CAIRN.INFO : Matières à réflexion

– Introduction

1 Au cours des vingt dernières années, le dialogue social transnational s’est fortement développé au niveau interprofessionnel, sectoriel et de l’entreprise, avant tout dans un cadre européen, mais également au niveau mondial [1]. Au plan international, l’expression « dialogue social » est généralement préférée à celle de « concertation sociale ». Elle recouvre un ensemble de pratiques d’information, de consultation et de négociation qui impliquent des représentants patronaux et des représentants des travailleurs. Parmi les indicateurs du mouvement d’internationalisation, on peut mentionner l’accroissement du nombre d’accords transnationaux d’entreprise  [2] ou du nombre de textes conclus au sein des comités de dialogue social sectoriel au sein de l’Union européenne [3]. Ce développement pose la question de l’interaction des différents niveaux de dialogue, d’autant plus que ces pratiques de négociation ne s’inscrivent pas toujours dans un cadre juridique précis et une architecture établie de dialogue social. C’est le cas, en particulier, pour les textes négociés au niveau des entreprises.

2 Au plan européen, le développement du dialogue social transnational a été très largement soutenu et favorisé par l’action des institutions de l’Union européenne. Les textes discutés par les partenaires sociaux au niveau interprofessionnel et sectoriel bénéficient de l’existence d’un cadre juridique inscrit dans les articles 154 et 155 du traité instituant la Communauté européenne, et d’un soutien des institutions de l’Union européenne, aussi bien dans le processus de dialogue entre partenaires sociaux que dans la phase de mise en œuvre.

3 Les accords négociés dans les entreprises transnationales, au plan européen, trouvent leur origine plutôt dans la culture de l’entreprise, dans l’engagement de la part du management et dans la tradition et la qualité du dialogue social dans le pays du siège de l’entreprise. Cependant, les institutions de l’Union européenne ont aussi contribué à leur développement, en créant un cadre pour les relations entre entreprises et représentants des travailleurs en matière d’information, de consultation et de participation  [4].

4 Au plan mondial, le dialogue social transnational reste essentiellement limité aux activités au sein des entreprises multinationales, et aux seuls quelques secteurs spécifiques ayant commencé à développer des pratiques de dialogue social, voire à négocier des accords collectifs. Le dynamisme du dialogue social transnational à l’échelon mondial repose ainsi, pour l’essentiel, sur l’action et l’engagement des partenaires sociaux dans les entreprises. Ceci étant, les accords transnationaux d’entreprise ne sont pas sans lien avec les institutions européennes, puisque les comités d’entreprise européens jouent souvent un rôle primordial dans l’ouverture et le développement d’un dialogue social transnational au niveau mondial  [5].

5 Le développement récent du dialogue social transnational a donné lieu ces dernières années à un nombre croissant de recherches en droit, en gestion et en sociologie  [6]. Certaines de ces recherches explorent les enjeux théoriques de ce dialogue, en s’interrogeant sur sa contribution potentielle à la régulation sociale dans le contexte de la mondialisation  [7], sur l’intérêt d’un cadre juridique européen ou international dans ce domaine  [8], ou sur les liens entre le dialogue social transnational et le dialogue au niveau national, régional et local  [9]. D’autres recherches portent sur l’analyse, souvent comparative, d’expériences de dialogue social transnational et leur impact sur les relations de travail et les conditions de travail.

6 Dans la majorité des cas, ces recherches se concentrent cependant sur un niveau particulier du dialogue social transnational sans adopter une vision globale ou comparative de ces différents niveaux, ni chercher à explorer le potentiel ou la réalité de leurs interactions. Alors que certaines études récentes évoquent l’articulation entre le dialogue social transnational et le dialogue social national, régional et local, soit au niveau des entreprises, soit au niveau des secteurs  [10], le thème de l’articulation, ou des interactions, entre le dialogue social transnational au niveau interprofessionnel, sectoriel et de l’entreprise n’a pas encore fait l’objet de recherches approfondies.

7 Pourtant, la question de l’articulation entre les différents niveaux de dialogue social transnational présente un réel intérêt pour l’ensemble des acteurs concernés. Créer des liens entre les différents niveaux, favoriser des synergies ou évoquer des pistes pour répartir les rôles entre les différents niveaux sont autant d’éléments qui permettraient de renforcer l’efficacité de tous les niveaux du dialogue social transnational. Dans les différents contextes nationaux, la question de l’articulation entre niveaux du dialogue social fait d’ailleurs l’objet de recherches et de débats, voire souvent d’une régulation imposée par les pouvoirs publics ou négociée entre les partenaires sociaux.

8 Le présent Courrier hebdomadaire a pour objet d’étudier les interactions entre les différents niveaux de dialogue social transnational  [11]. Les résultats intermédiaires de cette recherche ont été présentés dans le contexte d’une Conférence organisée par la présidence française de l’Union européenne, les 13 et 14 novembre 2008, à Lyon, sur les accords transnationaux d’entreprise, dont les débats ont enrichi cette version finale du rapport. Cette étude prend ainsi comme point de départ les accords transnationaux d’entreprise pour analyser les interactions actuelles et potentielles entre le dialogue social transnational au niveau de l’entreprise et les autres niveaux de dialogue social transnational, en posant d’abord une série de questions de recherche et d’hypothèses de travail, pour aborder ensuite ces interactions.

1 – Objectifs, terminologie et méthode de travail

1.1 – Objectifs

9 L’articulation des niveaux constitue une question classique en relations professionnelles, mais elle se pose de façon très particulière au plan transnational. En effet, par comparaison aux « systèmes » de relations professionnelles nationaux, où les acteurs sont établis depuis longtemps, où les instances et les modes de régulation sont clairement définis même s’ils évoluent, au plan international les acteurs sont en émergence, les instances de dialogue social ne sont pas clairement établies dès que l’on quitte l’espace de l’Union européenne, et les modes de régulation peuvent être indéfinis. On ne peut, à ce jour, réellement considérer qu’il existe un système de relations professionnelles « supranationales » qui viendrait se superposer aux systèmes nationaux  [12]. Il existe cependant des pratiques de dialogue social international, dont le statut et la nature font débat  [13]. Ces pratiques sont le plus souvent portées par des acteurs qui sont eux-mêmes en cours de constitution en tant qu’acteurs de dialogue social, et elles soulèvent de nombreuses questions quant à leur rôle potentiel dans l’émergence de modes de régulation sociale supranationale ou transnationale.

10 Dès lors, s’interroger sur l’articulation des niveaux de dialogue social mondial et européen consiste à examiner quelles sont les relations entre les acteurs impliqués dans les diverses instances qui y sont à l’œuvre, sur les champs de régulation sociale qui y sont couverts, et sur l’effectivité des normes qui y sont définies, sachant qu’il y a convergence dans la littérature pour les considérer comme du droit « mou » (soft law). S’ajoute à cela, en ce qui concerne les accords transnationaux d’entreprise, une question sur la place et le rôle de l’entreprise en tant qu’espace de régulation sociale  [14] au plan supranational, comparativement aux espaces sectoriels et intersectoriels de dialogue social.

11 Compte tenu de l’ampleur et de la complexité du sujet, l’étude sur l’articulation entre les niveaux de dialogue social transnational ne peut que revêtir un caractère exploratoire. Le but consiste avant tout à mettre en commun et de croiser les recherches menées sur chacun des niveaux de dialogue social transnational (interprofessionnel, sectoriel et de l’entreprise d’une part, européen et mondial d’autre part).

12 Conformément aux questions soulevées initialement, trois dimensions ont été retenues dans l’étude : les acteurs, les thèmes, les dispositifs de mise en œuvre des textes.

13 En ce qui concerne les acteurs impliqués dans le dialogue social transnational, il s’agit en premier lieu d’identifier les acteurs des différents niveaux du dialogue social transnational, aussi bien du côté des employeurs que du côté des représentants des travailleurs. S’agit-il, au moins en partie, des mêmes acteurs ? Y a-t-il des interactions entre eux ? Procèdent-ils à une « diffusion » des pratiques d’un niveau vers un autre, ou peut-on observer des phénomènes d’isomorphisme  [15] ?

14 Les thèmes traités dans le dialogue social transnationaldoivent également être identifiés et comparés : les thèmes abordés dans les accords sont-ils les mêmes aux différents niveaux ? Existe-t-il une répartition des thèmes entre les niveaux ? Y a-t-il des références aux mêmes normes, voire y a-t-il parfois des références à des accords transnationaux conclus à un autre niveau ?

15 Quant à la question des dispositifs de mise en œuvre, elle renvoie plus largement à l’appropriation par les acteurs locaux. Il s’agit ici d’étudier la manière dont les accords issus du dialogue social transnational sont mis en œuvre et diffusés parmi les acteurs locaux. Y a-t-il des approches similaires aux différents niveaux du dialogue social transnational ? Ici se pose la question très complexe des relations entre les accords internationaux et les acteurs et institutions du dialogue social national. Que sait-on, à ce jour, sur la mise en œuvre de ces textes, et sur la manière dont les acteurs locaux s’en emparent ou non, pour les transformer en outils de régulation locale ?

16 En théorie, une étude sur ce sujet devrait couvrir douze types d’interactions différentes si l’on considère les trois espaces que constituent le plan international, européen et national, ainsi que les trois niveaux de relations professionnelles que sont l’interprofessionnel, le secteur et l’entreprise (comme l’indique la figure 1).

17 L’exercice serait non seulement fastidieux mais peu pertinent. D’une part, par exemple le dialogue social transnational sectoriel au plan international est quasiment inexistant. D’autre part, de nombreux liens ont déjà été examinés par ailleurs, en particulier pour ce qui concerne les relations entre le plan européen et le plan national  [16]. Enfin, cette étude s’inscrivait, dès le départ, dans la suite de la publication par la Commission européenne d’un document de travail sur les accords transnationaux d’entreprise et les questions qu’ils posent  [17], en lien avec la Conférence organisée par la présidence française de l’Union européenne à Lyon les 13 et 14 novembre 2008  [18]. C’est dans cette perspective que la suite du rapport se concentre sur les interactions entre les accords transnationaux d’entreprise et les autres niveaux de dialogue social transnational.

18 En conséquence, le rapport passe d’abord en revue l’état de la question sur le dialogue social transnational d’entreprise (chapitre deux), avant effectuer un bref état des lieux sur les autres niveaux de dialogue social transnational (chapitre trois). Le chapitre quatre examine les relations entre accords transnationaux d’entreprise et ces autres niveaux, en passant successivement en revue les relations entre entreprises transnationales elles-mêmes, les relations avec le dialogue social sectoriel européen et, enfin, avec le niveau national.

Figure 1

Interactions théoriques entre niveaux de dialogue social transnational

figure im1
DISAOLCOIGALUE Interprofessionnel Sectoriel D'entreprise
Au plan international
Au plan européen
Au plan national

Interactions théoriques entre niveaux de dialogue social transnational

1.2 – Terminologie : articulations ou interactions ?

19 Peu de recherches abordent pour l’instant ces questions, car elles se concentrent sur une analyse approfondie d’un niveau particulier de dialogue social transnational. Lorsque des liens sont évoqués, c’est souvent sous forme de problématique ou d’interrogation comme, par exemple, lorsque la question de la mise en œuvre des textes au plan national est évoquée.

20 Le terme « d’articulation » renvoie à une notion de jointure physique entre des éléments clairement établis. Il semble peu approprié pour traiter des liens éventuels entre des accords transnationaux et d’autres niveaux de dialogue social, alors même que les premiers ne s’inscrivent pas, à ce jour, dans une hiérarchie clairement établie des normes et des instances de relations professionnelles. Il semble dès lors plus indiqué d’évoquer les interactions entre niveaux, pour considérer à la fois les parallèles, les points communs et les influences réciproques. Si l’on réfléchit a priori à quelques hypothèses sur ces interactions, trois scénarios se profilent :

21

  • dans un premier scénario, il n’y a pas d’interactions entre accords transnationaux d’entreprise et les autres niveaux de dialogue social transnational. On aurait affaire ici à une « logique de niche », où chaque lieu serait spécifique, avec ses propres acteurs, sa propre dynamique, ses propres thèmes de discussion. Dans ce scénario, il n’y aurait donc pas ou peu d’interactions entre les acteurs et l’on trouverait une indépendance des sujets traités. Les accords transnationaux d’entreprise seraient ainsi dans une logique de « niche » telle que la décrit R. Bourque, « niche que ne leur contestent pas leurs affiliés nationaux et [les] partenaires syndicaux, car ils se limitent pour l’essentiel à des déclarations de principes sur le respect des droits sociaux et humains fondamentaux et le respect des normes minimales nationales par les entreprises multinationales dans leurs opérations à l’échelle mondiale  [19] » ;
  • un deuxième scénario possible réside dans des liens ponctuels entre les acteurs ou, tout au moins, certains d’entre eux, selon le lieu de dialogue à l’œuvre et ses conditions institutionnelles, selon les acteurs impliqués et selon les enjeux et thèmes traités. Il pourrait alors y avoir une logique de « coordination ad hoc », se produisant occasionnellement ;
  • enfin, un troisième scénario consisterait en liens réguliers (potentiellement structurels) entre instances, acteurs et niveaux, selon une logique de « structuration » telle qu’on peut la retrouver dans l’architecture des systèmes nationaux de relations professionnelles.

22 À ce stade, il paraît raisonnable d’avancer, au titre d’hypothèse de travail, que si interactions il y a, il s’agit plutôt d’influences réciproques et d’interdépendances en construction, plutôt que d’articulations fonctionnelles structurées.

23 Dans tous les cas, les questions touchent à des régulations en cours d’émergence, et donc ne peuvent être posées de façon statique [20]. Les interactions peuvent être envisagées de deux façons contrastées. Elles peuvent prendre la forme de complémentarité, d’influences réciproques et d’apprentissage mutuel, dans le cadre d’une construction, lente mais progressive, d’espaces de régulation supranationale coordonnés entre eux. Mais elles peuvent aussi apparaître sous forme de tensions et de concurrence entre divers espaces de régulation et, en particulier ici, entre le niveau de l’entreprise transnationale et, d’une part, le dialogue social national et, d’autre part, le dialogue social sectoriel ou interprofessionnel européen. Dès lors que se pose la question d’une possible régulation au plan international, l’importance du rôle de l’entreprise par rapport à d’autres niveaux de régulation se trouve posée.

2 – Le dialogue social transnational d’entreprise

24 Au cours des dix dernières années, le dialogue social transnational s’est fortement développé au niveau de l’entreprise. On entend ici par entreprise un groupe multinational dirigé par une maison mère et composé de filiales liées entre elles ou avec la maison mère par des liens financiers et hiérarchiques. Dans son document de travail de juillet 2008 sur les accords transnationaux d’entreprise, la Commission européenne  [21] recense 147 textes négociés dans 89 entreprises, essentiellement depuis l’année 2000. Parmi ces textes, 76 ont un champ d’application limité aux filiales situées sur le territoire européen, alors que 59 s’appliquent dans le monde entier et que 12 contiennent à la fois des dispositions ayant une vocation mondiale et des dispositions se limitant à l’Europe. La Commission elle-même considère que ce chiffre est sous-estimé, car certains accords transnationaux d’entreprise, surtout ceux ayant une vocation européenne, ne sont pas diffusés par les acteurs qui les ont négociés.

25 Dans le domaine du dialogue social transnational au niveau de l’entreprise, la distinction entre la sphère internationale et la sphère européenne peut être questionnée. En effet, même dans la sphère européenne, aucun cadre institutionnel ou juridique n’existe à ce jour pour les accords transnationaux d’entreprise, à part le cas des accords portant sur la mise en place du comité d’entreprise européen, et ceux qui déterminent la place des salariés dans la société européenne. Par ailleurs, les accords transnationaux ayant une vocation mondiale sont, dans leur très grande majorité, négociés par des entreprises dont le siège se trouve au sein de l’Union européenne. Il existe donc une proximité certaine entre les deux types de dialogue social transnational d’entreprise.

26 Pour autant, des différences subsistent entre les accords transnationaux d’entreprise ayant une vocation mondiale et ceux ayant une vocation européenne, notamment du point de vue des acteurs impliqués et des thématiques abordées, justifiant de les traiter de manière séparée.

2.1 – Au plan international

27 On recense aujourd’hui une soixantaine d’accords transnationaux d’entreprise ayant vocation à s’appliquer dans le monde entier, généralement appelés accords-cadres internationaux. Le nombre exact de ces accords varie légèrement selon les études qui leur sont consacrées, dès lors que le champ d’application de ces accords n’est pas toujours bien précisé et qu’il y a une frontière flottante avec les accords ayant une vocation européenne seulement.

28 Pour la présente étude, nous avons retenu, pour cette catégorie internationale, 63 textes figurant dans le tableau 1, en adaptant légèrement la liste des 59 accords mentionnés dans le document de travail de la Commission de juillet 2008  [22], et en y ajoutant les accords signés entre la finalisation de ce document et le mois de novembre 2008. Les textes de ces accords sont librement disponibles sur les sites internet des fédérations syndicales signataires [23], seule Union Network International (UNI) réservant l’accès aux affiliés [24].

Tableau 1

Accords transnationaux d’entreprise à vocation mondiale 1

Entreprise Pays Année Signataires du côté des salariés
Féd. synd. internat. Féd. synd. europ. Comité d’ent. eur. Féd. synd. nat.
Accor
Anglogold
Arcelor Mittal
Ballast Nedam
BMW
Bosch
Brunel
Carrefour
Chiquita
Club
Méditerrannée
DaimlerChrysler
Danone
Danske Bank
EADS
EDF
Endesa
ENI
France
Afrique du
Sud
Luxembourg
Pays-Bas
Allemagne
Allemagne
Pays-Bas
France
États-Unis
France
Allemagne
France
Danemark
Pays-Bas
France
Espagne
Italie
1995
2002
2005
2002
2005
2004
2007
2001
2001
2004
2002
1988
2008
2005
2004
2002
2002
UITA
ICEM
FIOM
IBB
FIOM
FIOM
FIOM
UNI
UITA
UITA
FIOM
UITA
UNI
FIOM
ICEM/ISP/ OIEM/ FMTI
ICEM
ICEM
-
-
FEM
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
FEM
-
-
-
Non
Non
Non
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Oui
Oui
Non
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Oui
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Non
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Non
Non
Non
Non
Oui
Non
Non
Non
Non
Non
Oui
Non
Oui
Oui
Oui
tableau im2
Euradius
Faber Castell
Fonterra
France Télécom
Freudenberg
GEA
H&M
Hochtief
IKEA
Impreglio
Inditex
ISS
Italcementi
Lafarge
Leoni
Lukoil
Merloni-Indesit
Metro
Nampak
NAG
Norske Skog
OTE
Portugal Telecom
Prym
PSA Peugeot
Citroën
Quebecor
RAG
Renault
Rheinmetall
Rhodia
Röchling
Royal BAM
SCA
Schwan Stabilo
Securitas
Skanska
SKF
Staedler
Statoil
Telefonica
Umicore
Vallourec
Veidekke
Volker Wessels
Volkswagen
WAZ
Pays-Bas
Allemagne
Nlle Zélande
France
Allemagne
Allemagne
Suède
Allemagne
Suède
Italie
Espagne
Danemark
Italie
France
Allemagne
Russie
Italie
Allemagne
Afrique du Sud
Australie
Norvège
Grèce
Portugal
Allemagne
France
Canada
Allemagne
France
Allemagne
France
Allemagne
Pays-Bas
Suède
Allemagne
Suède
Suède
Suède
Allemagne
Norvège
Espagne
Belgique
France
Norvège
Pays-Bas
Allemagne
Allemagne
2006
2000
2002
2006
2000
2003
2004
2000
1998
2004
2007
2003
2008
2005
2003
2004
2001
1999
2006
2006
2002
2001
2006
2004
2006
2007
2003
2004
2003
2004
2004
2007
2004
2005
2006
2001
2003
2006
1998
2000
2007
2008
2005
2007
2002
2007
UNI
IBB
UITA
UNI
ICEM
FIOM
UNI
IBB
IBB
IBB
FITTHC
UNI
IBB
IBB/ICEM
FIOM
ICEM
FIOM
UNI
UNI
UNI
ICEM
UNI
UNI
FIOM
FIOM
UNI
ICEM
FIOM
FIOM
ICEM
FIOM
IBB
ICEM
IBB
UNI
IBB
FIOM
IBB
ICEM
UNI
FIOM/ ICEM
FIOM
IBB
IBB
FIOM
FIJ
-
-
-
-
-
FEM
-
-
-
-
-
-
-
-
FEM
-
-
-
-
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-
-
-
-
FEM
-
-
-
FEM
-
FEM
-
-
-
-
-
FEM
-
-
-
-
-
-
-
-
FEJ
Non
Non
Non
Non
Non
Oui
Non
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Oui
Oui
Oui
Non
Non
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Oui
Oui
Oui
Non
Oui
Non
Non
Non
tableau im3

Accords transnationaux d’entreprise à vocation mondiale 1

1 La liste des abréviations des fédérations syndicales internationales et européennes figure dans l’annexe 2 du rapport.

29 Le tableau 2 montre que l’immense majorité de ces accords transnationaux sont signés par des entreprises dont le siège se situe au sein de l’Union européenne, en particulier en Allemagne (27 %) et en France (17 %).

Tableau 2

Accords transnationaux d’entreprise à vocation mondiale par pays

Pays Nombre d’accords signés
Allemagne 17
France 11
Pays-Bas 6
Suède 6
Italie 4
Espagne 3
Norvège 3
Afrique du Sud 2
Danemark 2
Australie 1
Belgique 1
Canada 1
États-Unis 1
Grèce 1
Luxembourg 1
Nouvelle Zélande 1
Portugal 1
Russie 1
Nombre total d’accords 63
tableau im4

Accords transnationaux d’entreprise à vocation mondiale par pays

2.1.1 – Le cadre juridique et institutionnel

30 À l’heure actuelle, aucun cadre juridique spécifique n’existe pour les accords transnationaux d’entreprise, que ce soit au plan international ou européen. Cette situation n’a empêché ni l’émergence, ni le développement du dialogue social transnational au niveau de l’entreprise. Cependant, elle pose un certain nombre de difficultés quant au statut des acteurs impliqués et signataires et quant au statut des textes eux-mêmes, soulignant ainsi la pertinence d’une réflexion à mener sur ce sujet. Dans la mesure où les réflexions sur un tel cadre juridique sont avant tout menées dans le contexte européen, nous les présenterons dans la section dédiée aux accords transnationaux à vocation européenne.

2.1.2 – Les acteurs

31 En l’absence d’un cadre juridique qui définirait les acteurs de la négociation collective transnationale au niveau de l’entreprise, de nombreuses questions se posent sur la légitimité de ces acteurs. En pratique, ces accords sont négociés et signés, d’un côté, par la direction de la société mère du groupe et, de l’autre côté, par une fédération syndicale internationale, accompagnée de plus en plus souvent par le comité d’entreprise européen et/ou des organisations syndicales nationales. Les questions relatives à leur légitimité se posent pour tous ces acteurs, même si c’est en des termes différents.

32 Du côté des employeurs, la signature par la direction de la société mère du groupe reflète la réalité du pouvoir économique au sein de l’entreprise, mais se heurte au principe de l’indépendance juridique de chaque filiale. D’un point de vue juridique, la direction de la société mère d’un groupe ne saurait engager ses filiales, qui restent les seuls employeurs des salariés travaillant pour leur compte. Pour résoudre ce problème, il faudrait donc que les dirigeants de toutes les filiales auxquelles l’accord transnational d’entreprise s’applique donnent un mandat aux dirigeants de la société mère, pour permettre à ceux-ci de négocier des engagements à leur place. Deux types de raisonnement pourraient cependant permettre de dépasser cet obstacle juridique.

33 D’une part, on pourrait considérer qu’un tel mandat est donné de manière tacite aux dirigeants de la société mère par les dirigeants des filiales, au moins pour celles qui sont contrôlées majoritairement par la société mère. D’autre part, il faut rappeler que les accords transnationaux d’entreprise ayant une vocation mondiale visent avant tout à reconnaître une responsabilité de la société mère en matière de respect des droits fondamentaux au travail, et plus largement de conditions décentes de travail et d’emploi dans l’ensemble des filiales, voire chez des fournisseurs et sous-traitants. Dès lors, les engagements pris dans l’accord semblent moins peser sur les filiales que sur la société mère dont les dirigeants sont signataires.

34 Du côté des salariés, les accords transnationaux d’entreprise ayant un champ d’application mondial sont au moins signés par une fédération syndicale internationale. Les fédérations les plus actives sont celles de la métallurgie, de la chimie, de la construction et des services. À la fin de l’année 2008, seules deux fédérations syndicales internationales n’avaient encore signé aucun accord transnational d’entreprise (cf. tableau 3).

Tableau 3

Nombre d’accords transnationaux d’entreprise à vocation mondiale signés par fédération syndicale internationale 1

Fédération syndicale internationale Nbre d’accords signés
FIOM – Fédération internationale des organisations des travailleurs de la métallurgie 18
UNI – Union Network International 14
IBB – Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois 13
ICEM – Fédération internationale des travailleurs de la chimie, de l’énergie, des mines et des secteurs connexes 13
UITA – Syndicat international de l’Association des travailleurs de l’alimentation, de l’agriculture, du secteur horeca, du tabac et des secteurs connexes 5
FIJ – Fédération internationale des journalistes 1
FITTHC – Fédération internationale des travailleurs du textile, du vêtement et du cuir 1
ISP – Internationale des services publics 1
IE – Internationale de l’éducation -
ITF – Fédération internationale des ouvriers du transport -
tableau im5

Nombre d’accords transnationaux d’entreprise à vocation mondiale signés par fédération syndicale internationale 1

1 Certains accords transnationaux d’entreprise ont été signés par plusieurs fédérations syndicales internationales, ce qui explique que le total des signatures est supérieur au nombre des accords.

35 A priori, le choix de l’acteur syndical sectoriel permet de représenter tous les salariés couverts par l’accord, quel que soit leur employeur. En obtenant la signature de cet acteur sectoriel, on contourne en effet la difficulté de trouver des représentants pour les salariés de chaque filiale, voire de chaque fournisseur et sous-traitant.

36 Ce choix introduit cependant une asymétrie entre les niveaux de négociation qui heurte les catégories juridiques traditionnelles, dans la mesure où celles-ci distinguent le dialogue social au niveau sectoriel et au niveau de l’entreprise, alors que le dialogue a lieu ici entre une seule entreprise et une fédération syndicale sectorielle.

37 Une deuxième difficulté est liée au fait que les fédérations syndicales internationales n’ont pas, en principe, de mandat pour négocier des accords transnationaux d’entreprise. Ce mandat doit leur être conféré par leurs membres, les fédérations syndicales nationales. Pour l’instant, seules la Fédération internationale des organisations de travailleurs de la métallurgie (FIOM) et Union Network International (UNI) ont défini des règles précises sur l’attribution d’un tel mandat. Certes, il s’agit de deux fédérations particulièrement actives dans ce domaine, mais la question reste posée pour les accords signés par les autres fédérations.

