CAIRN.INFO : Matières à réflexion

INTRODUCTION

1 Le 5 mai 1835 est inaugurée la première ligne de chemins de fer de Belgique. Ce jour-là, trois trains à vapeur relient Bruxelles à Malines, une vingtaine de kilomètres plus au nord. Aujourd’hui, le réseau de chemins de fer belge compte quelque 3 500 kilomètres de voies, ce qui en fait l’un des plus denses au monde. [*]

2 L’usage d’une telle infrastructure doit être régulé. Plus précisément, il est indispensable que soient désignés les acteurs habilités à exploiter le réseau ferroviaire en vue du transport de voyageurs et de marchandises, et que soient définies les conditions de cette exploitation. L’enjeu est de taille. La durabilité de l’infrastructure ferroviaire est en effet susceptible d’être sensiblement affectée par les caractéristiques de cette régulation (ou son absence). Ainsi, une exploitation anarchique est susceptible d’empêcher la réunion des moyens nécessaires à l’entretien et au développement du réseau de chemins de fer, voire de provoquer des accidents. La régulation de la gestion et de l’usage de l’infrastructure ferroviaire s’avère donc indispensable à son exploitation efficace, et cela tant en termes de durabilité économique et écologique que de durabilité sociale. Par exemple, un accès plus équitable peut être promu par le moyen de tarifs de transport adaptés à certaines catégories de la population, tels les jeunes, les personnes âgées ou les personnes à mobilité réduite. La régulation de la gestion et des usages de l’infrastructure ferroviaire dépendant largement des règles formelles adoptées au niveau européen (directives, décisions et règlements) et au niveau fédéral belge (lois et arrêtés royaux), il convient d’étudier ces règles et de s’interroger sur leurs impacts quant à la durabilité de l’infrastructure ferroviaire.

3 Pour sa part, le présent Courrier hebdomadaire a pour objectif de retracer l’évolution des règles relatives à la gestion et aux usages de l’infrastructure ferroviaire, ainsi que les redistributions de compétences entre les acteurs du secteur, en insistant plus particulièrement sur les conséquences de la récente libéralisation. Pour ce faire, nous mobiliserons l’approche par les régimes institutionnels de ressources, appliquée aux secteurs des industries de réseaux. Cette approche incorpore et confronte les droits de propriété sur une ressource et l’ensemble des politiques publiques qui en régulent l’exploitation. Dans ce travail, le parti a été pris de concevoir l’infrastructure ferroviaire comme une ressource, bien que celle-ci soit artificielle, c’est-à-dire entièrement conçue et construite par l’homme. Une telle approche permet en effet de mettre à jour les effets concrets des changements de règles sur le cadre de régulation du secteur, c’est-à-dire la configuration des acteurs impliqués et leurs compétences. Trois questions guideront notre exposé. Quels sont les changements de règles successifs qui ont affecté le secteur ferroviaire belge depuis sa création au XIXe siècle ? Quels ont été leurs impacts sur la configuration des acteurs de ce secteur ? Dans quelle mesure et comment ont-ils redéfini les différentes fonctions de régulation ? La réponse à ces questions permettra entre autres de mettre en perspective les modifications récentes, par comparaison avec les transformations antérieures.

4 Adoptant une approche pluridisciplinaire (histoire, droit et science politique) et se basant à la fois sur des sources primaires (législation, rapports, publicités, prospectus, etc.) et sur la littérature scientifique, ce Courrier hebdomadaire se compose de quatre parties. La première d’entre elles exposera le cadre conceptuel et théorique de notre analyse. La deuxième se centrera sur le développement de l’infrastructure ferroviaire belge, en particulier sur son étendue, ses usages et sa situation financière. La troisième partie examinera le contenu des diverses régulations internationales et européennes ayant eu trait au rail, puis analysera leur impact. Enfin, à partir de ces différents éléments, la quatrième partie présentera les cinq phases successives de régime institutionnel qu’a connues le rail en Belgique depuis 1832, en étudiant les conséquences qu’elles ont eues sur son cadre de régulation (fonctions de régulation et configuration des acteurs). En conclusion, nous ferons le point sur l’évolution des dynamiques sous-jacentes à la régulation du secteur ferroviaire belge.

1. CADRE CONCEPTUEL ET THÉORIQUE

5 L’outil conceptuel et théorique que nous avons mis en œuvre dans le présent Courrier hebdomadaire est l’approche en termes de régimes institutionnels de ressources [1]. Comme l’expose la figure 1, il postule que le régime institutionnel d’une ressource influence de manière déterminante la durabilité de la gestion et des usages de cette ressource, par l’intermédiaire de son action structurante sur le cadre de régulation.

Figure 1

Champ d’analyse de l’approche en termes de régimes institutionnels de ressources

figure im1
Régime Cadre
institutionnel de régulation
Politiquespubliques Configurationdes acteurs Durabilité
de la gestion et des
usages de la ressource
Droits de propriété Fonctions de régulation

Champ d’analyse de l’approche en termes de régimes institutionnels de ressources

P. CSIKOS, Analyse historique du régime institutionnel du secteur aérien en Suisse (1899-2009), Sion, IUKB, 2010 (Working Paper, 1).

6 Préalablement à l’analyse de l’évolution de la régulation du rail depuis 1832, il nous faut donc présenter brièvement notre méthode, ainsi que les principales notions qui seront mobilisées tout au long de notre travail.

1.1. L’INFRASTRUCTURE FERROVIAIRE COMME RESSOURCE

7 Tout bien ou service est produit à partir d’une ressource, qui se caractérise par son stock et sa capacité reproductive. La nature et la quantité de la ressource évoluent au gré des exigences et des désirs de ses utilisateurs. Ces deux éléments en œuvre dans la notion de ressource sont intimement liés : « Le nombre d’unités de ressource disponibles (pour satisfaire les besoins des usagers) dépend de la taille du stock et de la capacité reproductive (variables) des systèmes (régionaux) de ressource. » [2]

8 À l’instar des ressources naturelles, les ressources artificielles fournissent des biens et des services dont l’exploitation par des groupes d’usagers souvent très hétérogènes (opérateurs, utilisateurs finaux, etc.) est susceptible de mener à des situations de rareté et donc de rivalité et de surexploitation pouvant porter atteinte à leur durabilité physique [3]. Dans ce cadre, l’infrastructure ferroviaire peut donc être appréhendée comme une ressource artificielle.

9 Les biens et services délivrés par l’infrastructure ferroviaire sont essentiellement les prestations de transport [4]. Celles-ci peuvent être quantifiées au moyen des unités de voyageurs-kilomètres (vkm) pour le transport de passagers et de tonnes-kilomètres (tkm) pour le fret [5]. Le nombre de voyageurs-kilomètres et de tonnes-kilomètres exploitables sur le réseau dépend non seulement de l’étendue et de la qualité de l’infrastructure disponible, mais aussi des techniques d’exploitation mises en œuvre pour faire usage du réseau, ce que l’on nomme l’infostructure. Plus celle-ci est efficace, plus augmente la quantité de ressource disponible. Ces indicateurs de prestation sont habituellement mesurés pour quatre catégories : le transport national de voyageurs, le transport international de voyageurs, le transport national de marchandises et le transport international de marchandises.

10 Le stock qui caractérise l’infrastructure ferroviaire est distribué en trois niveaux de détail [6]. Au premier niveau, le plus général, on distingue la voie (dont les objets de génie civil), l’alimentation électrique, les installations de sécurité, les installations d’information et le réseau organisationnel (contrôle du trafic). Au deuxième niveau, on considère tous les éléments liés aux voies : les aiguillages, les tunnels et viaducs, les passages à niveau, l’assiette, les paires de rails et les traverses. Au troisième niveau, on trouve les gares, les nœuds ayant fonction de gare (interconnexions de lignes), les plateformes, les voies de garage, les guichets, les manœuvres, etc.

11 La capacité reproductive (ou flux) de l’infrastructure ferroviaire dépend de l’entretien de celle-ci : maintien de son étendue et de sa qualité à niveau constant ou accroissement. La qualité relève de différentes dimensions, telles la sécurité, la propreté ou la convivialité. À noter que si les activités d’entretien conditionnent la sauvegarde de l’infrastructure, elles limitent aussi dans une certaine mesure, lorsqu’elles sont en cours, l’étendue d’infrastructure disponible pour la prestation des services de transport. Par exemple, la réfection d’une voie peut passer par sa fermeture temporaire.

12 La durabilité d’une ressource dépend à la fois du stock de la ressource, des usages qui en sont faits, et de sa capacité reproductive – naturelle ou artificielle. La gestion d’une ressource est considérée comme durable lorsque son utilisation n’affecte pas sa renouvelabilité, c’est-à-dire lorsque la qualité et l’étendue du stock sont maintenues en bon état au cours du temps. Dans le cas de l’infrastructure ferroviaire, cet objectif est par exemple atteint par le remplacement régulier des caténaires ou des rails, ou par l’absence d’engorgement de certains sillons.

1.2. LE RÉGIME INSTITUTIONNEL DE LA RESSOURCE

13 Le régime institutionnel d’une ressource est l’ensemble règles applicables à cette ressource. Il est constitué de deux composantes : les politiques publiques et les droits de propriété.

14 Les politiques publiques sont les décisions prises par les autorités politico-administratives pour convaincre les usagers de la ressource, qu’ils en soient ou non les propriétaires, d’adopter tel ou tel comportement. Pour ce faire, elles procèdent soit par la contrainte règlementaire (par exemple, obligation de possession d’une licence pour un conducteur de train), soit par l’incitation financière (par exemple, paiement d’une redevance de sillon plus élevée aux heures de pointe), soit par l’information (par exemple, organisation d’une formation des chefs de gare à la sécurité ou création d’un service de prévisions météorologiques), soit encore par la fourniture directe de biens et services (par exemple, transport national de voyageurs). Dans cette définition, les politiques publiques ne préjugent pas du système de droits de propriété applicable et ne cherchent pas à modifier ces droits à l’égard des usagers.

15 Les droits de propriété règlent les relations de possession et de responsabilité entre personnes vis-à-vis des objets [7]. Ils sont énoncés dans le Code civil et peuvent être regroupés en trois catégories : les droits de propriété formelle, les droits de disposition et les droits d’usage. Les droits de propriété formelle s’appliquent au propriétaire, c’est-à-dire à la personne à qui l’objet ou la ressource appartient. Ils sont établis dans un titre de propriété et incluent tous les droits de disposition et d’usage sur l’objet ou la ressource (art. 544 du Code civil). Le propriétaire a tout loisir de céder ces droits enchâssés dans la propriété, sans pour autant se défaire du titre. Les droits de disposition désignent la faculté de jouir de l’objet ou de la ressource, c’est-à-dire d’en tirer les fruits et de générer un revenu de son usage. Ils peuvent être exercés pleinement par le propriétaire ou cédés à des tiers (par exemple, au moyen d’une concession ou d’un bail emphytéotique). Enfin, les droits d’usage sont la faculté d’accéder à la ressource de l’utiliser, le plus souvent pour un usage restreint (par exemple, le droit de sillon est un droit d’usage acquis moyennant le paiement d’une redevance ; il n’octroie pas à cet usager la faculté d’exploiter le sillon, mais uniquement de l’emprunter). Ainsi, les droits de propriété régissent l’accès et l’usage à une ressource, ainsi que la possibilité d’en tirer profit. Ces droits sont garantis par l’État et opposables juridiquement.

16 Les politiques publiques modifient, concrétisent ou restreignent couramment l’utilisation des droits de propriété, parfois en échange d’une compensation [8]. Au cours du temps, l’éventail de ces droits s’est ainsi réduit sous la contrainte des règlementations et des politiques publiques, qui ont orienté ou restreint le comportement des propriétaires. Dans le cas des chemins de fer belges, par exemple, Infrabel est aujourd’hui propriétaire de l’infrastructure. Mais, dans le cadre de la politique européenne de libéralisation du rail, elle est tenue de mettre de façon équitable cette infrastructure à disposition des différentes entreprises ferroviaires qui souhaitent en faire usage pour prester des services de transport avec leurs trains. Réciproquement, les changements de régime axés sur la propriété ont transféré des droits de propriété d’un acteur à un autre, comme en 2005 dans le cas du transfert de la propriété des voies de chemin de fer de l’État vers Infrabel [9].

17 L’outil d’analyse que nous avons mis en œuvre – l’approche en termes de régimes institutionnels – combine les apports théoriques de l’analyse des politiques publiques et de l’économie institutionnelle. Son postulat est qu’une analyse conjointe des politiques publiques et des droits de propriété applicables à une ressource ou à un secteur donné constitue un instrument théorique pertinent pour l’étude de l’influence des règles formelles sur sa durabilité [10]. Plus concrètement, et par analogie avec l’analyse des politiques publiques, cette approche opère selon un modèle causal que le chercheur reconstruit lors de sa démarche analytique [11]. Celle-ci s’appuie sur quatre éléments : l’identification des objectifs, c’est-à-dire du résultat collectivement désiré et que le changement de règles serait susceptible d’atteindre (par exemple, une augmentation de la fréquentation des chemins de fer), les instruments ou moyens envisagés (par exemple, une baisse des tarifs), les publics cibles de l’intervention (par exemple, les usagers), et les acteurs tant politico-administratifs que privés investis formellement d’une mission publique qui sont en charge de l’exécution des règles (par exemple, l’entreprise de chemins de fer). La combinaison de ces paramètres caractérise ce que nous proposons d’appeler la « logique d’action du régime ».

18 Les régimes institutionnels, nous l’avons dit, changent au cours du temps. Pour nous, ce changement signifie une modification des règles institutionnelles suite à une évolution de la logique d’action du régime. Ce dernier s’oriente vers de nouveaux objectifs et, à cette fin, amende les politiques publiques ou les droits de propriété existants. En science politique, cela correspond à ce que Hall appelle un « changement de troisième ordre » ou « changement paradigmatique », c’est-à-dire à une nouvelle façon de concevoir le problème public et la façon de le résoudre [12]. On peut citer, à titre d’illustration dans le domaine des chemins de fer belges, le passage qui a été opéré à la fin du XIXe siècle d’une logique de développement du réseau basé sur l’initiative privée à une logique de contrôle des prix et de rejet d’une mainmise de puissances étrangères sur le réseau national (cf. infra). Afin de situer chronologiquement un changement de régime institutionnel, nous prendrons en considération la promulgation de la première des règles qui mettent en œuvre ce nouveau régime.

1.3. LE CADRE DE RÉGULATION DU SECTEUR

19 Les acteurs d’un secteur sont l’ensemble des acteurs publics et privés (ou privatisés) qui sont impliqués dans sa gestion, dans son fonctionnement et dans sa régulation. L’approche en termes de régimes institutionnels analyse leur configuration et la répartition des différentes fonctions (tâches et compétences) qui est opérée entre eux. C’est ce qu’on appelle le cadre de régulation du secteur. L’approche permet ainsi de mettre en évidence l’impact d’un changement de régime donné sur la définition et la distribution des fonctions de régulation.

20 Il convient de noter que la configuration des acteurs impliqués dans les chemins de fer belges a été profondément modifiée par le processus de libéralisation mis en œuvre au tournant des XXe et XXIe siècles. Ce processus correspond à une réforme importante du mode d’organisation du secteur ferroviaire, qui s’est caractérisée par le passage d’une conception organique à une conception fonctionnelle du service public. Historiquement, la conception organique du service public a longtemps constitué la forme dominante d’organisation des secteurs d’industries de réseaux (elle continue par ailleurs de l’être dans certains secteurs et pays). Elle est fondée sur le modèle de l’entreprise publique, verticalement intégrée, monopolisant sous le même toit les fonctions de production, de distribution et de fourniture des biens et des services (publics), ainsi que les fonctions de gestion, d’entretien et d’exploitation du réseau.

21 Dans le secteur du rail belge, la mise en place d’une telle structure monopolistique publique est la conséquence d’un long processus historique, qui a vu l’infrastructure ferroviaire être initialement développée sous forme de réseaux ou d’embryons de réseaux régionaux ou locaux, souvent financés par des capitaux privés. Ces premiers réseaux constituaient souvent des structures disparates, gourmandes en capital et qui ne servaient en outre qu’une partie de la population, à savoir celle qui avait les moyens financiers d’acheter les services fournis (c’est le cas par exemple des grands services urbains). À partir de la fin du XIXe siècle et durant une grande partie du XXe siècle, l’étatisation complète ou partielle de toute une série de services d’industries de réseaux (non seulement les chemins de fer, mais aussi les services urbains, les transports publics, le téléphone, les services postaux, l’électricité, les routes, etc.) s’est trouvée légitimée par les économies d’échelle, la standardisation technique, la nécessaire unification des réseaux et la planification cohérente du développement des infrastructures sur l’ensemble du territoire national belge, ainsi que par la baisse (qui à vrai dire n’a pas toujours été effective) des tarifs suite à la redéfinition de l’équilibre entre objectifs de rentabilité économique et objectifs de service public imposés aux entreprises publiques.

22 Avec les processus de libéralisation qui se sont développés en Europe à partir des années 1980, c’est l’organisation même de ces secteurs étatisés qui s’est vue profondément remise en cause (chemin de fer, transport aérien, électricité, télécommunications, etc.). On a alors assisté à une transformation de la structure verticalement intégrée vers un « découplage » (unbundling) entre différentes entités :

23

  • le propriétaire du réseau. Il s’agit du/des détenteur(s) des titres de propriété formelle et des actifs. En principe, il est en charge (du financement) de la planification, du développement (construction) et de l’entretien des infrastructures ;
  • le gestionnaire du réseau. Il s’agit du/des responsable(s) de l’exploitation du réseau. En principe, il est en charge de la gestion administrative et technique du réseau. À ce titre, il gère l’attribution des droits d’accès au réseau et d’usage de celui-ci ;
  • les opérateurs de transport. Il s’agit des acteurs (c’est-à-dire des entreprises) qui produisent et distribuent les services de transport ;
  • les opérateurs alternatifs. Il s’agit des acteurs qui produisent et distribuent des biens et services autres que les transports (commerces, entreprises de services, etc.) en utilisant les infrastructures du réseau ou une partie de celles-ci ;
  • les utilisateurs finaux. Il s’agit des consommateurs des biens et services produits par les opérateurs de transport et les opérateurs alternatifs ;
  • le régulateur indépendant. Il s’agit de l’instance distincte du pouvoir politique et des opérateurs, à laquelle l’État délègue un pouvoir réglementaire dans le cadre de la mise en œuvre des politiques de transport libéralisées.

24 Cette dissociation des rôles a pour but de faciliter l’ouverture du réseau à la concurrence et ainsi d’assurer – du moins théoriquement – un accès non discriminatoire à des opérateurs concurrents (third party access). Selon ce nouveau modèle organisationnel, chaque structure est perçue comme cliente ou fournisseur des autres structures. Ainsi « découplées », ces différentes entités n’ont alors plus nécessairement les mêmes intérêts dans l’exploitation du réseau ; elles doivent pourtant collaborer pour assurer le fonctionnement de ce dernier. L’une des principales caractéristiques de ce nouveau modèle de régulation européen [13] consiste dans la délégation (et donc dans le transfert) du travail (et du pouvoir) de contrôle des secteurs libéralisés à des organisations tierces qui remplacent ainsi les anciennes formes d’intervention administrative, à savoir les agences indépendantes de régulation [14].

25 Les fonctions de régulation sont les différentes tâches de régulation – essentiellement économiques – inhérentes au pilotage d’un secteur. Autrement dit, ce sont l’ensemble des décisions prises et des actions réalisées par les acteurs en charge des tâches de régulation au sein du secteur et qui contribuent par là à l’opérationnalisation du régime institutionnel. S’agissant des infrastructures de chemin de fer, on distingue huit fonctions de régulation :

26

  1. la définition des conditions de la gestion physique et de l’exploitation du réseau. Il s’agit de l’ensemble des décisions et actions (y compris financières) relatives à la construction, à l’entretien, au développement technologique et spatial (y compris les prescriptions techniques), à l’exploitation et à la sécurité des infrastructures du réseau ;
  2. la définition des conditions d’accès et d’usage du réseau. Il s’agit des décisions et actions relatives à la définition et à la gestion des droits d’accès et d’usage des infrastructures par les différents opérateurs fournissant les biens et services aux différentes catégories d’utilisateurs finaux ;
  3. la définition du statut légal des opérateurs et des propriétaires de l’infrastructure et de l’infostructure. Il s’agit des décisions relatives au statut juridique des différents acteurs du secteur (service administratif, régie, société anonyme, société mixte, etc.) et aux règles procédurales de transformation de ce statut ;
  4. la définition des règles de concurrence entre les opérateurs. Il s’agit de l’ensemble des décisions et actions qui concernent les modalités et le rythme d’ouverture des marchés (par exemple : égalité des coûts et des conditions d’accès aux réseaux, lutte contre les abus de position dominante et les ententes cartellaires, limitation ou interdiction du subventionnement public des opérateurs de transport, etc.) ;
  5. la définition des obligations de service public. Il s’agit des décisions et actions qui concernent la définition et le contrôle des standards en matière de qualité, d’accessibilité et de prix des biens et services commercialisés par les opérateurs de transport. Ces obligations de service public sont souvent concrétisées par des concessions de service universel. Les décisions d’octroi, de financement et les actions de contrôle de ces concessions font également partie intégrante de cette fonction de régulation ;
  6. la définition des modalités d’arbitrage des éventuelles rivalités d’usage et des conflits entre utilisateurs du réseau. Il s’agit des décisions d’arbitrage prises en vue de régler les conflits entre opérateurs concurrents, entre opérateurs et gestionnaires, ou encore entre opérateurs et propriétaires du réseau, etc. ;
  7. la définition des conditions d’accès aux ressources naturelles et énergétiques. Il s’agit des décisions et actions relatives aux conditions d’accès des acteurs du secteur aux différents types de ressources naturelles et énergétiques nécessaires à la construction, à l’entretien et à l’exploitation des infrastructures du réseau ;
  8. la définition des modalités d’interconnexion aux autres réseaux. Il s’agit des décisions relatives aux conditions et standards techniques d’interopérabilité entre les différents réseaux régionaux, nationaux ou internationaux, aussi bien en matière de capacité que de sécurité.

27 Ces fonctions de régulation constituent des enjeux majeurs, tant en matière de définition des règles régissant les rapports entre les différents acteurs utilisant le réseau, qu’en matière de résolution des éventuels conflits entre eux. Ces règles assurent une certaine stabilité et une certaine prévisibilité des relations entre les acteurs au sein des secteurs libéralisés.

28 La distribution et le contenu des fonctions de régulation exercent une influence sur la configuration des acteurs. Mais ces derniers, en fonction notamment des rapports qu’ils entretiennent entre eux, développent des stratégies qui influencent à leur tour le partage et la nature des fonctions de régulation. L’influence est donc mutuelle (cf. figure 2).

Figure 2

Conception fonctionnelle d’un secteur d’industries de réseau libéralisé

figure im2
État (pouvoir exécutif et législatif)
Fonction de
régulation 7 : Fonction de
dC’aocncdèitsioanusx Régulateurs indépendants (sectoriel et de la concurrence) régulation 3 :
ressources Fonction de Statutlégal
naturelleset Fonction derégulation 3 : Fonction de Fonction de régulation 4 : des
énergétiques pSrtaotpurtiélétagiarelsdedse l’infra- et rCéognudlaittiioonns1d : e la rCéognudlaittiioonns2d : ’accès Règles de la opérateurs
gestionphysiqueet etd’usagedu coenncturrerelensce
de l’infostructure
rdéesle’eaxuploitation du réseau opérateurs
Services
RéseauOptérarantsepuorsrtde
Ressources naturelles et
Infrastructure Fonction de Infostructure Fonction de
régulation 1 : régulation 4 : Règles
énergétiques
Conditions de la de la concurrence
gestionphysique Fonction de entreles opérateurs
et de l’exploitation
régulation 2 :
du réseau Opérateurs alternatifs
Propriétaires du Gestionnaires duConditions
réseau réseaud’accèset
d’usage du
réseau
Fonction de régulation 5 :
Obligations de service
public
Usagers finaux
Fonction de régulation 6 :
Arbitrage des éventuelles Fonction de régulation 8 :
rivalités d’usage et des conflits Interconnexion aux
entre utilisateurs du réseau autres réseaux
Instances d’arbitrage (aériensA, fuertrroevsiairréess, eroauutixers, etc.)

Conception fonctionnelle d’un secteur d’industries de réseau libéralisé

adapté d’après P. CSIKOS, Analyse historique du régime institutionnel du secteur aérien en Suisse (1899-2009), Sion, IUKB, 2010 (Working Paper, 1).

2. L’INFRASTRUCTURE FERROVIAIRE EN BELGIQUE

29 Dans cette deuxième partie du Courrier hebdomadaire, nous nous pencherons sur l’étendue (le « stock ») et sur les usages de l’infrastructure ferroviaire depuis sa création en 1830 jusqu’en 2010. Cet exposé permettra de mieux situer les évolutions de régime institutionnel que nous identifierons par la suite. Dans le même ordre d’idées, nous nous intéresserons aux résultats et au financement de l’exploitation du réseau de chemins de fer, ainsi qu’au capital d’infrastructure ferroviaire et aux investissements qui y ont été consentis. Même s’il ne s’agit pas à proprement parler d’éléments de définition de la ressource, ces quelques informations permettront de prendre la mesure des problèmes auxquels ont été ou sont confrontés les gestionnaires et les exploitants de l’infrastructure ferroviaire.

2.1. ÉTENDUE DE L’INFRASTRUCTURE FERROVIAIRE

30 Les années 1834-1914 sont celles du développement initial du réseau de chemins de fer belge. Quatre étapes peuvent être distinguées [15].

31 La première étape correspond à la construction de l’ossature du réseau. Elle s’étend de 1835 à 1843 et elle est l’œuvre de l’État, ce qui constitue une spécificité de la Belgique. Les motivations du tout jeune royaume (devenu indépendant en 1830) sont essentiellement de deux ordres : contribuer au développement économique du pays (circulation des marchandises, échanges commerciaux avec les voisins) et faciliter le déploiement de l’armée en cas de menace d’invasion étrangère. Au départ, l’ossature se limite à une croix centrée sur Malines, dont les deux axes visent les frontières du pays, en reliant respectivement Anvers au Hainaut via Bruxelles (nord-sud) et Ostende à Liège (ouest-est). L’État prend également en charge la construction et l’exploitation d’autres tronçons qui se greffent à cette colonne vertébrale (cf. figure 3). L’intention des autorités publiques est de confier par la suite à l’initiative privée le financement et l’exploitation de concessions, afin de ramifier le réseau. Mais « les candidats à la construction restent muets, faute d’audace sans doute, faute surtout de capitaux disponibles : les industriels viennent de moderniser leurs entreprises, l’État vient d’investir plus qu’il ne comptait le faire, et les banques ont mobilisé leurs capitaux dans d’autres secteurs » [16].

Figure 3

Lignes du réseau des chemins de fer belge en 1850

figure im3

Lignes du réseau des chemins de fer belge en 1850

M. LAFFUT, Les chemins de fer belges (1830-1913) : Genèse du réseau et présentation critique des données statistiques, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 1998, p. 478.

32 La seconde étape se caractérise par l’engouement des investisseurs privés pour la formule des concessions de péage, qui consiste pour l’État à rester propriétaire du chemin de fer mais à confier sa gestion et son exploitation à une société concessionnaire. Cette étape se situe entre 1843 et 1874. Comme nous le montrerons dans l’analyse des régimes institutionnels, cet engouement est encouragé par quelques ajustements règlementaires. Néanmoins, alors que le régime des concessions suscite de nombreuses initiatives fondées sur une bonne connaissance des besoins économiques, il donne également lieu à une certaine désorganisation, à une concurrence de plus en plus forte et, finalement, aux déboires financiers de sociétés concessionnaires au modèle économique défaillant. À partir des années 1870, certaines d’entre elles, acculées, doivent être rachetées par l’État. Ce dernier est alors contraint de se tourner vers une autre formule s’il veut que le réseau, encore largement incomplet, continue à se développer : il « va dès lors reprendre son rôle de constructeur » [17].

33 La construction à forfait caractérise la troisième phase de développement initial du réseau. Elle s’étend de 1873 à 1890. Plutôt que de tenir le secteur privé à l’écart, comme cela a été le cas durant les premières années, l’État décide de l’impliquer davantage. Quant à lui, il limite son intervention à la construction de l’infrastructure (et n’intervient donc pas dans son exploitation). Le système est finalement abandonné, étant donné les nombreux conflits qui opposent l’État – exigeant sur la qualité et les prix – aux entreprises de construction [18].

34 Enfin, la quatrième et dernière étape se compose des « derniers travaux de construction du siècle » et court de 1890 à 1914.

35 La Grande Guerre de 1914-1918 marque une parenthèse dans cette histoire. Nous ne nous attarderons pas sur cette période, en tant qu’elle n’est pas représentative des tendances observables sur le long terme qui caractérisent le régime institutionnel. Il en va de même de la Seconde Guerre mondiale [19]. Par contre, l’Entre-deux-guerres mérite quelqu’intérêt. La reconstruction qui suit la Première Guerre mondiale est extrêmement rapide, tant et si bien que, « fin 1919, le trafic est déjà rétabli sur la quasi-totalité des lignes » [20]. Les défis infrastructurels sont pourtant nombreux. « Tout d’abord, les destructions causées par la guerre 1914-1918 doivent être réparées. Ensuite, le réseau et l’équipement ferroviaires doivent absolument être modernisés. Pour comble de malheur, dès le début des années trente, [les chemins de fer sont frappés par] les effets d’une des pires crises économiques ayant jamais sévi en Occident. Et, pour couronner le tout, [ils subissent] de plein fouet la concurrence d’autres modes de transport. La position dominante du rail est menacée par la navigation intérieure et plus encore par un nouveau moyen de transport, l’automobile. » [21] Le réseau poursuit néanmoins son développement après 1919, mais de manière moins rapide et sur un plan davantage qualitatif que quantitatif. Il atteint sa taille maximale en 1930 (cf. figure 4).

Figure 4

Lignes du réseau des chemins de fer belge en 1929

figure im4

Lignes du réseau des chemins de fer belge en 1929

SNCB, Indicateur 1929, Bruxelles, SNCB, 1929.

36 Après la Seconde Guerre mondiale, l’évolution de l’infrastructure ferroviaire suit deux axes. Le premier est celui de la reconstruction. Comme après la Grande Guerre, elle est très rapide et concerne les voies, les ouvrages d’art, les cabines de signalisation, etc. Fin 1951, la plupart de ceux-ci sont restaurés [22]. Le second axe est celui de la modernisation et de l’innovation. Il est illustré par deux chantiers emblématiques. Le premier d’entre eux est celui de la « jonction Nord-Midi », qui permet de relier, à Bruxelles, la Gare du Nord avec la Gare du Midi [23]. Ses enjeux financiers, techniques, urbanistiques, de mobilité, etc. sont très nombreux. Ils expliquent partiellement la durée que ce projet a pris pour se concrétiser : l’inauguration de la jonction a lieu le 5 octobre 1952, alors que l’idée du projet avait germé dès 1895. Le second grand chantier consiste à électrifier le réseau. L’électrification est avant tout une question de traction ; mais elle concerne également la signalisation, les installations fixes de traction électrique, les télécommunications, l’éclairage ou encore le chauffage [24]). Les premières lignes à être équipées sont Bruxelles-Anvers, Bruxelles-Charleroi et Charleroi-Anvers en 1951, puis Bruxelles-Gand, Gand-Ostende, Bruges-Blankenberge, Bruxelles-Denderleeuw-Alost et Bruxelles-Louvain en 1954. Ensuite, l’électrification des lignes devient de plus en plus rapide.

37 À partir de 1950, le déficit structurel du résultat d’exploitation auquel sont confrontés les chemins de fer leur impose des mesures d’économie. Celles-ci se concrétisent notamment par la suppression d’un grand nombre de lignes entre 1950 et 1970.

