aux coopérateurs.

38 De même, la plateforme allemande Fairmondo  [47] est une coopérative offrant une alternative à Ebay ou Amazon, en mettant à disposition une place de marché mettant en relation des acheteurs et vendeurs de biens d’occasion ou issus du commerce équitable. Gérée par ses coopérateurs et organisée sur un modèle d’intelligence collective appelé « holacratie », Fairmondo vise à exporter son modèle hors d’Allemagne en adoptant un modèle fédératif ayant pour but d’encourager la création de coopératives autonomes dans chaque pays. Une coopérative britannique a récemment été créée suivant ce modèle, dont la plateforme est encore en développement  [48].

39 Enfin, mentionnons encore la coopérative anversoise Tapazz, qui gère une plateforme de location de véhicules entre particuliers  [49]. Toutefois, si elle a bien le statut de société coopérative à responsabilité limitée, Tapazz s’écarte quelque peu du principe « un homme, une voix » prévalant souvent dans le mouvement des coopératives, en permettant une inégalité de voix à l’assemblée générale, sans qu’un associé ne puisse toutefois contrôler plus de 10 % des voix  [50].

1.2.4. Économie (capitaliste) de plateforme et « crowdsourcing »

40 À partir de cette triple typologie (économie de la fonctionnalité, économie du don, économie peer-to-peer), il paraît plus facile de cerner les revendications des différents acteurs afin ultimement d’évaluer dans quelle mesure ceux-ci tiennent leurs promesses (une tâche qui dépasserait largement le cadre de notre exposé).

41 Toutefois, il est évident que bon nombre de services de l’économie des plateformes ne peuvent aisément être rangés dans aucune des trois approches normatives que nous venons de distinguer, qu’ils s’en réclament ou non. Pour ces services (parfois désignés par l’expression de « capitalisme de plateforme »  [51]), le recours à l’économie des plateformes ne relève pas d’une démarche militante, mais plutôt d’une stratégie commerciale mettant en œuvre une forme de « crowdsourcing » (littéralement « sous-traitance par les foules ») : le fait pour une entreprise ou une organisation de confier la réalisation de certaines tâches à un grand nombre d’utilisateurs volontaires répondant à un appel d’offre flexible  [52]. Le parallèle avec la sous-traitance est lié au fait que, bien souvent, il s’agit de tâches normalement accomplies par des salariés ou des collaborateurs professionnels. Ultimement, c’est ce phénomène qui est à l’origine des tensions entre les acteurs de l’économie des plateformes et les entreprises traditionnelles de différents secteurs de l’économie, tels que celui des transports ou de l’hôtellerie.

42 Ce sont ces services à but lucratif de l’économie (capitaliste) des plateformes qui focalisent l’attention du public et des médias, sans doute en raison de leur croissance spectaculaire (ainsi, la valeur de marché d’Uber est aujourd’hui estimée à près de 40 milliards de dollars, contre 20 milliards de dollars pour Airbnb  [53]), qui les rend difficiles à ignorer tant pour le législateur que pour leurs concurrents de l’économie conventionnelle. Dans le cadre du présent Courrier hebdomadaire, nous nous concentrerons sur les deux plateformes capitalistes les plus populaires, à savoir Uber et Airbnb, eu égard au nombre des controverses, litiges et initiatives réglementaires qu’elles ont suscités.

2. Problématiques transversales

43 Comme l’économie des plateformes se décline dans un grand nombre de secteurs, il est difficile de discuter le phénomène sans entrer dans les spécificités de chacun d’entre eux. Toutefois, avant d’aborder les questions spécifiques relatives au cadre législatif en vigueur en Belgique et en Europe dans ces différents secteurs, il est utile d’aborder les problématiques transversales suscitées par l’économie des plateformes.

2.1. Contournement législatif

44D’un point de vue général, on peut dire qu’une des principales problématiques posées par l’économie des plateformes porte sur le contournement de la législation existante : les services de l’économie des plateformes se trouvent souvent dans une zone grise juridique, échappant dès lors assez largement aux réglementations en vigueur, qu’il s’agisse du droit du travail, du droit fiscal, du droit de la protection du consommateur, des réglementations sectorielles, ou encore du droit de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire (cf. infra).

45 Une explication à ce rapport difficile avec les réglementations en vigueur peut résider dans le caractère significativement innovant des modèles rendus possibles par l’économie des plateformes, qui se trouvent inévitablement en rupture avec une législation conçue pour des modèles économiques traditionnels dans lesquels opèrent des entreprises ou des professionnels. Une autre explication, moins charitable, soutient que le modèle économique de l’économie des plateformes repose précisément sur ce contournement législatif, et que le fonctionnement du service est donc conçu sciemment à cette fin  [54].

46 En tout état de cause, les startups de l’économie des plateformes adoptent souvent une attitude de résistance vis-à-vis des réglementations nationales et locales, voire parfois d’affrontement avec les autorités. Ce faisant, elles semblent suivre l’approche typique du secteur des nouvelles technologies, inaugurée par une entreprise comme Google  [55], que l’on pourrait résumer par l’adage « Mieux vaut demander pardon que demander la permission » (« Better to ask for forgiveness than permission »  [56]) : pour ces entreprises, mieux vaut entrer sur le marché d’abord, et laisser les autorités tester la légalité de son activité ensuite (et au besoin, faire bouger les lignes).

47Cette attitude défiante face à la réglementation en vigueur se lit assez bien dans la communication de certaines entreprises de l’économie des plateformes. Cherchant à peser sur le débat public concernant une nouvelle réglementation de ses services dans la ville de New York, Airbnb a suscité la polémique en diffusant une campagne publicitaire passive-agressive suggérant aux autorités de ne pas gaspiller dans des dépenses inutiles le montant des taxes hôtelières que la compagnie allait être contrainte de payer  [57]. Son chief executive officer (CEO, directeur général), Brian Chesky, a comparé la résistance d’Airbnb aux réglementations nationales et locales avec la résistance passive affichée par Gandhi à la domination britannique  [58]. Dans une « lettre ouverte à Rudi Vervoort » (ministre-président de la Région de Bruxelles-Capitale, PS), Uber a vivement critiqué une législation en vigueur à Bruxelles en matière de services de taxis et de location de véhicule avec chauffeur qui « freine le progrès » : « Un décret [sic] vieux de vingt ans [à savoir l’ordonnance bruxelloise du 27 avril 1995, cf. infra] maintient les prix élevés en empêchant la concurrence et en réduisant la liberté de choix du consommateur »  [59].

48Confrontées à ces nouvelles pratiques qui contournent ou défient la législation, les autorités peuvent recourir essentiellement à deux approches : le statu quo ou le sur mesure. Soit elles choisissent de privilégier le statu quo et de réaffirmer la légitimité de la réglementation existante, en renforçant les contrôles, en sanctionnant les contrevenants et en comblant d’éventuelles lacunes juridiques ; soit elles décident d’élaborer un régime juridique sur mesure pour l’économie des plateformes. Souvent, de tels régimes juridiques sur mesure ont pour objectif de simplifier les conditions d’opération de ces services par un allégement des formalités d’agrément, une harmonisation de leur statut fiscal, etc.

49Quelles raisons peuvent pousser les autorités à favoriser cette approche du sur mesure ? On peut en relever essentiellement deux. Soit les pratiques en cause présentent un caractère radicalement nouveau qui rendrait injustifiable le fait que leur soit appliqué le régime juridique en vigueur (un argument souvent invoqué par les représentants de l’économie des plateformes). Soit, en dépit du fait que l’on n’assiste pas à des pratiques significativement nouvelles et que la légitimité de la réglementation en vigueur reste entière, les modalités particulières des pratiques de l’économie des plateformes sont suffisamment différentes des services classiques pour qu’elles rendent la réglementation inopérante. Dans le premier cas, c’est l’objectif même de la réglementation qui est mis en cause ; dans le second, c’est seulement son applicabilité en pratique.

50 En ce sens, la question de savoir s’il y a lieu ou non de repenser la réglementation pour accueillir les pratiques de l’économie des plateformes ne peut pas faire l’impasse sur une évaluation de l’impact social de ces pratiques. Ainsi, une question que doivent se poser les autorités est de savoir si les services de l’économie des plateformes présentent réellement le potentiel de progrès écologique, social ou économique dont elles se revendiquent, et donc s’il y a lieu d’adapter la réglementation existante pour les encourager, ou si l’enjeu se limite à des questions d’applicabilité pratique de la réglementation  [60].

51 Lorsque l’on observe l’attitude des responsables politiques face aux entreprises de l’économie des plateformes, on remarque qu’ils alternent entre ces deux approches. D’une part, renforcer l’application de la réglementation existante face aux nouvelles pratiques par des contrôles visant à identifier les prestataires de services en défaut d’autorisation d’exploiter, par des inspections fiscales ciblées pour identifier les structures de fraude ou d’évasion fiscale, et ultimement par l’interdiction des services ne respectant pas la réglementation en vigueur  [61]. D’autre part, aménager les réglementations en vigueur, en créant un nouveau régime pour les pratiques de l’économie des plateformes, soit simplifié, soit strict. À titre d’exemples de régime simplifié, citons le décret flamand du 5 février 2016 supprimant toute autorisation préalable pour l’exploitation d’un hébergement touristique ou le régime fiscal favorable pour les revenus occasionnels rendus par l’intermédiaire de plateformes électroniques introduit par la loi-programme belge du 1er juillet 2016 (cf. infra). En guise d’illustrations de régime nouveau imposant des conditions strictes aux acteurs de l’économie des plateformes, mentionnons le nouveau régime bruxellois relatif à l’hébergement touristique découlant de l’ordonnance du 8 mai 2014 ou, en France, les limites d’exercices à l’activité des chauffeurs opérant pour des plateformes de transport comme Uber introduites par la loi du 1er octobre 2014 (cf. infra).

2.1.1. Droit du travail et droit de la sécurité sociale

Les contributeurs des plateformes : employés ou travailleurs indépendants ?

52Concernant le droit du travail et le droit de la sécurité sociale, une critique récurrente porte sur le statut des contributeurs de l’économie des plateformes. En effet, ceux-ci ne sont généralement pas considérés comme des employés par les opérateurs des plateformes, mais comme des « collaborateurs » ou des travailleurs indépendants. Or les travailleurs indépendants ne bénéficient pas d’une série de protections légales attachées au statut d’employé, comme le salaire minimum, la responsabilité juridique de l’employeur en cas d’accidents de travail, les protections contre le licenciement, la protection sociale  [62], etc.

53Cette qualification des contributeurs en tant qu’indépendants ne pose pas problème dans le cas de plateformes qui opèrent comme de simples places de marché : il est évident qu’un utilisateur qui revend un article d’occasion sur un site de vente en ligne, ou qui propose ses services sur un site de petites annonces, ne devient pas pour autant un employé des plateformes en question. Toutefois, on se retrouve vite confronté à des cas limites lorsque les services rendus par les contributeurs sont fortement structurés et encadrés par les gestionnaires de la plateforme, ou lorsque ceux-ci fixent les prix ou ont le pouvoir de sanctionner des contributeurs qui n’acceptent pas un travail ou qui ne donnent pas entièrement satisfaction.

54C’est pourquoi une controverse récurrente visant les plateformes collaboratives vise à savoir si leurs contributeurs ne seraient pas en fait confinés dans un statut de faux indépendants. L’enjeu du débat est évidemment de déterminer s’il convient de requalifier le statut de ces contributeurs en employés, avec les protections sociales que cela implique. Cette question fait l’objet d’un vif débat judiciaire aux États-Unis et dans d’autres pays, portant en particulier sur les conducteurs de la plateforme Uber (cf. infra). Selon certains, si une telle requalification devait advenir, une startup comme Uber serait dans l’incapacité de payer ses employés : d’après une estimation réalisée par le magazine Fortune, le surcoût en charges sociales pour Uber s’élèverait à un montant de 4,1 milliards de dollars  [63].

55Aux États-Unis, de nombreux litiges ont été entamés par des contributeurs d’Uber, visant à faire requalifier leur statut en un statut d’employé. Dans un premier temps, plusieurs décisions à portée individuelle ont effectivement abouti à la reconnaissance d’un statut d’employés à des conducteurs d’Uber. Tel est par exemple le cas d’une décision de l’auditeur du travail de Californie, motivée par le fait que la compagnie contrôle chaque aspect du service et se réserve le droit de désactiver le compte de la conductrice  [64]. Dans un second temps, deux « class actions »  [65] ont été intentées par des conducteurs Uber, l’une au Massachussetts  [66] et l’autre en Californie  [67]. En avril 2016, les parties sont parvenues à une proposition de transaction judiciaire, par laquelle les demandeurs renonceraient à la qualification d’employé en échange du paiement d’une indemnité de 84 millions de dollars et de quelques autres concessions comme davantage de transparence sur les décisions de désactivation et la promesse par la compagnie d’aider à la création d’une association représentative des conducteurs dans ces deux États  [68]. Cet accord de transaction a toutefois été rejeté par le juge, en raison du caractère inadéquat du montant de l’indemnité accordée, et il n’est pas sûr que les parties soient prêtes à revenir à la table de négociation  [69]. Toutefois, la question est encore loin d’être close puisque, entre-temps, deux nouvelles class actions ont été introduites, l’une concernant les conducteurs new-yorkais, l’autre visant à couvrir le reste du pays  [70]. Malgré tout, Uber a poursuivi son projet de création d’une association représentative des conducteurs dans la ville de New York  [71].

56 Dans sa communication de 2016 intitulée « Un agenda européen pour l’économie collaborative », la Commission européenne ne prend pas vraiment position sur cette problématique, rappelant qu’il revient aux États membres de trancher cette question en fonction de leur droit national  [72]. Elle renvoie néanmoins à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) sur les critères généraux de la définition de la notion de travailleur (lien de subordination, nature du travail, rémunération).

57En France, l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) d’Île-de-France a décidé de requalifier le statut des chauffeurs Uber en tant que salariés, et a intenté une procédure contre Uber devant le tribunal des affaires de sécurité sociale visant au recouvrement des cotisations sociales correspondantes  [73], ainsi qu’une plainte au pénal pour travail dissimulé  [74]. L’URSSAF considère en effet qu’il est possible d’établir l’existence d’un lien de subordination entre les conducteurs et l’entreprise Uber, qui soutiendrait une qualification des conducteurs comme salariés  [75].

58Au Royaume-Uni, une récente décision du tribunal du travail (employment tribunal) de Londres a décidé de requalifier le statut des conducteurs Uber comme « travailleurs » (workers) plutôt que comme indépendants (cf. infra)  [76]. Le tribunal considère en effet que l’étendue des « fictions, du langage détourné, et des néologismes »  [77] mobilisés par Uber dans ses documents juridiques justifie un certain scepticisme, et que les termes du contrat entre Uber et les conducteurs ne correspondent pas à la réalité de la relation de travail  [78]. Parmi les raisons déterminantes pour considérer que ce sont les conducteurs qui travaillent pour Uber, et non l’inverse, le tribunal met en évidence le fait qu’Uber recrute les conducteurs à la suite d’une entrevue personnelle, qu’Uber fixe un tarif maximum, détermine le trajet (formellement à titre indicatif, mais en pratique tout autre trajet expose le conducteur à des pénalités), le fait que le système d’évaluations s’assimile à une procédure de gestion de la performance soutenue par des sanctions disciplinaires, ou encore le fait qu’Uber possède le monopole des informations personnelles des passagers  [79]. Certes, le tribunal londonien admet que les conducteurs n’ont aucune obligation d’activer l’application Uber (pas de sanction en cas de compte dormant). Mais il considère – par un raisonnement pour le moins audacieux – que lorsqu’ils activent l’application Uber, ils sont soumis au contrôle et au pouvoir de sanction d’Uber, et doivent donc être considérés comme dans une relation contractuelle de travailleurs pour le compte de la compagnie. Cette décision ouvre la porte à ce que les conducteurs bénéficient de la protection du salaire minimum ou de congés payés, dans des modalités encore à préciser  [80].

59En Belgique, le secrétaire d’État à la Lutte contre la fraude sociale du gouvernement fédéral Michel (N-VA/MR/CD&V/Open VLD), Bart Tommelein (Open VLD), a annoncé en novembre 2015 que, suivant en cela une étude de l’Office national de sécurité sociale (ONSS), ses services considéraient les chauffeurs Uber comme des travailleurs indépendants  [81]. Cette interprétation n’a pas encore été testée en justice, aucune décision judiciaire n’ayant été rendue sur la question. L’Union belge du transport (UBT), centrale professionnelle des transports de la FGTB, a annoncé avoir déposé plainte contre Uber auprès de l’auditorat du travail pour recours à des faux indépendants, mais aucune décision n’a encore été rendue à ce moment  [82].

60En droit belge, l’existence d’une relation d’emploi salarié suppose la démonstration d’un lien de subordination. La loi-programme du 27 décembre 2006 fixe les critères généraux permettant d’apprécier l’existence d’un tel lien de subordination : la volonté des parties exprimée dans la convention (pour autant qu’elle corresponde à l’exercice effectif de la relation de travail), la liberté d’organisation du temps de travail, la liberté d’organisation du travail et la possibilité d’exercer un contrôle hiérarchique  [83].

61Dans le cas d’Uber, s’il est possible de trouver des éléments indiquant l’existence d’un contrôle hiérarchique (évaluations, sanctions, conditions de recrutement), ainsi que de limitations à la liberté d’organisation du travail (fixation des prix maximums, fixation du trajet), le point le plus difficile est celui de l’organisation du temps de travail. En principe, le conducteur est libre d’activer ou non l’application ; il peut donc décider à tout moment de ses périodes de travail. Il n’est pas clair si l’obligation d’accepter des courses lorsque l’application est activée constitue une limitation de la liberté d’organisation du temps de travail, ou simplement l’exercice du pouvoir de contrôle d’Uber lorsque le conducteur décide de travailler. Il n’est donc pas évident que, au regard du droit belge, les conducteurs Uber soient assimilables à des travailleurs salariés.

62 Toutefois, si l’on applique ce raisonnement aux services de livraison de repas tels que Deliveroo et Uber Eats (qui considèrent également leurs livreurs comme des indépendants), la question paraît plus aisée à trancher. En effet, non seulement ces services imposent des conditions relatives à l’organisation du travail des livreurs (uniformes, mise à disposition de matériel), mais ils imposent généralement le respect d’un horaire de travail en rotation prédéterminé (les « shifts »  [84]). Le cas de ces services de livraison semble donc constituer un terrain plus propice pour une éventuelle requalification de la relation de travail. Toutefois, la situation en Belgique est encore plus complexe, étant donné le protocole d’accord  [85] conclu en mai 2016 entre SMart (coopérative visant à offrir une sécurité juridique et financière aux travailleurs « autonomes » ou intermittents)  [86] et certaines entreprises comme Deliveroo ou Take Eat Easy (qui a depuis lors cessé ses activités)  [87]. En vertu de cet accord, les travailleurs de ces plateformes peuvent conclure un contrat de travail avec Smart et bénéficier dès lors des protections dont jouissent les salariés : revenu mensuel minimum garanti, remboursement des frais professionnels, assurance « accidents de travail », etc. Les travailleurs qui n’optent pas pour ce régime sont considérés comme indépendants  [88], avec toutes les difficultés que cette qualification est susceptible de poser.

Une précarisation du travail ?

63Mais même dans le cas où l’on n’aurait pas affaire à une construction juridique frauduleuse et que le statut d’indépendant ne ferait pas de doute, ne reste-t-il pas de bonnes raisons d’objecter à l’impact de l’économie des plateformes collaboratives, en raison du risque de précarisation des conditions de travail qu’elle induit  [89] ?

64Avant de parler de précarisation du travail, il faut distinguer entre trois cas de figure. Dans un premier cas, on peut avoir affaire à des secteurs faisant déjà majoritairement appel à des travailleurs indépendants, comme c’est généralement le cas du secteur des taxis dans de nombreux États de l’Union européenne  [90]. Dans ce cas, pour savoir s’il existe un risque de précarisation du travail par rapport aux conditions prévalant généralement dans ce secteur, il convient de comparer les conditions des contributeurs des plateformes avec celles des indépendants, et non des salariés. Dans un deuxième cas de figure, il est également possible que les plateformes créent de nouveaux marchés ou formalisent des secteurs qui relevaient auparavant largement de l’économie informelle (baby-sitting  [91], aides ménagères  [92], etc.). Si, dans ce cas, il paraît difficile de parler de « précarisation » d’emplois qui n’existaient pas auparavant (du moins, formellement), on pourrait toutefois considérer que ceux-ci ne correspondent pas aux conditions minimales d’un emploi décent. Enfin, un troisième cas de figure est celui où les plateformes émergent dans des marchés existants où les travailleurs ont généralement un statut de salariés. Dans ce cas, il est possible que la concurrence exercée par les plateformes soit de nature à induire un alignement du statut des travailleurs vers celui des contributeurs des plateformes : soit parce que les entreprises traditionnelles sont évincées par les plateformes, soit parce qu’elles sont conduites à repenser leur mode de fonctionnement en substituant une partie de leurs salariés par des travailleurs indépendants. Si tel est le cas, il est alors possible que les plateformes contribuent à une précarisation du travail.

65Cette évaluation d’une éventuelle précarisation du travail suppose bien entendu une définition de ce que constitue un « emploi précaire ». En suivant le modèle adopté par une étude du SPF Emploi, Travail et Concertation sociale, on peut mettre en évidence une situation d’emploi précaire à partir d’une série d’indicateurs  [93] : (in)stabilité de l’emploi, (in)décence du revenu, opportunité d’employabilité, temps de travail intensif ou inhabituel, relations collectives formelles.

(In)stabilité de l’emploi

66Dans le cas des contributeurs des plateformes, la stabilité de l’emploi est bien sûr incomparable à celle résultant d’un contrat de travail. Toutefois, si l’on compare leur situation à celle de travailleurs indépendants, leur situation est ambiguë. S’ils ont certes accès à une clientèle potentiellement plus vaste que celle d’un indépendant opérant de manière traditionnelle (ce qui constitue un facteur de stabilité de l’emploi), ils sont en revanche dépendants de la plateforme pour accéder à cette clientèle, ce qui constitue au contraire un facteur d’instabilité supplémentaire : ils sont vulnérables à la possibilité d’une décision de bannissement (« désactivation ») par l’opérateur de la plateforme, en raison d’évaluations insuffisantes ou de non-respect des conditions générales imposées par la plateforme.

(In)décence du revenu

67La question de la rémunération des travailleurs des plateformes varie bien entendu largement d’une plateforme à l’autre. Il est néanmoins possible de pointer certaines tendances générales.

68En ce qui concerne les plateformes de services, un facteur déterminant pour le niveau de la rémunération est le niveau de concurrence entre les prestataires. Ainsi, d’une part, les prestataires hautement qualifiés gagnent plus que les prestataires faiblement qualifiés, et, d’autre part, les prestataires de services physiques/locaux sont également mieux rémunérés que les prestataires de services virtuels : alors que l’offre est forcément limitée au marché local pour les services physiques ou locaux, le marché des services virtuels est global (comme les micro-tâches assurées sur Amazon Mechanical Turk) et les travailleurs européens y sont mis en concurrence avec des travailleurs de pays où la main-d’œuvre est bien meilleur marché, tels que l’Inde  [94]. Toutefois, il convient de noter que la pression due à la concurrence internationale est moins grande que ce que l’on pourrait attendre, et les travailleurs domestiques gagnent toujours davantage que les travailleurs étrangers et sont parfois préférés à ceux-ci, indépendamment de leurs qualifications  [95].

69Enfin, la comparaison entre la rémunération des contributeurs des plateformes et les travailleurs traditionnels est assez délicate. Une étude des statistiques de la plateforme Listminut relève que le revenu horaire médian brut des contributeurs des plateformes est en général plus élevé que celui de leurs équivalents « hors ligne » pour la plupart des catégories d’activité  [96]. Toutefois, ce genre de comparaison est difficile. D’une part, les indépendants doivent prendre en charge des frais professionnels couverts par l’employeur dans le cas des salariés. D’autre part, sur certaines plateformes, la demande n’est pas suffisamment forte pour leur permettre d’en faire une occupation à temps plein  [97].

70 D’après une étude réalisée aux États-Unis par la banque JP Morgan Chase, pour une très grande majorité des contributeurs, les revenus des plateformes collaboratives ne constituent qu’une source de revenus complémentaire, s’élevant à moins de 25 % de leurs revenus totaux  [98]. De plus, cette étude note que la part des revenus des plateformes dans le revenu total des contributeurs varie significativement entre les « plateformes de travail » (qui permettent à des travailleurs de louer leurs services, par exemple Uber, Listminut ou Taskrabbit) et les « plateformes de capital » (permettant la vente ou la location de biens, comme Airbnb ou Ebay) : les plateformes de travail semblent constituer une part plus importante du revenu total de leurs contributeurs (33 %) que les plateformes de capital (20 %)  [99]. En outre, le revenu médian des contributeurs des plateformes de travail (2 514 dollars) se situe en dessous non seulement du revenu médian des contributeurs des plateformes de capital (3 218 dollars), mais également en dessous de celui de l’échantillon total de la population états-unienne (2 837 dollars)  [100]. Par ailleurs, le revenu des plateformes constitutives constitue un substitut aux autres revenus pour les contributeurs des plateformes de travail, alors qu’il constitue généralement un supplément pour les contributeurs des plateformes de capital  [101]. L’économie des plateformes semble donc de nature à renforcer les inégalités économiques existantes, en permettant aux personnes les plus aisées d’obtenir un petit complément pour rentabiliser leurs biens, alors qu’elles permettent seulement aux travailleurs les moins aisés de compenser la faiblesse de leurs revenus.

Opportunités d’employabilité

71Peut-on dire qu’une activité de contributeur de l’économie des plateformes offre de bonnes opportunités de carrière ou d’employabilité ? Notons d’abord qu’une telle occupation n’offre pas d’opportunité particulière de formation ; les travailleurs ne peuvent même pas apprendre les uns des autres, puisque les plateformes ne les mettent pratiquement en contact qu’avec des clients. Tout au plus peut-on dire que l’autonomie développée lors de la réalisation de la prestation couverte par la plateforme pourra être mobilisée dans des projets futurs. Mais là encore, il convient de distinguer entre les plateformes qui laissent au travailleur une large autonomie pour la réalisation de leur prestation, et celles qui structurent et surveillent la réalisation de la prestation elle-même. Ainsi, si le tenancier d’une chambre d’hôtes sur Airbnb jouit d’une assez large latitude pour décider de la façon dont il organise son activité et la gamme de services qu’il souhaite offrir, un conducteur travaillant pour Uber ou un livreur prestant pour Deliveroo sont tous deux tenus d’effectuer une prestation définie dans les détails et dont la réalisation est généralement mesurée en temps réel par l’application. Dans ce second cas, on ne peut que partager le scepticisme du juge du tribunal du travail de Londres face à l’argument selon lequel Uber « assiste les conducteurs à faire croître leur business » : « Aucun conducteur n’est en position de faire quoi que ce soit de ce genre, à moins que faire croître son business signifie simplement passer plus d’heures au volant »  [102].

72 En outre, une autre limite à l’employabilité des contributeurs des plateformes se situe dans le monopole de la plateforme sur les données personnelles de la clientèle. Non seulement les opérateurs des plateformes ne communiquent souvent que le prénom des clients à leurs prestataires, mais elles découragent en outre ceux-ci de chercher à les obtenir  [103]. Même si ce monopole n’est pas incontournable (notamment dans le cas de services répétés et géographiquement localisés)  [104], il limite de manière non négligeable la possibilité pour les contributeurs de se bâtir une clientèle pour se mettre à leur propre compte.

Temps de travail intensifs ou inhabituels

73La question du caractère intensif ou inhabituel du temps de travail ne se pose bien sûr pas de la même manière que dans le cas des travailleurs salariés. D’un côté, les travailleurs des plateformes jouissent généralement d’une grande liberté d’organisation de leur temps de travail (soumise parfois à des contraintes liées au travail en rotation  [105]) ; ils ne sont donc pas formellement contraints à assumer des horaires de travail intensifs ou inhabituels. D’un autre côté, cette assez grande liberté implique l’absence de limites légales ou de compensation pour le nombre d’heures supplémentaires ou les horaires inhabituels. La question de la précarité induite par les horaires de travail dépend du niveau de rémunération offert par la plateforme, ainsi que de la situation de nécessité dans laquelle se trouvent les contributeurs.

Relations collectives formelles

74Existe-t-il des structures collectives formelles de négociation et de participation, permettant de résoudre les problèmes individuels auxquels sont confrontés les travailleurs ? Dans le cas de l’économie des plateformes, ces structures sont généralement absentes : la plupart du temps, non seulement les décisions collectives (fixation des tarifs, conditions de travail) et individuelles (sanctions à l’égard d’un contributeur) sont prises sans la participation d’aucun représentant des travailleurs de la plateforme mais, en outre, les travailleurs n’ont aucune relation entre eux et peuvent donc difficilement s’organiser et se syndiquer.

75Notons toutefois l’intéressante initiative de création d’une association représentative des travailleurs issue de l’accord entre Uber et un syndicat new yorkais : l’International Association of Machinists and Aerospace Workers (IAM). Cette association, l’Independent Drivers Guild (IDG), permet depuis peu aux chauffeurs Uber de la ville de New York de faire appel de certaines décisions de désactivation auprès d’un panel de chauffeurs choisis par Uber et l’IDG  [106]. Toutefois, le mécanisme exclut toute possibilité d’appel pour les désactivations liées à une mauvaise évaluation par les clients, ce qui limite très fort son intérêt  [107]. En outre, l’IDG ne constitue pas un syndicat à proprement parler : il ne peut pas engager de négociations collectives de travail  [108], et il s’est engagé à ne pas organiser de grèves et à ne pas essayer de se constituer en syndicat pour une période de cinq ans  [109]. Enfin, si certains considèrent l’IDG comme un premier pas vers une représentation des conducteurs d’Uber, des critiques pointent le manque d’indépendance de l’IDG vis-à-vis d’Uber et estiment que l’IDG sert essentiellement de cache-misère à la compagnie californienne  [110].