38 Un grand nombre d’accords transnationaux d’entreprise ayant une vocation mondiale sont cosignés par d’autres acteurs que les fédérations syndicales mondiales (tableau 4) :

39

  • 14 % sont cosignés par des fédérations syndicales européennes, soulignant le poids des acteurs européens, même dans la négociation des textes ayant une vocation mondiale. Le chiffre global de 14 % cache des différences importantes entre les secteurs. Les seules fédérations syndicales européennes ayant cosigné ces textes sont la Fédération européenne des journalistes qui a cosigné le seul accord signé par la FIJ, et la Fédération européenne de la métallurgie qui a cosigné 8 des 18 accords signés par la FIOM (44 %) ;
  • 24% des accords transnationaux d’entreprise ayant un champ d’application mondial sont cosignés par le comité d’entreprise européen concerné. Ce chiffre monte à 67 % dans le cas des accords signés dans le secteur de la métallurgie. Par ailleurs, dans de nombreux cas, le comité d’entreprise européen est associé à la négociation, voire s’en trouve à l’origine, même si en définitive il ne cosigne pas le texte à côté de la fédération syndicale internationale. La négociation des accords d’entreprise transnationaux entre la direction de l’entreprise et le comité d’entreprise européen peut permettre de lever l’ambiguïté créée par l’intervention des fédérations syndicales internationales qui sont des acteurs sectoriels et de classer ces textes clairement dans la catégorie du dialogue social d’entreprise. Cependant, deux éléments expliquent que la légitimité du comité d’entreprise européen pour signer des accords transnationaux d’entreprise à vocation mondiale est questionnée. D’une part, on peut s’interroger sur le fait qu’une instance qui ne représente que les salariés des filiales sur le territoire de l’Union européenne négocie des engagements s’appliquant aussi, voire surtout, aux salariés des filiales hors de ce territoire ainsi que souvent à ceux des sous-traitants et fournisseurs. D’autre part, la composition des comités d’entreprise européens ne garantit pas dans tous les pays la présence des organisations syndicales, considérées dans de nombreux pays comme les seuls signataires légitimes d’accords collectifs, par opposition aux représentants élus par les salariés dont la mission est souvent limitée à l’information et à la consultation. On peut néanmoins largement relativiser l’importance de ces deux difficultés dans la mesure où le comité d’entreprise européen n’est jamais le seul signataire d’un accord transnational d’entreprise à vocation mondiale mais rajoute seulement dans certains cas sa signature à celle d’une fédération syndicale sectorielle ;
  • 46% des accords transnationaux d’entreprise ayant un champ d’application mondial sont cosignés par une ou plusieurs organisations syndicales nationales, en principe du pays du siège de la société mère du groupe. Cette situation est particulièrement fréquente pour les accords négociés dans le secteur de la chimie (77 %), des services (57 %) et du bâtiment et de la construction (54 %). On peut considérer que la signature de l’accord transnational par une telle organisation syndicale nationale lui confère le statut d’un accord collectif au moins dans le pays du siège, à condition que l’organisation respecte les conditions de représentativité définies par le droit de ce pays.

Tableau 4

Nombre d’accords transnationaux d’entreprise à vocation mondiale cosignés par d’autres acteurs que les fédérations syndicales internationales

Acteurs ayant cosigné l’accord Nombre d’accords signés
Organisations syndicales nationales 29
Comités d’entreprise européens 15
Fédérations syndicales européennes 9
tableau im6

Nombre d’accords transnationaux d’entreprise à vocation mondiale cosignés par d’autres acteurs que les fédérations syndicales internationales

1 Certains accords transnationaux d’entreprise ont été cosignés par plusieurs autres acteurs que les fédérations syndicales internationales.

40 L’un des principaux enjeux posés par un accord transnational d’entreprise ne se situe pas au niveau du siège, mais au niveau des filiales, des fournisseurs et des sous-traitants, notamment ceux situées hors de l’Union européenne. Or, dans ces pays, une organisation syndicale nationale d’un autre pays n’aura aucune légitimité pour représenter les intérêts des salariés locaux. De manière exceptionnelle, deux accords transnationaux d’entreprise récents ont été signés par les organisations syndicales nationales de tous les pays où les groupes avaient des filiales importantes. Également signés par les fédérations syndicales internationales, de tels accords bénéficient sans doute de la plus grande légitimité parmi l’ensemble des modèles existants. Néanmoins, dans la mesure où, du côté patronal, ces accords ne sont pas cosignés par les dirigeants de toutes les filiales, ils ne peuvent pas être considérés comme des accords collectifs dans chacun des pays concernés. Pour cela, il faudrait que l’accord transnational d’entreprise soit transposé par des accords collectifs dans chaque filiale selon le droit du travail du pays concerné.

2.1.3 – Les thématiques

41 Le contenu des accords transnationaux d’entreprise ayant un champ d’application mondial varie de manière importante, même si, dans l’ensemble, les accords sont signés par seulement un nombre restreint de fédérations syndicales internationales et si deux d’entre elles (la FIOM et l’IBB) ont élaboré des accords types constituant une base pour les négociations dans les entreprises. Alors que certains accords se limitent à des dispositions relatives aux droits fondamentaux au travail, d’autres ont un contenu bien plus riche. On note une tendance à des accords de plus en plus riches, témoignant d’un certain processus d’apprentissage des acteurs et d’une volonté de se distinguer des concurrents par des engagements encore plus importants.

Tableau 5

Thématiques principales traitées dans les accords transnationaux d’entreprise à vocation mondiale

Thématique Pourcentage d’accords
Liberté syndicale 100
Principe de non-discrimination 98
Interdiction du travail forcé 95
Interdiction du travail des enfants 95
Santé et sécurité 87
Rémunération 72
Temps de travail 62
Formation 61
Protection de l’environnement 64
Restructurations 15
Sida 13
tableau im7

Thématiques principales traitées dans les accords transnationaux d’entreprise à vocation mondiale

1 Certains accords transnationaux d’entreprise ont été cosignés par plusieurs autres acteurs que les fédérations syndicales internationales.

42 Presque tous les accords transnationaux d’entreprise contiennent l’engagement, de la part de l’entreprise, à respecter les droits fondamentaux au travail (interdiction de faire travailler des enfants, d’avoir recours au travail forcé, de procéder à des discriminations et la reconnaissance de la liberté syndicale et de négociation collective), en faisant explicitement référence aux conventions de l’Organisation internationale du travail dans ce domaine  [25], ou à sa déclaration de 1998 relative aux principes et droits fondamentaux. Cet engagement est important, dans la mesure où les accords transnationaux s’appliquent à toutes les filiales et souvent aussi aux fournisseurs et sous-traitants, y compris dans les pays où ces droits ne sont pas reconnus ou contrôlés par les pouvoirs publics locaux. En d’autres termes, en signant un accord transnational contenant ces droits, l’entreprise s’engage à respecter des normes qui s’adressent en principe aux États, seuls destinataires des conventions de l’Organisation internationale du travail. D’une manière générale, le développement de ces accords traduit ainsi le poids croissant des entreprises dans l’économie mondiale, mais aussi leur volonté de jouer un rôle dans l’établissement de certaines formes de régulation sociale transnationale.

43 Certains accords transnationaux d’entreprise vont au-delà des droits fondamentaux au travail et contiennent également des dispositions sur les conditions de travail et d’emploi. Parmi les thématiques abordées, on trouve ainsi la protection de la santé et de la sécurité des salariés, le respect des normes nationales sur les salaires et le temps de travail, l’investissement dans la formation et plus rarement l’anticipation et l’accompagnement social des restructurations. Souvent inspirés des pratiques, voire du cadre juridique, dans le pays du siège de la société mère du groupe, ces engagements peuvent renforcer considérablement les droits des salariés dans les filiales et encore plus de ceux des fournisseurs et sous-traitants, notamment les pays non européens.

44 Certains accords transnationaux d’entreprise, en particulier les plus récents, contiennent par ailleurs des engagements relevant de la responsabilité sociétale de l’entreprise et dépassent ainsi le champ traditionnel du droit du travail et des relations professionnelles. Ces accords abordent des thématiques comme la protection de l’environnement, l’investissement dans la communauté locale, le sida ou la lutte contre la corruption. Ils contribuent donc à relier les dimensions sociales, environnementales et économiques des activités des entreprises.

2.2 – Au plan européen

45 Un grand nombre d’accords transnationaux d’entreprise ont un champ d’application limité au territoire européen. Selon le document de travail que la Commission européenne a publié sur le sujet en juillet 2008, ces accords sont même plus nombreux (76) que ceux qui ont un champ d’application mondial (59). C’est cet argument qui justifie le choix de relever les aspects spécifiques de ces textes dans un paragraphe particulier alors que, du fait de l’absence de cadre légal européen, leur statut juridique n’est pas différent des accords ayant un champ d’application mondial, et que de nombreux points communs existent entre les deux types de textes.

46 L’immense majorité des accords transnationaux d’entreprise ayant un champ d’application européen sont évidemment négociés avec des entreprises dont le siège se trouve dans les États de l’Union européenne, la France accueillant à elle seule 34 % de ces accords et 39% des entreprises les ayant signés. On note cependant que les entreprises d’origine américaine ont également été particulièrement actives dans la négociation de tels accords européens, prenant l’exemple sur l’expérience de la mise en place des comités d’entreprise européens dont l’obligation concerne aussi des entreprises ayant un siège hors de l’Union européenne.

47 Ces textes proposent un contenu souvent bien plus précis que les accords transnationaux d’entreprise à vocation mondiale, et il est très fréquent qu’une même entreprise négocie plusieurs accords à vocation européenne, soit pour traiter successivement de sujets distincts, soit pour préciser des aspects déjà évoqués dans un précédent accord. Les 62 accords européens que nous avons retenus pour l’analyse dans cette étude  [26] ont ainsi été signés par 31 entreprises seulement (cf. tableau 6). Contrairement aux accords transnationaux d’entreprise ayant une vocation internationale, les textes des accords ayant une vocation européenne sont difficilement accessibles. La Fédération européenne des métallurgistes (FEM) publie les accords qu’elle a négociés sur son site internet  [27], mais cela ne recouvre qu’une petite partie des accords transnationaux d’entreprise à vocation européenne.

Tableau 6

Accords transnationaux d’entreprise à vocation européenne

Entreprise Pays Année Signataires du côté des salariés
Fed. synd. internat. Féd. synd. europ. Comité d’entr. europ. Féd. synd. nat.
Air France France 2005 - - Non Oui
2005 - - Non Oui
2007 - - Oui Non
Arcelor Mittal Luxembourg 2002 - - Oui Non
2004 - - Oui Non
Areva France 2006 - FEM Non Non
Axa France 2005 UNI - Non Oui
Bouygues France 2001 - CES Oui Non
Club Méditerranée France 2001 - - Oui Non
DaimlerChrysler Allemagne 2006 - FEM Oui Non
Danone France 1988 UITA - Non Non
1989 UITA - Oui Non
1989 UITA - Oui Non
1997 UITA - Oui Non
2001 - - Oui Non
Dexia Belgique 2002 - - Oui Non
Diageo Royaume-Uni 2002 - - Oui Non
ENI Italie 1996 - EMCEF Non Oui
2001 - - - Oui
2003 - - Oui Non
Etex Belgique 2002 - - Oui Non
Ford États-Unis 2000 - - Oui Non
2000 - - Oui Non
2003 - - Oui Non
2004 - - Oui Non
GE Plastics États-Unis 2002 - - Oui Non
2003 - - Oui Non
2004 - - Oui Non
General Motors États-Unis 2000 - FEM Oui Non
2001 - - Oui Non
2001 - - Oui Non
2002 - FEM Oui Non
2004 - FEM Oui Non
2007 - FEM Oui Oui
2007 - FEM Oui Non
Generali Italie 2006 - - Oui Non
Geopost France 2005 UNI - Non Oui
tableau im8
If Insurance Suède 2006 - - Non Oui
Marazzi Italie 2001 - - Oui Non
Philip Morris États-Unis 1998 - - Oui Non
1998 - - Oui Non
2001 - - Oui Non
2001 - - Oui Non
2002 - - Oui Non
2005 - - Oui Non
Porr Autriche 2004 - - Oui Non
RWE Allemagne 2007 - - Oui Non
Schneider France 2007 - FEM Non Non
Solvay Belgique 1999 - - Oui Non
2002 - - Oui Non
2003 - - Oui Non
Suez France 2007 - CES Oui Non
Total France 2004 - EMCEF Non Non
2005 - EMCEF Non Non
2007 - EMCEF Non Non
Unilever Pays-Bas 2001 - - Oui Non
2004 - - Oui Non
Vinci France 2003 - - Oui Non
Vivendi France 1999 - - Oui Non
2005 - CES Non Non
tableau im9

Accords transnationaux d’entreprise à vocation européenne

1 La liste des abréviations des fédérations syndicales internationales et européennesfigure dans l’annexe 2 du rapport.
Tableau 7

Accords transnationaux d’entreprise à vocation européenne par pays

Pays Entreprises signataires Nombre d’accords signés
France 12 21
États-Unis 4 20
Allemagne 3 3
Belgique 3 5
Italie 3 5
Pays-Bas 2 3
Luxembourg 1 2
Royaume-Uni 1 1
Suède 1 1
Autriche 1 1
tableau im10

Accords transnationaux d’entreprise à vocation européenne par pays

2.2.1 – Le cadre juridique et institutionnel

48 Nous avons souligné plus haut qu’à l’heure actuelle, aucun cadre juridique spécifique n’existe pour les accords transnationaux d’entreprise ayant un champ d’application international. Le constat est le même au niveau européen, à l’exception des accords visant à mettre en place un comité d’entreprise européen ou une procédure d’information et de consultation dans les entreprises ou groupes de dimension européenne  [28] ou à définir la place des travailleurs dans la gouvernance de la société européenne  [29]. Dans ces deux cas, la négociation transnationale s’inscrit dans le cadre d’une directive européenne qui définit quels sont les acteurs habilités à négocier et quel est le statut juridique de l’accord signé par ces acteurs.

49 Si ces deux exemples montrent qu’il est possible d’envisager un cadre juridique pour les accords transnationaux d’entreprise dans l’Union européenne, l’objet de la négociation est néanmoins, dans les deux cas, limité à l’adaptation aux spécificités des entreprises d’un principe défini par les institutions européennes. Il n’est donc pas possible de transposer ces exemples à des accords transnationaux d’entreprise ayant un contenu bien plus large et s’inscrivant dans l’autonomie collective des partenaires sociaux. A fortiori, il semble difficile de transposer le cadre juridique conçu pour les accords sur la mise en place du comité d’entreprise européen aux accords transnationaux négociés par ces mêmes comités, alors que le cadre juridique limite leur rôle à l’information et à la consultation.

50 Ceci étant, l’importance accordée au dialogue social au sein de l’Union européenne et son institutionnalisation aux niveaux interprofessionnel et sectoriel ont favorisé l’émergence d’un débat sur la création au niveau de l’Union européenne d’un cadre juridique optionnel pour les accords transnationaux d’entreprise. L’objectif d’un tel cadre optionnel a été évoqué dans l’Agenda social 2005-2010  [30], et est soutenu par le Parlement européen  [31] ainsi que par le Comité économique et social  [32]. La Commission européenne a chargé un groupe d’experts animé par le professeur Alès de réfléchir aux contours d’un tel cadre juridique optionnel  [33] et a organisé des séminaires avec les partenaires sociaux sur le sujet. Au début 2009, aucun compromis n’avait encore pu être trouvé sur la question, et les accords transnationaux d’entreprise continuent donc à être négociés et mis en œuvre en dehors d’un tel cadre juridique.

2.2.2 – Les acteurs

51 Du coté des employeurs, les accords transnationaux d’entreprise à vocation européenne sont comparables à ceux qui ont une vocation mondiale – ils sont signés par les dirigeants de la société mère du groupe – et posent de ce point de vue les mêmes questions juridiques.

52 Selon les données du document de travail de la Commission européenne de juillet 2008, sur les 89 entreprises ayant signé un ou plusieurs accords transnationaux d’entreprise, seules 6 ont signé à la fois un accord ayant un champ mondial ou mixte et un ou plusieurs accords européens.

53 En ce qui concerne les secteurs dans lesquels des accords transnationaux d’entreprise ayant un champ d’application européen sont négociés, on peut constater, comme pour les accords mondiaux, la prédominance de la métallurgie. On peut cependant également noter que dans certains secteurs, les entreprises se sont engagées davantage dans le dialogue social européen que dans le dialogue social international. C’est surtout le cas des entreprises dans le secteur financier, qui n’ont négocié que très peu d’accords transnationaux à vocation mondiale, alors qu’elles sont très actives dans la négociation d’accords européens, mais aussi, dans une moindre mesure, du secteur de l’alimentation.

Tableau 8

Accords transnationaux d’entreprise à vocation européenne par secteur

Secteur Entreprises signataires Nombre d’accords signés
Métallurgie 8 20
Chimie et énergie 6 12
Services (dont finance-assurance) 7 (5) 8 (5)
Alimentation et hôtellerie 5 15
Construction 4 4
Transports et logistique 2 4
tableau im11

Accords transnationaux d’entreprise à vocation européenne par secteur

1 Certaines entreprises appartiennent à plusieurs secteurs, ce qui explique que le nombre d’entreprises et d’accords est supérieur à celui qui a été retenu pour l’étude.

54 Du côté des salariés, on retrouve les mêmes catégories d’acteurs pour les accords européens que pour les accords internationaux, sauf que les fédérations européennes remplacent en principe les fédérations internationales. Les questions relatives à la légitimité de ces acteurs sont donc les mêmes que pour les accords mondiaux.

55 Le tableau 9 montre cependant que la part des textes signés par chacune de ces catégories varie de façon importante entre les accords transnationaux ayant un champ d’application mondial et ceux qui ont un champ d’application européen. Alors que les premiers sont toujours signés par une fédération syndicale internationale, les fédérations syndicales européennes ne signent qu’un quart des accords transnationaux à vocation européenne. Ce sont les comités d’entreprise européens qui sont les plus actifs dans la signature de ces derniers. 77 % des accords transnationaux à vocation européenne sont signés par un comité d’entreprise européen, dont 77 % par ce comité seul ; 23 % sont signés en commun avec une fédération syndicale européenne ou internationale ; les 2 % restants le sont en commun avec une fédération européenne et des organisations syndicales nationales.

56 Cette différence entre les signataires des accords transnationaux d’entreprise à vocation européenne et internationale peut s’expliquer par le cadre juridique et institutionnel. Dans la mesure où ces accords portent sur des thématiques spécifiques à une entreprise, il semble naturel qu’ils soient négociés avec un interlocuteur organisé au niveau de l’entreprise plutôt qu’au niveau sectoriel. Au plan international, un tel interlocuteur n’existe pas, la seule solution pour les entreprises souhaitant établir un dialogue social transnational à ce plan consistant alors à négocier avec les fédérations syndicales sectorielles. Au plan européen, en revanche, il existe une représentation des salariés au niveau de l’entreprise : le comité d’entreprise européen. Celui-ci prend dès lors de fait toute sa place dans ce dialogue social, alors même que la question de sa légitimité à négocier des accords reste posée.

Tableau 9

Accords transnationaux d’entreprise à vocation européenne par signataire

Acteurs ayant signé l’accord Nombre d’accords signés
Comités d’entreprise européens 48
Fédérations syndicales européennes 15
Organisations syndicales nationales 8
Fédérations syndicales internationales 6
tableau im12

Accords transnationaux d’entreprise à vocation européenne par signataire

1 Certains accords ont été cosignés par plusieurs autres acteurs, ce qui explique que le nombre d’acteurs est supérieur à celui des accords retenus pour l’étude.

2.2.3 – Les thématiques

57 Les thématiques traitées dans les accords transnationaux d’entreprise à vocation européenne diffèrent sensiblement de celles qui sont abordées dans les accords ayant une vocation mondiale. Si les seconds contiennent presque tous des dispositions sur les droits fondamentaux au travail et abordent des sujets liés à la responsabilité sociale et sociétale des entreprises, les accords européens ont tendance à aborder des sujets plus spécifiques. La thématique la plus souvent abordée est celle des restructurations (32 %), certains visant à définir des principes généraux pour l’avenir, d’autres mettant en place des mesures d’accompagnement social dans le cadre d’une restructuration spécifique. On peut aussi y ajouter les accords portant sur la formation tout au long de la vie dans la mesure où ils visent à maintenir et à renforcer l’employabilité des salariés, y compris pour le cas d’une restructuration future. Une autre thématique traitée dans de nombreux accords est celle du dialogue social et des procédures d’information et de consultation (18 %).

58 D’autres accords transnationaux d’entreprise à vocation européenne abordent des thèmes proches de ceux qui caractérisent les accords à vocation mondiale, comme la protection de la santé et de la sécurité, la responsabilité sociale de l’entreprise, les relations avec les sous-traitants ou encore l’égalité des chances. Enfin, certains accords d’entreprise transnationaux à vocation européenne abordent des sujets techniques, tels que la protection des données ou l’intéressement et la participation des salariés.

59 L’analyse des acteurs impliqués et des thématiques abordées montre donc que les accords transnationaux d’entreprise diffèrent sensiblement en fonction de leur vocation mondiale ou européenne, même si des liens existent. Dans la mesure où certains acteurs sont communs, qu’il s’agisse des entreprises négociant les deux types d’accords, des fédérations syndicales internationales et européennes, des comités d’entreprise européens ou des organisations syndicales nationales, on peut penser que ces interactions peuvent encore se renforcer.

Tableau 10

Thématiques principales des accords transnationaux d’entreprise à vocation européenne

Thématiques principales Entreprises signataires Nombre d’accords signés
Restructurations 12 20
Dialogue social 10 11
Santé et sécurité 7 8
Responsabilité sociale 7 7
Protection des donnés 4 7
Formation 3 3
Sous-traitance 3 3
Égalité des chances 2 2
Participation financière 1 2
tableau im13

Thématiques principales des accords transnationaux d’entreprise à vocation européenne

1 Certains accords abordent plusieurs thématiques, ce qui explique que le nombre de thématiques est supérieur à celui des accords.

3 – Le dialogue social transnational aux niveaux interprofessionnel et sectoriel

60 Le développement du dialogue social transnational recouvre des dynamiques très différentes selon les niveaux et la dimension internationale ou européenne. Si c’est aujourd’hui au niveau de l’entreprise que se situe la dynamique la plus importante, reflétant la même volonté d’adaptation au contexte spécifique de chaque entreprise que l’on observe au plan national, le dialogue social transnational s’est d’abord développé au niveau interprofessionnel au cours des années 1990, puis au niveau sectoriel. A ces deux derniers niveaux, la dynamique du dialogue social transnational reste presque exclusivement limitée au cadre européen, surtout si l’on prend comme critère la conclusion d’accords entre les partenaires sociaux et non pas seulement des rencontres et des échanges de points de vue.

61 Pour mieux comprendre les différentes dynamiques, ce chapitre propose d’établir un état des lieux du dialogue social interprofessionnel et sectoriel, en vue de poser clairement les termes qui permettront ensuite la comparaison et l’analyse des interactions. Il s’agit par conséquent de présenter dans deux sections successives le dialogue social interprofessionnel et sectoriel, tout d’abord dans sa dimension internationale, puis dans sa dimension européenne. Pour chaque niveau, nous préciserons quel est le cadre institutionnel et juridique, quels sont les acteurs impliqués et quelles sont les thématiques abordées.

3.1 – Le dialogue social interprofessionnel

62 L’émergence d’un dialogue social transnational au niveau interprofessionnel se heurte à des difficultés similaires que celle d’une régulation sociale internationale par les pouvoirs publics. Dans le domaine social, les différences nationales en termes de traditions, de cultures et de développement économique rendent difficile la définition de normes communes au niveau international, que celles-ci soient négociées par les partenaires sociaux ou imposées par les pouvoirs publics. Néanmoins, l’internationalisation croissante des échanges économiques a mis en relief la nécessité de telles normes et amené au développement lent et prudent d’un dialogue social transnational au niveau interprofessionnel.

63 Ce développement est fortement lié au soutien institutionnel des pouvoirs publics, sans doute plus facile à organiser au niveau interprofessionnel qu’au niveau sectoriel ou de l’entreprise, où les acteurs sont plus nombreux et divers. Au niveau interprofessionnel, il s’agit donc largement d’un dialogue social tripartite, même si les pouvoirs publics ne sont pas toujours formellement associés à toutes les étapes du dialogue. Le rôle des pouvoirs publics est particulièrement visible au plan international où le dialogue social au niveau interprofessionnel s’inscrit dans l’Organisation internationale du travail (OIT). Il apparaît cependant aussi clairement au plan européen, malgré une tendance des partenaires sociaux européens à chercher une autonomie plus importante de la part des pouvoirs publics dans le choix des thématiques et dans les procédures de mise en œuvre.

3.1.1 – Au plan international

64 La création de l’OIT en 1919 et sa composition tripartite ont consacré la mise en place d’un dialogue social transnational au niveau interprofessionnel. Contrairement à toutes les autres organisations internationales, les organes de l’OIT ne sont pas uniquement composés par les représentants des gouvernements des États membres, mais aussi par les représentants des partenaires sociaux. Au sein de la Conférence internationale du travail, chaque État membre est ainsi représenté par deux délégués gouvernementaux, un représentant des associations d’employeurs et un représentant des organisations syndicales, tous les quatre bénéficiant du même statut et des mêmes droits. Traduisant la reconnaissance par les États de la légitimité des partenaires sociaux et de la pertinence du dialogue social dans l’élaboration et la mise en œuvre des normes sociales, cette composition de l’OIT souligne aussi la volonté d’inscrire ce dialogue dans un cadre tripartite accordant un rôle primordial aux pouvoirs publics.

– Le cadre juridique et institutionnel

65 Le dialogue social international au niveau interprofessionnel est inscrit dans l’existence et le fonctionnement des différents organes de décision de l’OIT, qu’il s’agisse de la Conférence internationale du travail, du conseil d’administration de l’OIT ou du Bureau international du travail (BIT). Dans la mesure où ces organes sont composés pour moitié par les interlocuteurs sociaux des États membres, ceux-ci sont co-auteurs de toutes les décisions prises par l’OIT au même titre que les gouvernements nationaux.

66 Ce rôle conféré aux partenaires sociaux au sein de l’OIT dépasse donc leur simple consultation et constitue une forme particulière de dialogue social tripartite sans équivalent au plan national. On note même que le poids des partenaires sociaux dans la prise de décision au sein des organes de l’OIT est souvent plus élevé que ce que leur représentation numérique laisse supposer. Si les gouvernements disposent de 50 % des voix dans les organes de l’OIT, contre 25 % pour les associations d’employeurs et 25 % pour les organisations syndicales, ces deux derniers sont mieux organisés et arrivent davantage que les gouvernements, à coordonner leurs prises de position dans les débats dont les intérêts convergent souvent de manière importante. Dans les faits, les partenaires sociaux sont donc souvent mieux à même d’influencer les décisions de l’OIT que les gouvernements.