38 Par la suite, la SNCB cherche à rationaliser son offre. Dans les années 1980, cette politique s’incarne dans deux plans majeurs : le plan IC/IR (1984) et son prolongement intégrant plus clairement la dimension internationale, le plan Star 21 (1989). D’après P. Servais, ces deux plans sont porteurs d’une nouvelle logique de fonctionnement du secteur ferroviaire à partir de 1990 [25]. Ils prévoient notamment de relier les centres importants par des trains rapides, en plus des omnibus et de trains supplémentaires aux heures de pointe. Ils envisagent également de favoriser le lien entre train et voiture, ainsi que d’adapter la position et la taille des gares au développement démographique. Néanmoins, en ce qui concerne l’infrastructure, la logique de ces plans est au moins autant financière que stratégique et, dans les faits, ils contribuent encore à diminuer de façon drastique l’étendue du réseau.

Figure 5

Lignes du réseau des chemins de fer belge en 2009

figure im5

Lignes du réseau des chemins de fer belge en 2009

SNCB HOLDING, SNCB – Carte du réseau [2009] : http://hari.b-holding.be/Hafas/folders/ map_fr.htm (site internet consulté le 4 octobre 2011).

39 Depuis, les processus ultérieurs de transformation du secteur (notamment le processus de libéralisation) n’ont par contre pas eu de tels impacts quantitatifs sur l’étendue de l’infrastructure ferroviaire. Ils ont plutôt tendu à améliorer les lignes exploitées. Par exemple, le projet Diabolo vise à améliorer la desserte de la gare ferroviaire de l’aéroport de Bruxelles-National. De même, le projet RER a pour but de désengorger les lignes qui desservent la capitale, notamment par le passage de deux voies à quatre. D’importants investissements ont également été consentis dans les lignes de transport à grande vitesse (TGV). Divers projets visent par ailleurs à améliorer l’interconnexion du réseau aux autres moyens de transport, notamment dans les ports.

40 En guise de conclusion, les tableaux 1 et 2 mettent en perspective l’évolution du nombre de points d’arrêts et de la longueur des lignes du réseau, depuis sa création jusqu’à nos jours. Ils montrent bien les différentes phases que nous avons repérées : les débuts timides, l’engouement à partir des années 1850, l’étendue maximale du réseau en 1930, la réduction drastique de l’étendue du réseau à partir des années 1950, ainsi que la rationalisation de l’offre à partir des années 1980 et l’absence d’impact sur l’étendue du réseau des processus plus récents de transformation du secteur, dans les années 1990 et 2000.

Tableau 1

Nombre d’accès publics au réseau des chemins de fer belge, par année

Année 1840 1850 1860 1870 1880 1890 1900 1910 1980 1997 2007
Nombre
d’accès
50 111 150 221 898 1 247 1 457 1 552 1 003 533 547
figure im6

Nombre d’accès publics au réseau des chemins de fer belge, par année

M. LAFFUT, « Vers le réseau ferré le plus dense du globe », in B. VAN DER HERTEN, M. VAN MEERTEN et G. VERBEURGT (dir.), Le temps du train. 175 ans de chemins de fer en Belgique. 75e anniversaire de la SNCB, Louvain, Presses universitaires de Louvain, 2001, p. 83 ; SPF ÉCONOMIE. Mobilité Retrieved : http://statbel.fgov.be/figures/d37_fr.asp (site internet consulté le 16 juillet 2009).
Tableau 2

Longueur des lignes du réseau des chemins de fer belge en km

Année 1850 1870 1890 1910 1930 1950 1970 1990 1996 1997 1998 2007
Toutes les
lignes
916 3 128 4 468 4 634 5 125 5 046 4 232 3 479 3 410 3 374
Lignes
internationales
14 88 > 300
figure im7

Longueur des lignes du réseau des chemins de fer belge en km

M. LAFFUT, « Vers le réseau ferré le plus dense du globe », in B. VAN DER HERTEN, M. VAN MEERTEN et G. VERBEURGT (dir.), Le temps du train, op. cit., p. 83 ; P. SERVAIS, « De la consolidation du réseau aux nouveaux défis européens (1945-2001) », in B. VAN DER HERTEN, M. VAN MEERTEN et G. VERBEURGT (dir.), Le temps du train, op. cit., p. 203.

41 À titre indicatif, voici également l’étendue et la composition de l’infrastructure ferroviaire, fin 2007, telle que circonscrite par la définition réglementaire européenne (Règlement 70/1108/CEE), à différents niveaux de détails : 3 374 km de lignes (dont 3 003 électrifiés), 4 438 aiguillages en voies principales et 8 161 aiguillages en voies secondaires, 1 957 passages à niveau, 9 422 signaux, 307 cabines de signalisation, 5 ateliers, 541 gares (en 2006) dont 307 points d’arrêts non gardés (en 2007), et 7 184 ouvrages d’art [26].

2.2. USAGES DE L’INFRASTRUCTURE FERROVIAIRE

42 Le tableau 3 mentionne le volume de transport réalisé sur les chemins de fer, de 1850 à nos jours. Il donne également une indication de leur performance pour la même période.

Tableau 3

Transport de voyageurs et de marchandises par les chemins de fer belges

Année 1850 1880 1910 1930 1950 1970 1990 1998 2004
Transport de voyageurs en
milliards de vkm
0,2 1,3 4,6 7,0 7,0 7,6 6,5 7,1 8,6
Transport de marchandises
en milliards de tkm
0,1 1,8 4,9 7,1 5,5 7,9 8,4 7,6 7,6
Performance : transport de
voyageurs (1000 vkm) par
km de voie ferrée
164 321 993 1 366 1 387 1 796 1 868 2 082 2 454
Performance : transport de
marchandises (1000 tkm) par
km de voie ferrée
98 445 1 057 1 358 1 090 1 867 2 414 2 229 2 175
figure im8

Transport de voyageurs et de marchandises par les chemins de fer belges

Remarque : les « vkm » renvoient au nombre de km parcourus par l’ensemble des voyageurs ayant emprunté le réseau des chemins de fer. Quant aux « tkm » ils renvoient au nombre de km parcourus par l’ensemble des tonnes de marchandises ayant emprunté le réseau des chemins de fer.
R. FREMDLING, « Les chemins de fer en Europe, 1825-2001 : un survol », in B. VAN DER HERTEN, M. VAN MEERTEN et G. VERBEURGT (dir.), Le temps du train, op. cit., p. 27 ; SNCB, Rapport d’activités 2004, Bruxelles, SNCB, 2005.

43 Le volume du transport de voyageurs et de marchandises évolue de manière croissante jusqu’en 1930. Ce phénomène est en lien avec le développement de l’étendue du réseau (qui pour rappel atteint son étendue maximale en 1930) et avec la croissance de la performance. La stagnation du transport de voyageurs et la diminution du transport de marchandises observées en 1950 s’expliquent par la proximité de la guerre de 1940-1945, qui a engendré une diminution de l’activité économique. Ensuite, et jusqu’en 1970, les volumes de transport continuent à nouveau leur progression.

44 La diminution du volume de transport de voyageurs observable en 1990 est imputable aux mesures d’économies, qui conduisent à des fermetures de lignes et de points d’arrêt et que ne compense pas l’amélioration constante de la performance. Quant au transport de marchandises, il restait plus de marge pour améliorer sa performance et il a été moins durement touché par les mesures d’économies, ce qui explique que son volume continue à augmenter jusqu’en 1990. À partir de cette date, néanmoins, tant le volume que la performance du transport de marchandises décroissent, sous l’effet combiné de deux facteurs. D’une part, le transport de marchandises est affecté par l’évolution de l’économie : désindustrialisation, concurrence du transport routier, etc. D’autre part, l’amélioration du transport par rail est désormais plus « qualitative » que « quantitative » : services plus sélectifs, type de marchandises transportées, etc.

2.3. EXPLOITATION DE L’INFRASTRUCTURE FERROVIAIRE

45 Le financement de l’exploitation et l’investissement dans le capital ferroviaire sont des motifs perpétuels de préoccupation depuis la création du réseau de chemins de fer.

46 Les résultats d’exploitation de la SNCB de 1937 à 1999, tous types de transport confondus, figurent dans le tableau 4. Le solde du compte des produits et pertes est révélateur du déficit d’exploitation qu’a connu la SNCB au cours du XXe siècle. Ce déficit a été quasi constant, seule son ampleur variant. Ce n’est qu’à partir des années 1980 que des plans de restructuration ont permis de mettre les comptes dans le vert, au prix d’une intervention financière (encore) accrue de la part des autorités publiques. Autrement dit, la charge du déficit du secteur ferroviaire est transférée vers la collectivité.

Tableau 4

Résultats générés par la SNCB en millions de BEF (tous types de transport)

Année 1937 1950 1960 1970 1980 1990 1999
Résultats bruts
d’exploitation
36,8 121,5 601,1 1 144,5 - 889,3 - 3 210,7 2 810
Solde du compte des
produits et pertes
- 2,8 - 146,3 - 31,8 - 8,3 - 863,5 911,5 2 881,5
figure im9

Résultats générés par la SNCB en millions de BEF (tous types de transport)

P. SERVAIS, « De la consolidation du réseau aux nouveaux défis européens (1945-2001) », in B. VAN DER HERTEN, M. VAN MEERTEN et G. VERBEURGT (dir.), Le temps du train, op. cit., p. 203. La source ne précise pas s’il s’agit de BEF constants ou non.

47 Actuellement, nous ne disposons pas du recul nécessaire pour analyser les résultats des nouvelles entités nées de la réforme des structures de la SNCB, mise en œuvre à partir de 2005 dans le cadre du processus de libéralisation lancé dans les années 1990. Néanmoins, l’objectif clairement exprimé de ce processus quant aux résultats de gestion est de parvenir à l’équilibre autofinancé, c’est-à-dire à résorber le déficit sans l’intervention de l’État. À cet égard, les informations déjà disponibles suggèrent au moins que des ajustements seront encore nécessaires avant de parvenir à cet objectif.

48 Intéressons-nous à présent au stock de capital disponible et aux investissements consentis. La figure 6 révèle l’évolution du stock de capital ferroviaire depuis la création du réseau jusqu’en 2000. Dans notre analyse, nous nous concentrerons sur l’infrastructure (et non sur le matériel roulant).

49 Nous voyons que le stock de capital d’infrastructure ferroviaire ne cesse de croître jusqu’à la Première Guerre mondiale. Au déclenchement et tout au long de celle-ci, il chute alors lourdement. Durant l’Entre-deux-guerres, il est reconstitué avant d’être affecté plus durement encore par la Seconde Guerre mondiale. Durant les cinq années qui succèdent au conflit, le développement marqué du capital tient à la reconstruction qui, comme nous l’avons indiqué ci-dessus, est intensive. Ensuite, dans la foulée de l’ouverture de la jonction Nord-Midi en 1952, les débuts de l’électrification du réseau contribuent également au développement du capital, toutefois limité par la poursuite de la politique de fermeture des lignes non rentables [27].

Figure 6

Stock de capital des chemins de fer belges en milliards de BEF de 1990 et par année

figure im10

Stock de capital des chemins de fer belges en milliards de BEF de 1990 et par année

M. VAN MEERTEN, « Rails, trains et techniques. Deux siècles d’investissements ferroviaires », in B. VAN DER HERTEN, M. VAN MEERTEN et G. VERBEURGT (dir.), Le temps du train, op. cit., p. 342.

50 La considérable croissance du stock de capital ferroviaire qui caractérise la fin des années 1970 s’explique notamment par l’électrification accélérée du reste du réseau. A contrario, la décroissance du stock de capital entre les années 1980 et 1990 est due aux plans d’économies auxquels les chemins de fer doivent alors se soumettre (IC/IR et Star 21). Cette décroissance est toutefois limitée, grâce aux investissements consentis dans l’infrastructure destinée à la grande vitesse. Enfin, dans la dernière décennie du XXe siècle, « grâce aux efforts d’investissements récents, le stock total de biens d’investissement des chemins de fer atteint un seuil sans précédent dans l’histoire ferroviaire du pays » [28]. La figure 6 ne tient pas compte du capital dédié au TGV, à partir des années 1990.

51 Quant au volume absolu des investissements consentis à l’infrastructure ferroviaire depuis sa création jusqu’à nos jours, il en est rendu compte dans la figure 7. Celle-ci intègre les investissements pour le TGV. Ici également, nous nous focaliserons sur l’infrastructure (et non le matériel roulant).

52 L’évolution du niveau absolu des investissements ferroviaires se caractérise également par une rupture à l’occasion des deux conflits mondiaux. Mais contrairement à celui du stock de capital, le niveau des investissements de l’Entre-deux-guerres est loin d’atteindre celui du XIXe siècle. On note toutefois un pic d’investissement en 1925, lié à la dynamique qui entoure la création de la SNCB, et un second, au début des années 1930, dû à l’électrification de la ligne Bruxelles-Anvers. Dans les années 1950 et 1960, le niveau des investissements dépasse celui de l’Entre-deux-guerres, grâce notamment à l’achèvement de la jonction Nord-Midi et à l’électrification du réseau, mais de nouveau sans retrouver son importance d’avant 1914. Ensuite, « les conséquences de la stratégie menée par les pouvoirs publics dans les années 1970 se traduisent par des investissements à la hausse, comme en attestent les chiffres, mais l’effet inverse est tout aussi vrai : les séquelles des mesures d’assainissement prises dans la seconde moitié des années 1980 sautent aux yeux » [29]. Ces dernières années, le niveau des investissements ferroviaires atteint un niveau sans précédent. Cela s’explique d’une part, par le coût de l’infrastructure destinée au transport à grande vitesse (cf. les dernières années visibles dans la figure 7) et d’autre part, par les projets de développement du réseau existant dont il a été question supra, à savoir Diabolo et RER (il s’agit là d’années postérieures à la figure 7).

Figure 7

Investissements ferroviaires en Belgique en milliards de BEF de 1990 et par année

figure im11

Investissements ferroviaires en Belgique en milliards de BEF de 1990 et par année

M. VAN MEERTEN, « Rails, trains et techniques. Deux siècles d’investissements ferroviaires », in B. VAN DER HERTEN, M. VAN MEERTEN et G. VERBEURGT (dir.), Le temps du train, op. cit., p. 342.

3. RÉGULATIONS INTERNATIONALES ET EUROPÉENNES

53 Cette partie traitera des régulations internationales et européennes affectant la gestion et les usages des chemins de fer en Belgique. Après les avoir présentées, nous identifierons les éléments de régime institutionnel que les régulations de l’Union européenne mettent en œuvre puis leurs impacts sur le cadre de régulation du secteur ferroviaire des États membres.

3.1. RÉGULATIONS INTERNATIONALES

54 Les régulations internationales émanent soit organismes d’autorégulation, soit d’organismes intergouvernementaux. Les membres des premiers sont des opérateurs ferroviaires qui décident ensemble de s’auto-appliquer des normes. Les membres des seconds sont des États.

55 Historiquement, les organismes d’autorégulation se sont tout d’abord suffi à eux-mêmes, ainsi qu’aux États, pour organiser de nombreux aspects du secteur ferroviaire. Progressivement toutefois, pour des raisons politiques ou socioéconomiques, les organisations intergouvernementales se sont emparées d’une série de problématiques, par exemple commerciales ou sociales. Dès lors, les organisations d’autorégulation se sont focalisées sur des aspects plus techniques, et ont également développé leur fonction de lobbying auprès des autorités publiques [30].

56 Le premier organisme international d’autorégulation à voir le jour est la Conférence européenne des horaires des trains de voyageurs (CEH), en 1872 [31]. Elle vise notamment à permettre aux voyageurs de franchir les frontières sans devoir changer de train. Une organisation similaire est fondée en 1924 pour le trafic des marchandises : la Conférence européenne des horaires des trains de marchandises (CEM). Le 1er janvier 1997, la fusion de la CEH et de la CEM donne naissance au Forum Train Europe (FTE) [32], organisation-cadre pour la coordination internationale de la planification des relations internationales des trains de voyageurs et de marchandises sur le réseau ferré européen. Aujourd’hui, le FTE est la seule organisation paneuropéenne pour la coordination des horaires et l’harmonisation de l’attribution des sillons internationaux du trafic ferroviaire de voyageurs et de fret. Pour répartir les capacités, les gestionnaires d’infrastructure nationaux doivent respecter le calendrier officiel imposé par le FTE.

57 Dix ans après la fondation de la CEH, la Convention internationale sur l’unité technique (UT) est signée le 21 octobre 1882. Elle fixe les règles auxquelles doivent répondre les voies ferrées et les véhicules pour le transit international. Dans le domaine de l’infrastructure, l’UT fixe la largeur de la voie et ses tolérances (art. 1er). À partir de 1922, l’Union internationale des chemins de fer (UIC) est l’organe de travail de l’UT. Aujourd’hui, le destin de l’UT et celui de l’UIC ne sont plus si intimement liés. D’un côté, l’abrogation de l’UT est prévue (cf. infra). D’un autre côté, les objectifs principaux de l’UIC sont à présent de proposer de nouvelles pistes d’amélioration des performances techniques et environnementales, de promouvoir l’interopérabilité pour les Chemins de fer (y compris les standards communs à plusieurs modes de transport) et de développer des centres d’excellence (technologie et recherche ferroviaire, management, formation, etc.). Ses membres étant des compagnies de chemins de fer, l’UIC est donc bien un organisme d’autorégulation.

58 Quant aux organismes internationaux intergouvernementaux, le premier à voir le jour est l’Office central des transports internationaux par chemins de fer, créé en 1893. Depuis le 1er mai 1985, il est remplacé par l’Organisation intergouvernementale pour les transports internationaux ferroviaires (OTIF), dont le siège est à Berne. Sa convention-cadre est la Convention relative aux transports internationaux ferroviaires (COTIF). De façon générale, elle a pour but d’unifier les régimes juridiques régissant les transports internationaux de voyageurs et de marchandises par rail. En particulier, elle a notamment pour tâche de développer le droit du transport ferroviaire dans divers domaines : Contrat de transport international des voyageurs et marchandises (CIV et CIM), Transport international de marchandises dangereuses (RID), Contrat d’utilisation de véhicules en trafic international (CUV), Contrat d’utilisation de l’infrastructure en trafic international (CUI), validation de normes techniques et Adoption de prescriptions techniques uniformes applicables au matériel ferroviaire destiné à être utilisé en trafic international (APTU), et procédure d’Admission technique de véhicules ferroviaires et d’autre matériel ferroviaire utilisé en trafic international (ATMF) [33]. Les normes essentielles d’application dans chacun de ces domaines constituent autant d’annexes à la COTIF. L’entrée en vigueur de ces annexes dans tous les États parties à la Convention internationale sur l’Unité technique des chemins de fer, dans sa teneur de 1938, entraîne l’abrogation de ladite convention.

59 Par ailleurs, le Comité international des transports ferroviaires (CIT), fondé en 1902 dans la foulée de l’OTIF, a pour mission d’assurer l’application uniforme par les opérateurs ferroviaires, d’abord de la Convention internationale sur le transport des marchandises (1924), puis de la Convention parallèle sur le transport des voyageurs et des bagages (1928). Il travaille en coopération étroite avec l’OTIF. Doté de la personnalité juridique depuis 2004, le CIT est une association de droit suisse dont le siège est également à Berne [34].

3.2. RÉGULATIONS EUROPÉENNES

60 La régulation du rail par l’Union européenne est plus récente : ses débuts datent des années 1960. Mais ses impacts sur le régime institutionnel et le cadre de régulation du secteur ferroviaire de ses États membres n’en sont pas moins bien plus directs et substantiels que ceux des instances que nous avons listées précédemment.

3.2.1. Politique commune des transports (1960-1990)

61 Entre 1960 et 1990, l’objectif premier de la politique commune des transports est d’éliminer les disparités qui sont de nature à fausser substantiellement les conditions de concurrence dans les transports. La politique commune des transports est portée en 1965 par la décision 65/271/CEE, qui identifie les objectifs secondaires jugés propres à garantir les conditions de cette concurrence, dans les domaines de la fiscalité, des régimes sociaux, ainsi que de l’intervention des États dans l’organisation du transport [35]. C’est par ce dernier domaine de régulation que le secteur ferroviaire est concerné. La décision 65/271/CEE est mise en œuvre par une série de décisions et de règlement ultérieurs successifs.

62 D’une part, la décision 65/271/CEE prévoit des mesures d’encadrement du soutien financier accordé par les États membres à leur entreprise ferroviaire publique. Elle impose ainsi la suppression des obligations de service public aux entreprises de transport, à l’exception des obligations qui, à l’instar par exemple de l’entretien de l’infrastructure, sont indispensables pour garantir la fourniture des services de transport [36]. Elle impose également la normalisation des comptes des entreprises ferroviaires. Cette normalisation consiste à compenser financièrement les charges qui pèsent sur les entreprises ferroviaires et les avantages dont elles bénéficient par rapport à la situation dans laquelle elles se trouveraient si elles étaient dans les mêmes conditions que les entreprises des autres modes de transport, et qui résultent de dispositions législatives, réglementaires ou administratives [37]. Le versement de certaines aides visant à promouvoir la recherche et le développement de techniques de transport plus économiques pour la collectivité est autorisé [38].

63 D’autre part, la décision 65/271/CEE prévoit l’harmonisation progressive des règles régissant les relations financières entre les entreprises de chemins de fer et les États. Cette harmonisation est concrétisée en 1975 par la décision 75/327/CEE, qui impose aux entreprises de chemins de fer de fonctionner selon des principes économiques et d’efficacité (autonomie comptable et de gestion, établissement de programmes d’activités, de plans d’investissement, etc.), y compris en ce qui concerne la prestation de missions de service public, en vue notamment d’atteindre l’équilibre financier [39]. Cela passe notamment par la comparabilité de leur comptabilité et de leurs comptes annuels, ainsi que par l’établissement de principes uniformes pour le calcul de leurs coûts [40]. Enfin, la décision 75/327/CEE autorise les États membres à accorder aux entreprises ferroviaires des « subventions d’équilibre » transitoires, pour une durée limitée, ce qui n’était pas initialement prévu par la décision 65/271/CEE.

64 Par ailleurs, toujours dans le but de renforcer l’équité concurrentielle entre mode de transports, la constitution de cartels est interdite en 1968 par le règlement 68/1017/CEE [41]. Des dispositifs législatifs ultérieurs permettent néanmoins aux entreprises de s’entendre, par exemple sur la mise en œuvre du trafic international [42].

65 Enfin, le règlement 70/1108/CEE de 1970 impose aux entreprises ferroviaires de distinguer les frais imputables à la gestion des infrastructures de transport de ceux imputables aux services d’exploitation des infrastructures [43]. La définition (comptable) européenne de la notion d’infrastructure ferroviaire figure dans le règlement 70/2598/CEE [44]. Nous avons déjà souligné supra que cette définition est encore d’application aujourd’hui et que les États membres eux-mêmes (y compris la Belgique) s’en inspirent pour formuler leur propre législation.

3.2.2. Politique commune des chemins de fer (1990-2000)

66 À partir de 1990, les chemins de fer européens font l’objet d’une politique sectorielle. La directive 91/440/CEE porte l’essentiel de cette politique. Reprenant en partie le contenu de la décision 75/327/CEE, qu’elle abroge [45], cette directive 91/440/CEE interdit le financement croisé de la gestion de l’infrastructure ferroviaire et des services d’exploitation de cette infrastructure. Le financement croisé des activités soumises à des obligations de service public et des autres activités est lui aussi interdit (cf. figure 8) [46]. De plus, la prestation de missions de service public est subordonnée à la conclusion de contrats de service public entre les opérateurs et les États.

Figure 8

Activités distinguées par la législation européenne dans le secteur ferroviaire

figure im12
Secteur ferroviaire
l’inGferastsitoruncdtuere Activités d’exploitation
Activités de gestion Activités d’exploitation
soumises à des Activités de gestion soumises à des Activités d’exploitation
obligations de service obligations de service
commerciales commerciales
public public

Activités distinguées par la législation européenne dans le secteur ferroviaire

Moyson et Aubin ©.

67 Pour la première fois, les droits d’accès et de transit à l’infrastructure ferroviaire ne sont plus réservés aux entreprises nationales. Les regroupements internationaux « d’entreprises ferroviaires nationales » (en pratique : les opérateurs historiques en situation de monopole dans leur État respectif) se voient reconnaître des droits de transit et d’accès dans les États membres où sont établies les entreprises ferroviaires qui les constituent, ainsi que des droits de transit dans les autres États membres, pour les prestations des services de transports internationaux entre les États membres où sont établies les entreprises constituant lesdits regroupements. Par ailleurs, les entreprises ferroviaires exerçant un service de transports combinés internationaux de marchandises reçoivent un droit d’accès à l’infrastructure des autres États membres aux fins de ce service [47]. Cette première ouverture à la concurrence est inédite, mais elle ne concerne qu’un volume très limité de prestations de transport. Les modalités d’accès et de transit des entreprises exerçant ce type de prestations « libéralisées » sont réglées par la directive 95/18/CE et la directive 95/19/CE [48]. Au gré de l’ouverture de nouveaux services à la concurrence (cf. infra), ceux-ci tombent, eux aussi, sous le coup de cette législation et de ses renforcements ultérieurs.

68 La directive 95/18/CE concerne la licence d’entreprise ferroviaire, délivrée par un organisme que désigne l’État membre et valable sur tout le territoire de l’Union européenne. Elle n’autorise pas directement les entreprises qui la détiennent à utiliser l’infrastructure ferroviaire, mais seulement à demander des sillons. Un sillon est une certaine capacité d’infrastructure pour faire circuler un train donné d’un point à un autre à un moment donné. Pour obtenir une licence, une entreprise doit respecter des conditions relatives à son honorabilité, à sa capacité financière, à sa capacité professionnelle (y compris à la sécurité) et à la couverture de sa responsabilité civile [49].

69 La directive 95/19/CE traite plus directement de l’utilisation de l’infrastructure, à savoir de la répartition des capacités d’infrastructure et de la perception des redevances d’utilisation. Un organisme désigné par l’État doit répartir les sillons sur base équitable et non discriminatoire, selon une procédure fixée par chaque État membre. « Les États membres [peuvent] prévoir des mesures particulières en faveur de certains services spécifiques. Par exemple, ils [peuvent] accorder une priorité aux services fournis dans l’intérêt du public ou à des services circulant sur des infrastructures spécialement aménagées à leurs fins, comme les lignes spéciales à grande vitesse ou celles spécialisées dans le fret. » [50]

70 La « redevance » est la rémunération payée par les entreprises ferroviaires au gestionnaire d’infrastructure en l’échange de l’attribution de sillons. D’après les principes directeurs fixés par la directive, le montant de la redevance dépend notamment de la nature et de la période du service, de la situation du marché, ainsi que de la nature et l’usure de l’infrastructure [51].

71 Pour être autorisées à utiliser les capacités d’infrastructure qui leur ont été attribuées, les entreprises ferroviaires doivent obtenir un certificat de sécurité. Les recours contre les décisions prises en matière de répartition des capacités d’infrastructure et de perception des redevances doivent pouvoir être déposées par les entreprises ferroviaires, sur demande écrite, devant une instance indépendante [52].

72 La directive 96/48/CE, relative à l’interopérabilité du système ferroviaire transeuropéen à grande vitesse, stipule comment développer les spécifications techniques d’interopérabilité (STI) des sous-systèmes du réseau [53]. Le réseau ferroviaire est décomposé en sous-systèmes de nature structurelle (énergie, contrôle-commande et signalisation, matériel roulant) ou fonctionnelle (exploitation et gestion du trafic, entretien, applications télématiques). Les STI sont des normes standard de construction et d’exploitation du réseau ferroviaire européen de TGV (du moins, à ce stade). Elles concernent aussi bien l’infrastructure que le matériel roulant et la gestion du trafic dans des domaines aussi divers que la sécurité, la comptabilité ou la protection de l’environnement. L’élaboration des STI est confiée à l’Association européenne pour l’interopérabilité ferroviaire (AEIF), créée en 1997. Cette nouvelle association, qui a statut d’organisme commun représentatif, rassemble les gestionnaires d’infrastructures, les entreprises ferroviaires et l’industrie [54].

3.2.3. Premier paquet ferroviaire (2001)

73 Édictées en 2001, les directives 2001/12/CE, 2001/13/CE, 2001/14/CE et 2001/16/CE forment ce que l’on a aujourd’hui coutume d’appeler le « premier paquet ferroviaire » [55]. Celui-ci décline avec plus de précisions le contenu des directives 95/18/CE (licences) et 95/19/CE (tarification et répartition de l’infrastructure, ainsi que sécurité). Il circonscrit la nature et les rôles des différentes entités en charge des fonctions de régulation et organise pour la première fois une ouverture à la concurrence véritablement substantielle du secteur ferroviaire. En effet, pour les services de transport international de fret, toute entreprise ferroviaire se voit accorder à des conditions équitables, le droit d’accès à quelque 50 000 km de lignes de l’Union européenne, décrites et définies par la directive comme « réseau transeuropéen de fret ferroviaire (RTEFF) ». Il est alors prévu d’étendre ce droit d’accès à l’ensemble du réseau ferroviaire européen à partir du 15 mars 2008.

74 En matière de sécurité, le matériel roulant et les entreprises ferroviaires doivent être certifiés par les États membres au regard des règles nationales, dont les exigences communes sont renforcées. Des enquêtes doivent être conduites en cas d’accident. En matière de concurrence, les procédures de répartition et de tarification de l’infrastructure, définies a priori par les États membres, doivent être équitables et non discriminatoires et s’appliquent désormais à toute entreprise ferroviaire, quelle qu’elle soit (et plus uniquement celles effectuant des prestations de transport ouvertes à la concurrence). Il en va de même pour l’obtention de la licence commerciale. Toutes ces fonctions doivent relever d’instances qui ne fournissent pas elles-mêmes des services de transport ferroviaire et qui sont indépendantes de toute entité ou entreprise ferroviaire fournissant de tels services [56]. Le gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire est responsable de la rédaction d’un « document de référence du réseau », qui décrit les caractéristiques du réseau, les conditions d’accès et les règles de tarification. Enfin, un « organisme de contrôle » doit contrôler les conditions de concurrence dans le secteur ferroviaire et recevoir les plaintes de toute partie intéressée estimant avoir été traitée injustement, avoir fait l’objet d’une discrimination ou avoir été lésée de toute autre manière.

75 En ce qui concerne la répartition des capacités de l’infrastructure en particulier, les organismes de répartition des différents États membres doivent coopérer, notamment en ce qui concerne les sillons internationaux. En cas de saturation, le gestionnaire de l’infrastructure doit réaliser une « analyse des capacités », qui identifie les raisons pour lesquelles les demandes des entreprises ferroviaires ne peuvent toutes être satisfaites. Un « plan de renforcement » explique comment y remédier. Les cas de saturation sont les seuls où l’organisme de répartition peut accorder la priorité à certains services (par exemple, le service public) [57]. La directive organise la procédure de demande de capacités d’infrastructure par les candidats.

76 S’agissant de la tarification des capacités de l’infrastructure, les États membres « doivent définir les conditions appropriées pour que les comptes du gestionnaire de l’infrastructure, dans des conditions normales d’activité et par rapport à une période raisonnable, présentent au moins un équilibre entre, d’une part, les recettes tirées des redevances d’utilisation de l’infrastructure, les excédents dégagés d’autres activités commerciales et le financement par l’État et, d’autre part, les dépenses d’infrastructure » [58].

77 La directive 2001/16/CE organise l’interopérabilité du système ferroviaire transeuropéen conventionnel sur les mêmes bases que la directive 96/48/CE (interopérabilité du système ferroviaire transeuropéen à grande vitesse), en tenant compte notamment du fait que les systèmes nationaux à harmoniser sont plus nombreux et plus anciens que dans le cas du système à grande vitesse. À ce stade, le « système ferroviaire transeuropéen conventionnel » visé par la directive 2001/16/CE ne correspond donc pas à l’ensemble des réseaux ferroviaires nationaux, mais seulement à quelques lignes importantes de cet ensemble [59].