76 On peut néanmoins reconnaître que si les relations entre les opérateurs et les contributeurs des plateformes sont généralement réduites à un minimum, c’est aussi parce que l’organisation du travail est largement laissée au libre choix des seconds. Leur autonomie est toutefois moins grande que dans le cas de (véritables) travailleurs indépendants, puisque les contributeurs des plateformes ne peuvent agir que dans les limites de la conception du service structuré par la plateforme  [111] ou des « conditions générales » s’imposant à eux par contrat.

Des entrepreneurs sans contrôle sur leur e-réputation ?

77Une autre critique récurrente adressée à l’économie des plateformes du point de vue du droit du travail porte sur la maîtrise par les contributeurs des plateformes de leur e-réputation, indispensable pour attirer une clientèle  [112]. La plupart du temps, les évaluations réalisées par les utilisateurs restent irrémédiablement attachées à la plateforme, sans possibilité pour le travailleur de les emporter avec lui. En cas de clôture de son compte par l’opérateur de la plateforme, ou de décision du collaborateur d’établir son activité sur une autre plateforme, le travailleur perd donc irrémédiablement cet important capital « réputationnel »  [113]. À cet égard, on peut considérer que le statut des contributeurs des plateformes est plus précaire que le statut d’indépendant : les commerçants, par exemple, ont davantage de contrôle sur leur réputation, dans la mesure où celle-ci est attachée à des éléments du fonds de commerce comme l’enseigne ou l’achalandage. Dans le cas d’un contributeur opérant exclusivement sur une plateforme en ligne, l’accès à la clientèle dépend de son accès à la plateforme.

Une procédure d’évaluation envahissante ?

78La généralisation de l’évaluation de la qualité du service par un système de réputation est un des apports les plus originaux de l’économie des plateformes. Il est d’ailleurs plausible que ce genre de système d’évaluation constitue un facteur de succès de l’économie des plateformes dans des secteurs n’ayant pas une culture du service très élaborée. Il importe toutefois de tracer un équilibre entre évaluation légitime de la qualité du service et conditions de travail des contributeurs des plateformes.

79 En effet, certains considèrent que ces procédures d’évaluation introduisent une présence envahissante des clients dans les chaînes de valeur, suscitant une pression de nature à nuire aux conditions de travail  [114]. Lorsque les contributeurs sont placés au cœur d’un dispositif d’évaluation omniprésent opéré par les clients, ce sont alors les clients qui font office de managers  [115]. Et l’on peut rapidement aboutir à une pression à la performance difficilement soutenable, dès lors qu’un niveau d’évaluation trop bas peut conduire à une « désactivation », sans qu’il existe d’intermédiaire pouvant faire office de tampon entre le client et le prestataire, en séparant les plaintes déraisonnables des récriminations justifiées.

80 Ce phénomène est particulièrement problématique lorsque, en outre, la plateforme applique des standards de qualité très stricts et sanctionne les contributeurs qui n’atteignent pas ces standards. Ainsi, Uber permet aux utilisateurs d’évaluer leurs conducteurs en leur attribuant une note entre 1 et 5 « étoiles ». Sur son site, Uber indique que si la moyenne des notes obtenues par un conducteur se trouve en dessous de 4,5 sur 5, celui-ci n’est « pas au niveau des standards de qualité » attendus et « cela pose problème »  [116]. Certaines sources indiquent même que des conducteurs peuvent être bannis de la plateforme (« désactivés ») si leur note tombe en dessous de 4,6 voire 4,7  [117]. Dès lors, toute note en deçà de la note maximale peut conduire un chauffeur Uber sur le chemin de la désactivation, ce qui induit une pression constante à la perfection du service, qui peut être une importante source de stress pour le conducteur  [118].

2.1.2. Droit de la protection du consommateur

81En général, l’économie des plateformes représente une aubaine considérable pour le consommateur : baisse des prix, possibilités accrues d’évaluer le service, possibilité d’obtenir un complément de revenu ou de financer les frais liés à des biens laissés inutilisés, etc.

82En dépit de tous ces avantages, les services de l’économie des plateformes peuvent néanmoins présenter un recul du point de vue de la protection du consommateur : vu l’incertitude fréquente sur l’applicabilité des réglementations sectorielles aux services de l’économie des plateformes, le consommateur n’est pas nécessairement assuré que le service offert répond aux normes de sécurité minimales (sécurité alimentaire, sûreté des véhicules automobiles, sécurité incendie) ni que leur prestataire n’est pas une personne dangereuse ou malveillante. Si certaines plateformes imposent elles-mêmes certains contrôles de sécurité à leurs contributeurs (par exemple, Uber vérifie le permis de conduire de ses chauffeurs ainsi que l’assurance du véhicule), d’autres plateformes n’imposent aucun contrôle du service rendu par leurs contributeurs, se contentant de renvoyer aux obligations prévues par leurs conditions générales.

83À cela, les enthousiastes de l’économie des plateformes répondent que les plateformes mettent en place des systèmes d’e-réputation (commentaires, profils personnels, etc.) permettant aux consommateurs de choisir un offreur en qui ils ont confiance, et de s’éviter ainsi de mauvaises expériences.

84On peut toutefois émettre des doutes sur l’efficacité de ces plateformes pour évaluer de manière préventive la dangerosité de certains biens immobiliers ou de certaines personnes. En outre, d’aucuns émettent l’hypothèse que les systèmes d’e-réputation de certaines plateformes pourraient présenter un biais en faveur des commentaires positifs  [119] : une étude récente montre que les évaluations de certains logements présents à la fois sur Airbnb et sur Tripadvisor diffèrent drastiquement selon les plateformes, et que la moyenne des évaluations sur Airbnb (4,7 sur 5) est largement supérieure à la moyenne des évaluations des hôtels et logements sur Tripadvisor  [120]. Ces éléments sont de nature à interroger la fiabilité de ces systèmes d’e-réputation  [121].

85Une autre réponse consiste à dire qu’il est déraisonnable d’imposer aux fournisseurs de services occasionnels ou opérant à petite échelle les mêmes normes de sécurité que celles prévalant pour les acteurs professionnels. Comme le note Arun Sundararajan, la sécurité parfaite est une chimère, et il faut reconnaître que les réglementations en vigueur sont déjà le résultat d’un compromis entre la protection du consommateur et le coût des contrôles tant pour les fournisseurs de services que pour les autorités publiques  [122]. Ainsi, les contrôles des établissements horeca n’ont lieu qu’occasionnellement, et résultent en principe d’un calcul coût-bénéfice entre le risque d’accident ou de contamination et les coûts d’inspection. Dans le même sens, les cercles privés ou familiaux sont généralement exemptés des obligations prévues pour les opérateurs actifs dans la chaîne alimentaire. Ainsi, en Belgique, organiser un souper entre amis, famille ou voisins ne nécessite pas la demande d’une autorisation préalable par l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire (AFSCA). La logique d’une telle exemption pourrait trouver à s’appliquer également à certains acteurs de l’économie des plateformes.

86Ici encore, il convient de trouver de nouveaux moyens de tracer une frontière entre les petits et les gros acteurs, ceux qui peuvent opérer sous un régime plus léger et ceux qui doivent s’astreindre aux mêmes obligations que les acteurs professionnels. Le brouillage entre amateurs et professionnels opéré par l’économie des plateformes ne doit ni résulter en un étouffement réglementaire des prestataires occasionnels et à petite échelle, ni être une occasion de diminuer le niveau des normes de sécurité attendu de la part de professionnels opérant à échelle commerciale.

87En outre, plutôt que d’imposer des obligations réglementaires (autorisation préalable, contrôles de sécurité, etc.) pesant directement sur les contributeurs, il est également possible d’inciter les opérateurs des plateformes à mettre en place des systèmes d’autorégulation visant à assurer un certain niveau de protection des consommateurs des plateformes, voire de leur imposer de le faire. C’est notamment la solution adoptée par les autorités californiennes, en imposant aux opérateurs de plateformes de transport (Uber, Lyft, Sidecar, etc.) la responsabilité de contrôler que leurs chauffeurs sont en conformité avec les normes réglementaires  [123]. En tirant parti de la place centrale des opérateurs des plateformes, les autorités ont vraisemblablement un moyen plus efficient d’assurer la protection des consommateurs qu’en opérant elles-mêmes des contrôles individuels des contributeurs.

2.1.3. Droit fiscal

88L’économie des plateformes peut également poser un risque accru de contournement législatif en matière fiscale, pour des raisons touchant aux opérateurs des plateformes, d’une part, et aux contributeurs, d’autre part.

89 Premièrement, l’économie des plateformes accentue les risques d’évasion fiscale en permettant à des multinationales d’acquérir une part de marché importante, voire parfois dominante, dans des secteurs jusque-là contrôlés par des compagnies nationales. Or, les entreprises multinationales adoptent souvent des structures complexes leur permettant d’échapper à l’impôt. Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les mécanismes d’érosion de base fiscale et de transfert de bénéfice (base evasion and profit shifting, BEPS) seraient responsables d’un manque à gagner annuel d’un montant allant de 100 à 240 milliards de dollars à l’échelle mondiale  [124]. Ce risque prévaut particulièrement dans le secteur technologique, en raison de la dématérialisation des activités et des possibilités accrues pour les compagnies de répartir leur organisation entre une multiplicité de juridictions nationales  [125]. Le plan d’action BEPS initié par l’OCDE vise notamment à proposer des mesures aux États pour lutter contre ces phénomènes.

90Le magazine Fortune a récemment enquêté sur le montage fiscal complexe réalisé par Uber  [126]. La maison mère, Uber Technologies Inc., est une entreprise établie au Delaware qui possède plus d’une centaine de filiales à travers le monde. Le cœur de la construction mise en œuvre par Uber repose sur une structure dite « CV-BV » parfois appelée « sandwich néerlandais », autorisée par le droit néerlandais, faisant intervenir deux sociétés, l’une établie aux Pays-Bas (en l’occurrence, Uber International B.V.) et l’autre établie aux Bermudes (Uber International C.V.). Cette structure permet de faire échapper une large part des profits réalisés par Uber à toute imposition nationale, tant de la part des Pays-Bas que des États-Unis, chaque État étant amené à présumer que les impôts sont dus dans l’autre juridiction  [127]. D’une manière similaire, Airbnb est liée à une structure complexe de filiales nationales chapeautées par une holding établie au Delaware et organisant un transfert de bénéfice via une filiale irlandaise et deux filiales établies à Jersey  [128].

91Deuxièmement, l’économie des plateformes peut également poser problème du point de vue des possibilités d’évasion ou de fraude fiscale pour les contributeurs de l’économie des plateformes  [129]. Si le travail non déclaré existait bien entendu avant l’apparition des plateformes, celles-ci présentent une aubaine pour l’économie souterraine, en permettant le même accès au marché et une efficacité comparable à celle des professionnels du secteur. Toutefois, l’utilisation des plateformes est à double tranchant pour les acteurs de l’économie souterraine, puisque leur présence sur des plateformes centralisées et reposant généralement sur des moyens de paiement électroniques contribue également à rendre plus visibles les offres illégales, ou du moins à en faciliter le contrôle par l’administration fiscale. En ce sens, l’économie des plateformes représenterait un bénéfice significatif, en facilitant la lutte contre l’économie souterraine  [130].

92 C’est la raison pour laquelle les autorités exigent souvent des plateformes qu’elles leur communiquent un certain nombre de données personnelles sur leurs utilisateurs, afin de faciliter la lutte contre la fraude fiscale. Devant les questions de respect de la vie privée que pose une telle communication, les autorités de la ville de New York sont parvenues à un accord de compromis avec la société Airbnb : celle-ci s’est engagée à fournir des données anonymisées aux autorités judiciaires, afin de leur permettre de cibler des utilisateurs particuliers dont les données complètes pourraient faire l’objet d’une injonction  [131]. En outre, dans un certain nombre de grandes villes, Airbnb a conclu des accords avec les autorités locales afin de collecter elle-même les taxes de séjour, pour les reverser ensuite aux autorités (cf. infra).

2.2. Régimes d’assurance

93La question de la couverture assurance des prestataires et des clients de l’économie des plateformes peut poser problème lorsque les services ne sont pas soumis à un régime d’assurance obligatoire, ou lorsque le prestataire se contente d’une assurance responsabilité civile classique ne couvrant pas d’éventuelles activités commerciales. Dans la controverse opposant Uber au secteur des taxis, certains ont évoqué la question d’un risque couru par les passagers en raison d’une « absence d’assurance adéquate »  [132].

94Toutefois, outre que les prestataires sont tenus de respecter les régimes d’assurance obligatoire dans leur domaine d’activité, on remarquera que les principales plateformes fournissent déjà une couverture assurance de base à leurs prestataires, sans doute par souci de ne pas entacher leur réputation par de fâcheux faits divers impliquant des prestataires en défaut d’assurance. Ainsi, Uber demande à ses nouveaux chauffeurs de fournir une copie de leur contrat d’assurance  [133]. En tout état de cause, la réglementation pour les services de location de véhicule avec chauffeur (LVC) comporte déjà une assurance obligatoire (cf. infra). Alors que, aux États-Unis, Uber offre une couverture assurance à tous ses chauffeurs  [134], il n’est pas clair qu’un tel programme existe en Europe  [135]. Quant à Airbnb, elle offre à ses loueurs deux programmes d’assurance : une assurance du bien loué en cas de dommage causé par le locataire (host guarantee) et une assurance responsabilité civile pour couvrir l’action en réparation intentée par le locataire pour un dommage subi en raison de son séjour dans le bien loué (host protection insurance). Toutefois, si les conditions générales de la host guarantee sont disponibles en ligne  [136], les conditions générales de la host protection insurance n’ont pas été rendues publiques par Airbnb  [137].

2.3. Droit de la concurrence

95L’économie des plateformes pose de nombreuses questions en termes de droit de la concurrence, comme celle de déterminer si les entreprises de l’économie des plateformes pratiquent une forme de concurrence déloyale, celle de savoir si le marché de l’économie des plateformes est caractérisé par une dynamique « winner takes all », celle de définir le marché pertinent pour l’application du droit de la concurrence, ou encore celle d’une éventuelle fixation des prix par les acteurs de l’économie des plateformes.

2.3.1. Une concurrence déloyale ?

96Le premier enjeu de droit de la concurrence découle de la problématique de contournement législatif que nous venons d’évoquer. Ainsi, les services de l’économie des plateformes sont fréquemment accusés, par les acteurs traditionnels établis dans le secteur, de concurrence déloyale en raison de leur non-respect de la réglementation en vigueur. L’argument consiste à dire que les acteurs traditionnels (compagnies de taxis, chaînes hôtelières, etc.) doivent supporter les coûts liés au respect de la réglementation sectorielle qui leur est imposée, alors que les nouveaux acteurs de l’économie des plateformes y échappent en tout ou partie.

97 En effet, le non-respect de la réglementation applicable constitue généralement une pratique de marché déloyale, au sens de l’article VI.104 du code belge de droit économique  [138]. C’est d’ailleurs pour ce motif qu’un juge des cessations bruxellois a condamné Uber dans le litige l’opposant à l’opérateur des Taxis verts (cf. infra). Toute la question sera, de lege lata, de savoir si telle ou telle réglementation sectorielle est applicable à l’économie des plateformes et, de lege ferenda, de savoir s’il est justifiable d’appliquer cette réglementation ou si des adaptations se révèlent nécessaires.

2.3.2. Une dynamique « winner-takes-all » ?

98Si l’on met de côté la question du respect de la réglementation, une autre préoccupation importante du point de vue du droit de la concurrence est celle de savoir si l’économie des plateformes a tendance à faciliter l’émergence d’entreprises ayant un fort pouvoir de marché, voire une position dominante.

99La vision conventionnelle soutient que l’économie numérique est souvent caractérisée par une dynamique du type « winner-takes-all » (le gagnant rafle la mise)  [139], en raison notamment des économies d’échelle dans la production de l’information, des externalités de réseau sur des marchés multifaces et des possibilités d’« enfermement propriétaire » (« lock-in »)  [140]. Ces deux derniers effets, qui se renforcent mutuellement, sont particulièrement prégnants dans le cas des plateformes collaboratives. En effet, comme celles-ci reposent fortement sur les contenus générés par les utilisateurs (informations de profil et données réputationnelles telles que les commentaires, évaluations, etc.) et que ces contenus ne sont généralement pas transférables sur d’autres plateformes, les utilisateurs constituent donc une clientèle captive, ce qui renforce les externalités de réseau.

100 Les plateformes bénéficient également en grande partie des données observées, à savoir les nombreuses « traces » laissées par les utilisateurs lors de l’utilisation du service. Celles-ci peuvent se révéler très utiles pour optimiser le fonctionnement du service et donc attirer plus d’utilisateurs. Ces données n’étant pas publiques, elles bénéficient seulement à l’opérateur du service. Dès lors, les acteurs en position dominante bénéficient d’un avantage compétitif du fait de l’analyse de la quantité gigantesque de données que leur confère leur position sur le marché, par un effet dit de « feedback loop »  [141]. En ce sens, il peut exister un pouvoir de marché sur le plan des données, qui pourrait renforcer la tendance winner-takes-all de l’économie des plateformes.

101 Certains remettent néanmoins en cause cette vision conventionnelle  [142], en remarquant que lorsqu’on parle d’un « gagnant » sur un marché, on se focalise souvent sur une seule des faces de celui-ci, sans voir que l’autre face du marché reste très contestée. Ainsi, Google est certes dominant dans le domaine de la recherche, Facebook dans celui des réseaux sociaux, Twitter dans celui du microblogging, etc., mais, sur l’autre versant de leur marché, celui de la publicité, il n’existe pas une dominance aussi claire d’un seul acteur  [143].

102 Peut-on transposer cet argument au domaine des plateformes collaboratives de mise en relation, qui nous intéresse plus particulièrement dans le cadre du présent Courrier hebdomadaire ? Ce n’est pas sûr. Ainsi, dans le domaine des plateformes collaboratives, les deux faces du marché relèvent généralement du même secteur et, au moins en ce qui concerne Uber et Airbnb, on peut dire que leur place n’est vraiment contestée par aucune autre plateforme sur aucune des deux faces de leur marché.

103 En outre, certains avancent que, même s’il existe une tendance winner-takes-all dans l’économie des plateformes, ses conséquences sont vraisemblablement fragiles et limitées dans le temps. En effet, les facteurs mêmes qui favorisent l’émergence très rapide d’acteurs en position dominante pourraient être à double tranchant et, du jour au lendemain, les gagnants d’hier pourraient être renversés par de nouveaux entrants. À l’appui de cet argument, on cite souvent l’exemple frappant de Myspace ou d’Orkut, dont la dominance dans le domaine des réseaux sociaux (respectivement aux États-Unis et au Brésil) s’est effondrée en très peu de temps  [144]. De plus, comme certains l’ont noté, dans un domaine aussi innovant et « disruptif » que celui de l’économie des plateformes, il est difficile de croire que la dominance des acteurs principaux n’est pas contestable  [145]. L’annonce, en 2015, de l’alliance des principaux concurrents d’Uber (Lyft, Didi Chuxing, Ola et GrabTaxi) indique ainsi que la dominance de l’entreprise californienne n’est pas incontestée  [146].

104 Il semble en tout cas que l’économie des plateformes soit le vecteur d’une extension du domaine de la mondialisation dans des secteurs qui restaient auparavant l’apanage des compagnies locales. À moins que ces compagnies ne parviennent à résister à la concurrence des multinationales de l’économie des plateformes et à maintenir le caractère local de leurs marchés, cette nouvelle tendance à la mondialisation dans un nombre grandissant de secteurs de l’économie semble de nature à générer davantage de concentration de pouvoir de marché dans les mains d’un plus petit nombre d’acteurs.

105 Les autorités publiques en charge de la concurrence devront garder ces transformations à l’œil, en adaptant les outils d’analyse qui sont à leur disposition, afin de mieux prendre en compte les spécificités des marchés multifaces et de l’économie des plateformes. Ils devront également faire preuve de créativité pour garantir les conditions d’une libre concurrence face aux nouvelles possibilités de concentration de pouvoir de marché et de pratiques anticoncurrentielles dans l’économie des plateformes. Ainsi, la question de la portabilité des données personnelles des utilisateurs des plateformes a été évoquée comme une piste à disposition du législateur pour contrer les stratégies d’enfermement propriétaire mises en œuvre par les opérateurs des plateformes pour accroître leur pouvoir de marché  [147].

2.3.3. Quelle définition du marché pertinent ?

106Une autre question difficile est celle de la définition du marché pertinent, notion centrale en droit de la concurrence : peut-on considérer qu’Airbnb opère dans le même marché que les hôtels traditionnels ? Uber, par exemple, dément exploiter un service de taxis et se décrit comme un « fournisseur d’application mettant en relation des particuliers »  [148].

107 Dans le cas de l’économie des plateformes, la définition du marché pertinent est complexifiée par une série de facteurs : la variété des modèles d’affaires adoptés par les différentes entreprises (mais aussi parfois par une même entreprise) et, surtout, la structure multiface du marché sur lequel celles-ci opèrent, ainsi que l’offre de services aux consommateurs à titre gratuit  [149].

108 De ce fait, il devient particulièrement problématique de recourir aux outils généralement utilisés pour définir le marché pertinent, tels que le test dit du monopoleur hypothétique ou « small but significant and non-transitory increase in price » (SSNIP, « augmentation faible mais significative et non transitoire des prix ») qui vise à évaluer la substituabilité des biens du côté de la demande. En effet, un outil de ce type se révèle assez peu utile pour examiner les conditions concurrentielles de l’économie des plateformes, puisqu’il ne prend généralement en compte qu’une seule face du marché  [150] et se concentre sur le prix en argent du service, alors que les utilisateurs des plateformes « paient » souvent avec leurs données personnelles  [151].

109 En l’état, il n’existe pas encore de cadre conceptuel clair pour la détermination du marché pertinent dans le cas de l’économie des plateformes. Quant à elle, la jurisprudence est encore assez hésitante sur la question, omettant parfois de considérer le caractère multiface du marché des plateformes  [152].

2.3.4. Une fixation des prix ?

110Mentionnons enfin cette intrigante affaire de droit de la concurrence examinée en ce moment par la justice états-unienne. Dans cette affaire, des passagers d’Uber accusent le CEO d’Uber, Mike Kalanick, d’être engagé dans une entente illicite avec les conducteurs visant à fixer les prix (« price fixing ») au détriment des consommateurs. De prime abord assez curieuses, les allégations des demandeurs retournent astucieusement contre Uber la façon particulière dont la compagnie qualifie son activité. Selon les demandeurs, comme Uber soutient que ses chauffeurs ne sont nullement des employés mais des travailleurs indépendants (« independent contractors »), elle peut difficilement balayer la qualification de ceux-ci comme co-conspirateurs ayant agréé aux conditions anticoncurrentielles émises par Uber. Et comme Uber soutient qu’elle n’exploite pas un service de taxis, elle ne peut prétendre être en concurrence avec ceux-ci ; les demandeurs soutiennent qu’elle opère sur le marché des « services de covoiturage générés par application mobile » (« mobile app-generated ride-share services »), un marché qu’elle contrôle à 80 %  [153]. Le juge états-unien ajoute : « Le fait qu’Uber déploie tant d’efforts pour se présenter – on pourrait même dire se déguiser – comme le simple fournisseur d’une “app” [application] ne suffit pas à la mettre à l’abri des conséquences dues aux opérations bien plus importantes qu’elle entreprend »  [154].

111 Considérant qu’il n’est pas invraisemblable que la plateforme Uber puisse avoir pour effet de réduire la concurrence sur le marché, le juge a refusé la requête déposée par Uber visant à débouter les demandeurs, et a fixé la suite de la procédure à une date ultérieure  [155].

2.4. Simplification administrative

112Une dernière problématique transversale touchant l’économie des plateformes est celle de la simplification administrative.

2.4.1. Une préoccupation pour l’ensemble des politiques publiques

113La simplification administrative est une préoccupation importante en vue d’assurer un haut niveau de sécurité juridique au citoyen et d’éviter de décourager inutilement l’innovation et l’activité économique. Cet objectif anime notamment l’agenda (controversé) « Mieux légiférer » initié par la Commission européenne  [156], ou l’action de nombreuses agences ou départements pour la simplification administrative mis en place par les autorités nationales. Il convient de vérifier si la réglementation existante n’impose pas des conditions inutilement prohibitives à la réalisation d’activités par l’entremise des plateformes numériques.

114 Bien sûr, simplification ne signifie pas dérégulation. Si les règles en vigueur n’ont rien perdu de leur légitimité, le législateur n’est pas tenu d’y renoncer sous prétexte qu’elles freineraient le développement de certaines formes économiques. En effet, si le législateur doit chercher à minimiser les coûts administratifs découlant de la réglementation, il doit également prendre en compte les coûts, directs et indirects, de la non-réglementation, d’un point de vue social et environnemental  [157].

115Le législateur devra donc évaluer au cas par cas si les obligations juridiques pensées pour des commerçants ou des entreprises se justifient toujours au vu de la situation particulière des contributeurs-entrepreneurs de l’économie des plateformes (parfois qualifiés de « consommacteurs » ou « produsers »). La question se pose, par exemple, pour le nouveau cadre réglementaire adopté par la Région de Bruxelles-Capitale en matière d’hébergement touristique  [158], qui a fait l’objet de controverses en raison de la lourdeur des conditions d’agrément qu’elle impose aux bailleurs qui voudraient mettre leur bien en location sur une plateforme d’hébergement comme Airbnb  [159].

2.4.2. Brouillage de la distinction amateurs/professionnels

116Dans le cas des plateformes collaboratives, l’importance de la simplification administrative est encore accrue par le brouillage de la distinction entre les activités économiques réalisées par des amateurs et par des professionnels.

117 En effet, on admet généralement que des activités purement occasionnelles poursuivies par des amateurs, dans un cercle familial au sens large  [160], ne doivent pas être soumises à un cadre juridique trop contraignant  [161], que ces activités soient rémunérées ou non. Si cette exonération est parfois prévue de manière explicite par le droit positif (comme c’est par exemple le cas en Belgique avec les exceptions au droit d’auteur pour les actes réalisés dans le cercle de famille  [162] ou avec les règles d’assujettissement à la TVA  [163]), elle résulte la plupart du temps d’une tolérance dans l’application du droit à des activités occasionnelles ou de faible ampleur (restauration lors de fêtes d’école, services rendus entre amis, etc.). Implicitement, la frontière entre les activités fortement et faiblement réglementées semble reposer sur une certaine idée de la distinction amateurs/ professionnels.

118 Or, un des traits notables de l’économie des plateformes est qu’elle brouille considérablement cette distinction. En effet, sur bon nombre de plateformes, on trouve à la fois des amateurs et des professionnels qui proposent des biens ou des services similaires et s’adressent à une clientèle similaire, sans que la distinction entre ces deux types d’offreurs soit nécessairement communiquée aux utilisateurs. En outre, ces plateformes procurent une efficacité accrue à l’activité des amateurs, de sorte que leur activité économique peut rapidement prendre une ampleur non négligeable et tendre dès lors à ressembler davantage à une activité professionnelle. Si le législateur veut préserver une sphère d’activité « amateur » faiblement réglementée, il lui faudra donc éviter que ces activités amateurs soient d’emblée soumises à une régulation trop stricte. Cela peut se faire soit en simplifiant la réglementation dans son ensemble, soit en repensant de nouvelles lignes de démarcation pour exonérer les activités amateurs des contraintes réglementaires pesant sur les activités professionnelles.

3. Cadre juridique

119Dans ce chapitre, nous analyserons plus en détail le régime juridique applicable en Belgique aux entreprises de l’économie des plateformes, en nous centrant sur deux cas d’étude : Uber pour les plateformes de transport et Airbnb pour les plateformes d’hébergement. Nous brosserons dans chaque cas un tableau du paysage législatif belge (variant selon les Régions), ainsi que dans quelques autres juridictions (étatiques ou régionales, en Europe ou aux États-Unis) choisies pour leur intérêt comparatif, soit en raison de la réglementation adoptée par les autorités nationales ou locales, soit en conséquence de décisions judiciaires. Bien entendu, étant donné le caractère très dynamique et diversifié d’une réglementation encore en évolution, il serait vain de prétendre à l’exhaustivité en la matière. Les considérations qui suivent doivent donc être prises en tant que simples illustrations de la variété des approches existantes, visant à éclairer le débat sur l’adaptation du droit à l’économie des plateformes. Nous terminerons d’ailleurs en examinant plusieurs pistes envisagées par les législateurs nationaux ou locaux pour élaborer de nouveaux cadres juridiques applicables à l’économie des plateformes.

120Pour rappel, le présent Courrier hebdomadaire présente un état des lieux arrêté en décembre 2016.

3.1. Plateformes de transport : le cas d’Uber

121En matière de transport, le débat public sur l’économie dite collaborative mêle (et parfois confond) différents types de services, qu’il convient de bien distinguer : covoiturage, autopartage, services de taxis, services de location de véhicule avec chauffeur.

122 Le covoiturage peut être défini comme « l’utilisation en commun d’un véhicule terrestre à moteur par un conducteur et un ou plusieurs passagers, effectuée à titre non onéreux, excepté le partage des frais, dans le cadre d’un déplacement que le conducteur effectue pour son propre compte »  [164]. Étant donné les connotations positives associées à la notion de covoiturage (convivialité, impact écologique), certains acteurs ont tendance à décrire leurs services comme du « covoiturage », même lorsque leurs activités ne correspondent en rien à cette notion. Comme exemple de plateformes de covoiturage, on peut citer des plateformes payantes (percevant une commission sur le prix du trajet) telles que Blablacar.com ou IDVROOM, et d’autres gratuites, telles Karzoo.be ou Covoiturage-libre.fr.