67 Certes, il faut relativiser l’importance accordée aux partenaires sociaux dans le processus de prise de décision dans cette institution, en prenant en considération la faiblesse de l’OIT et de la régulation sociale au niveau international et le principe de la souveraineté des États. Même si une convention est adoptée par la Conférence internationale du travail, les États membres de l’OIT sont libres de la ratifier ou non, la seule obligation découlant de leur qualité de membre, consistant à devoir le présenter aux autorités nationales compétentes pour la proposer à la ratification. Si les partenaires sociaux peuvent contribuer dans le cadre du dialogue social tripartite à l’adoption de nouvelles normes sociales au sein de l’OIT, les États peuvent décider de ne pas ratifier ces normes et ne seront donc aucunement tenus par les résultats du dialogue social international au niveau interprofessionnel.

68 Cependant, cette faiblesse des normes de l’OIT n’est pas liée au fait qu’elles soient élaborées dans le cadre d’un dialogue social tripartite et que les partenaires sociaux y jouent un rôle primordial. Elle résulte de la réticence générale des États à accepter de se laisser imposer des normes internationales dans le domaine social et à modifier leurs droits nationaux inscrits dans un contexte culturel, social et économique spécifique.

69 Dans la mesure où le dialogue social international au niveau interprofessionnel se confond avec l’activité de l’OIT, la mise en œuvre des normes élaborées dans le cadre de ce dialogue tripartite correspond elle-même aux procédures définies dans le cadre de cette organisation internationale. Ces procédures varient en fonction du type de norme de l’OIT. Alors que les recommandations n’entraînent pas d’obligation spécifique pour les États membres, l’adoption d’une convention internationale du travail oblige les États membres à transmettre celle-ci à l’autorité nationale compétente pour lui proposer la ratification. Si cette autorité décide de ne pas ratifier la norme concernée, l’État doit en informer l’OIT et lui remettre régulièrement un rapport sur les pratiques nationales dans le domaine concerné. Si l’État décide de ratifier la convention, il peut, s’il ne la respecte pas, faire l’objet d’une plainte ou d’une réclamation de la part d’un autre État ou des partenaires sociaux. Après décision du conseil d’administration de l’OIT, la plainte ou la réclamation peut conduire à une enquête au cours de laquelle les partenaires sociaux peuvent intervenir et inviter l’État à fournir des informations. À défaut de sanctions judiciaires ou financières, le non-respect d’une convention par un État qui l’avait pourtant ratifiée peut seulement donner lieu à la publication de la plainte et de la réponse de l’État, voire du rapport établi par la commission d’enquête mise en place.

70 Adoptée en 1998, la déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail impose à tous les États membres de l’OIT de respecter les huit conventions internationales correspondant aux quatre droits sociaux fondamentaux (tableau 11), même lorsqu’ils ne les ont pas ratifiées. Les États membres n’ayant pas ratifié ces conventions doivent établir chaque année un rapport sur le respect des droits concernés dans leur pays, rapport qui est examiné par le conseil d’administration de l’OIT. Par ailleurs, le directeur général du BIT prépare chaque année un rapport sur l’un des quatre droits fondamentaux, dans lequel sont analysées les violations qui persistent. Là encore, il s’agit de sanctions ayant surtout un caractère médiatique, mais leur impact est renforcé par la publication, une fois par an, d’un document unique, dressant un bilan sur le respect de l’un des droits fondamentaux dans le monde entier, ce qui peut ainsi attirer une plus grande attention que des publications plus isolées sur des cas spécifiques à certains pays.

Tableau 11

Conventions de l’OIT relatives aux droits fondamentaux au travail

Convention Année Thème
N° 29 1930 Interdiction du travail forcé
N° 87 1948 Liberté d’association et protection du droit syndical
N° 98 1949 Droit d’organisation et de négociation collective
N° 100 1951 Égalité de rémunérations
N° 105 1957 Abolition du travail forcé
N° 111 1958 Discrimination
N° 138 1973 Age minimum
N° 182 1999 Pire formes de travail des enfants
tableau im14

Conventions de l’OIT relatives aux droits fondamentaux au travail

71 En l’absence de juridiction internationale compétente dans le domaine social, les procédures de suivi des normes de l’OIT se déroulent dans le cadre des organes de l’OIT. Elles impliquent, à ce titre, les partenaires sociaux, et sont avant tout fondées sur l’obligation pour les États de rendre des comptes, et sur la diffusion au public des cas de non-respect. Cette approche extra-judiciaire du contrôle et du suivi pourrait inspirer d’autres formes de dialogue social transnational, en particulier au niveau de l’entreprise.

– Les acteurs

72 Le dialogue social international au niveau interprofessionnel s’inscrit dans le cadre de l’OIT et ses structures tripartites. Au sein de ces structures, ce sont les partenaires sociaux nationaux des États membres de l’OIT qui sont représentés. Le dialogue social international au niveau interprofessionnel est donc avant tout entre les mains des acteurs nationaux.

73 La participation aux organes de l’OIT permet à ces acteurs nationaux de nouer des contacts ou d’échanger, et favorise la définition de positions, voire d’actions communes. Ce rôle important de l’OIT dans la structuration des interlocuteurs sociaux au plan international est aussi favorisé par la mise en place au sein de l’OIT du groupe des employeurs et du groupe des travailleurs, chacun des deux disposant de moyens de fonctionnement et d’action ainsi que de ses porte-parole. Ces deux groupes entretiennent des relations plus ou moins étroites avec les organisations des partenaires sociaux au plan international, ce qui peut permettre de les impliquer également dans le dialogue social international.

74 Du côté des employeurs, l’Organisation internationale des employeurs (OIE) a pour objectif de représenter les intérêts des employeurs au niveau international et de coordonner les points de vue des associations nationales d’employeurs. Créée en 1920, l’OIE compte actuellement 146 organisations nationales d’employeurs dans 139 pays. Elle est étroitement liée à l’OIT au sein de laquelle elle vise à orienter les activités des employeurs et favoriser les échanges, à la fois entre les différentes associations nationales d’employeurs et entre celles-ci et l’OIT. Elle assure d’ailleurs le secrétariat du groupe des employeurs à la Conférence internationale du travail, au conseil d’administration de l’OIT et dans les autres organes de l’OIT. Cette implication de l’OIE au sein de l’OIT peut favoriser une démarche coordonnée et plus efficace de l’action du côté des employeurs. Cependant, l’OIE se heurte à la réticence de nombreuses associations nationales à se voir imposer une régulation sociale internationale, rendant par conséquent très difficile l’émergence d’un dialogue social international au niveau interprofessionnel hors des structures tripartites de l’OIT.

75 Du côté des syndicats, les intérêts des salariés sont organisés au niveau international par la Confédération syndicale internationale (CSI), issue en 2007 de la fusion de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) et de la Confédération mondiale du travail (CMT). La CSI comporte actuellement 311 organisations syndicales nationales dans 155 pays. Si elle coopère avec l’OIT et en particulier avec le groupe des travailleurs au sein de la Conférence internationale du travail, elle n’en assure pas le secrétariat. Contrairement à l’OIE, l’activité de la CSI semble moins concentrée sur la seule représentation et coordination des membres au sein de l’OIT, et vise plus largement à favoriser la mise en place d’actions internationales pour défendre les intérêts des salariés. La CSI soutient en particulier la négociation d’accords transnationaux au niveau de l’entreprise, alors que l’OIE semble plus réticente à l’égard de cette forme de dialogue social transnational.

– Les thématiques

76 Le dialogue social international au niveau interprofessionnel se confond avec les activités de l’OIT dont les organes tripartites abordent de nombreux sujets liés aux relations individuelles et collectives du travail et inscrits dans des recommandations ou conventions internationales du travail. Dans le cadre de ce dialogue social international tripartite, les partenaires sociaux nationaux et internationaux ont donc traité des thématiques très diverses couvrant presque tous les aspects du droit du travail.

77 Dans la mesure où le dialogue social interprofessionnel au plan international est intégré dans le processus de production de normes au sein de l’OIT, il n’y a pas, comme c’est souvent le cas au plan national, de distinction entre les champs qui relèvent de la régulation par les pouvoirs publics et ceux qui relèvent du dialogue social. Même si les partenaires sociaux ne sont pas complètement autonomes et doivent coopérer avec les pouvoirs publics représentés dans les organes de l’OIT, c’est dans le cadre du dialogue social international au niveau interprofessionnel qu’ils traitent potentiellement du champ le plus vaste de thématiques parmi toutes les formes de dialogue social transnational.

78 Depuis la fin des années 1990, l’OIT a cependant décidé de recentrer ses activités sur la défense des droits fondamentaux au travail et la promotion de l’idée du travail décent. Le dialogue social tripartite international au niveau interprofessionnel porte ainsi, désormais, plus particulièrement sur ces sujets. Alors que le thème des droits fondamentaux au travail implique un certain recentrage, celui du travail décent correspond à un élargissement qui dépasse la sphère stricte du droit du travail pour intégrer, notamment, la protection sociale. Ce recentrage opéré par le dialogue social international interprofessionnel dans le cadre de l’OIT a eu un impact sur les thématiques traitées dans les autres formes de dialogue social transnational, notamment au niveau de l’entreprise.

3.1.2 – Au plan européen

79 L’émergence du dialogue social interprofessionnel au plan européen est plus récente, mais connaît un développement important depuis la fin des années 1990. Comme pour le dialogue social interprofessionnel au plan international, le soutien des pouvoirs publics est primordial pour le développement de cette forme de dialogue social transnational, même s’il se traduit différemment qu’au sein de l’OIT, et même si l’on observe une certaine tendance à une plus grande autonomie des partenaires sociaux européens. Le dialogue social européen au niveau interprofessionnel bénéficie en effet d’un cadre réglementaire clairement établi dans le traité sur l’Union européenne qui donne la priorité à la définition de nouvelles normes sociales par les partenaires sociaux.

– Le cadre juridique et institutionnel

80 Au sein de l’Union européenne, le développement du dialogue social transnational au niveau interprofessionnel est étroitement lié à la mise en place progressive d’un cadre juridique et institutionnel depuis le milieu des années 1980.

81 Ce n’est qu’en 1985, trois décennies après les débuts de la construction européenne, que le dialogue social européen voit le jour à la suite d’une initiative de la présidence française du Conseil, reprise et développée par la Commission européenne présidée alors par Jacques Delors  [34]. Désigné sous le terme de « processus de Val-Duchesse », d’après le lieu de la première rencontre entre les partenaires sociaux, ce dialogue social a commencé par une phase assez modeste où les textes négociés au plan européen n’avaient aucune force contraignante et donc peu d’influence au sein des États membres. Cette situation a changé avec la signature, le 31 octobre 1991, d’un accord entre les partenaires sociaux qui leur a permis de faire appel au Conseil des ministres pour doter les accords négociés entre eux d’un effet juridique. Cet accord a été repris par la suite dans le protocole sur la politique sociale, lui-même annexé au traité de Maastricht applicable à tous les États membres sauf le Royaume-Uni, puis intégré dans les articles 138 et 139 (devenus depuis 154 et 155) du traité instituant la Communauté européenne au moment du traité d’Amsterdam. La création de ce cadre juridique a permis de consolider un dialogue social transnational au niveau interprofessionnel, qui donne lieu régulièrement à la conclusion d’accords transposés dans l’ensemble des États membres.

82 L’article 154 du traité prévoit une double consultation des partenaires sociaux européens sur toute initiative législative de la Commission européenne en matière sociale. La première phase de consultation des partenaires sociaux européens a lieu avant même que la Commission présente une nouvelle proposition dans ce domaine. Elle porte sur l’orientation possible d’une action qui pourrait être menée au niveau européen. Si la Commission souhaite poursuivre après cette consultation, elle doit entamer une deuxième phase de consultation, portant cette fois sur le contenu de l’action à mener. Les partenaires sociaux européens remettent alors un avis ou une recommandation à la Commission ou peuvent décider d’ouvrir une négociation sur le sujet. L’ouverture d’une telle négociation bloque le processus législatif traditionnel pendant une période de neuf mois, sauf prolongation décidée en commun par les partenaires sociaux et la Commission. Si au bout de cette période, aucun accord n’a pu être obtenu, le Conseil des ministres et le Parlement européen peuvent reprendre la procédure législative traditionnelle. Dans le cas contraire, l’accord conclu peut être mis en œuvre selon les procédures prévues à l’article 155 du traité.

83 Parallèlement, les interlocuteurs sociaux peuvent entamer un dialogue de leur propre initiative, indépendamment de ce processus de consultation  [35].

84 L’article 155 prévoit qu’un accord négocié entre les partenaires sociaux européens peut être mis en œuvre de deux manières.

85 À la demande conjointe des interlocuteurs sociaux, la mise en œuvre peut d’abord se faire par une décision du Conseil sur proposition de la Commission. L’accord est alors transposé par une directive qui lui confère une force contraignante dans tous les États membres. Contrairement à la procédure législative traditionnelle, le Parlement européen est seulement consulté et ne dispose pas d’un pouvoir de codécision.

86 L’alternative consiste pour les partenaires sociaux à transposer l’accord négocié au niveau européen selon les procédures nationales, soit par convention collective, soit par un instrument législatif, sans intervention particulière des institutions de l’Union européenne.

87 Alors que les trois premiers accords européens négociés au niveau interprofessionnel ont été mis en œuvre selon la première procédure, on note, depuis 1999, une nette préférence de la part des partenaires sociaux européens pour la seconde méthode. Depuis cette date, aucun accord européen interprofessionnel n’a été transposé par une décision du Conseil, et tous ont, en revanche, été mis en œuvre par des accords collectifs nationaux (tableau 12).

Tableau 12

Accords-cadres interprofessionnel européens, mis en œuvre par décision du Conseil ou de façon autonome 1

Date Thématique Signataires Mise en œuvre
14/12/1995
06/06/1997
18/03/1999
16/07/2002
08/10/2004
26/04/2007
Congé parental
Travail à temps partiel
Travail à durée déterminée
Télétravail
Stress lié au travail
Harcèlement et violence au travail
CES – UNICE/CEEP
CES – UNICE/CEEP
CES – UNICE/CEEP
CES – UNICE/CEEP/UEAPME
CES – UNICE/CEEP/UEAPME
CES/EUROCADRES/CEC – UNICE/CEEP/UEAPME
Directive
Directive
Directive
Accords nationaux
Accords nationaux
Accords nationaux
tableau im15

Accords-cadres interprofessionnel européens, mis en œuvre par décision du Conseil ou de façon autonome 1

1 Consulter le site du dialogue social de la Commission européenne, cf.<http://ec.europa.eu/-employment_social/social_ dialogue/index_fr.htm>, qui comprend une base de données reprenant, notamment, les textes issus du dialogue social interprofessionnel, cf. <http://ec.europa.eu/-employment_social/dsw/dspMain.do ?lang=fr>.

88 À ces accords s’ajoutent de nombreux textes conjoints qui n’ont pas le statut d’accord : déclarations conjointes, avis communs, programmes de travail, etc.

– Les acteurs

89 Du côté des salariés, le dialogue social européen au niveau interprofessionnel se caractérise par l’unité syndicale. Les salariés européens y sont représentés par la Confédération européenne des syndicats (CES). Créée en 1973, la CES fédère actuellement 81 organisations dans 36 pays, dont tous les États membres de l’Union européenne, ainsi que 11 fédérations européennes sectorielles, ce qui permet une certaine coordination entre différents secteurs. Dans le domaine du dialogue social, le comité exécutif de la CES peut prendre des décisions à la majorité des deux tiers. La délégation de la CES comprend également des représentants de deux organisations représentant les cadres : d’une part EUROCADRES, le Conseil des cadres européens, associé à la CES qui regroupe 42 organisations membres dans 20 États membres de l’Union européenne, et d’autre part la Confédération européenne des cadres (CEC), qui est indépendante de la CES et rassemble des fédérations européennes sectorielles et 17 organisations nationale dans 14 États membres de l’Union européenne. Le dernier accord européen au niveau interprofessionnel mentionne explicitement le comité de liaison EUROCADRES – CEC comme signataire, au côté de la CES.

90 Du côté des employeurs, plusieurs organisations participent au dialogue social européen au niveau interprofessionnel. Business Europe (anciennement UNICE) est la plus importante organisation patronale européenne. Créée en 1958, elle rassemble actuellement 40 organisations patronales dans 34 pays européens, dont tous les États membres de l’Union européenne. L’organe de prise de décision de Business Europe, le conseil des présidents, statue à l’unanimité, y compris dans le domaine du dialogue social. Deux autres organisations patronales représentent des entreprises dans des secteurs spécifiques. Tout d’abord, le Centre européen des entreprises à participation publique et des entreprises d’intérêt économique général (CEEP) regroupe les entreprises ou organisations qui assurent des services d’intérêt général, les entreprises en réseau et, dans certains pays, les pouvoirs publics locaux. Fondé en 1961, le CEEP repose dans chaque État, dont 20 États membres de l’Union européenne, sur une section nationale qui assure le lien avec les entreprises adhérentes. C’est l’assemblée générale qui prend les décisions au sein du CEEP. En outre, l’Union européenne de l’artisanat et des petites et moyennes entreprises (UEAPME) représente les intérêts de l’artisanat et des PME. Créée en 1979, l’UEAPME compte 83 organisations membres issus des 27 États membres de l’Union européenne. Si les trois premiers accords européens conclus au niveau interprofessionnel entre 1995 et 1999 n’avaient pas été signés par l’UEAPME, les trois derniers accords ont été signés par les trois associations patronales européennes.

91 D’une manière générale, on peut noter une tendance vers une plus grande autonomie des partenaires sociaux européens  [36]. Depuis 1999, les partenaires sociaux européens n’ont plus utilisé l’option, offerte par le traité, de faire transposer un accord interprofessionnel par une décision du Conseil. Certes, dans le cadre de la procédure de consultation de l’article 154 du traité, la Commission continue à déclencher des négociations, mais les interlocuteurs sociaux ouvrent aussi des négociations de manière indépendante sur les thèmes de leur choix. Pour autant, on ne doit pas sous-estimer le rôle des institutions européennes, et notamment de la Commission européenne, dans la dynamique du dialogue social européen interprofessionnel, que ce soit en apportant un soutien politique ou en créant un contexte législatif favorable  [37].

– Les thématiques

92 Négocier un accord transnational au niveau interprofessionnel et au plan européen implique que la thématique semble pertinente aux yeux des organisations syndicales de salariés et des associations d’employeurs au plan européen, qu’elle concerne plusieurs États membres de l’Union européenne et que les partenaires sociaux nationaux acceptent que le sujet soit discuté au niveau européen. Les partenaires sociaux au niveau européen doivent en effet obtenir le mandat de leurs organisations membres pour ouvrir des négociations et, a fortiori, pour conclure des accords au niveau européen. Or, certaines organisations membres, surtout du côté patronal, ne souhaitent pas se voir imposer des normes, même très souples, du niveau européen, et préfèrent limiter le dialogue social européen au profit du maintien de l’autonomie collective au niveau national.

93 Par conséquent, les thématiques abordées dans le cadre du dialogue social européen au niveau interprofessionnel diffèrent de manière importante de celles qui sont traitées au plan national. On note en particulier que ce dialogue ne traite pas des sujets classiques du dialogue social au plan national, comme les salaires et le temps de travail. Au contraire, le dialogue social européen au niveau interprofessionnel porte surtout sur des thématiques émergentes qui ne sont pas encore beaucoup régulées au plan national et qui permettent de faire émerger des compromis où chaque partenaire trouve son intérêt.

94 Depuis le début des années 1990, une cinquantaine de textes de différente nature ont été signés dans le cadre du dialogue social européen au niveau interprofessionnel, dont six ont le statut d’un accord.

95 Les trois premiers accords conclus entre 1995 et 1999 et transposés par décision du Conseil sur proposition de la Commission reconnaissent des droits individuels aux salariés, en créant le congé parental et en établissant le principe d’égalité entre salariés ayant un contrat de travail à temps complet à durée indéterminée et ceux qui ont des contrats atypiques.

96 Le quatrième accord, conclu le 16 juillet 2002, porte sur le télétravail et reconnaît également des droits individuels et collectifs aux salariés concernés, mais il vise, par ailleurs, à stimuler le dialogue sur cette forme de travail émergente et à alerter les partenaires sociaux nationaux sur certains risques qu’elle implique, justifiant ainsi le choix des partenaires sociaux européens de transposer cet accord par des accords nationaux. Cet accord est d’autant plus important que le télétravail n’a fait que rarement l’objet d’une régulation spécifique dans les droits du travail des États membres et qu’il constitue donc souvent une des seules références pour les acteurs impliqués au niveau national, y compris les juges.

97 Les deux derniers accords européens conclus au niveau interprofessionnel, en 2004 et 2007, portent sur le stress lié au travail ainsi que sur le harcèlement et la violence au travail. Ils abordent ainsi, là encore, des problématiques nouvelles et peu régulées par les droits nationaux. Certes, ces deux accords ne contiennent que peu de droits individuels pour les salariés, mais ils ont le mérite de souligner l’existence de ces nouveaux risques et d’obliger les partenaires sociaux nationaux à dialoguer sur ces thématiques pour transposer les accords européens par des accords nationaux.

98 L’analyse du dialogue social européen au niveau interprofessionnel permet de souligner sa complémentarité et son étroite interaction avec le dialogue social national. Surtout depuis 2000, il s’agit moins, au plan européen, de traiter des sujets déjà régulés au plan national, que de créer une dynamique de dialogue sur des thématiques émergentes concernant plusieurs États, tout en renvoyant à la mise en place de solutions négociées de manière décentralisée entre les partenaires sociaux.

99 La complémentarité entre le dialogue social européen et national est favorisée par les liens entre les acteurs du dialogue social interprofessionnel au plan européen et national. Pour négocier et conclure des accords, les partenaires sociaux européens doivent recevoir le mandat de leurs membres, les interlocuteurs sociaux nationaux, et les premiers s’appuient de plus en plus souvent sur les seconds pour transposer les accords européens dans les États membres et les adapter aux différents contextes nationaux, tel qu’il est prévu dans le traité instituant la Communauté européenne. Si un cadre juridique et institutionnel clair ne saurait à lui seul garantir une interaction harmonieuse avec les autres niveaux de dialogue social, l’exemple du niveau interprofessionnel montre néanmoins sa contribution positive.

3.2 – Le dialogue social sectoriel .

100 Au cours des dernières 15 années, le dialogue social transnational s’est également développé fortement à l’échelon sectoriel. Ce développement se limite cependant presque exclusivement à l’espace européen, au sein duquel les institutions européennes l’ont soutenu politiquement et où a été mis en place un cadre juridique et institutionnel adapté. Au plan international, en revanche, le dialogue social sectoriel reste un phénomène très exceptionnel, du fait surtout de l’absence d’organisations patronales structurées qui seraient ouvertes à la perspective de s’engager dans un dialogue avec les fédérations syndicales internationales.

3.2.1 – Au plan international

101 Au plan international, le dialogue social sectoriel reste ainsi un phénomène très isolé, limité à des exemples éparpillés dans certains secteurs particuliers.

102 Un premier exemple d’un dialogue social sectoriel international est celui du secteur maritime. En 2001, les représentants internationaux des syndicats et des associations d’employeurs de ce secteur, réunis dans la commission maritime paritaire de l’OIT, ont proposé conjointement de rassembler, dans un seul document, différentes conventions internationales du secteur, en les actualisant et en les dotant d’un mécanisme de mise en œuvre et de suivi. Adoptée en 2006, la convention du travail maritime entrera en vigueur lorsqu’elle sera ratifiée par au moins 30 États représentant au moins 33 % du tonnage brut de la flotte mondiale. Cette convention a un champ d’application limité au seul secteur maritime, mais s’inscrit complètement dans le processus normatif de l’OIT et bénéficie du soutien de ces structures. À ce titre, elle est le résultat du dialogue social tripartite qui caractérise cette organisation. Mieux, ce sont même les partenaires sociaux qui, par leur action conjointe, ont été à l’origine de cette convention, exerçant ensuite leur influence sur les représentants des États au sein de l’OIT. Pour autant, on peut considérer que le cadre institutionnel qu’offre l’OIT a été un déclencheur, voire la condition même du développement de ce dialogue social transnational sectoriel.

103 Un second exemple d’un dialogue social sectoriel transnational ayant une vocation mondiale peut être trouvé dans le secteur du textile. Dans ce secteur, plusieurs « codes de conduite » ont été négociés depuis le milieu des années 1990 par les interlocuteurs sociaux européens pour inviter les entreprises à respecter les droits sociaux fondamentaux (tableau 13). Alors que les acteurs de ces textes sont européens et s’inscrivent dans les comités de dialogue social sectoriel de l’Union européenne, leur vocation dépasse ce champ géographique et vise les fournisseurs et sous-traitants dans le monde entier. Ceci est particulièrement net dans le code de conduite adopté en 2000 dans le secteur du cuir et de la tannerie entre la Confédération des associations nationales de tanneurs et mégissiers de la Communauté européenne (COTANCE) et la Fédération syndicale européenne du textile, de l’habillement et du cuir (FSETHC). Comme pour le premier exemple, le développement de ce dialogue social a largement bénéficié du soutien des pouvoirs publics et de l’existence d’un cadre institutionnel, même si celui-ci n’est pas établi pour des textes ayant une vocation dépassant l’Union européenne.

Tableau 13

Codes de conduite sur les droits sociaux fondamentaux négociés dans le secteur du textile

Date Texte Signataires
7 mars 1995 Le travail des enfants – Charte des partenaires sociaux européens du secteur de la chaussure CSE-THC – Confédération européenne de l’industrie de la chaussure
10 juillet 1997 Charte des partenaires sociaux dans le secteur textile/habillement européen – Code de conduite FSE : THC – Organisation européenne du textile et de l’habillement
10 juillet 2000 Code de conduite dans le secteur du cuir et de la tannerie FSE : THC – Confédération des associations nationales de tanneurs et mmégissiers de la Communauté européenne
17 novembre 2000 Charte des partenaires sociaux dans le secteur de la chaussure FSE : THC – Confédération européenne de l’industrie de la chaussure
tableau im16

Codes de conduite sur les droits sociaux fondamentaux négociés dans le secteur du textile

– Le cadre juridique et institutionnel

104 Aucun cadre juridique et institutionnel spécifique n’existe pour le dialogue social sectoriel au plan international. Les deux exemples mentionnés montrent cependant que d’autres cadres peuvent être mobilisés pour permettre le développement de cette forme de dialogue social transnational.

105 Ainsi, l’exemple de la convention du travail maritime montre que les structures de l’OIT, conçues pour le dialogue social international au niveau interprofessionnel, peuvent également favoriser le développement d’un dialogue social international au niveau sectoriel. De même, l’exemple des codes de conduite et chartes négociés dans le secteur européen du textile illustre que l’existence d’un cadre juridique et institutionnel pour favoriser le dialogue social sectoriel au plan européen peut contribuer à l’émergence d’un dialogue social ayant une vocation internationale.