3.2.4. Deuxième paquet ferroviaire (2004)

78 Le deuxième paquet ferroviaire est composé des directives 2004/49/CE, 2004/50/CE et 2004/51/CE, ainsi que du règlement 2004/881/CE [60]. Il vise à préciser ou à créer certaines fonctions de régulation. Il fonde un nouvel acteur européen – l’Agence ferroviaire européenne – et organise l’interopérabilité de l’ensemble du système ferroviaire européen conventionnel. Il approfondit encore l’ouverture à la concurrence. En effet, l’ouverture du droit d’accès à l’ensemble du réseau ferroviaire, pour les services de fret ferroviaire internationaux, initialement prévue le 15 mars 2008, est avancée au 1er janvier 2006. Quant à elle, l’ouverture du droit d’accès à l’ensemble du réseau ferroviaire communautaire, pour tous les services de fret ferroviaire communautaires (internationaux et nationaux), est prévue le 1er janvier 2007.

79 Les directives 96/48/CE (interopérabilité du système à grande vitesse) et 2001/16/CE (interopérabilité du système conventionnel) organisaient déjà l’élaboration des STI au niveau des sous-systèmes. La directive 2004/49/CE complète ces dispositions en élaborant un cadre de sécurité communautaire au niveau du système ferroviaire. Des exigences concernant le contenu, la préparation et la publication des règles de sécurité nationales sont formulées.

80 Pour être autorisés à déployer leurs activités, les entreprises ferroviaires et le gestionnaire de l’infrastructure doivent faire l’objet d’une certification de sécurité. Ils doivent élaborer un « système de gestion de la sécurité » qui permette de satisfaire aux exigences communautaires communes. La partie A du « certificat de sécurité » des entreprises ferroviaires atteste de la validité de ce système de gestion. Elle a valeur communautaire. La partie B du certificat de sécurité, portant sur les exigences spécifiques à chaque réseau national (des normes s’appliquant à des sous-systèmes qui ne sont pas encore couverts par les STI européennes), doit être obtenue dans chaque État membre, séparément. Elle peut porter sur des sous-systèmes mais également sur la certification du personnel [61]. Le gestionnaire de l’infrastructure doit obtenir dans son État un « agrément de sécurité » portant sur les mêmes exigences, à savoir communautaires et spécifiquement nationales. La certification est confiée à l’organisme responsable de la sécurité, désormais appelé « autorité de sécurité nationale ». De façon générale, celle-ci vérifie, promeut et, le cas échéant, fait appliquer le cadre règlementaire national de sécurité. Elle est responsable du registre national du matériel roulant. Par ailleurs, il n’y a plus d’exigences de sécurité pour obtenir la licence d’entreprise ferroviaire – elles sont toutes incluses dans le certificat ou l’agrément de sécurité –, de sorte que celle-ci devient exclusivement commerciale et professionnelle.

81 Désormais, l’organisme responsable de la conduite des enquêtes suite aux accidents ferroviaires s’appelle l’« organisme d’enquête ». Les droits des enquêteurs, qui doivent être indépendants de toute partie prenante dans le secteur ferroviaire, sont précisés, et les modalités de l’enquête et le contenu du rapport sont spécifiés.

82 Pour sa part, l’« Agence ferroviaire européenne » est chargée de missions d’avis et de recommandations visant à harmoniser et à optimiser le système ferroviaire européen en ce qui concerne la sécurité et l’interopérabilité. Elle réalise des études et promeut l’innovation dans ces domaines. Elle est également responsable de la publication des licences ferroviaires, des certificats de sécurité, des rapports d’enquête (suite aux accidents) et des dispositions nationales de sécurité. Les compétences de l’AEIF (interopérabilité) lui sont transférées.

3.2.5. Troisième paquet ferroviaire (2007)

83 Les directives 2007/58/CE et 2007/59/CE, ainsi que les règlements 2007/1370/CE et 2007/1371/CE sont les dispositifs du troisième paquet ferroviaire [62]. Celui-ci approfondit encore l’ouverture du secteur à la concurrence : le 1er janvier 2010, l’accès à l’ensemble du réseau ferroviaire communautaire est ouvert aux entreprises ferroviaires aux fins de l’exploitation de services internationaux de transport de voyageurs. Néanmoins, dans les États pour lesquels le transport international de voyageurs par train représente plus de la moitié du chiffre d’affaires voyageurs des entreprises ferroviaires (petits États), l’ouverture est imposée au plus tard le 1er janvier 2012.

84 Certaines questions particulières sont abordées par ce nouveau corpus législatif. En ce qui concerne les obligations de service public, une nouvelle formule plus précise pour le calcul des compensations est avancée. Les conditions de la concurrence pour la passation de contrats de service public sont également organisées. Par ailleurs, les droits et les obligations des voyageurs ferroviaires sont spécifiés, par exemple en matière d’accessibilité des gares, de retards, d’information aux voyageurs, de sécurité personnelle, etc. Enfin, le contenu et les modalités de la formation des conducteurs de train sont précisés. C’est l’autorité de sécurité nationale qui est responsable de l’organisation de ces formations.

3.2.6. Paquet ferroviaire 2bis (2008)

85 Le paquet ferroviaire adopté en 2008 peut recevoir le numéro 2bis (plutôt que 4) parce que les directives 2008/57/CE et 2008/110/CE ainsi que le règlement 2008/1338/CE qui le composent [63], visent à modifier les dispositions du deuxième paquet ferroviaire [64].

86 Toutes les directives relatives à l’interopérabilité sont abrogées, fusionnées, complétées et leurs dispositions étendues à l’ensemble du réseau communautaire. Un système de « cross acceptance » est organisé pour les règles nationales de sécurité. Un sous-système certifié dans un pays au regard d’une règle classée comme commune à deux ou plusieurs États membres ne doit plus être certifié au regard de cette règle par les autorités de sécurité des autres États ; seul le respect des règles classées comme différentes doit encore être certifié. En attendant l’élaboration de STI pour tous les sous-systèmes structurels de tous les réseaux communautaires, cette méthode permet de gagner du temps. Dans le même ordre d’idées, l’autorisation de « types » pour le matériel roulant consacre l’usage qui prévalait jusque-là. « La rédaction des directives interopérabilité jusqu’alors en vigueur pouvait permettre à un État membre d’exiger une procédure d’autorisation complète pour chaque véhicule (...). L’autorisation de type, tant qu’elle est valable, permet à tout moment (...) de produire de nouveaux véhicules de ce type et de les faire autoriser sur la seule preuve de conformité au type. » [65] Des « entités en charge de la maintenance » (ECM) des véhicules ferroviaires doivent être désignées et certifiées par l’Agence de sécurité nationale ou bien par un autre organisme notifié [66]. Enfin, quelques changements sont apportés au fonctionnement de l’Agence ferroviaire européenne [67].

3.3. ANALYSE DES PRINCIPAUX IMPACTS DES RÉGULATIONS EUROPÉENNES

87 Analysons à présent l’impact des régulations européennes sur le cadre de régulation du secteur ferroviaire des États membres. Cette section identifiera les éléments de régime institutionnel (politiques publiques et droits de propriété) dans les régulations européennes. Les principaux impacts sur le cadre de régulation du secteur ferroviaire des États membres (et donc de la Belgique) seront ensuite examinés. Cette analyse permettra également d’identifier les éléments de régime propres à la Belgique, qui seront abordés dans la partie centrale de cette publication.

3.3.1. Régime institutionnel : politiques publiques et droits de propriété

88 Il convient de distinguer trois phases dans le développement du régime institutionnel européen pour le secteur ferroviaire. Chacune d’entre elles se caractérise par une logique d’action et par des politiques publiques qui lui sont propres.

89 La première phase peut être située entre 1964 et 1990. Le contexte est notamment caractérisé par l’endettement important des entreprises ferroviaires européennes et par la forte implication financière des États membres dans la gestion et l’exploitation de leurs réseaux de chemins de fer. Ces derniers sont affectés par la politique européenne globale des transports. L’objectif de celle-ci est d’organiser la concurrence dans les transports, avec un accent mis sur la concurrence intermodale ; on se soucie de placer les différents modes de transport sur un pied d’égalité. Il s’agit donc de mettre progressivement fin aux privilèges financiers accordés au secteur ferroviaire. Deux groupes d’acteurs sont visés par cette politique. D’une part, les entreprises ferroviaires, qui sont priées de se soumettre aux exigences européennes en matière de comptabilité et de programmes d’activités. D’autre part, les États membres, qui sont tenus de garantir aux entreprises ferroviaires une plus grande autonomie de gestion et doivent justifier les aides qu’ils leur accordent (prestations de service public, recherche et développement, etc.) tout en cherchant à limiter l’ampleur de celles-ci. Cette limitation doit être guidée par l’équité des aides accordées et des taxes imposées aux différents secteurs de transport, en tenant compte de l’ensemble des coûts internes et externes auxquels ils doivent faire face respectivement. Elle doit être subordonnée au maintien de la santé financière des entreprises ferroviaires.

90 Une autre logique d’action caractérise la seconde phase de régime, située entre 1991 et 1994. L’adoption de la directive 91/440/CEE marque le début d’une politique propre au secteur ferroviaire. Il semble raisonnable d’identifier trois objectifs de la législation à cette époque. Le premier est de poursuivre les efforts de la première phase concernant la concurrence intermodale et l’assainissement de la situation financière des entreprises ferroviaires. Par exemple, l’adoption du règlement 91/1893/CEE (subordination de la prestation de missions de service public à la conclusion de contrats) s’inscrit dans cette ligne. Même s’il n’est pas encore question de libéralisation à proprement parler, le second objectif consiste à y préparer le secteur. Comment interpréter autrement la nouvelle exigence imposée aux entreprises ferroviaires de séparer les comptes afférant à la gestion de l’infrastructure et les comptes relatifs à l’exploitation des différents services de transports, ainsi que l’interdiction du financement croisé de ces activités ? Cette mesure permet de traiter de manière comparable – et donc, éventuellement, équitable – toutes les entreprises ferroviaires exploitant des services de transport, y compris, le cas échéant, celle qui assure dans le même temps la gestion de l’infrastructure (en Belgique : la SNCB). De même, et pour la première fois, le monopole d’accès et de transit aux réseaux de chemins de fer est explicitement limité ; au profit certes d’une catégorie très limitée d’entreprises ferroviaires ou de groupement internationaux, mais le principe n’en est pas moins acquis [68]. Le troisième objectif de la législation européenne durant cette deuxième phase de régime institutionnel est de développer les liaisons internationales à grande vitesse et de transport combiné. Ce sont ces services qui sont visés par l’ouverture des droits d’accès et de transit édictée dans la directive 91/440/CEE.

91 La troisième phase de développement du régime institutionnel européen, qui a commencé en 1995, est marquée par l’adoption des directives 95/18/CE et 95/19/CE. Cette fois, la libéralisation est en marche. Même si ces deux directives n’accordent pas directement de nouveaux droits d’accès ou de transit à des catégories supplémentaires d’entreprises ferroviaires, elles posent les fondations nécessaires à l’organisation de la concurrence dans le secteur ferroviaire : répartition et tarification de l’infrastructure et conditions d’accès au réseau en matière commerciale et de sécurité [69]. L’arrangement politico-administratif est matérialisé par de nouveaux instruments de politique publique : certificat de sécurité, licence d’entreprise ferroviaire, redevance d’utilisation de l’infrastructure ferroviaire, etc. La directive 96/48/CE et les paquets ferroviaires successifs ont pour objet d’approfondir la libéralisation en octroyant des droits d’accès et de transit à de nouvelles catégories d’entreprises ferroviaires ou en renforçant l’arrangement politico-administratif [70].

92 L’impact de la législation européenne sur les droits de propriété dans le secteur ferroviaire est plus subtil, indirect et progressif que sur les politiques publiques. Avant tout, il convient de souligner l’absence, dans les dispositions législatives européennes, de toute mesure règlementant directement les droits de propriété formelle sur l’infrastructure ferroviaire dans les États membres (pas de régulationpar les droits de propriété formelle). Et pour cause : l’article 295 du traité instituant la Communauté européenne l’interdit.

93 La législation européenne ne modifie pas explicitement les droits de disposition sur l’infrastructure ferroviaire en vue d’atteindre certains objectifs en particulier. L’évolution des droits de disposition résulte plutôt des exigences européennes en matière de gestion de l’infrastructure ferroviaire (pas de régulation par les droits de disposition). Ces exigences sont nées avec la directive 91/440/CEE et ont connu un renforcement progressif depuis lors. De façon générale, elles profitent à l’acteur responsable de la gestion de l’infrastructure dont les droits de disposition sur l’infrastructure sont progressivement étendus. Dans le même temps, elles limitent les droits de disposition des États membres sur l’infrastructure, ainsi que ceux des entreprises publiques historiques qui, jusque-là, étaient responsables à la fois de la gestion et de l’exploitation de l’ensemble du réseau de chemins de fer dans leur pays. Néanmoins, dans les États membres, tous les droits de disposition ne sont pas pour autant transférés au gestionnaire de l’infrastructure. Dans les limites de la législation européenne, un ensemble de garde-fous est confié au pouvoir législatif ou au gouvernement, qui leur permettent d’encadrer l’action du gestionnaire sur le réseau. Des illustrations concrètes de ces tendances générales figurent dans la partie suivante de ce Courrier hebdomadaire. Enfin, en Belgique, les évolutions des droits de disposition engendrées par la législation européenne ne sont pas restées sans conséquence sur la propriété formelle de l’infrastructure ferroviaire. Par exemple, dans la dernière phase de régime institutionnel, on a jugé bon de faire passer la propriété formelle du réseau de l’État au gestionnaire de l’infrastructure. À ce sujet également, des détails seront apportés infra.

94 Les droits d’usage sont directement visés par la législation européenne, qui se sert de ce levier pour réguler le rythme d’ouverture du secteur à la concurrence (régulation par les droits d’usage). Ces droits sont subordonnés au respect des conditions commerciales et de sécurité, sur lesquelles nous reviendrons dans la section suivante. Voici un aperçu chronologique de l’ouverture des droits d’accès et transit au réseau de chemins de fer communautaire :

95

  • la directive 91/440/CEE ouvre au plus tard le 1er janvier 1993 le droit d’accès et de transit pour l’exploitation de services de transport combiné ; pour la même date, elle ouvre également aux groupements internationaux d’entreprises ferroviaires prestant des services de transport international de marchandises le droit d’accès dans les États dont font partie les entreprises du groupement, ainsi que le droit de transit dans tous les États membres ;
  • la directive 2001/12/CE ouvre au plus tard le 15 mars 2003 aux entreprises ferroviaires le droit d’accès complet au réseau transeuropéen de fret ferroviaire, pour l’exploitation de services de transport international de marchandises ;
  • la directive 2004/51/CE ouvre au plus tard le 1er janvier 2006 aux entreprises ferroviaires le droit d’accès complet à l’ensemble du réseau communautaire pour l’exploitation de services de transport international de marchandises ; elle ouvre au plus tard le 1er janvier 2007 aux entreprises ferroviaires le droit d’accès complet à l’ensemble du réseau communautaire pour l’exploitation de tout type de transport de marchandises ;
  • la directive 2007/58/CE ouvre au plus tard le 1er janvier 2010 aux entreprises ferroviaires le droit d’accès complet à l’ensemble du réseau communautaire pour l’exploitation de services de transport international de voyageurs (y compris aux fins de cabotage [71]).

96 À ces droits d’usage commercial doivent être ajoutés les droits d’usage aux fins de gestion du réseau par le gestionnaire d’infrastructure. Ces droits d’usage ne sont pas directement visés par la législation européenne, mais ils sont soumis aux mêmes conditions de sécurité que les droits d’usage commercial. Le trafic national de voyageurs n’est pas (encore ?) concerné par l’ouverture à la concurrence [72].

3.3.2. Impacts sur le cadre de régulation : fonctions de régulation et configuration des acteurs

97 Durant les deux premières phases de développement du régime institutionnel, la gestion physique et l’exploitation de l’infrastructure ferroviaire (fonction de régulation 1) sont notamment affectées par la limitation des aides accordées par les États aux entreprises nationales historiques ainsi que par l’interdiction de profiter de leur position de monopole pour imposer des tarifs de transport trop élevés. À partir de la troisième phase, les consommateurs de services de transport paient aux entreprises ferroviaires les prestations dont ils bénéficient. Celles-ci reversent une part de leurs recettes au gestionnaire de l’infrastructure, notamment sous la forme de redevances d’utilisation de l’infrastructure. L’État continue néanmoins à apporter, en pratique, une contribution majeure au financement en équilibrant les comptes du gestionnaire de l’infrastructure avec des fonds publics, notamment pour financer les grands projets d’investissement. Cependant, deux évolutions doivent être soulignées. D’une part, dans certaines conditions (directive 2001/14/CE), l’État peut imposer au gestionnaire de l’infrastructure d’équilibrer ses comptes sur la seule base des recettes tirées des redevances d’utilisation et d’autres activités commerciales éventuelles [73]. D’autre part, l’ouverture progressive des droits d’accès et de transit à l’infrastructure ferroviaire s’accompagne de la création possible d’entreprises ferroviaires privées. De nouveaux acteurs – privés – peuvent donc participer au financement de l’infrastructure ferroviaire parce que les entreprises ferroviaires dont ils détiennent du capital versent des redevances d’utilisation au gestionnaire de l’infrastructure. Mais ces investisseurs doivent être rémunérés : les consommateurs des services ferroviaires proposés par ces entreprises ferroviaires rémunèrent leurs propriétaires via leur titre (voyageurs) ou leur contrat (marchandises) de transport. En pratique, le plus souvent, l’entreprise ferroviaire qui exploite majoritairement le réseau est l’entreprise publique historique de l’État (en Belgique, la SNCB). Le plus souvent également, cette entreprise reste largement subsidiée par l’État, qui ainsi contribue aussi au financement du gestionnaire de l’infrastructure. Cette situation est celle qui prévaut en Belgique.

98 La gestion de l’infrastructure ferroviaire est confiée à une entité indépendante : d’abord au niveau comptable (directive 91/440/CEE), ensuite à tous les niveaux (directive 95/19/CE). Nonobstant certaines fonctions de contrôle ou de certification progressivement confiées de façon explicite à d’autres organismes, le gestionnaire d’infrastructure a une compétence résiduaire assez étendue en matière de gestion physique et d’exploitation de l’infrastructure. Parmi les règles européennes en vigueur à ce jour, les directives 2001/12/CE, 2001/14/CE, 2004/49/CE, 2007/58/CE, 2007/59/CE et 2008/110/CE et les règlements 2004/881/CE et 2008/1335/CE ont un impact particulièrement important sur la première fonction de régulation du secteur ferroviaire des États membres. La législation européenne ne régule pas directement les modalités ou la répartition et le montant des coûts de construction ou d’entretien de l’infrastructure.

99 Les conditions d’accès et d’usage du réseau (fonction de régulation 2) sont affectées par l’ouverture progressive des droits d’accès et de transit à l’infrastructure ferroviaire. Ces droits sont subordonnés au respect de conditions commerciales et de sécurité. Le respect des conditions commerciales par les entreprises est sanctionné par l’octroi d’une licence, et le respect des conditions de sécurité par les entreprises ferroviaires et par le gestionnaire d’infrastructure est respectivement sanctionné par l’octroi d’un certificat ou d’un agrément. Les directives en vigueur suivantes détaillent le contenu de ces conditions : 91/440/CEE, 95/18/CE, 2001/13/CE, 2001/14/CE et 2007/58/CE. Nous y reviendrons dans la partie suivante de la publication.

100 Les dispositions législatives européennes ne définissent pas stricto sensu le statut légal (fonction de régulation 3) des entreprises ferroviaires. Ces statuts sont néanmoins soumis à des obligations relatives à leur comptabilité et, plus largement, à leur gestion interne. Celles-ci visent notamment s’assurer que les opérateurs ne réalisent pas de financement croisé entre leurs activités (par exemple, entre activités de gestion de l’infrastructure et activités de prestations de services de transport). À ce titre, parmi les règles européennes en vigueur à ce jour, les règlements 69/1192/CE et 70/1108/CEE, ainsi que les directives 91/440/CEE et 2001/12/CE ont un impact significatif sur la troisième fonction de régulation du secteur ferroviaire des États membres.

101 En matière de concurrence (fonction de régulation 4), les cartels sont interdits dans le domaine des transports dès 1968. Durant la troisième phase de développement du régime institutionnel européen, celle de la libéralisation à partir de 1995, les règles de la concurrence sont renforcées. Elles organisent désormais également les procédures de répartition et de tarification des capacités de l’infrastructure. Celles-ci font partie de ces compétences pour lesquelles des responsabilités juridictionnelles, de contrôle et de certification ont été progressivement confiées à des organismes indépendants, en vue d’encadrer leur exécution par le gestionnaire de l’infrastructure. À ce titre, les directives 2001/14/CE et 2007/58/CE ont un impact important sur la quatrième fonction de régulation dans le secteur ferroviaire des États membres.

102 La décision 65/271/CEE impose la suppression des obligations de service public (fonction de régulation 5) aux entreprises de transport, hormis celles qui sont indispensables pour garantir la fourniture des services de transport. Le règlement 69/1191/CEE stipule dans quelles conditions ces dernières peuvent être maintenues. Le règlement 91/1893/CEE subordonne la prestation de missions de service public en échange de compensations financières à la conclusion d’un « contrat de service public ». Le règlement 2007/1370/CE clarifie la nature des missions de transport commercial et celles qui peuvent relever du service public, ainsi que les conditions à observer pour autoriser un État à compenser la prestation de missions de service public.

103 En matière d’arbitrage des rivalités d’usage et des conflits (fonction de régulation 6), un organisme indépendant doit être nommé pour recevoir les plaintes en ce qui concerne les procédures de répartition et de tarification des capacités de l’infrastructure ferroviaire (directive 95/19/CE). Cet organisme est susceptible d’instruire les plaintes portant sur le respect des conditions de la concurrence visées par la directive 2001/12/CE, telles que la non-discrimination ou l’équité de traitement. Les procédures de recours sont précisées. La directive 2007/1371/CE organise les voies de recours en cas de conflit entre usagers finaux et opérateurs de transport concernant les droits qu’elle reconnaît et les devoirs qu’elle impose à chacun d’entre eux.

104 Dans la législation européenne, les conditions d’accès aux ressources naturelles et énergétiques (fonction de régulation 7) sont régies depuis 2001 par la directive 2001/14/CE : toute entreprise ferroviaire peut prétendre à ce que le gestionnaire de l’infrastructure lui fournisse un ensemble de « prestations minimales » et lui donne accès par le réseau à certaines « infrastructures de services » (notamment l’utilisation du système d’alimentation électrique pour le courant de traction ou bien les infrastructures d’approvisionnement en combustible). Le gestionnaire ne peut décliner une demande que s’il existe d’autres options viables aux conditions du marché. Si le gestionnaire de l’infrastructure fournit l’une ou l’autre « prestation complémentaire » (notamment le courant de traction, le préchauffage des voitures, la fourniture du combustible, les services de manœuvre et tous les autres services aux installations d’accès), il doit la fournir à toute entreprise ferroviaire qui en fait la demande. Les entreprises ferroviaires peuvent demander en sus au gestionnaire de l’infrastructure ou à d’autres fournisseurs un ensemble de « prestations connexes », que le gestionnaire n’est pas tenu de fournir [74].

105 L’interconnexion (fonction de régulation 8) entre réseaux de chemins de fer est régie par la législation européenne relative à l’interopérabilité. L’interopérabilité du système ferroviaire transeuropéen à grande vitesse est organisée par la directive 96/48/CE et celle du système ferroviaire transeuropéen conventionnel par la directive 2001/16/CE. Des clarifications sont apportées à chacune d’entre elles par la directive 2004/50/CE. Finalement, la directive 2008/57/CE fusionne les deux directives initiales en y apportant, elle aussi quelques clarifications.

106 Progressivement, la législation européenne confie à des acteurs particuliers la responsabilité de certaines compétences dans le secteur ferroviaire. Sans jamais prescrire le statut de ces acteurs, elle précise néanmoins les conditions d’indépendance comptable et de gestion qu’ils sont tenus d’observer. En 1991, la directive 91/440/CEE impose la séparation comptable entre la gestion de l’infrastructure et l’exploitation de services de transport. En 1995, les directives 95/18/CE et 95/19/CE invitent à définir, dans chaque État membre, le ou les organismes chargés de prendre les décisions en matière de licence ferroviaire, de répartition des capacités de l’infrastructure, de calcul et de perception des redevances d’utilisation de l’infrastructure et de certification en matière de sécurité. Il s’agit également de désigner l’instance indépendante pour recevoir et instruire les recours en matière de répartition de l’infrastructure et de perception des redevances. À partir de 1996, l’Association européenne pour l’interopérabilité ferroviaire (AEIF) est chargée de superviser la mise au point des STI (directive 96/48/CE).

107 En 2001, un « organisme de contrôle » reçoit la compétence de contrôle et celle de recevoir les recours concernant les procédures de répartition et de tarification de l’infrastructure et leur application, le document de référence du réseau, la certification en matière de sécurité, ainsi que le respect des obligations de service public. Il ne peut fournir lui-même des services de transport ferroviaire et doit être indépendant de toute entité ou entreprise ferroviaire fournissant de tels services (directive 2001/14/CE). Il doit en aller de même pour l’organisme chargé de prendre les décisions en matière de licences ferroviaires (directive 2001/13/CE). Un organisme chargé de mener des enquêtes en cas d’accident ferroviaire doit en outre être désigné, qui doit respecter les mêmes conditions d’indépendance (directive 2001/12/CE).

108 À partir de 2004, les États membres doivent confier à une « autorité de sécurité nationale » les compétences exécutives, de contrôle et de certification en matière de sécurité : certificat (pour les entreprises ferroviaires) et agrément (pour le gestionnaire de l’infrastructure) de sécurité, certification et autorisation de mise en service des sous-systèmes et application du cadre règlementaire national de sécurité. Elle est également responsable du registre national du matériel roulant. L’organisme d’enquête doit être indépendant de toute partie prenante dans le secteur ferroviaire (directive 2004/46/CE). Les compétences de l’AEIF sont transférées à l’Agence ferroviaire européenne nouvellement créée (par le règlement 2004/881/CE). De surcroît, on lui confie des missions d’expertise, d’avis et de recommandations, ainsi que la responsabilité de rendre publics une série de documents de référence : licences, certificats de sécurité, rapports d’enquête suite aux accidents, règles nationales de sécurité et tout autre document utile (directive 2004/50/CE). L’AEIF disparaît donc de facto.

109 Enfin, en 2007, la directive 2007/59/CE organise la formation des conducteurs de train et le profil des organismes fournissant ces services de formation. L’autorité de sécurité nationale est responsable de toutes les compétences de contrôle, d’examen des conducteurs et de certification des services de formation. Les plaintes des parties prenantes en la matière peuvent être reçues par « tout organe de recours indépendant ».

3.4. CONCLUSION

110 Les objectifs poursuivis et les domaines d’action de la législation européenne dans le secteur ferroviaire se sont multipliés au cours du temps. En matière de politiques publiques, par exemple, la codification des relations entre États et entreprises ferroviaires publiques et l’amélioration de la santé financière de ces dernières (première phase), de même que les objectifs de la directive 91/440/CEE (deuxième phase) sont restés parfaitement d’actualité durant la phase actuelle de libéralisation. En matière de droits de propriété, nous avons montré que les contraintes imposées aux États et aux acteurs ferroviaires ont progressivement limité leurs droits de disposition sur l’infrastructure et que les droits d’usage ont été mobilisés pour ouvrir le secteur à la concurrence. La législation européenne a densifié et étendu également le contenu des fonctions de régulation. Sécurité, compétition, accès aux ressources, etc. : les obligations ont été multipliées au gré des directives et sont devenues plus strictes, par exemple en ce qui concerne les procédures de répartition et de tarification de l’infrastructure. Enfin, la configuration des acteurs a, elle aussi, été progressivement affectée par la législation européenne. Cela s’illustre en particulier par les gages de plus en plus nombreux d’indépendance que doivent respecter l’organisme de contrôle, l’autorité de sécurité nationale et le gestionnaire de l’infrastructure. Ces illustrations sont symptomatiques de l’emprise croissante des organisations supranationales, que nous avons évoquée supra, sur l’organisation des chemins de fer. Tous ces éléments seront particulièrement utiles, dans la partie suivante de ce Courrier hebdomadaire, pour distinguer les dynamiques de changement de régime institutionnel du secteur ferroviaire propres à la Belgique et celles qui sont imputables à l’influence du régime institutionnel issu de la législation européenne.

4. RÉGIMES INSTITUTIONNELS ET CADRE DE RÉGULATION EN BELGIQUE

111 Nous distinguons cinq phases de régime institutionnel de l’infrastructure ferroviaire : la création du réseau national (1832-1872), la reprise en main de l’exploitation et de la propriété par l’État (1873-1926), l’autonomisation de la compagnie nationale (1926-1979), la rationalisation et la relance des chemins de fer (1980-1996) et la libéralisation des chemins de fer belges (depuis 1997).

112 La spécification des différentes phases s’appuiera sur l’analyse des lois qui ont été adoptées durant la période qu’elles couvrent. Pour les deux dernières phases, l’analyse des arrêtés royaux s’avèrera en outre indispensable. En effet, une loi de 1969 confie au Roi la charge de prendre, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, toute mesure nécessaire pour assurer l’exécution des obligations résultant des traités internationaux et des actes internationaux pris en vertu de ceux-ci, en matière de transport par mer, par route, par chemin de fer ou par voie navigable [75]. Or, c’est à partir de la quatrième phase que la législation européenne exerce une influence déterminante sur le régime belge.

113 Pour chaque phase, nous présenterons la logique d’action du régime institutionnel : objectifs, hypothèses causale et d’intervention, pièces maitresses de l’arrangement politico-administratif. Ensuite, nous analyserons en détail les mesures de politique publique et le contenu des droits de propriété qui régissent la gestion et l’exploitation de l’infrastructure ferroviaire. Nous examinerons également les implications du régime institutionnel pour le cadre de régulation, c’est-à-dire la configuration des acteurs et les fonctions de régulation du secteur. Un tableau exposera chaque fois les résultats de cette analyse en annexe. Nous présenterons en outre une version schématique du cadre d’analyse appliqué aux dernières phases de régime, afin de mettre plus en évidence les conséquences du processus de libéralisation (avant/après). Il convient d’insister sur le fait que ces tableaux et schémas viseront seulement à capturer les effets du régime institutionnel de l’infrastructure sur le cadre de régulation du secteur, et non à décrire le cadre de régulation de façon exhaustive.

4.1. PHASE 1 : CRÉATION DU RÉSEAU NATIONAL (1832-1872)

114 En septembre 1830, la révolution belge conduit à l’indépendance des neuf provinces méridionales du Royaume des Pays Bas, indépendance consacrée par la Conférence de Londres de janvier 1831. Le Royaume de Belgique est né. Mais cette séparation complique le transport en Belgique et menace son rôle de territoire de transit. Les provinces septentrionales ne sont plus accessibles par les voies navigables. Le port d’Anvers est temporairement inaccessible par la mer, avant que les puissances européennes ne mettent fin au problème et ne garantissent sa protection. Comme l’état de guerre est persistant jusqu’en 1839, l’exportation de biens industriels vers la Prusse et les Pays-Bas est très difficile. « Cette situation complexe suscite les requêtes, adressées par Anvers et Liège au Gouvernement provisoire dès la fin de l’année 1830, pour obtenir une nouvelle liaison de transport entre Anvers et le Rhin, parcourant exclusivement le territoire belge. » [76]

115 La préoccupation des autorités publiques est donc de créer un réseau de transport intégré. Les motivations de ce projet sont à la fois économiques, politiques et stratégiques. Il s’agit d’une part de permettre à l’industrie de faire circuler les marchandises dans le pays et d’exporter ses produits vers les pays voisins, et d’autre part de faciliter le déploiement de l’armée aux quatre coins du nouvel État en cas de menace [77].