123 L’autopartage est la mise à disposition, par une entreprise, une association ou un groupe, d’un véhicule pour l’utilisation par des membres, qui paient en fonction de leur utilisation. Si, en Région bruxelloise, la réglementation obligeait jusqu’il y a peu les utilisateurs des services existants (Cambio et Zen Car) à remettre la voiture à la même station que celle où ils l’avaient prise, la récente autorisation des services en « free-floating »  [165] va permettre de déposer le véhicule à un lieu différent du lieu de départ, ce qui améliorera la flexibilité de ces services  [166].

124 Les services de taxis sont des services de transport automobile autorisés à circuler ou à stationner sur la voie publique à la recherche de clients (ce qu’on appelle la « maraude »). La plupart des grandes villes prévoient un contingentement du nombre de taxis, en imposant un régime d’autorisation, pour pallier les défaillances de marché dues aux coûts de recherche d’information pour relier les clients et prestataires et au relativement faible coût d’entrée sur le marché. Les services de « taxis partagés » (comme Collecto en Région bruxelloise) sont des services de taxis qui prennent en charge plusieurs clients, afin de diminuer le prix par client.

125 Les services de location de véhicule avec chauffeur (LVC) ou voitures de transport avec chauffeur (VTC) sont des services de transport automobile, généralement haut de gamme, qui ne sont pas soumis au régime d’autorisation prévalant pour les taxis, mais qui ne peuvent opérer que sur réservation préalable et ne peuvent « marauder » sur la voie publique à la recherche de clients.

126 À côté de cela, ont récemment émergé une série de plateformes permettant la mise en relation de chauffeurs et de passagers tels que Lyft, Djump ou Uber, sur lequel nous nous concentrerons ici.

127Uber est une plateforme (basée sur une application mobile) mettant en relation des conducteurs et des voyageurs pour offrir un service de transport par voiture à titre onéreux. Uber structure ses services en différents types d’offre, dont la dénomination et les caractéristiques particulières varient en fonction des villes et des régions. Ainsi, en Europe, Uber propose essentiellement deux services : UberPop, présenté comme une offre « proposée par des particuliers » et qui « s’inscrit dans une logique collaborative »  [167], et UberX, présenté comme un service professionnel, dont les « chauffeurs partenaires » répondent « à toutes les exigences légales » et « disposent d’une licence appropriée ainsi que d’une assurance commerciale »  [168]. La dénomination est différente en Amérique du Nord, où UberX est généralement présenté comme l’offre « low cost » de la compagnie, à bord de voitures milieu de gamme et sans aucune mention de recours à des chauffeurs professionnels ou sous licence  [169]. Uber présentait originellement ses services comme du « covoiturage urbain », une qualification qui a finalement été critiquée devant les tribunaux (cf. supra)  [170].

128Les débats juridiques et politiques sur les services d’Uber se sont essentiellement concentrés sur quatre questions : l’application ou non de la réglementation sectorielle en vigueur pour les services de transport, la concurrence déloyale avec les services de taxis, la protection des consommateurs et le statut social des conducteurs.

3.1.1. Cadre juridique en Belgique

129S’agissant d’une matière régionale, la réglementation en vigueur diffère selon les Régions. Toutefois, les trois réglementations régionales s’inspirent de la législation nationale en vigueur avant la régionalisation de la compétence  [171] – à savoir la loi du 27 décembre 1974 relative aux services de taxis  [172] et l’arrêté royal du 19 mars 1975 relatif aux services de location de voitures avec chauffeur  [173] –, de sorte qu’elles présentent un certain nombre de similitudes.

Actuelles législations régionales

Région wallonne

130En Wallonie, la réglementation, prévue par un décret du 18 octobre 2007  [174], établit une distinction entre les services de taxis, de LVC, les services de taxis collectifs et les services de transport d’intérêt général. Toutes ces catégories de services de transport sont soumises à un régime d’autorisation.

Région de Bruxelles-Capitale

131En Région de Bruxelles-Capitale, la matière est réglée par une ordonnance du 27 avril 1995  [175]. Celle-ci distingue donc deux statuts. Les services de taxis sont la seule catégorie de transports rémunérés de personne par véhicules automobiles autorisés à « marauder », c’est-à-dire à mettre leurs véhicules à la disposition des clients sur la voie publique  [176]. Tout autre service de transport rémunéré par automobile est considéré comme un service de LVC. Les deux types de services sont soumis à un régime d’autorisation. Les autorisations d’exploiter un service de taxis sont contingentées, le numerus clausus étant actuellement fixé à 1 300  [177]. En revanche, les autorisations d’exploiter un service de LVC ne sont pas contingentées, mais le service doit correspondre à des conditions d’exploitation bien particulières : le véhicule doit être un véhicule de luxe  [178], tout transport doit faire l’objet d’un contrat écrit  [179], le véhicule doit être mis au service de la personne pour une durée de trois heures au moins  [180] et pour un tarif réglementé de 30 euros par heure  [181], etc.

Région flamande

132En Flandre, les services de transport automobile sont réglementés par un décret du 20 avril 2001  [182] et un arrêté du gouvernement flamand du 18 juillet 2003  [183]. La réglementation flamande reprend également les deux catégories de taxis et de LVC, en y adjoignant une troisième catégorie, celle de « transports réguliers » (« geregeld vervoer »).

Application du droit en vigueur

133En Belgique, c’est en Région de Bruxelles-Capitale que le conflit entre les autorités publiques et Uber concernant l’application de la législation en vigueur a été le plus vif. Il n’est pas encore résolu, puisque l’on attend toujours le nouveau cadre réglementaire annoncé par le gouvernement bruxellois dans la foulée du « plan taxi » ébauché par le ministre Pascal Smet (cf. infra).

134 En mars 2014, deux voitures sont saisies à Ixelles suite à un contrôle ; le gouvernement bruxellois met en demeure Uber de cesser ses activités  [184]. Cette injonction ne semble pas affecter les opérations d’Uber, qui annonce offrir une semaine d’utilisation gratuite à tous les Bruxellois  [185]. La présence d’Uber à Bruxelles pose également des préoccupations du point de vue du respect de la législation fiscale. En décembre 2014, la secrétaire d’État à la Lutte contre la fraude fiscale du gouvernement fédéral, Elke Sleurs (N-VA), annonce ainsi avoir demandé à l’Inspection spéciale des impôts (ISI) « d’étudier la structure financière et fiscale de la société Uber en Belgique »  [186] ; en mai 2015, avec le secrétaire d’État à la Lutte contre la fraude sociale, Bart Tommelein (Open VLD), elle enjoint les autorités néerlandaises à fournir les informations concernant les chauffeurs opérant en Belgique (étant donné que la sprl Uber Belgium n’est qu’une « coquille vide »  [187] et que tous les paiements réalisés sur la plateforme sont dirigés vers Uber BV, aux Pays-Bas  [188]).

135 Entre-temps, le 5 mars 2014 (soit une quinzaine de jours seulement après qu’Uber a lancé son application pour smartphones UberPop à Bruxelles), une action à l’encontre d’Uber est introduite devant le tribunal de commerce de Bruxelles par la société TRB, opérant sous le nom de « Taxis verts » en Région bruxelloise  [189]. Selon TRB, les services proposés par Uber sont comparables aux siens : en effet, Uber n’exploite pas elle-même un service de taxis, mais propose une centrale téléphonique offrant des courses de taxi à des chauffeurs professionnels. TRB reproche à Uber de transmettre des demandes de courses de taxi à des chauffeurs ne disposant pas de l’autorisation requise, et ne respectant donc pas les obligations légales (à savoir l’article 3 de l’ordonnance bruxelloise du 27 avril 1995), ce qui constituerait un acte contraire aux pratiques du marché et une distorsion de la concurrence au détriment des acteurs respectueux de la réglementation.

136 Le 31 mars 2014, le tribunal de commerce de Bruxelles rend une décision par défaut, ordonnant à Uber de cesser de proposer des courses à des chauffeurs sans autorisation, sous peine d’une astreinte de 10 000 euros par jour  [190]. Il est à noter que le tribunal n’impose pas à Uber une interdiction générale d’exercer, mais lui impose seulement de cesser ses pratiques illégales consistant à proposer des courses à des chauffeurs sans autorisation. La décision est néanmoins décrite comme une « interdiction d’Uber » par la presse, ainsi que par la commissaire européenne en charge de la Société numérique, Neelie Kroes, qui se dit « outragée ». Dans une série de billets Twitter repris sur son site officiel, celle-ci met en cause le système judiciaire belge (« Are they serious? What sort of legal system is this? »  [191]) et traite la ministre des Travaux publics et des Transports  [192], Brigitte Grouwels (CD&V), de « ministre de l’anti-mobilité » (« Her title is “Mobility Minister”. Maybe it should be “anti-Mobility Minister” ») car celle-ci a mis en demeure l’entreprise états-unienne d’arrêter ses activités sur le sol bruxellois ; en outre, elle accuse la même B. Grouwels de mettre un frein à l’innovation pour protéger un « cartel » de taxis « digne du XIXe siècle »  [193]. Notons que, en mai 2016, Uber annoncera la désignation de la désormais ex-commissaire N. Kroes au sein de son nouveau « public policy advisory board »  [194], suscitant des commentaires dans la presse à propos des « portes tournantes » de la politique européenne  [195].

137D’une manière prévisible, Uber fait opposition à ce jugement. La Région de Bruxelles-Capitale  [196] tente de se joindre à l’action de TRB, mais le tribunal de commerce déclare la demande irrecevable faute d’intérêt à agir. En plus de ses demandes initiales, TRB demande que l’application Uber soit retirée des portails mobiles Google Play et Apple Store, et qu’Uber cesse l’enregistrement de nouveaux utilisateurs pour son application, autant de mesures autrement plus lourdes pour Uber qu’une interdiction d’offrir des courses à des chauffeurs dépourvus de licence, d’autant que l’étendue géographique de ces mesures n’est pas précisée.

138Selon TRB, le service exploité par Uber est entièrement comparable aux services qu’elle offre, qui est un service de centrale de mise en relation entre des clients et des services de taxi  [197]. Uber soutient au contraire que l’objet de ses activités est complètement différent de celui de TRB, puisqu’il consiste en la « facilitation de l’économie collaborative sociale »  [198].

139 S’il ne fait pas de doute, note le juge, qu’Uber, tout comme TRB, n’est qu’un simple intermédiaire et non un exploitant (et ne doit pas lui-même disposer d’une autorisation d’exploitation), la question est de savoir si Uber met en relation des clients avec des prestataires opérant des services de taxis, qui doivent disposer de l’autorisation prévue par l’ordonnance bruxelloise du 27 avril 1995  [199]. Afin de récuser l’assimilation des services offerts par ses chauffeurs à des services de taxis, Uber invoque plusieurs arguments pour le moins étranges, notamment le fait que les courses sont assurées par des particuliers et qu’il ne s’agit pas d’un service « d’utilité publique » (autant d’éléments qui ne sont nullement requis dans la définition de « service de taxis » donnée par l’ordonnance bruxelloise)  [200]. Autre argument particulier, Uber soutient que, dans le cadre de ses services, la destination n’est pas fixée par le client (ce qui, cette fois, constitue bien une condition nécessaire pour l’existence d’un service de taxis au sens de l’article 2 de l’ordonnance bruxelloise) mais par le transporteur. Une simple observation du fonctionnement de l’application suffit cependant à démentir cette assertion. Sans surprise, ces arguments sont rejetés par le juge.

140 Uber invoque aussi le fait que les courses de ses chauffeurs ne sont pas « rémunérées », mais que, dans le cadre de « l’économie collaborative sociale », les « coûts sont répartis entre particuliers »  [201]. Le paiement ne serait donc qu’une « compensation » qui peut aider un particulier pour l’amortissement d’un véhicule. Le tribunal de première instance affiche un certain scepticisme par rapport à cet argument, en notant que certaines formulations utilisées dans les brochures d’Uber (« gagner de l’argent pendant votre temps libre », « entre 19 et 20 heures vous pouvez gagner plus que 100 euros ») suggèrent davantage qu’un remboursement des frais. Néanmoins, le tribunal ne semble pas prêt à exclure la possibilité que, dans certains cas, le paiement par les passagers d’un chauffeur Uber ne consiste pas en une rémunération. Pour le tribunal, la ligne de démarcation est simple : si le paiement est inférieur ou égal aux coûts réels, il n’y a que compensation ; s’il dépasse les coûts, il y a rémunération.

141 Le tribunal semble hésiter à rendre une décision trop large en raison de l’impact potentiel sur le covoiturage non commercial : « Si la notion de “service de taxis” de l’ordonnance est interprétée de telle manière qu’elle rend impossible toute nouvelle initiative concernant un covoiturage par lequel le transporteur ne reçoit qu’une compensation et pas de rémunération, et conçu pour permettre une mobilité plus efficace par l’amélioration des moyens de transport privé »  [202], il pourrait y avoir une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprise et à la liberté de prestation des services dans l’Union européenne.

142C’est pourquoi le juge des citations limite la portée de son jugement, rendu le 23 septembre 2015. Pour ce qui concerne les courses rémunérées, le tribunal de commerce confirme donc la première décision rendue par défaut, en décidant que la transmission par Uber de courses rémunérées à des chauffeurs ne possédant pas de licence constitue un acte contraire aux pratiques honnêtes du marché, au sens de l’article VI.104 du code de droit économique. En revanche, pour ce qui concerne les courses non rémunérées, le juge décide de soumettre à la CJUE une question préjudicielle avant de statuer sur le fond : y aurait-il une atteinte disproportionnée aux libertés économiques (telles que la liberté d’entreprise ou la liberté de prestation des services) garanties par le droit européen si le juge interprétait l’ordonnance du 27 avril 1995 « en ce sens que la notion de “services de taxis” s’applique également aux transporteurs particuliers non rémunérés pratiquant le covoiturage en donnant suite à des demandes de courses qui leur sont proposées au moyen d’une application logicielle des entreprises Uber BV e.a., établies dans un autre État membre ? »  [203]. La réponse de la CJUE à cette question préjudicielle est toujours pendante à ce jour.

143 Depuis cette décision du tribunal de commerce, pour laquelle Uber a annoncé faire appel  [204], Uber a cessé son service UberPop à Bruxelles, mais maintient deux services, UberX et UberBLACK (le pendant haut de gamme de l’offre UberX). La compagnie estime ainsi que son « service professionnel UberX n’est pas atteint par cette décision et poursuit son activité »  [205] : « On travaille avec des chauffeurs qui ont la licence pour le transport rémunéré, avec une certification médicale, un contrôle technique, un numéro de TVA… Ils ont un contrat de plus de trois heures sur différents trajets, ce qui est conforme à la loi. Le ministre de la Mobilité Pascal Smet a donné son accord à ce principe »  [206]. P. Smet a par la suite démenti avoir donné à Uber un quelconque accord de principe  [207].

144 La question qui se pose est de savoir si le service UberX opère réellement en conformité avec la législation. D’après une déclaration de P. Smet, « il est clair que le service UberX ne correspond pas à l’esprit initial de la loi », mais « il n’est toutefois pas clair si le service va également à l’encontre du texte de la loi, le fonctionnement du service pouvant être interprété de telle manière que toutes les conditions officielles sont remplies »  [208]. Or, d’après les éléments accessibles au public, il semble difficile de soutenir que le service UberX corresponde à la lettre de la loi, sinon à son esprit. En effet, la référence au « contrat de plus de trois heures » par le représentant d’Uber semble indiquer que la compagnie considère UberX comme un service de LVC  [209]. Toutefois, quand bien même les chauffeurs UberX disposeraient d’une autorisation d’exploiter un service de LVC, l’ordonnance du 27 avril 1995 requiert que « le contrat écrit mentionne en tout cas que le véhicule est mis au service de la personne pour une durée de trois heures au moins »  [210] : il ne s’agit pas de « trois heures sur différents trajets », mais de trois heures au minimum pour un même client. En outre, dans son fonctionnement actuel, le service UberX ne semble pas en conformité avec de nombreuses conditions d’exploitation prévues par l’ordonnance bruxelloise pour les services de LVC : interdiction de stationner ou circuler sur la voie publique si le véhicule n’a pas fait l’objet d’une location préalable au siège de l’entreprise  [211], obligation d’un contrat écrit conforme au modèle arrêté par le gouvernement régional  [212], obligation que la rémunération ne survienne « qu’après réception de la facture au siège du client »  [213], ou encore tarif de 90 euros minimum par course  [214].

145 En tout état de cause, il semble que le gouvernement bruxellois Vervoort II et son ministre de la Mobilité aient décidé d’adopter une attitude moins antagoniste vis- à-vis d’Uber et de ses opérations à Bruxelles, vraisemblablement dans l’attente du parachèvement du nouveau cadre réglementaire régional relatif aux taxis et aux plateformes de transports annoncé par le ministre P. Smet (cf. infra).

Perspectives pour le droit futur

146En février 2015, le ministre P. Smet soumet en effet au gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale la première mouture de son « Plan taxi 2015-2019 », qui annonce l’adoption d’un cadre juridique pour couvrir les services de l’économie des plateformes comme Uber. Le but affiché est de « rendre impossible la concurrence déloyale et le dumping social »  [215], le ministre précisant qu’« Uber fonctionnera à Bruxelles uniquement sous conditions très strictes équivalentes à celles imposées au secteur du taxi bruxellois ». Les principes de ce plan visent à autoriser « les services de transport offerts occasionnelle-ment par des particuliers avec leur propre véhicule » sans obligation de posséder de licence de taxi, mais sous un régime d’agréation préalable. En outre, ces services ne peuvent jamais constituer une activité à temps plein, mais seulement à titre complémentaire afin d’éviter « que des mini-jobs soient créés et que des gens soient employés selon un statut précaire ». Le ministre annonce également une série d’obligations à charge de l’opérateur de la plateforme, comme celle de veiller au respect par les chauffeurs de leurs obligations légales, ou de tenir un registre des chauffeurs, véhicules et trajets effectués, consultables par l’inspection fiscale et sociale. L’assurance et la sécurité du véhicule seraient à charge des chauffeurs.

147 Toutefois, après qu’une réunion avec le comité consultatif du secteur des taxis a tourné court  [216], le plan de P. Smet est vivement critiqué par le groupe PS au Parlement bruxellois, pourtant partenaire de majorité du ministre  [217]. Les députés critiquent notamment le principe même d’une légalisation des services de transport rendus par des particuliers sans licence de taxi, alors que les autorités d’autres pays et grandes villes d’Europe et des États-Unis ont adopté une ligne beaucoup plus dure vis-à-vis de ces services  [218] (cf. infra).

148 Alors que le nouveau projet de réglementation n’est pas encore arrêté à l’heure de publier ces lignes  [219], le MR (dans l’opposition au niveau régional bruxellois) a déposé une résolution appelant à une libéralisation du secteur des taxis, en mettant fin au numerus clausus par le rachat des licences de taxi et en maintenant une régulation des prix  [220]. Une telle proposition rejoint l’idée, avancée par certains, selon laquelle l’émergence de plateformes comme Uber remet sensiblement en cause les justifications des régimes de licences pour les taxis. En effet, avec leurs applications mobiles de réservation de taxis géolocalisée, les plateformes de transport ont largement résolu les défaillances de marché dues aux importants coûts de recherche d’information pour relier les clients et prestataires, que ces réglementations visaient à pallier  [221]. Notons encore que le texte du MR prévoit également, dans un esprit semblable au projet du ministre P. Smet, un régime particulier pour les chauffeurs opérant sur les plateformes à titre d’activité complémentaire, en fixant par exemple un nombre maximal de courses, voire un plafond de revenus.

3.1.2. Autres juridictions

149Attardons-nous à présent, en guise de mise en perspective, sur la situation prévalant dans quelques juridictions autres que la Belgique. S’il serait vain de prétendre à l’exhaustivité, il est néanmoins possible d’épingler quelques cas intéressants de litiges et d’initiatives législatives liés à l’émergence des plateformes de transport. Nous commencerons par brosser un rapide tableau de la situation dans plusieurs grandes villes des États-Unis, pays dont Uber est originaire. Nous nous intéresserons ensuite au cas français, qui représente probablement l’une des réglementations les plus rigoureuses d’Europe. Enfin, nous évoquerons le cas de l’Espagne, pays où les litiges ont suscité de nombreuses questions juridiques.

États-Unis

150 Aux États-Unis, le statut juridique des services de plateformes de transport varie d’un État à l’autre et d’une ville à l’autre. Sans essayer de couvrir in extenso cette situation plurielle, complexe et mouvante, nous nous concentrerons seulement sur le cas de trois grandes villes dans lesquelles ces services sont particulièrement populaires : San Francisco (Californie), Austin (Texas) et New York.

151 En 2011, Uber lance son premier service (Ubercab) à San Francisco, ville où la compagnie a son siège social. En quelques mois, Uber connaît une croissance impressionnante, récoltant plus de 44 millions de dollars en financement de fonds disruptifs  [222]. Elle est rejointe par un certain nombre de concurrents, dont la startup Lyft  [223]. Si, initialement, les relations avec les autorités californiennes sont d’abord tendues (saisies de véhicules n’étant pas en ordre de licence, amendes à l’encontre d’Uber et de Lyft), elles se normalisent dès 2013 dans un accord rendu permanent par les autorités, la Californie devenant ainsi le premier État des États-Unis à autoriser ces services  [224]. La réglementation crée une nouvelle catégorie de compagnies de réseau de transport (« transport network companies », TNC), distincte des services de taxis et des services d’autopartage, et impose à ces compagnies d’offrir une couverture assurance pour l’usage de ses services et d’opérer des contrôles des chauffeurs et de leurs véhicules. Seules ces compagnies TNC doivent en principe obtenir une licence auprès des autorités. Toutefois, les autorités municipales de San Francisco ont annoncé en avril 2016 qu’elles exigeaient dorénavant que les conducteurs de ces plateformes obtiennent également une licence commerciale auprès des autorités  [225]. En outre, il semble que les autorités ont exigé d’Uber et de Lyft qu’elles livrent les données nécessaires au contrôle fiscal de leurs chauffeurs, injonction à laquelle ces deux compagnies se sont apparemment pliées  [226].

152 Dans la ville d’Austin, les autorités ont adopté une réglementation similaire à celle existante en Californie, imposant aux TNC d’obtenir un agrément des autorités, de fournir une couverture assurance, et de procéder à des contrôles pour les véhicules et les chauffeurs  [227]. La principale innovation et source de controverse de cette réglementation est l’exigence que l’opérateur de la plateforme opère un contrôle renforcé des antécédents criminels de ses chauffeurs, sur la base d’une identification par empreinte digitale. Uber et Lyft ont tenté de contester cette réglementation, en dépensant plus 8 millions de dollars en soutien à une initiative populaire visant à en abroger les dispositions les plus controversées  [228]. Finalement, après l’échec de cette initiative populaire, Uber et Lyft ont annoncé cesser leurs opérations à Austin ; une aubaine pour leurs concurrents, actuellement en pleine croissance dans la capitale texane  [229].

153 Dans la ville de New York, Uber a également connu des relations très tendues avec les autorités, qui ont d’abord adopté une ligne plutôt dure contre la plateforme et ses chauffeurs opérant en dehors de tout cadre légal, saisissant près de 500 véhicules entre avril et juin 2015  [230]. Le maire, Bill de Blasio, a ensuite tenté d’imposer un plafond au nombre de véhicules opérant sur les services comme Uber, dans l’objectif de lutter contre la congestion automobile. Toutefois, après une vive controverse et une intense campagne de lobbying de la part d’Uber (utilisant notamment son application pour appeler ses utilisateurs à se plaindre auprès des autorités  [231]), le conseil municipal a finalement décidé de passer outre l’avis du maire et de proposer une réglementation autorisant Uber à opérer, sans plafond du nombre de véhicules  [232]. Le 22 juillet 2016, le maire de New York a finalement passé un accord avec Uber, renonçant pour le moment à son projet d’instaurer un plafond des véhicules dans l’attente des résultats d’une nouvelle étude externe commanditée par la ville  [233]. Rendue publique en 2016, cette étude new yorkaise conclut que les plateformes de transports comme Uber ne contribuent pas significativement à une augmentation de la congestion automobile, étant donné que l’augmentation de la demande sur ces plateformes de transports est « largement le résultat d’une substitution de la demande pour les taxis »  [234].

France

154Comme en Belgique, le droit français établit une distinction entre les services de taxis et les voitures de transport avec chauffeur (VTC, anciennement « voitures de tourisme avec chauffeur », l’équivalent du régime belge de LVC). Les taxis ont le monopole de la maraude  [235], mais ils doivent acquérir une licence, dont le nombre est contingenté.

155 En 2011, lors de son arrivée à Paris  [236], Uber profile son offre dans un créneau plutôt haut de gamme, en mettant en avant ses voitures de luxe et son application permettant de suivre l’arrivée du véhicule  [237]. Trois ans plus tard, en 2014, la popularité grandissante des services UberX et UberPOP, aux tarifs largement plus compétitifs, suscite une réaction particulièrement virulente du secteur des taxis français, avec des grèves importantes et quelques cas d’agressions contre des clients ou des chauffeurs Uber  [238]. Dans ce contexte, la loi dite Thévenoud du 1er octobre 2014  [239] se donne notamment pour objectif de « garantir une concurrence équilibrée » et de « mieux lutter contre le transport clandestin »  [240]. D’une part, la loi Thévenoud érige en infraction pénale le fait d’organiser un système de mise en relation de clients avec des chauffeurs non professionnels n’opérant pas dans le cadre légal pour les services de transport  [241], ce qui revient à interdire purement et simplement un service comme UberPop (puisque les chauffeurs sont non professionnels).

156D’autre part, la loi renforce les obligations touchant les VTC afin de rendre plus difficile, pour des acteurs comme Uber, le fait d’opérer dans une zone grise juridique. Ainsi, elle interdit aux VTC de recourir à un tarif qui dépend à la fois de la durée et de la distance parcourue, comme les taxis (tarif horokilométrique)  [242]. De même, elle réaffirme et renforce le monopole de la maraude reconnu aux taxis, en interdisant aux VTC de « stationner, s’arrêter ou circuler » sur la voie publique en quête de clients  [243], et impose aux VTC de retourner à leur lieu d’établissement entre deux courses  [244]. Elle étend même cette mesure à ce que certains ont appelé la « maraude numérique », en interdisant d’informer un client avant une réservation sur la localisation et la disponibilité d’un VTC lorsqu’il se trouve sur la voie publique  [245]. Toutefois, ces mesures paraissent peu opérantes, notamment puisqu’elles semblent autoriser le fait d’informer le client sur un seul de ces éléments (la localisation ou la disponibilité d’un véhicule).

157À côté de ce volet répressif, la loi Thévenoud contient une innovation intéressante : la création d’un registre national (facultatif) recensant les taxis et leur géolocalisation  [246]. Pour le gouvernement français, l’objectif est de développer une interface permettant à des applications mobiles similaires à Uber d’offrir la possibilité de réserver des taxis appartenant à différentes compagnies. Le service, intitulé Le.Taxi, est en phase de lancement ; il n’est encore disponible que dans un nombre limité de villes françaises  [247].

158De manière prévisible, la loi Thévenoud suscite de nombreuses contestations juridiques. À l’occasion d’un litige devant les juridictions françaises, Uber pose une question prioritaire de constitutionnalité contre une série de dispositions de la loi Thévenoud  [248]. Dans son arrêt du 13 mars 2015, le Conseil constitutionnel confirme l’obligation faite aux VTC de retourner à la base entre deux courses, ainsi que l’interdiction de pratiquer la maraude numérique, mais il déclare inconstitutionnelle l’interdiction de recourir à une tarification horokilométrique (estimant qu’une telle atteinte à la liberté d’entreprendre n’est pas justifiée par un motif d’intérêt général)  [249]. Quelques mois plus tard, le 22 septembre 2015, le Conseil constitutionnel confirme également la constitutionnalité de l’infraction pénale de mise en relation de clients avec des chauffeurs non professionnels prévue à l’article L. 3124-13 du code des transports  [250]. C’est d’ailleurs en vertu de cette dernière disposition que la compagnie Uber et ses deux responsables français ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel de Paris, qui les a condamnés à des peines d’amende en juin 2016  [251].

159La disposition pénale de l’article L. 3124-13 du code des transports fait en outre l’objet d’une question préjudicielle posée à la CJUE par le tribunal de grande instance de Lille  [252], visant à savoir si elle constitue une réglementation visant un service de la société de l’information et est par conséquent soumise à l’obligation de notification préalable à la Commission européenne prévue par la directive 98/34 sous peine d’inopposabilité. L’enjeu de cette affaire rejoint celui d’une autre question préjudicielle toujours pendante, posée à la CJUE par le tribunal de commerce de Barcelone, visant à savoir si un service comme Uber constitue un service de la société de l’information ou un service de transport, au sens du droit européen (cf. infra).

160En outre, Uber a été condamné par le tribunal de grande instance de Paris à payer 1,2 million d’euros d’astreintes à l’Union nationale des taxis (UNT) pour les « ambiguïtés des recommandations » faites à ses chauffeurs sur l’interdiction de la « maraude électronique »  [253]. Enfin, le dispositif de la loi Thévenoud a été affaibli par un arrêt du Conseil d’État du 9 mars 2016  [254] annulant certaines dispositions d’un décret d’application de cette loi (imposant un délai minimum de 15 minutes entre la réservation et la prise en charge par un VTC)  [255] pour cause d’absence de notification à la Commission européenne (le Conseil d’État anticipant donc sur la décision de la CJUE sur la qualification ou non de service de la société de l’information).