106 Dans tous les cas, il semble que le développement du dialogue social transnational sectoriel au plan international nécessite un soutien de la part des pouvoirs publics. Ceci est d’autant plus vrai que la structuration des représentants des employeurs à ce niveau reste faible et ne permet pas de créer une dynamique autonome des partenaires sociaux pour développer de manière importante le dialogue social sectoriel au plan international.

– Les acteurs

107 Alors que les associations patronales sont assez faiblement structurées au plan international, que ce soit au niveau interprofessionnel ou au niveau sectoriel, les organisations syndicales de salariés ont, elles, cherché depuis longtemps à internationaliser leur mouvement. Dès la fin du 19e siècle, elles ont notamment créé des secrétariats professionnels internationaux (SPI) au niveau de certains secteurs, transformés depuis lors dans les fédérations syndicales internationales (FSI). Ainsi la Fédération internationale des organisations de travailleurs de la métallurgie (FIOM) a vu le jour en 1893, celle des travailleurs des transports en 1896. Aujourd’hui, il existe des fédérations syndicales internationales dans dix secteurs (tableau 14) entretenant des relations étroites avec la Confédération syndicale internationale (CSI).

Tableau 14

Liste des fédérations syndicales internationales

Sigle Nom de la Fédération
FIJ Fédération internationale des journalistes
FIOM Fédération internationale des organisations des travailleurs de la métallurgie
FITTHC Fédération internationale des travailleurs du textile, du vêtement et du cuir
IBB Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois
ICEM Fédération internationale des travailleurs de la chimie, de l’énergie, des mines et des secteurs connexes
IE Internationale de l’éducation
ISP Internationale des services publics
ITF Fédération internationale des ouvriers du transport
UITA Syndicat international de l’Association des travailleurs de l’alimentation, de l’agriculture, du secteur horeca, du tabac et des secteurs connexes
UNI Union Network International
tableau im17

Liste des fédérations syndicales internationales

108 En l’absence d’interlocuteurs patronaux suffisamment structurés au niveau international, les fédérations syndicales internationales se sont engagées dans un dialogue social transnational avec certaines entreprises multinationales. Ce dialogue a donné lieu à la signature d’accords transnationaux d’entreprise ayant une vocation mondiale ou européenne (cf. deuxième partie).

– Les thématiques

109 Les rares exemples de dialogue social international au niveau sectoriel portent avant tout sur les droits sociaux fondamentaux au travail. Ils s’inscrivent ainsi dans la dynamique observée au niveau interprofessionnel et que l’on retrouve au niveau de l’entreprise. La convention du travail maritime adoptée en 2006 dispose d’un contenu un peu plus large, mais, là encore, la cohérence avec le niveau interprofessionnel est assurée dès lors que la convention reprend et actualise plusieurs autres conventions de l’OIT dans le secteur maritime.

110 Les quelques exemples de dialogue social international au niveau sectoriel permettent donc de renforcer et de décliner des principes adoptés au préalable au niveau interprofessionnel, tout en les adaptant le cas échéant au contexte spécifique du secteur. L’exemple du secteur du textile montre cependant que le dialogue social international au niveau sectoriel pourrait également permettre de définir un cadre pour le dialogue social au niveau des entreprises, en définissant un contenu type et des procédures de suivi pour des accords négociés ensuite dans les entreprises du secteur concerné. Pour l’instant, cette possibilité n’a pas encore été explorée par les partenaires sociaux au plan international ou européen.

3.2.2 – Au plan européen

111 Les origines du dialogue social sectoriel européen remontent à la création de l’Union européenne, mais il a adopté des formes diverses depuis la signature des traités de Rome et, au cours de la dizaine d’années écoulées, ses structures et ses activités ont connu de nouveaux développements.

– Le cadre juridique et institutionnel

112 Comme le dialogue social européen au niveau interprofessionnel, le dialogue social au niveau sectoriel est maintenant fondé juridiquement sur les articles 154 et 155 du traité instituant la Communauté européenne. En outre, le dialogue social sectoriel a connu d’autres développements et, en particulier, la transformation des comités conjoints et groupes de travail informels qui préexistaient, sous la forme unique des comités de dialogue social sectoriel européen, par décision de la Commission du 20 mai 1998  [38]. Cette décision visait à mieux définir la double fonction de ces comités : ils constituent des instances de consultation sur des politiques européennes comme l’étaient les anciens comités, mais en outre, leur rôle de négociation se renforce, et ils sont habilités à négocier et à conclure des accords  [39].

113 De nouveaux comités ont été créés. À ce jour, 36 comités sont reconnus, tandis que d’autres sont encore en attente de reconnaissance (la liste complète des comités sectoriels est disponible sur le site de la Commission européenne  [40]). Leur nombre et leur importance se sont ainsi accrus, au fur et à mesure qu’ils incluaient des secteurs majeurs de l’économie, tels que la chimie (en 2004), le gaz (en 2007) ou l’acier (en 2006). En 2008 est venu s’ajouter le comité du football professionnel. Le tableau 15 présente la liste des comités actuels et leurs membres, ainsi que l’année de leur création (soit sous une forme antérieure soit sous la forme des comités actuels).

Tableau 15

Liste des comités de dialogue social sectoriel 1

Secteur Organisations de travailleurs Organisations d’employeurs Comité conjoint antérieur Groupe de travail informel antérieur Année de création du comité
Acier
Agriculture
Ameublement
Assurances
Audiovisuel
EMF (1971)
EFFAT (2000) 1
EFBWW (1984)
UNI-Europa (2000)
UNI-MEI (1999), EFJ, FIA (1952), FIM
Eurofer (1976)
GEOPA/COPA
(1958)
UEA (1954)
CEA (1953), BIPAR (1937), ACME (1978)
EBU, ACT, AER, CEPI, FIAPF
1951 (ECSC)
1964





1987
2006
1999
2001
1999
2004
tableau im18
Aviation civile
Banques
Bois
Chantiers navals
Chaussure
Chemins de fer
Commerce
Construction
Électricité
Football professionnel
Gaz
Gouvernement
régional et local
Hôpitaux
Horeca
Industrie chimique
Industries extractives
Navigation intérieure
Nettoyage industriel
Pêche
Postes
Restauration
collective
Sécurité privée
Services aux
personnes
Spectacle vivant
Sucre
Tannerie et cuir
Télécommunications
Textile et habillement
Transport maritime
Transports routiers
Travail intérimaire
ETF (1999), ECA (1991)
UNI-Europa (2000)
EFBWW (1984)
EMF (1971)
ETUF-TCL (1964)
ETF (1999)
UNI-Europa (2000)
EFBWW (1984)
FSESP/EPSU (1974),
EMCEF (1996)
EPFL, ECA, UEFA
EMCEF (1996)
FSESP/EPSU (1974)
EPSU (1978)
FSESP/EPSU (1974)
EFFAT (2000)
EMCEF (1996)
EMCEF (1996)
ETF (1999)
UNI-Europa (2000)
ETF (1999)
UNI-Europa (2000)
EFFAT (2000)
UNI-Europa (2000)
UNI-Europa (2000)
EAEA (1999)
EFFAT (2000)
ETUF-TCL (1964)
UNI-Europa (2000)
ETUF-TCL (1964)
ETF (1999)
ETF (1999)
UNI-Europa (2000)
ACI-Europe (1991), CANSO (1998), ERA (1980), IACA (1971), AEA (1973)
FBE (1960), ESBG (1963), EACB (1970)
CEI-Bois (1952)
CESA (1965)
CEC (1959)
CER (2002)*
EuroCommerce (1993)
FIEC (1905)
Eurelectric (1999)
FIFPro (1966)
EUROGAS (1994)
CEMR-EP (1951)
HOSPEEM (2005)
Hotrec (1992)
ECEG (2002)
APEP (1983), EURACOAL (1953), Euromines (1995)
UENF (2001), ESI/OEB
EFCI (1988)
Europêche/COGECA (1959)
PostEurop (1993)
FERCO (1990)
CoESS (1989)
CIC Europe (1991)
Pearle (1991)
CEFS (1954)
COTANCE (1957)
ETNO (1991)
Euratex (1995)
ECSA (1990)
IRU (1948)
Eurociett (1967)
1990




1972









1952
1967

1974
1994






1990

1987
1965

1990
1994

1982

1985
1992
1996


1996

1983



1992


1998
1993
1998

1969
1999

1992


2000
1999
2000
2003
1999
1999
1999
1999
2000
2008
2007
2004
2006
1999
2004
2002
1999
1999
1999
1999
2007
1999
1999
1999
1999
2001
1999
1999
1999
2000
1999
Total 14 FSEs 53 FPEs 11 16 36
tableau im19

Liste des comités de dialogue social sectoriel 1

1 Fédérations sous leur nom actuel, mais qui existaient sous un autre nom antérieurement.
P. POCHET et al., Dynamics of the European sectoral social dialogue. Report to the EuropeanFoundation for the Improvement of Living and Working Conditions, Luxembourg, Office for OfficialPublications of the European Communities, 2009.

114 Si la dénomination de chaque secteur peut laisser croire qu’un secteur donné désigne une réalité relativement homogène, en pratique ce que l’on appelle « chimie » ou « postes » peut recouvrir des réalités disparates. En effet, outre le degré d’hétérogénéité élevé qui caractérise les contextes socio-économiques des 27 États membres, un même secteur recouvre un périmètre qui peut varier d’un pays à l’autre, non pas tellement en termes de définition économique (circonscrite par les codes NACE) qu’en termes de périmètre de dialogue social national. Ainsi, par exemple, la chimie couvre la production et la transformation du plastique dans certains pays mais non dans d’autres ; elle inclut la pharmacie dans certains États membres, mais pas partout. Dans le secteur de la poste, par exemple, où l’ou pourrait s’attendre à une relative homogénéité, le secteur est délimité, au plan européen, par le code NACE 64.11, lequel recouvre les activités postales nationales (NACE 64.11) et les activités de courrier autres que nationales (NACE 64.12) ; dans les 27 États membres, aucune organisation patronale ni syndicale ne couvre ce périmètre particulier ; le périmètre du secteur tel que le définit le dialogue social national est généralement plus large et, parfois, plus étroit  [41]. L’étendue d’un secteur, en termes d’activités couvertes et de champ d’action du dialogue social sectoriel, varie ainsi d’un État membre à l’autre. Cela ne constitue pas en soi un obstacle au fonctionnement du dialogue social sectoriel européen, mais cette situation accentue l’hétérogénéité à laquelle doivent faire face les acteurs européens, ainsi que la complexité qu’ils ont à organiser lorsqu’il s’agit de définir un agenda commun.

– Les acteurs

115 Participent au dialogue social sectoriel européen les fédérations syndicales européennes, qui sont membres de la CES, et une diversité d’organisations patronales qui, elles, ne sont pas membres de la coupole interprofessionnelle que constitue Business Europe. Alors que les mêmes fédérations syndicales, comme par exemple Uni-Europa, participent à plusieurs comités, du côté patronal, on trouve plutôt une fragmentation des organisations.

116 La participation de ces fédérations est conditionnée par trois critères de représentativité définis par la Commission européenne en 1993, et utilisés par celle-ci pour établir si une organisation peut être reconnue en tant que « partenaire social européen ». Pour être reconnue comme telles, les organisations doivent « agir au niveau interprofessionnel ou appartenir à des secteurs ou catégories spécifiques et être organisées au niveau européen ; être composées d'organisations elles-mêmes reconnues comme faisant partie intégrante des structures des partenaires sociaux des États membres, avoir la capacité de négocier des accords et être représentatives dans tous les États membres, dans la mesure du possible ; disposer de structures adéquates leur permettant de participer de manière efficace au processus de consultation  [42] ».

117 La question de la représentativité est ainsi clarifiée par la procédure établie par la Commission européenne. Cependant, cela ne garantit pas que les fédérations européennes aient en effet la capacité et la volonté de négocier, ni qu’un mandat leur soit confié par leurs membres nationaux.

118 La première difficulté ici réside dans des stratégies différentes adoptées par les organisations patronales et syndicales face au dialogue social. Alors que les organisations syndicales se disent généralement favorables à la négociation conduisant à des accords, les organisations patronales tendent à prendre au sens propre la notion de « dialogue » et préfèrent éviter la négociation de conditions contraignantes  [43]. Dans la banque ou l’électricité, par exemple, les fédérations européennes d’employeurs s’appuient sur leur statut initial qui leur confère un rôle d’influence et de lobbying, et non pas de négociation, pour insister sur leur volonté de dialoguer mais non pas de négocier.

119 La question du mandat, précisément, constitue la deuxième difficulté. Les interlocuteurs sociaux européens ont à faire face à une très grande hétérogénéité des situations socio-économiques nationales et à une diversité de rôles dont sont en charge leurs membres nationaux. La délimitation même de chaque secteur d’activité varie d’un pays à l’autre. Ce que l’on désigne par « chimie », par exemple, recouvre le plastique dans certains États membres mais pas dans d’autres, englobe la pharmacie dans certains pays mais pas partout  [44]. Cela ne constitue pas en soi un obstacle au dialogue social européen, mais il en résulte que la définition même d’un objet commun et d’intérêts partagés n’est pas une tâche aisée.

120 Porter une thématique à la table d’un comité et fédérer les intérêts demandent, dès lors, que les organisations d’employeurs et les fédérations syndicales s’accordent, mais aussi que chaque organisation obtienne un accord, tout au moins tacite, de la part de ses propres membres. Cela suppose que ceux-ci soient prêts à déléguer un mandat de négociation au plan européen, sur des questions qui ne peuvent, alors, être cruciales dans leur propre agenda domestique. Certains membres nationaux peuvent y voir un risque de perte d’influence au plan national, au profit d’un niveau européen qu’ils ne maîtrisent pas [45]. Comme dans toutes les formes de tentatives de coordination transnationale entreprises par les interlocuteurs sociaux en Europe  [46], le processus requiert tout autant de négociations intra-organisationnelles qu’entre organisations.

– Les thématiques et le statut des textes

121 Dans ces conditions, les interlocuteurs sociaux européens ont à assumer une double subsidiarité, à la fois horizontale et verticale. Horizontalement, il y a un lien fort entre les thématiques traitées et l’agenda de la Commission européenne  [47]. Verticalement, les sujets traités doivent être pertinents pour l’ensemble, ou tout au moins la majorité, des États membres, mais sans être centraux dans les négociations nationales menées par les organisations membres  [48].

122 En conséquence, si le champ que peut couvrir le dialogue social sectoriel européen semble théoriquement très vaste, en pratique il est doublement restreint : il l’est d’une part par le rôle des institutions européennes ; il l’est d’autre part par les questions que les membres nationaux acceptent de porter au plan européen et sur lesquelles patronat et syndicat acceptent de discuter.

123 Quels sont alors les thèmes couverts par le dialogue social sectoriel européen ? L’analyse du contenu des textes, menée par l’Observatoire social européen à Bruxelles [49] permet d’identifier les thèmes sur lesquels les interlocuteurs sociaux s’accordent dans les divers textes qu’ils produisent (cf. graphique 1).

Graphique 1

Nombre de textes par thème

figure im20
Politiques économiques et/ou sectorielles 28 14 13
Dialogue social 11 20 22
Formation 10 12 11
Santé et sécurité au travail 14 9 6
Aspects sociaux des politiques européennes 12 4 12
Conditions de travail 10 9 7
Élargissement de l'UE 6 D10 3
Emploi 5 1 9
RSE - Responsabilité sociale de l'entreprise 4 5 5
Non-discrimination 5 4 3
Développementdurable 4 2
Temps de travail 1 2 2
0 10 20 30 40 50 60
2005-2007 2002-2004 1999-2001

Nombre de textes par thème

1999-2007, n=295
Base de données de l’Observatoire social européen, 2008 ; P. POCHET et al., Dynamics of theEuropean sectoral social dialogue. Report to the European Foundation for the Improvement of Living andWorking Conditions, Luxembourg, Office for Official Publications of the European Communities(forthcoming), 2009.

124 Un premier groupe de sujets est en lien direct avec les politiques européennes, qu’elles portent sur le domaine social ou sur un autre, comme les politiques industrielles ou les politiques économiques, par exemple.

125 Le thème du dialogue social est également très présent, notamment pendant la période de 1999 à 2004, lorsque les comités ont rédigé un certain nombre de textes portant sur leur propre dialogue social et les élargissements de l’Union européenne.

126 Ces quatre sujets – politiques économiques ou sectorielles européennes, dimensions sociales des politiques européennes, dialogue social, élargissement – sont spécifiques à ce niveau d’action qu’occupe le dialogue social européen.

127 D’autres sont davantage comparables aux questions classiquement traitées dans les relations collectives de travail : formation, santé et sécurité, conditions de travail, emploi, responsabilité sociale de l’entreprise, non-discrimination, développement durable et, enfin, temps de travail.

128 Des questions telles que santé et sécurité, conditions de travail, non-discrimination, développement durable, semblent rencontrer un intérêt croissant, bien que donnant lieu à un faible, voire très faible, nombre de textes.

129 Tous ces textes n’ont pas le même statut et, pour tenter d’en clarifier la nature et de favoriser la cohérence entre intitulés et contenu, la Commission européenne a construit en 2004 une typologie des textes conjoints du dialogue social sectoriel. Quatre grandes catégories ont d’abord été définies, pour être complétées plus tard par une cinquième. Chacune est subdivisée en sous-catégories  [50], en fonction de deux principaux critères, le type de mise en œuvre prévu et la présence ou non d’une échéance pour la mise en œuvre [51] :

130

  • la première catégorie comprend les accords conclus en conformité avec l’art. 139 EC, et qui prévoient une mise en œuvre à une date déterminée. Cette catégorie comprend deux types d’accords : les textes mis en œuvre par une décision du Conseil, d’une part ; les accords dits « autonomes », d’autre part, mis en œuvre « selon les procédures et pratiques propres aux interlocuteurs sociaux et aux États membres » ;
  • la deuxième comporte les « textes basés sur les processus » : la mise en œuvre est ici plus progressive, mais elle prévoit néanmoins des recommandations aux organisations nationales pour qu’un suivi et une évaluation régulière de la mise en œuvre soient effectués. On y trouve des cadres d’action, des lignes directrices et codes de conduite, des orientations politiques ;
  • les avis conjoints, déclarations et instruments constituent un troisième groupe : ils ont surtout fonction d’information et ne prévoient pas de mécanisme particulier pour la mise en œuvre ;
  • dans la quatrième catégorie, on trouve les textes procéduraux qui établissent les règles pour le dialogue entre les interlocuteurs sociaux ;
  • enfin, à cela s’ajoutent les rapports de suivi par lesquels les interlocuteurs sociaux effectuent conjointement un suivi d’un autre type de texte.

131 À partir de sa base de données, l’Observatoire social européen a comptabilisé les types de textes produits de 1999 à 2007 (graphique 2). Le graphique montre clairement que les avis conjoints et les opinions prédominent, alors que le nombre d’accords en tant que tels reste marginal.

Graphique 2

Nombre de textes conjoints, par catégorie

figure im21
Opinions conjointes et 86 69 71
outils
Opinions conjointes et 53 32 42
outils : opinions conjointes
Opinions conjointes et 18 24 11
outils : déclarations
Opinionsconjointeset 15 13 18
outils : outils D
Textesprocéduraux 7 9 15
Textesorientésversles 15 12 6
processus
Accordsautonomes 221
0 50 100 150 200 250
2005-2007 2002-2004 1999-2001

Nombre de textes conjoints, par catégorie

Base de données de l’Observatoire social européen, 2008 ; P. POCHET et al., Dynamics of theEuropean sectoral social dialogue. Report to the European Foundation for the Improvement of Living andWorking Conditions, Luxembourg, Office for Official Publications of the European Communities(forthcoming), 2009.

132 Comme le constate P. Pochet, il ne semble pas y avoir de tendance nette vers la formulation de textes plus contraignants sous forme d’accords  [52].

133 La typologie des textes renvoie naturellement à la question de leur mise en œuvre. Il serait d’ailleurs présomptueux de parler simplement « d’effets », dès lors que l’évaluation de la mise en œuvre elle-même est une question complexe, particulièrement dans l’Europe des 27. Cette mise en œuvre, note Keller  [53], suppose à la fois traduction, transposition et implantation, lesquelles ne dépendent pas seulement du contenu du texte, mais aussi, et plus fondamentalement, des conditions propres aux institutions et aux acteurs au sein des États membres.

134 Quelle que soit la nature du texte, il faut aussi rappeler, comme le fait Keller, que les organisations européennes n’ont pas de pouvoir de contrainte sur leurs membres nationaux  [54].

135 Il faut cependant différencier ici les accords mis en œuvre par décision du Conseil, et qui acquièrent dès lors un caractère juridique, des autres types de textes. Pour ce qui concerne les accords autonomes, la mise en œuvre peut être assurée au plan national par la législation ou par un accord collectif qui peut être conclu au niveau interprofessionnel, sectoriel, régional, ou d’entreprise, ou même, encore, par un texte non contraignant  [55].

136 Les recherches récentes sur le sujet montrent que les partenaires sociaux eux-mêmes rencontrent des difficultés pour évaluer dans quelle mesure un texte donné est mis en œuvre dans le secteur au sein des différents États membres  [56]. Dans tous les cas, les tentatives des interlocuteurs sociaux européens pour évaluer l’impact des textes visent essentiellement à identifier les processus de mise en œuvre, et repose le plus souvent sur des informations très partielles en provenance des membres nationaux. Les interlocuteurs sociaux eux-mêmes reconnaissent manquer d’outils qui permettraient une évaluation systématique de la mise en œuvre, tout en observant qu’une telle évaluation est néanmoins cruciale quant à la crédibilité du dialogue social européen  [57].

137 P. Pochet et al.  [58] identifient cinq méthodes principales utilisées par les interlocuteurs sociaux européens pour tenter d’effectuer un suivi : une enquête, souvent conjointe, envoyée aux membres nationaux ; un rapport annuel ou bisannuel, sous forme écrite ; un rapport oral présenté devant un groupe de travail ou en réunion plénière ; une conférence ou un site internet consacré au suivi ; la préparation d’un nouveau document qui fait suite à celui dont il est question.

138 Malgré les difficultés rencontrées pour la mise en œuvre et le suivi, les interlocuteurs sociaux s’accordent pour considérer que, même si les effets concrets restent difficiles, sinon impossibles à mesurer, le processus induit échange d’informations, apprentissage mutuel et coordination.

4 – Interactions entre niveaux de dialogue social transnational

139 Ce chapitre analyse les interactions entre les différents niveaux du dialogue social transnational, en se concentrant particulièrement sur les liens existants ou potentiels entre les accords transnationaux d’entreprise et les autres niveaux de dialogue social (cf. figure 2). Il s’agit tout d’abord de faire état des interactions entre accords transnationaux d’entreprise eux-mêmes, avant d’examiner les relations avec le dialogue social sectoriel européen et, enfin, avec le dialogue social national.

4.1 – Quelles interactions ?

140 Comme nous l’avons indiqué dans la première partie, notre objectif est d’inventorier toutes les interactions identifiées qui apparaissent pertinentes selon la littérature et les entretiens, et sur les trois plans de la recherche – transnational, européen et national.

141 Les entretiens que nous avons menés, dans le cadre de cette recherche, avec différents experts et acteurs impliqués dans le dialogue social transnational au niveau de l’entreprise ou du secteur indiquent que la question de l’articulation entre les différents niveaux de dialogue social transnational est, actuellement, rarement posée, de même qu’elle l’est rarement dans la littérature.

142 On peut faire appel à plusieurs interprétations pour expliquer cette situation.

143 La première explication consiste à considérer que, s’il y a des interactions, elles sont à ce point ténues que les auteurs n’ont pas trouvé utile d’y consacrer de la recherche. L’examen des données présenté dans ce chapitre montre cependant qu’interactions il y a, et donc que cette explication est insatisfaisante.

Figure 2

Interactions entre accords transnationaux d'entreprises et autres niveaux de dialogue social transnational

figure im22
Au plan Interpro- Sectoriel Entreprise
international fessionnel
Accords
transnationaux
d'entreprise
Au plan
international
Entr. A Entr. B Entr. C
Au plan Dialogue social Comités
européen sectoriel européen de'eunrotrpeépernisse
nAautipolnaanl Niveaux du dialogue social national

Interactions entre accords transnationaux d'entreprises et autres niveaux de dialogue social transnational

144 Une deuxième explication pourrait évoquer la relative spécialisation des acteurs et des experts sur un niveau particulier de dialogue social, spécialisation qui amènerait une méconnaissance des autres niveaux et, a fortiori, une méconnaissance des interactions entre niveaux. Et en effet, du côté des acteurs, si certaines organisations, notamment du côté des représentants des salariés, peuvent intervenir à différents niveaux, ce ne sont pas nécessairement les mêmes personnes qui agissent dans les accords transnationaux d’entreprise et dans les autres arènes du dialogue social. De leur côté, les experts du dialogue social transnational concentrent le plus souvent leurs analyses et leurs recherches sur un niveau particulier de ce dialogue. Ceux qui travaillent sur le dialogue social sectoriel européen ne connaissent généralement pas de manière approfondie les accords transnationaux d’entreprise, et réciproquement. De même, très peu de chercheurs travaillent à la fois sur les accords transnationaux d’entreprise ayant une vocation mondiale et sur ceux qui ont une vocation européenne. Cela se reflète alors dans une faible connaissance par les personnes, que ce soit en termes de cadre juridique ou de procédures de négociation et de mise en œuvre, des niveaux auxquels on ne s’intéresse pas directement. Cette faible connaissance des divers niveaux est à mettre en perspective avec les interactions qui existent dans les faits, et que ce chapitre s’efforcera de mettre en relief.

145 Au-delà de ce constat, l’approche parcellaire ou cloisonnée du dialogue social transnational peut également s’expliquer par la complexité des processus de dialogue social transnational, par leur caractère relativement neuf, et par les spécificités de chaque niveau en termes de cadre juridique et institutionnel, d’instances et d’acteurs. Tout cela présente un degré de complexité suffisamment élevé pour que l’on préfère se consacrer à un niveau à la fois.

146 On peut l’expliquer, aussi, par l’apparent développement des accords transnationaux d’entreprise hors d’une hiérarchie de dialogue social établie : ils sont ainsi envisagés comme innovants, originaux, posant des questions inédites, mais aussi propres au niveau de l’entreprise et distincts des instances de dialogue social établies, que ce soit au plan national ou européen. Ce point de départ mérite cependant d’être questionné, pour dépasser les représentations des uns et des autres.

147 Sous un angle plus politique, on peut voir dans cette approche cloisonnée, de la part de certains acteurs en particulier, une stratégie destinée à maintenir les accords transnationaux d’entreprise « à l’écart » des cadres institutionnels établis, en vue de préserver, spécifiquement, l’autonomie d’action des directions de multinationales en la matière, sans les contraindre par les règles qui régissent, par exemple, le dialogue social européen ou le dialogue social national. Un interlocuteur d’une fédération patronale européenne, par exemple, a fortement insisté sur le fait que les accords transnationaux d’entreprise ne relèvent pas de la négociation, mais bien de l’initiative patronale, comme le sont les codes de conduite. Pour ce même répondant, il ne s’agit d’ailleurs pas de négocier ailleurs que dans les contextes nationaux, car les organisations patronales nationales ne sont pas prêtes à accepter des formes de régulation qui leur seraient d’autant plus extérieures qu’elles viendraient d’un plan transnational ou supranational.