116 Deux options sont à l’étude : la voie navigable et le chemin de fer. C’est la seconde qui est finalement retenue. L’État réalisera et exploitera les tronçons principaux pour desservir de manière homogène l’ensemble des régions du pays. En effet, des investisseurs privés auraient tout intérêt à profiter des rentes d’un monopole sur les seules lignes rentables. « L’État, au contraire, trouve une compensation dans les chances diverses de plusieurs routes : le bénéfice de l’une couvrirait le déficit de l’autre. » [78] Par contre, la construction et l’exploitation des ramifications de l’ossature construite par l’État seront confiées à des concessionnaires privés qui se porteront candidats.

4.1.1. Régime institutionnel : politiques publiques et droits de propriété

117 La logique d’action qui caractérise le régime institutionnel mis en place à partir de 1832 comporte l’hypothèse causale suivante : si les investisseurs privés contribuent à ramifier le réseau ferroviaire, alors les industries accroîtront leurs débouchés et l’intégration de l’espace économique et de défense belge sera réalisée (objectifs). Les autorités publiques supposent par ailleurs (hypothèse d’intervention) qu’en prenant en charge la construction et l’exploitation des lignes dorsales du réseau, elles vont susciter l’engouement des investisseurs privés pour les ramifications du réseau.

118 En termes de politiques publiques, la loi du 1er mai 1834 confie à l’État la construction de l’ossature du réseau : « L’exécution sera faite à charge du Trésor public et par les soins du gouvernement » (art. 2) [79]. Concluant les discussions lancées par la requête d’une liaison de transport entre Anvers et Liège (cf. supra), elle prévoit l’établissement d’un « système » (c’est-à-dire d’un réseau, et non d’une ou de plusieurs lignes séparées) « ayant pour point central Malines, et se dirigeant à l’Est vers la frontière de Prusse par Louvain, Liège et Verviers ; au Nord par Anvers ; à l’Ouest sur Ostende par Termonde, Gand et Bruges, et au Midi sur Bruxelles, et vers les frontières de France par le Hainaut » (art. 1er). Peu après, ces premières dispositions sont complétées par la loi du 26 mai 1837, qui stipule : « Il sera établi, aux frais de l’État, un chemin de fer de Gand à la frontière de France, et à Tournay, par Courtray. La ville de Namur et les provinces de Limbourg et de Luxembourg seront également rattachées par un chemin de fer, construit aux frais de l’État, au système décrété par la loi du 1er mai 1834 » (art. 1er et 2).

119 La loi du 19 juillet 1832 concernant les concessions de péages permet à l’État de garder un certain contrôle sur la ramification du réseau, confiée au secteur privé sous la forme de concessions [80]. La loi institue « un régime général qui durera onze ans et qui se caractérise par la nécessité d’une enquête préalable, une durée de concession limitée à un maximum de 90 ans, et l’attribution de celle-ci par voie d’adjudication publique » [81]. La loi du 15 avril 1843, prise alors que s’achève la construction de l’ossature du réseau par l’État, proroge la loi de 1832 mais remplace l’adjudication publique par une enquête parlementaire [82]. La formule de l’adjudication publique ex post menaçait en effet le constructeur qui avait consenti des investissements dans les travaux d’étude et de préparation de se faire couper l’herbe sous le pied par un concurrent, une fois le projet bien ficelé [83]. La concession est toujours accompagnée de l’imposition, une fois pour toutes, de tarifs de transports maximaux.

120 Le 1er juin 1834 débutent les travaux du premier tronçon du réseau ferré (Bruxelles-Malines), qui est officiellement et solennellement inauguré le 5 mai suivant. Ce jour-là, trois convois de chars à bancs, de diligences et de berlines tirés par des locomotives (alors appelées remorqueurs) à vapeur, composés de trente voitures et transportant neuf cents invités, relient les deux villes en une cinquantaine de minutes. En 1843, l’État a réalisé 482 km de lignes de chemin de fer, tandis que la contribution du secteur privé se chiffre à 56 km de lignes d’intérêt local, voire particulier. « Les candidats à la construction restent muets, faute d’audace sans doute, faute surtout de capitaux disponibles : les industriels viennent de moderniser leurs entreprises, l’État vient d’investir plus qu’il ne comptait le faire, et les banques ont mobilisé leurs capitaux dans d’autres secteurs. » [84] Pour pallier à cette difficulté persistante, la loi du 20 décembre 1851 prévoit la garantie d’un minimum d’intérêt aux concessionnaires de lignes de chemin de fer [85]. L’effet de cette mesure, combiné à la disponibilité de nouveaux capitaux, est significatif : « De 1843 à 1874, le réseau national s’est accru de 2 771 km, et atteint 3 387 km. Les compagnies en ont construit 2 667 km, contre 102 km réalisés par l’État. » [86] Après l’octroi de la concession de Termonde à Saint-Nicolas en 1874, le système n’est plus utilisé que de manière anecdotique. Il ne produira plus que 238 km de lignes entre 1875 et 1880.

121 En matière de droits de propriété, toute l’infrastructure ferroviaire est formellement détenue par l’État en vertu des lois de 1834 (chemins de fer de l’État) et de 1832/1943 (chemins de fer concédés). La nature des droits de disposition et d’usage des différents acteurs du secteur sur l’infrastructure ferroviaire résulte du contenu des politiques publiques (pas de régulation par les droits de propriété). Les droits de disposition de l’État sur les chemins de fer de l’État sont complets. En ce qui concerne les chemins de fer concédés, la situation est plus nuancée. Avant la construction de l’infrastructure ferroviaire par la société concessionnaire, le contrôle étatique est relativement important. Par le biais de l’enquête préalable (qui porte sur l’utilité des travaux, la hauteur du péage et sa durée) et de l’adjudication publique, l’État se réserve un droit de regard sur la planification et sur les modalités de mise en œuvre et d’exploitation de l’infrastructure à créer. À partir du moment où l’infrastructure est construite, les droits de disposition de l’État sur les lignes concédées sont très limités et ce, durant toute la concession, à moins de mettre fin à celle-ci de manière unilatérale. Pour finir, on relèvera encore quelques cas isolés de rachat de l’exploitation d’une ligne concédée par l’État à des sociétés concessionnaires en difficulté (par exemple, Tournai-Jurbise et Landen-Hasselt en 1847) [87]. De même que les droits d’usage de l’État sont complets sur les chemins de fer de l’État, ceux des sociétés concessionnaires le sont également sur les lignes qui leur ont été concédées.

4.1.2. Impacts sur le cadre de régulation : fonctions de régulation et configuration des acteurs

122 En matière de gestion physique et d’exploitation du réseau (fonction de régulation 1), les prérogatives des autorités publiques sont étendues sur les chemins de fer de l’État en qui concerne la planification. Sur les lignes concédées, le pouvoir de planification de l’État découle du système de concessions (cf. supra). Les modalités techniques de construction ou d’entretien des lignes de chemin de fer ne sont pas prescrites par le régime institutionnel [88]. La loi du 1er mai 1834 confie au « Trésor public » la charge de la construction et de l’entretien des chemins de fer de l’État. Cette charge revient aux sociétés concessionnaires dans le cas des lignes concédées.

123 L’utilisateur final participe à la rémunération des investissements dans le cas des chemins de fer de l’État. Mais nous avons indiqué supra que le gouvernement pouvait se permettre d’appliquer une politique de bas tarifs. Pour les lignes concédées, l’utilisateur final est le seul à rémunérer l’investissement privé dans la construction. Il faut également mentionner le cas de figure dans lequel le concessionnaire est lui-même l’utilisateur final exclusif de la ligne qu’il a construite (par exemple, un industriel qui choisit de connecter son entreprise au réseau des chemins de fer pour le transport de ses produits). Ce cas de figure représente une part importante mais décroissante des concessions.

124 Les convois de l’État ont l’exclusivité des droits d’accès et de transit (fonction de régulation 2) sur les chemins de fer de l’État. Il en va de même pour les convois des sociétés privées sur les lignes dont elles sont concessionnaires [89]. Le régime institutionnel n’organise pas le statut légal des opérateurs (fonction de régulation 3) sur les lignes concédées. Il confie à l’État le rôle d’opérateur de services de transport sur les chemins de fer de l’État. Il n’y a pas de concurrence (fonction de régulation 4) sur les chemins de fer de l’État. La loi du 19 juillet 1832 met le candidat-concessionnaire qui a mis au point le projet de concession en concurrence avec d’autres candidats, s’il y en a. Les modifications introduites par la loi de 1843 suppriment cette étape d’adjudication publique. Les fonctions de régulation 5, 6, et 8 ne sont pas organisées par le régime institutionnel durant la première phase.

125 De façon générale, les acteurs sont verticalement intégrés, chacun étant titulaire de l’ensemble des droits de disposition et d’usage sur son infrastructure. Les chemins de fer de l’État sont construits et exploités par le Département des travaux publics du Ministère de l’Intérieur. Chaque concessionnaire privé gère son réseau de lignes concédées, né de la combinaison de logiques diverses, que l’on peut classer de la manière suivante : la ligne, la desserte ou le raccourci. Au-delà de l’appariement entre un réseau et la société privée qui le gère et l’exploite, ce sont les effets d’une logique plus financière, celle de la concentration, qui produit ses effets sur la configuration des acteurs du secteur ferroviaire [90]. Cette logique n’est pas régie par le régime institutionnel, mais elle va avoir des répercussions sur celui-ci (cf. infra).

126 Les chemins de fer de l’État sont majoritairement destinés au transport de voyageurs. Par contraste, les chemins de fer concédés sont plutôt utilisés pour le transport des marchandises dont les investisseurs privés souhaitent ainsi faciliter l’écoulement. À la fin de la phase de régime, les usages tendent à devenir plus homogènes.

4.1.3. Conclusion

127 Pour assurer l’intégration économique et la défense militaire de la Belgique, l’État décide en 1832 de doter le pays d’un réseau de chemins de fer. Il va lui-même assurer la construction de l’ossature de ce réseau et inciter le secteur privé, par l’octroi concessions, à construire ses ramifications. Si l’État reste le propriétaire formel de l’ensemble du réseau, il ne possède les droits de disposition et d’usage de ce réseau que sur les dorsales à charge du Trésor public, alors que ces droits sont réservés aux sociétés concessionnaires sur les ramifications qu’elles ont construites ou rachetées. Le système des concessions réserve donc un pouvoir de planification à l’État, mais l’ensemble des fonctions de construction, de gestion et de commercialisation des lignes sont confiées à leur exploitant respectif (l’État ou une société concessionnaire) avec peu de contraintes issues de la législation. Il en va de même pour les relations entre exploitants (cf. tableau A en annexe). Ce dispositif régulatoire, efficace au départ pour la construction du réseau national de chemins de fer, montre progressivement ses limites.

4.2. PHASE 2 : REPRISE EN MAIN DE L’EXPLOITATION ET DE LA PROPRIÉTÉ PAR L’ÉTAT (1873-1926)

128 Les nombreuses fusions entre sociétés concessionnaires de lignes de chemin de fer qui caractérisent la fin de la première phase de régime institutionnel ont des répercussions contrastées. Dans les régions où les concessionnaires sont en situation de monopole, le régime institutionnel en vigueur offre peu de leviers à l’État pour contrôler les tarifs. En effet, une fois la construction terminée et l’exploitation lancée, « les cahiers des charges de ces compagnies privées ne fix[e]nt que les tarifs maxima ; ceux-ci fixés, les pouvoirs publics n’[o]nt plus aucune compétence juridique pour en exiger une adaptation » [91]. Par ailleurs, la qualité du service pâtit de cette situation de monopole [92]. Dans les régions où la configuration des lignes est telle que les chemins de fer concédés sont en compétition avec les chemins de fer de l’État, les sociétés privées pratiquent une guerre des prix. Finalement fragilisées, elles sont fortement tentées de s’adosser à des sociétés plus importantes qui, elles, sont en mesure de s’appuyer sur des rentes monopolistiques. À ce contexte, s’ajoute en outre la menace de voir le contrôle de plusieurs sociétés concessionnaires – dont l’actionnariat est déjà en partie international – passer aux mains de sociétés issues de pays voisins (Allemagne, France, etc.).

129 Des voix s’élèvent donc pour rationaliser ou nationaliser le secteur [93]. Quelques épisodes isolés de rachat par l’État de droits sur des lignes concédées émaillent déjà la période comprise entre 1856 (rachat des lignes Mons-Manage et La Louvière-Bascoup) et 1870 (rachat de l’exploitation de la Compagnie des chemins de fer des bassins houillers du Hainaut). Dans les années 1870, le mouvement s’intensifie. À partir de 1873, le régime institutionnel et sa logique d’action évoluent et le structurent. En 1926, la nationalisation du secteur est presque complètement achevée [94].

4.2.1. Régime institutionnel : politiques publiques et droits de propriété

130 Trois objectifs caractérisent la logique d’action des autorités publiques à cette époque. Le premier consiste à venir au secours de sociétés concessionnaires privées en difficulté. Le deuxième est de se réapproprier un droit de regard sur les politiques tarifaires pratiquées par les sociétés concessionnaires en situation de monopole, ainsi que sur la qualité des services prestés. Le troisième est d’éviter la prise de contrôle de pans entiers du réseau ferroviaire belge par des sociétés issues de pays voisins. L’État suppose pouvoir parvenir à ces objectifs en rachetant et en limitant les pouvoirs d’exploitation des sociétés concessionnaires, qui sont jugées responsables de ces difficultés (hypothèse causale). Pour nourrir ces ambitions, l’État choisit (hypothèse d’intervention) d’agir directement sur le contrôle des sociétés concessionnaires (politiques publiques) ou par le biais d’opérations de rachat de concessions (droits de propriété), avec une préférence pour la seconde solution.

131 La régulation par les droits de propriété est privilégiée par rapport à la régulation par les politiques publiques. La loi du 13 mars 1873, qui approuve le rachat par l’État des droits de la Grande Compagnie du Luxembourg sur les lignes qui lui ont été concédées, est très exemplative [95]. En 1868, en raison de difficultés financières, cette compagnie fait appel à l’État pour que lui soient rachetés ses droits d’exploitation. Face au refus de l’État, la Compagnie s’apprête alors à succomber aux avances de la Compagnie de l’Est, société privée française soutenue par les autorités françaises. Mais le 23 février 1869, le Parlement belge adopte une loi qui permet au gouvernement de poser son veto à ce type de cessions de concession [96], ce qui constitue une limitation des droits de disposition. Il faut donc attendre 1873 pour voir l’État accepter de prendre la main, en accédant à la demande de la Grande Compagnie du Luxembourg de lui racheter l’intégralité de ses droits d’exploitation (qui, pour rappel, comprennent droits de disposition et droits d’usage). À partir de ce moment, les opérations de rachat se succèdent, fondées sur le même genre de dispositions réglementaires.

132 En termes de politiques publiques, la loi du 24 mai 1882 [97] permet au gouvernement d’accorder des dérogations aux clauses des cahiers des charges des concessions de chemins de fer [98]. Cette loi ne confère de droit de regard au gouvernement que sur base de la demande spontanée d’une société concessionnaire. Néanmoins, une fois la demande introduite, le gouvernement n’est absolument pas lié par l’objet de la demande, ni en ce qui concerne la modification à la situation soumise à son appréciation, ni en ce qui concerne son éventuelle volonté d’apporter d’autres modifications au cahier des charges. Par exemple, une société visant à uniformiser ses tarifs sur une ligne internationale ou souhaitant appliquer une pratique tarifaire particulière pour améliorer sa situation financière, peut se voir in fine refuser sa demande initiale, mais également se voir obligée d’appliquer des tarifs moins élevés sur tout ou partie de son réseau. Le gouvernement se donne ainsi un outil réglementaire qui lui permet de contrôler le pouvoir monopolistique des sociétés concessionnaires, mais qui reste légalement compatible avec les concessions accordées durant la première phase de régime institutionnel.

4.2.2. Impacts sur le cadre de régulation : fonctions de régulation et configuration des acteurs

133 Stricto sensu, le nouveau régime institutionnel ne régit pas différemment les fonctions de régulation. Il convient néanmoins de souligner quelques répercussions indirectes des règles formelles. Par exemple, la compétition qui s’était progressivement instaurée entre chemins de fer de l’État et chemins de fer concédés dans les régions où la configuration du réseau les plaçait en situation de concurrence, tend à disparaître progressivement (fonction de régulation 4). Par ailleurs, sous un certain angle, on peut interpréter les dérogations accordées ou imposées par l’État aux cahiers des charges des sociétés concessionnaires comme une forme d’obligation de service public (fonction de régulation 5). En effet, la loi impose à l’ensemble des dérogations tarifaires d’être calquées sur les tarifs – moins élevés – des chemins de fer de l’État. Enfin, en faisant passer progressivement l’exploitation des lignes concédées sous le giron des chemins de fer de l’État, l’harmonisation entre réseaux est de facto organisée (fonction de régulation 8) [99].

134 La configuration des acteurs évolue également peu durant cette phase du régime institutionnel. Le secteur reste composé d’acteurs (y compris l’État) verticalement intégrés exerçant leurs droits d’exploitation (droits d’usage et droits de disposition) sur leur réseau. Par contre, le nombre de ces structures verticales tend à diminuer sous l’effet de la vague de nationalisations. Parallèlement, la taille des chemins de fer de l’État croît au fur et à mesure des opérations de rachat de concessions par les autorités publiques. À la veille de la création de la Société nationale des chemins de fer belges (SNCB), l’État peut être considéré comme le seul acteur du secteur, ou du moins comme le seul qui compte [100].

4.2.3. Conclusion

135 À partir des années 1870, l’État rachète progressivement l’ensemble des concessions de chemins de fer accordées à des sociétés privées pour les sauver de la faillite, éviter leur rachat par des sociétés étrangères et maîtriser leurs tarifs. Si les contraintes imposées par la législation ne changent pas fondamentalement, elles s’appliquent progressivement au seul État, qui devient peu à peu l’unique gestionnaire et exploitant des chemins de fer. L’État se donne néanmoins la possibilité d’agir sur les tarifs pratiqués par les sociétés concessionnaires dont il n’a pas encore fait l’acquisition par le biais des dérogations aux clauses de leurs cahiers des charges (cf. tableau B en annexe). Cette phase, durant laquelle l’administration étatique contrôle les chemins de fer, contraste avec la phase suivante de régime institutionnel.

4.3. PHASE 3 : AUTONOMISATION DE LA COMPAGNIE NATIONALE (1926-1979)

136 Le début des années 1900 est marqué par les critiques des usagers concernant les prestations de service des chemins de fer de l’État. Les industriels et les grands détenteurs de capitaux pointent du doigt la politisation croissante de cette administration, ainsi que sa comptabilité annuelle, assimilée à celle du Trésor public (et donc non industrielle, avec comptes de profits et de pertes, ainsi que bilans de l’actif et du passif). Les investissements dans les chemins de fer sont également très (trop) tributaires du contexte politique et évoluent donc en dents de scie [101].

137 L’idée du principe de l’autonomisation des chemins de fer de l’État vis-à-vis de l’influence politique et des modalités de fonctionnement administratives du gouvernement fait son chemin. « La loi de 1846 sur la comptabilité de l’État stipule [déjà] que les finances des chemins de fer doivent être réglementées par une loi spécifique », qui ne voit toutefois jamais le jour [102]. Trois commissions sont instaurées par divers gouvernements pour étudier l’organisation administrative et financière des chemins de fer de l’État (1882, 1903, 1913). Durant la Première Guerre mondiale, l’Institut de sociologie Solvay, qui prépare les réponses à donner aux défis nationaux qui se poseront après-guerre, se penche également sur la question. Les industriels et financiers expriment eux aussi leurs considérations en la matière, au travers du Comité pour le relèvement de l’industrie et du commerce présidé par Ernest Solvay. À la sortie du conflit, en 1919, une nouvelle commission ministérielle dépose ses conclusions. À des degrés divers, tous ces acteurs soutiennent l’autonomisation des chemins de fer. Ils sont d’avis que la gestion et la comptabilité de la nouvelle organisation devraient être guidées par des principes industriels. Les nuances d’opinion portent sur les pouvoirs réservés au gouvernement, les prérogatives du Parlement, l’influence laissée aux secteurs industriel et financier, le droit au chapitre du personnel, ou encore la composition et les modalités de nomination du conseil d’administration et des organes de direction de la nouvelle entité. Ces multiples conclusions inspirent plus ou moins directement divers projets de loi (1919, 1924, 1926), dont le parcours législatif est toutefois interrompu par des crises politiques successives [103].

138 En 1926, le dossier connaît un coup d’accélérateur. Le gouvernement tente alors d’obtenir des emprunts auprès de banquiers étrangers. Mais ceux-ci posent leurs conditions : ils exigent une réforme des chemins de fer, afin que ceux-ci redeviennent bénéficiaires et cessent d’influer négativement sur la situation des finances publiques. Dans le cas contraire, ils menacent de prendre les chemins de fer en gage. « Le gouvernement belge est donc le dos au mur » [104]. La crise financière est telle qu’elle pousse le cabinet Poullet à la démission. C’est donc sous l’égide d’Émile Francqui, alors ministre sans portefeuille chargé de résoudre la crise financière dans le cabinet catholique-socialiste libéral Jaspar I, qu’est adoptée la loi du 23 juillet 1926 qui crée la Société nationale des chemins de fer belges (SNCB) [105].

4.3.1. Régime institutionnel : politiques publiques et droits de propriété

139 Les objectifs poursuivis par la logique d’action du régime institutionnel durant la troisième phase sont d’améliorer la qualité des services prestés par les chemins de fer et de leur permettre de renouer avec les bénéfices. On finit par admettre assez largement que ces ambitions sont subordonnées à une meilleure gestion des chemins de fer de l’État, qui sont jugés responsables de ces difficultés (hypothèse causale). À cette fin (hypothèse d’intervention), on accorde à la SNCB une large autonomie et on lui impose les prescriptions adéquates pour susciter un mode de fonctionnement guidé par des principes industriels.

140 À l’inverse de la phase précédente de régime institutionnel, la régulation par les politiques publiques prédomine la régulation par les droits de propriété. Nous allons nous focaliser sur les dispositions de la loi du 23 juillet 1926. Les modifications ultérieures de cette loi, durant cette troisième phase, ne traduisent pas de changement de la logique d’action.

141 La loi du 23 juillet 1926 crée donc la SNCB, qui est chargée de l’exploitation industrielle du réseau des chemins de fer de l’État. Sa gestion est confiée à un conseil d’administration dont dix membres sont nommés par le Roi (c’est-à-dire par le gouvernement) pour une période de six ans, en raison de leur compétence dans les affaires ferroviaires, sur proposition du conseil d’administration lui-même. Le Roi nomme également cinq membres sur une liste de candidats proposés par le Fonds d’amortissement de la dette publique, et trois autres proposés par le Conseil supérieur de l’agriculture, le Conseil supérieur de l’industrie et du commerce, le Conseil supérieur des métiers et négoces et les membres travailleurs et employés du Conseil supérieur du travail. Le personnel (dans les faits, les syndicats) nomme les trois derniers membres du conseil d’administration. L’origine des vingt-et-un membres de ce conseil d’administration montre combien cette société, certes publique, est liée aux intérêts privés et en particulier à ceux des milieux industriels et commerciaux qui ont exigé sa constitution. Le conseil d’administration nomme un directeur général ainsi que, en son sein, un comité permanent de quatre membres chargés de la préparation de ses travaux. La triple création obligatoire d’un Fonds de réserve, d’un Fonds de renouvellement et d’un Fonds d’amortissement est destinée à améliorer la gestion financière des chemins de fer [106].

142 En ce qui concerne les rapports et les compétences respectives de la SNCB et de l’État, il faut savoir que le ministre compétent pour les chemins de fer est membre de droit du conseil d’administration, qu’il préside s’il est présent. Le conseil d’administration fixe les tarifs mais le gouvernement a le droit d’imposer des diminutions tarifaires ou d’interdire des augmentations. « Le gouvernement réglemente également la police et est garant de la sécurité des chemins de fer » [107].

143 En 1926, la réforme des chemins de fer de l’État, difficilement envisagée durant la fin de la phase précédente de régime institutionnel, va donc beaucoup plus loin que ne l’avaient envisagé tous les comités et commissions constitués auparavant. Par ailleurs, le rôle du secteur privé est fondamental dans l’impulsion de la réforme en 1926. Il reçoit également des prérogatives bien plus importantes dans le fonctionnement de la nouvelle SNCB (notamment en matière de composition et de fonctionnement du conseil d’administration) [108].

144 Malgré l’autonomie dont elle dispose, la SNCB se voit imposer par le régime institutionnel une contrainte qui a trait à la politique tarifaire, héritée des chemins de fer de l’État. De manière générale, la société se plaint du désavantage concurrentiel, au plan intermodal, que représente le manque de flexibilité dont elle dispose dans la fixation de ses tarifs. En effet, nous avons vu que le gouvernement s’est réservé un droit d’imposition de diminution des tarifs ou de refus d’augmentation. Or les cabinets successifs ne se privent pas de faire usage de ce droit. En ce qui concerne plus spécifiquement les tarifs pour le transport de marchandises, la loi du 25août 1891 oblige la SNCB à accepter tout transport de marchandises, même déficitaire [109]. Par ailleurs, le régime institutionnel lui interdit de conclure des contrats avec ses clients – les tarifs publics, uniformes, sont la seule règle. Malgré ses demandes répétées pour une intervention législative, le régime institutionnel n’évolue pas sur ces points. La SNCB trouve dès lors une manière originale de contourner la règle, en usant de façon croissante de sa prérogative d’appliquer des « tarifs spéciaux ». Pour publics et uniformes qu’ils soient, ceux-ci deviennent tellement « spéciaux » que dans certains cas de figure, ils produisent les mêmes effets qu’un contrat avec un client particulier. Par ailleurs, par la non-application de tarifs spéciaux à d’autres contextes, la SNCB peut espérer progressivement dissuader certains clients non rentables de s’adresser à elle et les inciter à se tourner vers la route ou les voies navigables.

145 En matière de droits de propriété, le réseau des chemins de fer reste formellement détenu par l’État. Mais celui-ci accorde, moyennant les règles imposées par la législation, les droits de disposition et d’usage de ce réseau à la SNCB pour 75 ans (art. 1er et 4 de la loi du 23 juillet 1926).

146 Les droits de disposition de la SNCB sur le réseau sont cependant limités, puisque certaines décisions du conseil d’administration de la SNCB requièrent l’approbation du gouvernement : la vente, l’achat ou l’échange de biens (mobiliers, ou immobiliers) dont la valeur excède un million de francs ; les contrats d’adjudication conclus pour un délai de plus de dix ans ou d’une valeur de plus d’un million de francs. Toute extension du réseau ou tout emprunt sont par ailleurs interdits sans autorisation légale du Parlement [110].

4.3.2. Impacts sur le cadre de régulation : fonctions de régulation et configuration des acteurs

147 La loi du 23 juillet 1926 confie à la SNCB la presque totalité des responsabilités en matière de gestion et d’exploitation du réseau (fonction de régulation 1). Un des chevaux de bataille de la SNCB consiste à solliciter le soutien financier de l’État pour compenser le manque à gagner que certaines règles (tarifaires, notamment) lui imposent selon elle, et pour dégager des fonds supplémentaires en vue de sa modernisation. La réponse du gouvernement sera le plus souvent négative, limitant sa contribution éventuelle à de petites interventions, par exemple pour compenser les avantages tarifaires dont bénéficient les familles nombreuses. Plus largement, la répartition des coûts entre la SNCB et l’État pose également la question de la philosophie de la loi de 1926. Par exemple, qui décide de libérer les fonds nécessaires pour la construction d’une ligne ou la rénovation d’une gare ? « Entre une société qui tient farouchement à son indépendance et une société qui sollicite constamment une assistance financière de l’État, il y a une contradiction flagrante. » [111]

148 La SNCB a tous les droits d’accès et d’usage de son réseau (fonction de régulation 2), nonobstant les accords avec des entreprises ferroviaires des pays voisins pour l’organisation de lignes internationales, dès les années 1930 [112]. La SNCB – entreprise publique sui generis – est l’opérateur de services de transport sur les chemins de fer de l’État (fonction de régulation 3). Il n’y a pas de concurrence (fonction de régulation 4) dans le secteur ferroviaire durant cette phase de régime institutionnel.

149 En quelque sorte, toutes les prestations de transport de la SNCB relèvent du service public (« service public organique ») (fonction de régulation 5). Néanmoins, certaines obligations sont plus explicites que d’autres. Ainsi, le régime institutionnel donne au gouvernement le pouvoir d’imposer des normes tarifaires, qui représentent alors plus clairement des « obligations » de service public, limitant l’autonomie industrielle de la SNCB. C’est le cas également de l’obligation d’accepter tout transport de marchandises, même déficitaire.

150 La loi du 23 juillet 1926 confie à la Chambre des représentants (à la majorité des trois quarts) le soin de trancher les conflits (fonction de régulation 6) qui pourraient naître entre le conseil d’administration de la SNCB et le gouvernement au sujet de la nomination des membres du premier. Les fonctions de régulation 7 et ne sont pas organisées par le régime institutionnel durant cette troisième phase.

151 Quelques caractéristiques particulières de la configuration des acteurs sont affectées par le régime institutionnel. Le Parlement doit légiférer pour autoriser la SNCB à étendre son réseau ou à emprunter. Il exerce également un contrôle sur le fonctionnement de la SNCB par le biais d’un collège de commissaires nommés pour six ans et révocables à tout moment (trois par la Chambre des représentants, trois par le Sénat). Le gouvernement est investi du pouvoir d’approuver ou de refuser : la vente, l’achat ou l’échange, par la SNCB, de biens (mobiliers, ou immobiliers) dont la valeur excède un million de francs ; et les contrats d’adjudication conclus par la SNCB pour un délai de plus de dix ans ou d’une valeur de plus d’un million de francs. Nous avons également exposé supra les autres prérogatives que réserve le droit public au gouvernement dans la gestion quotidienne de la SNCB. Pour le reste, celle-ci est investie de l’ensemble des responsabilités d’exploitation de l’infrastructure ferroviaire.

4.3.3. Conclusion

152 En 1926, l’État crée la SNCB, qui exerce tous les droits de disposition et d’usage de l’infrastructure ferroviaire, dont l’État reste le propriétaire formel. L’autonomie industrielle de la SNCB est néanmoins limitée par certaines prérogatives du Parlement et du gouvernement : imposer des diminutions ou interdire des augmentations de tarifs, assurer la sécurité des personnes, et autoriser les extensions du réseau, l’achat ou la vente de biens de grande valeur, les emprunts, ainsi que la conclusion de contrats de longue durée ou impliquant d’importantes sommes d’argent. La SNCB est également obligée d’accepter tout transport de marchandises, même déficitaire (cf. tableau C en annexe). Ces dispositions, censées mettre fin aux déficits d’exploitation et améliorer la qualité de service des chemins de fer de l’État, n’ont toutefois pas toute l’efficacité souhaitée, ce qui suscite donc une quatrième phase de régime institutionnel.

4.4. PHASE 4 : RATIONALISATION ET RELANCE DES CHEMINS DE FER (1980-1996)

153 Les méthodes industrielles développées par la SNCB dans le cadre du régime institutionnel qui la régit montrent leurs atouts et leurs faiblesses dès le milieu de la troisième phase de régime. Des compensations financières croissantes sont sollicitées auprès du gouvernement, afin de limiter le déficit d’exploitation de la société. Pour remédier à cette situation, les autorités publiques s’en tiennent longtemps à la fixation d’objectifs financiers, dont la SNCB doit tenter de s’acquitter de manière (relativement) autonome. L’organisation interne de la SNCB jugée propice à atteindre les objectifs financiers ou de rendement fixés par le gouvernement est l’affaire du conseil d’administration, particulièrement impliqué dans la gestion quotidienne de la société.