161À ce jour, Uber continue de proposer ses services de véhicules avec chauffeurs professionnels tels qu’UberX et UberPool, en demandant dorénavant à ses chauffeurs une licence de transport  [256], comme une licence VTC. Toutefois, les lourdeurs des conditions d’accès au statut de VTC ont apparemment conduit les chauffeurs à privilégier un autre statut, dit LOTI (car créé par la loi française du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs), beaucoup plus souple. Estimant qu’il s’agit là d’un détournement de l’esprit d’origine du statut LOTI (à savoir le transport collectif occasionnel en milieu rural), les députés Laurent Grandguillaume (PS), Bruno Le Roux (PS) et consorts ont déposé en décembre 2016 une proposition de loi visant à mettre fin à cette pratique. Cette proposition de loi impose aux services LOTI opérant dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants de le faire avec des véhicules comportant plus de 9 places  [257], afin d’éviter que le statut LOTI soit utilisé pour couvrir une activité similaire à celle des VTC.

162Notons encore qu’Uber a introduit en avril 2016 une plainte contre la France pour violation du droit européen auprès de la Commission européenne  [258], mais celle-ci n’y a pas encore donné suite ; selon le magazine Politico, la Commission européenne craindrait les réactions politiques que susciterait l’introduction d’une telle procédure, alors que la France se trouve dans une période électorale particulièrement tendue  [259].

163Pour finir, il nous faut dire un mot des implications de ces affaires Uber sur le régime applicable pour les services de covoiturage. L’interdiction en France de services comme UberPop est-elle de nature à affecter la légalité de services de covoiturage comme Blablacar, plateforme française leader dans le domaine ? Rappelons d’abord qu’Uber ne peut plus présenter UberPop comme du covoiturage, ayant été condamnée pour ce motif par la justice française pour pratique commerciale trompeuse (cf. supra). Ensuite, le législateur français a introduit à l’article L. 3132-1 du code des transports  [260] la définition suivante du covoiturage : « Utilisation en commun d’un véhicule terrestre à moteur par un conducteur et un ou plusieurs passagers, effectuée à titre non onéreux, excepté le partage des frais, dans le cadre d’un déplacement que le conducteur effectue pour son propre compte. Leur mise en relation, à cette fin, peut être effectuée à titre onéreux et n’entre pas dans le champ des professions définies à l’article L. 1411-1 ». Cet article permet manifestement de conforter la légalité des services de covoiturage comme Blablacar  [261].

Espagne

164L’entrée d’Uber sur le marché espagnol à la fin de l’année 2013 a également suscité de vifs débats, ainsi que plusieurs actions judiciaires.

165 À Madrid, une action a été intentée en mai 2014 par diverses fédérations de taxis (dont l’Asociación Gremial de Auto-Taxi de Madrid, la Federación Profesional del Taxi de Madrid et la Asociación Madrileña del Taxi) et l’Unión Española de Conductores de Automóviles (UECA) contre Uber pour concurrence déloyale. Dans une ordonnance provisoire du 9 décembre 2014, le juge de Madrid a admis que, étant donné que le service UberPop opérait sans autorisation préalable, celui-ci constituait une forme de concurrence déloyale ; il a donc décidé d’ordonner à Uber, à titre de mesure provisoire, de cesser ses activités  [262]. Suite à ce jugement, Uber a annoncé qu’elle cessait ses activités dans toute l’Espagne  [263]. Depuis lors, la compagnie a opéré un retour discret en 2016, pour le moment limité à Madrid, en cherchant à redorer son image auprès des autorités avec son offre UberX (chauffeurs sous licence) et récemment une nouvelle offre UberONE (avec une flotte de voitures électriques)  [264].

166À Barcelone, une action similaire a été introduite contre Uber par des représentants du secteur des taxis (Élite Taxi), mais ce litige est suspendu dans l’attente de la réponse de la CJUE à une question préjudicielle posée par le juge catalan (cf. supra). L’enjeu de cette procédure devant la CJUE est de savoir si Uber doit être considéré comme un service de transport au sens de la directive européenne 2006/123 dite « directive Services » (comme le soutient Élite Taxi), ou comme un « service de la société d’information » (comme le soutient Uber) au sens de la directive européenne 98/34  [265]. Dans le premier cas, Uber pourrait se voir imposer un régime d’autorisation préalable sans autres formalités, puisque les services de transport sont expressément exclus de la directive Services  [266]. Si Uber n’est pas reconnu comme un service de transport, mais comme un service de la société de l’information, alors non seulement Uber bénéficierait de la liberté de prestation des services et lui imposer un régime d’autorisation préalable serait en principe exclu, mais en outre la directive 98/34 exigerait que le projet de réglementation ait fait l’objet d’une notification à la Commission européenne. S’il s’avérait qu’Uber est bien un service de la société de l’information et que l’obligation de notification à la Commission n’a pas été respectée, la réglementation espagnole pourrait se révéler inapplicable.

167 Dans son « Agenda pour l’économie collaborative »  [267], la Commission européenne a donné un début de réponse à cette question : en tant qu’elles fournissent les informations permettant la mise en relation entre les consommateurs et les prestataires, les plateformes fournissent un service de la société de l’information. Mais elles peuvent également fournir un service sous-jacent (comme un service de transport), qui peut être soumis à des réglementations sectorielles. La Commission précise quelques critères-clés pour déterminer si la plateforme fournit en outre un service sous-jacent, tels que la fixation ou non du prix, la propriété des actifs principaux ou l’imposition de conditions contractuelles essentielles déterminant le service.

168Entre-temps, Uber a relancé ses services à Madrid, où opère (comme à Bruxelles) le service UberX, présenté comme respectant la réglementation relative aux services de LVC  [268].

3.2. Plateformes d’hébergement : le cas d’Airbnb

169 Parmi les plateformes de services d’hébergement, on peut distinguer, d’une part, les plateformes d’échange d’hospitalité et, d’autre part, les plateformes de réservation d’hôtels et d’hébergements à court terme.

170Les plateformes d’échange d’hospitalité permettent de mettre en relation des hôtes et des visiteurs en vue d’un hébergement à titre gratuit. On peut distinguer entre les plateformes d’offre d’hébergement sous une condition de réciprocité différée (comme dans le cas de Couchsurfing, où aucune obligation formelle de contrepartie n’est exigée) ou de réciprocité immédiate (c’est le cas de services d’échange de maisons comme Nightswapping.com, où les offres de nuitées sont échangées contre d’autres offres de nuitées). Couchsurfing a contribué à populariser ces offres d’hébergements entre particuliers, en introduisant un système élaboré d’évaluations entre utilisateurs permettant d’assurer un certain niveau de confiance et de qualité du service.

171 Une première génération de plateformes de réservation d’hôtels met en relation des entreprises et des particuliers (B2C). On peut citer comme exemple des sites tels que Booking.com ou Expedia.com, qui existent depuis une vingtaine d’années. Étant donné que ces plateformes ne font que remplacer d’autres intermédiaires (tels que les agences de voyages) dans un secteur déjà existant, elles ne posent pas les mêmes questions que les plateformes de la seconde génération. La principale innovation de cette seconde génération est de mettre en relation des particuliers entre eux (C2C) pour leur permettre d’échanger des locations à court terme. Des sites comme Airbnb (ou son concurrent Homeaway) facilitent ce genre de transaction en automatisant le paiement des réservations, en standardisant l’offre et en reprenant l’idée d’un système d’évaluation entre utilisateurs introduite par Couchsurfing.

172Le succès considérable d’Airbnb a contribué à populariser l’économie des plateformes collaboratives auprès du grand public. Mais l’émergence d’une nouvelle offre d’héberge-ments à court terme par des particuliers, opérant souvent dans une zone grise juridique, a suscité des préoccupations nouvelles. Parmi celles-ci, on peut citer la question de la protection du consommateur, mais aussi celle de la disponibilité de logements à prix accessibles dans les villes où la demande excède l’offre, ou de l’aménagement du territoire et de la régulation de l’offre touristique dans certaines grandes villes  [269].

173Toutefois, Airbnb n’a pas fait l’objet d’un aussi grand nombre de litiges que des plateformes de transport comme Uber, Lyft, etc. Il faut dire que les dirigeants d’Airbnb ont généralement adopté une attitude plus conciliante envers les autorités nationales et locales. Elles ont également mis en place certaines collaborations en vue de l’application de la réglementation. Ainsi, dans un certain nombre de villes telles que Paris ou Amsterdam, Airbnb a proposé de collecter les taxes de séjour et de les reverser aux autorités locales  [270]. À Paris, la compagnie a accepté d’envoyer une notification aux loueurs qui dépasseraient la limite maximale de nuitées que la réglementation locale leur autorise à louer  [271]. Le site Internet d’Airbnb propose en outre une page « Hébergement responsable », dans laquelle il rappelle à ses hôtes l’obligation de respecter la réglementation locale, et fournit quelques informations sommaires concernant les réglementations nationales et locales et le régime fiscal applicable dans le pays de l’utilisateur  [272].

174 Toutefois, la question – cruciale – du partage d’information avec les autorités à propos des utilisateurs de la plateforme reste une source de crispation : ainsi, si Airbnb a finalement accepté de transmettre certaines données aux autorités de la ville de New York, c’est seulement après une longue bataille juridique, et seulement à la condition que les données soient anonymisées (cf. supra). En outre, confrontée à une étude montrant que les données fournies aux autorités par Airbnb avaient été manipulées  [273], la compagnie a récemment admis y avoir supprimé 1 500 logements opérés par des opérateurs commerciaux qui « ne reflétaient pas la vision d’Airbnb pour sa communauté »  [274].

175 Il ne faut donc pas oublier que, à l’instar d’Uber, Airbnb reste engagée dans une vive lutte politique quant à la légalité et au cadre juridique applicables à ses services, et qu’elle a activement participé à un certain nombre de référendums ou de débats publics sur des changements législatifs en la matière.

3.2.1. Cadre juridique en Belgique

176En Belgique, les différentes matières concernées (tourisme, logement, etc.) relèvent de la compétence des autorités régionales  [275] ; la législation diffère donc selon les Régions. Tant en Région de Bruxelles-Capitale qu’en Flandre, la régulation des plateformes d’hébergement se trouve à une période charnière, puisque de nouvelles législations viennent d’être adoptées, dont certaines doivent encore être complétées par un arrêté d’exécution. Toutefois, les dispositions sur les baux de résidence principale restent encore largement communes aux trois Régions, les dispositions du Code civil insérées par la loi du 20 février 1991  [276] n’ayant pratiquement pas été modifiées par les législateurs régionaux depuis la régionalisation de la matière.

177 S’appliquent donc dans les trois Régions les conditions particulières prévues à l’article 4 de la loi du 20 février 1991 pour les cas de sous-location : dans le cadre d’un bail de résidence principale, le preneur ne peut sous-louer qu’une partie du bien (la sous-location totale est interdite), et il doit en outre obtenir l’autorisation du bailleur  [277]. Pour les baux d’un bien affecté à la résidence secondaire du preneur en revanche, c’est le droit commun prévu à l’article 1717 du Code civil qui prévaut, et la sous-location est en principe autorisée sauf disposition contraire  [278].

Région wallonne

178La Wallonie semble peu touchée par les locations Airbnb, la majorité des biens proposés sur Airbnb se concentrant à Bruxelles et en Flandre  [279]. On peut donc comprendre que le législateur wallon n’a pas encore révisé l’assez récent Code wallon du tourisme (adopté en 2010) pour prendre en compte ce phénomène. La législation en vigueur réglemente essentiellement l’usage des dénominations telles qu’« hôtel », « maison d’hôtes » et « gîte rural », qu’elle conditionne à une procédure d’autorisation préalable.

179Le gouvernement wallon a toutefois annoncé, le 14 avril 2016, l’adoption en première lecture d’un projet de décret révisant le Code wallon du tourisme et qui sera prochainement présenté au Parlement wallon, visant notamment à tenir compte des plateformes d’hébergement  [280]. D’après la presse, cette révision suivrait une approche intermédiaire entre celles adoptées à Bruxelles et en Flandre : les exploitants des hébergements touristiques devront donc bien réaliser une formalité préalable, mais celle-ci prendrait la forme d’une simple déclaration dans laquelle ils attestent respecter les obligations légales (sécurité, antécédents judiciaires, assurance, titre d’exploitation)  [281].

Région de Bruxelles-Capitale

180En Région de Bruxelles-Capitale, une ordonnance du 8 mai 2014 relative à l’hébergement touristique a été adoptée  [282]. Elle a été suivie par un arrêté d’exécution du 24 mars 2016  [283].

181 Cette nouvelle réglementation est essentiellement motivée par le souci de lutter contre la concurrence déloyale et d’assurer la protection des consommateurs  [284]. Contrairement aux cas de Paris ou de San Francisco, la problématique d’une éventuelle pression sur le marché du logement à long terme n’a pas semblé constituer une préoccupation prioritaire dans les discussions du législateur bruxellois, comme le montrent les travaux parlementaires ayant donné lieu à l’ordonnance du 8 mai 2014 relative à l’hébergement touristique. L’exposé des motifs de cette ordonnance ne mentionne d’ailleurs pas les plateformes d’hébergements comme Airbnb  [285].

182 L’ordonnance ne couvre que les hébergements touristiques, qu’elle définit comme des « logement[s] proposé[s] pour une ou plusieurs nuits, à titre onéreux, de manière régulière ou occasionnelle, à des touristes ». Ne sont donc pas visés les services d’échange d’hospitalité à titre gratuit tels que Couchsurfing, ainsi que, on le suppose, les services d’échange de maisons comme Nightswapping. L’ordonnance distingue différentes catégories d’hébergements touristiques, dont les hôtels, les appart-hôtels, les résidences de tourisme et l’hébergement chez l’habitant ; les hébergements touristiques généralement mis à disposition par le biais de plateformes comme Airbnb, Booking.com ou Expedia.com peuvent relever de plusieurs de ces différentes catégories.

183 L’approche adoptée par la Région bruxelloise est particulièrement exigeante pour les loueurs. L’ordonnance prévoit une procédure de « déclaration préalable » (qui s’assimile en fait à un régime d’autorisation préalable  [286]), dans laquelle l’exploitant doit soumettre notamment : une copie du contrat d’assurance, un titre de propriété ou de location, un accord écrit de l’assemblée générale des copropriétaires  [287] (en plus de l’autorisation du bailleur normalement requise en cas de sous-location, cf. supra), un extrait de casier judiciaire, une attestation (allégée) de sécurité incendie délivrée par les autorités communales, une attestation de respect des règles de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire, ou encore un plan du logement  [288]. Si la délivrance de certains de ces documents (en particulier l’attestation d’urbanisme) peut s’avérer assez lourde, le contrôle préalable par la Région est annoncé comme purement formel, se limitant à un contrôle de la validité des documents remis  [289]. Ce n’est que par le contrôle ex post prévu par l’ordonnance que l’administration bruxelloise vérifiera la conformité des conditions réelles de l’hébergement touristique avec le prescrit légal  [290].

184 Ce régime d’autorisation préalable mis en place par la réglementation bruxelloise a été au cœur de nombreuses critiques. Interviewé par La Libre Belgique, un responsable d’Airbnb s’est plaint de la complexité de la procédure d’autorisation préalable, et a dit n’avoir « quasiment pas été consult[é] par les autorités bruxelloises »  [291]. En 2015, des députés de l’opposition font état de leurs craintes à propos de l’arrêté d’exécution alors en cours d’élaboration. Boris Dilliès (MR) déplore que « [c]es nouvelles conditions, si elles sont prises, étoufferont la progression de ce type d’économie »  [292]. Pour Alain Maron (Écolo), « ce cadre est tellement contraignant que personne ne le respecte (…). Et ce n’est pas avec six ETP [équivalents temps plein] que la situation pourra être contrôlée »  [293] (en référence aux effectifs du service Inspection du service public régional Bruxelles Économie et Emploi affectés au contrôle des hébergements touristiques)  [294]. On notera toutefois l’effort de pédagogie fourni par l’administration bruxelloise, qui propose un outil en ligne permettant aux exploitants d’hébergement de déterminer les obligations qui leur incombent  [295].

185 La réglementation bruxelloise plafonne à un maximum de 120 jours (quatre mois) par an le nombre de nuitées durant laquelle une résidence principale peut être louée dans son entièreté comme résidence de tourisme  [296]. Au-delà, l’hébergement doit être qualifié dans une autre catégorie prévue par l’ordonnance, comme celle d’hébergement chez l’habitant (plus contraignante). Dans tous les cas, il faut en principe procéder à la déclaration préalable avant de pouvoir louer son logement sur Airbnb. Cette approche est similaire à celle adoptée par les autorités de San Francisco  [297], qui prévoient un régime intermédiaire pour les locations à court terme de maximum 90 jours par an, néanmoins soumises à un enregistrement préalable auprès des autorités locales. Par contraste, en France, la loi dite ALUR du 24 mars 2014 (cf. infra) prévoit un régime simplifié pour les locations à court terme d’une résidence principale d’une durée de moins de quatre mois par an, n’exigeant aucune déclaration ou autorisation préalable.

186 Par ailleurs, contrairement à ce qui se fait dans d’autres juridictions, la réglementation bruxelloise ne vise pas les opérateurs des plateformes eux-mêmes ; elle ne prévoit donc pas de coopération avec les plateformes, ni pratiquement aucun dispositif d’échange d’informations avec les autorités. Un récent projet d’ordonnance réformant la taxe de séjour (en cours d’examen) introduit seulement un devoir d’information des intermédiaires, qui devront communiquer, sur demande de l’administration, les données d’identification de l’exploitant d’un hébergement touristique  [298]. Au-delà de cela, le gouvernement régional bruxellois ne souhaite instaurer aucune collaboration supplémentaire avec les plateformes, telle qu’une obligation de communiquer le nombre de nuitées ou les revenus réalisés ou une délégation de la collecte de la taxe de séjour comme à Paris ou Amsterdam (cf. supra). Le gouvernement justifie ce refus par un souci de ne pas « devoir dépendre d’une société privée pour la transmission d’informations »  [299] et une méfiance quant à l’exactitude des données communiquées par les intermédiaires  [300].

Région flamande

187En Flandre, les locations touristiques sont jusqu’à présent réglementées par le décret du 10 juillet 2008  [301], qui prévoit un régime d’autorisation préalable pour toute exploitation de logement touristique. Cette réglementation va être abrogée et remplacée par un nouveau décret, daté du 5 février 2016  [302] et dont l’entrée en vigueur est soumise à l’adoption d’un arrêté d’exécution par le gouvernement flamand.

188Ce nouveau décret (comme l’ancien) ne vise que les hébergements touristiques mis à disposition contre paiement, et non les logements mis à disposition à titre gratuit, comme l’a confirmé le gouvernement flamand, qui a fait part de son souci de ne pas imposer de nouvelles exigences légales à des services non commerciaux comme Couchsurfing  [303]. On peut supposer que ne sont pas non plus couverts des services d’échange de maison comme Nightswapping, même si ceux-ci sont rendus contre des bons pour des nuitées auprès d’autres participants.

189 Le nouveau décret a pour objectif d’harmoniser et de simplifier la réglementation applicable à toutes les catégories d’hébergement touristique, qu’il s’agisse d’hôtels ou de chambre d’hôtes. En effet, si l’exploitation d’un hébergement touristique est toujours soumise à diverses obligations (normes de sécurité et de propreté, antécédents criminels du loueur, information des clients), aucune autorisation préalable n’est requise : l’exploitant doit seulement informer Toerisme Vlaanderen de cette exploitation  [304] et les contrôles de la conformité par les autorités ont lieu exclusivement ex post. Le décret prévoit seulement une procédure d’agrément facultative, permettant l’obtention d’un panonceau d’agrément, ainsi qu’une procédure de classement par catégorie de confort, également facultative  [305].

190 Notons toutefois que cette nouvelle réglementation flamande n’affecte pas les limitations à la sous-location applicables aux preneurs d’un bail de résidence principale prévues par la loi du 20 février 1991 : un locataire ne pourra donc en aucun cas mettre en location sur Airbnb l’entièreté du logement qu’il affecte à sa résidence principale, et il devra demander l’autorisation du bailleur pour une sous-location partielle (logement chez l’habitant)  [306]. Enfin, le nouveau décret flamand prévoit également une obligation à charge des opérateurs des plateformes de communiquer des informations sur demande des autorités compétentes, mais seulement en ce qui concerne l’identité des exploitants et les coordonnées des hébergements touristiques  [307], comme dans le projet d’ordonnance bruxelloise sur la réforme de la taxe de séjour  [308].

3.2.2. Autres juridictions

191À titre de comparaison avec le cadre juridique belge, penchons-nous sur les approches distinctes adoptées par d’autres juridictions européennes. La première est celle de la France, qui a mis en place une réglementation moins stricte que la réglementation bruxelloise mais plus contraignante que la réglementation, très permissive, adoptée en Région flamande. La deuxième est celle de la ville d’Amsterdam, aux Pays-Bas, qui a opté pour une réglementation globalement proche de celle en vigueur en France mais soutenue par un accord innovant conclu entre les autorités municipales et la compagnie Airbnb. Le troisième et dernier cas étudié est celui de la ville de Berlin, en Allemagne, qui a adopté l’une des réglementations les plus strictes d’Europe.

France

192En France, le Code du tourisme prévoyait déjà un régime de déclaration préalable pour les changements d’usage d’un logement visant à l’affecter en hébergement touristique  [309]. En outre, dans certaines grandes villes, l’autorisation de changement d’usage d’un logement pour l’exploiter comme hébergement touristique peut être conditionnée à l’obligation de proposer une compensation visant à reconstituer la perte de logement engendrée  [310].

193Dans une loi du 24 mars 2014 dite loi ALUR  [311], le législateur français a durci à de nombreux égards le régime applicable aux locations à court terme, dans l’objectif de lutter contre la pénurie de logements, tout en prévoyant un régime simplifié pour les locations d’une durée totale inférieure à quatre mois par an. Une première mesure de durcissement du régime applicable est l’extension de l’interdiction de principe de la sous-location, sauf accord écrit du propriétaire  [312]. Une deuxième mesure, visant également les locataires, est l’interdiction d’imposer au sous-locataire un prix au mètre carré de surface habitable qui excède celui payé par le locataire principal (et donc l’interdiction de générer un profit par la sous-location)  [313]. Enfin, une troisième mesure assez contraignante pour les cas d’immeubles en copropriété soumettait à l’accord préalable de l’assemblée des copropriétaires (à la majorité simple) toute demande de changement d’usage d’un local destiné à l’habitation « aux fins de le louer pour de courtes durées à une clientèle de passage »  [314]. L’idée n’était pas inintéressante : elle visait à confier à l’assemblée des copropriétaires un rôle dans la régulation des locations à court terme, afin notamment de limiter les externalités pour les logements avoisinants  [315]. Cette mesure a toutefois été perçue comme un couperet, étant donné l’attitude souvent hostile des copropriétaires à l’égard des locations « Airbnb » et donc, par hypothèse, la difficulté d’obtenir leur accord. En tout état de cause, cette mesure a fait l’objet d’une déclaration d’inconstitutionnalité en mars 2007 par le Conseil constitutionnel au motif qu’elle constituait « une atteinte disproportionnée aux droits de chacun des copropriétaires »  [316].

194En revanche, le législateur français a prévu un régime simplifié (ne nécessitant pas de déclaration de changement d’affectation) pour ceux qui mettent leur résidence principale en location pour une durée totale n’excédant pas quatre mois par an  [317]. Une telle mesure relève du bon sens, dans la mesure où elle permet une location occasionnelle de son logement par une personne qui y vit vraiment le reste de l’année, par exemple afin de couvrir ses charges lors de déplacements ou d’absence. Ce régime simplifié est moins contraignant que celui en vigueur dans la ville de San Francisco ou en Région bruxelloise, où toutes les locations à court terme sont soumises à une procédure de déclaration ou autorisation préalable, même celles ne requérant pas un changement d’affectation (cf. supra). Toutefois, la loi française du 7 octobre 2016 a ouvert une brèche dans ce régime simplifié, en permettant aux communes de plus de 200 000 habitants de décider d’imposer une procédure de déclaration préalable même pour les locations de courte durée  [318].

195Les autorités françaises mettent également à contribution les opérateurs de la plateforme. Ainsi, la loi ALUR prévoit que tout intermédiaire rémunéré, en ce compris celui qui met à disposition une plateforme numérique, « informe le loueur des obligations de déclaration ou d’autorisation préalables prévues par ces articles et obtient de lui, préalablement à la location du bien, une déclaration sur l’honneur attestant du respect de ces obligations »  [319]. De même, la mairie de Paris a conclu un accord avec Airbnb, par lequel la compagnie s’engage à notifier ses utilisateurs en cas de dépassement du nombre de nuitées exemptées de déclaration préalable  [320].

196La Ville de Paris a également pris certaines initiatives controversées pour lutter contre les hébergements touristiques illicites, comme la création d’un outil d’open data recensant les autorisations accordées pour des locations de meublés touristiques d’une durée de plus de quatre mois, qualifié par certains d’appel à la délation  [321]. Les autorités de la Ville de Paris réalisent en outre régulièrement des contrôles, visitant plusieurs milliers de logements lors d’opérations spéciales  [322] et utilisant les signalements des voisins ainsi que le data mining à partir des données publiques présentes sur les plateformes comme Airbnb afin de traquer les contrevenants  [323]. Toutefois, les autorités parisiennes n’ont pas conclu d’accord d’échange des données avec la plateforme, comme c’est le cas dans certaines villes états-uniennes.

Pays-Bas

197Aux Pays-Bas, c’est la très touristique ville d’Amsterdam qui est la plus concernée par les locations Airbnb. Elle a ainsi été parmi les premières municipalités d’Europe à encadrer ce phénomène.

198La réglementation de la ville d’Amsterdam  [324] s’apparente assez fort au cas français. En effet, la ville d’Amsterdam prévoit un régime simplifié autorisant la location de son logement sans nécessiter d’autorisation préalable ou de changement d’affectation, mais la durée maximale est ici de 60 jours par an (soit la moitié de ce qui est autorisé en France).

199Le principal intérêt du cas d’Amsterdam réside dans l’accord signé en 2014 par les autorités municipales avec la compagnie Airbnb  [325], par lequel les deux parties adoptent une série de collaborations « dans un esprit de bonne volonté » et s’engagent à ne pas intenter d’action en justice l’une contre l’autre durant la durée de l’accord  [326]. Initialement, la collaboration portait sur la collecte de taxes de séjour par la plateforme pour le compte des autorités  [327], l’information des voyageurs concernant la réglementation municipale  [328], la suspension des utilisateurs sanctionnés par la ville pour non-respect de la réglementation municipale  [329], et un échange des statistiques (anonymes) avec les autorités sur les locations effectuées par le biais de la plateforme  [330].

200L’accord a été renouvelé en novembre 2016. La nouvelle mouture renforce notamment le rôle de la plateforme dans l’information et la sanction des utilisateurs contrevenant à la réglementation municipale : la compagnie s’engage à faire figurer un compteur sur la page du loueur (indiquant le nombre de nuitées disponibles pour la location avant d’atteindre la limite des 60 jours par an)  [331] et, surtout, à mettre en place un mécanisme automatisé suspendant les annonces des loueurs contrevenant à la réglementation municipale  [332].

201Cette délégation du rôle de surveillance du respect de la réglementation aux opérateurs de la plateforme est incontestablement une innovation intéressante, qui va bien plus loin que l’accord conclu avec les autorités parisiennes pour notifier le dépassement de la limite annuelle de location (cf. supra).

Allemagne

202En Allemagne, les principales controverses ont porté sur l’impact des locations Airbnb sur le marché locatif berlinois. Parmi les villes les plus touristiques d’Europe, la ville de Berlin était la ville allemande présentant le plus grand nombre d’offres de logements sur Airbnb (à savoir plus de 12 000 en 2015). De nombreuses critiques se sont fait entendre, établissant un lien entre la croissance d’Airbnb dans la capitale allemande et la hausse des loyers de 56 % entre 2009 et 2014  [333]. Une recherche d’étudiants menée à l’université de Potsdam a livré un certain nombre de statistiques (à partir de données obtenues par des requêtes automatiques sur la plateforme) à propos des offres de logement berlinoises sur Airbnb  [334]. D’après les résultats de cette recherche, 10 % des utilisateurs d’Airbnb à Berlin ont plus de deux annonces sur le site, et les dix plus gros utilisateurs seraient à eux seuls responsables de 281 offres de logement  [335].

203C’est sur fond de ces controverses que le Sénat de la ville-Land de Berlin (Berliner Senat) adopte à la fin de l’année 2013 une « loi sur le détournement d’affectation des logements » (Zweckentfremdung von Wohnraum-Gesetz), qui soumet tout changement d’affectation de logements à une autorisation des autorités. Pour considérer qu’il y a détournement d’affectation, la loi énonce plusieurs critères particulièrement larges, notamment le fait que l’appartement entier soit loué de manière répétée en tant que logement touristique et à des fins commerciales  [336]. Toutefois, la loi précise que la location de chambres dans un logement partagé n’est pas considérée comme un détournement d’affectation si l’appartement est consacré de manière prédominante (plus de 50 %) à une affectation de logement à long terme  [337]. Seule la location de logements entiers nécessite donc une autorisation. À titre de mesure transitoire, pour les logements déjà mis en location au moment de l’entrée en vigueur, la loi prévoit une période de grâce de deux ans.

204 Protestant vivement contre cette nouvelle loi, Airbnb commande notamment un rapport d’expert rendu public en décembre 2014, dont les résultats tendent à montrer que la très large majorité des appartements loués à Berlin (88 %) l’étaient pour moins de 120 jours par an  [338]. Toutefois, il s’avère que, trois jours avant l’entrée en vigueur de l’interdiction (le 1er mai 2016), la compagnie Airbnb a apparemment opéré un élagage massif de son offre de logements à Berlin, supprimant des milliers d’annonces de location, de sorte que le nombre de logements disponibles était passé d’environ 12 000 à 6 700  [339]. En juin 2016, la constitutionnalité de la loi est confirmée par un tribunal administratif de Berlin, qui considère que ni la liberté de commerce ni les droits de propriété des requérants ne sont violés. Le juge motive notamment sa décision en faisant référence à la fonction sociale de la propriété, qui permet de justifier une telle limitation au droit de propriété vu la situation de pénurie de logements à Berlin  [340].