148 Plus largement, envisager a priori les accords transnationaux d’entreprise dans leurs liens à d’autres niveaux de dialogue social revient à leur reconnaître, de facto, une place dans une hiérarchie de niveaux de relations professionnelles, même si cette place reste floue. Si l’on considère les incertitudes qui caractérisent le statut juridique ou réglementaire de ces textes, et les enjeux politiques liés à la clarification de leur statut ainsi qu’à leur poids dans la régulation des opérations des entreprises, on peut comprendre pourquoi des acteurs, mais aussi des experts, hésitent à s’engager sur cette voie actuellement.

149 Il faut, enfin, rappeler encore une fois le caractère exploratoire de cette recherche, qui permet de faire apparaître des interactions effectives, mais qui ne permet pas de les analyser davantage en profondeur.

4.2 – Relations entre accords transnationaux d’entreprise

150 L’objectif des accords transnationaux d’entreprise est de définir des normes sociales qui sont adaptées au contexte particulier de l’entreprise et qui en expriment la culture et les valeurs. Par définition, ces accords se distinguent donc les uns des autres, y compris dans un même secteur économique, quant à leur contenu, au degré de précision et aux procédures de mise en œuvre. Néanmoins, les différences entre ces accords transnationaux, surtout ceux qui ont une vocation mondiale, sont moins importantes que celles qui existent entre des accords d’entreprise négociés au plan national. Deux raisons peuvent expliquer cette tendance à une certaine convergence des accords transnationaux d’entreprise ayant une vocation mondiale.

151 D’abord, au plan mondial, le niveau de l’entreprise constitue le seul niveau de dialogue social qui commence réellement à se développer, et qui a conduit à la conclusion d’accords, même si peu d’entreprises sont concernées. En l’absence d’accords mondiaux négociés à d’autres niveaux, et compte tenu de la faiblesse des normes sociales internationales, il s’agit dès lors pour les accords transnationaux d’entreprise de contribuer à la mise en place d’une régulation sociale internationale, sans pouvoir se référer à des accords d’un niveau supérieur – et sans devoir les assouplir ou les adapter.

152 Si des différences peuvent exister entre les accords d’entreprise quant à leur étendue et à leur degré de précision, tous visent à reconnaître les droits sociaux fondamentaux. Cette situation est différente de celle que l’on trouve dans le cadre national et même européen, dans la mesure où les accords négociés au niveau de l’entreprise coexistent dans ces cas avec un grand nombre d’accords sectoriels et même interprofessionnels, ainsi qu’avec les normes imposées par les pouvoirs publics. Dans la plupart des pays de l’Union européenne, où coexistent plusieurs niveaux de relations professionnelles, les accords d’entreprise visent souvent à préciser certaines normes définies dans d’autres textes, ou à les adapter au contexte spécifique de l’entreprise.

153 À cela s’ajoute le fait que les accords transnationaux d’entreprise sont négociés, du côté des salariés, par des fédérations syndicales internationales ou européennes organisées au niveau sectoriel. L’implication des mêmes fédérations dans la négociation d’accords avec différentes entreprises pousse à une certaine convergence, formalisée dans deux secteurs (métallurgie et bâtiment) par l’établissement d’accords type ayant une vocation mondiale, considérés par les fédérations concernées comme la base de la négociation avec les directions d’entreprise. Cette convergence entre les accords transnationaux d’entreprise à vocation mondiale ne se limite pas à ceux qui sont négociés à l’intérieur d’un même secteur mais peut s’observer pour tous les accords. Le poids plus faible des fédérations internationales et européennes dans les accords transnationaux ayant une vocation européenne, négociés surtout par les comités d’entreprise européens, peut expliquer que la convergence soit moins claire pour ces accords.

154 Au-delà de ces considérations, les interactions entre les accords transnationaux d’entreprise peuvent s’analyser du point de vue de leurs auteurs, des thématiques qu’ils abordent et des procédures de mise en œuvre qu’ils prévoient.

4.2.1 – Les acteurs

155 Du côté patronal, il y a assez peu d’interactions entre les acteurs impliqués dans la négociation des accords transnationaux d’entreprise. Tout au plus, les dirigeants concernés consultent de manière informelle leurs collègues dans des entreprises ayant déjà négocié des accords similaires. Ces consultations visent le plus souvent des entreprises dans des secteurs différents, car l’accord transnational peut être considéré comme un moyen de se distinguer des concurrents. Pour la même raison, les organisations patronales au niveau européen et international, par ailleurs moins bien structurées que les fédérations syndicales, interviennent tout au plus de manière informelle quand elles sont consultées dans le cadre de la négociation d’un accord transnational d’entreprise.

156 En revanche, il y a, bien entendu, des liens très forts lorsque la même entreprise négocie plusieurs accords transnationaux d’entreprise. Pour les accords ayant une vocation mondiale, il n’y a en principe qu’un texte par entreprise, mais celui-ci est souvent régulièrement renégocié par les signataires, permettant ainsi de tenir compte des expériences acquises et des difficultés rencontrées au cours de la mise en œuvre. Selon le document de travail de la Commission européenne de juillet 2008, il est aussi rare qu’une entreprise signe à la fois un accord ayant une vocation mondiale et un ou plusieurs accords ayant une vocation européenne. Sur les 89 entreprises ayant signé un ou plusieurs accords transnationaux d’entreprise, seules 6 sont dans ce cas. Cependant, il est fréquent qu’une même entreprise négocie plusieurs accords à vocation européenne, car leur champ d’application se limite souvent à une seule thématique. Les 62 accords européens retenus dans notre étude ont ainsi été négociés par seulement 31 entreprises, montrant que l’on a affaire à une démarche par laquelle les négociateurs s’appuient sur les expériences du passé.

157 Du côté des organisations syndicales, les liens sont plus étroits, constituant ainsi le principal vecteur de la convergence que l’on peut observer entre les différents accords transnationaux d’entreprise. 89 % des accords transnationaux d’entreprise à vocation mondiale sont signés par les quatre fédérations syndicales internationales les plus actives dans ce domaine, ce qui leur permet de s’appuyer, dans chaque nouvelle négociation, sur les expériences acquises dans la négociation et la mise en œuvre des accords conclus précédemment. Même si chaque accord se négocie en tenant compte du contexte spécifique de l’entreprise concernée, il existe donc des interactions évidentes entre les différents accords signés dans un même secteur. Cette interaction à l’intérieur du même secteur reste souvent informelle, mais se traduit également dans le cas de la FIOM et de l’IBB par l’établissement d’accords types.

158 Les interactions entre différents accords transnationaux d’entreprise, favorisées notamment par l’action des fédérations syndicales internationales et européennes, conduisent d’abord à une certaine convergence dans le choix des autres acteurs impliqués dans ce dialogue social transnational au niveau de l’entreprise. Pour les accords transnationaux d’entreprise ayant une vocation mondiale, on observe en effet que le choix d’associer le comité d’entreprise ou les organisations syndicales nationales dépend largement du secteur concerné et donc de la fédération syndicale internationale impliquée. Ainsi, les accords transnationaux négociés avec la FIOM sont dans 67 % des cas cosignés par le comité d’entreprise européen, alors que ce n’est le cas que de 24 % de l’ensemble des accords transnationaux. De même, 77 % des accords négociés avec l’ICEM, 57 % de ceux signés avec UNI et 54 % de ceux négociés avec la FITBB sont cosignés avec les organisations syndicales nationales, alors que ce n’est le cas que de 45 % de l’ensemble des accords. Ces chiffres montrent que les fédérations syndicales internationales poursuivent des stratégies différentes dans le domaine des accords transnationaux, mais aussi qu’elles arrivent à influencer le choix des autres représentants des salariés impliqués dans le dialogue social transnational d’entreprise, et donc qu’il existe des interactions entre différents accords transnationaux d’entreprise.

159 Les interactions entre différents accords transnationaux d’entreprise par les fédérations syndicales internationales et européennes sont plus difficiles dans le cadre des textes à vocation européenne. D’une part, ces fédérations ne cosignent qu’une partie minoritaire de ces accords. D’autre part, chacune de ces fédérations n’a négocié des accords qu’avec un nombre très réduit d’entreprises différentes. À l’exception de la Fédération européenne des métallurgistes qui a signé des accords européens dans quatre entreprises différentes, ce nombre ne dépasse pas deux, ce qui limite sensiblement le potentiel de convergence entre entreprises.

4.2.2 – Les thématiques

160 Les interactions entre les différents accords d’entreprise transnationaux se manifestent aussi au niveau des thématiques abordées, au moins pour les accords transnationaux d’entreprise à vocation mondiale. Pour ces accords, le rôle primordial joué par les fédérations syndicales internationales pousse en effet à une convergence des contenus.

161 C’est moins vrai pour les accords à vocation européenne, d’une part parce que leur contenu est généralement limité à une thématique spécifique, notamment, parce que les fédérations syndicales internationales et européennes sont des acteurs moins importants pour ces accords et ne jouent donc pas le même rôle de convergence qu’au niveau mondial.

162 En ce qui concerne les accords à vocation mondiale, la quasi-totalité reconnaissent les droits sociaux fondamentaux et se réfèrent aux conventions de l’OIT dans ce domaine. Un grand nombre de ces accords traitent également de la protection de la santé et de la sécurité des salariés, du respect des normes nationales sur les salaires et le temps de travail et, dans une moindre mesure, de la formation et de l’anticipation ou de l’accompagnement social des restructurations. Dans les accords plus récents, on voit par ailleurs se multiplier des engagements sur la protection de l’environnement, l’investissement dans la communauté locale, le sida et la lutte contre la corruption.

163 On voit ainsi émerger une liste type des thématiques abordées dans un accord transnational d’entreprise à vocation mondiale qui s’enrichit au fur et à mesure, en s’inspirant des résultats des négociations dans des entreprises pionnières. Cet enrichissement progressif de la liste des thématiques abordées dans les accords passe souvent par les secteurs, soulignant une nouvelle fois le rôle des fédérations syndicales internationales dans la création de liens entre les accords signés dans différentes entreprises. Par exemple, la référence à la protection de l’environnement est particulièrement développée dans les accords signés avec l’ICEM (92 % contre 64 % pour l’ensemble des accords), le secteur de la chimie représentant des risques importants pour l’environnement. Pour la thématique de la prévention contre le sida, c’est le secteur de la construction qui a été pionnier. 54 % des accords signés par l’IBB contiennent des dispositions sur ce sujet contre 13 % pour l’ensemble des accords. Cela peut s’expliquer par les risques créés par rapport à cette maladie par les chantiers temporaires, notamment dans les pays en voie de développement.

164 Ceci étant, cette convergence observée quant aux thématiques abordées n’empêche pas une diversité importante dans le contenu exact des garanties reconnues et le degré de précision de chaque accord transnational d’entreprise. Alors que certains accords se limitent à évoquer des principes très généraux, certains cherchent à définir plus précisément la manière dont ces principes se déclinent dans l’entreprise et ses filiales. Cette diversité se manifeste aussi au niveau de la définition du champ d’application des accords. Très peu d’accords seulement précisent ce que l’on entend par la notion de filiale, alors que sa définition juridique reste floue et varie d’un pays à l’autre, voire à l’intérieur d’un même pays, selon le sujet concerné. L’immense majorité des accords se cantonnent à évoquer une application à l’ensemble du groupe, risquant de créer par la suite des débats sur le champ d’application précis. La diversité concerne également les dispositions relatives aux fournisseurs et les sous-traitants, qui ne font pas partie de l’entreprise au sens juridique du terme. Certes, ce sujet est évoqué dans la quasi-totalité des accords à vocation mondiale, mais la manière dont il est traité varie de manière très importante. La plupart des accords se limitent à encourager les fournisseurs et les sous-traitants à respecter tout ou partie de l’accord négocié par le donneur d’ordres. Certains vont plus loin et prévoient des sanctions allant jusqu’à la rupture des relations commerciales si les droits sociaux fondamentaux sont violés de manière répétée.

165 Si l’on peut donc observer une réelle tendance à la convergence des thématiques, chaque accord transnational d’entreprise maintient donc ses spécificités. Il s’agit bien d’un dialogue social au niveau du groupe d’entreprise qui s’ajuste avant tout au contexte et à la culture de celle-ci. Néanmoins, la convergence des thématiques entre les différents accords d’entreprise laisse entrevoir une possibilité d’interaction avec des accords transnationaux à développer au niveau sectoriel. Ces derniers pourraient fixer un cadre général qui serait adapté au niveau de chaque entreprise qui le souhaite.

4.2.3 – La mise en œuvre

166 La convergence entre les différents accords transnationaux d’entreprise à vocation mondiale se manifeste enfin dans les procédures de mise en œuvre. Souvent impliquées dans le suivi des accords, les fédérations syndicales internationales permettent, là encore, de prendre en compte les expériences acquises dans d’autres entreprises lorsqu’il s’agit de négocier un nouvel accord. Progressivement, on assiste donc à l’émergence de procédures types de suivi, fondées à la fois sur des réunions au moins annuelles entre les signataires, un principe de re-négociation régulière de l’accord ainsi qu’un système de résolution des conflits impliquant les partenaires sociaux dans les différentes filiales.

167 Certes, des différences importantes existent dans la mise en œuvre réelle de ces dispositions dans chaque entreprise, mais on voit, là encore, apparaître un potentiel pour une interaction entre le niveau de l’entreprise et le niveau sectoriel. Un cadre général définissant les règles de suivi et de résolution des conflits des accords transnationaux d’entreprise pourrait en effet être négocié au niveau des secteurs et adapté et précisé ensuite au niveau des entreprises qui signent de tels accords.

4.3 – Interactions entre le dialogue social transnational au niveau de l’entreprise et le niveau sectoriel

4.3.1 – Complémentarité ou concurrence ?

168 La question des éventuelles interactions entre le dialogue social transnational au niveau de l’entreprise et au niveau du secteur reste, à ce jour, purement rhétorique pour ce qui concerne le dialogue social sectoriel au plan international. Comme le souligne Renée-Claude Drouin, professeure adjointe en droit à l’Université de Montréal, auteure d’une thèse sur les accords transnationaux d’entreprise  [59], dans un entretien mené dans le cadre de ce rapport, il existe une certaine articulation au niveau international entre le niveau de l’entreprise et celui du secteur dans la mesure où les promoteurs et les signataires des accords transnationaux d’entreprise à vocation internationale sont, du côté syndical, potentiellement aussi des acteurs au niveau sectoriel. Toutefois, jusqu’à maintenant, les efforts des fédérations syndicales internationales pour promouvoir des accords-cadres sectoriels au niveau international (notamment les efforts de l’ICEM) ont échoué. Pour Drouin, l’une des raisons de ces difficultés réside dans l’absence d’associations patronales au niveau international dans certains secteurs d’activités.

169 Compte tenu de l’absence de dialogue social sectoriel structuré au plan international, la question des interactions entre le niveau de l’entreprise et celui du secteur devient donc surtout intéressante si l’on examine les relations éventuelles entre accords transnationaux d’entreprise et dialogue social sectoriel au plan européen.

170 Les publications sur les accords transnationaux d’entreprise ne se réfèrent presque jamais aux activités des comités de dialogue social sectoriel, et réciproquement. Pourtant, une confrontation des analyses sur ces deux formes de dialogue social transnational peut être fort utile, à la fois d’un point de vue théorique et pratique. D’abord, les questions que posent ces deux formes de dialogue social sont similaires à de nombreux égards, et les réponses qui commencent à y être apportées dans un domaine pourraient enrichir la réflexion dans l’autre. Ensuite, en pratique, ces deux niveaux de dialogue social transnational coexistent et, comme le précise Jogodzinki  [60], on ne pourra pas éviter des « recouvrements partiels entre les négociations collectives transnationales avec leurs équivalents nationaux, la négociation au niveau des entreprises et le dialogue social européen sectoriel ».

171 Au-delà du constat général d’un recouvrement possible, les relations entre le niveau de l’entreprise au plan international ou européen, d’une part, et le dialogue sectoriel européen, d’autre part, peuvent être envisagées de deux manières fondamentalement différentes : soit sous forme de complémentarité, soit sous forme de concurrence.

172 D’un côté, l’accord transnational d’entreprise pourrait être considéré comme s’inscrivant dans un système de dialogue social transnational à trois échelons, sur le modèle de certains systèmes nationaux, comportant le niveau interprofessionnel, sectoriel et de l’entreprise. Dans cette perspective, l’accord transnational d’entreprise, surtout s’il est à vocation européenne, viendrait ainsi poser la pierre de la négociation d’entreprise (single-employer bargaining) au bas d’un édifice de négociations transnationales. Ce système s’inscrirait nécessairement dans le contexte européen, où le dialogue social est déjà institutionnalisé au niveau sectoriel et interprofessionnel. Se poserait alors la question de la répartition des rôles et des missions de chaque niveau, ainsi que celle de la coordination verticale éventuelle entre ces deux niveaux.

173 D’un autre côté, le dialogue social transnational au niveau de l’entreprise pourrait être perçu comme un concurrent du dialogue social mené au niveau sectoriel. Dans cette perspective, la première matérialiserait au plan transnational une tendance générale à la décentralisation de la négociation vers l’entreprise [61]. De façon quelque peu paradoxale, l’émergence du dialogue social d’entreprise au plan international refléterait alors, en réalité, une forme de décentralisation où l’entreprise devient un lieu central de négociation collective, au détriment des niveaux supérieurs que constituent l’interprofessionnel et le sectoriel. Toutefois, comme le montre Traxler  [62], la décentralisation ne signifie pas nécessairement que les niveaux supérieurs abandonnent tout rôle de coordination. Selon Traxler, la décentralisation peut être inorganisée, auquel cas le rôle des niveaux supérieurs s’affaiblit purement et simplement en faveur d’une plus grande marge de manœuvre pour l’entreprise. En revanche, la décentralisation peut aussi être organisée lorsque se maintient une coordination par le secteur ou l’interprofessionnel, ces niveaux ouvrant alors un champ de négociation pour l’entreprise mais dans un cadre clairement établi par la négociation « multi-employeurs ». Selon Traxler, la centralisation et la coordination constituent deux dimensions distinctes des systèmes de relations professionnelles. Même un système dit « décentralisé » peut être coordonné dès lors que des mécanismes existent pour diffuser des pratiques de négociation d’une entreprise à l’autre. Dans le cadre des systèmes nationaux de relations professionnelles, Traxler identifie cinq modes de coordination : la coordination imposée par l’État ; la coordination encouragée par l’État ; la coordination inter-organisationnelle, entre organisations patronales ou syndicales ; la coordination intra-organisationnelle, au sein de chaque organisation ; enfin, la négociation de référence, par laquelle un accord conclu au sein d’une entreprise donnée sert de « mètre étalon » pour les autres.

174 La question des possibles interactions entre le dialogue social transnational au niveau de l’entreprise et le dialogue social sectoriel européen peut alors être reformulée dans une série de sous-questions. Les accords transnationaux d’entreprise peuvent-ils s’inscrire, dans une logique de complémentarité, au sein d’un système de dialogue social transnational à trois étages fondé sur le niveau interprofessionnel, le niveau sectoriel et le niveau de l’entreprise ? Dans ce cas, y a-t-il des formes de coordination entre le dialogue social au niveau sectoriel et au niveau de l’entreprise ? Ou s’agit-il, au contraire, d’un dialogue social d’entreprise qui soit « inorganisé », au sens où l’envisage Traxler ?

175 Pour traiter ces questions, il est nécessaire, tout d’abord, de comparer le dialogue social transnational au niveau de l’entreprise et le dialogue social sectoriel européen, pour identifier leurs points communs et leurs différences. Cette approche permet de ne pas restreindre l’analyse à la seule identification des interactions les plus visibles, mais de considérer aussi les liens éventuels qui résultent des dynamiques des systèmes, même s’ils ne sont pas intentionnels ou programmés.

4.3.2 – Le cadre juridique et institutionnel

176 Si l’on compare le dialogue social transnational d’entreprise et le dialogue social sectoriel européen, le premier constat, très clair, est celui de l’asymétrie du cadre institutionnel. À l’incertitude du cadre juridique et institutionnel du dialogue social au niveau de l’entreprise répond le cadre institutionnel du dialogue social sectoriel clairement établi par les deux articles 154 et 155 du traité. Le dialogue social sectoriel européen se déroule au sein de comités institués et fortement soutenu par la Commission européenne, et dont la structure et les règles de fonctionnement sont définis dans des textes juridiques [63]. Il rassemble des interlocuteurs dont la représentativité est reconnue selon des critères fixés par la Commission et produit des documents qui s’inscrivent dans une typologie des textes également définie par la Commission.

177 Si l’absence d’un cadre juridique et institutionnel n’a, pour l’instant, empêché, ni l’émergence, ni le développement des accords transnationaux d’entreprise, il pourrait se révéler plus difficile de diffuser le dialogue social transnational dans des entreprises ayant une culture de dialogue social moins forte ou des dirigeants moins enclins à expérimenter des nouvelles formes de dialogue social transnational dans un contexte juridique peu clair. Un soutien institutionnel de la part des institutions de l’Union européenne à ce type d’initiatives serait donc sans doute une condition pour un développement à plus grande échelle des pratiques de dialogue social transnational au niveau de l’entreprise, à l’image de l’expérience de la mise en place des comités d’entreprise européens.

178 Les activités mises en place par la Commission européenne consistant à suivre le développement des accords transnationaux d’entreprise, à les analyser et à organiser des séminaires et des débats sur cette évolution constituent un premier pas dans cette direction, mais méritent sans doute d’être renforcées par un soutien encore plus actif des partenaires sociaux souhaitant développer ce type de dialogue social transnational pour faciliter l’identification des acteurs légitimes de ce dialogue et les accompagner dans la mise en œuvre des accords négociés.

4.3.3 – Les acteurs

179 Les relations entre le dialogue social transnational au niveau de l’entreprise et au niveau du secteur apparaissent dès que l’on examine les signataires des premiers, où sont très présentes dans les fédérations syndicales sectorielles. Les auteurs soulignent l’asymétrie entre les deux parties à la négociation avec, d’un côté, une entreprise individuelle et, de l’autre, une fédération syndicale internationale agissant en principe au niveau sectoriel  [64]. Alors que Jogodzinski considère que cette asymétrie ne pose pas de difficulté particulière  [65], d’autres auteurs relèvent qu’elle heurte les catégories du dialogue social connues au niveau national  [66].

180 Le tableau 16 propose une comparaison synthétique des participants au dialogue transnational d’entreprise, d’une part, et aux comités de dialogue social sectoriel, d’autre part.

181 Du côté patronal, il y a une asymétrie dans la mesure où les accords transnationaux d’entreprise sont signés par la direction d’une seule entreprise, alors que le dialogue social sectoriel implique les 53 fédérations patronales européennes. Ce constat peut cependant être quelque peu nuancé pour des secteurs où les organisations européennes d’employeurs représentent des membres nationaux qui sont, directement, des entreprises. C’est le cas, par exemple, dans le secteur de la poste ou de l’électricité, où les membres nationaux du côté patronal sont principalement de grandes entreprises. On peut, dans ce cas, retrouver des acteurs patronaux communs dans les deux espaces de dialogue social, au niveau de l’entreprise et du secteur.

Tableau 16

Participants aux accords transnationaux d’entreprise et aux comités de dialogue social sectoriel européen

Accord transnational d’entreprise Dialogue social sectoriel européen
Représentants patronaux Un ou plusieurs représentants de la maison mère de la multinationale, en incluant parfois des représentants de filiales. Fédérations sectorielles européennes, ou branche européenne des fédérations internationales, représentant les fédérations sectorielles nationales.
Représentants des travailleurs Quatre possibilités 1 : a) une ou plusieurs fédérations syndicales sectorielles internationales ; b) les membres du comité d’entreprise européen ; c) des organisations syndicales nationales ; et d) une combinaison des possibilités précédentes. Fédérations sectorielles européennes, ou branche européenne des fédérations internationales, représentant les fédérations sectorielles nationales.
Statut Du côté employeur, pas de statut d’employeur en tant que tel ; du côté syndical, pas de pouvoir formel de négociation, représentativité et mandat non précisément établis. Reconnus comme représentatifs selon les trois critères définis par la Commission européenne en 1993.
Rôle Négociation, signature. De l’information jusqu’à la négociation.
tableau im23

Participants aux accords transnationaux d’entreprise et aux comités de dialogue social sectoriel européen

1 E. ALES et al., « Transnational collective bargaining : past, present and future, Commission européenne », 2006, cf. <http://ec.europa.eu/employment_social/labour_law/docs/-transnational_-agreements_ales_study_en.pdf>.

182 Par exemple, nos entretiens ont montré que EDF est très impliquée dans le dialogue social sectoriel européen, car elle représente la France au sein de ce comité. Du côté patronal, ce n’est pas la personne en charge de l’accord mondial négocié au sein du Groupe EDF qui participe au comité de dialogue social, mais du côté syndical, la personne représentée dans le comité de dialogue social a participé à la négociation de l’accord du Groupe EDF. Le thème de la responsabilité sociale de l’entreprise est d’ailleurs commun : il fait l’objet de l’accord transnational de 2005 du Groupe EDF et il a donné lieu à un texte sectoriel conjoint en décembre 2004  [67] et se trouve au programme de travail du comité de dialogue social européen de l’électricité depuis plusieurs années  [68]. Au comité sectoriel européen, un atelier a été organisé sur le sujet en novembre 2006, avec une journée sous forme de témoignages en présence de la Commission européenne, de représentants d’entreprise, de syndicats et ONG. EDF a témoigné à deux reprises sur son accord transnational. Ces échanges portent sur la pertinence de faire de la responsabilité sociale un enjeu du dialogue social et sur les modalités. Cependant, l’organisation patronale, Eurelectric, insiste fortement sur sa réticence à entrer dans un processus de négociation au niveau sectoriel européen.

183 Du côté syndical, la symétrie est plus grande dans la mesure où l’on trouve les fédérations syndicales sectorielles dans le dialogue social au niveau de l’entreprise et du secteur. Les fédérations syndicales jouent un rôle clé dans la négociation et la mise en œuvre des accords transnationaux d’entreprise, à la fois au plan international et au plan européen. Les fédérations syndicales européennes sont intervenues comme signataires aussi bien des accords à vocation mondiale que des accords à vocation européenne. Le tableau 17 met clairement en évidence le rôle joué par la Fédération européenne des métallurgistes (FEM) et de la Fédération européenne des syndicats des mines, de l’énergie et de la chimie (EMCEF) dans la signature d’un certain nombre d’accords de portée européenne.

Tableau 17

Participation des fédérations syndicales européennes, comme signataires d’accords transnationaux d’entreprise (source des données : CEC, 2008b, liste des accords jusque juillet 2007).