4.4.1. Régime institutionnel : politiques publiques et droits de propriété

154 Les mesures de compensation financière et de contrôle « par l’extérieur », qui distinguent la fin de la troisième phase du régime institutionnel, ne doivent pas être confondues avec la logique d’action de la quatrième phase. Le contexte européen se caractérise par la mise en œuvre progressive de la décision 65/271/CEE (politique commune des transports, concurrence intermodale), qui implique notamment la limitation des obligations de service public des entreprises ferroviaires et la limitation des aides publiques qui leur sont accordées. Le contexte belge, lui, se caractérise par l’austérité budgétaire ; l’objectif de l’État est de réaliser des économies. Cet objectif l’incite à encadrer plus activement la gestion et l’exploitation des chemins de fer, jugées responsables des difficultés financières de l’entreprise ferroviaire. Les subventions financières qu’il accorde à la SNCB restent non seulement couplées à des objectifs financiers, mais elles sont désormais subordonnées à la rationalisation du fonctionnement de l’entreprise ferroviaire et de son offre de transport (hypothèse d’intervention).

155 À ce stade, l’action publique belge dans le secteur ferroviaire cadre donc avec celle de la Communauté économique européenne. Pour autant, les objectifs de politique publique ne sont pas partagés. Alors que la Communauté européenne inscrit son action dans le cadre de la concurrence intermodale dans le secteur des transports, l’État belge est quant à lui plus directement concerné par le sauvetage de son entreprise publique et par les économies budgétaires.

156 Les politiques publiques suscitent à cette époque un nombre important de réformes de la gestion interne de la SNCB. Citons, sans pouvoir en énumérer toutes les nombreuses implications : la réforme des structures de direction de la SNCB ; la transformation des dix directions organisationnelles en cinq départements, soutenus par une série de services transversaux dans le cadre d’une structure matricielle ; un nouveau découpage régional des groupes décentralisés ; une révision des rapports hiérarchiques et fonctionnels entre structures ; et une révision complète de la direction Matériel.

157 Relevons, parmi les règles qui encadrent ces nombreuses modifications, deux arrêtés royaux particulièrement significatifs et emblématiques du changement de la logique d’action qui est alors à l’œuvre. Le premier est l’arrêté royal n° 452 du 29 août 1986 [113]. Il prévoit que désormais, le conseil d’administration de la SNCB ne disposera plus que d’un pouvoir consultatif dans le cadre de l’élaboration conjointe des programmes quinquennaux de la SNCB avec le gouvernement. Quant à lui, l’arrêté royal n° 451 du 29 août 1986 prévoit que ces programmes quinquennaux devront être élaborés dans le cadre d’une enveloppe budgétaire prédéfinie [114]. De même, les plans IC/IR et Star 21 de réorganisation de l’offre de transport sur la base de considérations financières s’inscrivent dans cette ligne de réformes, puisqu’ils sont l’œuvre imposée des autorités publiques (et non plus celle de la SNCB agissant de manière autonome, comme c’était le cas dans les plans précédents).

158 La loi du 21 mars 1991 portant réforme de certaines entreprises publiques économiques et son arrêté royal d’exécution du 30 septembre 1992 garantissent encore l’autonomie de la SNCB pour ses activités commerciales, en la faisant passer du statut d’entreprise publique sui generis à celui de société anonyme de droit public [115]. Cette transformation a surtout pour effet de clarifier les flux financiers entre l’État et l’entreprise publique, en interdisant les subventions du premier pour les activités commerciales de la seconde et en mettant en évidence les subventions – autorisées par la Commission économique européenne – accordées par l’État au titre de soutien temporaire dans le cadre des plans de redressement. La loi organise également les exceptions à ces principes, qui s’imposent pour la prestation des missions de service public de la SNCB. Celles-ci peuvent en effet être subventionnées de droit. Il s’agit du transport intérieur de voyageurs assuré par les trains du service ordinaire ; de l’acquisition, de la construction, de l’entretien, de la gestion et de l’exploitation de l’infrastructure ; et des prestations que la Société est tenue de fournir pour les besoins de la Nation. Leur déclinaison pratique est l’objet d’un contrat de gestion. En cela, la loi anticipe l’entrée en vigueur (le 1er juillet 1991) du règlement 91/1893/CEE (contrats de service public). Ces missions de service public portent tant sur certains services de transport que sur la gestion de l’infrastructure ferroviaire. La loi du 21 mars 1991 prescrit également la composition et le fonctionnement des organes de direction de l’entreprise : conseil d’administration, comité de direction, administrateur, comité restreint, et commission paritaire (pour les questions relatives au personnel). La tutelle administrative sur la société publique est prise en charge par un commissaire du gouvernement. Le contrôle financier de la SNCB, quant à lui, relève de quatre commissaires : deux de l’assemblée générale des actionnaires (contrôlée par l’État) et deux de la Cour des comptes. Ces dispositions relèvent de la décision 75/327/CEE et de ses règlements d’exécution, ou bien les complètent [116].

159 Durant cette quatrième phase de régime institutionnel, l’État ne régule pas le secteur par les droits de propriété. Néanmoins, dès 1988, la loi-programme du 30 décembre ouvre une première brèche dans la concession d’exploitation organisée par la loi du 23 juillet 1926, en conférant à la SNCB un droit d’aliénation (c’est-à-dire de disposition) sur les biens immeubles du domaine public (notamment l’infrastructure ferroviaire) [117]. Plus fondamentalement, en 1992, l’arrêté royal du 30 septembre transfère sans indemnité l’ensemble de la propriété formelle sur le réseau des chemins de fer de l’État à la SNCB [118]. Comme nous venons de le décrire, néanmoins, les droits de disposition et d’usage de la SNCB sur « son » infrastructure ferroviaire sont relativement cadenassés par les politiques publiques.

4.4.2. Impacts sur le cadre de régulation : fonctions de régulation et configuration des acteurs

160 En matière de gestion physique et l’exploitation du réseau (fonction de régulation 1), le soutien financier apporté par l’État à la SNCB pour la construction et l’entretien de l’infrastructure, ne se limite plus à des subventions ponctuelles destinées à limiter partiellement le déficit de la société publique. « L’autonomie de la SNCB semble (...) réduite à son minimum. » [119] Les investissements sont complètement dépendants des moyens que l’État est disposé à allouer aux différents projets de la SNCB dans le cadre des programmes quinquennaux. Les techniques d’exploitation sont directement prescrites dans ces programmes ou leur adoption est posée comme condition au soutien financier des autorités publiques (par exemple, passage de l’entretien systématique à l’entretien conditionnel, pour les éléments du matériel roulant qui ne relèvent pas de la sécurité). Ces choix politiques sont notamment le reflet des conclusions de divers audits portant sur la SNCB commandés par le gouvernement.

161 La SNCB reste seule usagère du réseau des chemins de fer de l’État, nonobstant les accords avec les entreprises ferroviaires étrangères pour les services de transport international. Elle n’est pas soumise à des conditions d’accès à son réseau pas le régime institutionnel (fonction de régulation 2). La SNCB passe du statut (fonction de régulation 3) d’entreprise publique sui generis à celui de société anonyme de droit ublic par la loi du 21 mars 1991 et l’arrêté royal du 30 septembre 1992. Ce nouveau statut lui permet de traiter sur un pied d’égalité avec d’autres entreprises commerciales privées pour toutes ses activités qui ne relèvent pas des obligations de service public, notamment pour les services de transport international. Il n’y a toujours pas de concurrence dans le secteur ferroviaire (fonction de régulation 4). La Chambre des représentants tranche toujours les conflits entre le conseil d’administration de la SNCB et le gouvernement au sujet de la nomination des membres du premier (fonction de régulation 6).

Figure 9

Secteur ferroviaire belge non libéralisé (avant 1992)

figure im13
État (pouvoir exécutif et législatif)
Fonction de
régulation 7 : Fonction de
d’Caocncdiètisoanusx Régulateurs indépendants (sectoriel et de la concurrence) régulation 3 :
Fonction de Statut légal
ressources
Fonction de Fonction de régulation 4 : des
naturelles et Fonction de régulation 3 :
régulation 1 : régulation 2 : Règles de la opérateurs
énergétiques Statut légal des
propriétaires de l’infra- et Conditions de la Conditions d’accès concurrence
de l’infostructure gestion physique et et d’usage du entre les
rdéesl’eeaxuploitation du réseau opérateurs
Services
Opérateurs de transport
Réseau- national : SNCB
- international : associations
internationales (y compris SNCB)
Infrastructure Infostructure
Fonction de Fonction de
régulation 1 : régulation 4 : Règles
Conditions de la de la concurrence
gestion physique Fonction de entre les opérateurs
et de l’exploitation
régulation 2 :
Propriétaires du réseau du réseau Gestionnaires du réseau Conditions CoOmpméerracteesurdseadltéterailnsa, tipfosste
État belge SNCB dd’’uascacgèes detu
réseau
Fonction de régulation 5 :
Obligations de service
public
Usagers finaux
Fonction de régulation 6 :
Arbitrage des éventuelles Fonction de régulation 8 :
rivalités d’usage et des conflits Interconnexion aux
entre utilisateurs du réseau autres réseaux
Autres réseaux
Instances d’arbitrage - routier, maritime et fluvial : Régions
Néant - aérien : Régions + État fédéral
Ressources naturelles et énergétiques
SNCB, État belge

Secteur ferroviaire belge non libéralisé (avant 1992)

162 Des prestations de service public (fonction de régulation 5) sont pour la première fois énumérées comme telles dans la loi du 21 mars 1991. Elles reçoivent un contenu concret et un subventionnement précis, dans les contrats de gestion conclus entre le gouvernement et la SNCB. Ces compensations de service public s’ajoutent aux subventions d’État destinées au financement de l’infrastructure. Ces changements s’inscrivent dans le cadre des obligations imposées par la Communauté européenne.

163 Nonobstant les contraintes imposées par l’État (par exemple, promotion de l’électrification du réseau) dans le cadre des contrats de gestion (qui ne relèvent pas du régime institutionnel), la SNCB a toujours accès aux ressources naturelles et énergétiques dont elle a besoin sans contraintes imposées par les règles (fonction de régulation 7). La fonction de régulation 8 n’est pas organisée par le régime institutionnel durant la quatrième phase.

164 Pour cette phase et la dernière, la configuration des acteurs et les fonctions de régulation sont présentées sous forme schématique par application du cadre d’analyse de la recherche. Ceci permet de percevoir la complexité plus grande du cadre de régulation à partir de la quatrième phase de régime. Ceci permet surtout, par la comparaison entre les deux schémas, de mettre en évidence les effets majeurs du processus de libéralisation. La figure 9 présente la situation avant la libéralisation du secteur.

4.4.3. Conclusion

165 Dans le contexte d’austérité budgétaire des années 1980, l’État limite l’autonomie industrielle de la SNCB afin de réduire les déficits d’exploitation dont celle-ci ne parvient pas à se défaire. Il lui impose des plans de rationalisation de l’offre de transport (notamment IC/IR et Star 21) ainsi que des réformes structurelles. Il la transforme en société anonyme de droit public, pour clarifier ses relations commerciales avec les autres sociétés (commerciales) actives dans le secteur ferroviaire ainsi que ses relations financières avec les autorités publiques. Celles-ci concernent notamment les subsides versés à la société pour la réalisation de ses missions de service public : le transport intérieur de voyageurs assuré par les trains du service ordinaire ; l’acquisition, la construction, l’entretien, la gestion et l’exploitation de l’infrastructure ; et les prestations que la société est tenue de fournir pour les besoins de la Nation. La propriété formelle de l’infrastructure ferroviaire est transférée de l’État à la SNCB. Les flux financiers entre l’État et la SNCB sont également encadrés par les normes européennes (cf. tableau D en annexe). Celles-ci deviennent beaucoup plus déterminantes durant la cinquième – et actuellement dernière – phase de régime institutionnel.

4.5. PHASE 5 : LIBÉRALISATION DES CHEMINS DE FER (DEPUIS 1997)

166 L’année 1997 est marquée par le premier dispositif réglementaire – en l’occurrence, l’arrêté royal du 5 février – ayant pour objet de transposer en droit belge la directive européenne 91/440/CEE (développement des chemins de fer communautaires) [120]. Ce sont là les prémisses de la libéralisation du secteur ferroviaire en Belgique. La transposition des directives 98/15/CE (licences) et 98/16/CE (répartition et tarification des capacités) s’étend de 1997 à 2002 et rend la libéralisation plus effective. La transposition des trois premiers paquets ferroviaires, entre 2003 et 2008, doit être comprise comme l’approfondissement de ce processus [121].

4.5.1. Régime institutionnel : politiques publiques

167 La logique d’action du régime institutionnel durant la cinquième phase découle assez largement du processus européen de libéralisation, quoiqu’elle prenne une connotation plus nationale. Par exemple, le premier objectif consiste à armer la SNCB pour affronter un contexte sectoriel libéralisé en lui accordant une autonomie de gestion adéquate (hypothèse d’intervention), parce qu’elle pourrait s’avérer trop faible face à la concurrence des autres opérateurs (hypothèse causale). Le second objectif est de garantir aux entreprises ferroviaires (y compris la SNCB) un cadre concurrentiel équitable et non discriminatoire et aux clients finaux un transport par chemin de fer en toute sécurité, en imposant aux entreprises ferroviaires des mesures plus contraignantes en ce qui concerne les missions de service public (seulement la SNCB) et la sécurité (toutes les entreprises ferroviaires), par le biais d’un renforcement de l’arrangement politico-administratif (hypothèse d’intervention). La SNCB et les nouveaux opérateurs pourraient ne pas respecter ces principes si des règles ne les imposent pas (hypothèse causale).

168 Durant cette phase de régime, la régulation par les politiques publiques prédomine largement la régulation par les droits de propriété. Elle porte essentiellement sur les conditions de la concurrence, sur la sécurité, ainsi que sur la réforme des structures de la SNCB. Les implications concrètes de ces mesures seront examinées en détail dans l’analyse des impacts du régime institutionnel sur le cadre de régulation du secteur. Les droits de propriété seront analysés en fin de section pour mieux situer, après la présentation du cadre de régulation, les nouveaux acteurs auxquels ils sont attribués.

4.5.2. Impacts sur le cadre de régulation : fonctions de régulation et configuration des acteurs

169 En ce qui concerne la configuration des acteurs, il convient de bien distinguer la période qui précède 2005 et celle qui nous en sépare.

170 Avant 2005, les structures de gestion de la SNCB ne sont pas modifiées ; l’entreprise ferroviaire reste unifiée. Toutefois, lui sont prescrites des missions de service public qui relèvent de la gestion de l’infrastructure ferroviaire et de l’exploitation de certains services de transports. La SNCB est autorisée à organiser ses autres activités de transport de manière autonome et sur le mode commercial. Quant au Ministère des Transports, il endosse les responsabilités en matière de délivrance, de suspension et de retrait des licences, ainsi que de répartition des capacités d’infrastructure ferroviaire et de régulation du secteur. Dans l’accomplissement de ces missions, l’administration doit agir en dehors de tout lien hiérarchique vis-à-vis du pouvoir politique.

171 Après 2005, les structures de la SNCB sont modifiées. Le 1er janvier 2005, la SNCB se transforme en un groupe composé de la « SNCB Holding », société faitière qui abrite quelques services transversaux, et de deux filiales : « Infrabel », responsable de la gestion de l’infrastructure ferroviaire, et « SNCB », responsable des activités de transport ferroviaire. Cette dernière entre en compétition avec les nouvelles entreprises ferroviaires qui arrivent progressivement dans le secteur pour prester les services de transport qui ont été ouverts à la concurrence. Par ailleurs, la SNCB Holding reste responsable de la gestion des gares et de leurs abords, des parkings pour voitures et pour vélos, de la sécurité des personnes sur le domaine ferroviaire et de la préservation du patrimoine historique relatif à l’exploitation ferroviaire. L’ensemble des structures reste la propriété formelle de l’État, comme le spécifie la figure 10 avec plus de détails.

Figure 10

Nouvelle structure du Groupe SNCB, depuis 2003

figure im14
ÉTAT
SNCB HOLDING
Droits de vote de l’État : 99%
Participation de l’État : 100%
Missions : ressources humaines, patrimoine, immobilier,
sécurité et gardiennage, stratégie de groupe et consolidation
financière pour le Groupe SNCB, support en informatique et
télécommunications, coordination des filiales
INFRABEL SNCB
Droits de vote de SNCB Holding : 20% - 1 voix Droits de vote de SNCB Holding : 100%
Droits de vote de l’État : 80% + 1 voix Participation de SNCB Holding : 100%
Participation de SNCB Holding : 93,57% Missions : prestation de services de transport,
gestion de ses participations dans les associations
Participation de l’État : 6,43%
Mission : gestion de l’infrastructure ferroviaire ivnotyeargneautirosnales de services de transport de

Nouvelle structure du Groupe SNCB, depuis 2003

adaptation libre de INFRABEL, Le Groupe SNCB : http://www.infrabel.be/portal/page/ portal/pgr_inf2_e_internet/infrabel_short_desc/organisation/le_groupe_sncb (site internet consulté le 17 septembre 2009).

172 Parallèlement, de nouvelles entités sont créées au Ministère des Transports pour assumer diverses fonctions de régulation découlant des directives européennes : le Service de sécurité et d’interopérabilité des chemins de fer (c’est-à-dire, dans les termes européens, l’autorité de sécurité nationale), le Service de régulation du transport ferroviaire et de l’exploitation de l’aéroport de Bruxelles-National (c’est-à-dire l’organisme de contrôle) et l’Organisme d’enquête sur les accidents et les incidents ferroviaires (c’est-à-dire l’organisme d’enquête). Les conducteurs, les accompagnateurs et les sous-systèmes du matériel roulant et de l’infrastructure doivent être certifiés par divers organismes de certification (par exemple, la société Vinçotte) [122].

173 En matière de fonctions de régulation, il convient de souligner que nous examinons ici les impacts du régime institutionnel au terme des différentes étapes du processus de libéralisation franchies jusqu’en 2010. Des régimes intermédiaires ont existé entre 1997 et cette année.

174 La gestion physique du réseau (fonction de régulation 1) ferroviaire relève aujourd’hui d’Infrabel. Des contrats pluriannuels de gestion entre le gouvernement et Infrabel cernent les contours de cette mission. En dehors de ces contrats, les mesures règlementaires transposent également (directive 2001/14/CE) la procédure permettant à Infrabel de solliciter les fonds pour mettre fin à la saturation d’un tronçon du réseau. Les normes de sécurité sont adoptées par le gouvernement [123]. En matière d’interopérabilité des sous-systèmes de l’infrastructure et du matériel roulant, lorsque les STI sont incomplètes, les normes belges sont adoptées par Infrabel, sur avis conforme de l’autorité de sécurité nationale. L’application des normes par Infrabel et par les diverses entreprises ferroviaires (y compris la SNCB) est contrôlée par l’autorité de sécurité nationale. Les entreprises ferroviaires doivent payer à Infrabel des redevances d’utilisation de l’infrastructure destinées à financer la gestion de l’infrastructure ferroviaire. Elles sont supposées permettre à Infrabel d’équilibrer ses recettes et ses dépenses « dans des conditions normales » de fonctionnement (la notion de « conditions normales » n’étant pas précisée).

175 Des conditions d’accès et d’usage du réseau (fonction de régulation 2) sont imposées au gestionnaire et aux opérateurs en matière de sécurité et en matière commerciale. En matière de sécurité, les entreprises ferroviaires doivent solliciter un « certificat » de sécurité auprès du ministre compétent, après avis de la Direction générale des transports terrestres du Ministère des Transports. Pour sa part, Infrabel doit réaliser ces démarches en vue de l’obtention d’un « agrément » de sécurité. Dans les deux cas, les conditions d’octroi portent sur le respect des règles nationales de sécurité par le système de gestion de la sécurité des candidats, ainsi que sur la certification du personnel et celle du matériel roulant. De plus, les entreprises ferroviaires doivent avoir obtenu la licence d’entreprise ferroviaire (conditions commerciales, cf. infra). Elles doivent également respecter les normes relatives aux sous-systèmes du matériel roulant (STI ou règles nationales en l’absence de STI). De même, Infrabel doit respecter les normes relatives aux sous-systèmes infrastructurels. L’obtention de l’agrément/certificat de sécurité suppose également le paiement d’une redevance à la Direction générale des transports terrestres.

176 En matière commerciale, les entreprises ferroviaires doivent obtenir une licence délivrée par le ministre compétent sur avis de la Direction générale des transports terrestres, suivant une procédure comparable au certificat/agrément de sécurité. Les conditions d’obtention de la licence ont trait à la capacité financière de l’entreprise, à sa capacité professionnelle, et aux conditions d’honorabilité et de responsabilité civile. L’obtention de la licence suppose également le paiement d’une redevance à la Direction générale des transports terrestres.

177 Les trois sociétés nées en 2005 de la restructuration de l’opérateur public historique sont des sociétés anonymes de droit public (fonction de régulation 3). Le régime institutionnel ne régit pas le statut des autres entreprises ferroviaires [124].

178 Toutes les activités de transport de marchandises sont aujourd’hui ouvertes à la concurrence (fonction de régulation 4). Au premier janvier 2010, le trafic international de voyageurs, ainsi que le cabotage (c’est-à-dire la possibilité de prendre et de déposer de mêmes voyageurs dans un même pays sur le trajet international) ont également été ouverts à la concurrence. L’ouverture du transport national de voyageurs n’est pas organisée. Certains types de services particuliers (Thalys, Eurostar, etc.) restent subordonnés à des conventions liant la SNCB à des entreprises ferroviaires étrangères.

179 C’est Infrabel qui est responsable de la répartition des capacités de l’infrastructure ferroviaire. Dans le cadre de cette mission, elle doit donner la priorité aux trains prestant des missions de service public confiées à la SNCB. Ensuite, Infrabel doit veiller au développement nécessaire des services de transport de marchandises, particulièrement internationaux [125]. Enfin, lorsque l’application des critères de priorité ne permet pas d’attribuer une capacité à un candidat plutôt qu’à un autre, le gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire attribue la capacité au candidat dont la demande de capacité produit le montant total de redevance de l’infrastructure ferroviaire le plus élevé sur le parcours envisagé. Dans l’hypothèse où l’application de ce critère ne permettrait pas non plus de départager les candidats, le gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire attribue alors la capacité à celui dont la fréquence d’utilisation du trajet concerné est la plus élevée. D’autre part, Infrabel est également responsable du calcul des redevances d’utilisation de l’infrastructure ferroviaire. Ce calcul tient compte de l’accès à la ligne ferroviaire ou à une section de ligne et de son utilisation, de l’accès aux voies des gares et de leur utilisation, de l’accès aux voies de triage, de formation et de garage, et de leur utilisation. À ce calcul s’ajoutent en outre les coûts relatifs au traitement administratif de la demande.

180 La nature des missions de service public (fonction de régulation 5) de la SNCB Holding, d’Infrabel et de la SNCB est déclinée par la législation. Le contenu de ces missions et les compensations financières auxquelles elles donnent droit sont précisés dans le contrat pluriannuel de gestion qui lie les trois composantes à l’État. Tout d’abord, trois catégories de transport relèvent encore des missions de service public de la SNCB : le transport intérieur de voyageurs assuré par les trains du service ordinaire, les dessertes intérieures par trains à grande vitesse, le transport transfrontalier de voyageurs, et les prestations que la SNCB est tenue de fournir pour les besoins de la Nation [126]. Ensuite, les missions de service public d’Infrabel relèvent de la gestion de l’infrastructure et de la sécurité, ainsi que de la répartition et de la tarification de ses capacités [127]. Enfin, les obligations de service public de la SNCB Holding concernent essentiellement la sécurité des personnes dans le domaine ferroviaire ainsi que la gestion des grandes gares et du patrimoine ferroviaire historique [128]. Les obligations de service public d’Infrabel et de la SNCB Holding sont nommées comme telles par les règles du régime institutionnel, mais elles ne sont pas couvertes par la notion de mission de service public telle que nous l’avons définie ci-dessus, et qui est elle limitée aux prestations de transport réalisées par des opérateurs.

181 Le Service de régulation du transport ferroviaire et de l’exploitation de l’aéroport de Bruxelles-National reçoit, instruit et délibère sur les requêtes d’Infrabel et des entreprises ferroviaires au sujet de la répartition des capacités d’infrastructure (fonction de régulation 6).

182 Infrabel dispose d’un droit d’accès complet aux ressources naturelles et aux sources d’énergie (fonction de régulation 7) dans le cadre de ses missions de service public. Pour le reste, les demandes des entreprises ferroviaires (y compris la SNCB) d’accéder aux services suivants ne peuvent être rejetées par Infrabel que s’il existe d’autres solutions viables aux conditions du marché : infrastructures d’approvisionnement en combustible, terminaux de marchandises, gares de triage, gares de formation, gares de remisage, centres d’entretien et autres infrastructures techniques. Si Infrabel accède à la demande d’une entreprise ferroviaire concernant les services suivants, il doit y accéder de manière non discriminatoire pour toute autre entreprise qui en ferait aussi la demande : courant de traction et autres services fournis aux installations mentionnées ci-dessus.

183 En matière d’interopérabilité (fonction de régulation 8), l’élaboration des STI est confiée à l’AEIF puis à l’Agence ferroviaire européenne. En l’absence de STI ou si celles-ci sont partielles, la mission subsidiaire confiée à Infrabel est d’élaborer les règles nationales de sécurité et les normes relatives aux sous-systèmes du matériel roulant et de l’infrastructure dont le respect garantit une utilisation sûre du réseau ferroviaire.

184 La figure 11 présente l’application du cadre d’analyse de la recherche au cadre de régulation du secteur ferroviaire, après les étapes du processus de libéralisation franchies jusqu’en 2010. La gestion de l’infostructure est passée de la SNCB (avant la réforme de ses structures) à la SNCB Holding, s’agissant des grandes gares, et à Infrabel, s’agissant du reste. Les deux filiales détiennent également la propriété formelle de l’infrastructure, qui appartenait avant à l’État. Elles assument la répartition de cette infrastructure aux opérateurs qui souhaitent en faire usage. Les opérateurs de transport sont désormais plus nombreux. En ce qui concerne les services de transport international, la SNCB côtoie d’autres concurrents publics ou privés. Il en va de même pour le transport national de marchandises. Par contre, le transport intérieur de passagers n’est pas ouvert à la concurrence ; il s’agit d’une mission de service public que la SNCB exerce en situation de monopole. Les opérateurs alternatifs sont également plus nombreux et traitent respectivement avec la SNCB, Infrabel ou la SNCB Holding en fonction du gestionnaire des sous-systèmes dont ils souhaitent faire usage pour prester leurs services. Les ressources naturelles et énergétiques sont désormais gérées et marchandées par Infrabel ou par des opérateurs privés, à Infrabel elle-même, à la SNCB, ainsi qu’aux autres opérateurs de transport ou alternatifs. Enfin, de nouveaux régulateurs indépendants ont vu le jour en matière de sécurité et de concurrence : autorité de sécurité nationale, organisme d’enquête et organisme de contrôle (ceux-ci ne sont pas énumérés comme tels dans la figure 11).

Figure 11

Secteur ferroviaire belge libéralisé (2010)

figure im15
État (pouvoir exécutif et législatif)
Fonction de
régulation 7 : Fonction de
d’Caocncdiètisoanusx Régulateurs indépendants (sectoriel et de la concurrence) régulation 3 :
Fonction de Statut légal
ressources
énnaterurgeéltlieqsueetsF Stoantcuttiloéngdaledreésgulation 3 : r Féognucltiatioonnde1 : r Féognucltaitionond2e : r Réèggluleastidoen l4: d oepsérateurs
propriétaires de l’infra- et Conditions de la Conditions d’accès concurrence
de l’infostructure gestion physique et et d’usage du entre les
rdéesl’eeaxuploitation du réseau opérateurs
Services
Opérateurs de transport
Réseau-v oopyéraagteeuurrss +pfurbeltiicsnteétrrnaatnigoenrsal : SNCB et
- fret national : SNCB et opérateurs privés
- voyageurs national : SNCB (monopole)
Infrastructure Infostructure
Fonction de Fonction de
régulation 1 : régulation 4 : Règles
Conditions de la de la concurrence
gestion physique Fonction de entre les opérateurs
et de l’exploitation régulation 2 : Opérateurs alternatifs
Propriétaires du réseau du réseau Gestionnaires du réseau
Conditions Commerces de détail, presse
- gares : SNCB Holding - gares : SNCB Holding d’accès et
gratuite, télécoms, poste
- le reste : Infrabel - le reste : Infrabel d’usage du
réseau
Fonction de régulation 5 :
Obligations de service
public
Usagers finaux
Fonction de régulation 6 :
Arbitrage des éventuelles Fonction de régulation 8 :
rivalités d’usage et des conflits Interconnexion aux
entre utilisateurs du réseau autres réseaux
Autres réseaux
Instances d’arbitrage - routier, maritime et fluvial : Régions
Infrabel, SNCB Holding - aérien : Régions + État fédéral
Ressources naturelles et énergétiques
Infrabel, opérateurs privés

Secteur ferroviaire belge libéralisé (2010)

4.5.3. Régime institutionnel : droits de propriété

185 Dès lors que le cadre de régulation du secteur ferroviaire libéralisé a été présenté, il est maintenant plus facile de situer à quels acteurs les droits de propriété sur l’infrastructure ferroviaire sont attribués par le régime institutionnel. Jusqu’en 2003, le régime institutionnel ne fait pas évoluer les droits de propriété dans le secteur ferroviaire. Toute la responsabilité de gestion reste d’ailleurs dans les mains de la SNCB (toujours unifiée), qui garde la propriété formelle du réseau. Entre 2003 et fin 2005, un ensemble de mesures sont adoptées, qui changent considérablement la donne.

186 Infrabel devient le propriétaire formel des actifs suivants, qui relèvent de l’infrastructure ferroviaire : des biens immeubles, des installations de voies, des constructions et ouvrages d’art faisant partie intégrante du réseau ferré, des installations d’électricité et de signalisation, d’autres installations, du matériel, des droits et obligations, des immobilisations financières, des stocks, des créances, des investissements dont la réalisation est en cours, des contrats en cours, des litiges en cours, du mobilier, du matériel de bureau et des logiciels. En 2007, une correction règlementaire apporte également à Infrabel les talus, les faisceaux de voies, les voiries, ainsi que les chemins d’exploitation, de bâtiments de service et d’ateliers. Elle lui confie également l’espace au-dessus des huit mètres surplombant le domaine déjà dans sa propriété. Elle lui accorde enfin les droits réels nécessaires à la jouissance de certaines parcelles (servitudes de passage). Les passifs qui sont transférés à Infrabel sont les obligations résultant des contrats en cours, les obligations résultant des litiges qui lui sont transférés, ainsi que les obligations incombant à l’ancienne SNCB (par exemple, le financement des lignes à grande vitesse) [129].

187 Pour sa part, la SNCB devient propriétaire formel des actifs suivants, qui correspondent grosso modo aux biens nécessaires à la prestation des services de transport : des biens immeubles, des installations, du matériel, de tous les droits et obligations résultant des procédures d’achat de matériel roulant en cours de passation ou d’exécution, des immobilisations financières, des stocks (c’est-à-dire des stocks et commandes en cours d’exécution qui se rapportent aux activités qui ont été transférées à la SNCB), des investissements dont la réalisation est en cours, des contrats en cours, des litiges en cours, des droits de propriété intellectuelle, du mobilier, du matériel de bureau (selon des accords à conclure avec la SNCB Holding) et des logiciels. Les passifs transférés à la SNCB sont les obligations résultant des contrats en cours et les obligations résultant des litiges qui lui sont transférés.