205 Cette législation berlinoise est à ranger parmi les plus strictes en Europe puisque, comme la réglementation bruxelloise, elle ne prévoit pas de période minimale durant laquelle les particuliers pourraient effectuer des locations à court terme de leur résidence principale sans nécessiter d’autorisation.

3.3. Pistes d’évolution du cadre juridique de l’économie des plateformes

206La question de savoir si l’économie des plateformes collaboratives nécessite une réglementation spécifique est toujours débattue actuellement. Les enthousiastes des plateformes et leurs opérateurs soutiennent souvent la position selon laquelle leurs services sont tellement radicalement innovants qu’ils créent de tout nouveaux marchés qui requièrent un régime juridique radicalement différent  [341]. D’autres observateurs considèrent au contraire que ces plateformes ne sont pas significativement différentes des services traditionnels des secteurs dans lesquelles elles opèrent, et qu’elles doivent donc être réglementées de manière analogue  [342]. D’autres encore estiment qu’une réglementation ex post au moyen des outils existants du droit de la concurrence devrait suffire à couvrir bon nombre d’enjeux  [343].

207En tout état de cause, certains régulateurs ont proposé (et parfois adopté) de nouvelles dispositions couvrant les plateformes collaboratives en général. Dans cette section, nous en discuterons deux : l’idée d’un régime de taxation favorable pour les échanges entre particuliers sur les plateformes, et celle d’une protection sociale pour les contributeurs des plateformes.

3.3.1. Un régime de taxation allégé pour les échanges entre particuliers sur les plateformes ?

208 Comme nous l’avons vu, il peut être utile de recréer une ligne de démarcation entre amateur et professionnel, de manière à ne pas devoir choisir entre surréglementer des activités réalisées par des amateurs ou bien déréguler des activités entreprises à une échelle commerciale. Les réglementations nationales ou locales peuvent ainsi alléger le cadre applicable aux amateurs en mobilisant des critères approximant cette distinction, par exemple en excluant les activités non rémunérées de leur champ d’application.

209Mais on pourrait considérer que, même s’ils sont rémunérés, des services ne générant qu’un petit revenu annuel relèvent d’activités amateur, qui pourraient faire l’objet d’un régime allégé : louer son appartement quelques nuits lorsque l’on est absent, prendre des passagers en covoiturage pour couvrir les frais du véhicule, proposer des repas sur des sites de social dining, etc. Cela se justifie d’autant plus dans le contexte de l’économie des plateformes, où les revenus peuvent provenir d’une multitude de plateformes, pour des montants restant parfois assez modestes  [344].

210En ce sens, certains ont proposé de créer un régime fiscal allégé pour les gains occasionnels réalisés par des particuliers sur les plateformes collaboratives. Ainsi le législateur italien, dans une proposition de loi sur la « sharing economy » (toujours en cours d’examen)  [345], propose de soumettre la première tranche de 10 000 euros des revenus des contributeurs non professionnels des plateformes à un taux d’imposition de 10 %. Parmi les raisons invoquées en faveur d’un tel régime allégé, on peut citer le caractère mineur des montants en jeu, ou le fait que les contributeurs « amateurs » n’ont généralement pas accès aux mêmes conseils juridiques que des professionnels, ou bien encore le fait que la participation à l’économie des plateformes peut servir de tremplin vers la création d’entreprises. De même, en France, une franchise fiscale (quotité exemptée d’impôt) de 5 000 euros a été proposée au Sénat, ses promoteurs arguant que ce montant représentait un partage des frais et charges d’entretien des biens loués dans le cadre de l’économie dite collaborative  [346]. Cette proposition n’a in fine pas été adoptée, le gouvernement craignant qu’elle ne constitue une atteinte au principe d’égalité devant l’impôt  [347].

211 En Belgique, le vice-Premier ministre et ministre de la Coopération au développement, de l’Agenda numérique, des Télécommunications et de la Poste, Alexander De Croo (Open VLD), a œuvré en faveur de la création d’un régime spécifique pour la taxation des revenus de l’économie des plateformes, qui a été inséré dans la loi-programme du 1er juillet 2016  [348]. Cette réforme soumet à un régime d’imposition favorable (équivalent à un taux réel de 10 %  [349]) les bénéfices perçus en dehors de leur activité professionnelle par les contributeurs des plateformes agréées par le Roi, en dessous d’un plafond de 5 000 euros  [350]. Les contributeurs qui bénéficient de ce régime ne sont pas assujettis au statut social des indépendants  [351]. Au-delà du plafond de 5 000 euros, les revenus sont (sauf preuve contraire) considérés comme des revenus professionnels, et donc soumis à l’impôt sur le revenu  [352]. Il est toutefois à noter que les locations immobilières à court terme sur Airbnb ne sont que partiellement couvertes par ce régime : les revenus locatifs n’étant pas imposés spécifiquement, ils ne sont pas concernés par l’imposition à un taux de 10 %. Seuls les revenus des services liés à la location (nettoyage, petit déjeuner, etc.), évalués à 20 % du prix de l’indemnité globale, sont à prendre en compte pour l’application du taux de 10 % en dessous de 5 000 euros  [353]. Toutefois, des représentants d’Airbnb ont récemment annoncé que la compagnie ne comptait pas demander l’agrément pour participer à ce régime fiscal, invoquant la complexité liée à cette distinction entre revenus locatifs et revenus des services liés à la location  [354].

212 Un aspect particulièrement intéressant de ce nouveau régime fiscal est le fait qu’il prévoit une retenue à la source par la plateforme de cet impôt spécifique, ainsi qu’une communication à l’administration des informations sur les prestations donnant lieu à imposition et sur l’identité des prestataires  [355]. De cette manière, le législateur belge fait peser les obligations de déclaration fiscale sur l’opérateur de la plateforme plutôt que sur les utilisateurs, et diminue vraisemblablement ainsi les risques de non-déclaration. Le système ne s’appliquera toutefois qu’aux services rendus par l’intermédiaire d’une plateforme agréée par le Roi ou « d’une plateforme électronique organisée par une autorité publique »  [356]. Une autre limitation de ce système est que seuls les revenus en dessous du plafond de 5 000 euros sont communiqués par la plateforme à l’administration fiscale, pour les besoins du régime fiscal allégé portant sur ces revenus. Une mesure plus ambitieuse à cet égard est celle récemment prise par le législateur français, imposant aux opérateurs des plateformes de procéder à la « déclaration automatique sécurisée » de tous les revenus de leurs contributeurs, à des fins d’imposition (cf. infra).

213 L’opposition parlementaire fédérale  [357] et les organisations représentant les indépendants – Union des classes moyennes (UCM) et Syndicat neutre pour indépendants (SNI) – se montrent assez critiques à l’égard de cette réforme  [358], bien qu’elles partagent généralement l’objectif du gouvernement fédéral de mettre fin à l’incertitude juridique qui existait jusqu’alors. En pratique, leurs critiques se concentrent sur le taux d’imposition favorable de 10 % applicable aux revenus non professionnels des contributeurs des plateformes.

214 Une autre veine de critiques émises à l’encontre de ce régime de faveur fiscal porte sur son caractère discriminatoire  [359] voire constitutif de « concurrence déloyale »  [360]. S’il semble difficile de parler de concurrence déloyale, au sens que le droit positif donne à cette notion, pour un régime organisé par le législateur, on peut se poser la question de la justification de la différence de traitement entre les contributeurs des plateformes agréées et les indépendants à titre complémentaire qui ne passent pas par ces plateformes  [361]. Le ministre A. De Croo justifie cette différence de traitement par la volonté de « donner un coup de pouce vers l’entrepreneuriat » en encourageant l’économie collaborative, ainsi que par la volonté d’inciter à la régularisation d’activités occasionnelles qui ne sont souvent pas déclarées par leurs prestataires  [362]. En tout état de cause, l’UCM a annoncé son intention  [363] de contester cette mesure « devant le Conseil d’État »  [364].

3.3.2. Une taxation effective des revenus des opérateurs des plateformes ?

215Au-delà de la question de la taxation des revenus des contributeurs, se pose celle de la taxation des revenus des opérateurs des plateformes eux-mêmes. En effet, la désintermédiation-réintermédiation de secteurs de l’économie nationale par des multinationales de l’économie des plateformes implique une perte de revenus fiscaux pour les États, étant donné les nombreuses stratégies d’évasion fiscale à disposition de ces multinationales. Dès lors, il importe de s’intéresser aux possibilités de mettre en œuvre une taxation effective des revenus des opérateurs des plateformes.

216 Diverses initiatives sont en cours au niveau européen pour lutter contre l’évasion fiscale des multinationales. Le plan d’action BEPS de l’OCDE a pour objectif de lutter contre les stratégies d’érosion de bases taxables et de déplacement de bénéfices, en favorisant la transparence fiscale de la part des multinationales. Ce plan d’action a donné lieu à de multiples rapports, ainsi qu’à la signature d’une convention multilatérale par laquelle les parties s’engagent à mettre en œuvre des mesures de lutte contre l’évasion fiscale dans leurs conventions fiscales  [365]. Ces principes du plan BEPS ont inspiré un projet de directive adopté par le Conseil de l’Union européenne le 20 juin 2016  [366].

217 En outre, dans une décision du 30 août 2016 relative aux « rulings » fiscaux favorables à Apple accordés par l’Irlande, la Commission européenne a considéré que ces rulings constituaient une aide d’État contraire au droit européen, enjoignant Apple à rembourser 13 millions d’euros d’impôts dus à l’Irlande pour la période allant de 2003 à 2014  [367]. Si elle devait être confirmée (l’Irlande ayant entre-temps interjeté appel  [368]), cette décision pourrait servir de précédent à des actions similaires contre d’autres mécanismes d’optimisation fiscale profitant à des multinationales.

218 Par ailleurs, certains ont préconisé des initiatives nationales poursuivant des objectifs similaires au plan d’action BEPS. Le Royaume-Uni a ainsi instauré une taxe pour les profits détournés (Diverted Profits Tax, que la presse a qualifiée de « Google Tax »), imposant à 25 % les profits en principe taxables au Royaume-Uni qui seraient considérés comme détournés artificiellement vers des paradis fiscaux  [369]. En France, une étude commandée par l’agence gouvernementale France Stratégie a préconisé diverses mesures visant à revoir la fiscalité des plateformes numériques pour capturer une partie de la rente générée par les effets de réseau : revoir les règles du partage de l’impôt des sociétés reflétant le nombre d’utilisateurs sur le territoire national, mettre en place un impôt spécifique sur les revenus générés sur le territoire national, ou encore mettre en place une taxe unitaire sur l’activité de la plateforme, basée par exemple sur le nombre d’utilisateurs ou sur le nombre d’annonceurs  [370].

219 S’il semble exister en Europe une dynamique en faveur de la mise en place d’une taxation effective des multinationales, dont font partie les opérateurs des plateformes, la question est encore loin d’être résolue.

3.3.3. Une protection sociale pour les contributeurs des plateformes ?

220À ce stade, il n’existe aucun statut social spécifique pour les contributeurs des plateformes. À moins qu’une juridiction ne requalifie leur contrat avec la plateforme en contrat de travail, les contributeurs sont en principe assujettis au statut social des indépendants.

221 Toutefois, certains suggèrent que ce statut n’est pas satisfaisant pour assurer une protection effective des contributeurs des plateformes, car ceux-ci seraient en fait des « travailleurs indépendants mais économiquement dépendants ». Ces travailleurs seraient doublement privés de protection : « n’étant pas salariés, ils ne peuvent prétendre à la protection juridique qu’offre le Code du travail ; n’étant pas réellement indépendants, ils ne bénéficient pas de la protection économique que donne la multiplicité des donneurs d’ordre, la rupture de commande d’un seul étant d’effet limité »  [371]. Dans son rapport « Travail, emploi, numérique », le Conseil national du numérique (CNN) français recommande au législateur d’assurer une protection effective à ces travailleurs indépendants économiquement dépendants  [372].

222Dans le débat sur l’évolution du droit du travail face aux nouvelles formes d’activités économiques, trois approches sont envisagées  [373]. La première approche vise à étendre le statut de salarié en reconcevant le lien de subordination juridique en rapport à l’idée de dépendance économique  [374]. La deuxième approche vise à créer un statut intermédiaire entre salarié et indépendant, que certains qualifient de « parasubordination »  [375]. La troisième approche vise à créer un droit commun de l’activité professionnelle, « composé d’un socle de droits fondamentaux applicables à tous les travailleurs quelle que soit la forme juridique de l’exercice d’une activité professionnelle »  [376].

223Le CNN français ne prend pas position entre ces trois approches, appelant seulement à « ne pas multiplier les types de droit applicables » et à privilégier l’évolution du droit commun plutôt que l’adoption de régimes spécifiques  [377].

224 Un exemple de protection juridique de la parasubordination peut être trouvé dans le droit britannique, qui établit la catégorie de worker (« travailleur »), intermédiaire entre celle d’employee (employé) et celle d’independent contractor (indépendant). Introduite dans les années 1990 par le gouvernement travailliste, elle vise à étendre le socle minimal de protection aux travailleurs qui ne peuvent être qualifiés d’employés : salaire minimum, droit aux périodes de repos et aux congés annuels payés, durée maximale du temps de travail  [378]. C’est l’existence de ce régime intermédiaire qui a permis au tribunal du travail de Londres de requalifier le statut des conducteurs Uber comme workers, un jugement qui implique une extension substantielle des droits sociaux de ces conducteurs (cf. supra).

225 En France, une loi du 8 août 2016 dite loi El Khomri (ou loi travail)  [379] apporte une contribution intéressante, qui s’assimile plutôt à la troisième approche, en étendant aux travailleurs des plateformes quelques-unes des protections applicables aux salariés. La loi comporte un titre « Responsabilité sociale des plateformes », qui s’applique « aux travailleurs indépendants recourant, pour l’exercice de leur activité professionnelle, à une ou plusieurs plateformes de mise en relation par voie électronique ». La loi introduit diverses mesures de protection pour ces travailleurs : l’article L 7342-2 prévoit que les cotisations à l’assurance en matière d’accident de travail sont à charge de la plateforme ; l’article L 7342-4 énonce une forme de droit de grève pour les contributeurs des plateformes, en disposant que les mouvements de refus de travail concertés « ne peuvent ni engager leur responsabilité contractuelle, ni constituer un motif de rupture de leurs relations avec les plateformes ou de toute mesure les pénalisant dans l’exercice de leur activité » ; et enfin, l’article L 7342-5 rappelle que les travailleurs de plateformes bénéficient du droit de se constituer en syndicat. Enfin, la loi prévoit la création d’un compte personnel d’activité (CPA) pour l’ensemble des actifs ; cela vise, à terme, à stabiliser l’ensemble des droits acquis par les actifs au cours de leur carrière. Si les modalités précises et les droits pris en compte doivent encore être précisés, le caractère prometteur de cette idée pour la protection sociale des contributeurs des plateformes a été souvent mis en avant  [380].

226 Une autre piste suggérée par le CNN français dans son rapport est celle de l’introduction d’un revenu de base, en tirant notamment les leçons des expérimentations en cours dans d’autres pays d’Europe  [381]. Une telle proposition pourrait en effet constituer un soutien utile aux recompositions du statut du travailleur, à une époque où les carrières sont de plus en plus discontinues et les activités professionnelles multiples.

3.3.4. La portabilité des données réputationnelles ?

227 Le contrôle que les opérateurs des plateformes exercent sur les données personnelles de leurs utilisateurs est un facteur de concentration de pouvoir de marché, ainsi que de dépendance économique pour les travailleurs opérant leur activité sur les plateformes. Ces travailleurs investissent du temps et de l’effort dans le développement de contenus ou l’obtention d’évaluations contribuant à leur « e-réputation » (cf. supra). Ces données n’étant généralement pas transférables vers d’autres plateformes, les contributeurs font face à d’importants coûts de transfert s’ils décident ou sont contraints de quitter la plateforme  [382].

228 Pour réduire cette dépendance des contributeurs vis-à-vis des plateformes collaboratives, on peut imaginer d’imposer aux opérateurs des plateformes d’assurer la portabilité des données réputationnelles, de manière à procurer aux contributeurs une réelle possibilité de quitter la plateforme, en emportant avec eux leurs évaluations. Bien sûr, une telle portabilité des données réputationnelles n’est pas la même chose qu’un accès direct à la clientèle, et une telle solution suppose qu’il existe des plateformes concurrentes vers lesquelles il est envisageable de transférer ces données réputationnelles.

229 Des initiatives ont été prises en ce sens, mais leur applicabilité reste encore floue. Ainsi, l’article 20 du règlement européen du 27 avril 2016 sur la protection des données (general data protection regulation, GDPR)  [383] consacre un droit à la portabilité des données personnelles, à charge des responsables du traitement, que les personnes concernées peuvent recevoir dans un langage lisible par machine et transmettre directement à un autre responsable de traitement. Toutefois, il n’est pas évident que des évaluations réalisées par d’autres utilisateurs constituent des données à caractère personnel, au sens de la GDPR. Pour sa part, la loi française du 7 octobre 2016 prévoit un « droit à la récupération et à la portabilité des données », dont le champ, sensiblement plus large, pourrait couvrir ces données réputationnelles  [384]. Il doit toutefois encore être précisé par décret.

230 D’autres modèles alternatifs ont été proposés pour limiter le pouvoir de marché lié au monopole des plateformes sur les données personnelles et réputationnelles, notamment une gestion des données en tant que « commun » administré par une institution tierce  [385], ou au contraire une gestion individuelle des données par les personnes concernées elles-mêmes, jouant le rôle de « data traders »  [386].

3.3.5. Un rôle actif des opérateurs des plateformes dans l’application du droit ?

231Une autre piste envisagée pour la réglementation des plateformes numériques réside dans une collaboration entre plateformes et autorités publiques pour l’application du droit  [387].

232 En effet, comme en matière de droit d’auteur et de droit de l’information, l’idée semble faire son chemin de tirer profit de la position centrale des intermédiaires que sont les opérateurs de plateformes, pour leur confier un rôle plus actif dans l’application du droit. Il peut s’agir par exemple d’une obligation de communiquer des informations aux autorités publiques (comme celles prévues par le nouveau décret flamand du 5 février 2016), d’une obligation de retenue à la source de l’impôt (comme dans le régime fiscal spécial introduit par la loi-programme fédérale belge du 1er juillet 2016), ou encore d’une obligation de notifier les utilisateurs en cas de violation des réglementations en vigueur  [388] (comme à Paris) ou même de désactiver les utilisateurs contrevenant à la réglementation (comme à Amsterdam). Ce dernier cas constitue une évolution remarquable : l’opérateur de la plateforme ne se contente plus d’informer, mais collabore activement au contrôle du respect de la réglementation, en imposant lui-même des sanctions aux utilisateurs qui ne sont pas en règle.

233 Instaurer ce genre de collaboration ne sera pas nécessairement chose aisée. Les opérateurs des plateformes semblent résister à dépasser certaines lignes rouges. Ainsi, si la plateforme Airbnb semble disposée depuis longtemps à collecter les taxes locales pour le compte des autorités ou à communiquer des statistiques anonymes d’utilisation de sa plateforme comme à Amsterdam (cf. supra), elle est beaucoup plus réticente vis-à-vis d’obligations de transmission de données individualisées sur ses utilisateurs aux autorités, comme le montre la longue bataille juridique livrée à ce sujet avec les autorités de la ville de New York (cf. supra).

234 Une telle obligation d’échange d’informations a néanmoins récemment été adoptée par les députés français, par un amendement à la loi de finances rectificative pour 2016. Cet amendement vise à appliquer aux plateformes le mécanisme de la « déclaration automatique sécurisée » déjà appliqué aux employeurs, obligeant celles-ci à déclarer les revenus bruts de leurs utilisateurs  [389]. Suggérée par un rapport remis au Premier ministre relativement à l’économie collaborative  [390], l’idée vise à faciliter la tâche de l’administration fiscale pour des revenus qui sont imposables mais en pratique « très rarement déclarés, très rarement contrôlés, et in fine très rarement imposés » [391]. Déjà débattue à plusieurs reprises par les sénateurs lors de l’examen d’un projet de loi antérieur  [392], la mesure n’a finalement été adoptée qu’après avoir reçu l’accord du gouvernement français, moyennant une entrée en vigueur repoussée au 1er janvier 2019.

235Cette mesure est à la fois moins et plus ambitieuse que le système retenu par la loi-programme fédérale belge du 1er juillet 2016. Moins ambitieuse, parce qu’elle ne prévoit pas de retenue à la source par les opérateurs des plateformes des impôts dus. Plus ambitieuse, parce qu’elle n’est pas optionnelle (le système belge ne s’applique qu’aux plateformes agréées par le Roi) et qu’elle s’applique à tous les revenus des contributeurs des plateformes (et pas seulement aux 5 000 premiers euros). De cette manière, le législateur français donne les moyens à l’administration fiscale de détecter les défauts de déclaration de l’ensemble des contributeurs des plateformes.

236Une difficulté potentielle sera toutefois de s’assurer du respect de cette obligation par des sociétés étrangères qui n’ont pas de siège en France  [393]. En outre, s’il ne fait pas de doute que des obligations de ce genre sont aisément praticables pour des entreprises multinationales, on peut se demander si certaines d’entre elles ne risquent pas de constituer une charge administrative trop lourde pour de petites plateformes émergentes. Afin de ne pas trop brider l’innovation et le développement d’initiatives citoyennes, il importe d’envisager des moyens de n’imposer ces obligations qu’au-delà d’un certain nombre d’utilisateurs ou d’un certain volume de transactions.

237 Certains émettent des doutes sur la capacité des opérateurs des plateformes à réaliser de bonne foi ce genre de collaborations avec les autorités publiques. Ainsi, certains considèrent, sceptiques, que le rôle de surveillance et de sanction qu’Airbnb a récemment accepté de prendre en charge contre les utilisateurs contrevenant à la réglementation dans la ville d’Amsterdam revient « à confier au renard le rôle de surveiller le poulailler »  [394]. D’autres pointent l’histoire controversée des précédentes tentatives de transparence de ces compagnies : par exemple, Airbnb a été accusée d’avoir sciemment manipulé les données statistiques qu’elle avait communiquées sur ses utilisateurs dans la ville de New York, afin de minimiser le nombre de contrevenants aux réglementations locales  [395].

238 Il est toutefois permis d’espérer que, dans le cadre formel d’une collaboration avec les autorités, que ce soit en vertu de la loi ou d’un accord volontaire, suffisamment de balises soient posées pour s’assurer que les opérateurs des plateformes respectent leurs obligations et coopèrent de bonne foi.

Conclusion

239Il est encore trop tôt pour prévoir l’impact qu’aura l’économie des plateformes collaboratives sur notre système économique, et ultimement sur nos systèmes juridiques  [396]. Ces innovations disruptives sont-elles les prémices de la « troisième révolution industrielle » annoncée par certains  [397], ou relèvent-elles d’une simple évolution tendancielle d’une économie en mal de croissance  [398] ? Le succès impressionnant des plateformes collaboratives dans le secteur des transports et de l’hébergement annonce-t-il une « ubérisation » généralisée de l’économie ? Et si le phénomène se confirme, annonce-t-il réellement de nouveaux rapports au travail, ou constitue-t-il plutôt l’antichambre d’une automatisation accrue de l’économie  [399] ?

240 Quel que soit l’avenir de cette « nouvelle économie », les transformations déjà à l’œuvre sont suffisantes pour que l’on s’en préoccupe sérieusement, et il y a fort à parier que l’économie numérique n’a pas fini de bousculer le régime juridique en brouillant les catégories traditionnelles, telles que la distinction entre amateur et professionnel ou celle entre salarié et indépendant. Que ce soit en matière de droit fiscal ou de droit du travail, les débats sur l’évolution du droit continueront d’être structurés par la tension entre simplification et universalisation des régimes existants et création de régimes ad hoc pour couvrir les éventuelles spécificités du travail de l’économie des plateformes.

241 La diversité des enjeux dans les différents secteurs potentiellement affectés par l’économie des plateformes est telle qu’il est difficile de tirer des conclusions universellement applicables à propos de la réglementation des plateformes numériques et de l’articulation avec les acteurs traditionnels. Entre résistance au changement et laissez-faire technophile, il y a probablement un large espace pour élaborer, secteur par secteur, des compromis intelligents et équilibrés qui protègent les acquis sociaux et environnementaux tout en laissant une marge de liberté pour permettre aux consommateurs et travailleurs de récolter les éventuels fruits de ces nouveaux modèles.

242 On peut néanmoins tracer quelques lignes communes qui se dégagent des initiatives adoptées jusqu’ici par les autorités publiques pour réglementer l’économie des plateformes.

243 Ainsi, les réglementations prévoient souvent des espaces de tolérance pour les échanges à petite échelle de services entre amateurs, même contre rémunération, afin de ne pas soumettre ces personnes à un régime aussi contraignant que les professionnels. Sans ces espaces de tolérance, l’effectivité et la légitimité des réglementations de l’économie des plateformes pourraient être affectées. On peut concevoir plusieurs manières de redessiner la frontière entre amateurs et professionnels ; par exemple, celle-ci peut s’articuler autour de la distinction entre participation aux frais et profit ou autour d’une différenciation selon des seuils  [400].

244Une autre piste suivie par les législateurs est celle consistant à transférer vers les plateformes une partie de la charge administrative incombant normalement aux administrés ou aux autorités publiques. Cela peut passer notamment par des obligations de communication d’information (sur demande ou de manière systématique), par des obligations de collecte des taxes, voire par des notifications ou des sanctions par les opérateurs des plateformes pour les utilisateurs qui ne sont pas en conformité avec la réglementation (en matière d’hygiène et de sécurité, ou en cas de dépassement des seuils d’activité autorisés pour les amateurs, etc.). La délégation à l’opérateur de la plateforme de la surveillance de la conformité à la réglementation (comme dans l’accord entre Airbnb et Amsterdam et, dans une moindre mesure, Paris), le mécanisme de retenue à la source prévu en Belgique pour les revenus occasionnels réalisés sur les plateformes, ou le système de déclaration automatique sécurisée introduit en France sont autant d’exemples intéressants de cette tendance à déléguer un rôle dans l’application du droit aux intermédiaires, déjà présente depuis longtemps dans d’autres domaines, comme le droit financier  [401] ou les droits intellectuels et le droit de l’information  [402].

245Au-delà de ces mesures utiles à l’application du droit existant, on pourrait également concevoir que les autorités publiques adoptent une attitude plus proactive, en facilitant ou en soutenant directement l’émergence de plateformes alternatives qui soient respectueuses du droit et qui correspondent aux objectifs de développement socio-économique poursuivis par le pouvoir politique. Toutefois, dans un paysage économique à ce point dynamique que de nombreux secteurs professionnels sont eux-mêmes pris au dépourvu, il faudra une bonne dose de vision et un projet de société clair pour que le monde politique ne soit pas contraint d’endosser un rôle purement réactif.