Entreprise Nationalité de la maison-mère Secteur Année Titre Portée FSE impliquée Rôle
Air France
Arcelor-Usinor (Mittal)
Areva
Daimler Chrysler
EADS
ENI
GEA AG
General Motors
General Motors
General Motors
General Motors
General Motors
PSA Peugeot
Rheinmetall
Röchling
Schneider
SKF
Total
Total
Total
France
Luxembourg
France
Allemagne
Pays-Bas, (France, Espagne)
Italie
Allemagne
États-Unis
États-Unis
États-Unis
États-Unis
États-Unis
France
Allemagne
Allemagne
France
Suède
France
France
France
Transport
Acier
Métal, énergie
Automobile
Aérospatiale
Énergie
Ingénierie
Automobile
Automobile
Automobile
Automobile
Automobile
Automobile
Défense, automobile
Automobile, plastiques
Matériel électrique
Métal
Pétrochimie, énergie
Pétrochimie, énergie
Pétrochimie, énergie
2001
2005
2006
2006
2005
1996
2003
2000
2002
2004
2007
2007
2006
2003
2004
2007
2003
2004
2005
2007
Social Charter
Global agreement
Group agreement
Principles
Framework agreement
Agreement
Déclaration
Framework agreement
Agreement
Framework
Orientations
Agreement
Global agreement
Code of conduct
Code of conduct
European agreement
Code of conduct
Agreement
European agreement
European agreement
Mixte
Globale
Européenne
Européenne
Mixte
Européenne
Global + CEE
Européenne
Européenne
Européenne
Européenne
Européenne
Mixte
Global + CEE
Global + CEE
Européenne
Global + CEE
Européenne
Européenne
Européenne
ETF
FEM
FEM
FEM
FEM
EMCEF
FEM
FEM
FEM
FEM
FEM
FEM
FEM
FEM
FEM
FEM
FEM
EMCEF
EMCEF
EMCEF
Représentant CES, cosignataire avec CEE
Cosignataire, avec implication du CEE
Signataire, avec implication du CEE
Mandant vers CEE
Cosignataire
Cosignataire
Cosignataire
Cosignataire
Cosignataire
Cosignataire
Cosignataire
Cosignataire
Cosignataire
Cosignataire
Cosignataire
Cosignataire
Représenté par CEE signataire
Cosignataire
Cosignataire
Cosignataire
tableau im24

Participation des fédérations syndicales européennes, comme signataires d’accords transnationaux d’entreprise (source des données : CEC, 2008b, liste des accords jusque juillet 2007).

Commission des Communautés européennes, Document des services de la Commission. Le rôle desaccords d’entreprise transnationaux dans le contexte d’une intégration internationale croissante, SEC(2008) 2155.

184 Le rôle actif de la FEM dans la négociation de ces accords transnationaux s’inscrit clairement dans la stratégie que cette fédération européenne a mise en œuvre depuis le milieu des années 1990 pour tenter de coordonner le dialogue social en Europe  [69]. Comme le rappelle Pulignano, l’objectif de la FEM consiste à éviter autant que possible que le dialogue social ne soit marqué par une logique de concurrence entre les pays au risque d’une spirale négative en termes de pression sur les salaires et les conditions d’emploi. Cette stratégie se déploie au moyen de plusieurs dispositifs concrets : la création de comités, l’organisation de conférences, la définition de standards minimaux communs, l’établissement de règles de coordination des négociations dans les contextes nationaux, la mise en place de réseaux d’échange d’informations propre et réseau partagé dès décembre 2006 avec le secteur textile et la chimie dans le portail « Eucob@n » ( « European collective bargaining network  [70] »). Elle repose sur un engagement conjoint des membres nationaux de la FEM à adhérer aux lignes de conduite fixées au plan européen, et sur des principes communs de négociation, notamment en matière de formation continue  [71]. C’est donc bien dans ce cadre que s’inscrit l’établissement, en février 2006, d’une « procédure interne de la FEM pour les négociations au niveau des entreprises multinationales ». Cette procédure vise, sans ambiguïté, à faire en sorte que la négociation d’un accord transnational d’entreprise implique une ou plusieurs organisations syndicales, et non pas le comité d’entreprise européen : « Étant donné que la responsabilité des mandats incombe aux syndicats, les CEE ne disposent pas d’un mandat pour la négociation collective et ne doivent pas devenir les partenaires des directions d’entreprises pour ces questions. Le domaine de la négociation collective n'est cependant pas clairement défini. Il est dans l’intérêt de la FEM et de ses affiliés de garantir l’implication totale des syndicats dans tout processus de négociation potentiel, également au niveau européen.  [72] » La procédure porte sur les étapes de la négociation, non sur les thèmes qui y sont traités. Elle prévoit sept étapes que les membres nationaux s’engagent à respecter.

185 Des logiques sectorielles différenciées sont à l’œuvre aussi bien dans le dialogue social transnational au niveau de l’entreprise, où prédominent quelques secteurs, que dans le dialogue social sectoriel, où les dynamiques et les résultats varient fortement d’un secteur à l’autre  [73]. Interrogé dans le cadre de cette recherche, Nikolaus Hammer, enseignant-chercheur à l’Université de Leicester et auteur de plusieurs publications sur les accords transnationaux d’entreprise [74] souligne les différences importantes entre secteurs, qui sont liées à la fois aux conditions socio-économiques propres au secteur et aux acteurs syndicaux qui y sont actifs. Ainsi, dans le secteur de l’automobile, la Fédération européenne de la métallurgie (FEM) est très active dans le champ des accords transnationaux d’entreprise. Hammer note que, au sein de cette fédération, certains des coordinateurs d’entreprises sont à la fois impliqués dans la négociation des accords d’entreprise et dans le dialogue social européen. Il s’agit d’un secteur où la concurrence est mondiale et où la concurrence entre les sites est importante. Le rôle des syndicats y est traditionnellement assez fort et s’inscrit dans des structures bien établies. Hammer considère ainsi que le contexte économique et l’activité syndicale d’un secteur donné influencent le rôle que peuvent jouer les fédérations syndicales internationales ou européennes. La situation est très différente dans le secteur de la construction où les syndicats sont moins puissants et ont peu d’impact sur les employeurs.

Procédure interne de la Fédération européenne des métallurgistes pour les négociations au niveau des entreprises multinationales

  1. Informations préliminaires et procédure de consultation
    1. Un cycle complet d’information et de consultation est organisé avec la participation des syndicats impliqués dans l’entreprise, du coordinateur FEM, du comité restreint du CEE et du CEE. Les syndicats impliqués doivent s’accorder sur le démarrage de négociations. Ils devraient le faire de préférence de façon unanime. Si toutefois l’unanimité n’est pas atteinte, la décision doit être prise par une majorité d’au moins deux tiers dans chacun des pays impliqués. La décision est prise conformément aux pratiques et traditions nationales (…).
    2. Dans le même temps, le coordinateur FEM informe le secrétariat FEM du début de ce processus ainsi que des thèmes et éléments concernés.
  2. Le mandat pour ces négociations est décidé au cas par cas. Le mandat est octroyé par les syndicats impliqués et devra de préférence être unanime (…). Il doit y avoir une proposition concrète sur les personnes qui négocient avec la direction au nom de tout le groupe de négociation. Cette équipe de négociateurs doit inclure au moins un représentant de la FEM, et/ou le coordinateur FEM et/ou un représentant des syndicats impliqués, l’un d’entre eux menant les négociations. Parmi les négociateurs peuvent également figurer des membres du CEE et/ou du comité restreint du CEE.
  3. Le secrétariat FEM tient le comité Exécutif et les comités politiques concernés informés des négociations durant la procédure et le processus de négociation.
  4. Le groupe de négociation présente le projet d’accord à tout le groupe de négociation pour évaluation. Ce projet d’accord est approuvé par les syndicats impliqués et cette décision doit être prise au moins à la majorité des deux tiers dans chaque pays concerné. Ce processus de prise de décision est conforme aux pratiques et traditions nationales. Une majorité des deux tiers devra également être atteinte au niveau européen, en prenant en compte la proportion de main-d’œuvre que chaque pays représente.
  5. La FEM, en la personne du secrétaire général ou du secrétaire général adjoint, ou toute autre personne mandatée par ces derniers, signe l’accord au nom des syndicats impliqués dans l’entreprise au moment de la signature.
  6. Tous les syndicats impliqués acceptent de mettre en œuvre l’accord signé. L’accord est mis en œuvre conformément aux pratiques nationales des pays impliqués. La mise en œuvre doit respecter le cadre légal et le système de conventions collectives dans ces pays.
  7. Des informations complètes sur tout accord signé sont transmises au comité exécutif et à tous les comités politiques concernés.
Source : Fédération européenne des métallurgistes, Procédure interne de la FEM pour les négociations au niveau des entreprises multinationales, Bruxelles, 2006.

186 Comme le souligne Bourque  [75], des tentatives de coordination transnationales au plan sectoriel, telles que celle de la FEM, ne se font pas sans tensions avec les membres nationaux. Se posent ainsi des difficultés de coordination verticale similaires à celles que rencontre le dialogue social sectoriel européen : difficulté de fédérer les intérêts des organisations nationales membres, qui peuvent être confrontées à des problèmes très hétérogènes d’un pays à l’autre ; difficulté d’obtenir un mandat de négociation qui peut donner aux membres nationaux le sentiment de concéder du terrain et de se départir d’une part de pouvoir ou d’autonomie ; difficulté, ensuite, pour assurer la mise en œuvre des textes européens au sein des différents pays, alors que les fédérations européennes ont peu de pouvoir de contrainte sur leurs membres  [76]. De tels processus impliquent dès lors une importante activité de coordination intra-organisationnelle du côté syndical.

187 De façon générale, l’asymétrie des signataires d’accords transnationaux d’entreprise – management de la société mère d’un côté, fédération de l’autre – reflète une asymétrie plus générale dans l’action de ces acteurs dans ce que Marginson appelle « les processus autonomes d’européanisation des relations professionnelles  [77] ».

188 Ces processus consistent en initiatives transnationales unilatérales ou bilatérales, prises par des acteurs patronaux ou syndicaux, pour coordonner les conditions d’emploi au plan européen, en parallèle des instances « officielles » de dialogue social européen et dans le contexte de l’intégration économique et politique. Le groupe multinational constitue le niveau d’action privilégié du côté patronal, que ce soit par les employeurs, le management des multinationales ou les fédérations, tandis que les organisations syndicales privilégient le niveau sectoriel. Les premiers développent ainsi dans l’espace de la multinationale des dispositifs de comparaison coercitive, benchmarking, indicateurs de performance et autres systèmes de supervision qui assurent, de facto, un rôle de coordination des négociations collectives locales. Du côté syndical, la priorité est donnée à l’échange d’informations et à des tentatives de coordination de la négociation au plan sectoriel.

189 En somme, les accords transnationaux d’entreprise reflètent cette situation générale, avec des acteurs patronaux axés sur l’entreprise, tandis que les acteurs syndicaux interviennent davantage au plan du secteur. Il en résulte que, même si le dialogue social sectoriel européen et les accords d’entreprise se différencient fortement en termes d’assises institutionnelles, il existe des liens, particulièrement par l’intervention des fédérations syndicales, et plus nettement encore lorsque celles-ci sont des fédérations européennes. Ici, c’est la FEM qui joue un rôle très actif, dans le cadre d’une stratégie de long terme visant à coordonner les négociations transnationales en Europe.

4.3.4 – Les thématiques

190 Les interactions entre le dialogue social transnational au niveau de l’entreprise et le dialogue social sectoriel européen peuvent aussi s’analyser du point de vue des thématiques abordées. Y a-t-il des liens entre les sujets traités par les accords transnationaux d’entreprise et ceux que couvre le dialogue social sectoriel européen ?

191 La comparaison n’est pas aisée à établir, car les classifications utilisées pour désigner les thématiques varient, et parce qu’un même texte peut couvrir plusieurs thèmes. Il faut, aussi, relativiser la solidité des données disponibles, dès lors qu’elles rendent compte exclusivement des thèmes présents dans les textes signés par les parties, et non pas des sujets discutés mais non formalisés dans des textes conjoints.

192 Toutefois, nous avons tenté de comparer autant que possible les thèmes traités, tout d’abord en examinant si les thématiques sont spécifiques à l’un ou l’autre niveau ou, au contraire, partagées (tableau 18) et, ensuite, en examinant leur degré d’occurrence dans les accords d’entreprise et dans les textes du dialogue social sectoriel européen (tableau 19).

Tableau 18

Présence des thèmes dans les textes

Thèmes Accords d’entrepr. mondiaux (n=63) Accords d’entrepr. européens (n=62) Textes issus du dialogue social sectoriel europ. (1999-2007, n=295)
Aspects sociaux des politiques de l’UE
Conditions de travail
Développement durable, protection de l’environnement
Dialogue social
Égalité des chances, non-discrimination
Élargissement de l’UE
Emploi
Formation
Interdiction du travail des enfants
Interdiction du travail forcé
Liberté syndicale
Participation financière
Politiques économiques et sociales
Protection des données
Rémunération
Restructurations
Responsabilité sociale de l’entreprise
Santé et sécurité
Sida
Sous-traitance
Temps de travail

x
x
x
x

x
x
x
x
x



x
x
x
x
x
x
x

x

x
x

x
x



x

x

x
x
x

x
x
x
x
x
x
x
x
x




x



x
x


x
tableau im25

Présence des thèmes dans les textes

pour les accords transnationaux d’entreprise : Commission des Communautés européennes,Document des services de la Commission. Le rôle des accords d’entreprise transnationaux dans le contexted’une intégration internationale croissante, SEC (2008) 2155 ; pour les textes du dialogue social sectorieleuropéen : P. POCHET et al., Dynamics of the European sectoral social dialogue. Report to the EuropeanFoundation for the Improvement of Living and Working Conditions, Luxembourg, Office for OfficialPublications of the European Communities (forthcoming), 2009.

193 La figure 3 indique plus clairement quels sujets se trouvent aux intersections entre ces trois espaces de dialogue social transnational. Ces données montrent que plusieurs thèmes sont traités par les trois niveaux de dialogue social. C’est le cas d’abord de la responsabilité sociale des entreprises et du dialogue social, mais aussi des conditions de travail, de la santé et la sécurité ainsi que de l’emploi et de la formation. S’y ajoutent l’égalité des chances et la lutte contre les discriminations, si l’on accepte de les traiter comme une seule et même thématique. Par ailleurs, certaines thématiques figurent à la fois dans les textes négociés dans le cadre du dialogue social sectoriel européen et dans les accords transnationaux d’entreprise à vocation mondiale. C’est le cas notamment du développement durable et de l’environnement ou du temps de travail. Une analyse plus fine des textes concernés fait cependant apparaître des différences importantes en termes de précision sur ces différents sujets traités. Le plus souvent, le niveau de l’entreprise se caractérise par un degré de précision plus important ainsi que des mesures de mise en œuvre plus détaillées, mais ce n’est pas toujours le cas. Certains textes adoptés dans le cadre du dialogue social sectoriel européen définissent ainsi des règles très précises et mettent en place des procédures de suivi.

Figure 3

Thèmes communs ou différents dans le dialogue social transnational

figure im26
Dialogue social Aspects soc. pol. UE
sectoriel européen Conditions de travail
Élargissement UE
Emploi
Politiques économiques et sociales
Dév. durable/ Dialogue social
environnement RSE
Temps de Formation
travail Santé-sécurité
Égalité des chances/
non-discrimination
Interdiction du
travail enfants et du Participation financière
travail forcé Protection des données
Liberté syndicale Restructurations Sous-traitance
SIDA santé et sécurité
Rémunération
ATE globaux ATE européens

Thèmes communs ou différents dans le dialogue social transnational

194 D’autres thématiques apparaissent, en revanche, spécifiques au dialogue sectoriel européen. Il s’agit surtout des sujets propres à l’intégration européenne ou en lien avec des politiques européennes, comme les aspects sociaux des politiques européennes, les enjeux de l’élargissement, les politiques d’emploi ou plus largement les politiques économiques et sociales. Au contraire, le respect des droits fondamentaux au travail constitue un sujet de préoccupation particulier au dialogue social au sein des entreprises multinationales. Deux questions sont, quant à elles, spécifiques aux accords transnationaux d’entreprise à portée européenne : la participation financière et la protection des données.

195 L’analyse de l’occurrence des différents thèmes dans les textes permet d’affiner l’approche. Le tableau 19 confirme l’importance du thème de la formation et de celui de la santé et sécurité, aussi bien dans les accords transnationaux d’entreprise à vocation mondiale que dans le dialogue social sectoriel européen. Il confirme également, mais de façon moins nette, la place du thème de l’égalité des chances ou de la non-discrimination.

Tableau 19

Présence des thèmes traités dans les différents niveaux de dialogue social

Thèmes (classés par ordre décroissant d’importance dans le dialogue social sectoriel européen) ATE globaux (n=63) ATE européens (n=62) Textes issus du DSSE (n=295)
% des textes couvrant les thèmes cités Nombre Nombre
Politiques économiques et sociales
Dialogue social
Formation
Santé et sécurité
Aspects sociaux des politiques de l’UE
Conditions de travail
Élargissement UE
Emploi
RSE
Égalité des chances, non-discrimination
Développement durable, protection de
l’environnement
Temps de travail
Interdiction du travail des enfants
Interdiction du travail forcé
Liberté syndicale
Participation financière
Protection des données
Rémunération
Restructurations
Sida
Sous-traitance

100
61
87

72

15
98
98
64
62
95
95
100


72
15
13
80

11
3
8




7
2





2
7

20

3
55
53
33
29
28
26
19
15
14
12
6
5








tableau im27

Présence des thèmes traités dans les différents niveaux de dialogue social

196 Cette analyse souligne cependant aussi davantage la spécificité des logiques :

197

  • les textes issus du dialogue social sectoriel européen portent davantage sur les sujets liés aux politiques européennes ;
  • les accords transnationaux d’entreprise à vocation mondiale s’attachent en priorité aux droits fondamentaux au travail ;
  • les accords transnationaux d’entreprise à vocation européenne s’attachent, comme le dialogue social sectoriel européen, au dialogue social lui-même, mais accordent une importance plus grande aux restructurations.

198 Le tableau 20 confirme cette relative « spécialisation » en indiquant la liste des sujets traités par chaque niveau, par ordre décroissant d’importance.

Tableau 20

Importance relative des thèmes traités aux différents niveaux

Accord mondiaux (n=63) Accords européens (n=62) Textes issus du dialogue social sectoriel européen (n=295)
Thèmes couverts, par ordre décroissant Importance relative des thèmes (%) Thèmes couverts, par ordre décroissant Importance relative des thèmes (%) Thèmes couverts, par ordre décroissant Importance relative des thèmes (%)
RSE
Liberté syndicale
Non-
discrimination
Inter trav. enfants
Inter travail forcé
Santé et sécurité
Rémunération
Formation
Protection env.
Temps de travail
Restructurations
Sida
12
12
12
11
11
9
8
7
7
7
2
2
Restructurations
Dialogue social
Santé et sécurité
Protection
données
RSE
Formation
Sous-traitance
Égalité des
chances
Partic. financière
-
-
-
32
17
13
11
11
5
5
3
3
-
-
-
Pol. éco et soc
Dialogue social
Formation
Santé et sécurité
Aspects soc pol.
UE
Conditions de
travail
Élargissement UE
Emploi
RSE
Non-
discrimination
Dév. durable
Temps de travail
19
18
11
10
9
9
6
5
5
4
2
2
Total 100 100 100
tableau im28

Importance relative des thèmes traités aux différents niveaux

Pour les accords transnationaux d’entreprise : Commission des Communautés européennes,Document des services de la Commission. Le rôle des accords d’entreprise transnationaux dans le contexted’une intégration internationale croissante, op. cit. ; pour les textes du dialogue social sectorieleuropéen : P. POCHET et al., Dynamics of the European sectoral social dialogue. Report to the EuropeanFoundation for the Improvement of Living and Working Conditions, op. cit. ; calcul des pourcentages parles auteurs de ce rapport.

199 On peut en conclure qu’il y a une relative spécialisation de chaque niveau sur des sujets qui lui sont particuliers : les droits fondamentaux au niveau de l’entreprise multinationale ; des questions propres à des entreprises européennes dans des textes transnationaux de portée européenne, comme c’est le cas, par exemple, de la déclaration conjointe du Club Méditerranée sur la sous-traitance, ou des deux textes européens de 2007 sur les restructurations chez General Motors et cosignés par la FEM ; des questions propres à l’intégration européenne dans les textes du dialogue social sectoriel.

200 Cependant, un certain nombre de thèmes « voyagent » entre les niveaux, qui se révèlent donc plus « poreux » qu’on ne pourrait le supposer. Des questions d’actualité, telles que la responsabilité sociale des entreprises, le développement durable, le temps de travail, la formation, la santé et la sécurité, le dialogue social, donnent lieu à des échanges dans ces divers lieux de dialogue social transnational.

201 Faut-il y déceler le signe d’une coordination ? Les données sur les thèmes traités ne permettent pas de cerner une telle coordination, et l’on peut, plutôt, avancer l’hypothèse d’une « convergence sans coordination », selon les thèmes utilisés par Hancké, par laquelle des solutions similaires sont cherchées, face à des problèmes de nature comparable  [78].

202 Plus généralement, les données indiquent une concentration de chacun de ces niveaux de dialogue social sur une dizaine de thèmes, dont sont absents ou quasi absents des sujets qui se trouvent traditionnellement au cœur des relations professionnelles au sein des contextes nationaux : les salaires, la durée et l’organisation du temps de travail, les conditions de travail. Si le champ géographique couvert par ces trois espaces transnationaux de dialogue social est extrêmement vaste, le champ thématique se trouve, en réalité, restreint par plusieurs facteurs : par la complexité d’établir le dialogue social à ce niveau, par la facilité qu’ont les acteurs de quitter la négociation sans que cela ne représente pour eux un coût important et, enfin, par la réticence des organisations nationales à déléguer vers les représentants transnationaux un mandat de négociation sur des questions centrales dans les agendas nationaux  [79].

4.3.5 – La nature et la mise en œuvre des textes

203 Lorsque l’on examine le statut des textes transnationaux, le contraste apparaît nettement, de nouveau, entre les accords transnationaux d’entreprise et les textes adoptés au niveau sectoriel. Mis à part les accords sur la mise en place d’un comité d’entreprise européen, les textes transnationaux en entreprise n’ont pas de statut réglementaire établi, alors que les textes issus du dialogue social sectoriel européen sont appuyés sur un cadre réglementaire qui s’inscrit à la fois dans les articles 154 et 155 du traité et dans les communications de la Commission européenne.

204 En particulier, la typologie des textes du dialogue social sectoriel permet de se référer à des catégories qui, à défaut d’être appliquées systématiquement par les comités sectoriels, facilitent néanmoins une cartographie des divers documents au-delà de leur simple intitulé. Il n’en est pas de même des textes d’entreprise, qui incluent une grande diversité dans les intitulés : code de conduite, orientations, cadre, procédure, accord-cadre, principes communs, accord global, déclaration, opinion conjointe, charte sociale, protocole, convention européenne, programme d’action, projet pilote, etc. Par ailleurs, en plus de cette diversité, il manque des critères qui permettraient d’établir différents types d’engagements. Certes, on peut distinguer les accords transnationaux d’entreprise selon les procédures de mise en œuvre qu’ils définissent. Néanmoins, il reste souvent une incertitude quant à la nature des textes, mais aussi quant au degré d’engagement des signataires à les mettre en œuvre. Ce flou dans les textes doit par contre être relativisé par le fait que la question de la mise en œuvre d’un accord ne se réduit pas au seul contenu formel d’un texte considéré, ni à sa nature juridique. Un autre critère important, mais très difficile à mesurer, est la manière dont les acteurs concernés s’approprient collectivement l’accord et le traduisent donc par des actions concrètes.

205 Dans le dialogue social sectoriel européen, la présence de clauses précisant la mise en œuvre d’un calendrier permet de distinguer à laquelle des catégories définies par la Commission ce texte appartient : seuls les textes prévoyant une mise en œuvre à une date déterminée s’inscrivent dans la catégorie des accords conclus en conformité avec l’article 154 EC et peuvent donner lieu à une mise en œuvre, soit autonome, soit par décision du Conseil. Toutefois, même dans ces cas, les partenaires sociaux européens sont confrontés à une grande incertitude quant à la mis en œuvre. D’une part, pour tous les textes sectoriels qui ne sont pas mise en œuvre par décision du Conseil, les partenaires sociaux européens disposent d’un faible pouvoir de contrainte sur leurs membres nationaux. D’autre part, mettre en œuvre un accord collectif requiert à la fois sa traduction, sa transposition et sa mise en pratique  [80]. Or, la question même de la traduction peut s’avérer problématique, et la transposition dépend fortement des institutions et des dynamiques internes à chaque pays. Évaluer la mise en œuvre est, en soi, un exercice méthodologique complexe, qui suppose une collaboration active des membres nationaux pour fournir des données fiables à leurs représentants européens. Il est cependant intéressant d’observer que les partenaires sociaux européens développent progressivement une gamme d’outils destinés à assurer le suivi de la mise en œuvre de leurs textes conjoints : enquêtes, rapports réguliers, rapports en groupe de travail ou en séance plénière, conférences, sites internet, nouveaux textes.

206 La mise en œuvre des accords transnationaux d’entreprise rencontre les mêmes incertitudes, même si elle s’inscrit, du côté patronal, dans un certain rapport hiérarchique entre les signataires dans la société mère et les dirigeants et managers dans les filiales qui peut faciliter la mise en place de procédures de mise en œuvre par le biais d’outils de management. Au sein du Groupe EDF, par exemple, l’accord transnational sur la responsabilité sociale a donné lieu à la définition d’indicateurs et un processus de reporting obligatoire pour les dirigeants de toutes les filiales. Toutefois, les effets de ces textes ne sont pas maîtrisés actuellement et la situation varie largement d’un pays à l’autre, alors que le statut réel et le degré de contrainte ne dépassent pas réellement, à ce jour, la volonté des acteurs  [81]. Autrement dit, la mise en œuvre des accords d’entreprise sont confrontés à un double problème : d’une part, la nature juridique incertaine de ces textes en rend les effets incertains ; d’autre part, la contrainte hiérarchique n’a jamais empêché qu’une régulation hétéronome, ou « de contrôle », se heurte à l’autonomie des acteurs locaux  [82].