188 Enfin, la SNCB Holding reste quant à elle le propriétaire formel du reste des actifs de l’ancienne SNCB. Elle reste notamment propriétaire des bâtiments de gare, des parkings pour voitures et pour vélos, des espaces de location de vélos et des abords des gares, ainsi que de certains éléments du patrimoine historique de l’exploitation ferroviaire. Quant aux dettes (colossales) de l’ancienne SNCB, elles sont prises en charge par l’État.

189 En conclusion, il n’y a pas de régulation par les droits de disposition sur l’infrastructure. Ceux-ci découlent complètement des mesures de politique publique (qui gère l’infrastructure, qui l’exploite, qui contrôle la sécurité, etc.). Il n’y a pas non plus de régulation par les droits de propriété formelle, qui découlent des droits de disposition : Infrabel est propriétaire des biens relevant de la gestion de l’infrastructure ; la SNCB est propriétaire des biens relevant de la prestation de services de transport ; et la SNCB Holding est propriétaire des biens relevant de ses missions transversales au sein du Groupe SNCB, ainsi que de celles relevant de la sécurité, du patrimoine et de la gestion des gares et des parkings. Par contre, ce sont les modifications des droits d’usage qui règlent le tempo de l’ouverture à la concurrence du secteur (cf. fonction de régulation 4, supra).

4.5.4. Conclusion

190 La cinquième phase de régime se caractérise par la mise en œuvre du processus européen de libéralisation en Belgique. Mis à part le transport intérieur de passagers, tous les services de transport par rail sont finalement ouverts à la concurrence. L’exploitation de l’infrastructure ferroviaire par le gestionnaire et les opérateurs de transport est subordonnée au respect des consignes de sécurité, validé par l’obtention d’un agrément ou d’un certificat. Celui-ci porte sur le matériel roulant, l’infrastructure et le personnel. Une licence d’entreprise ferroviaire certifie en outre la capacité professionnelle et commerciale des opérateurs de transport. Le respect des règles commerciales et de sécurité est contrôlé par des agences logées dans l’administration fédérale mais qui doivent agir en dehors de tout lien hiérarchique vis-à-vis du pouvoir politique.

191 La SNCB est restructurée en un groupe comportant une maison-mère et deux filiales. Infrabel devient gestionnaire de chemins de fer et propriétaire formel de tous les actifs et passifs de l’ancienne SNCB relevant de l’infrastructure. Ses missions de service public consistent à répartir les capacités d’infrastructure et à percevoir les redevances payées par les opérateurs de transport pour financer et assurer la sécurité, les investissements et l’entretien du rail. La SNCB devient l’opérateur de transport et le propriétaire formel de tous les actifs et passifs de l’ancienne SNCB relevant des opérations de transport (notamment le matériel roulant). Ses missions de service public incluent désormais le transport intérieur de voyageurs assuré par les trains du service ordinaire, ainsi que les dessertes intérieures par trains à grande vitesse ; le transport transfrontalier de voyageurs ; et les prestations qu’elle est tenue de fournir pour les besoins de la Nation. La SNCB Holding, quant à elle, devient propriétaire formelle du reste du domaine ferroviaire (par exemple, les grandes gares et les parkings). Elle assume les fonctions transversales de ses deux filiales (informatique, personnel, etc.). Ses principales missions de service public consistent à assurer la sécurité des personnes dans le domaine ferroviaire ainsi que la gestion des grandes gares, des parkings (voitures et vélos) et du patrimoine ferroviaire historique (cf. tableau E en annexe).

CONCLUSION

192 L’approche par les régimes institutionnels de ressource a été mobilisée pour analyser les principales normes internationales, européennes et belges qui ont régi ou régissent la gestion et l’usage de l’infrastructure ferroviaire depuis la première loi (loi concernant les concessions de péages, adoptée le 19 juillet 1832) jusqu’à nos jours (2010). L’analyse historique du régime institutionnel de l’infrastructure ferroviaire a permis de mettre de l’ordre dans cette législation et, par l’étude de ses impacts sur le cadre de régulation du secteur, de lui donner une signification sociopolitique.

193 Un premier constat général consiste à souligner la complexification croissante du régime institutionnel (nombre et étendue des règles) et, en conséquence, celle du cadre de régulation. Le nombre d’acteurs augmente et les fonctions de régulation sont progressivement toutes considérées par le régime institutionnel. Cinq phases de régime institutionnel ont été distinguées (cf. tableau 5).

194 La première phase (1832-1872) correspond à la création du réseau national. La construction des lignes dorsales est prise en charge par l’État. Celle de leurs ramifications dépend de l’initiative de sociétés privées auxquelles des concessions sont accordées par le Parlement. L’État, sur les chemins de fer de l’État, et les sociétés concessionnaires, sur les ceux qui leur sont concédés, sont responsables de la construction, de la gestion et de l’exploitation de l’infrastructure.

195 Durant la seconde phase (1873-1925), le dispositif règlementaire reste relativement stable. Mais l’État fait progressivement l’acquisition de l’ensemble des sociétés concessionnaires. Il confie au Département des travaux publics du Ministère de l’Intérieur la gestion et l’exploitation des « chemins de fer de l’État », c’est-à-dire de l’ensemble du réseau ferroviaire. Contrairement au régime institutionnel de la première phase, centré sur les politiques publiques, celui de la seconde phase se décline donc essentiellement via les droits de propriété.

196 Durant la troisième phase (1926-1979), le dispositif règlementaire du régime institutionnel change radicalement. Il consacre l’autonomisation des chemins de fer vis-à-vis de l’État via la création de la SNCB. Les interventions des autorités publiques dans la gestion quotidienne des chemins de fer sont limitées par les politiques publiques. L’influence de ces dernières sur le cadre de régulation du secteur ferroviaire redevient prédominante par rapport aux droits de propriété.

197 Durant la quatrième phase (1980-1996), le régime institutionnel évolue peu en tant que tel, mis à part la transformation de la SNCB en société anonyme de droit public. Mais quelques règles nouvelles (politiques publiques) permettent à l’État de définir les principes directeurs de la gestion physique et de l’exploitation du réseau. Ce faisant, son influence réelle sur le fonctionnement du secteur redevient déterminante.

198 Durant la cinquième phase (depuis 1997), le régime institutionnel se compose à nouveau essentiellement de politiques publiques. Il donne naissance à de nombreux nouveaux acteurs, tels que l’organisme de contrôle, l’autorité de sécurité nationale ou Infrabel (gestionnaire), dont la plupart découlent de la législation européenne. La gestion et la propriété formelle de l’infrastructure sont confiées à Infrabel. La SNCB a le droit exclusif de l’exploiter pour le transport national de passagers. Pour les autres types de prestations, la SNCB est en concurrence avec tout opérateur ferroviaire candidat à l’exploitation du réseau. À noter cette particularité belge : la gestion des grandes gares et du patrimoine historique, la sécurité des personnes, ainsi que les services transversaux d’Infrabel et de la SNCB (personnel, informatique, logistique, etc.) sont confiés à la SNCB Holding, qui chapeaute les deux filiales. Les fonctions de régulation sont toutes confiées explicitement à un ou plusieurs acteurs spécifiques du secteur par le régime institutionnel. Les exigences commerciales et de sécurité à respecter pour pouvoir gérer et exploiter l’infrastructure sont progressivement renforcées.

199 Le degré d’implication que confère le régime institutionnel à l’État dans le secteur ferroviaire suit, au cours du temps, un mouvement de balancier qui est lié à la lutte contre les déficits de gestion et d’exploitation du rail. L’équilibre financier des entreprises de chemins de fer figure également parmi les premières préoccupations – dans le temps et en termes de priorités – des régulations européennes. Ainsi, durant la première phase de régime (1832-1872), l’implication de l’État est modérée puisqu’il se « contente » de construire et d’exploiter les lignes dorsales du nouveau réseau de chemins de fer et confie à l’initiative privée la construction et l’exploitation des ramifications de ce réseau. Durant la seconde phase (1873-1925), l’État reprend le contrôle de la propriété et de l’exploitation de l’ensemble du réseau, entre autres raisons pour éviter la faillite de plusieurs sociétés concessionnaires. La création de la SNCB en 1926, qui marque le début de la troisième phase de régime (1926-1979), est précisément justifiée par la trop grande implication opérationnelle des autorités publiques dans l’exploitation de l’infrastructure ferroviaire, jugées responsables des déficits de gestion et d’exploitation. Néanmoins, l’autonomie de gestion accordée à la SNCB n’a pas les effets escomptés en termes de réduction de ces déficits. Durant la quatrième phase de régime (1980-1996), les autorités publiques subordonnent donc l’octroi des subsides dont dépend la survie de la SNCB à la rationalisation de son fonctionnement et de son offre de transport. L’influence de l’État sur la société publique redevient donc importante. Finalement, le processus de libéralisation – cinquième phase de régime (depuis 1997) – consacre à nouveau le recul de l’État au profit d’opérateurs publics ou privés en compétition, d’un gestionnaire de réseau et d’agences indépendantes de régulation. Néanmoins, il s’agit d’un recul seulement partiel, puisque l’État, par le biais de ces organes responsables de l’application des règles, garde un œil dans des domaines aussi importants que celui de la planification, de la sécurité ou encore de la concurrence. À nouveau, le but de ce processus est de limiter le montant de l’argent public engagé dans le rail, en particulier dans sa gestion.

Tableau 5

Évolution du régime institutionnel du secteur ferroviaire en Belgique en termes d’effets sur les fonctions de régulation depuis 1926

Fonctions de régulation Phase 1 (1832-1872) :
Création du réseau national
Phase 2 (1873-1926) :
Reprise en main de l’exploitation/propriété par l’État
Phase 3 (1926-1979) :
Autonomisation de la compagnie nationale
1. Gestion physique et exploitation du réseau Toutes prérogatives au Département des travaux publics du Ministère de l’Intérieur sur le réseau des chemins de fer de l’État (ossature) (PP)
Toutes prérogatives aux sociétés concessionnaires sur chemins de fer concédés (ramifications) (PP)
Contrôle du Parlement sur la construction des lignes de chemins de fer concédés via adjudication publique (PP)
Toutes prérogatives au Département des travaux publics du Ministère de l’Intérieur sur le réseau des chemins de fer de l’État (ossature) (PP)
Toutes prérogatives aux sociétés concessionnaires sur chemins de fer concédés (ramifications) (PP)
Vague de rachat des sociétés concessionnaires par l’État (DP)
Toutes prérogatives à la SNCB (PP, DP)
SAUF quelques autorisations obligatoires du gouvernement (vente, achat ou échange de biens > un million de BEF ; contrats > dix ans ou > dix millions de BEF) (DP)
2. Conditions d’accès et usage du réseau Toutes prérogatives à l’État sur le réseau des chemins de fer de l’État (DP, PP)
Toutes prérogatives aux sociétés concessionnaires sur les chemins de fer concédés (DP, PP)
Toutes prérogatives à l’État sur le réseau des chemins de fer de l’État (DP, PP)
Toutes prérogatives aux sociétés concessionnaires sur les chemins de fer concédés (DP, PP)
Toutes prérogatives à la SNCB (PP, DP)
Monopole d’accès de la SNCB, sauf accords pour lignes internationales (DP)
3. Statut et propriété des opérateurs Sur les chemins de fer de l’État : Département des travaux publics du Ministère de l’Intérieur (PP)
Sur les chemins de fer concédés : sociétés concessionnaires dont le statut n’est pas régi par le régime institutionnel
Sur les chemins de fer de l’État : Département des travaux publics du Ministère de l’Intérieur (PP)
Sur les chemins de fer concédés : sociétés concessionnaires dont le statut n’est pas régi par le régime institutionnel
SNCB = entreprise publique sui generis (PP)
4. Ouverture à la concurrence Pas de concurrence sur les chemins de fer de l’État
Concurrence entre candidats à une concession organisée par adjudication publique (remplacée ensuite par une enquête parlementaire) (PP)
Entre réseaux : concurrence entre lignes desservant les mêmes régions (non régie directement par le régime institutionnel, mais tendant à disparaître avec la vague de nationalisation des sociétés concessionnaires)
Sur chaque réseau : monopole d’exploitation
Pas d’ouverture à la concurrence
5. Obligations de service public Non régie par le régime institutionnel Dérogations aux cahiers des charges des sociétés concessionnaires accordées/imposées par l’État Toutes activités de la SNCB = « service public »
Certaines obligations plus explicites (PP) : normes tarifaires, obligations de transport non rentable
6. Arbitrage des rivalités Non régie par le régime institutionnel Non régie par le régime institutionnel Arbitrage des conflits SNCB/gouvernement par la Chambre des représentants au sujet de la nomination des membres du conseil d’administration de la SNCB (PP)
7. Accès à l’énergie et aux ressources naturelles Non régie par le régime institutionnel Non régie par le régime institutionnel Non régie par le régime institutionnel
8. Interconnexion entre les réseaux Non régie par le régime institutionnel Peu à peu régie par l’État dans le cadre de la nationalisation des sociétés concessionnaires Non régie par le régime institutionnel
figure im16
Fonctions de régulation Phase 4 (1980-1996) :
Rationalisation et relance des chemins de fer
Phase 5 (depuis 1997) :
Libéralisation des chemins de fer belges*
1. Gestion physique et exploitation du réseau SNCB : uniquement la compétence exécutive (PP)
Contrôle très important de l’État sur les choix techniques et financiers (PP)
Gestion : Infrabel (contrats de gestion)
Sécurité : fixation par le gouvernement, application par Infrabel et entreprises ferroviaires, contrôle par l’autorité de sécurité nationale
2. Conditions d’accès et d’usage du réseau Toutes prérogatives à la SNCB (PB, DP)
Monopole d’accès de la SNCB, sauf accords pour lignes internationales (DP)
Ouverture progressive (transport international de voyageurs ouvert au 1er janvier 2010 ; seul le transport national de voyageur reste un monopole)
Accès et transit subordonnés à des conditions commerciales et de sécurité
3. Statut et propriété des opérateurs SNCB = société anonyme de droit public (PP) SNCB scindée entre SNCB Holding, Infrabel et SNCB (trois sociétés anonymes de droit public)
Le statut des autres entreprises ferroviaires n’est pas régi
4. Ouverture à la concurrence Pas d’ouverture à la concurrence Répartition de l’infrastructure par Infrabel : transport intérieur > transport de marchandises > apport financier > rentabilité d’utilisation de la capacité
Tarification de l’infrastructure par Infrabel
5. Obligations de service public Missions de service public (PP) : transport intérieur ; gestion physique et exploitation ; besoins de la Nation
Autres activités : commerciales (PP)
Infrabel : gestion physique (dont sécurité), répartition et tarification, certification des personnels et sous-systèmes
SNCB : trafic intérieur, besoins de la Nation
SNCB Holding : gestion des grandes gares et du patrimoine historique, sécurité des personnes, expertise
6. Arbitrage des rivalités Arbitrage des conflits SNCB/gouvernement par la Chambre des représentants au sujet de la nomination des membres du conseil d’administration de la SNCB (PP) Réception, instruction et délibération sur les plaintes d’Infrabel et des entreprises ferroviaires relativement à la répartition des capacités par l’organe de contrôle
7. Accès à l’énergie et aux ressources naturelles Non régie par le régime institutionnel
Quelques contraintes néanmoins imposées par l’État (par ex. électrification du réseau : PP)
Accès complet d’Infrabel
Liste des services prestés et des installations mises à la disposition des entreprises ferroviaires par Infrabel : cf. sous-section 3.5.3.
8. Interconnexion entre les réseaux Non régie par le régime institutionnel STI
Règles nationales de sécurité et normes nationales en cas d’absence de STI ou de STI incomplètes
figure im17

Évolution du régime institutionnel du secteur ferroviaire en Belgique en termes d’effets sur les fonctions de régulation depuis 1926

Remarque : Les mentions « PP » et « DP » signifient que le contenu de la régulation est issu respectivement des politiques publiques ou des droits de propriété.
* PP pour toutes les fonctions.

200 L’objectif est de permettre au gestionnaire du rail de financer sa mission à partir des redevances d’exploitation qu’il perçoit auprès des opérateurs. La lutte contre les déficits de gestion et d’exploitation est donc un facteur majeur d’interprétation des changements de règles tout au long de l’histoire du rail belge.

201 Mis à part la réduction des déficits, d’autres facteurs conjoncturels ont été soulevés, qui permettent d’interpréter plus complètement les changements de régime institutionnel. Ainsi dans les années 1830, la création du réseau de chemins de fer doit-elle contribuer au développement économique de la jeune Belgique et à sa défense militaire. Durant la deuxième phase de régime, la nationalisation des concessionnaires privés vise à éviter leur rachat par des acteurs étrangers et à se réapproprier un droit de regard sur la qualité des prestations de transport et sur leurs tarifs. La qualité des services est également au centre des préoccupations lors de la création de la SNCB. Le tour de vis règlementaire des années 1980 – quatrième phase de régime – est plus purement financier. Quant aux règles de la libéralisation, elles se fondent également sur un argumentaire selon lequel le processus va permettre de réduire le coût du transport ferroviaire pour l’usager final et d’améliorer la sécurité.

202 La législation issue de l’Union européenne exerce une influence significative sur les changements de régime institutionnel de l’infrastructure ferroviaire belge à partir de la quatrième phase de régime. C’est un point commun avec le secteur de l’eau [130]. Cela montre également l’intérêt et la pertinence de l’approche par les régimes institutionnels de ressource pour l’analyse d’un système régulatoire multiniveaux.

203 Néanmoins, les phases de régime institutionnel distinguées au niveau de l’Union européenne et au niveau belge ne se superposent pas exactement dans le temps. En effet, le marqueur analytique d’un nouveau régime que nous avons retenu est celui de l’adoption de la première des règles qui mettent en œuvre la logique d’action le caractérisant. Or, la transposition des règles européennes dans ses États membres prend du temps. Les règles nationales qui mettent en œuvre les principes du régime européen sont donc toujours adoptées avec un certain décalage.

204 De plus, la logique d’action européenne et la logique d’action belge peuvent ne pas correspondre. Par exemple, dans les années 1980 (quatrième phase de régime), nous avons vu que les mesures imposées par l’État à la SNCB s’inscrivent certes dans la politique commune des transports européenne (1960-1990), focalisée sur la concurrence intermodale, mais que l’objectif principal de ces mesures est proprement belge et consiste à rationaliser le fonctionnement et l’offre de transport de l’entreprise publique dans le contexte national d’austérité budgétaire. Par contre, le processus de libéralisation est plus clairement une politique européenne, et les mesures prises au niveau belge consistent à la transposer et à s’y préparer en équipant la SNCB des outils propres à affronter le nouvel environnement concurrentiel. L’approche par les régimes institutionnels de ressource permet de donc de mettre en évidence la logique d’action propre à chaque niveau de régulation.

205 Une dernière particularité du cas belge par rapport au régime institutionnel européen est le mouvement centrifuge de régionalisation qui caractérise la Belgique dans de nombreux secteurs de la vie publique. Dans le secteur des transports, au gré des réformes successives de l’État, les Régions sont ainsi devenues responsables de la gestion des routes, des aéroports (hormis l’aéroport de Bruxelles-National) ou encore des bus, trams et métros urbains et interurbains. Étonnamment, ce mouvement n’a pas encore substantiellement affecté le secteur ferroviaire, du moins en ce qui concerne ses règles. Étant donné le contexte politique dans lequel la SNCB évolue, on peut légitimement se demander si cette résistance est ou non le fruit d’une stratégie délibérée de ses acteurs (ou d’autres acteurs). Les règles examinées dans le cadre de cette recherche ne permettent pas de trancher la question.

206 L’analyse historique montre que la régulation de l’infrastructure ferroviaire par les politiques publiques est prédominante sur la régulation par les droits de propriété. La seule exception concerne la deuxième phase de régime, durant laquelle le nombre de mesures de droit public adoptées est très faible. L’État soustrait plutôt aux acteurs privés (concessionnaires) leurs droits de disposition et d’usage de l’infrastructure ferroviaire par une vague de reprises de dettes et de rachats (nationalisation). Quant à l’Union européenne, elle ne peut pas changer les droits de propriété formelle ; les modifications qu’elle apporte aux droits de disposition résultent de ses mesures de politique publique (par exemple, la limitation des droits de gestion de l’infrastructure par l’opérateur public historique, transférés au gestionnaire d’infrastructure). Par contre, la régulation par les droits d’usage est un levier important dont se sert l’Union européenne pour ouvrir le secteur à la concurrence (transport combiné, puis transport international de marchandises, puis transport national de marchandises, et enfin transport international de voyageurs).

207 Un examen plus attentif des droits de propriété dans le secteur ferroviaire suggère que les droits de disposition et d’usage sont un facteur de stabilité du régime institutionnel et du cadre de régulation. D’une part, comme nous venons de le rappeler, les compétences de l’Union européenne limitent son influence directe sur les droits de propriété formelle et sur les droits de disposition. D’autre part, contrairement aux politiques publiques, les droits de propriété relèvent du droit privé. Leur remise en cause par l’État est dès lors moins évidente parce qu’elle n’implique pas que les autorités publiques, mais tous les acteurs qui disposent de droits sur l’infrastructure. Dans les années 1870 par exemple, l’État a attendu que les besoins des sociétés concessionnaires (éviter la faillite) rencontrent les siens (racheter les concessions) pour agir sur les tarifs et limiter la concurrence dans le secteur ferroviaire. L’État se prive donc de leviers d’action sur le secteur lorsqu’il concède des droits de disposition et d’usage aux acteurs privés.

208 En conclusion, quelques réflexions peuvent être formulées au sujet des enjeux qui caractérisent aujourd’hui le secteur ferroviaire, au regard de son histoire. D’abord, présenter le processus européen de libéralisation des chemins de fer comme un retrait de l’État en faveur du secteur privé est une erreur. Les pouvoirs de l’État étaient certes nettement plus étendus au début du XXe siècle, lorsque son administration exploitait l’ensemble du réseau des chemins de fer de l’État. Néanmoins, jamais autant qu’aujourd’hui les autorités publiques n’ont disposé de leviers d’action pour édicter et pour faire respecter des normes commerciales et de sécurité pour la gestion et l’exploitation du rail. Formulées de concert par le Parlement et le gouvernement, celles-ci sont ensuite mises en œuvre par des agences administratives indépendantes, aux pouvoirs exécutifs étendus. La situation actuelle diffère de celles qui prévalaient durant les phases historiques précédentes en ce que les règles sont d’application plus uniforme. Auparavant, l’État pouvait choisir d’imposer des exigences différentes aux divers acteurs du secteur (par exemple, une capacité d’assurance de la responsabilité civile différente pour les acteurs publics et privés). Aujourd’hui, afin de maintenir la concurrence équitable, lorsque l’État impose un type d’exigence à un acteur, il doit imposer le même à tous les autres acteurs, y compris aux acteurs publics. Ainsi, tout comme les autres opérateurs privés souhaitant prester des services de transport sur le rail, Infrabel et la SNCB doivent obtenir un agrément ou un certificat de sécurité auprès de l’autorité nationale de sécurité.

209 Par ailleurs, s’il est vrai que les obligations imposées par la législation européenne sont importantes, l’État belge est capable de formuler et de poursuivre des objectifs propres. Jusqu’à la fin des années 1980, la législation européenne agit plutôt comme un cadre régulant notamment les relations financières qu’entretiennent l’État et la SNCB, pour limiter les avantages dont profiterait le transport par rail par rapport aux autres modes de transport. Dans ces limites, l’État formule des plans et impose des réformes structurelles à la SNCB qui découlent de ses propres objectifs d’action publique. Le processus européen de libéralisation est certes plus contraignant, mais les compétences des États membres en matière ferroviaire n’ont pas été entièrement transférées à l’Union européenne. Par exemple, le maintien de la SNCB Holding, abritant les fonctions transversales d’Infrabel (gestionnaire) et de la SNCB (opérateur public) et assurant la gestion des grandes gares ou de la sécurité des personnes, est une construction belge relativement originale (même si elle partage des points communs avec la configuration retenue dans d’autres États, tels que l’Allemagne). Les règles européennes restent donc un cadre, certes dense, mais dans lequel l’État belge peut encore prendre des initiatives qui lui sont propres.

210 Ensuite, même si les effets de la régulation de l’infrastructure ferroviaire sur sa durabilité n’ont pas été examinés en tant que tels dans ce Courrier hebdomadaire, on peut néanmoins s’interroger sur les outils que se sont donnés les autorités publiques pour assurer la pérennité de cette infrastructure. En particulier, on peut se demander si les transferts de propriété successifs qui ont été opérés entre l’État et les sociétés concessionnaires privées ou publiques ont été ou sont susceptibles d’affecter le contrôle étatique sur la gestion et l’exploitation du rail ? Pour répondre à cette question, il faut distinguer les différents transferts qui ont été réalisés au cours du temps.

211 À partir de 1873 (deuxième phase de régime), les transferts des droit de disposition sur l’infrastructure ferroviaire mettent en rapport l’État avec des concessionnaires privés. L’impact de ces transferts sur la latitude dont disposent par la suite les autorités publiques pour réguler le secteur est effectif ; en l’occurrence, il est positif. En 1926 (début de la troisième phase de régime), le transfert des droits de disposition vers la SNCB implique à nouveau l’État, mais celui-ci a désormais affaire à un acteur « hybride ». L’État garde un contrôle assez étendu sur la SNCB, mais voit son pouvoir d’action opérationnel limité par la participation du secteur privé au capital de la société. Cela concorde avec la logique d’action du régime institutionnel, laquelle suppose d’accorder une large autonomie industrielle à la société. Au cours du temps néanmoins, les politiques publiques imposées par l’État encadrent de plus en plus directement le fonctionnement de la SNCB. En 1992 (c’est-à-dire durant la quatrième phase de régime), la propriété formelle de l’infrastructure ferroviaire est elle aussi transférée de l’État à la SNCB, sans toutefois que ce transfert n’ait en tant que tel d’implication concrète pour le fonctionnement du secteur. Les péripéties des troisième et quatrième phases montrent à quel point les droits de propriété sur une ressource sont bien contingents et dépendent dans une large mesure des politiques publiques. La propriété formelle et la propriété des droits de disposition sur une ressource n’impliquent pas nécessairement la maitrise de la gestion, de l’exploitation et de la durabilité de cette ressource.

212 Durant la cinquième phase de régime, en 2005, la propriété formelle et la propriété des droits de disposition sur l’infrastructure sont transférées de la SNCB vers le Groupe SNCB (SNCB Holding, Infrabel et SNCB). Ce transfert se distingue de ceux de 1926 et de 1992 sur un point fondamental : cette fois, les trois sociétés publiques appartiennent complètement à l’État lui-même. Dès lors, la question du lien entre la propriété de l’infrastructure et la gestion de sa durabilité par les autorités publiques ne se pose plus. De surcroît, et comme cela a déjà été souligné supra, loin de consacrer le retrait des États du secteur ferroviaire, le processus européen de libéralisation confère aux gouvernements de nombreux instruments politico-administratifs destinés à réguler la gestion, l’exploitation et donc la durabilité des infrastructures ferroviaires. L’examen de l’impact effectif de l’action de l’État sur la durabilité du rail permettrait de tirer des conclusions plus précises sur l’usage que font les autorités publiques des leviers d’action dont elles disposent pour pérenniser le rail.

213 Enfin, la plupart des changements apportés aux règles ferroviaires ont été motivés par la volonté de limiter le montant d’argent public engagé dans la gestion des chemins de fer. Le montant des dépenses consacrées à la gestion de l’infrastructure et qui n’est pas couvert par les recettes issues des tarifs de transport a toujours été présenté comme un déficit. Le processus de libéralisation consacre ce principe, puisqu’il vise explicitement à rendre le secteur ferroviaire capable d’autofinancer ses frais de gestion via la perception de redevances d’utilisation de l’infrastructure. Mais cette caractérisation des flux financiers de l’État vers les chemins de fer est arbitraire. Présente-t-on jamais les dépenses consacrées à l’entretien des routes comme un déficit ? Cherche-t-on à prélever auprès des usagers de la route (y compris auprès des sociétés de transport par autobus) les recettes correspondant à ces dépenses ? La réponse est non. Depuis 180 ans, la gestion des chemins de fer en Belgique, à l’instar d’autres pays, coûte plus d’argent qu’elle n’en rapporte. Faut-il nécessairement considérer que cette tendance devrait pouvoir être renversée ? L’histoire ne nous apprend-elle pas que cela semble particulièrement difficile ? La libéralisation n’a pas encore apporté la preuve du contraire. Considérer la gestion du rail comme un service de l’État qui, comme celle des routes, relève de la redistribution des richesses et ne doit donc pas nécessairement être exactement financée par ses usagers, est un choix politique. Sans nier à la libéralisation d’autres aspects positifs et sans non plus cautionner le gaspillage d’argent public, assumer clairement ce choix ne permettrait-il pas d’avoir une perception différente de la gestion du rail, du contenu qu’on souhaite lui donner, du prix auquel elle doit être offerte aux opérateurs et, par suite, des services de transport par rail qui peuvent être proposés aux usagers ?