Notes

  • [1]
    Concernant ces pratiques, cf. J. B. Schor, C. J. Fitzmaurice, « Collaborating and Connecting: The Emergence of a Sharing Economy », in L. Reisch, J. Thogersen (dir.), Handbook on Research on Sustainable Consumption, Cheltenham, Edward Elgar, 2015, p. 410.
  • [2]
    A. Strowel, W. Vergote, « Digital Platforms: To Regulate or Not to Regulate? Message to Regulators: “Fix the Economics First, Then Focus on the Right Regulation” » (document réalisé pour l’EU Internal Market Sub-Committee du Parlement du Royaume-Uni), 2016, p. 2, http://ec.europa.eu. Les traductions des citations en langue étrangère sont de l’auteur.
  • [3]
    Cf. J. M. Garon, « Reintermediation », International Journal of Private Law, volume 2, n° 3, p. 227.
  • [4]
    H. Blodget, « Uber CEO Reveals Mind-Boggling New Statistic That Skeptics Will Hate », Business Insider, 19 janvier 2015, www.businessinsider.com. Toutefois, la question de savoir dans quelle mesure cette croissance est due à un effet de substitution ou de complément de l’offre de services de taxis reste ouverte. Le peu de données diffusées par Uber sur ses activités ne facilite pas la réponse à cette question (cf. Data Team, « Taxis v. Uber. Substitutes or Complements? », The Economist, 10 août 2015, www.economist.com).
  • [5]
    P. Terrasse, « Rapport au Premier ministre sur l’économie collaborative », Paris, Gouvernement français, 2016, p. 9, www.ladocumentationfrancaise.fr ; A. Kalamar, « Sharewashing Is the New Greenwashing », OpEd News, 13 mai 2013, www.opednews.com ; M. Iglesias, « There Is No “Sharing Economy” », Slate, 26 décembre 2013, www.slate.com ; M. Lambrecht, « “Sharing” ou “Renting Economy” ? », La Libre Entreprise, 2 mai 2015.
  • [6]
    Cf. J. Orsi, E. Doskow, The Sharing Solution: How to Save Money, Simplify Your Life and Build Community, s.l., NOLO, 2009 ; R. Botsman, R. Rogers, What’s Mine Is Yours: How Collaborative Consumption Is Changing the Way We Live, Londres, Collins, 2011 ; J. Kassan, J. Orsi, « The Legal Landscape of the Sharing Economy », Journal of Environmental Law and Litigation, volume 27, n° 1, 2012, p. 1-20.
  • [7]
    Pour des tentatives de définition exhaustives, cf. par exemple P. Terrasse, « Rapport au Premier ministre sur l’économie collaborative », op. cit., p. 11.
  • [8]
    Cf. par exemple la tentative de définition donnée par la Commission européenne : « Un écosystème complexe, fondé sur des services à la demande et l’utilisation temporaire de biens reposant sur des échanges conclus sur des plateformes en ligne » (Commission européenne, « Améliorer le marché unique : de nouvelles opportunités pour les citoyens et les entreprises », Communication, COM(2015) 550 final, 28 octobre 2015, p. 4). Cf. également la définition donnée par D. Allen, C. Berg, The Sharing Economy. How Over-Regulation Could Destroy an Economic Revolution, Melbourne, Institute of Public Affairs, 2014, p. 2, https://ipa.org.au : « L’émergence de nouveaux modèles d’affaires (“plateformes”) qui déracinent des marchés traditionnels, font exploser les catégories économiques et maximisent l’utilisation des ressources rares » (« A rise of new business models (“platforms”) that uproot traditional markets, break down industry categories, and maximise the use of scarce resources »).
  • [9]
    A. De Grave, « L’économie collaborative, c’est fini », OuiShare Magazine, 16 février 2016, http://magazine.ouishare.net.
  • [10]
    Nous visons ici l’utilisation du terme « plateforme » dans la littérature relative aux marchés bi- ou multifaces, et non l’utilisation particulière qui est faite de ce terme dans le domaine du développement logiciel, dans l’opposition entre « plateforme » et « produit ». Cf. A. Bridgwater, « What’s the Difference Between a Software Product and a Platform? », Forbes, 17 mars 2015, www.forbes.com ; F. Zhu, M. Ianisti, « Dynamics of Platform Competition: Exploring the Role of Installed Base, Platform Quality and Consumer Expectations », Working Paper, Harvard Business School, volume 8, n° 31, 2007, p. 2, www.hbs.edu (« Un système avec des points d’entrée et des règles bien définis sur lequel des tiers peuvent construire des applications et des services » : « System with well-defined access points and rules on which other parties can build applications or services ») ; M. Iansiti, R. Levien, « Strategy as Ecology », Harvard Business Review, volume 82, n° 3, 2004, https://hbr.org.
  • [11]
    J.-C. Rochet, J. Tirole, « Platform Competition in Two-Sided Markets », Journal of the European Economic Association, volume 1, n° 4, 2003, p. 990-1029.
  • [12]
    Commission européenne, « Les plateformes en ligne et le marché unique numérique. Perspectives et défis pour l’Europe », Communication, COM(2016) 288 final, 25 mai 2016.
  • [13]
    Article 22 de la loi française n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique (Journal officiel de la République française, n° 235, 8 octobre 2016).
  • [14]
    Nous nous inspirons ici de la distinction discutée par Giacomo Luchetta, qui va jusqu’à suggérer qu’il conviendrait de restreindre la définition des marchés bifaces aux marchés dans lesquels les deux groupes sont nécessaires au fonctionnement du service, et produisent des externalités de réseau croisées réciproques (cf. G. Luchetta, « Is the Google Platform a Two-Sided Market? », Journal of Competition Law and Economics, volume 10, n° 1, 2014, p. 185-207).
  • [15]
    Bien que nous limitions notre propos aux plateformes collaboratives, telles que définies ci-après, par commodité, nous utiliserons par moment les expressions « plateforme » ou « économie des plateformes ».
  • [16]
    Cette définition, mis à part le fait qu’elle met en évidence la fonction de mise en relation des plateformes collaboratives, se rapproche de la définition proposée dans la consultation entamée en 2015 par la Commission européenne sur les plateformes en ligne (cf. Commission européenne, « Public Consultation on the Regulatory Environment for Platforms, Online Intermediaries, Data and Cloud Computing and the Collaborative Economy », 24 septembre 2015, https://ec.europa.eu).
  • [17]
    Cf. P. Terrasse, « Rapport au Premier ministre sur l’économie collaborative », op. cit., p. 15.
  • [18]
    A. Strowel, W. Vergote, « Digital Platforms: To Regulate or Not to Regulate? », op. cit.
  • [19]
    A. Gawer, « Online Platforms: Contrasting Perceptions of European Stakeholders. A Qualitative Analysis of the European Commission’s Public Consultation on the Regulatory Environment for Platforms » (Rapport final pour la Commission européenne), 2015, https://ec.europa.eu.
  • [20]
    Nous nous inspirons ici de J. Schor, « Debating the Sharing Economy », Great Transition Initiative, octobre 2014, www.greattransition.org. Cf. par exemple J. Orsi, E. Doskow, The Sharing Solution, op. cit., qui mentionne les arguments suivants en faveur de l’économie du partage : « Partager contribue à l’intérêt général de différentes façons (…). C’est une chose positive. Cela aide les gens à se sentir connectés à leurs voisins, collègues, et même à des étrangers. Cela construit une communauté et rencontre nos besoins de manière créative. (…) C’est écologique. La plupart des formes de partages résultent en une moindre utilisation des ressources, et cela est bon pour la planète » (« Sharing contributes to the greater good in lots of ways. (…). It’s nice. It can help people feel connected to their neighbors, coworkers, and even strangers. It builds community and meets our needs in creative ways. It sets a good example for our children. (…) It’s green. Most kinds of sharing result in fewer resources being used, and that’s good for the planet »).
  • [21]
    G. M. Eckhardt, F. Bardhi, « The Sharing Economy Isn’t About Sharing at All », Harvard Business Review, 28 janvier 2015, https://hbr.org.
  • [22]
    Dans le même sens, D. Massé, S. Borel, D. Demailly, « Comprendre l’économie collaborative et ses promesses à travers ses fondements théoriques », Working paper, Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI, Sciences Po), n° 5, 2015, p. 6, recense comme inspiration de l’économie collaborative « l’économie du libre et du peer to peer, l’économie du don, ainsi que l’économie de la fonctionnalité et circulaire ».
  • [23]
    R. Botsman, R. Rogers, What’s Mine Is Yours, op. cit.
  • [24]
    L’économie circulaire est un concept plus englobant lié à l’économie écologique, faisant appel à une idée de sobriété et visant une économie fonctionnant en boucle, de manière à prévenir la création de déchets.
  • [25]
    W. Stahel, The Performance Economy, Londres, Palgrave Macmillann, 2006, p. 145 (traduit par J. Van Niel, « L’économie de fonctionnalité : principes, éléments de terminologie et proposition de typologie », Développement durable et territoires, volume 5, n° 1, 2014, http://developpementdurable.revues.org). Cf. aussi J. Rifkin, La troisième révolution industrielle. Comment le pouvoir latéral va transformer l’énergie, l’économie et le monde, Paris, Les liens qui libèrent, 2012.
  • [26]
    Site Internet : www.peerby.com.
  • [27]
    Site Internet : www.usitoo.be.
  • [28]
    Comme on peut le lire sur le site de Peerby : « Partager est conforme au développement durable, parce que cela réduit les déchets et les émissions de gaz carbonique et cela nous aide à faire un meilleur usage des ressources » (« Sharing is sustainable, because it reduces waste and carbon emissions and helps us make better use of resources » : D. Weddepohl, « Why Every City Should Be a Sharing City: And How Apps Can Help », Peerby, 8 juillet 2014, http://press.peerby.com).
  • [29]
    « Lorsque vous covoiturez, vous participez à la réduction des émissions de CO2. Depuis les douze derniers mois, la communauté BlaBlaCar, partout dans le monde, a permis en covoiturant, d’économiser 500 000 tonnes de pétrole » (« BlaBlaCar se mobilise pour la COP 21 », Blablacar, s.d., www.blablacar.fr).
  • [30]
    Cf. l’interview donnée par le représentant d’Uber Europe, Moyen-Orient et Afrique, Mark MacGann, à RTL-TVi à la mi-septembre 2015 (« Marc Mac Gann : l’interview politique », www.rtl.be, 16 septembre 2015) ; T. Kalanick, « Uber’s Plan to Get More People Into Fewer Cars », TED Talk, 16 février 2016, www.ted.com.
  • [31]
    Tribunal correctionnel de Paris, « Uber France contre DGCCRF [Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes], Ministère public et autres », 16 octobre 2014 (jugement confirmé par la Cour d’appel de Paris le 7 décembre 2015).
  • [32]
    A. Cloot, « Le patron d’Uber Belgique : “Nous suspendons UberPop, mais nous faisons appel” », Le Soir, 13 octobre 2015, http://plus.lesoir.be.
  • [33]
    Ainsi, une enquête réalisée par Juliet Schor montre que bon nombre d’utilisateurs d’Airbnb déclarent voyager davantage grâce aux économies réalisées, ce qui est un indice de la présence d’un tel effet rebond (cf. J. Schor, « Debating the Sharing Economy », op. cit.)
  • [34]
    A. Eaken, « NRDC Urban Solutions to Lead First Climate Analysis of Uber and Lyft », Natural Resources Defense Council (NRDC), 13 novembre 2015, www.nrdc.org.
  • [35]
    Cf. par exemple T. Godbout, A. Caillé, L’esprit du don, Montréal/Paris, La Découverte, 1992 ; M. Boyle, The Moneyless Manifesto: Live Well, Live Rich, Live Free, East Meon, Permanent Publications, 2012.
  • [36]
    A. Geiger, C. Germelmann, « Reciprocal Couchsurfing Versus Sharing’s Non-Reciprocity Principle », Proceedings of the 44th EMAC Conference (Leuven 2015), www.researchgate.net.
  • [37]
    Cf. « Pendant des milliers, si pas des millions d’années, nos ancêtres ont vécu dans des communautés de face-à-face. Nous étions liés par des relations de parenté, des échanges réciproques et des attachements forts à un lieu précis. (…) La technologie peut nous aider à créer des connexions dans le monde physique également. Les algorithmes intelligents peuvent savoir avec qui nous devrions avoir des interactions sociales, sans avoir à faire face à une surcharge de stimuli sociaux. Ils peuvent nous aider à créer des connexions individuelles riches de sens. La technologie nous permet de nous reconnecter à notre comportement humain naturel » (« For thousands, if not millions of years, our ancestors’ lives were lived in face-to-face communities. We were bound by kinship relations, reciprocal exchange and strong ties to a single place. (...) Technology can help us create connections in the physical world as well. Smart algorithms can figure out who we should be connecting with, without having to deal with an overload of social stimuli. They can help us create meaningful one-on-one connections. Technology enables us to reconnect to our natural human behavior » : D. Weddepohl, « Why Every City Should Be a Sharing City », op. cit.).
  • [38]
    Cf. par exemple le clip commercial « Never a Stranger » d’Airbnb.
  • [39]
    Cf. le site Internet www.guestify.com.
  • [40]
    Cf. M. Bauwens et al., « A Synthetic Overview of the Collaborative Economy », P2P Foundation, 2012, http://p2p.coop.
  • [41]
    L. Probst et al., « Collaborative Economy. Collaborative Production and the Maker Economy » (rapport pour la Commission européenne), Business Innovation Observatory, 2015, http://ec.europa.eu.
  • [42]
    « [For Lyft drivers] the control over their schedule and rates and where they work, plus the ability to decide what they’re good at and enjoy, outweigh the benefits of a traditional job » (« Can the Sharing Economy Provide Good Jobs? », The Wall Street Journal, 10 mai 2015, www.wsj.com).
  • [43]
    Nous nous inspirons ici de la définition de la P2P Foundation, qui définit le peer-to-peer comme suit : « Une forme spécifique de dynamique relationnelle, (...) basée sur le postulat de l’équipotence de ses participants, organisée par la libre coopération entre égaux en vue de la réalisation d’une tâche commune, pour la création d’un bien commun, avec des formes de prise de décision et d’autonomie qui sont largement distribuées à travers le réseau » (« A specific form of relational dynamic, (...) based on the assumed equipotency of its participants, organized through the free cooperation of equals in view of the performance of a common task, for the creation of a common good, with forms of decision-making and autonomy that are widely distributed throughout the network » : P2P Foundation, « Peer to Peer », http://p2pfoundation.net).
  • [44]
    Cf. le site Internet Platform Cooperativism : http://platformcoop.net.
  • [45]
    T. Scholz, Platform Cooperativism. Challenging the Corporate Sharing Economy, New York, Rosa Luxemburg Stiftung, 2016.
  • [46]
    Site Internet : https://loconomics.com.
  • [47]
    Site Internet : www.fairmondo.de.
  • [48]
    Site Internet : https://fairmondo.uk.
  • [49]
    Site Internet : https://www.tapazz.com.
  • [50]
    Tapazz, « The Coöperative », https://tapazz.zendesk.com. En cela, Tapazz reste conforme aux principes prévus pour l’agrément par le Conseil national de la coopération (CNC) pour les sociétés qui fonctionnent conformément aux valeurs et principes coopératifs. Cf. l’article 1er, § 3, de l’arrêté royal du 8 janvier 1962 fixant les conditions d’agrément des groupements de sociétés coopératives et des sociétés coopératives (Moniteur belge, 16 janvier 1962).
  • [51]
    Cf. S. Lobo, « Die Mensch-Maschine: Auf dem Weg in die Dumpinghölle », Der Spiegel, 3 septembre 2014, www.spiegel.de.
  • [52]
    Cf. E. Estellés-Arolas, F. González-Ladrón-de-Guevara, « Towards an Integrated Crowdsourcing Definition », Journal of Information Science, volume 38, n° 2, 2012, p. 197 : « Le crowdsourcing est un type d’activité participative dans laquelle un individu, une institution, une association à but non lucratif ou une entreprise propose à un groupe d’individus hétérogènes de réaliser une tâche par un appel à contribution ouvert et flexible » (« Crowdsourcing is a type of participative online activity in which an individual, an institution, a non-profit organization, or company proposes to a group of individuals of varying knowledge, heterogeneity, and number, via a flexible open call, the voluntary undertaking of a task »). D’autres parlent d’« externalisation ouverte du travail » (cf. G. Valenduc, P. Vendramin, « Le travail dans l’économie digitale : continuité et ruptures », Working paper, Institut syndical européen (ETUI), n° 3, 2016, p. 35).
  • [53]
    R. Preston, « Digital Disruption: It’s Not What You Think », Forbes, 20 avril 2015, www.forbes.com.
  • [54]
    En ce sens, cf. notamment F. Pasquale, S. Vaidhyanathan, « Uber and the Lawlessness of “Sharing Economy” Corporates », The Guardian, 28 juillet 2015, www.thegardian.com ; E. Mitchell, « Uber’s Loophole in the Regulatory System », Houston Law Review: Off the Record, n° 6, 2015, p. 75.
  • [55]
    K. Hafner, « We’re Google. So Sue Us », The New York Times, 23 octobre 2006, www.nytimes.com.
  • [56]
    Cf. A. Shahani, « As Uber Expands, It Asks Cities for Forgiveness Instead of Permission », NPR, 26 octobre 2014, www.npr.org.
  • [57]
    S. Ember, M. Isaac, « Airbnb Ads Flop in San Francisco », The New York Times, 22 octobre 2015, www.nytimes.com.
  • [58]
    F. Pasquale, S. Vaidhyanathan, « Uber and the Lawlessness of “Sharing Economy” Corporates », op. cit.
  • [59]
    F. Nuytemans, « Lettre ouverte à Rudi Vervoort », Uber Newsroom, 12 octobre 2015, https://newsroom.uber.com.
  • [60]
    Dans le même sens, cf. D. Massé, S. Borel, D. Demailly, « Comprendre l’économie collaborative et ses promesses à travers ses fondements théoriques », op. cit., p. 11 : « Analyser ces promesses est une nécessité pour la société et les décideurs publics. (…) Il s’agit pour les pouvoirs publics d’appréhender les revendications (au changement comme à la conservation) qui émergent autour des cadres réglementaires et fiscaux que les pratiques collaboratives déstabilisent et appellent au moins à adapter sinon à changer ».
  • [61]
    On songera, par exemple, à l’attitude de la ministre bruxelloise Brigitte Grouwels vis-à-vis d’Uber en 2014 (cf. infra).
  • [62]
    En Belgique, comme dans d’autres pays européens, il existe un régime de protection sociale pour les indépendants, mais celui-ci est généralement moins généreux que celui bénéficiant aux salariés. Ainsi, un indépendant ne bénéficie pas de congés payés ni d’allocations de chômage, et il ne bénéficie d’une couverture en cas d’incapacité de travail qu’à partir du deuxième mois.
  • [63]
    À ce sujet, cf. K. Roose, « Does Silicon Valley Have a Contract-Worker Problem? », New York Magazine, 28 septembre 2014, http://nymag.com.
  • [64]
    Cf. la décision en appel, confirmant la décision en premier ressort : Superior Court of the State of California, « Barbara Berwick v. Uber Technologies, Inc. », 2015 (disponible sur : Santa Clara Law Digital Commons, « Historical and Topical Legal Documents », n° 985, http://digitalcommons.law.scu.edu).
  • [65]
    Une « class action » est un recours collectif en justice prévu par le droit états-unien et permettant à un groupe d’individus qui ont subi un préjudice ayant une cause commune d’en demander réparation collectivement. Un mécanisme similaire a été introduit en droit belge : l’action en réparation collective (cf. loi du 28 mars 2014 portant insertion d’un titre 2 « De l’action en réparation collective » au livre XVII « Procédures juridictionnelles particulières » du Code de droit économique et portant insertion des définitions propres au livre XVII dans le livre 1er du Code de droit économique, Moniteur belge, 29 avril 2014).
  • [66]
    United States District Court, Northern District of California, « Hakan Yucesoy, et al., v. Uber Technologies, Inc., et al. », n° 15cv00262-EMC (disponible sur le site Internet http://arstechnica.com).
  • [67]
    United States District Court, Northern District of California, « Douglas O’Connor, et al., v. Uber Technologies, Inc., et al. », n° 13cv03826-EMC (disponible sur le site Internet http://arstechnica.com).
  • [68]
    C. Farivar, « Judge Expresses Notable Concerns Over Proposed $100M Settlement in Uber Case », Ars Technica, 6 mars 2016, http://arstechnica.com ; H. Somerville, D. Levine, « Two US Judges Defer Decisions on Deals to Settle Uber, Lyft Driver Lawsuits », Reuters, 2 juin 2016, www.reuters.com.
  • [69]
    United States District Court, Northern District of California, « Hakan Yucesoy, et al., v. Uber Technologies, Inc., et al. », op. cit. et « Douglas O’Connor, et al., v. Uber Technologies, Inc., et al. », op. cit. (affaires jointes). Cf. également J. Rosenblatt, « Uber’s $100 Million Driver Pay Settlement Rejected by Judge », Bloomberg, 18 août 2016, www.bloomberg.com.
  • [70]
    D. Fisher, « Congratulations Uber, You’re All Grown Up: The Class-Action Lawyers Are Circling », Forbes, 3 mai 2016, www.forbes.com ; A. Tracy, « Thousands of Uber Drivers Are Suing Over Their Employment Status », Vanity Fair, 2 juin 2016, www.vanityfair.com.
  • [71]
    Cf. J. Bhuiyan, « Uber Just Agreed to Let a Labor Union Represent Its Drivers in New York », Recode, 10 mai 2016, www.recode.net : « L’accord d’Uber avec l’IAM [International Association of Machinists and Aerospace Workers] est presque une copie conforme des termes de l’accord de règlement négocié que la compagnie a accepté de rédiger pour clore les deux litiges visant à une requalification [du statut de ses conducteurs] en Californie et au Massachussetts » (« Uber’s agreement with IAM is practically a carbon copy of the terms of a settlement the company agreed to forge in order to put a pair of misclassification lawsuits to rest in California and Massachusetts »). Les commentateurs s’accordent pour considérer que cette association de conducteurs ne constitue pas à proprement parler un syndicat (cf. infra).
  • [72]
    Commission européenne, « Un agenda européen pour l’économie collaborative », Communication, COM(2016) 356 final, 2 juin 2016.
  • [73]
    « L’URSSAF veut requalifier les chauffeurs Uber en “salariés” », Libération, 23 mai 2016, www.liberation.fr.
  • [74]
    Délit réprimé par l’article L8224-1 du Code du travail français.
  • [75]
    Notons toutefois que, en droit français, la notion de lien de subordination est apparemment définie plus largement en droit de la sécurité sociale qu’en droit du travail, et que donc une décision en faveur de l’URSSAF n’impliquerait pas nécessairement que cette interprétation soit également suivie par les juridictions du travail. Cf. B. Serizay, « Quel statut pour les entrepreneurs collaboratifs ? », La semaine juridique, n° 40, 2016, p. 3.
  • [76]
    London Employment Tribunal, « Aslam & others v. Uber London Ltd. Reasons for the Reserved Judgement on Preliminary Hearing », 28 octobre 2016.
  • [77]
    Ibidem, § 87.
  • [78]
    Ibidem, § 96.
  • [79]
    Ibidem, § 92.
  • [80]
    Cf. ibidem, § 130.
  • [81]
    Chambre des représentants, « Note de politique générale. Lutte contre la fraude sociale (…) », DOC 54 1428/17, 9 novembre 2015.
  • [82]
    Cf. B. Bauraind, C. Vanroelen, « L’effet de la numérisation de l’économie sur la conflictualité sociale : le secteur des taxis bruxellois contre Uber », in I. Gracos, « Grèves et conflictualité sociale en 2015 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2291-2292, 2016, p. 65.
  • [83]
    Article 333 de la loi-programme du 27 décembre 2006 (Moniteur belge, 28 décembre 2006).
  • [84]
    Cf. H. Khaleeli, « The Truth About Working for Deliveroo, Uber and the On-Demand Economy », The Guardian, 15 juin 2016, www.theguardian.com. Cf. également C. Belaich, « Livreurs à vélo : “Ce sont de faux travailleurs indépendants, de vrais salariés” », Libération, 13 mai 2016, www.liberation.fr.
  • [85]
    Cf. SMart, « Coursiers à vélo : des conditions de travail décentes », 4 mai 2016, http://smartbe.be.
  • [86]
    Au fil du temps, le rôle de SMart (Société mutuelle pour artistes) s’est étendu, passant de la garantie d’un statut pour les artistes à tous les travailleurs « en recherche d’autonomie » ou intermittents (cf. G. Quoistiaux, « Comment SMart a créé une nouvelle catégorie de travailleurs », Trends Tendances, 7 août 2015, http://trends.levif.be).
  • [87]
    Take Eat Easy a en effet annoncé sa mise en redressement judiciaire le 27 juillet 2016. À propos du cas de Take Eat Easy, cf. C. Charlot, Uberize Me. L’économie collaborative, entre promesses et mensonges, Bruxelles, Racine, 2016, p. 177.
  • [88]
    Cf. C. Ducat, « Se faire livrer mais à quel prix ? Dans les coulisses de Deliveroo... », 7sur7, 25 octobre 2016, www.7sur7.be.
  • [89]
    En ce sens, cf. N. Sheikh-Hassan, « L’économie collaborative : un modèle pour demain ? », Le droit de l’employé (CNE), n° 2, 2016, p. 4-7 ; E. Szoc, « Du partage à l’enchère : les infortunes de la “Sharing Economy” », Association culturelle Joseph Jacquemotte (ACJJ), avril 2015, http://acjj.be.
  • [90]
    Cf. Eurofound, « Impact of the Working Time Directive on Collective Bargaining in the Road Transport Sector », 18 décembre 2007, www.eurofound.europa.eu.
  • [91]
    Cf. par exemple la plateforme belge de babysitting Bsit (http://bsit.com).
  • [92]
    Rappelons toutefois que, en Belgique, le mécanisme des titres-services a contribué à réintégrer une partie du secteur de l’aide ménagère dans l’économie formelle.
  • [93]
    T. Vandenbrande et al., Qualité du travail et de l’emploi en Belgique, Bruxelles, SPF Emploi, Travail et Concertation sociale, 2012, p. 138-141.
  • [94]
    Cf. W. De Groen, I. Maselli, « The Impact of the Collaborative Economy on the Labour Market » (Rapport pour la Commission européenne), Centre for European Policy Studies (CEPS), 2016, p. 10, http://ec.europa.eu.
  • [95]
    V. Lehdonvirta et al., « Online Labour Markets. Leveling the Playing Field for International Service Markets? » (Présentation lors de l’IPP2014 : « Crowdsourcing for Politics and Policy », Oxford, Royaume-Uni, 26-26 septembre 2014), http://ipp.oii.ox.ac.uk ; C. Codagnone, F. Abadie, F. Biagi, « The Future of Work in the “Sharing Economy”. Market Efficiency and Equitable Opportunities or Unfair Precarisation? » (Rapport pour la Commission européenne), Joint Research Centre (JRC), 2016, p. 9, http://publications.jrc.ec.europa.eu.
  • [96]
    Cf. W. De Groen, I. Maselli, « The Impact of the Collaborative Economy on the Labour Market », op. cit., p. 14. Il est toutefois à noter que la comparaison réalisée par cette étude se base sur des catégories de travailleurs considérées comme « proches », ce qui semble induire une dose d’approximation.
  • [97]
    Ibidem, p. 14.
  • [98]
    Cf. D. Farrell, F. Greig, « Paychecks, Paydays, and the Online Platform Economy. Big Data on Income Volatility », JP Morgan Chase Institute, 2016, www.jpmorganchase.com.
  • [99]
    Ibidem, p. 24.
  • [100]
    Ibidem, p. 22.
  • [101]
    Ibidem, p. 26.
  • [102]
    « No driver is in a position to do anything of the kind, unless growing his business simply means spending more hours at the wheel » (London Employment Tribunal, « Aslam & others v. Uber London Ltd », op. cit., p. 28).
  • [103]
    Ainsi, parmi les « règles fondamentales » adressées aux chauffeurs, figure celle de « ne jamais conserver les informations personnelles d’un passager (numéro de téléphone, adresse de prise en charge ou de destination) » (Uber, « Règles fondamentales d’Uber », www.chauffeur-uber.be).
  • [104]
    V. Lehdonvirta, « The Limits of Uberization: How Far Can Platforms Go? », Policy and Internet Blog, 29 février 2016, http://blogs.oii.ox.ac.uk.
  • [105]
    Cf. H. Khaleeli, « The Truth About Working for Deliveroo, Uber and the On-Demand Economy », op. cit.
  • [106]
    D. Lee, « Banned Uber Drivers Can Now Appeal in New York », BBC News, 22 novembre 2016, www.bbc.com.
  • [107]
    Ibidem.
  • [108]
    L. Hook, « Uber Strikes Deal With Machinists Union for New York Drivers », Financial Times, 10 mai 2016, www.ft.com.
  • [109]
    J. Eidelson, « Uber Found an Unlikely Friend in Organized Labor », Bloomberg, 27 octobre 2016, www.bloomberg.com.
  • [110]
    Ibidem. Cf. aussi J. Bhuiyan, « Even With an Uber Drivers’ “Union”, Little Has Changed in Their Fight for In-App Tipping », Recode, 13 août 2016, www.recode.net.
  • [111]
    Il y aurait beaucoup à dire sur la façon dont les gestionnaires des plateformes recourent en grande partie à la réglementation par le « code », le design technique du logiciel structurant le service, pour imposer certaines règles de travail aux contributeurs. Sur la question de l’utilisation du code pour produire des effets de droit, cf. L. Lessig, Code and Other Laws of Cyberspace, Cambridge, Basic Books, 1999.
  • [112]
    Cf. P. Goudin, The Cost of Non-Europe in the Sharing Economy: Economic, Social and Legal Challenges and Opportunities, Bruxelles, Parlement européen, 2016, p. 110, www.europarl.europa.eu.
  • [113]
    Sur cette problématique, cf. I. Kaminska, « The Sharing Economy Will Go Medieval on You », Financial Times Alphaville, 21 mai 2015, https://ftalphaville.ft.com.
  • [114]
    Comme le remarque très bien R. Robert, « Portrait du consommateur en travailleur », Esprit, n° 7, 2015, p. 66-74.
  • [115]
    Ibidem.
  • [116]
    Uber, « Sécurité et qualité », www.chauffeur-uber.be.
  • [117]
    S. Allen, « The Mysterious Way Uber Bans Drivers », The Daily Beast, 27 janvier 2015, www.thedailybeast.com ; J. Cook, « Uber’s Internal Charts Show How Its Driver-Rating System Actually Works », Business Insider, 11 février 2015, http://uk.businessinsider.com.
  • [118]
    Un élément de nature à modérer ces craintes pourrait être le biais positif des évaluations des utilisateurs de l’économie des plateformes, mis en évidence, dans le cas d’Airbnb, par G. Zevras, D. Proserpio, J. Byers, « A First Look at Online Reputation on Airbnb, Where Every Stay Is Above Average », Working paper, Social Science Research Network (SSRN), 28 janvier 2015, www.ssrn.com. Toutefois, outre que l’interprétation à donner à ces résultats est loin d’être évidente, le problème de la pression à la performance est toujours susceptible de se poser pour les contributeurs dont la note est en dessous de la moyenne.
  • [119]
    Cf. D. Streitfield, « Ratings Now Cut Both Ways, So Don’t Sass Your Uber Driver », The New York Times, 30 janvier 2015, www.nytimes.com.
  • [120]
    G. Zevras, D. Proserpio, J. Byers, « A First Look at Online Reputation on Airbnb », op. cit.
  • [121]
    Mais également à apaiser les craintes concernant la pression des mécanismes d’évaluation sur les travailleurs (cf. supra).
  • [122]
    A. Sundararajan, The Sharing Economy: The End of Employment and the Rise of Crowd-Based Capitalism, Cambridge, MIT Press, 2016, p. 149.
  • [123]
    Ibidem, p. 153.
  • [124]
    OCDE, « Projet OCDE/G20 sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices. Résumés. Rapports finaux 2015 », 2015, www.oecd.org.
  • [125]
    J. Corkery, J. Forder, D. Svantesson, E. Mercuri, « Taxes, the Internet and the Digital Economy », Revenue Law Journal, volume 23, n° 1, 2013, article 7, http://epublications.bond.edu.au.
  • [126]
    B. O’Keefe, M. Jones, « How Uber Plays the Tax Shell Game », Fortune, 22 octobre 2015, http://fortune.com.
  • [127]
    J. Van de Steek, « “The United States of America Is the Most Powerful Nation on Earth.” What Does This Mean for the Future of CV/BV Structures? », Kluwer International Tax Blog, 21 janvier 2016, http://kluwertaxblog.com.
  • [128]
    C. Barbière, « Crise et concurrence fiscale en Europe, clés du succès d’Airbnb », EurActiv, 22 juillet 2014, www.euractiv.fr.
  • [129]
    P. Vassart, « Uber : la Région dépose plainte », Le Soir, 12 décembre 2014, www.lesoir.be.
  • [130]
    P. Goudin, The Cost of Non-Europe in the Sharing Economy, op. cit., p. 80.
  • [131]
    D. Streitfeld, « Airbnb Will Hand Over Host Data to New York », The New York Times, 21 mai 2014, www.nytimes.com ; J. Glenza, « Airbnb Hands Over User Data to New York Attorney General as Part of Deal », The Guardian, 22 mai 2014, www.thegardian.com.
  • [132]
    Cf. par exemple « Uber : “Une diversification des activités est envisageable à Bruxelles” », RTBF.be, 17 septembre 2014, www.rtbf.be.
  • [133]
    Uber, « Vous avez une licence », www.chauffeur-uber.be.
  • [134]
    « Innovation Within the Insurance Industry », Uber Newsroom, 28 janvier 2015, https://newsroom.uber.com.
  • [135]
    Ainsi, bien qu’aucune mention d’un tel programme ne figure sur les sites Internet européen d’Uber, le représentant d’Uber, Filip Nuytemans, aurait affirmé à l’agence Belga qu’« Uber offre une assurance complémentaire aux conducteurs qui font partie du réseau afin de couvrir les passagers en cas d’accident » (cf. « Uber : “Une diversification des activités est envisageable à Bruxelles” », op. cit.).
  • [136]
    Airbnb, « Conditions générales de la garantie hôte », www.airbnb.fr.
  • [137]
    Comme le remarque également A. Giorgianni, « Airbnb Insurance: Is It Reliable? », Investopedia, 10 septembre 2015, www.investopedia.com.
  • [138]
    L. Vogel, Traité de droit économique, Paris, Lawlex, 2015, p. 979.
  • [139]
    J. Tirole, L’économie du bien commun, Paris, Presses universitaires de France, 2016, p. 68. Ce risque est également évoqué dans Conseil national du numérique, « Neutralité des plateformes. Réunir les conditions d’un environnement numérique ouvert et soutenable » (Rapport au ministre de l’Économie, du Redressement productif et du Numérique et à la secrétaire d’État chargée du Numérique), 2014, http://cnnumerique.fr.
  • [140]
    La notion d’« enfermement propriétaire » désigne une stratégie par laquelle un fournisseur maintient une clientèle captive en faisant en sorte que les coûts de changements (« switching costs ») soient élevés, par exemple en empêchant l’interopérabilité avec les produits de substitution.
  • [141]
    I. Graef, « Market Definition and Market Power in Data: The Case of Online Platforms », World Competition: Law and Economics Review, volume 38, n° 4, p. 473-506.
  • [142]
    D. S. Evans, R. Schmalensee, « Why Winner­Takes­All Thinking Doesn’t Apply to the Platform Economy », Harvard Business Review, 4 mai 2016, https://hbr.org.
  • [143]
    Ibidem.
  • [144]
    Ibidem.
  • [145]
    Pour un argument en ce sens, cf. par exemple le rapport de la Chambre des Lords britannique : House of Lords, Select Committee on European Union, « Online Platforms and the Digital Single Market », 2015, p. 88, www.publications.parliament.uk.
  • [146]
    Cf. A. Strowel, W. Vergote, « Digital Platforms: To Regulate or Not to Regulate? », op. cit., p. 9. Toutefois, la question de savoir si cette alliance résistera à la récente fusion entre Uber China et Didi Chuxing reste ouverte (cf. K. Kokalitcheva, « What Didi Chuxing’s Allies Had to Say About Its Merger With Uber China », Fortune, 1er août 2016, http://fortune.com).
  • [147]
    Cf. Conseil national du numérique, « Neutralité des plateformes », p. 37.
  • [148]
    Cf. Tribunal de commerce néerlandophone de Bruxelles, Chambre du président, « TRB [SA Radio Taxi bruxellois] et al. contre Uber SPRL, UBER BV et al. », 23 septembre 2015, § 37.
  • [149]
    F. Russo, M. L. Stasi, « Defining the Relevant Market in the Sharing Economy », Internet Policy Review, volume 5, n° 2, 2016, http://policyreview.info.
  • [150]
    A. Strowel, W. Vergote, « Digital Platforms: To Regulate or Not to Regulate? », op. cit., p. 8.
  • [151]
    Cf. A. Strowel, Quand Google défie le droit. Plaidoyer pour un Internet transparent et de qualité, Bruxelles, De Boeck, 2011.
  • [152]
    Cf. F. Russo, M. L. Stasi, « Defining the Relevant Market in the Sharing Economy », op. cit.
  • [153]
    Nous nous inspirons ici de A. Frankel, « Uber Is the Victim of Judge Rakoff’s Curiosity in Antitrust Case », Reuters, 1er avril 2016, http://blogs.reuters.com. Cf. également United States District Court, Southern District of New York, « Spencer Meyer v. Travis Kalanick », n° 15 civ. 9796, 31 mars 2016 (disponible sur le site Internet http://arstechnica.com).
  • [154]
    « The fact that Uber goes to such lengths to portray itself – one might even say disguise itself – as the mere purveyor of an “app” cannot shield it from the consequences of its operating as much more. »
  • [155]
    United States District Court, Southern District of New York, « Spencer Meyer v. Travis Kalanick », op. cit. La procédure en première instance est pour le moment suspendue à l’appel formé par Uber contre une décision intermédiaire du juge à propos de l’applicabilité de la clause d’arbitrage à laquelle Uber soumet ses chauffeurs (cf. K. Greene, « Rakoff Lets Uber Pause Price-Fix Suit For 2nd Circ. Review », Law 360, 26 août 2016, www.law360.com).
  • [156]
    Ainsi, É. Van den Abeele, « L’agenda Mieux légiférer de l’Union européenne », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2028-2029, 2009, p. 76, dresse un résultat plutôt mitigé, notant que, si la codification a eu un effet positif sur la lisibilité de l’acquis communautaire, « les propositions de simplification de l’acquis communautaire ont rarement débouché sur de vraies simplifications pour l’entreprise, les autorités publiques ou le citoyen ». Il note en outre que, en privilégiant une approche centrée uniquement sur les coûts pour l’entreprise, l’Union européenne prend le risque de rompre l’équilibre entre compétitivité et d’autres préoccupations essentielles comme le développement durable, la sécurité juridique et la cohésion sociale.
  • [157]
    Cf. ibidem, p. 77.
  • [158]
    Arrêté du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 24 mars 2016 exécutant l’ordonnance du 8 mai 2014 relative à l’hébergement touristique, Moniteur belge, 14 avril 2016.
  • [159]
    Pour un aperçu des réactions à cette réglementation bruxelloise, cf. par exemple le dossier « Bruxelles accusée de rouler pour le lobby des hôtels » paru dans La Libre Belgique du 19 novembre 2015.
  • [160]
    Cf. par exemple la notion de « cercle de famille » en droit d’auteur.
  • [161]
    À l’exception notable des activités particulièrement sensibles qui sont entièrement interdites aux non-professionnels, comme l’exercice de la médecine (cf. l’arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967 relatif à l’exercice des professions des soins de santé, Moniteur belge, 14 novembre 1967).
  • [162]
    Article XI.190 du Code de droit économique, 3° et 9°.
  • [163]
    Cf. l’article 4 du Code de la taxe sur la valeur ajoutée, qui restreint l’assujettissement à la TVA à ceux qui exercent une activité économique « de manière habituelle ».
  • [164]
    Nous nous inspirons ici de la définition insérée à l’article L. 3132-1 du Code des transports français, modifié par la loi française n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (Journal officiel de la République française, n° 189, 18 août 2015).
  • [165]
    Arrêté du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 28 avril 2016 modifiant l’arrêté du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 21 mars 2013 fixant les modalités d’utilisation des places de stationnement réservées en voirie aux opérateurs de véhicules à moteur partagés, Moniteur belge, 19 mai 2016.
  • [166]
    O. Duquesne, « Autopartage : le free-floating autorisé à Bruxelles », Moniteur automobile, 1er janvier 2016, www.moniteurautomobile.be.
  • [167]
    « UberPop : économique et convivial, tout simplement ! », Uber Newsroom, 27 avril 2014, https://newsroom.uber.com. Cf. également « Uber se lance à Bruxelles avec UberPop », Uber Newsroom, 24 février 2014, https://newsroom.uber.com.
  • [168]
    « UberX est une solution idéale pour toute personne à la recherche d’une manière professionnelle de se déplacer, à un prix abordable, et en toute sécurité. Nos chauffeurs partenaires UberX répondent à toutes les exigences légales ; ils disposent d’une licence appropriée ainsi que d’une assurance commerciale » (« Bruxelles, votre UberX arrive maintenant ! », Uber Newsroom, 3 septembre 2015, https://newsroom.uber.com).
  • [169]
    « Dans le New Jersey, UberX comprend le covoiturage, offrant la fiabilité Uber à laquelle vous êtes habitués à des prix moins élevés que les taxis du New Jersey. Les chauffeurs UberX ont un véhicule milieu de gamme ou hybride, dans une variété de couleurs et de styles, avec des sièges pouvant accueillir jusqu’à quatre passagers » (« In New Jersey, UberX includes ridesharing, offering the Uber reliability you’re used to with prices cheaper than a New Jersey taxi. Drivers on uberX have mid-range or hybrid vehicles in a variety of colors and styles, with seating for up to four people » : « New Jersey, Your Free UberX Weekend Is Arriving Now! », Uber Newsroom, 5 février 2014, https://newsroom.uber.com).
  • [170]
    Tribunal correctionnel de Paris, « Uber France contre DGCCRF, Ministère public et autres », op. cit.
  • [171]
    La compétence en matière de service de taxis a été régionalisée par la loi du 8 août 1988 (cf. l’article 6, § 1er, X, 8°, de la loi spéciale du 8 août 1980). La loi spéciale du 16 juillet 1993 y a ajouté les services de location de voitures avec chauffeur.
  • [172]
    Moniteur belge, 31 décembre 1974.
  • [173]
    Moniteur belge, 9 avril 1975.
  • [174]
    Décret wallon du 18 octobre 2007 relatif aux services de taxis et aux services de location de voitures avec chauffeur, Moniteur belge, 20 novembre 2007.
  • [175]
    Ordonnance bruxelloise du 27 avril 1995 relative aux services de taxis et aux services de location de voitures avec chauffeur, Moniteur belge, 1er juin 1995.
  • [176]
    Article 2 de l’ordonnance bruxelloise du 27 avril 1995.
  • [177]
    Articles 2 et 3 de l’arrêté du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 4 septembre 2003 fixant le nombre maximum de véhicules pour lesquels des autorisations d’exploiter un service de taxis peuvent être délivrées sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale, Moniteur belge, 2 octobre 2003.
  • [178]
    Article 17, § 1, 4°, de l’ordonnance bruxelloise du 27 avril 1995.
  • [179]
    Ibidem.
  • [180]
    Ibidem.
  • [181]
    Article 1er de l’arrêté du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 20 mars 2008 fixant les tarifs minima applicables aux services de location de voitures avec chauffeur, Moniteur belge, 7 avril 2008.
  • [182]
    Décret flamand du 20 avril 2001 relatif à l’organisation du transport de personnes par la route, Moniteur belge, 21 août 2001.
  • [183]