4.3.6 – En synthèse

207 Les différences entre le dialogue social transnational au niveau de l’entreprise et du secteur au plan européen apparaissent clairement :

208

  • au cadre institutionnel bien établi du dialogue sectoriel européen ne répond pas un cadre équivalent pour le dialogue social transnational au niveau de l’entreprise ;
  • les acteurs patronaux diffèrent, avec les dirigeants ou managers d’une seule entreprise dans le dialogue social au niveau de l’entreprise et les fédérations patronales européennes dans les comités de dialogue social sectoriel européen ;
  • les acteurs syndicaux, en revanche, sont davantage communs, dès lors que les fédérations syndicales européennes jouent un rôle majeur aussi bien dans le dialogue social au niveau de l’entreprise que dans les comités de dialogue social sectoriel auxquels elles participent ;
  • les thématiques traitées sont, pour partie, spécifiques à chacun des espaces de dialogue social. Néanmoins, plusieurs thèmes sont couverts aussi bien dans le dialogue social transnational au niveau de l’entreprise que dans le dialogue social sectoriel européen : la responsabilité sociale des entreprises, le dialogue social, la formation, la santé et sécurité, la non-discrimination ou l’égalité des chances sont manifestement à l’ordre du jour au plan du secteur comme au plan de l’entreprise ;
  • en matière de mise en œuvre des textes, les documents issus du dialogue social sectoriel européen s’inscrivent dans un cadre institutionnel clair et formalisé, alors que les accords transnationaux d’entreprise ne se réfèrent pas, à ce jour, à un cadre juridique et institutionnel établi. En revanche, les accords d’entreprise s’inscrivent dans le cadre de la hiérarchie de la multinationale, où s’exerce un pouvoir de contrainte managérial qui pèse sur les filiales. Un tel pouvoir de contrainte d’ordre hiérarchique n’existe pas entre les partenaires sociaux sectoriels européens et leurs organisations membres dans les États. Il n’en reste pas moins que la mise en œuvre de textes se trouve confrontée, de part et d’autre, aux dynamiques domestiques et revêt un caractère incertain. Des processus de suivi sont expérimentés, par essai et erreur, des deux côtés, mais le dialogue sectoriel bénéficie ici d’une avance et d’une expérience mieux établies.

209 Les différences qui apparaissent au premier abord, et qui expliquent sans doute pourquoi la littérature ne s’est pas arrêtée à cette comparaison, incitent à penser que le dialogue social transnational au niveau de l’entreprise et le dialogue social sectoriel européen constituent deux espaces totalement indépendants l’un de l’autre. L’analyse permet pourtant de constater qu’il y a non seulement des « recouvrements partiels  [83] », mais aussi une « porosité », selon le terme utilisé par Daugareilh (Conférence de Lyon, novembre 2008). Autant cette « porosité » a donné lieu à des discussions lorsqu’elle existe entre le dialogue social transnational au niveau de l’entreprise et les activités des comités d’entreprise européens, autant elle est restée dans l’ombre pour ce qui concerne le dialogue social sectoriel européen. Les thèmes traités font pourtant apparaître des préoccupations communes, qui peuvent refléter une « convergence sans coordination », selon les termes de Hancké  [84].

210 Le dialogue social transnational au niveau de l’entreprise et le dialogue social sectoriel européen reflètent des stratégies différentes de la part des acteurs dans les deux espaces : les acteurs patronaux tendent à privilégier le niveau de l’entreprise ; les acteurs syndicaux tendent à privilégier le niveau sectoriel. Du côté syndical, c’est surtout vrai lorsque la FEM intervient, dans le cadre d’une stratégie explicite de coordination de la négociation collective au travers des frontières et au plan sectoriel. Ici, il s’agit bien de coordination, et non plus de simple convergence. Cela reste cependant marginal si l’on considère le petit nombre de textes d’entreprise impliquant une fédération syndicale européenne, et le fait que seules la FEM et EMCEF y participent à ce jour aux côtés d’une diversité d’autres signataires.

211 Le dialogue social sectoriel européen ne joue pas un rôle de coordination du dialogue social transnational d’entreprise comme le fait souvent au plan national la négociation collective sectorielle pour celle au niveau des entreprises. Mais une coordination intra-organisationnelle s’opère lorsqu’une fédération syndicale européenne intervient. Cela reste cependant, à ce jour, circonscrit au rôle de la FEM et, dans une moindre mesure, d’EMCEF, ce qui reflète plus largement des logiques sectorielles fortes. Celles-ci sont à l’œuvre à la fois dans le dialogue social transnational au niveau de l’entreprise, où quelques secteurs se trouvent surreprésentés, que dans le dialogue social sectoriel européen où les dynamiques varient fortement d’un secteur à l’autre  [85].

212 En somme, on pourrait conclure à une concurrence des modèles si l’on se réfère uniquement à des stratégies d’acteurs qui préfèrent investir en priorité un lieu plutôt qu’un autre, à savoir le niveau de l’entreprise du côté patronal et le niveau du secteur du côté syndical. Toutefois, il semble nécessaire de dépasser ce premier constat, dans la mesure où la « porosité » existe bel et bien et ouvre des pistes à une complémentarité dans le contexte de l’Union européenne. Il conviendra d’explorer plus en détail ces pistes dans de futures recherches plus approfondies.

4.4 – Interactions entre accords transnationaux d’entreprise et dialogue social national

213 L’interaction le plus souvent évoquée dans la littérature concerne les relations entre les accords transnationaux d’entreprise et le dialogue social au plan national. Nous avons déjà évoqué la question de la représentativité et du mandat en abordant, à la deuxième partie, la délicate question de la légitimité des signataires d’accords transnationaux d’entreprise.

214 Plus généralement, de nombreux auteurs affirment que les accords transnationaux d’entreprise contribuent à renforcer les droits et pouvoirs des organisations syndicales nationales, notamment dans les pays où la liberté syndicale n’est pas garantie en droit ou en fait  [86].

215 Réciproquement, plusieurs auteurs soulignent le rôle des organisations syndicales nationales dans l’émergence des accords transnationaux d’entreprise ou dans leur mise en œuvre  [87]. Ils en concluent, en général, que l’implication des acteurs syndicaux nationaux est une condition de l’application effective des accords, dès lors que les fédérations syndicales internationales manquent de moyens financiers et humains pour suivre l’application des accords sur le terrain  [88].

216 Certains auteurs évoquent plus directement la question des interactions entre ces deux niveaux de dialogue social. Dans leur étude sur les stratégies des fédérations syndicales internationales menant à la négociation des accords-cadres internationaux, Fairbrother & Hammer analysent, par exemple, les relations de pouvoir entre ces fédérations internationales et les organisations syndicales nationales, en notant que les dernières ont été affaiblies par la perte de leurs membres  [89]. Certains auteurs montrent d’ailleurs que la signature des accords transnationaux d’entreprise par les fédérations syndicales internationales constitue pour ces dernières un moyen de renforcer leur légitimité et de s’affirmer comme acteur du dialogue social  [90]. Certains articles, enfin, évoquent les liens entre les thèmes du dialogue social au niveau national et international. Jogodzinski constate ainsi que les thèmes traditionnels de la négociation collective nationale, comme le temps de travail et les salaires, ne sont pas encore traités dans les accords transnationaux d’entreprise  [91].

217 La question des interactions entre les différents niveaux géographiques du dialogue social transnational est aussi abordée à travers les liens entre le niveau international et le niveau européen. Constatant que la très grande majorité des accords transnationaux d’entreprise sont négociés dans le cadre de multinationales ayant leur siège dans l’Union européenne, de nombreux auteurs soulignent que la tradition et le cadre institutionnel du dialogue social européen favorisent plus largement l’émergence du dialogue social international  [92]. Certains soulignent également le rôle des instances de dialogue social au niveau européen, qu’il s’agisse du comité d’entreprise européen ou des comités de dialogue social sectoriel  [93].

218 En l’absence d’un cadre juridique, la question des interactions entre les accords transnationaux d’entreprise et le dialogue social national se pose successivement au moment de la négociation et de la mise en œuvre de chaque accord.

219 L’interaction entre le niveau international et le niveau national peut d’abord se manifester au moment de la négociation de l’accord transnational, notamment à travers les relations entre les différents acteurs du côté syndical. En dehors même des procédures de mandat définies dans certains secteurs, les fédérations syndicales internationales consultent les organisations syndicales de manière informelle avant de signer un accord transnational d’entreprise. Cette consultation concerne au moins les organisations syndicales du pays du siège, mais s’étend souvent également à celles des principales filiales. Dans de nombreux cas, les organisations syndicales nationales du pays du siège qui connaissent les dirigeants du groupe à travers le dialogue social au niveau national se trouvent même à l’origine de la négociation, ce qui peut se traduire par la cosignature par elles de l’accord transnational d’entreprise. Ces différents contacts au moment de la négociation des accords transnationaux d’entreprise entre les acteurs du dialogue au niveau national et international constituent une interaction informelle, mais bien réelle, entre ces deux niveaux de dialogue social, et ils peuvent favoriser une reprise des engagements pris dans l’accord transnational d’entreprise dans des accords négociés aux niveaux des filiales.

220 L’interaction entre le niveau international et le niveau national est souvent plus formelle au moment de la mise en œuvre des accords transnationaux d’entreprise. La grande majorité des accords transnationaux d’entreprise ayant un champ d’application mondial mettent en place des procédures permettant de suivre la mise en œuvre des dispositions de l’accord transnational dans les différentes filiales du groupe, voire auprès des fournisseurs et sous-traitants. Même les accords qui se limitent à prévoir des réunions au moins annuelles entre les signataires, pour évoquer d’éventuelles difficultés dans la mise en œuvre sur le terrain, permettent des rencontres régulières entre les représentants des salariés venant de tous dans les différentes filiales, et peuvent donc favoriser des liens entre le dialogue social dans les différents pays, mais aussi entre ces niveaux nationaux et le niveau international.

221 D’autres accords transnationaux d’entreprise prévoient des procédures de plainte permettant à chaque salarié couvert par l’accord de demander son application, en s’adressant d’abord aux managers locaux puis, en cas de difficultés, en recourant aux interlocuteurs sociaux au niveau national, voire en cas d’échec, au niveau international. En obligeant les partenaires sociaux nationaux à veiller à l’application de l’accord transnational, ces procédures de plainte créent une interaction plus formelle entre les deux niveaux de dialogue social. Dans ce modèle, le niveau international a pour rôle de définir les grands principes dont la mise en œuvre peut être confiée au niveau national.

222 Dans un petit nombre d’accords transnationaux d’entreprise récents, ce modèle est évoqué de manière encore plus nette, par l’inscription, dans le texte de l’accord, d’une obligation faite aux interlocuteurs sociaux dans les différentes filiales du groupe de traduire les principes généraux de l’accord transnational dans des accords négociés au niveau local. Une telle interaction, qui n’est évoquée que de manière exceptionnelle dans certains accords, notamment dans l’accord mondial du Groupe EDF  [94] ne vise pas à aboutir à une transposition systématique et complète de tous les principes évoqués dans l’accord transnational par des accords nationaux, mais plutôt de créer une dynamique de dialogue social au niveau local pour faire vivre l’accord transnational et stimuler le dialogue social dans les pays où il est moins dynamique. Ces dispositions esquissent néanmoins une véritable articulation des deux niveaux de dialogue social, comme on peut la connaître aux niveaux interprofessionnel ou sectoriel. Il s’agit donc de pratiques dont on peut espérer le développement.

– Conclusion

223 Malgré l’absence de cadre juridique et institutionnel spécifique, les accords transnationaux d’entreprise qui se développent depuis une dizaine d’années dans des entreprises multinationales, essentiellement d’origine européenne, ne sont pas sans liens avec les autres espaces de dialogue social aussi bien au plan national que transnational. S’ils apparaissent parfois comme des objets « à part », ayant leur propre fonctionnement à l’intérieur des entreprises multinationales, en dehors ou au-dessus des espaces de régulation sociale institués, l’analyse menée dans le cadre de cette recherche exploratoire fait apparaître que les interactions avec les autres espaces de dialogue social non seulement existent et sont plus nombreuses que l’on ne pourrait s’y attendre, mais sont aussi en train de se développer.

224 Tout d’abord, on note que les différents accords transnationaux d’entreprise ne sont pas aussi isolés les uns des autres qu’on ne pourrait le penser. D’une part, ces accords sont signés par un nombre limité de fédérations syndicales internationales et européennes qui ont développé des accords modèles et qui peuvent s’appuyer sur leurs expériences dans la négociation et dans la mise en œuvre d’autres accords. D’autre part, les entreprises souhaitent disposer d’un accord au moins aussi complet que ceux de leurs concurrents. Ces deux facteurs ne favorisent pas l’homogénéité de ces accords, mais un enrichissement progressif de leur contenu et de leurs procédures de mise en œuvre.

225 Les processus de négociation des accords transnationaux d’entreprise sont également étroitement liés à l’activité des comités d’entreprise européens, qu’il s’agisse d’ailleurs des accords ayant une vocation européenne ou mondiale. Si l’implication des comités d’entreprise européens pose la question de leur mandat et de leur capacité à négocier des accords collectifs, elle met en relief les liens qui existent entre les deux espaces et formes de dialogue social transnational, mais aussi le rôle que l’existence d’un cadre institutionnel limité à l’information et à la consultation des représentants des salariés peut jouer dans l’émergence d’un espace de négociation collective.

226 Parallèlement, l’analyse des interactions entre le dialogue social transnational au niveau de l’entreprise et au niveau sectoriel européen fait apparaître, à la fois, des divergences et des points communs ou des liens. Au cadre juridique et institutionnel du dialogue social sectoriel européen ne répond pas un cadre similaire pour les accords transnationaux d’entreprise ayant une vocation mondiale ou européenne. On note aussi que, du côté des employeurs, les acteurs dans les deux espaces de dialogue ne sont pas les mêmes, dans la mesure où ce sont les fédérations patronales qui interviennent au niveau sectoriel alors que ce sont les dirigeants d’une entreprise isolée qui négocient des accords d’entreprise. En revanche, du côté syndical, certains acteurs interviennent dans les deux espaces, en particulier des fédérations syndicales européennes comme la FEM et EMCEF. La FEM inscrit d’ailleurs son activité dans ces deux espaces dans une stratégie d’ensemble. En ce qui concerne les thèmes traités, certains sujets sont spécifiques à chacun des espaces, mais d’autres sont communs. C’est le cas surtout de la responsabilité sociale des entreprises, du dialogue social, de la formation, de la santé et la sécurité ainsi que de la non-discrimination ou de l’égalité des chances. En ce qui concerne la mise en œuvre des textes, il est intéressant de remarquer que des processus de suivi sont expérimentés, par essai et erreur, dans les deux espaces. L’analyse permet ainsi de constater qu’il y a une certaine « porosité » entre les espaces de dialogue social transnational.

227 Enfin, les accords transnationaux d’entreprise entretiennent nécessairement des liens avec le dialogue social au plan national, dès qu’il s’agit de mettre en relation des partenaires sociaux locaux entre eux et avec des acteurs au plan international et dès qu’il s’agit de mettre en œuvre ces accords par des actions concrètes, voire des accords collectifs nationaux. Pour l’instant, peu d’accords transnationaux d’entreprise formalisent les liens avec le dialogue social national, en évoquant à l’image de l’accord mondial sur la responsabilité sociale du Groupe EDF, l’obligation pour les partenaires sociaux locaux de transposer cet accord par des accords collectifs nationaux. Les liens sont donc souvent plutôt de nature informelle, ce qui ne signifie cependant pas qu’ils sont inexistants. Des recherches approfondies à mener dans certaines entreprises multinationales ayant négocié des accords transnationaux semblent nécessaires pour mieux éclaircir l’ampleur actuelle et potentielle de ces liens.

228 Si l’on revient aux trois scénarios ébauchés dans la première partie, on n’est donc pas dans une pure et simple logique de « niche », alors que les premiers entretiens réalisés auprès des experts, en particulier, tendaient à soutenir cette hypothèse. Les accords transnationaux d’entreprise ne s’inscrivent pas non plus, à ce jour, dans une architecture établie de relations professionnelles au plan transnational. Leur émergence récente et les nombreuses questions d’ordre juridique qui se posent à leur égard, alliées à l’absence d’un système de relations industrielles stabilisé au plan supranational, excluent ce troisième scénario à ce stade. En revanche, des liens partiels existent bel et bien entre ces accords et les autres espaces de dialogue social, donnant corps au deuxième scénario ébauché, dans des processus où certains acteurs traversent les espaces, où les sujets de préoccupation se diffusent et où, enfin, des cadres institutionnels au plan européen sont utilisés par des acteurs, surtout du côté syndical, pour construire des liens.

229 Il n’y a donc pas d’articulation, mais bien des complémentarités et des interdépendances, que l’on peut désigner plus précisément sous trois formes. Des effets de diffusion se produisent dès lors que des sujets similaires circulent d’un espace à l’autre et que les expériences acquises à l’un des niveaux inspirent un autre niveau. Des effets de convergence ont lieu, dès lors que des pratiques similaires tendent à se produire dans différents espaces et que des thèmes comparables sont traités. Au-delà de cela, des effets de coordination prennent place lorsque certains acteurs, particulièrement syndicaux, s’appuient sur un espace donné, comme le comité d’entreprise européen ou le dialogue social sectoriel européen, pour tenter d’investir ou d’infléchir un autre espace.

230 Les accords transnationaux d’entreprise ne sont donc pas inscrits dans une articulation de différents niveaux transnationaux de dialogue social, au sein d’une belle architecture nettement dessinée, mais ils n’existent pas, non plus, dans un vide où les acteurs de l’entreprise agiraient seuls, loin des contingences des autres espaces de régulation sociale.

ANNEXES

1 – Guides d’entretien

Guide pour les représentants d’entreprises ayant négocié un ACI

1. Avez-vous échangé avec des organisations patronales sectorielles avant ou pendant la négociation de votre ACI ? Si non :
- Pour quelle raison ?
- Le regrettez-vous ?
Si oui :
- Pour quelle raison ?
- Ces échanges ont-ils influencé votre
stratégie et votre comportement pendant
la négociation ?
- De quelle manière ?
2. Avez-vous échangé avec des organisations patronales sectorielles depuis la négociation de votre ACI ? Si non :
- Pour quelle raison ?
- Le regrettez-vous ?
Si oui :
- Pour quelle raison ?
- Ces échanges ont-ils influencé votre
stratégie et votre comportement dans la
mise en œuvre et le suivi ?
- De quelle manière ?
3. Avez-vous échangé avec d’autres entreprises avant, pendant ou après la négociation de votre ACI ? Si non :
- Pour quelle raison ?
- Le regrettez-vous ?
Si oui :
- Pour quelle raison ?
- S’agissait-il d’entreprises de votre secteur
ou d’autres secteurs ?
- Ces échanges ont-ils influencé votre
stratégie et votre comportement pendant
la négociation ou la mise en œuvre ?
- De quelle manière ?
tableau im29
4. Selon vous, les représentants du personnel qui ont négocié l’ACI avec vous ont-ils échangé avec les fédérations sectorielles au niveau européen ou international ? Si non :
- Pour quelle raison ?
- Le regrettez-vous ?
Si oui :
- Pour quelle raison ?
- Selon vous, ces échanges ont-ils influencé
la stratégie et le comportement des
représentants du personnel ?
- De quelle manière ?
5. Êtes vous (vous personnellement ou votre entreprise) impliqué dans un comité de dialogue social sectoriel au niveau européen ? Si oui :
- Cette appartenance a-t-elle influencé
votre stratégie et votre comportement
pendant la négociation ou la mise en
œuvre ?
6. Avez-vous analysé les accords issus du dialogue social européen avant ou pendant la négociation de votre ACI ? Si non :
- Pour quelle raison ?
- Le regrettez-vous ?
Si oui :
- Pour quelle raison ?
- Ces analyses ont-ils influencé votre
stratégie et votre comportement pendant
la négociation ?
- De quelle manière ?
7. Selon vous, au-delà de votre entreprise, existe-t-il aujourd’hui une articulation entre la négociation transnationale au niveau de l’entreprise et de secteur ? Si non :
- Pour quelle raison ?
Si oui :
- De quelle manière ?
8. Selon vous, une telle articulation serait-elle souhaitable ? Si non :
- Pour quelle raison ?
Si oui :
- Pour quelle raison ?
- De quelle manière ?
9. Selon vous, la multiplication des ACI favorisera-t-elle une négociation transnationale au niveau des secteurs ? - Pour quelle raison ?
- De quelle manière ?
10. Avez-vous des informations sur la mise en œuvre de l’ACI au sein des pays ? Si non :
- Pour quelle raison ?
Si oui :
- Pour quelle raison ?
- Comment votre ACI est-il mis en œuvre dans ces pays ?
- Est-ce que cela passe par le secteur ? ou
directement au niveau de l’entreprise ?
11. Comment voyez-vous le rôle et la place des ACI par rapport à d’autres niveaux de dialogue social ? - au plan national
- au plan européen
- au plan international
tableau im30

Guide pour les représentants d’entreprises ayant négocié un ACI

Guide pour les représentants du personnel ayant signé un accord transnational

1. Avez-vous échangé avec des organisations syndicales sectorielles avant ou pendant la négociation de votre ACI ? Si non :
- Pour quelle raison ?
- Le regrettez-vous ?
Si oui :
- Pour quelle raison ?
- Ces échanges ont-ils influencé votre stratégie et votre comportement pendant la négociation ?
- De quelle manière ?
2. Avez-vous échangé avec des organisations syndicales sectorielles depuis la négociation de votre ACI ? Si non :
- Pour quelle raison ?
- Le regrettez-vous ?
Si oui :
- Pour quelle raison ?
- Ces échanges ont-ils influencé votre stratégie et votre comportement dans la mise en œuvre et le suivi ?
- De quelle manière ?
3. Avez-vous échangé avec des représentants du personnel d’autres entreprises avant, pendant ou après la négociation de votre ACI ? Si non :
- Pour quelle raison ?
- Le regrettez-vous ?
Si oui :
- Pour quelle raison ?
- S’agissait-il d’entreprises de votre secteur ou d’autres secteurs ?
- Ces échanges ont-ils influencé votre stratégie et votre comportement pendant la négociation ou la mise en œuvre ?
- De quelle manière ?
4. Selon vous, les managers de l’entreprise qui ont négocié l’ACI avec vous ont-ils échangé avec les organisations patronales au niveau européen ou international ? Si non :
- Pour quelle raison ?
- Le regrettez-vous ?
Si oui :
- Pour quelle raison ?
- Selon vous, ces échanges ont-ils influencé la stratégie et le comportement des managers ?
- De quelle manière ?
5. Avez-vous des contacts avec le comité de dialogue social sectoriel au niveau européen ? Si oui :
- Cette appartenance a-t-elle influencé votre stratégie et votre comportement pendant la négociation ou la mise en œuvre ?
tableau im31
6. Avez-vous analysé les accords issus du dialogue social européen avant ou pendant la négociation de votre ACI ? Si non :
- Pour quelle raison ?
- Le regrettez-vous ?
Si oui :
- Pour quelle raison ?
- Ces analyses ont-ils influencé votre stratégie et votre comportement pendant la négociation ?
- De quelle manière ?
7. Selon vous, au-delà de votre entreprise, existe-t-il aujourd’hui une articulation entre la négociation transnationale au niveau de l’entreprise et de secteur ? Si non :
- Pour quelle raison ?
Si oui :
- De quelle manière ?
8. Selon vous, une telle articulation serait-elle souhaitable ? Si non :
- Pour quelle raison ?
Si oui :
- Pour quelle raison ?
- De quelle manière ?
9. Selon vous, la multiplication des ACI favorisera-t-elle une négociation transnationale au niveau des secteurs ? - Pour quelle raison ?
- De quelle manière ?
10. Avez-vous des informations sur la mise en œuvre de l’ACI au sein des pays ? Si non :
- Pour quelle raison ?
Si oui :
- Pour quelle raison ?
- Comment votre ACI est-il mis en œuvre dans ces pays ?
- Est-ce que cela passe par le secteur ? ou
directement au niveau de l’entreprise ?
11. Comment voyez-vous le rôle et la place des ACI par rapport à d’autres niveaux de dialogue social ? - au plan national
- au plan européen
- au plan international
tableau im32

Guide pour les représentants du personnel ayant signé un accord transnational

Guide pour les membres de comités de dialogue social européen

1. Avez-vous des échanges avec les organisations qui négocient un ou des ACI ?
- entreprise
- organisations syndicales
Si non :
- Pour quelle raison ?
- Le regrettez-vous ?
Si oui :
- Lesquels ?
- Pour quelle raison ?
- Qu’en ressort-il ?
2. Êtes-vous (vous personnellement ou votre organisation) impliqué dans des processus de négociation d’ACI, directement ou indirectement ? Si oui :
- De quelle manière ?
- Pourquoi ?
3. Voyez-vous des liens entre les ACI et les textes conjoints issus du dialogue social sectoriel ? Si non :
- Pour quelle raison ?
- Le regrettez-vous ?
Si oui :
- Lesquels ?
- D’où viennent-ils (comment se produisent-ils) ?
4. Selon vous, existe-t-il aujourd’hui une articulation entre la négociation transnationale au niveau de l’entreprise et de secteur ? Si non :
- Pour quelle raison ?
Si oui :
- De quelle manière ?
5. Selon vous, une telle articulation serait-elle souhaitable ? Si non :
- Pour quelle raison ?
Si oui :
- Pour quelle raison ?
- De quelle manière ?
6. Selon vous, la multiplication des ACI favorisera-t-elle une négociation transnationale au niveau des secteurs ? - Oui/non, pourquoi ?
- Pour quelle raison ?
- De quelle manière ?
7. Comment voyez-vous le rôle et la place des ACI par rapport à d’autres niveaux de dialogue social ? - au plan national
- au plan européen
- au plan international
tableau im33

Guide pour les membres de comités de dialogue social européen

Guide d’entretien pour les experts

1. Selon vous, existe-t-il aujourd’hui une articulation entre la négociation transnationale au niveau de l’entreprise et le dialogue social de secteur ? Si non :
- Pour quelle raison ?
Si oui :
- De quelle manière ?
2. Selon vous, une telle articulation serait-elle possible ? Si non :
- Pour quelle raison ?
Si oui :
- De quelle manière ?
3. Selon vous, une telle articulation serait-elle souhaitable ? Si non :
- Pour quelle raison ?
Si oui :
- De quelle manière ?
4. Y a-t-il des interactions entre les acteurs des ACI et ceux qui s’occupent du dialogue social sectoriel ? Si non :
- Pour quelle raison ?
Si oui :
- De quelle manière ?
5. Voyez-vous des liens entre les thèmes traités dans les ACI et ceux qui sont traités dans le dialogue social sectoriel ? Si non :
- Pour quelle raison ?
Si oui :
- De quelle manière ?
6. Selon vous, des liens entre les thèmes traités sont-ils possibles ? Si non :
- Pour quelle raison ?
Si oui :
- De quelle manière ?
7. Comment la négociation transnationale d’entreprise et le dialogue social de secteur pourraient-ils s’articuler au niveau des sujets ?
8. Comment la négociation transnationale d’entreprise et le dialogue social de secteur pourraient-ils s’articuler au niveau du suivi et de la mise en oeuvre ?
9. Comment voyez-vous le rôle et la place des ACI par rapport à d’autres niveaux de dialogue social ? - au plan national
- au plan européen
- au plan international
tableau im34