ANNEXE TABLEAUX ACTEURS-FONCTIONS

214 Tableau A : Acteurs-fonctions pour la première phase de régime institutionnel : création du réseau national (1832-1872)

215 Tableau B : Acteurs-fonctions pour la deuxième phase de régime institutionnel : reprise en main de l’exploitation et de la propriété par l’État (1873-1926)

216 Tableau C : Acteurs-fonctions pour la troisième phase de régime institutionnel : autonomisation de la compagnie nationale (1926-1979)

217 Tableau D : Acteurs-fonctions pour la quatrième phase de régime institutionnel : rationalisation et relance des chemins de fer (1980-1996)

218 Tableau E : Acteurs-fonctions pour la cinquième phase de régime institutionnel : libéralisation des chemins de fer belges (depuis 1997)

Tableau A

Acteurs-fonctions pour la première phase de régime institutionnel : création du réseau national (1832-1872)

Propriétaire Gestionnaires Opérateurs de transport Usagers finaux Régulateurs État – Pouvoir
législatif
État –
Pouvoir
exécutif
Fonction 1 État :
ensemble de la propriété formelle sur le réseau
Département des travaux publics : exploitation des chemins de fer de l’État
Sociétés concessionnaires : exploitation des chemins de fer concédés
Chemins de fer concédés plutôt orientés marchandises et chemins de fer de l’État plutôt orientés voyageurs (homogénéisation progressive) Capacité de planification stratégique du Parlement limitée aux demandes de concessions et aux termes de celles-ci
Fonction 2 Pas de restriction d’accès pour le Département des travaux publics sur les chemins de fer de l’État
Pas de restriction d’accès pour les sociétés concessionnaires sur les chemins de fer concédés (sous réserve de l’obtention d’une concession)
Pas de restriction d’accès pour le
Département des travaux publics sur les chemins de fer de l’État
Pas de restriction d’accès pour les sociétés concessionnaires sur les chemins de fer concédés sous réserve de l’obtention d’une concession
Fonction 3 Sur les chemins de fer de l’État :
Département des travaux publics du Ministère de l’Intérieur
Sur les chemins de fer concédés : statut légal des sociétés concessionnaires non régi par le régime institutionnel
Fonction 4 Concurrence entre candidats à la concession organisée par adjudication publique (remplacée ensuite par une enquête parlementaire)
Concurrence entre réseaux desservant les mêmes régions (sur chaque réseau : monopole d’exploitation) : non régie par le régime institutionnel
Fonction 5
Fonction 6
Fonction 7
Fonction 8
figure im18

Acteurs-fonctions pour la première phase de régime institutionnel : création du réseau national (1832-1872)

Tableau B

Acteurs-fonctions pour la deuxième phase de régime institutionnel : reprise en main de l’exploitation et de la propriété par l’État (1873-1926)

Propriétaires Gestionnaires Opérateurs de transport Usagers finaux Régulateurs État –
Pouvoir
législatif
État –
Pouvoir
exécutif
Fonction 1 État : ensemble de la propriété formelle sur le réseau département des travaux publics : exploitation des chemins de fer de l’État
Sociétés concessionnaires : exploitation des chemins de fer concédés
Chemins de fer concédés plutôt orientés marchandises et chemins de fer de l’État plutôt orientés voyageurs (homogénéisation progressive)
Fonction 2 Pas de restriction d’accès pour le Département des travaux publics sur les chemins de fer de l’État
Pas de restriction d’accès pour les sociétés concessionnaires sur les chemins de fer concédés sous réserve de l’obtention d’une concession
Pas de restriction d’accès pour le Département des travaux publics sur les chemins de fer de l’État
Pas de restriction d’accès pour les sociétés concessionnaires sur les chemins de fer concédés (sous réserve de l’obtention d’une concession)
Fonction 3 Sur les chemins de fer de l’État : Département des travaux publics du Ministère de l’Intérieur
Sur les chemins de fer concédés : statut légal des sociétés concessionnaires non régi par le régime institutionnel
Fonction 4 Concurrence entre réseaux desservant les mêmes régions (sur chaque réseau : monopole d’exploitation) : non régie par le régime institutionnel, mais tend à disparaître étant donné la vague de rachats par l’État
Fonction 5 Dérogations au cahier des charges des sociétés concessionnaires Dérogations au cahier des charges des sociétés concessionnaires
Fonction 6
Fonction 7
Fonction 8 Fonction peu à peu régie par l’État dans le cadre du rachat des réseaux concédés
figure im19

Acteurs-fonctions pour la deuxième phase de régime institutionnel : reprise en main de l’exploitation et de la propriété par l’État (1873-1926)

Tableau C

Acteurs-fonctions pour la troisième phase de régime institutionnel : autonomisation de la compagnie nationale (1926-1979)

Propriétaires Gestionnaires Opérateurs de transport Usagers
finaux
Régulateurs État – Pouvoir législatif État – Pouvoir exécutif
Fonction 1 État : ensemble de la propriété formelle sur le réseau SNCB :
exploitation des chemins de fer de l’État
Approbation du Parlement : pour tout emprunt de la SNCB
Approbation du Parlement pour toute extension du réseau (au début de la phase seulement)
Approbation du gouvernement : pour la vente, l’achat ou l’échange de biens (mobiliers, ou immobiliers) dont la valeur excède un million de francs ; pour les contrats d’adjudication conclus pour un délai de plus de dix ans ou d’une valeur de plus d’un million de francs
Fonction 2 Pas de restriction d’accès pour la SNCB SNCB : pas de restriction d’accès
Sociétés étrangères : accès sous réserve d’accords avec la SNCB
Fonction 3 Statut légal sui generis de la SNCB déterminé par la loi du 23 juillet 1926
Fonction 4 Pas de concurrence (monopole de la SNCB)
Fonction 5 Interdiction d’augmentation ou imposition de diminution des tarifs de la SNCB par le gouvernement
Obligation de la SNCB d’accepter tout transport de marchandises, même déficitaire
Interdiction d’augmentation ou imposition de diminutions des tarifs de la SNCB par le gouvernement
Fonction 6 Parlement : Règlement des conflits entre gouvernement et CA SNCB pour nomination de ses membres
Fonction 7
Fonction 8
figure im20

Acteurs-fonctions pour la troisième phase de régime institutionnel : autonomisation de la compagnie nationale (1926-1979)

Tableau D

Acteurs-fonctions pour la quatrième phase de régime institutionnel : rationalisation et relance des chemins de fer (1980-1996)

Propriétaires Gestionnaires Opérateurs de transport Usagers
finaux
Régulateur État – Pouvoir
législatif
État – Pouvoir exécutif
Fonction 1 À partir de 1988, droit d’aliénation de la SNCB sur les biens immeubles de l’infrastructure
En 1992, transfert de la propriété formelle sur le réseau de l’État à la SNCB
SNCB : exploitation des chemins de fer de l’État
Pouvoir seulement consultatif du CA de la SNCB concernant la planification stratégique et financière dans les plans quinquennaux imposés par le gouvernement
Approbation du gouvernement : pour la vente, l’achat ou l’échange de biens (mobiliers ou immobiliers) dont la valeur excède un million de francs ; pour les contrats d’adjudication conclus pour un délai de plus de dix ans ou d’une valeur de plus d’un million de francs
Octrois de subsides (hors OSP) par le gouvernement à la SNCB exclusivement dans le cadre de l’enveloppe fermée destinée à l’élaboration des plans quinquennaux
Fonction 2 Pas de restriction d’accès pour la SNCB SNCB : pas de restriction d’accès
Sociétés étrangères : accès sous réserve d’accords avec la SNCB
Fonction 3 À partir de 1992, SNCB = société anonyme de droit public
Fonction 4 Pas de concurrence (monopole de la SNCB)
Fonction 5 OSP de la SNCB : énumérées comme telles ; financement systématique, clair et distinct
Fonction 6 Parlement :
Règlement des conflits entre gouvernement et CA SNCB pour la nomination de ses membres
Fonction 7
Fonction 8
figure im21

Acteurs-fonctions pour la quatrième phase de régime institutionnel : rationalisation et relance des chemins de fer (1980-1996)

Tableau E

Acteurs-fonctions pour la cinquième phase de régime institutionnel : libéralisation des chemins de fer belges (depuis 1997)

Propriétaires Gestionnaires Opérateurs de transport Usagers
finaux
Régulateurs État –
Pouvoir
législatif
État –
Pouvoir
exécutif
Fonction 1 Bâtiments de gare, parkings pour voitures et pour vélos, espaces de location de vélos et abords des gares, et certains éléments du patrimoine historique de l’exploitation ferroviaire : propriété formelle de la SNCB Holding
Reste de l’infrastructure ferroviaire : propriété formelle d’Infrabel
Rappel : Infrabel et SNCB
Holding = propriété de l’État
Infrabel : gestion physique du réseau
Planification stratégique : contrats de gestion entre Infrabel et SNCB Holding d’une part, et le gouvernement d’autre part
SNCB Holding : missions d’études et d’expertise
Organisme d’enquête : enquêtes visant à améliorer la sécurité suite aux accidents
Pour le financement de l’exploitation de l’infrastructure : paiement de la redevance d’utilisation de l’infrastructure
Pour la sécurité de l’exploitation : obtention du certificat de sécurité
Autorité de sécurité nationale : application des normes par le gestionnaire et les opérateurs
Certificats et agrément de sécurité : avis de la Direction générale des transports terrestres, décision du ministre compétent
Licences d’entreprise ferroviaire : idem
Fonction 2 Agrément de sécurité Paiement de la redevance d’utilisation de l’infrastructure
Certificat de sécurité
Licence d’entreprise ferroviaire (conditions commerciales)
Fonction 3 SNCB : société anonyme de droit public
Autres opérateurs : statut légal non régi
Fonction 4 Infrabel : répartition et tarification des capacités de l’infrastructure ; calcul de la redevance d’utilisation de l’infrastructure Pas d’accès pour les opérateurs de transport autres que la SNCB souhaitant prester des services de transport national de passagers (monopole de la SNCB) ; pour les autres activités de transport, concurrence ou associations internationales d’entreprises ferroviaires
Règles de respect de la concurrence de marché par les opérateurs (par ex, interdiction des cartels)
figure im22
Propriétaires Gestionnaires Opérateurs de transport Usagers
finaux
Régulateurs État –
Pouvoir
législatif
État –
Pouvoir
exécutif
Fonction 5 OSP de la SNCB : énumérées comme telles ; financement systématique, clair et distinct
OSP de la SNCB : transport intérieur de voyageurs assuré par les trains du service ordinaire, ainsi que les dessertes intérieures par trains à grande vitesse ; transport transfrontalier de voyageurs ; prestations que la SNCB est tenue de fournir pour les besoins de la Nation
Pas d’OSP imposées aux autres opérateurs
Fonction 6 Service de régulation du transport ferroviaire et de l’exploitation de l’aéroport de Bruxelles-National : réception, instruction et délibération sur les requêtes d’Infrabel et des entreprises ferroviaires candidates relatives à la répartition des capacités d’infrastructure
Fonction 7 Accès complet d’Infrabel aux ressources naturelles et énergétiques Les demandes des opérateurs (y compris la SNCB) d’accéder aux services suivants ne peuvent être rejetées par Infrabel que s’il existe d’autres solutions viables aux conditions du marché : infrastructures d’approvisionnement en combustible, terminaux de marchandises, gares de triage, gares de formation, gares de remisage, centres d’entretien et autres infrastructures techniques.
Si Infrabel accède à la demande d’un opérateur concernant les services suivants, il doit y accéder de manière non discriminatoire pour tout opérateur qui en fait aussi la demande : courant de traction et autres services fournis aux installations mentionnées ci-dessus
Fonction 8 Mission subsidiaire d’Infrabel : en l’absence de STI ou si celles-ci sont partielles, élaboration des règles nationales de sécurité et des normes relatives aux sous-systèmes du matériel roulant et de l’infrastructure
figure im23

Acteurs-fonctions pour la cinquième phase de régime institutionnel : libéralisation des chemins de fer belges (depuis 1997)