    Arrêté du gouvernement flamand du 18 juillet 2003 relatif aux services de taxi et aux services de location de véhicules avec chauffeur, Moniteur belge, 19 septembre 2003.
  • [184]
    A. Colleau, « Uber obligé de cesser ses activités à Bruxelles », Le Soir, 4 mars 2014, www.lesoir.be.
  • [185]
    A. Colleau, « Uber poursuit ses activités à Bruxelles en proposant ses services gratuitement », Le Soir, 6 mars 2014, www.lesoir.be.
  • [186]
    J. Azar, « Elke Sleurs envoie l’Inspection des impôts chez Uber », Flandreinfo, 16 décembre 2014, http://deredactie.be.
  • [187]
    « Le fisc belge recherche les chauffeurs Uber aux Pays-Bas », 7sur7, 5 mai 2015, www.7sur7.be.
  • [188]
    B. O. Keefe, « How Uber Plays the Tax Shell Game », op. cit.
  • [189]
    À ce sujet, cf. aussi B. Bauraind, C. Vanroelen, « L’effet de la numérisation de l’économie sur la conflictualité sociale », op. cit., p. 57-67.
  • [190]
    Tribunal de commerce de Bruxelles, Chambre des actions en cessation, « TRB contre Uber Belgium », n° A/14/01645, 31 mars 2014 (disponible sur le site Internet www.ie-forum.be).
  • [191]
    N. Kroes, « Crazy Court Decision to Ban Uber in Brussels », 15 avril 2014, http://ec.europa.eu.
  • [192]
    Ministre du gouvernement régional bruxellois Vervoort I (PS/Open VLD/Écolo/CD&V/CDH/Groen).
  • [193]
    N. Kroes, « Crazy Court Decision to Ban Uber in Brussels », op. cit.
  • [194]
    D. Plouffe, « Announcing Uber’s Public Policy Advisory Board », Medium, 4 mai 2016, https://medium.com.
  • [195]
    J. Ford, « Uber’s Appointment of Neelie Kroes Flags Up EU’s Revolving Door », Financial Times, 5 mai 2016, www.ft.com.
  • [196]
    À savoir dorénavant le gouvernement Vervoort II (PS/Open VLD/FDF/SP.A/CDH/CD&V), par l’entremise de son ministre de la Mobilité et des Travaux publics, Pascal Smet (SP.A).
  • [197]
    Tribunal de commerce néerlandophone de Bruxelles, Chambre du président, « TRB et al. contre Uber SPRL, UBER BV et al. », op. cit., § 16.
  • [198]
    Ibidem, § 26.
  • [199]
    Ibidem, § 38.
  • [200]
    Article 2 de l’ordonnance bruxelloise du 27 avril 1995.
  • [201]
    Tribunal de commerce néerlandophone de Bruxelles, Chambre du président, « TRB et al. contre Uber SPRL, UBER BV et al. », op. cit., § 26.
  • [202]
    Remarquons que le tribunal semble clairement faire référence ici à la notion d’économie de la fonctionnalité.
  • [203]
    Demande de décision préjudicielle présentée par le tribunal de commerce néerlandophone de Bruxelles à la CJUE dans l’affaire « Uber Belgium BVBA / Taxi Radio Bruxellois NV » (C-526/15) le 5 octobre 2015, Journal officiel de l’Union européenne, C 429, 21 décembre 2015.
  • [204]
    R. Meulders, « “Beaucoup de taximen veulent travailler pour Uber” » [interview du représentant d’Uber en Europe, F. Nuytemans], La Libre Belgique, 13 octobre 2015, www.lalibre.be.
  • [205]
    Propos du représentant d’Uber en Europe, F. Nuytemans (cités dans « Jugé illégal, le service de covoiturage d’Uber fera appel », Le Soir, 24 septembre 2015, www.lesoir.be).
  • [206]
    Propos du représentant d’Uber en Europe, F. Nuytemans (cités dans R. Meulders, « “Beaucoup de taximen veulent travailler pour Uber” », op. cit.). Dans le même sens, Uber insiste sur son site Internet sur le fait que ses chauffeurs UberBlack possèdent une licence professionnelle : ce sont des chauffeurs professionnels qui ont un numéro de TVA et qui sont détenteurs d’une licence appropriée et d’une assurance commerciale (« Bruxelles, votre UberBLACK arrive aujourd’hui ! », Uber Newsroom, 12 mai 2016, https://newsroom.uber.com).
  • [207]
    M. Sel, « Le gros mensonge d’Uber fâche Pascal Smet », 15 octobre 2015, http://blog.marcelsel.com.
  • [208]
    Ibidem.
  • [209]
    Les propos de F. Nuytemans soulèvent de nouvelles ambiguïtés sur cette question : ainsi, après avoir noté que « beaucoup de chauffeurs de taxi nous contactent pour travailler chez nous », le représentant d’Uber en Europe sous-entend que cela n’est pas possible dans l’état actuel de la législation : « On voudrait que la nouvelle législation puisse permettre à un taximan de se connecter à des plateformes comme Uber X ».
  • [210]
    Article 17, § 1, 4°, de l’ordonnance bruxelloise du 27 avril 1995.
  • [211]
    Article 17, § 1, 5°, de l’ordonnance bruxelloise du 27 avril 1995.
  • [212]
    Article 17, § 1, 4°, de l’ordonnance bruxelloise du 27 avril 1995.
  • [213]
    Ibidem.
  • [214]
    Article 1er de l’arrêté du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 20 mars 2008.
  • [215]
    P. Smet, « Note aux membres du gouvernement de Bruxelles-Capitale. Note de principe. Plan de transport rémunéré de personnes 2015-2019 », s.d., http://fr.pascalsmet.be.
  • [216]
    « Plan taxi : la réunion n’aura servi à rien », 7sur7, 18 mars 2015, www.7sur7.be. Cf. aussi B. Bauraind, C. Vanroelen, « L’effet de la numérisation de l’économie sur la conflictualité sociale », op. cit., p. 64-65.
  • [217]
    P. Deglume, « Uber : le PS invite Smet à revoir sa copie », La Dernière Heure, 24 mars 2015, www.dhnet.be.
  • [218]
    Ibidem.
  • [219]
    « Un plan taxi qui se fait attendre », Le Soir, 15 juin 2016, www.lesoir.be ; H. Maquet, « Bruxelles : jusqu’à un an de retard pour le “plan taxi” », RTBF.be, 22 août 2016, www.rtbf.be.
  • [220]
    Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, Proposition de résolution visant à libéraliser le secteur du transport rémunéré de personnes en Région bruxelloise, DOC A-327/1, 25 mars 2016. Cf. également C. de Salle (dir.), Réformer le secteur du transport des personnes, Bruxelles, Centre Jean Gol (CJG), 2015, www.cjg.be.
  • [221]
    B. Rogers, « The Social Costs of Uber », The University of Chicago Law Review Dialogue, volume 82, 2015, p. 88.
  • [222]
    K. Peak, « Uber Pulls in Another $32M for App-Based Car Service », Vator, 7 décembre 2011, http://vator.tv.
  • [223]
    K.-M. Cutler, « Zimride’s Lyft Is Going to Give Uber Some Lower-Priced Competition », Techcrunch, 22 mai 2012, https://techcrunch.com.
  • [224]
    T. Geron, « California Becomes First State to Regulate Ridesharing Services Lyft, Sidecar, UberX », Forbes, 19 septembre 2013, www.forbes.com.
  • [225]
    E. Green, « SF to Require Lyft, Uber Drivers to Obtain Business Licenses », SFGate, 15 avril 2016, www.sfgate.com.
  • [226]
    Bien que seul Lyft ait admis avoir accepté de collaborer avec les autorités, Uber ayant refusé de commenter l’information (C. Said, « Uber, Lyft Drivers Prepare for SAUF Business License Crackdown », San Francisco Chronicle, 21 avril 2016, www.sfchronicle.com).
  • [227]
    City Council of the City of Austin, Ordinance n° 20151217-075 « relating to transportation network companies (TNCs) », 17 février 2016 (disponible sur le site Internet www.austintexas.gov).
  • [228]
    E. Dockterman, « Uber and Lyft Are Leaving Austin After Losing Background Check Vote », Fortune, 8 mai 2016, http://fortune.com.
  • [229]
    E. Kaufman, « Uber and Lyft Abandoned Austin, but It Could Be a Blessing in Disguise for Ride-Sharing Apps », Quartz, 7 juin 2016, http://qz.com ; C. Perez, « Arcade City Is the “Black Market” Uber That Runs on Facebook », Motherboard, 26 mai 2016, http://motherboard.vice.com.
  • [230]
    G. Rapier, « New York City Has Seized 496 Uber Cars For Illegal Pickups », Business Insider, 17 juin 2015, http://uk.businessinsider.com.
  • [231]
    F. Tepper, « Uber Launches “De Blasio’s Uber” Feature in NYC With 25-Minute Wait Times », Techcrunch, 16 juillet 2015, https://techcrunch.com.
  • [232]
    J. Dawsey, « New York City Council Bypasses Mayor Bill de Blasio on Uber Policy », The Wall Street Journal, 7 janvier 2016, www.wsj.com.
  • [233]
    M. Gay, « New York City Won’t Seek Immediate Uber Cap », The Wall Street Journal, 22 juin 2015, www.wsj.com ; M. Flegenheimer, « De Blasio Administration Dropping Plan for Uber Cap, for Now », The New York Times, 22 juillet 2015, www.nytimes.com.
  • [234]
    City of New York, Office of the Mayor, « For-Hire Vehicle Transportation Study », 2016, p. 5, www1.nyc.gov. Cf. aussi A. J. Hawkins, « Uber Isn’t Responsible for New York City’s Crappy Traffic, Study Says », The Verge, 15 janvier 2016, www.theverge.com.
  • [235]
    Cf. Conseil constitutionnel, Décision n° 2015-468/469/472 QPC, 22 mai 2015, www.conseil-constitutionnel.fr.
  • [236]
    « Les taxis d’Uber débarquent à Paris », Économie Nouvelle, 7 décembre 2011, www.economienouvelle.fr.
  • [237]
    « Taxi Uber à Paris : un luxe qui se paye ! », Économie Nouvelle, 8 décembre 2011, www.economienouvelle.fr.
  • [238]
    « “Vitres brisées et pneu à plat” : des heurts pendant la grève des taxis », Le Monde, 13 janvier 2014, www.lemonde.fr.
  • [239]
    Loi française n° 2014-1104 du 1er octobre 2014 relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur, Journal officiel de la République française, n° 228, 2 octobre 2014.
  • [240]
    Assemblée nationale, Proposition de loi relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur, n° 2046, 18 juin 2014.
  • [241]
    Article L3124-13 du Code des transports français, inséré par la loi française n° 2014-1104 du 1er octobre 2014.
  • [242]
    Article 9 de la loi française n° 2014-1104 du 1er octobre 2014.
  • [243]
    Article L. 3120-2 du Code des transports français, modifié par la loi française n° 2014-1104 du 1er octobre 2014.
  • [244]
    Article L. 3122-9 du Code des transports français, modifié par la loi française n° 2014-1104 du 1er octobre 2014.
  • [245]
    Article L. 3120-2 du Code des transports français, modifié par la loi française n° 2014-1104 du 1er octobre 2014.
  • [246]
    Article L. 3121-11-1 du Code des transports français, inséré par la loi française n° 2014-1104 du 1er octobre 2014.
  • [247]
    Cf. le site Internet du service : https://le.taxi.
  • [248]
    Conseil constitutionnel, Décision n° 2015-468/469/472 QPC, 22 mai 2015, www.conseil-constitutionnel.fr.
  • [249]
    Ibidem.
  • [250]
    Conseil constitutionnel, Décision n° 2015-484 QPC, 22 septembre 2015, www.conseil-constitutionnel.fr.
  • [251]
    C. Alix, « Uber ramasse en justice », Libération, 9 juin 2016, www.liberation.fr.
  • [252]
    Demande de décision préjudicielle présentée par le tribunal de grande instance de Lille à la CJUE dans l’affaire « Procédure pénale Uber France SAS » (C-320/16) le 6 juin 2016, Journal officiel de l’Union européenne, C 296, 16 août 2016.
  • [253]
    « Uber France condamnée à verser 1,2 million d’euros à l’Union nationale des taxis », Le Monde, 27 janvier 2016, www.lemonde.fr.
  • [254]
    Conseil d’État français, « Société Uber France et autres », n° 388213, 388343 et 388357, 9 mars 2016.
  • [255]
    Décret français n° 2013-1251 du 27 décembre 2013 relatif à la réservation préalable des voitures de tourisme avec chauffeur, Journal officiel de la République française, n° 301, 28 décembre 2013.
  • [256]
    Uber, « Les 4 étapes pour devenir chauffeur privé avec Uber », www.chauffeur-uber.fr.
  • [257]
    Assemblée nationale, Proposition de loi relative à la régulation, à la responsabilisation et à la simplification dans le secteur du transport public particulier de personnes, n° 3855, 21 juin 2016, article 4.
  • [258]
    Cette plainte vise également l’Espagne et l’Allemagne. Cf. T. Fairless, « Uber Files Complaints Against European Governments Over Bans », Wall Street Journal, 1er avril 2015, www.wsj.com.
  • [259]
    J. Plucinska, J. Posaner, R. Haeth, « Uber Case on Hold Over Le Pen Fears », Politico, 23 novembre 2016, www.politico.eu.
  • [260]
    Article L. 3132-1 du Code des transports français, modifié par la loi française n° 2015-992 du 17 août 2015.
  • [261]
    Cf. Conseil d’État français, « Société Uber France et autres », op. cit., § 8.
  • [262]
    Juzgado de lo Mercantil n° 2 (Madrid), « Asociación Madrileña del Taxi c. Uber Technologies Inc », n° 707/2014, 9 décembre 2014 (disponible sur le site Internet www.poderjudicial.es).
  • [263]
    R. Jiménez Cano, « Taxi App Uber Closes Service in Spain in Wake of Judicial Order », El País, 31 décembre 2014, http://elpais.com. Depuis lors, Uber est à nouveau présente à Madrid, avec son offre UberX (chauffeurs sous licence) : cf. « Uber fait son retour à Madrid », Le Figaro, 30 mars 2016, www.lefigaro.fr.
  • [264]
    M. Vega Paúl, « Uber Launched a Fleet of Electric Cars in Madrid », Business Insider, 22 décembre 2016, www.businessinsider.com.
  • [265]
    Demande de décision préjudicielle présentée par le Juzgado Mercantil n° 3 de Barcelone à la CJUE dans l’affaire « Asociación Profesional Elite Taxi / Uber Systems Spain SL » (C-434/15) le 7 août 2015, http://curia.europa.eu.
  • [266]
    Article 2.2, d), de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur (Journal officiel de l’Union européenne, L 376, 27 décembre 2006).
  • [267]
    Commission européenne, « Un agenda européen pour l’économie collaborative », op. cit., p. 6-7.
  • [268]
    F. Serrato, « Uber Returns to Operate in Madrid With Licensed Drivers », El País, 30 mars 2016, http://elpais.com.
  • [269]
    Cf. notamment P. Goudin, The Cost of Non-Europe in the Sharing Economy, op. cit., p. 151 ; I. Mount, « Barcelona: A Victim of Its Own Tourism Success? », Fortune, 30 mars 2015, http://fortune.com.
  • [270]
    Cf. la liste des régions concernées sur Airbnb, « In What Areas Is Occupancy Tax Collection and Remittance by Airbnb Available? », www.airbnb.fr.
  • [271]
    M. Visseyrias, « La Mairie de Paris et Airbnb s’allient pour mieux encadrer la location d’appartements », Le Figaro, 31 mars 2016, http://immobilier.lefigaro.fr.
  • [272]
    Airbnb, « Hébergement responsable en Belgique », https://fr.airbnb.be.
  • [273]
    K. Kokalitcheva, « Researchers Say Airbnb Fudged New York City Listing Data », Fortune, 12 février 2016, http://fortune.com.
  • [274]
    K. V. Brown, « Airbnb Admits That It Purged 1,500 Unflattering New York Listings Right Before Data Release », Fusion, 24 février 2016, http://fusion.net.
  • [275]
    La compétence en matière de tourisme a été régionalisée par l’article 6, § 1er, VI, alinéa 1er, 9° de la loi spéciale du 8 août 1980, tel que modifié par la loi spéciale du 6 janvier 2014 relative à la sixième réforme de l’État. La compétence en matière de logement a été régionalisée par l’article 6, § 1er, IV de la loi spéciale du 8 août 1980.
  • [276]
    Loi du 20 février 1991 modifiant et complétant les dispositions du Code civil relatives aux baux à loyer, Moniteur belge, 22 février 1991.
  • [277]
    Cf. l’article 4, § 2, alinéa 1er et 2 de la loi du 20 février 1991.
  • [278]
    Article 1717 du Code civil.
  • [279]
    R. Meulders, « Airbnb : “Bruxelles va nous pénaliser et surtout se pénaliser” », La Libre Belgique, 5 novembre 2015, www.lalibre.be.
  • [280]
    Gouvernement wallon, « Nouveau Code wallon du tourisme : la Wallonie, une destination touristique d’excellence ! », Communiqué de presse, 14 avril 2016, http://gouvernement.wallonie.be.
  • [281]
    « Le nouveau Code wallon du tourisme encadre les plateformes web d’hébergement touristique », La Libre Belgique, 14 avril 2016, www.lalibre.be ; « La Wallonie veut encadrer les plateformes web touristiques », L’Écho, 15 avril 2016, www.lecho.be.
  • [282]
    Ordonnance bruxelloise du 8 mai 2014 relative à l’hébergement touristique, Moniteur belge, 17 juin 2014.
  • [283]
    Arrêté du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 24 mars 2016.
  • [284]
    Cf. Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, Projet d’ordonnance relative à l’hébergement touristique, DOC A-501/1, 7 février 2014. Dans son avis, le Conseil d’État a noté qu’« il peut en outre y avoir d’autres motifs, tels que la préservation de la concurrence loyale » (Conseil d’État, avis n° 54.475/3, 16 décembre 2013 : reproduit dans ibidem, p. 43).
  • [285]
    On notera toutefois l’intervention du député régional bruxellois Ahmed Mouhssin (Écolo) qui, dans une intervention du 25 avril 2014, remarque qu’une plateforme comme Airbnb « comporte aussi des effets négatifs, comme l’augmentation de la pression sur les loyers » (Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, Compte rendu intégral, CRI 22, 25 avril 2014, p. 69).
  • [286]
    Le législateur bruxellois semble réticent à parler de régime d’autorisation, étant donné l’interdiction de principe de la directive européenne « Services » d’imposer un régime d’autorisation restreignant la liberté d’établissement. L’exposé des motifs admet du bout des lèvres qu’il s’agit d’un régime d’autorisation, mais ajoute qu’il est « justifié par la nécessité de protéger le destinataire de services » (Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, Projet d’ordonnance relative à l’hébergement touristique, DOC A-501/1, 7 février 2014, p. 6). Dans son avis, le Conseil d’État a confirmé qu’il s’agit bien d’un régime d’autorisation au sens de la directive « Services », mais a confirmé que celui-ci n’est pas disproportionné ; il a toutefois ajouté qu’il serait « plus exact de faire état d’une autorisation » (ibidem, p. 42).
  • [287]
    Il est à noter qu’une mesure similaire, introduite par le législateur français dans la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (dite loi ALUR : Journal officiel de la République française, n° 72, 26 mars 2014), a fait l’objet d’une déclaration d’inconstitutionnalité par le Conseil constitutionnel français, au motif qu’elle constituait « une atteinte disproportionnée aux droits de chacun des copropriétaires » (cf. infra).
  • [288]
    Article 7 de l’arrêté du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 24 mars 2016.
  • [289]
    En effet, l’exposé des motifs précise que, dès que les documents et informations sont complets et exacts, le fonctionnaire peut procéder à l’enregistrement, suite à quoi l’exploitant peut exercer légalement son activité (Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, Projet d’ordonnance relative à l’hébergement touristique, DOC A-501/1, 7 février 2014, p. 6).
  • [290]
    Ibidem.
  • [291]
    R. Meulders, « Airbnb : “Bruxelles va nous pénaliser et surtout se pénaliser” », op. cit.
  • [292]
    M. Colleyn, « Airbnb met les autorités bruxelloises à l’épreuve », La Libre Belgique, 19 novembre 2015, www.lalibre.be.
  • [293]
    Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, Commission du Développement territorial, Compte rendu intégral des questions et interpellations, CRI COM 16, 19 octobre 2017, p. 54-55.
  • [294]
    A. Maron, « AirBnB : il est temps pour une régulation plus souple mais qui ait un impact réel », Écolo Bruxelles, 20 octobre 2016, http://bruxelles.regionale.ecolo.be.
  • [295]
    Cet outil est disponible sur : Service public régional de Bruxelles, Bruxelles Économie et Emploi, « Hébergement touristique », www.werk-economie-emploi.irisnet.be.
  • [296]
    Article N3 de l’arrêté du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 24 mars 2016.
  • [297]
    Cf. San Francisco Administrative Code, sec. 41A.5, g), http://library.amlegal.com.
  • [298]
    Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, Projet d’ordonnance relative à la taxe régionale sur les établissements d’hébergement touristique, DOC A-445/1, 16 décembre 2016.
  • [299]
    Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, Commission des Finances et des Affaires générales, Compte rendu intégral des interpellations et des orales, CRI COM 11, 10 octobre 2016, p. 30 (réponse du ministre-président R. Vervoort).
  • [300]
    Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, Commission des Finances et des Affaires générales, Projet d’ordonnance relative à la taxe régionale sur les établissements d’hébergement touristique. Rapport, DOC A-445/2, 22 décembre 2016, p. 15 (réponse du ministre Guy Vanhengel).
  • [301]
    Décret flamand du 10 juillet 2008 relatif à l’hébergement touristique, Moniteur belge, 26 août 2008.
  • [302]
    Décret flamand du 5 février 2016 relatif à l’hébergement touristique, Moniteur belge, 8 mars 2016.
  • [303]
    Internationaal Vlaanderen, « Evaluatierapport. Evaluatie van het decreet van 10 juli 2008 betreffende het toeristisch logies (Logiesdecreet) », 15 octobre 2014, p. 15-16, www.vlaanderen.be.
  • [304]
    Article 5 du décret flamand du 5 février 2016.
  • [305]
    Articles 6 et 7 du décret flamand du 5 février 2016.
  • [306]
    Cf. l’article 4 de la loi du 20 février 1991. Pour un commentaire de cet article, cf. supra.
  • [307]
    Article 11 du décret flamand du 5 février 2016.
  • [308]
    Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, Commission des Finances et des Affaires générales, Projet d’ordonnance relative à la taxe régionale sur les établissements d’hébergement touristique. Rapport, DOC A-445/2, 22 décembre 2016.
  • [309]
    Article L. 324-1-1 du Code du tourisme français.
  • [310]
    Cf. Mairie de Paris, « Demande de changement d’usage d’un logement, comment ça marche ? Autorisation 3 : le changement d’usage à caractère réel, avec compensation », www.paris.fr.
  • [311]
    Article 10 de la loi française n° 2014-366 du 24 mars 2014. Pour un commentaire de cette disposition, cf. infra.
  • [312]
    Une règle étendue par la loi française n° 2014-366 du 24 mars 2014 tant aux cas de logements meublés qu’à ceux de logements non meublés. Cf. l’article 25-3 et 8 de la loi française n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, www.legifrance.gouv.fr.
  • [313]
    Article 8 de la loi française n° 89-462 du 6 juillet 1989.
  • [314]
    Article 19 de la loi française n° 2014-366 du 24 mars 2014. Cet article a fait l’objet d’une déclaration d’inconstitutionnalité (cf. Conseil constitutionnel, Décision n° 2014-691 DC, 20 mars 2014, www.conseil-constitutionnel.fr).
  • [315]
    En ce sens, cf. par exemple M. Cohen, A. Sundararajan, « Self-Regulation and Innovation in the Peer-to-Peer Sharing Economy », The University of Chicago Law Review Dialogue, volume 82, 2015, p. 130.
  • [316]
    Conseil constitutionnel, Décision n° 2014-691 DC, 20 mars 2014, § 47, www.conseil-constitutionnel.fr.
  • [317]
    Article 10 de la loi française n° 2014-366 du 24 mars 2014 (à lire en lien avec l’article 1 de la même loi, qui définit la résidence principale comme un « logement occupé au moins huit mois par an »).
  • [318]
    Article L324-1-1 du Code du tourisme français, introduit par la loi française n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.
  • [319]
    Article 11 de la loi française n° 2014-366 du 24 mars 2014, insérant un article L 324-2-1 dans le Code du tourisme français.
  • [320]
    M. Visseyrias, « La Mairie de Paris et Airbnb s’allient pour mieux encadrer la location d’appartements », op. cit.
  • [321]
    Cf. « Airbnb : la Mairie de Paris rend publique[s] ses données sur les meublés touristiques », 20 minutes, 10 mai 2016, www.20minutes.fr ; « La mairie de Paris dément avoir mis en place une plateforme pour dénoncer les fraudes AirBnB », Huffington Post, 10 mai 2016, www.huffingtonpost.fr.
  • [322]
    « Airbnb : 2000 logements contrôlés à Paris », Le Figaro, 22 mai 2015, www.lefigaro.fr ; « Paris accentue les contrôles contre les logements loués illégalement sur Airbnb », L’Expansion, 12 janvier 2016, http://lexpansion.lexpress.fr.
  • [323]
    T. Serafini, « Airbnb : les proprios pris la main dans le palier », Libération, 20 mai 2015, www.liberation.fr.
  • [324]
    Pour un résumé de cette réglementation, cf. le site des autorités de la ville d’Amsterdam (Gemeente Amsterdam, « Mag ik mijn woning of woonboot verhuren als ik op vakantie ben? », www.amsterdam.nl). Une distinction est établie entre « particuliere vakantieverhuur » (non contraint à une autorisation ou changement d’affectation s’il n’est pas loué plus de 60 jours par an) et « bed and breakfast » (soumis à un régime d’autorisation).
  • [325]
    Memorandum of Understanding du 17-18 décembre 2014 entre la municipalité d’Amsterdam et Airbnb (MoU 2014). Disponible sur le site Internet www.binnenlandsbestuur.nl.
  • [326]
    MoU 2014, section 1.1.
  • [327]
    Cette mesure trouve son fondement dans le MoU 2014 (point D.), mais celui-ci indique qu’il fera l’objet d’un ruling fiscal distinct.
  • [328]
    MoU 2014, sections 3 et 4.
  • [329]
    MoU 2014, sections 4.4 et 4.5.
  • [330]
    MoU 2014, section 5.1. Cette disposition est renforcée par le Memorandum of Understanding du 22 novembre 2016 entre la municipalité d’Amsterdam et Airbnb (MoU 2016), section 3.15, www.amsterdam.nl.
  • [331]
    MoU 2016, section 3.3.
  • [332]
    MoU 2016, section 3.4 : « Airbnb identifiera continuellement (c’est-à-dire de manière fréquente) et de manière automatisée grâce à des critères automatisés les annonces qui ne correspondent pas aux objectifs communs avec le préambule. Lorsque des annonces sont identifiées qui ne semblent pas satisfaire à ces objectifs, les annonces de l’adresse (ou des adresses) seront suspendues, mises en pause jusqu’à la fin de l’année civile ou supprimées définitivement. Les hôtes peuvent contester cette suspension ou cette suppression réalisée par Airbnb et, dans ce cas, donnent la permission à Airbnb d’informer la commune sur l’état de l’adresse (ou des adresses) concernée(s) » (« Airbnb zal voortdurend (zijnde frequent) en op geautomatiseerde wijze door middel van geautomatiseerde criteria advertenties identificeren die niet overeenkomen met de gemeenschappelijke doelen zoals in de preambule. Wanneer advertenties worden geïdentificeerd die niet aan deze doelen lijken te voldoen, worden de advertenties van het adres (of adressen) geschorst, gepauzeerd tot het einde van het kalenderjaar of definitief verwijderd. Hosts kunnen deze schorsing of verwijdering van Airbnb gemotiveerd aanvechten bij Airbnb en dienen in dat geval toestemming te geven aan Airbnb om bij de gemeente te informeren naar de status van het desbetreffende adres(sen) »).
  • [333]
    « Berlin’s Government Legislates Against Airbnb », The Guardian, 1er mai 2016, www.theguardian.com.
  • [334]
    Cf. le site Internet http://airbnbvsberlin.com. Ces résultats ont été relayés dans la presse allemande : T. Dorfer, « Berlin vs. Airbnb. Die Wahrheit in Zahlen », Die Zeit, 19 mars 2015, http://blog.zeit.de ; J. Biazza, « Macht AirBnB die Mieten teurer? », Jetzt, 19 mars 2015, www.jetzt.de ; S. Weber, « Airbnb vs. Berlin: Wie die Sharing Economy die Mietpreise in der Hauptstadt beeinflusst », Wired, 19 mars 2015, www.wired.de.
  • [335]
    Airbnb vs. Berlin, « Breakfast for 20 People? From “Big Sharing” to Big Business », http://airbnbvsberlin.com.
  • [336]
    Loi allemande du 29 novembre 2013 sur l’interdiction du détournement d’affectation d’espaces-logements (Zweckentfremdungsverbot-Gesetz - ZwVbG), § 2, (1).
  • [337]
    Ibidem, § 2, (2).
  • [338]
    GEWOS Institut Für Stadt-, Regional und Wohnforschung GmbH, « Airbnb and the Berlin Housing Market. The Impact of Airbnb Properties on the Housing Supply in Berlin », 2014, www.airbnbaction.com.
  • [339]
    D. Scally, « Airbnb Dumps Berlin Holiday Flats Before City Crackdown », Irish Times, 28 avril 2016, www.irishtimes.com.
  • [340]
    Tribunal administratif de Berlin (Verwaltungsgericht Berlin), Affaire n° 6 K 103.16, 8 juin 2016, § 103. Disponible sur le site Internet http://openjur.de.
  • [341]
    Pour un exposé de cette position « laissez-faire », cf. R. Haslehurst, A. Lewis, « We Don’t Need a Whole New Regulatory Regime for Platforms Like Uber and Airbnb », Harvard Business Review, 4 avril 2016, https://hbr.org.
  • [342]
    Ibidem.
  • [343]
    A. Strowel, W. Vergote, « Digital Platforms: To Regulate or Not to Regulate? », op. cit., p. 11.
  • [344]
    Pour un aperçu de la part des revenus des plateformes dans les revenus totaux de leurs contributeurs aux États-Unis, cf. D. Farrell, F. Greig, « Paychecks, Paydays, and the Online Platform Economy », op. cit., p. 24.
  • [345]
    Camera dei Deputati, Proposta di legge. Disciplina delle piattaforme digitali per la condivisione di beni e servizi e disposizioni per la promozione dell’economia della condivisione, n° 3564, 27 janvier 2016.
  • [346]
    Sénat français, Rapport d’information fait au nom de la commission des Finances sur l’économie collaborative : propositions pour une fiscalité simple, juste et efficace, n° 690, 17 septembre 2015.
  • [347]
    A.-M. Stepien, C. Laparade, « Vers une taxation de l’économie collaborative », Le petit juriste, 4 janvier 2016, www.lepetitjuriste.fr.
  • [348]
    Loi-programme du 1er juillet 2016, Moniteur belge, 4 juillet 2016.
  • [349]
    En effet, la réglementation prévoit un taux d’imposition de 20 % sur le chiffre d’affaires, avec une réduction forfaitaire de 50 % pour les frais occasionnés (cf. A. De Croo, « La Chambre approuve un taux d’imposition simple et peu élevé pour l’économie collaborative », Communiqué de presse, 30 juin 2016, www.decroo.belgium.be).
  • [350]
    Article 90, alinéa 1er, 1°bis et 37bis § 2, du Code des impôts sur le revenu, insérés par la loi-programme du 1er juillet 2016 ; arrêté royal du 12 janvier 2017 portant exécution de l’article 90, alinéa 2, du Code des impôts sur les revenus, en ce qui concerne les conditions d’agrément des plateformes électroniques de l’économie collaborative, et soumettant les revenus visés à l’article 90, alinéa 1er, 1°bis, du Code des impôts sur les revenus, au précompte professionnel (Moniteur belge, 24 janvier 2017). Le montant de 5 000 euros correspond au montant indexé pour 2016 (ce montant est ramené à 2 500 euros pour l’exercice 2016, vu que la réglementation du 1er juillet 2016 ne sera en vigueur que pour la moitié de l’exercice fiscal). Notons en outre que le montant finalement adopté a été vu à la baisse par rapport aux premières propositions du ministre A. De Croo, qui envisageait de fixer ce plafond à un montant allant de 6 000 à 10 000 euros (cf. A. Cloot, « De Croo précise le cadre fiscal pour l’économie collaborative », Le Soir, 14 avril 2016, www.lesoir.be).
  • [351]
    Cf. l’article 5ter de l’arrêté royal n° 38 organisant le statut social des travailleurs indépendants, inséré par la loi programme du 1er juillet 2016.
  • [352]
    Article 37bis, § 2, du Code des impôts sur le revenu, inséré par la loi-programme du 1er juillet 2016. Pour des clarifications sur le régime fiscal applicable aux revenus excédant le plafond de 5 000 euros, cf. également la réponse apportée par le ministre A. de Croo à une question du député Gilles Vanden Burre (Écolo) : Chambre des représentants, Questions et réponses écrites, QRVA 88, 12 septembre 2016, p. 415-420.
  • [353]
    Cf. Chambre des représentants, Projet de loi-programme, DOC 1875/1, 2 juin 2016, p. 21-26.
  • [354]
    A. Cloot, « Airbnb dit non au cadre fiscal de l’économie collaborative », Le Soir, 25 janvier 2017, www.lesoir.be.
  • [355]
    Article 90, alinéa 1, 1° bis et alinéa 2, du Code des impôts sur le revenu, inséré par l’article 36, 3°, de la loi-programme du 1er juillet 2016.
  • [356]
    Article 90, alinéa 1er, 1°bis, b), du Code des impôts sur le revenu.
  • [357]
    Cf. Chambre des représentants, Compte rendu intégral, CRI 118, 30 juin 2016. Cf. aussi Chambre des représentants, Projet de loi-programme. Amendement déposé en commission des Finances. Avis du Conseil d’État n° 593494/3 du 3 juin 2016, DOC 1875/3, 21 juin 2016.
  • [358]
    « Régime fiscal favorable à l’économie collaborative : des heureux et des mécontents », RTBF.be, 12 mai 2016, www.rtbf.be.
  • [359]
    « “La législation sur l’économie collaborative, c’est incroyable” » [interview du président de l’UCM, Philippe Godfroid], L’Écho, 30 juillet 2016, www.lecho.be.
  • [360]
    P.-F. Lovens, « Les prestataires de l’économie collaborative choyés par le fisc ? », La Libre Belgique, 13 mai 2016, www.lalibre.be.
  • [361]
    En ce sens, cf. G. Vanden Burre, « Question à A. De Croo sur la taxation de l’économie collaborative », 9 juin 2016, http://gillesvandenburre.be.
  • [362]
    Cf. A. Cloot, « De Croo précise le cadre fiscal pour l’économie collaborative », Le Soir, 14 avril 2016, www.lesoir.be. Cf. également la réponse apportée par le ministre A. de Croo à une question de G. Vanden Burre : Chambre des représentants, Questions et réponses écrites, QRVA 88, 12 septembre 2016, p. 415-420.
  • [363]
    Cf. « “La législation sur l’économie collaborative, c’est incroyable” », op. cit.
  • [364]
    La juridiction appropriée semblerait plutôt être la Cour constitutionnelle, en tout cas pour ce qui concerne les articles du Code des impôts sur le revenu modifiés par la loi-programme du 1er juillet 2016, qui sont des dispositions législatives.
  • [365]
    Convention multilatérale du 24 novembre 2016 pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, www.oecd.org.
  • [366]
    Directive (UE) 2016/1164 du Conseil du 12 juillet 2016 établissant des règles pour lutter contre les pratiques d’évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur, Journal officiel de l’Union européenne, L 193, 19 juillet 2016.
  • [367]
    Commission européenne, Décision « on State Aid SA.38373 (2014/C) (ex 2014/NN) (ex 2014/CP) Implemented by Ireland to Apple », C(2016) 5605 final, 30 août 2016, http://ec.europa.eu.
  • [368]
    Tribunal de l’Union européenne, « Irlande contre Commission européenne », n° T-778/16 (affaire en cours).
  • [369]
    Parlement du Royaume-Uni, « Finance Act », 2015.
  • [370]
    Cf. M. Bacache et al., « Taxation and the Digital Economy: A Survey of Theoretical Models », France Stratégie, 2015, www.strategie.gouv.fr.
  • [371]
    P.-H. Antonmattei, J.-C. Sciberras, « Le travailleur économiquement dépendant : quelle protection ? » (Rapport au ministre du Travail, des Relations sociales, de la Famille et de la Solidarité), 2008, http://travail-emploi.gouv.fr.
  • [372]
    Conseil national du numérique, « Travail, emploi, numérique. Les nouvelles trajectoires » (Rapport à la ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social), 2016, http://cnnumerique.fr.
  • [373]
    Ibidem, p. 113.
  • [374]
    P.-H. Antonmattei, J.-C. Sciberras, « Le travailleur économiquement dépendant : quelle protection ? », op. cit.
  • [375]
    Cf. A. Lamine, M. Rocca, « Subordination et para-subordination en Italie, France et Royaume-Uni. Aspects de droit comparé », in S. Gilson (dir.), Subordination et para-subordination : entre dépendance juridique et économique, Limal, Anthemis, à paraître en 2017.
  • [376]
    P.-H. Antonmattei, J.-C. Sciberras, « Le travailleur économiquement dépendant : quelle protection ? », op. cit., p. 5.
  • [377]
    Conseil national du numérique, « Travail, emploi, numérique », op. cit., p. 114.
  • [378]
    La protection contre un licenciement abusif ne fait pas partie de ce socle minimal. Cf. A. Lamine, M. Rocca, « Subordination et para-subordination en Italie, France et Royaume-Uni », op. cit.
  • [379]
    Loi française n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, Journal officiel de la République française, n° 184, 9 août 2016.
  • [380]
    P. Terrasse, « Rapport au Premier ministre sur l’économie collaborative », op. cit., p. 48 ; Conseil national du numérique, « Travail, emploi, numérique », op. cit., p. 92.
  • [381]
    Ibidem.
  • [382]
    Cf. I. Kaminska, « The Sharing Economy Will Go Medieval on You », op. cit.
  • [383]
    Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données), Journal officiel de l’Union européenne, L 119, 4 mai 2016.
  • [384]
    Article 48 de la loi française n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.
  • [385]
    B. Carballa Smichowski, « Data As a Common in the Sharing Economy: A General Policy Proposal », Document de travail, Centre d’économie de l’Université Paris Nord (CEPN), n° 10, 2016, https://cepn.univ-paris13.fr.
  • [386]
    B. Engels, « Data Portability Among Online Platforms », Internet Policy Review, volume 5, n° 2, 2016, https://policyreview.info.
  • [387]
    En ce sens, cf. M. Cohen, A. Sundararajan, « Self-Regulation and Innovation in the Peer-to-Peer Sharing Economy », op. cit., p. 116.
  • [388]
    Cf. par exemple l’accord passé entre la Mairie de Paris et Airbnb, cette dernière s’engageant à relayer les communications visant les hôtes susceptibles de dépasser le plafond de 4 mois pour la location de leur résidence principale, en les appelant à se mettre en conformité avec la réglementation (cf. supra).
  • [389]
    Article 24 de la loi française n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016 (Journal officiel de la République française, n° 303, 30 décembre 2016), insérant un article 1649 quater A bis au Code général des impôts français. Cet article entrera en vigueur le 1er janvier 2019.
  • [390]
    P. Terrasse, « Rapport au Premier ministre sur l’économie collaborative », op. cit., p. 70-72.
  • [391]
    Assemblée nationale, Projet de loi de finances rectificative pour 2016 [n° 4235 du 18 novembre 2016]. Amendement, n° 238, 1er décembre 2016.
  • [392]
    L’amendement avait déjà été soumis lors de la discussion de la loi française n° 2016-1321 du 7 octobre 2016, et finalement retiré suite à la résistance du gouvernement. Cf. X. Berne, « La déclaration automatique des revenus issus des plateformes ne passe pas le cap de l’Assemblée », Next Inpact, 21 novembre 2016, www.nextinpact.com.
  • [393]
    Comme le note P. Terrasse, « Rapport au Premier ministre sur l’économie collaborative », op. cit., p. 71.
  • [394]
    N. Woolf, « Airbnb Regulation Deal With London and Amsterdam Marks Dramatic Policy Shift », The Guardian, 3 décembre 2016, www.theguardian.com.
  • [395]
    J. Bromwich, « Airbnb Purged New York Listings to Create a Rosier Portrait, Report Says », The New York Times, 11 février 2016, www.nytimes.com.
  • [396]
    Pour un aperçu non exhaustif des études réalisées à ce jour sur l’impact économique de l’économie des plateformes, cf. J. Penn, J. Wihbey, « Uber, Airbnb and Consequences of the Sharing Economy: Research Roundup », Journalist’s Resource, 3 juin 2016, https://journalistsresource.org ; C. Charlot, Uberize Me, op. cit., p. 50.
  • [397]
    Cf. J. Rifkin, La troisième révolution industrielle, op. cit.
  • [398]
    I. Kaminska, « Do the Economics of Self-Driving Taxis Actually Make Sense? », Financial Times Alphaville, 20 octobre 2015, https://ftalphaville.ft.com.
  • [399]
    Ainsi, suite à l’annonce par Uber de son intention de mettre en service des voitures sans conducteurs, certains observateurs ont mis en évidence les liens entre le crowdsourcing mis en œuvre par l’économie des plateformes et l’automatisation de l’économie, dans la mesure où le crowdsourcing permet de redéfinir des activités économiques complexes en des tâches modulaires simples facilement automatisables. Cf. A. Griswold, « The Problem With Jobs in the Sharing Economy », Slate, 29 mai 2014, www.slate.com ; A. Lowrey, « Hey, Robot: Which Cat Is Cuter? », The New York Times, 1er avril 2014, www.nytimes.com.
  • [400]
    Commission européenne, « Un agenda européen pour l’économie collaborative », op. cit., p. 6.
  • [401]
    Cf. R. H. Kraakman, « Gatekeepers: The Anatomy of a Third-Party Enforcement Strategy », Journal of Law, Economics, and Organization, volume 2, n° 1, 1986, p. 53-104.
  • [402]
    À l’image des régimes de « notice and takedown » ou « notice and notice » mis en place en droit de l’information. Cf. B. Kleinschmidt, « An International Comparison of ISP’s Liabilities for Unlawful Third Party Content », International Journal of Law and Information Technology, volume 18, n° 4, 2010, p. 332.
  1. Introduction
  2. 1. Notions
    1. 1.1. Définition fonctionnelle : l’économie des plateformes collaboratives
    2. 1.2. Définitions normatives : trois conceptions distinctes dans le discours des acteurs
      1. 1.2.1. Économie de la fonctionnalité (ou économie du partage de l’usage)
      2. 1.2.2. Économie du don
      3. 1.2.3. Économie « peer-to-peer » ou économie coopérative
      4. 1.2.4. Économie (capitaliste) de plateforme et « crowdsourcing »
  3. 2. Problématiques transversales
    1. 2.1. Contournement législatif
      1. 2.1.1. Droit du travail et droit de la sécurité sociale
        1. Les contributeurs des plateformes : employés ou travailleurs indépendants ?
        2. Une précarisation du travail ?
          1. (In)stabilité de l’emploi
          2. (In)décence du revenu
          3. Opportunités d’employabilité
          4. Temps de travail intensifs ou inhabituels
          5. Relations collectives formelles
        3. Des entrepreneurs sans contrôle sur leur e-réputation ?
        4. Une procédure d’évaluation envahissante ?
      2. 2.1.2. Droit de la protection du consommateur
      3. 2.1.3. Droit fiscal
    2. 2.2. Régimes d’assurance
    3. 2.3. Droit de la concurrence
      1. 2.3.1. Une concurrence déloyale ?
      2. 2.3.2. Une dynamique « winner-takes-all » ?
      3. 2.3.3. Quelle définition du marché pertinent ?
      4. 2.3.4. Une fixation des prix ?
    4. 2.4. Simplification administrative
      1. 2.4.1. Une préoccupation pour l’ensemble des politiques publiques
      2. 2.4.2. Brouillage de la distinction amateurs/professionnels
  4. 3. Cadre juridique
    1. 3.1. Plateformes de transport : le cas d’Uber
      1. 3.1.1. Cadre juridique en Belgique
        1. Actuelles législations régionales
          1. Région wallonne
          2. Région de Bruxelles-Capitale
          3. Région flamande
        2. Application du droit en vigueur
        3. Perspectives pour le droit futur
      2. 3.1.2. Autres juridictions
        1. États-Unis
        2. France
        3. Espagne
    2. 3.2. Plateformes d’hébergement : le cas d’Airbnb
      1. 3.2.1. Cadre juridique en Belgique
        1. Région wallonne
        2. Région de Bruxelles-Capitale
        3. Région flamande
      2. 3.2.2. Autres juridictions
        1. France
        2. Pays-Bas
        3. Allemagne
    3. 3.3. Pistes d’évolution du cadre juridique de l’économie des plateformes
      1. 3.3.1. Un régime de taxation allégé pour les échanges entre particuliers sur les plateformes ?
      2. 3.3.2. Une taxation effective des revenus des opérateurs des plateformes ?
      3. 3.3.3. Une protection sociale pour les contributeurs des plateformes ?
      4. 3.3.4. La portabilité des données réputationnelles ?
      5. 3.3.5. Un rôle actif des opérateurs des plateformes dans l’application du droit ?
  5. Conclusion
Maxime Lambrecht
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire

En quelques années, l’économie des plateformes collaboratives en ligne s’est imposée comme un phénomène incontournable, en raison notamment de la croissance impressionnante de diverses entreprises. Elle fait aussi l’objet de nombreuses controverses : ses partisans vantent son potentiel d’innovation stimulante, voire ses avantages sociaux ou environnementaux, alors que ses détracteurs l’accusent de saper les standards de protection sociale ou de mettre à mal la capacité des États à réglementer l’économie.

Surtout, de nombreuses questions se posent sur le cadre juridique applicable à ces nouvelles pratiques. Confrontées à des acteurs qui questionnent – voire contournent ou, du moins, défient – la réglementation existante, comment doivent réagir les autorités publiques ? En réaffirmant le droit en vigueur (renforcer les contrôles, sanctionner les contrevenants et combler les éventuelles lacunes juridiques par le moyen d’une simplification et d’une extension des règles) ? Ou en élaborant un régime juridique sur mesure pour l’économie des plateformes (perçue, dans ce cas, comme constituant un champ spécifique de l’économie) ? Les activités concernées brouillent en tout cas les catégories traditionnelles du droit, telles que la distinction entre salarié et indépendant ou entre amateur et professionnel.

Ce Courrier hebdomadaire analyse les diverses questions que pose l’économie des plateformes collaboratives en termes de droit du travail, de droit de la sécurité sociale, de droit de la protection du consommateur, de droit fiscal et de droit de la concurrence. Il présente également le cadre juridique applicable en la matière en Belgique et dans quelques autres pays, en accordant une attention particulière à deux cas d’étude : la plateforme de transport Uber et la plateforme d’hébergement Airbnb. Enfin, il livre les pistes de réforme envisagées par les législateurs pour tenir compte de ce phénomène de plus en plus présent dans notre quotidien.

Mis en ligne sur Cairn.info le 13/02/2017
https://doi.org/10.3917/cris.2311.0005
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour CRISP © CRISP. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
keyboard_arrow_up
Chargement
Chargement en cours.
Veuillez patienter...