Guide d’entretien pour les experts

2 – Liste des fédérations syndicales européennes et internationales

231 CES – Confédération européenne des syndicats

232 EMCEF – Fédération européenne des syndicats des mines, de la chimie et de l’énergie

233 FEJ – Fédération européenne des journalistes

234 FEM – Fédération européenne des métallurgistes

235 FIJ – Fédération internationale des journalistes

236 FIOM – Fédération internationale des organisations des travailleurs de la métallurgie

237 FITTHC – Fédération internationale des travailleurs du textile, du vêtement et du cuir

238 FMTI – Fédération mondiale des travailleurs de l’industrie

239 IBB – Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois

240 ICEM – Fédération internationale des travailleurs de la chimie, de l’énergie, des mines et des secteurs connexes

241 ISP – Internationale des services publics

242 UIM – Organisation internationale de l’énergie et des mines

243 UITA – Syndicat international de l’Association des travailleurs de l’alimentation, de l’agriculture, du secteur HORECA, du tabac et des secteurs connexes

244 UNI – Union Network International

Notes

  • [1]
    É. LÉONARD et al., « New structures, forms and processes of governance in European industrial relations », Luxembourg, Office for Official Publications of the European Communities, 2007, cf. <http://www.eurofound.europa.eu/publications/htmlfiles/ef0694.htm>.
  • [2]
    Commission des Communautés européennes, Mapping of transnational texts negotiated at corporate level, Brussels : European Commission, EMPL F2 EP/bp 2008 (D) 14511 ; I. SCHOEMANN et al., Codes of conduct and international framework agreements : New forms of governance at company level, Report to the European Foundation for the Improvement of Living and Working Conditions, Luxembourg, Office for Official Publications of the European Communities, 2008.
  • [3]
    P. POCHET et al., « Dynamics of the European sectoral social dialogue », Report to the European Foundation for the Improvement of Living and Working Conditions, Luxembourg, Office for Official Publications of the European Communities, 2009, cf. <http://www.eurofound.europa.eu/- publications/htmlfiles/ef0898.htm>.
  • [4]
    E. BÉTHOUX, Entreprises multinationales et représentation des salariés en Europe. L'expérience des comités d'entreprise européens, Thèse de sociologie sous la direction d'A. JOBERT, IDHE, Université de Paris X-Nanterre, Soutenance le 8 décembre 2006 ; M. MARTINEZ LUCIO et S. WESTON, « European Works Councils and Flexible Regulation : The Politics of Intervention », European Journal of Industrial Relations, 6 (2) 2000, pp. 203-216 ; T. MÜLLER et H. W. PLATZER, « EWC, a new mode of EU relation and the emergence of a European multi-level structure of workplace industrial relations », in B. KELLER et H. W. PLATZER (eds.), Industrial relations and European integration, trans- and supranational developments and prospect, London, Ashgate, 2005.
  • [5]
    I. SCHOEMANN et al., Codes of conduct and international framework agreements : New forms of governance at company level, Report to the European Foundation for the Improvement of Living and Working Conditions, op. cit. ; E. BÉTHOUX, « Le dialogue social transnational dans l’entreprise : dynamiques européennes », in A. JOBERT (dir.), Les nouveaux cadres du dialogue social, Bruxelles, PIE-Lang, 2008, pp. 189-246.
  • [6]
    P. MARGINSON, « La réalité actuelle des accords transnationaux dans les entreprises », Les Cahiers de la Fondation Europe et Société, Paris, 2006, n° 65-66, pp. 15-22 ; G. MURRAY ET G. TRUDEAU, The regulation of work and employment in global firms, London, Routledge, 2010 ; E. ALES et al., « Transnational collective bargaining : past, present and future », Commission européenne, 2006, cf. <http://ec.europa.eu/employment_social/labour_law/docs/-transnational_agreements_ales_study_- en.pdf> ; E. BÉTHOUX, Entreprises multinationales et représentation des salariés en Europe. L'expérience des comités d'entreprise européens, op. cit. ; R. BOURQUE, Les accords-cadres internationaux (ACI) et la négociation collective internationale à l’ère de la mondialisation, Genève, Institut international d’études sociales (DP/161/2005), 2005 ; A. SOBCZAK, « Legal Dimensions of International Framework Agreements in the Field of Corporate Social Responsibility », Relations Industrielles/ Industrial Relations, vol. 62 (3), 2007, pp. 466-491.
  • [7]
    G. MURRAY et G. TRUDEAU, The regulation of work and employment in global firms, op. cit.
  • [8]
    E. ALES et al., « Transnational collective bargaining : past, present and future », op. cit. ; R. BOURQUE, Les accords-cadres internationaux (ACI) et la négociation collective internationale à l’ère de la mondialisation, op. cit. ; A. SOBCZAK, « Legal Dimensions of International Framework Agreements in the Field of Corporate Social Responsibility », op. cit.
  • [9]
    P. MARGINSON et K. SISSON, Europeanisation, Integration and Industrial Relations. Multilevel Governance in the Making, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2004.
  • [10]
    P. POCHET et al., Dynamics of the European sectoral social dialogue. Report to the European Foundation for the Improvement of Living and Working Conditions, op. cit.
  • [11]
    Le présent Courrier hebdomadaire présente un rapport établi par une équipe du Centre pour la responsabilité globale d’Audencia Nantes École de management et de l’Institut des sciences du travail de l’Université catholique de Louvain, pour la Direction de l’Animation de la Recherche et des Statistiques (DARES) du Ministère du Travail français.
  • [12]
    P. MARGINSON et K. SISSON, Europeanisation, Integration and Industrial Relations. Multilevel Governance in the Making, op. cit.
  • [13]
    K. PAPADAKIS (ed.) Cross-Border Social Dialogue and Agreements : An emerging global industrial relations framework ?, Genève, International Institute for Labour Studies/International Labour Organisation, 2008 ; S. SMISMANS, « The European social dialogue between constitutional and labour law », European Law Review, 2007, vol. 32 (3), pp. 341-364.
  • [14]
    M. LALLEMENT, Sociologie des relations professionnelles, Paris, La Découverte, Coll. Repères, 1996.
  • [15]
    P.-J. DIMAGGIO et W. POWELL, « The iron cage revisited institutional isomorphism and collective rationality in organizational fields », American Sociological Review, 1983, n° 48, pp. 147-160.
  • [16]
    P. MARGINSON et K. SISSON, Europeanisation, Integration and Industrial Relations. Multilevel Governance in the Making, op. cit. ; P. POCHET, « A Quantitative Analysis », in A. DUFRESNE, C. DEGRYSE et P. POCHET (eds.), The European Sectoral Social Dialogue. Actors, Developments and Challenges, Bruxelles, PIE-Peter Lang, 2006, pp. 83-108.
  • [17]
    Commission des Communautés européennes, Document des services de la Commission. Le rôle des accords d’entreprise transnationaux dans le contexte d’une intégration internationale croissante, SEC (2008) 2155.
  • [18]
    Pour plus d’informations, cf. <http://www.ue2008.fr/PFUE/lang/fr/accueil/PFUE-11_2008/PFUE- 13.11.2008/accords_transnationaux_d_entreprise>.
  • [19]
    R. BOURQUE, Les accords-cadres internationaux (ACI) et la négociation collective internationale à l’ère de la mondialisation, op. cit., p. 23.
  • [20]
    A. JOBERT, Les nouveaux cadres du dialogue social. Europe et territoires, Bruxelles, PIE-Peter Lang, 2008.
  • [21]
    Commission des Communautés européennes, Mapping of transnational texts negotiated at corporate level, Brussels : European Commission, op. cit.
  • [22]
    Nous avons d’une part retiré de la liste établie par la Commission les six accords qui n’ont pas été signés par une fédération syndicale dans la mesure où la signature par cet acteur est généralement considérée comme un élément de la définition des accords transnationaux d’entreprise. Nous y avons d’autre part ajouté certains accords qui sont considérés dans le document de travail comme mixtes, mais qui sont généralement inclus dans les accords transnationaux à vocation mondiale.
  • [23]
    <http://www.imfmetal.org> ; <http://www.bwint.org> ; <www.icem.org> ; <www.iuf.org> ; <www.itglwf.org> ; <www.ifj.org>.
  • [24]
    <www.union-network.org>.
  • [25]
    Les quatre droits fondamentaux aux travail sont définis par huit conventions de l’OIT : convention n° 29 de 1930 sur l’interdiction du travail forcé ; convention n° 87 de 1948 sur la liberté d’association et la protection du droit syndical ; convention n° 98 de 1949 sur le droit d’organisation et de négociation collective ; convention n° 100 de 1951 sur l’égalité de rémunérations ; convention n° 105 de 1957 sur l’abolition du travail forcé ; convention n° 111 de 1958 sur la discrimination ; convention n° 138 de 1973 sur l’âge minimum ; convention n° 182 de 1999 sur les pires formes de travail des enfants.
  • [26]
    Nous avons retiré de la liste établie dans le document de travail de la Commission les accords pour lesquels les signataires étaient inconnus, ainsi qu’un accord signé dans le cadre de la mise en place d’une société européenne.
  • [27]
    Cf. <http://www.emf-fem.org/Areas-of-work/Company-Policy/Framework-agreements>.
  • [28]
    Directive 94/45/CE du Conseil du 22 septembre 1994 concernant l’institution d’un comité d’entreprise européen ou d’une procédure dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d’entreprises de dimension communautaire en vue d’informer et de consulter les travailleurs.
  • [29]
    Directive 2001/86/CE du Conseil du 8 octobre 2001 complétant le statut de la Société européenne pour ce qui concerne l’implication des travailleurs.
  • [30]
    Commission européenne, L’Agenda social, COM 2005/0033/final, 9 février 2005, Bruxelles.
  • [31]
    Résolution P6_TA (2005) 0210 du 26.05.2005, (Rap. R. Oomen-Ruijten).
  • [32]
    Avis CESE 846/2005 (rap. U. Engelen Kefer) adopté par 60 voix pour, 1 contre et 3 abstentions, 13 juillet 2005.
  • [33]
    E. ALES et al., « Transnational collective bargaining : past, present and future », op. cit.
  • [34]
    Pour une analyse détaillée à ce sujet, cf. C. DIDRY et A. MIAS, Le moment Delors, Les syndicats au cœur de l’Europe sociale, Bruxelles, PIE-Peter Lang, 2005.
  • [35]
    É. LÉONARD et al., New structures, forms and processes of governance in European industrial relations, Research report for the European Foundation for the Improvement of Living and Working Conditions, Luxembourg, Office for Official Publications of the European Communities, 2007.
  • [36]
    Commission des Communautés européennes, Communication from the Commission Partnership for change in an enlarged Europe – Enhancing the contribution of European social dialogue, COM (2004) 557 final.
  • [37]
    É. LÉONARD et al., New structures, forms and processes of governance in European industrial relations, op. cit.
  • [38]
    Commission des Communautés européennes, Commission Decision 98/500/EC of 20 May 1998 on the Establishment of Sectoral Dialogue Committees Promoting the Dialogue between the Social Partners at European Level, OJ L 225, 12 août 1998, 0027–0028.
  • [39]
    A. DUFRESNE et al., The European sectoral social dialogue. Actors, developments and challenges, Bruxelles, PIE Peter Lang, 2006.
  • [40]
    Cf. <http://ec.europa.eu/employment_social/social_dialogue/sectoral_fr.htm>.
  • [41]
    Cf. à ce sujet F. GLASSNER, The social partners and their representativeness : post and courier services, Dublin, European Foundation for the Improvement of Living and Working Conditions, 2008, cf. <http://www.eurofound.europa.eu/eiro/studies/tn0712017s/index.htm> ; cf. aussi sur l’agriculture F. TRAXLER, Representativeness of the social partners : agriculture, Dublin, European Foundation for the Improvement of Living and Working Conditions, 2007, cf. <http://www.eurofound.europa.eu/docs/- eiro/tn0608017s/tn0608017s.pdf> ; pour une comparaison des secteurs de l’agriculture, des postes et de l’électricité, cf. P. POCHET et al., Dynamics of the European sectoral social dialogue. Report to the European Foundation for the Improvement of Living and Working Conditions, op.cit.
  • [42]
    COM (93) 600 final, 14 décembre 1993.
  • [43]
    É. LÉONARD et al., New structures, forms and processes of governance in European industrial relations, op. cit.
  • [44]
    P. POCHET et al., Dynamics of the European sectoral social dialogue. Report to the European Foundation for the Improvement of Living and Working Conditions, op. cit.
  • [45]
    Ibidem.
  • [46]
    Cf. V. PULIGNANO, « Syndicats et coordination des négociations collectives en Europe », in É. ARCQ et al. (eds) Dynamiques de la concertation sociale, Bruxelles, CRISP (à paraître).
  • [47]
    P. POCHET, « Sectoral social dialogue ? A quantitative analysis », Transfer, 2005, vol. 11 (3), pp. 313- 332.
  • [48]
    É. LÉONARD et al. New structures, forms and processes of governance in European industrial relations, op. cit.
  • [49]
    P. POCHET, « Sectoral social dialogue ? A quantitative analysis », op. cit.
  • [50]
    Commission des Communautés européennes, Communication from the Commission Partnership for change in an enlarged Europe – Enhancing the contribution of European social dialogue, op. cit.
  • [51]
    Pour une présentation détaillée et des exemples, consulter le site du dialogue social de la Commission européenne, cf. <http://ec.europa.eu/employment_social/social_dialogue/typology_fr.htm>.
  • [52]
    P. POCHET et al., Dynamics of the European sectoral social dialogue. Report to the European Foundation for the Improvement of Living and Working Conditions, op. cit.
  • [53]
    B. KELLER, « Social dialogue at Sectoral Level : The Neglected Ingredient of European Industrial Relations », in B. KELLER and H.-W. PLATZER (eds.), Industrial Relations and European Industrial Integration : Trans-and Supranational Developments and Prospects, Ashgate, Aldershot, 2003, pp. 30- 57.
  • [54]
    Ibidem.
  • [55]
    P. POCHET et al., Dynamics of the European sectoral social dialogue. Report to the European Foundation for the Improvement of Living and Working Conditions, op. cit.
  • [56]
    Ibidem.
  • [57]
    É. LÉONARD et al., New structures, forms and processes of governance in European industrial relations, op. cit.
  • [58]
    P. POCHET et al., Dynamics of the European sectoral social dialogue. Report to the European Foundation for the Improvement of Living and Working Conditions, op. cit.
  • [59]
    C.-R. DROUIN, International Framework Agreements : A Study in Transnational Labour Regulation, PhD, University of Cambridge, 2005.
  • [60]
    R. JAGODZINSKI, « Involving European works councils in trans- national negotiations : A positive functional advance in their operation or trespassing ? », Industrielle Beziehungen. Zeitschrift für Arbeit, Organisation und Management, 2007, vol. 14, n° 4, pp. 316-334.
  • [61]
    F. TRAXLER, « Farewell to Labour Market Associations ? Organized versus Disorganized Decentralization as a Map for Industrial Relations », in C. CROUCH, F. TRAXLER (eds), Organized Industrial Relations in Europe : What Future ?, Aldershot, Avebury, 1995, pp. 23-44 ; A. FERNER et R. HYMAN, « Introduction : Towards European industrial relations ? », in A. FERNER et R. HYMAN (eds.), Changing industrial relations in Europe, 2nd edition, Oxford, Blackwell, 1998 (pp. xi-xxvi).
  • [62]
    F. TRAXLER, « Farewell to Labour Market Associations ? Organized versus Disorganized Decentralization as a Map for Industrial Relations », op. cit. ; ibidem, « Coordinated bargaining : a stocktaking of its preconditions, practices and performance », Industrial Relations Journal, 2003, 34 (3), pp. 194-209.
  • [63]
    Commission des Communautés européennes, Commission Decision 98/500/EC of 20 May 1998 on the Establishment of Sectoral Dialogue Committees Promoting the Dialogue between the Social Partners at European Level, op. cit.
  • [64]
    R. JAGODZINSKI, « Involving European works councils in trans- national negotiations : A positive functional advance in their operation or trespassing ? », op. cit., p.322 ; I. DAUGAREILH, « La négociation collective internationale », Travail et Emploi, 2005, n° 104, p. 71 ; A. SOBCZAK, « Legal Dimensions of International Framework Agreements in the Field of Corporate Social Responsibility », op. cit. ; K. PAPADAKIS (ed.) Cross-Border Social Dialogue and Agreements : An emerging global industrial relations framework ?, op. cit., p. 68.
  • [65]
    R. JAGODZINSKI, « Involving European works councils in trans- national negotiations : A positive functional advance in their operation or trespassing ? », op. cit., p. 322.
  • [66]
    I. DAUGAREILH, « La négociation collective internationale », op. cit., p. 71 ; A. SOBCZAK, « Legal Dimensions of International Framework Agreements in the Field of Corporate Social Responsibility », op. cit.
  • [67]
    EMCEF, Eurelectric, EPSU, « Corporate social responsibility and the European electricity sector », décembre 2004, cf. <http://ec.europa.eu/employment_social/dsw/public/actRetrieveText.do ?id=- 10533>.
  • [68]
    P. POCHET et al., Dynamics of the European sectoral social dialogue. Report to the European Foundation for the Improvement of Living and Working Conditions, op. cit.
  • [69]
    V. PULIGNANO, « Syndicats et coordination des négociations collectives en Europe », op. cit.
  • [70]
    Ibidem.
  • [71]
    Ibidem.
  • [72]
    Fédération européenne des métallurgistes, Procédure interne de la FEM pour les négociations au niveau des entreprises multinationales, Bruxelles, 2006.
  • [73]
    Observatoire social européen, Rapport final Dialogue social sectoriel, Contrat VC/2003/0400 – S12.365647, Bruxelles, 2004.
  • [74]
    P. FAIRBROTHER et N. HAMMER, « Global Unions. Past Efforts and Future Prospects », Relations Industrielles/ Industrial Relations, 2005, 60 (3), pp. 405-431 ; N. HAMMER, « International framework agreements in the context of global production », in K. PAPADAKIS (ed.), Cross-border social dialogue and agreements, An emerging global industrial relations framework ?, op. cit., pp. 89-112.
  • [75]
    R. BOURQUE, « International framework agreements and the future of collective bargaining in multinational companies », Just Labour : A Canadian Journal of Work and Society, vol. 12, 2008, pp. 30-47 (<http://www.justlabour.yorku.ca/volume12/pdfs/04_bourque_press.pdf>).
  • [76]
    P. POCHET et al., Dynamics of the European sectoral social dialogue. Report to the European Foundation for the Improvement of Living and Working Conditions, op. cit.
  • [77]
    É. LÉONARD et al. New structures, forms and processes of governance in European industrial relations, op. cit.
  • [78]
    B. HANCKÉ, « The political economy of wage-setting in the Eurozone », in P. POCHET (ed.), Wage policy in the Eurozone, Brussels, PIE-Peter Lang, 2002, pp. 131-148.
  • [79]
    É. LÉONARD, « European sectoral social dialogue : An analytical framework », European Journal of Industrial Relations, 2008, 14 (4), pp. 401-419.
  • [80]
    B. KELLER and H.-W. Platzer (eds.), Industrial Relations and European Industrial Integration : Trans– and Supranational Developments and Prospects, op. cit.
  • [81]
    E. PICHOT, « Les opportunités et les questions ouvertes par le développement d’accords d’entreprise transnationaux », Cahiers de la Fondation « Europe et Société », octobre 2007-septembre 2008, n° 69- 70, pp. 35-40.
  • [82]
    J.-D. REYNAUD, Les règles du jeu. L’action collective et la régulation sociale, Armand Colin, Coll. U, 1989.
  • [83]
    R. JAGODZINSKI, « Involving European works councils in trans- national negotiations : A positive functional advance in their operation or trespassing ? », op. cit.
  • [84]
    B. HANCKÉ, « The political economy of wage-setting in the Eurozone », op. cit.
  • [85]
    Observatoire social européen, Rapport final Dialogue social sectoriel, Contrat VC/2003/0400 – S12.365647, op. cit.
  • [86]
    L. RIISGAARD, « International Framework Agreements : a new model for securing workers rights ? », Industrial Relations : A Journal of Economy and Society, 2005, 44 (4), pp. 707-737, p. 709 ; N. HAMMER, « International framework agreements : Global industrial relations between rights and bargaining », Transfer, 2005, 11 (4), pp. 511-530, p. 524 ; N. EGELS-ZANDEN et P. HYLLMAN, « Evaluating strategies for negotiating workers' rights in transnational corporations : The effects of codes of conduct and global agreements on workplace democracy », Journal of Business Ethics, 2007, 76, p.2105 ; D. GALLIN, « International framework agreements : A reassessment », in K. PAPADAKIS (ed.), Cross-border social dialogue and agreements, An emerging global industrial relations framework ?, op. cit., pp. 25.
  • [87]
    A. SOBCZAK, « Legal Dimensions of International Framework Agreements in the Field of Corporate Social Responsibility », op. cit. ; L. RIISGAARD, « International Framework Agreements : a new model for securing workers rights ? », op. cit., p. 709 ; N. HAMMER, « International framework agreements in the context of global production », op. cit., p.105 ; N. HAMMER, « International framework agreements : Global industrial relations between rights and bargaining », op. cit., p. 525.
  • [88]
    I. SCHOEMANN et al., Codes of conduct and international framework agreements : New forms of governance at company level, Report to the European Foundation for the Improvement of Living and Working Conditions, op. cit., p. 61.
  • [89]
    P. FAIRBROTHER et N. HAMMER, « Global Unions. Past Efforts and Future Prospects », op. cit., p. 422.
  • [90]
    N. HAMMER, « International framework agreements : Global industrial relations between rights and bargaining », op. cit., p. 524.
  • [91]
    R. JAGODZINSKI, « Involving European works councils in trans- national negotiations : A positive functional advance in their operation or trespassing ? », op. cit., p. 322.
  • [92]
    I. SCHOEMANN et al., Codes of conduct and international framework agreements : New forms of governance at company level, Report to the European Foundation for the Improvement of Living and Working Conditions, op. cit. ; K. PAPADAKIS (ed.), Cross-border social dialogue and agreements, An emerging global industrial relations framework ?, op. cit., p.6 ; I.da COSTA et U. REHFELDT, « Transnational collective bargaining at company level : historical developments », in K. PAPADAKIS (ed.), Cross-border social dialogue and agreements, An emerging global industrial relations framework ?, op. cit., pp. 61 ; N. HAMMER, « International framework agreements in the context of global production », op. cit., p.105 ; A. SOBCZAK, « Legal Dimensions of International Framework Agreements in the Field of Corporate Social Responsibility », op. cit., p. 98.
  • [93]
    I. DAUGAREILH, « La négociation collective internationale », op. cit., p. 71 ; A. SOBCZAK, « Legal Dimensions of International Framework Agreements in the Field of Corporate Social Responsibility », op. cit., p. 71 ; N. HAMMER, « International framework agreements in the context of global production », op. cit., pp. 96-97 ; R. JAGODZINSKI, « Involving European works councils in trans- national negotiations : A positive functional advance in their operation or trespassing ? », op. cit.
  • [94]
    A. SOBCZAK, « Legal dimensions of international framework agreements », in K. PAPADAKIS (ed.), Cross-border social dialogue and agreements, An emerging global industrial relations framework ?, op. cit.
Français

Au cours des vingt dernières années, le dialogue social transnational s’est fortement développé au niveau interprofessionnel, sectoriel et de l’entreprise, tant dans le cadre européen qu’au niveau mondial. Mais quelles sont les interactions entre les différents lieux et les différents acteurs de ce dialogue social transnational ? De quelle manière le dialogue social transnational pèse-t-il sur les systèmes de concertation nationaux, eux-mêmes souvent caractérisés par une multiplicité de niveaux ?
Ces ambitieuses questions sont examinées par André Sobczack et Évelyne Léonard à travers une revue minutieuse de la littérature sociologique récente à ce sujet ainsi qu’une enquête menée auprès des acteurs de terrain. Les auteurs montrent dans quels types de lieux surgissent les innovations qui serviront de modèles. Ils repèrent les acteurs qui leur ont donné naissance et dont l’expérience peut servir de point d’appui pour un enrichissement progressif du contenu des accords et de leurs procédures de mise en œuvre.

  1. Introduction
  2. 1 - Objectifs, terminologie et méthode de travail
    1. 1.1 - Objectifs
    2. 1.2 - Terminologie : articulations ou interactions ?
  3. 2 - Le dialogue social transnational d’entreprise
    1. 2.1 - Au plan international
      1. 2.1.1 - Le cadre juridique et institutionnel
      2. 2.1.2 - Les acteurs
      3. 2.1.3 - Les thématiques
    2. 2.2 - Au plan européen
      1. 2.2.1 - Le cadre juridique et institutionnel
      2. 2.2.2 - Les acteurs
      3. 2.2.3 - Les thématiques
  4. 3 - Le dialogue social transnational aux niveaux interprofessionnel et sectoriel
    1. 3.1 - Le dialogue social interprofessionnel
      1. 3.1.1 - Au plan international
        1. Le cadre juridique et institutionnel
        2. Les acteurs
        3. Les thématiques
      2. 3.1.2 - Au plan européen
        1. Le cadre juridique et institutionnel
        2. Les acteurs
        3. Les thématiques
    2. 3.2 - Le dialogue social sectoriel .
      1. 3.2.1 - Au plan international
        1. Le cadre juridique et institutionnel
        2. Les acteurs
        3. Les thématiques
      2. 3.2.2 - Au plan européen
        1. Le cadre juridique et institutionnel
        2. Les acteurs
        3. Les thématiques et le statut des textes
  5. 4 - Interactions entre niveaux de dialogue social transnational
    1. 4.1 - Quelles interactions ?
    2. 4.2 - Relations entre accords transnationaux d’entreprise
      1. 4.2.1 - Les acteurs
      2. 4.2.2 - Les thématiques
      3. 4.2.3 - La mise en œuvre
    3. 4.3 - Interactions entre le dialogue social transnational au niveau de l’entreprise et le niveau sectoriel
      1. 4.3.1 - Complémentarité ou concurrence ?
      2. 4.3.2 - Le cadre juridique et institutionnel
      3. 4.3.3 - Les acteurs
      4. 4.3.4 - Les thématiques
      5. 4.3.5 - La nature et la mise en œuvre des textes
      6. 4.3.6 - En synthèse
    4. 4.4 - Interactions entre accords transnationaux d’entreprise et dialogue social national
  6. Conclusion
Evelyne Léonard
André Sobczack
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Au cours des vingt dernières années, le dialogue social transnational s’est fortement développé au niveau interprofessionnel, sectoriel et de l’entreprise, tant dans le cadre européen qu’au niveau mondial. Mais quelles sont les interactions entre les différents lieux et les différents acteurs de ce dialogue social transnational ? De quelle manière le dialogue social transnational pèse-t-il sur les systèmes de concertation nationaux, eux-mêmes souvent caractérisés par une multiplicité de niveaux ? Ces ambitieuses questions sont examinées par André Sobczack et Évelyne Léonard à travers une revue minutieuse de la littérature sociologique récente à ce sujet ainsi qu’une enquête menée auprès des acteurs de terrain. Les auteurs montrent dans quels types de lieux surgissent les innovations qui serviront de modèles. Ils repèrent les acteurs qui leur ont donné naissance et dont l’expérience peut servir de point d’appui pour un enrichissement progressif du contenu des accords et de leurs procédures de mise en œuvre.
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/03/2010
https://doi.org/10.3917/cris.2050.0005
Pour citer cet article
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