Notes

  • [*]
    David Aubin et Stéphane Moyson sont respectivement professeur et aspirant du F.R.S.-FNRS à l’Institut de sciences politiques Louvain-Europe de l’Université catholique de Louvain. Tous deux participent activement au projet DUREBEL. Le premier est notamment l’auteur de « La gestion de l’eau en Belgique. Analyse historique des régimes institutionnels (1804-2001) » (en coll. avec F. VARONE), Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1731-1732, 2001.
  • [1]
    I. KISSLING-NÄF et S. KUKS, « Introduction to institutional resource regimes », in I. KISSLING-NÄF et S. KUKS (dir.), The evolution of national water regimes in Europe. Transitions in water rights an weter policies, Dordrecht-Boston-Londres, Kluwer Academic Publishers, 2004, p. 1-23 ; P. KNOEPFEL, I. KISSLING-NÄF et F. VARONE (dir.), Institutionelle Ressourcenregime in Aktion. Bâle, Helbing & Lichtenhahn, 2003 ; F. VARONE, E. REYNARD, I. KISSLING-NÄF et C. MAUCH, « Institutional resources regimes. The case of water in Switzerland », in Integrated Assessment. An International Journal, volume 3 (1), 2002, p. 78-94.
  • [2]
    J.-D. GERBER et al., « Institutional Resource Regimes : Towards sustainability through the combination of property-rights theory and policy analysis », in Ecological Economics, volume 68 (3), 2009, p. 799.
  • [3]
    E. OSTROM, Governing the commons : The evolution of institutions for collective action, Cambridge, Cambridge University Press, 1990 ; ID., La gouvernance des biens communs : pour une nouvelle approche des ressources naturelles, Bruxelles, De Boeck, 2010. En ligne
  • [4]
    Il existe également des usages secondaires de l’infrastructure ferroviaire, tel le commerce de détail dans les gares ou l’usage des infrastructures de télécommunications du réseau.
  • [5]
    Un vkm est le nombre de kilomètres parcourus par chaque voyageur transporté sur un réseau donné. Une tkm est le nombre de kilomètres parcourus par une tonne de marchandises transportée sur le réseau. La quantification en vkm et en tkm résulte d’approximations relatives au contenu des trains (nombre de passagers et quantité de marchandises transportés). En ce qui concerne les tkm, il s’agit par ailleurs d’une approximation « brute », c’est-à-dire qu’elle comprend le poids du train lui-même. En théorie, la quantification des prestations de l’infrastructure se fait donc d’abord en tkm, c’est-à-dire le nombre de kilomètres parcourus par chaque train voyageant sur le réseau. En pratique, dans la mesure où les statistiques des opérateurs sont le plus souvent exprimées en vkm et en tkm, ce sont ces unités de mesure que nous privilégierons dans la suite.
  • [6]
    « L’infrastructure ferroviaire se compose, pour autant qu’ils font partie des voies principales et des voies de service, à l’exception de celles situées à l’intérieur des ateliers de réparation du matériel et des dépôts ou garages d’engins de traction, ainsi que des embranchements particuliers : des terrains, des corps et plateforme de la voie, des ouvrages d’art, des passages à niveau, y compris les installations destinées à assurer la sécurité de la circulation routière, des superstructures, des chaussées, des cours à voyageurs et à marchandises, y compris les accès par route, des installations de sécurité, de signalisation et de télécommunication de pleine voie, de gare et de triage, y compris installations de production, de transformation et de distribution de courant électrique pour le service de la signalisation et des télécommunications, des bâtiments affectés auxdites installations, des freins de voie, des installations d’éclairage destinées à assurer la circulation des véhicules et la sécurité de cette circulation, des installations de transformation et de transport de courant électrique pour la traction des trains, et enfin des bâtiments affectés au service des infrastructures, y compris la quote-part relative aux installations de perception des frais de transport » (Règlement 70/1108/CEE du Conseil du 4 juin 1970, instaurant une comptabilité des dépenses afférentes aux infrastructures de transports par chemin de fer, par route et par voie navigable). Cette définition européenne de l’infrastructure ferroviaire a servi à l’époque à distinguer les frais imputables à la gestion des infrastructures de transport de ceux imputables à leur exploitation, dans le cadre d’une comptabilité uniformisée à l’échelle européenne. Aujourd’hui, elle sert en plus de base à la détermination du champ de responsabilité des différents acteurs créés ou visés par les législations européennes et belges.
  • [7]
    D. W. BROMLEY, Environment and economy, property rights and public policy, Cambridge, Blackwell, 1991.
  • [8]
    J.-D. GERBER et al., « Institutional Resource Regimes », op. cit., p. 798-809.
  • [9]
    La SNCB est l’entreprise publique chargée de la gestion et de l’exploitation des chemins de fer belges entre 1926 et 2004 (cf. infra). En 2005, la SNCB est transformée en holding, dont une des composantes est chargée de l’exploitation (SNCB) et une autre de la gestion du rail (Infrabel).
  • [10]
    J.-D. GERBER et al., « Institutional Resource Regimes », op. cit., p. 798-809.
  • [11]
    P. KNOEPFEL, C. LARRUE, et F. VARONE (dir.). Analyse et pilotage des politiques publiques, 2e éd., volume 2, Zurich, Rüegger, 2006.
  • [12]
    P. A. HALL, « Policy paradigms, social learning and the state : The case of economic policymaking in Britain », in Comparative Politics, volume 25 (3), 1993, p. 275-296. En ligne
  • [13]
    G. MAJONE, Regulating Europe, Londres, Routledge, 1996. En ligne
  • [14]
    F. GILARDI, « The formal independence of regulators : a comparison of 17 countries and 7 sectors », in Swiss Political Science Review, volume 11 (4), 2005, p. 139-167 ; ID., « The institutional foundations of regulatory capitalism : The diffusion of independent regulatory agencies in Western Europe », in Annals of the American Academy of political and social science, volume 598 (1), 2005, p. 84-101 ; M. MAGGETTI, « De facto independence after delegation : a fuzzy-set analysis », in Regulation & Governance, volume 1 (4), 2007, p. 271-294 ; M. THATCHER, « Analysing regulatory reform in Europe », in Journal of European Public Policy, volume 9 (6), 2002, p. 859-872 ; ID., « Delegation to independent regulatory agencies : Pressures, functions and contextual mediation », in West European Politics, volume 25 (1), 2002, p. 125-147 ; ID., « Regulation after delegation : Independent regulatory agencies in Europe », in Journal of European Public Policy, volume 9 (6), 2002, p. 954-972. En ligne
  • [15]
    M. LAFFUT, « Vers le réseau ferré le plus dense du globe », in B. VAN DER HERTEN, M. VAN MEERTEN et G. VERBEURGT (dir.), Le temps du train. 175 ans de chemins de fer en Belgique. 75e anniversaire de la SNCB, Louvain, Presses universitaires de Louvain, 2001, p. 64-95. À noter que le principe et les modalités de la construction du réseau de chemins de fer belge doivent beaucoup à l’exemple anglais (R. FREMDLING, « Les chemins de fer en Europe, 1825-2001 : un survol », in B. VAN DER HERTEN, M. VAN MEERTEN et G. VERBEURGT (dir.), Le temps du train, op. cit., p. 20-33).
  • [16]
    M. LAFFUT, « Vers le réseau ferré le plus dense du globe », op. cit., p. 73.
  • [17]
    Ibidem, p. 78.
  • [18]
    Ibidem, p. 64-73.
  • [19]
    Le lecteur qui a un intérêt particulier pour l’évolution du secteur ferroviaire durant les deux périodes de guerre pourra utilement se référer à P. VAN HEESVELDE, « Les chemins de fer oubliés. L’exploitation ferroviaire pendant la Première Guerre mondiale », in B. VAN DER HERTEN, M. VAN MEERTEN et G. VERBEURGT (dir.), Le temps du train, op. cit., p. 134-149 ; ID., « Räder müssen rolen für den Sieg. L’exploitation ferroviaire durant la Seconde Guerre mondiale », in B. VAN DER HERTEN, M. VAN MEERTEN et G. VERBEURGT (dir.), Le temps du train, op. cit., p. 182-199.
  • [20]
    G. VANTHEMSCHE, « L’Entre-deux-guerres, période charnière de l’histoire des chemins de fer belges (1919-1939) », in B. VAN DER HERTEN, M. VAN MEERTEN et G. VERBEURGT (dir.), Le temps du train, op. cit., p. 165.
  • [21]
    Ibidem, p. 151-152.
  • [22]
    P. SERVAIS, « De la consolidation du réseau aux nouveaux défis européens (1945-2001) », in B. VAN DER HERTEN, M. VAN MEERTEN et G. VERBEURGT (dir.), Le temps du train, op. cit., p. 200-232.
  • [23]
    S. JAUMAIN (dir.), Bruxelles et la jonction Nord-Midi : histoire, architecture et mobilité urbaine. Brussel en de Noord-Zuidverbinding : geschiedenis, architectuur en stedelijke mobiliteit, Bruxelles, Archives de la Ville de Bruxelles, 2004 (Studia Bruxellae, 3).
  • [24]
    P. SERVAIS, « De la consolidation du réseau aux nouveaux défis européens (1945-2001) », op. cit., p. 200-232.
  • [25]
    Ibidem, p. 200-232.
  • [26]
    INFRABEL, Rapport annuel 2007, Bruxelles, Infrabel, 2008, p. 6 ; SNCB HOLDING, Rapport d’activités 2007, Bruxelles, SNCB Holding, 2008, p. 1.
  • [27]
    M. VAN MEERTEN, « Rails, trains et techniques. Deux siècles d’investissements ferroviaires », in B. VAN DER HERTEN, M. VAN MEERTEN et G. VERBEURGT (dir.), Le temps du train, op. cit., p. 336-353.
  • [28]
    Ibidem, p. 343.
  • [29]
    Ibidem, p. 343.
  • [30]
    L’analyse des régulations internationales est le fruit du travail de M. Markus Rieder et du professeur Ulrich Weidmann : U. WEIDMANN et M. RIEDER, Analyse du régime institutionnel du secteur ferroviaire en Suisse (1850-2009), Sion, IUKB, 2010 (Working Paper, 2). Cette partie en constitue une adaptation libre.
  • [31]
    La première rencontre entre les délégués de gouvernements européens et les représentants d’administrations de chemin de fer se déroule le 12 février 1872. Elle rassemble les compagnies de chemin de fer d’Autriche, de Belgique, de l’Empire allemand, de France (Compagnie de l’Est) et de Suisse. Par la suite, les chemins de fer des Pays-Bas, de Pologne, de Hongrie, de Roumanie, d’Espagne, du Portugal et d’autres nations rejoignent rapidement les compagnies initiales. En 1897, l’organisation est rebaptisée « Conférence européenne des horaires ».
  • [32]
    Pour plus d’informations, cf. le site internet de cet organisme : <http://www.forumtraineurope.org>.
  • [33]
    Cf. <http://www.otif.org>.
  • [34]
    Cf. <http://www.cit-rail.org>.
  • [35]
    Décision 65/271/CEE du Conseil, du 13 mai 1965, relative à l’harmonisation de certaines dispositions ayant une incidence sur la concurrence dans le domaine des transports par chemin de fer, par route, et par voie navigable. Techniquement, une décision européenne ne s’applique qu’aux personnes morales et physiques directement visées par elle (à l’inverse du règlement, qui est d’application générale). En fait, cette décision comme les suivantes dans le secteur ferroviaire jusqu’en 1990 visent tous les opérateurs publics historiques en situation de monopole qui, dans chaque État membre (comme la SNCB en Belgique), assurent l’ensemble des services de transport. Ces décisions sont donc de facto d’application générale.
  • [36]
    Le règlement 69/1191/CEE décrit les procédures communes que doivent respecter les États membres et les entreprises ferroviaires pour demander respectivement le maintien ou la suppression d’une obligation de service public (règlement 69/1191/CEE du Conseil, du 26 juin 1969, relatif à l’action des États membres en matière d’obligations inhérentes à la notion de service public dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable).
  • [37]
    Sont exclues du champ d’application de ce règlement les charges résultant des obligations de service public maintenues, dont la suppression ou la compensation financière sont organisées par le règlement 69/1191/CEE. La normalisation des comptes des entreprises ferroviaires est organisée par le règlement 69/1192/CEE du Conseil, du 26 juin 1969, relatif aux règles communes pour la normalisation des comptes des entreprises ferroviaires.
  • [38]
    Ces aides sont l’objet du règlement 70/1107/CEE du Conseil, du 4 juin 1970, relatif aux aides accordées dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable.
  • [39]
    Décision 75/327/CEE du Conseil, du 20 mai 1975, relative à l’assainissement de la situation des entreprises de chemin de fer et à l’harmonisation des règles régissant les relations financières entre ces entreprises et les États.
  • [40]
    La mise en œuvre de ces objectifs est l’objet des règlements 77/2830/CEE du Conseil, du 12 décembre 1977, relatif aux mesures nécessaires pour rendre comparables la comptabilité et les comptes annuels des entreprises ferroviaires, et 78/2183/CEE du Conseil, du 19 septembre 1978, relatif à la fixation de principes uniformes pour le calcul des coûts des entreprises de chemin de fer. Le règlement 77/2830/CEE impose ainsi aux entreprises ferroviaires la distinction entre leurs activités de transport et leurs autres activités et, parmi leurs activités de transport, les différents types de transport, tout en faisant ressortir les activités soumises à des obligations de service public.
  • [41]
    Règlement 68/1017/CEE du Conseil, du 19 juillet 1968, portant application de règles de concurrence aux secteurs des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable.
  • [42]
    Cf. par exemple la décision 82/529/CEE du Conseil, du 19 juillet 1982, relative à la formation des prix pour les transports internationaux de marchandises par chemin de fer.
  • [43]
    Règlement 70/1108/CEE du Conseil, du 4 juin 1970, instaurant une comptabilité des dépenses afférentes aux infrastructures de transports par chemin de fer, par route et par voie navigable.
  • [44]
    Règlement 70/2598/CEE de la Commission, du 18 décembre 1970, relatif à la fixation du contenu des différentes positions des schémas de comptabilisation de l’annexe I du règlement 70/1108/CEE du Conseil, du 4 juin 1970.
  • [45]
    Directive 91/440/CEE du Conseil, du 29 juillet 1991, relative au développement de chemins de fer communautaires.
  • [46]
    Règlement 91/1893/CEE du Conseil, du 20 juin 1991, modifiant le règlement 69/1191/CEE relatif à l’action des États membres en matière d’obligations inhérentes à la notion de service public dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable.
  • [47]
    Le transport combiné de marchandises ou de voyageurs désigne les connexions qui recourent au transport routier et au transport par chemins de fer, soit que les marchandises ou les voyageurs sont transférés, à un point du trajet, d’un véhicule routier à un convoi ferroviaire ou d’un convoi ferroviaire à un véhicule routier, soit que les marchandises ou les voyageurs embarquent avec leur véhicule routier dans un convoi ferroviaire et le quittent plus tard pour poursuivre la connexion.
  • [48]
    Directive 95/18/CE du Conseil, du 19 juin 1995, concernant les licences des entreprises ferroviaires ; directive 95/19/CE du Conseil, du 19 juin 1995, concernant la répartition des capacités d’infrastructure ferroviaire et la perception de redevances d’utilisation de l’infrastructure.
  • [49]
    F. DEHOUSSE et F. GADISSEUR, « La libéralisation du secteur ferroviaire et ses conséquences en Belgique », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1771-1772, 2002.
  • [50]
    Ibidem, p. 10.
  • [51]
    « Une possibilité de maintenir des droits spéciaux [est] maintenue s’ils [s’avèrent] indispensables pour assurer un bon niveau de service public ou pour permettre le financement d’infrastructures nouvelles. La redevance [est] perçue par le gestionnaire de l’infrastructure. Celui-ci peut financer la mise au point de l’infrastructure et tirer un bénéfice des capitaux engagés. Les comptes du gestionnaire d’une infrastructure [doivent], dans des conditions normales d’activité, présenter au moins un équilibre considéré sur une période de temps raisonnable entre, d’une part, les recettes tirées des redevances d’utilisation de l’infrastructure et des contributions de l’État et, d’autre part, les dépenses d’infrastructure » (Ibidem, p. 10-11).
  • [52]
    Ibidem.
  • [53]
    Directive 96/48/CE du Conseil, du 23 juillet 1996, relative à l’interopérabilité du système ferroviaire transeuropéen à grande vitesse.
  • [54]
    F. DEHOUSSE et F. GADISSEUR, « La libéralisation du secteur ferroviaire et ses conséquences en Belgique », op. cit.
  • [55]
    Directive 2001/12/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2001, modifiant la directive 91/440/CEE du Conseil relative au développement de chemins de fer communautaires ; directive 2001/13/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2001, modifiant la directive 95/18/CE du Conseil concernant les licences des entreprises ferroviaires ; directive 2001/14/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2001, concernant la répartition des capacités d’infrastructure ferroviaire, la tarification de l’infrastructure ferroviaire et la certification en matière de sécurité ; directive 2001/16/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 mars 2001, relative à l’interopérabilité du système ferroviaire transeuropéen conventionnel.
  • [56]
    La responsabilité du recouvrement des redevances d’utilisation de l’infrastructure ferroviaire peut encore être confiée à n’importe quelle entité.
  • [57]
    Il est utile d’insister à nouveau sur le fait que l’entrée de cette contribution dans le secteur ferroviaire est législative et réglementaire. Or, les règles formelles présentent leur objet sous un angle qui leur est propre et qu’il faut compléter avec d’autres optiques pour saisir complètement cet objet. Dans cet exemple, la directive prévoit que l’organisme de répartition ne peut accorder la priorité à certains services que dans les seuls cas de saturation de l’infrastructure. Cette formulation peut suggérer que les cas de saturation sont rares et que l’organisme de répartition ne peut donc accorder la priorité à certains services que dans des situations exceptionnelles. Dans la pratique, il faut bien se rendre compte que, sur beaucoup de lignes, la saturation est la règle et que ce sont les capacités disponibles qui sont rares. Il arrive donc très régulièrement que l’organisme de répartition applique un système de priorité pour la sélection des services d’exploitation, en fonction des règles nationales qui guident son action. Cette remarque s’applique également à d’autres aspects de cette contribution.
  • [58]
    F. DEHOUSSE et F. GADISSEUR, « La libéralisation du secteur ferroviaire et ses conséquences en Belgique », op. cit., p. 18. Des mesures d’incitation doivent encourager le gestionnaire à réduire les coûts de fourniture de l’infrastructure et le montant des redevances d’accès (par le biais de dispositions règlementaires ou de contrats avec l’État). « Les redevances sont versées au gestionnaire de l’infrastructure, qui les affecte au financement de ses activités. Ces redevances peuvent inclure une redevance au titre de la rareté des capacités de la section identifiable de l’infrastructure pendant les périodes de saturation. Elles peuvent également être modifiées pour tenir compte du coût des effets sur l’environnement de l’exploitation des trains » (Ibidem, p.18). Des exceptions temporaires aux principes de tarification peuvent être envisagées : des majorations, par exemple pour permettre la réalisation d’un projet d’investissement améliorant le rendement ou la rentabilité, ou des réductions, par exemple pour promouvoir un service particulier ou l’utilisation d’une ligne sous-exploitée. Enfin, « le gestionnaire de l’infrastructure peut percevoir un droit approprié au titre des capacités demandées mais non utilisées. Ce droit encourage une utilisation efficace des capacités » (Ibidem, p. 19).
  • [59]
    Pour finir, il est utile de noter que l’on parle de « fonctions essentielles » pour désigner, dans le jargon, les tâches suivantes : délivrance de licences aux entreprises ferroviaires, répartition des sillons, tarification de l’infrastructure et contrôle du respect des missions de service public.
  • [60]
    Directive 2004/49/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, concernant la sécurité des chemins de fer communautaires et modifiant la directive 95/18/CE du Conseil concernant les licences des entreprises ferroviaires, ainsi que la directive 2001/14/CE concernant la répartition des capacités d’infrastructure ferroviaire, la tarification de l’infrastructure ferroviaire et la certification en matière de sécurité (directive sur la sécurité ferroviaire) ; directive 2004/50/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, modifiant la directive 96/48/CE du Conseil relative à l’interopérabilité du système ferroviaire transeuropéen à grande vitesse et la directive 2001/16/CE du Parlement européen et du Conseil relative à l’interopérabilité du système ferroviaire transeuropéen conventionnel ; directive 2004/51/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, modifiant la directive 91/440/CEE du Conseil relative au développement de chemins de fer communautaires ; Règlement 2004/881/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, instituant une Agence ferroviaire européenne.
  • [61]
    Le cas échéant, les États membres veillent à ce que toutes les entreprises ferroviaires aient un accès équitable et non discriminatoire aux services de formation nécessaires à l’obtention de la partie B du certificat de sécurité.
  • [62]
    Directive 2007/58/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2007, modifiant la directive 91/440/CEE du Conseil relative au développement de chemins de fer communautaires et la directive 2001/14/CE concernant la répartition des capacités d’infrastructure ferroviaire et la tarification de l’infrastructure ferroviaire ; directive 2007/59/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2007, relative à la certification des conducteurs de train assurant la conduite de locomotives et de trains sur le système ferroviaire dans la Communauté ; Règlement 2007/1370/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2007, relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, et abrogeant les règlements 69/1191/CEE et 70/1107/CEE du Conseil ; Règlement 1371/2007/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2007, sur les droits et obligations des voyageurs ferroviaires.
  • [63]
    Directive 2008/57/CE du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 2008, relative à l’interopérabilité du système ferroviaire au sein de la Communauté (refonte) ; directive 2008/110/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, modifiant la directive 2004/49/CE concernant la sécurité des chemins de fer communautaires (Directive sur la sécurité des chemins de fer) ; Règlement 2008/1335/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, modifiant le règlement 2004/881/CE instituant une Agence ferroviaire européenne (règlement instituant une Agence).
  • [64]
    F. GODET, « Le paquet ferroviaire 2 bis », in Revue générale des chemins de fer, volume 181, 2009, p. 35-53.
  • [65]
    Ibidem, p. 40-41.
  • [66]
    Ibidem, p. 35-53.
  • [67]
    Pour être complet, il est utile de noter que le règlement 2009/169/CE abroge, recodifie et précise les dispositions du règlement 68/1017/CEE modifié à plusieurs reprises (interdiction des cartels dans le secteur des transports). Enfin, le 17 septembre 2010, la Commission européenne a déposé une proposition de modification du premier paquet ferroviaire (COM(2010) 475). En vue d’améliorer et d’intensifier la concurrence sur le marché du rail, la Commission propose d’imposer un niveau plus élevé de détails pour les documents de référence du réseau. D’après elle, l’accès aux services ferroviaires connexes pourrait aussi être amélioré en luttant contre les conflits d’intérêt, en exigeant qu’ils soient gérés de façon indépendante et en étendant la compétence des autorités règlementaires nationales à ces services ferroviaires. L’indépendance de ces autorités pourrait encore être renforcée, parallèlement à l’élargissement de leurs compétences et à l’obligation qui pourrait leur être imposée de coopérer avec leurs homologues des autres États membres. En matière d’investissements, la Commission propose notamment renforcer le lien entre la performance des gestionnaires d’infrastructure et leur financement par l’État. Des exigences supplémentaires relatives à leur plan d’activités et à la stratégie nationale de l’État en matière de développement de l’infrastructure permettraient également de clarifier les débouchés commerciaux de l’exploitation ferroviaire pour les investisseurs potentiels. Enfin, toujours d’après la Commission, une meilleure application des règles de tarification existantes devrait conduire à limiter le montant des redevances payées par les opérateurs pour accéder à l’infrastructure. De nouvelles règles de tarification (par exemple, la tarification liée au bruit) pourraient inciter les opérateurs à investir dans des technologies innovantes (par exemple, les technologies durables). En plus de ces éléments matériels, la proposition de la Commission vise également à fusionner les trois directives en vigueur et leurs modifications successives, à éliminer les références croisées et à harmoniser la terminologie. Cette proposition de la Commission est toujours en cours de discussion actuellement.
  • [68]
    Un dernier signe que la libéralisation est proche a trait à la forme de la législation européenne. Pour la première fois également, par le biais d’une directive, la législation européenne dans le secteur ferroviaire s’adresse aux États et s’applique donc à toutes les entreprises ferroviaires et groupement internationaux existants... ou à venir. Comme nous l’avons déjà souligné (note de bas de page n° 35), les décisions et règlements citaient auparavant nommément les opérateurs publics historiques visés par leurs dispositions dans chaque État. Ces dispositifs excluaient ainsi de facto l’hypothèse de nouveaux entrants.
  • [69]
    La concurrence sur le marché donne l’opportunité à des entreprises (ferroviaires) de concourir pour le droit d’user de sillons au même moment et sur la même ligne. « Cette concurrence est visible pour le consommateur qui a le choix entre plusieurs opérateurs » (H. HAENEL, Rapport d’information fait au nom de la commission des Affaires européennes (1) sur la libéralisation des transports ferroviaires dans l’Union européenne [Publication du Sénat n° 220 ; annexe au procès-verbal de la séance du 12 février 2009], Paris, Sénat, 2009, p. 11). La concurrence pour le marché propose, quant à elle, aux entreprises ferroviaires de concourir pour le monopole d’exploitation d’une partie ou de l’entièreté d’un réseau durant une période définie (système des concessions). Le propriétaire formel du réseau a le choix, mais pas le consommateur. Les deux types de concurrence ne sont pas exclusifs (Ibidem) bien que, dans sa politique de libéralisation du secteur ferroviaire, l’Europe a clairement opté pour le premier (exclusivement).
  • [70]
    D’aucuns opposeront à cette analyse celle qui fait débuter la phase de libéralisation du secteur ferroviaire en 1996, avec le livre blanc de la Commission européenne sur les chemins de fer communautaires, parce que celui-ci énonce les principes et la philosophie qui président au processus. D’autres retiendront 2001 parce que le premier paquet ferroviaire est le premier qui ouvre concrètement la concurrence dans le secteur des chemins de fer. Par souci de cohérence et parce que cela fait sens, nous nous en tenons à notre approche par les règles, lesquelles permettent d’identifier le début du processus de manière claire à partir de 1995.
  • [71]
    L’art. 8 de la directive 2007/58/CE définit le cabotage comme le service de prendre et de déposer des voyageurs dans des gares d’un même État membre situées sur le trajet international.
  • [72]
    « La version initiale [de la directive 2007/58/CE] prévoyait une libéralisation du trafic international [de voyageurs] en 2012 et du trafic national [de voyageurs] en 2015. Le Parlement européen avait tout d’abord souhaité avancer les deux dates respectivement à 2008 et 2012, puis avait adopté un amendement avançant la date d’ouverture du trafic international de voyageurs à 2010 et repoussant celle du trafic domestique à 2017. Le texte final, adopté par le Parlement européen et le Conseil, conserve l’échéance du 1er janvier 2010 pour le trafic international mais ne fait plus mention de trafic national » (H. HAENEL, Rapport d’information fait au nom de la commission des Affaires européennes (1) sur la libéralisation des transports ferroviaires dans l’Union européenne, op. cit., p. 15).
  • [73]
    Au final, cela signifierait que les consommateurs supporteraient seuls les coûts de financement de l’infrastructure avec l’aide du profit tiré des activités commerciales du gestionnaire de l’infrastructure. Mais les conditions fixées sont telles qu’il est peu probable de voir ce cas de figure se réaliser. « Les États membres définissent les conditions appropriées, comprenant, le cas échéant, des paiements ex ante, pour que les comptes du gestionnaire de l’infrastructure, dans des conditions normales d’activité et par rapport à une période raisonnable, présentent au moins un équilibre entre, d’une part, les recettes tirées des redevances d’utilisation de l’infrastructure, les excédents dégagés d’autres activités commerciales et le financement par l’État et, d’autre part, les dépenses d’infrastructure. Sans préjudice d’un objectif éventuel, à long terme, de couverture par l’utilisateur des coûts d’infrastructure pour tous les modes de transport sur la base d’une concurrence intermodale équitable et non discriminatoire, lorsque le transport ferroviaire est en mesure de concurrencer d’autres modes, un État membre peut exiger (...) du gestionnaire de l’infrastructure qu’il équilibre ses comptes sans apport financier de l’État » (directive 2001/14/CE).
  • [74]
    Les prestations minimales comprennent le traitement des demandes de capacités de l’infrastructure ; le droit d’utiliser les capacités accordées ; l’utilisation des branchements et aiguilles du réseau ; la régulation de la circulation des trains comprenant la signalisation, la régulation, le dispatching, ainsi que la communication et la fourniture d’informations concernant la circulation des trains ; toute autre information nécessaire à la mise en œuvre ou à l’exploitation du service pour lequel les capacités ont été accordées. Les prestations complémentaires comprennent également la mise à disposition de contrats sur mesure pour le contrôle du transport de marchandises dangereuses et l’assistance à la circulation de convois spéciaux. Les prestations connexes peuvent comprendre l’accès au réseau de télécommunications, la fourniture d’informations complémentaires et le contrôle technique du matériel roulant. L’accès par le réseau aux infrastructures de services et les services fournis comprennent également les gares de voyageurs, leurs bâtiments et les autres infrastructures, les terminaux de marchandises, les gares de triage, les gares de formation, les gares de remisage, les centres d’entretien et les autres infrastructures techniques.
  • [75]
    Loi du 18 février 1969 relative aux mesures d’exécution des traités et actes internationaux en matière de transport par route, par chemin de fer ou par voie navigable.
  • [76]
    B. VAN DER HERTEN, « Les racines des chemins de fer belges (1825-1835) », in B. VAN DER HERTEN, M. VAN MEERTEN et G. VERBEURGT (dir.), Le temps du train, op. cit., p. 51.
  • [77]
    M. LAFFUT, « Vers le réseau ferré le plus dense du globe », op. cit., p. 64-95 ; B. VAN DER HERTEN, « Les racines des chemins de fer belges (1825-1835) », op. cit., p. 50-63.
  • [78]
    M. LAFFUT, « Vers le réseau ferré le plus dense du globe », op. cit., p. 69.
  • [79]
    Loi du 1er mai 1834 ordonnant l’établissement d’un système de chemins de fer en Belgique.
  • [80]
    Loi du 19 juillet 1832 concernant les concessions de péages.
  • [81]
    M. LAFFUT, « Vers le réseau ferré le plus dense du globe », op. cit., p. 71. « Pour obtenir la concession d’un péage de chemin de fer en Belgique, il faut à l’époque introduire une requête auprès du service des Ponts et Chaussées. Si ce dernier reconnaît l’utilité publique et la faisabilité technique du projet déposé, il donne son accord pour la réalisation d’une pré-étude. Celle-ci doit contenir le détail du tracé, la description de l’ampleur des principaux travaux et une évaluation des frais d’investissement. Le projet préalable, accompagné de cartes et plans, est ensuite examiné par les Chambres de Commerce et une commission d’enquête provinciale compétente. C’est en fonction de leurs remarques qu’est rédigé un cahier des charges. Une adjudication publique est alors ouverte sur base de ce document ; l’auteur du projet est obligé de déposer sa candidature, mais d’autres personnes et entreprises peuvent également y souscrire. L’attribution définitive du projet est fonction de la longueur de la concession proposée ou des tarifs. Ce n’est qu’après l’attribution de la concession qu’un cahier des charges définitif est rédigé. Il mentionne et réglemente la construction, l’exploitation et le transfert des infrastructures en faveur de l’État au terme de la concession » (S. VAN DOOREN, « La contribution du secteur privé au développement du réseau ferré », in B. VAN DER HERTEN, M. VAN MEERTEN et G. VERBEURGT (dir.), Le temps du train, op. cit., p. 98).
  • [82]
    Loi du 15 avril 1843 qui proroge la loi sur les concessions de péages.
  • [83]
    « La nouvelle loi prévoit la procédure suivante : le service des Ponts et Chaussées doit reconnaître admissible la demande de concession et les chambres de commerces et commissions d’enquête provinciales auront la possibilité de formuler leurs remarques ; le cahier des charges provisoire est ensuite remis à cinq sections parlementaires différentes. Celles-ci examinent dans le détail le tracé proposé, les aspects juridiques (expropriations) et l’impact de la concession sur le trafic des chemins de fer de l’État. Finalement, sur base des remarques des différentes sections parlementaires, la section centrale rédige un rapport de synthèse avec son analyse propre. Les parlementaires peuvent alors faire appel à ce rapport lors des débats parlementaires qui précèdent le vote de la loi, et décider d’octroyer ou de refuser le contrat de concession » (S. VAN DOOREN, « La contribution du secteur privé au développement du réseau ferré », op. cit., p. 100).
  • [84]
    M. LAFFUT, « Vers le réseau ferré le plus dense du globe », op. cit., p. 73.
  • [85]
    Loi du 20 décembre 1851 relative à l’exécution de divers travaux d’utilité publique.
  • [86]
    M. LAFFUT, « Vers le réseau ferré le plus dense du globe », op. cit., p. 76.
  • [87]
    Ibidem, p. 64-73.
  • [88]
    En matière technique, on peut souligner l’influence importante du rail anglais sur les choix formulés pour les chemins de fer de l’État par les ingénieurs de Ridder et Simons, lesquels se sont rendus au Royaume-Uni pour s’inspirer du seul État européen disposant déjà d’un embryon de réseau (J. DELMELLE, Histoire des chemins de fer belges, Bruxelles, P. Legrain, 1977). Quant aux composantes infrastructurelles et du matériel roulant, leurs modèles sont commandés en Angleterre (par exemple, à l’entreprise de Stephenson en ce qui concerne les locomotives) et sont reproduits en masse par l’industrie belge (Ibidem ; B. VAN DER HERTEN, « Les racines des chemins de fer belges (1825-1835) », op. cit., p. 50-63). Le signe contemporain le plus visible de l’influence anglaise sur la conception du rail belge est le sens de circulation des convois sur les lignes à deux voies, sur lesquelles ils roulent à gauche. Pour les lignes concédées, la situation est plus contrastée car les ingénieurs sont plus diversifiés.
  • [89]
    Ceci n’exclut pas l’hypothèse d’accords ponctuels entre l’État et certaines sociétés concessionnaires ou entre sociétés concessionnaires. Mais la portée et le nombre de ces accords (s’ils existent) sont limités parce que, le plus souvent, l’État et les sociétés privées se font la concurrence plus qu’ils ne collaborent (S. VAN DOOREN, « La contribution du secteur privé au développement du réseau ferré », op. cit., p. 96-113). Et ces questions ne relèvent pas directement du régime institutionnel.
  • [90]
    M. LAFFUT, « Vers le réseau ferré le plus dense du globe », op. cit., p. 64-95.
  • [91]
    S. VAN DOOREN, « La contribution du secteur privé au développement du réseau ferré », op. cit., p. 106.
  • [92]
    Ibidem, p. 96-113.
  • [93]
    Ibidem, p. 96-113.
  • [94]
    On peut distinguer trois « mouvements de nationalisation ». Durant le premier mouvement (1870-1882), l’État vient en aide aux sociétés concessionnaires en difficulté. Cette situation lui permet d’imposer plus facilement ses conditions. Durant le deuxième mouvement (1896-1899), les sociétés concessionnaires sont en mesure de poser des exigences plus élevées pour le rachat de leurs droits. La volonté de l’État de nationaliser le secteur est plus clairement exprimée par l’État et plus largement perçue dans l’opinion, ce qui le place en position de demandeur. Le troisième mouvement de nationalisation (1906-1948) vise à compléter l’important travail déjà accompli, par le biais d’épisodes de rachat plus disparates et de moindre ampleur. « L’activité ferroviaire est considérée comme un service public et la nationalisation de l’ensemble du réseau ferré n’est qu’une question de temps » (Ibidem, p. 113).
  • [95]
    Loi du 13 mars 1873 de rachat par l’État de la Grande compagnie du Luxembourg ; lois successives de rachats de concessions.
  • [96]
    Loi du 23 février 1869 relative aux cessions de concessions de chemins de fer.
  • [97]
    Loi du 24 mai 1882 qui permet au gouvernement d’accorder des dérogations aux clauses des cahiers des charges des concessions de chemins de fer.
  • [98]
    S. VAN DOOREN, « La contribution du secteur privé au développement du réseau ferré », op. cit., p. 96-113.
  • [99]
    Le souci d’harmoniser le réseau des voies ferrées du sud pays est d’ailleurs invoqué comme argument pour le rachat de la Grande compagnie du Luxembourg, en 1873 (Ibidem, p. 96-113).
  • [100]
    « La partie belge de la ligne Gand-Terneuzen est reprise par la SNCB en 1930, la partie hollandaise revenant à la société Malines-Terneuzen. La Compagnie du chemin de fer du Nord est la dernière société privée importante. Son rachat s’opère par la loi du 30 décembre 1946, avec effet rétroactif au 10 mai 1940 afin de régler d’emblée la question des réparations de guerre. À cette date, ne subsistent que deux lignes exploitées par des compagnies privées, en l’occurrence Malines-Terneuzen et Chimay-Mariembourg. La première citée est rachetée en 1952, mais était déjà exploitée par la SNCB depuis quatre ans. La reprise de la seconde est définitivement réglée en 1958, bien que l’exploitation ait également été confiée à la SNCB depuis 1948. C’est donc vers la fin des années cinquante que la Société nationale des chemins de fer belges est propriétaire de l’intégralité de l’infrastructure ferroviaire belge » (Ibidem, p. 113).
  • [101]
    G. VANTHEMSCHE, « L’Entre-deux-guerres, période charnière de l’histoire des chemins de fer belges (1919-1939) », op. cit., p. 150-181.
  • [102]
    Ibidem, p. 154.
  • [103]
    Ibidem, p. 150-181.
  • [104]
    Ibidem, p. 162.
  • [105]
    Loi du 23 juillet 1926 créant la Société nationale des chemins de fer belges (devenue « loi relative à la SNCB Holding et à ses sociétés liées » par l’arrêté royal du 19 octobre 2004 portant certaines mesures de réorganisation de la Société nationale des chemins de fer belges).
  • [106]
    G. VANTHEMSCHE, « L’Entre-deux-guerres, période charnière de l’histoire des chemins de fer belges (1919-1939) », op. cit., p. 150-181.
  • [107]
    Ibidem, p. 163.
  • [108]
    Enfin, on peut mentionner – mais cela ne relève pas du régime institutionnel – qu’en 1926 la composition complexe du conseil fait la part belle à plusieurs personnages influents du monde des affaires. Trois d’entre eux se retrouvent même dans le comité permanent : Alexandre Galopin, Gaston Ithier et Jules Jadot. Ce dernier est à la fois vice-président du conseil d’administration et président du comité permanent : c’est donc l’homme fort de la nouvelle société. Tous les trois sont intimement liés aux grands groupes financiers du pays : Alexandre Galopin est directeur de la Société Générale de Belgique et Jules Jadot, auteur du programme de réforme de l’exploitation des chemins de fer, en dirige les filiales de transport, tandis que Gaston Ithier représente les intérêts de la Banque de Bruxelles dans ce secteur. Notons également les parallèles entre le fonctionnement de la SNCB et celui de la Sabena, créée à la même époque (23 mai 1923).
  • [109]
    Loi du 25 août 1891 portant révision du Code de commerce concernant les contrats de transport.
  • [110]
    G. VANTHEMSCHE, « L’Entre-deux-guerres, période charnière de l’histoire des chemins de fer belges (1919-1939) », op. cit., p. 163. Le capital de la SNCB « est fixé à 11 milliards de francs, c’est-à-dire 10 millions d’actions ordinaires de 100 BEF chacune et 20 millions d’actions privilégiées de 500 BEF chacune. Elles sont toutes attribuées à l’État belge, en échange de l’apport du réseau et du matériel. Il conserve les actions ordinaires (ce qui lui confère 10 millions de voix à l’assemblée générale de la société) tandis que les 20 millions d’actions privilégiées (dont chaque groupe de dix donne droit à une voix dans ce même organe) sont cédées au Fonds d’amortissement de la dette publique, une institution publique fondée à l’initiative de Francqui pour accélérer l’assainissement des Finances de l’État (par la loi du 7 juin 1926) » (Ibidem, p. 162-163).
  • [111]
    Ibidem, p. 176.
  • [112]
    P. SERVAIS, « De la consolidation du réseau aux nouveaux défis européens (1945-2001) », op. cit., p. 200-232.
  • [113]
    Arrêté royal n° 452 du 29 août 1986 modifiant la loi du 23 juillet 1926 créant la Société nationale des chemins de fer belges.
  • [114]
    Arrêté royal n° 451 du 29 août 1986 relatif à l’assainissement des finances de la Société nationale des chemins de fer belges.
  • [115]
    Arrêté royal du 30 septembre 1992 portant approbation du premier contrat de gestion de la Société nationale des chemins de fer belges et fixant des mesures relatives à cette Société.
  • [116]
    Le texte de l’art. 157 de la loi elle-même, par exemple, est plus explicite encore : « La fixation, le calcul et le paiement des subventions visées à l’art. 3, §2, 4°, de la présente loi seront opérés conformément aux règles communes pour la normalisation des comptes des entreprises de chemin de fer, telles qu’elles découlent des règlements CEE n° 1191/69 du 26 juin 1969 du Conseil de la CEE relatif à l’action des États membres en matière d’obligations inhérentes à la notion de service public dans le domaine du transport par chemin de fer, par route et par voie navigable, n° 1192/69 du 26 juin 1969 du Conseil de la CEE relatif aux règles communes pour la normalisation des comptes des entreprises de chemin de fer et n° 1170/70 du Conseil de la CEE relatif aux aides accordées dans le domaine du transport par chemin de fer, par route et par voie navigable, ainsi que de la décision n° 75/327/CEE du 20 mai 1975 du Conseil relative à l’assainissement de la situation des entreprises de chemin de fer et à l’harmonisation des règles régissant les relations financières entre ces entreprises et les États ».
  • [117]
    « L’État procède à l’aliénation des biens immeubles que la Société ne juge plus nécessaires à son activité. Toutefois, lorsqu’elle le juge conforme à ses intérêts, la Société est autorisée à aliéner à son profit, selon les règles du droit commun et sans application des principes et formalités repris dans la loi du 31 mai 1923 relative à l’aliénation d’immeubles domaniaux, les biens immeubles appartenant à l’État et dont elle a la jouissance. Les fonctionnaires de l’Administration de la taxe sur la valeur ajoutée, de l’Enregistrement et des Domaines, sont habilités à recevoir ces actes dans la forme authentique. L’octroi d’autres droits réels sur ces biens est soumis aux mêmes règles. Les modalités d’exécution de cette disposition feront l’objet d’une convention entre la Société, le ministre des Finances et le ministre des Communications » (art. 167).
  • [118]
    Arrêté royal du 30 septembre 1992 portant approbation du premier contrat de gestion de la Société nationale des chemins de fer belges et fixant des mesures relatives à cette Société.
  • [119]
    E. GEERKENS, « Structures et organisation de la SNCB dans une perspective historique », in B. VAN DER HERTEN, M. VAN MEERTEN et G. VERBEURGT (dir.), Le temps du train, op. cit., p. 263.
  • [120]
    Comme nous l’avons souligné supra, en Belgique, la loi du 18 février 1969 autorise le Roi à arrêter les mesures d’exécution des traités et actes internationaux en matière de transport par mer, par route, par chemin de fer ou par voie navigable.
  • [121]
    Les mesures « cadres » du processus de libéralisation sont l’arrêté royal du 5 février 1997 exécutant la directive du Conseil des Communautés européennes (91/440/CEE) du 29 juillet 1991 relative au développement des chemins de fer communautaires ; l’arrêté royal du 11 décembre 1998 relatif à la licence d’entreprise ferroviaire et à l’utilisation de l’infrastructure ferroviaire (transposition des directives 95/18/CE et 95/19/CE) ; l’arrêté royal du 12 mars 2003 relatif aux conditions d’utilisation de l’infrastructure ferroviaire ; la loi du 4 décembre 2006 relative à l’utilisation de l’infrastructure ferroviaire ; et la loi du 19 décembre 2006 relative à la sécurité d’exploitation ferroviaire. La liste complète des lois et arrêtés royaux qui régissent le secteur ferroviaire belge durant la cinquième phase de régime institutionnel figure dans S. MOYSON, et D. AUBIN, Analyse du régime institutionnel du secteur ferroviaire en Belgique (1832-2009), Sion, IUKB, 2010 (Working Paper, 3), p. 92-93.
  • [122]
    Entre 2004 et 2008, un « Fonds de l’infrastructure ferroviaire », érigé en société anonyme de droit public, a été propriétaire de l’infrastructure ferroviaire, qu’il mettait à disposition d’Infrabel, aux fins de gestion. L’idée était de faire verser par Infrabel une redevance au Fonds, en vue de rembourser la dette accumulée par les chemins de fer belges durant les décennies passées. Cette idée a depuis été abandonnée.
  • [123]
    Jusqu’en 2003, les normes sont proposées par la SNCB et doivent être approuvées par le ministre compétent, le Ministère des Transports étant responsable du contrôle de leur application.
  • [124]
    L’arrêté royal du 5 février 1997 organise déjà la séparation comptable entre les activités – de service public – de gestion de l’infrastructure et les activités commerciales de la SNCB, au moment où celle-ci est encore unifiée.
  • [125]
    En pratique, les priorités suivantes sont appliquées. Sur les lignes à grande vitesse : les trains à grande vitesse, puis les trains rapides de voyageurs, puis les autres trains. Sur les lignes spécialisées pour le transport de marchandises : les trains de marchandises rapides, puis les trains de marchandises lents, puis les trains de voyageurs du service public, puis les autres trains. Sur les lignes spécialisées pour le transport de voyageurs : les trains à grande vitesse pour la desserte intérieure et les trains rapides du service ordinaire assurant le transport intérieur de voyageurs, puis les autres trains à grande vitesse et les autres trains rapides de voyageurs, puis les trains de voyageurs lents, puis les trains de marchandises, puis les autres trains. Sur les lignes mixtes : les trains à grande vitesse pour la desserte intérieure et les trains rapides du service ordinaire assurant le transport intérieur de voyageurs, puis les autres trains à grande vitesse et les autres trains rapides de voyageurs, puis les trains de voyageurs lents et les trains rapides de marchandises, puis les trains de marchandises lents, puis les autres trains.
  • [126]
    Le transport transfrontalier de voyageurs est le transport assuré par les trains du service ordinaire pour la partie du trajet national non couvert au titre du point précédent et jusqu’aux gares situées sur les réseaux voisins définies dans le contrat de gestion.
  • [127]
    Plus précisément, les missions de service public d’Infrabel sont les suivantes : l’acquisition, la construction, le renouvellement, l’entretien et la gestion de l’infrastructure ferroviaire ; la gestion des systèmes de régulation et de sécurité de cette infrastructure ; la fourniture aux entreprises ferroviaires des services définis par le gouvernement ; la répartition des capacités de l’infrastructure ferroviaire disponibles ; la tarification, la facturation et la perception des redevances d’utilisation de l’infrastructure ferroviaire et des services ; et la certification du personnel des entreprises ferroviaires et des sous-systèmes (infrastructurels et de matériel roulant) au regard des normes techniques et règles en matière de sécurité et d’utilisation de l’infrastructure arrêtées par le gouvernement.
  • [128]
    Plus précisément, les missions de service public de la SNCB Holding sont les suivantes : la détention et la gestion de ses participations dans le capital de la SNCB et d’Infrabel ; les activités de sécurité et de gardiennage dans le domaine ferroviaire ; l’acquisition, la construction, l’entretien et la gestion des gares et de leurs dépendances ; la conservation du patrimoine historique relatif à l’exploitation ferroviaire ; les autres missions de service public dont elle est chargée par ou en vertu de la loi (il s’agit pour l’essentiel de missions d’expertise, par exemple de formuler des propositions d’amélioration de la prévention des accidents et des incidents).
  • [129]
    Loi du 17 mars 1997 et arrêté royal du 28 mai 1999 en matière de financement de la construction des lignes à grande vitesse de frontière à frontière sur le territoire belge.
  • [130]
    D. AUBIN et F. VARONE, « La gestion de l’eau en Belgique. Analyse historique des régimes institutionnels (1804-2001) », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1731-1732, 2001.
Français

La première ligne de chemin de fer belge a été inaugurée en 1835. Aujourd’hui, le réseau de la Belgique est l’un des plus denses au monde, avec quelque 3 500 kilomètres de voies. Afin notamment de garantir sa durabilité, il est indispensable qu’une telle infrastructure soit l’objet d’une stricte régulation.
David Aubin et Stéphane Moyson retracent l’évolution des mesures de régulation, d’origine belge et internationale, en particulier européenne, depuis 1832. Ils distinguent cinq grandes phases : la création du réseau national (1832-1872), la prise en main du secteur par l’État (1873-1926), la création de la SNCB et son autonomisation (1926-1979), la rationalisation de l’activité ferroviaire et sa relance (1980-1996) et la libéralisation des chemins de fer (depuis 1997). Pour chacune d’entre elles, ils analysent les logiques qui sous-tendent les politiques publiques, les implications en termes de droits de propriété et les conséquences sur les fonctions et les acteurs concernés.
Parmi les facteurs d’évolution, la volonté de lutter contre les déficits de gestion et d’exploitation du rail ressort nettement. Cette volonté est bien au cœur de la récente libéralisation du secteur ferroviaire européen (qui, contrairement aux apparences, ne constitue pas un réel retrait de l’État en faveur du secteur privé). Le plan d’économie récemment approuvé par la SNCB, visant à atteindre un équilibre financier d’ici 2015, s’inscrit dans ce mouvement.

  1. INTRODUCTION
  2. 1. CADRE CONCEPTUEL ET THÉORIQUE
    1. 1.1. L’INFRASTRUCTURE FERROVIAIRE COMME RESSOURCE
    2. 1.2. LE RÉGIME INSTITUTIONNEL DE LA RESSOURCE
    3. 1.3. LE CADRE DE RÉGULATION DU SECTEUR
  3. 2. L’INFRASTRUCTURE FERROVIAIRE EN BELGIQUE
    1. 2.1. ÉTENDUE DE L’INFRASTRUCTURE FERROVIAIRE
    2. 2.2. USAGES DE L’INFRASTRUCTURE FERROVIAIRE
    3. 2.3. EXPLOITATION DE L’INFRASTRUCTURE FERROVIAIRE
  4. 3. RÉGULATIONS INTERNATIONALES ET EUROPÉENNES
    1. 3.1. RÉGULATIONS INTERNATIONALES
    2. 3.2. RÉGULATIONS EUROPÉENNES
      1. 3.2.1. Politique commune des transports (1960-1990)
      2. 3.2.2. Politique commune des chemins de fer (1990-2000)
      3. 3.2.3. Premier paquet ferroviaire (2001)
      4. 3.2.4. Deuxième paquet ferroviaire (2004)
      5. 3.2.5. Troisième paquet ferroviaire (2007)
      6. 3.2.6. Paquet ferroviaire 2bis (2008)
    3. 3.3. ANALYSE DES PRINCIPAUX IMPACTS DES RÉGULATIONS EUROPÉENNES
      1. 3.3.1. Régime institutionnel : politiques publiques et droits de propriété
      2. 3.3.2. Impacts sur le cadre de régulation : fonctions de régulation et configuration des acteurs
    4. 3.4. CONCLUSION
  5. 4. RÉGIMES INSTITUTIONNELS ET CADRE DE RÉGULATION EN BELGIQUE
    1. 4.1. PHASE 1 : CRÉATION DU RÉSEAU NATIONAL (1832-1872)
      1. 4.1.1. Régime institutionnel : politiques publiques et droits de propriété
      2. 4.1.2. Impacts sur le cadre de régulation : fonctions de régulation et configuration des acteurs
      3. 4.1.3. Conclusion
    2. 4.2. PHASE 2 : REPRISE EN MAIN DE L’EXPLOITATION ET DE LA PROPRIÉTÉ PAR L’ÉTAT (1873-1926)
      1. 4.2.1. Régime institutionnel : politiques publiques et droits de propriété
      2. 4.2.2. Impacts sur le cadre de régulation : fonctions de régulation et configuration des acteurs
      3. 4.2.3. Conclusion
    3. 4.3. PHASE 3 : AUTONOMISATION DE LA COMPAGNIE NATIONALE (1926-1979)
      1. 4.3.1. Régime institutionnel : politiques publiques et droits de propriété
      2. 4.3.2. Impacts sur le cadre de régulation : fonctions de régulation et configuration des acteurs
      3. 4.3.3. Conclusion
    4. 4.4. PHASE 4 : RATIONALISATION ET RELANCE DES CHEMINS DE FER (1980-1996)
      1. 4.4.1. Régime institutionnel : politiques publiques et droits de propriété
      2. 4.4.2. Impacts sur le cadre de régulation : fonctions de régulation et configuration des acteurs
      3. 4.4.3. Conclusion
    5. 4.5. PHASE 5 : LIBÉRALISATION DES CHEMINS DE FER (DEPUIS 1997)
      1. 4.5.1. Régime institutionnel : politiques publiques
      2. 4.5.2. Impacts sur le cadre de régulation : fonctions de régulation et configuration des acteurs
      3. 4.5.3. Régime institutionnel : droits de propriété
      4. 4.5.4. Conclusion
  6. CONCLUSION
David Aubin
Stéphane Moyson
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
La première ligne de chemin de fer belge a été inaugurée en 1835. Aujourd’hui, le réseau de la Belgique est l’un des plus denses au monde, avec quelque 3 500 kilomètres de voies. Afin notamment de garantir sa durabilité, il est indispensable qu’une telle infrastructure soit l’objet d’une stricte régulation.
David Aubin et Stéphane Moyson retracent l’évolution des mesures de régulation, d’origine belge et internationale, en particulier européenne, depuis 1832. Ils distinguent cinq grandes phases : la création du réseau national (1832-1872), la prise en main du secteur par l’État (1873-1926), la création de la SNCB et son autonomisation (1926-1979), la rationalisation de l’activité ferroviaire et sa relance (1980-1996) et la libéralisation des chemins de fer (depuis 1997). Pour chacune d’entre elles, ils analysent les logiques qui sous-tendent les politiques publiques, les implications en termes de droits de propriété et les conséquences sur les fonctions et les acteurs concernés.
Parmi les facteurs d’évolution, la volonté de lutter contre les déficits de gestion et d’exploitation du rail ressort nettement. Cette volonté est bien au cœur de la récente libéralisation du secteur ferroviaire européen (qui, contrairement aux apparences, ne constitue pas un réel retrait de l’État en faveur du secteur privé). Le plan d’économie récemment approuvé par la SNCB, visant à atteindre un équilibre financier d’ici 2015, s’inscrit dans ce mouvement.
Mis en ligne sur Cairn.info le 02/11/2011
https://doi.org/10.3917/cris.2114.0005
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