CAIRN.INFO : Matières à réflexion

INTRODUCTION

1 Sur le plan du logement, la région bruxelloise occupe une place à part parmi les régions du pays. À la fois, elle se caractérise par une proportion singulièrement faible de propriétaires (43 % contre 75 % environ à l’échelle du pays), elle héberge dans l’habitat social, par rapport au nombre global de locataires (seuls éligibles), nettement moins de ménages que ses voisines (un sur sept, contre un sur quatre en Wallonie par exemple) et, enfin, comme région qui abrite également les institutions européennes, elle subit sur les prix – tant acquisitifs que locatifs – une pression que connaissent moins ses consœurs. Une attention privilégiée, sans être exclusive, sera donc accordée à ce véritable laboratoire urbain.

2 La situation du logement à Bruxelles ne peut qu’interpeller l’observateur. Loyers, logements sociaux, valeurs acquisitives, logements vides : les indicateurs sont pour le moins préoccupants. À l’heure où la Région de Bruxelles-Capitale s’apprête à souffler ses vingt bougies (neuf ans après les deux autres régions), il a semblé intéressant de se pencher sur ce que le gouvernement actuel a désigné comme étant, avec l’emploi, la première de ses priorités.

3 Pour autant, le regard ne sera pas que rétrospectif. Il le sera même peu, tant ce qui compte aujourd’hui n’est plus tellement de décrire la situation – critique – du logement dans la capitale [1] que de déceler des pistes de solution. Un socle statistique est toutefois bien fourni en ouverture de la présente étude, afin de contextualiser l’analyse, mais l’on s’est surtout attaché ici à dégager les facteurs explicatifs ayant conduit à cette situation.

4 Ces pistes de solution envisagées, pour être pleinement pertinentes, doivent cependant s’adosser sur les dernières évolutions que connaît la matière du logement et, tout à la fois, anticiper les développements futurs. C’est, précisément, cet angle d’attaque qui a été ici retenu. Il s’agit d’identifier une série de mutations à l’œuvre dans la ville d’aujourd’hui (et à Bruxelles en particulier) tout en pointant les mouvements tendanciels susceptibles de s’épanouir demain.

5 C’est que Bruxelles change littéralement de visage sous nos yeux. La région s’est profondément transformée en vingt ans, et il se pourrait fort que les recompositions encore à venir dépassent celles du passé. Comment cependant ces évolutions urbaines vont-elles réorganiser l’offre de logements de la capitale et, à travers cette offre, comment vont-elles bouleverser les comportements de la population ? Et, puisque ces tendances sont mouvantes et se jouent des frontières, l’analyse ne se cantonnera pas à la Région bruxelloise, tant il est vrai qu’une évolution constatée ailleurs peut très bien devenir réalité en nos murs quelque temps après. Ensuite de quoi, l’on se permettra des incursions régulières en Wallonie par exemple. Tout comme c’est parfois ailleurs qu’on voit poindre les mouvements émergents.

6 Ce mouvement de transformation n’est cependant pas à sens unique, du haut vers le bas. Les habitants ne font pas que subir la ville et ses métamorphoses ; tout autant, ils la modèlent à leur tour, dans un vaste mouvement de réappropriation du fait urbain, de sorte qu’on est en présence ici d’un continuum d’influences croisées.

7 Enfin, s’il s’indique d’analyser les mutations urbaines sous le prisme des habitants et de leur logement, une importance particulière doit être attachée aux personnes qui vivent dans la précarité. Une ville se caractérise intimement en effet par l’attraction qu’elle exerce auprès des personnes paupérisées, persuadées de trouver dans les grandes agglomérations les secours et expédients susceptibles de les extraire de la misère. Le sort réservé aux catégories fragilisées représente en définitive le marqueur le plus fiable du niveau de développement d’une civilisation et, in fine, de son degré d’humanité [2].

1. LA SITUATION DU LOGEMENT À BRUXELLES

8On peut parler d’une crise du logement dans la région bruxelloise. On commencera par des données d’observation. Ensuite, une fois la situation brossée à grands traits, s’ouvrira le temps de l’analyse. Comment en est-on arrivé là ?

1.1. CONSTAT STATISTIQUE

1.1.1. Loyers

9Dans la région, ainsi que l’a montré une étude de 2005, la majorité des locataires (54 %) débourse, pour pouvoir se loger, une somme qui oscille entre 41 % et 65 % (pour les plus démunis) de l’ensemble des ressources du ménage  [3], alors que le tiers (du budget global) constitue l’extrême limite communément admise  [4]. Et, à cet égard, la tendance dans le temps est négative puisque les 30 % des Bruxellois les plus démunis (trois derniers déciles) n’ont plus accès qu’à 4 % du marché locatif (si l’on fixe à 25 % la part du loyer dans les ressources d’un ménage), contre 12 % encore il y a une quinzaine d’années  [5]. Conséquence : pour parvenir à payer le loyer (souvent acquitté en priorité), on rogne traditionnellement alors sur le poste du budget réservé aux soins de santé, avec les conséquences – sanitaires notamment – que l’on devine.

10En outre, la disproportion entre le revenu moyen et le prix de la location va croissant puisque le second progresse nettement plus vite que le premier (+46 % entre 1986 et 2001  [6], c’est-à-dire que si je gagne 100 de plus, le loyer, lui, augmente de 146 dans le même temps). Il faut pointer à cet égard le faible poids du loyer (5,5 %) dans le calcul de l’indice santé, alors qu’il pèse 30 % dans le budget du ménage moyen. Résultat : la courbe du loyer et celle des revenus sont donc condamnées à s’éloigner toujours plus. Et pareillement, pour la période spécifique 2004-2006, la hausse des loyers a été supérieure à celle de l’indice santé et ce, « quel que soit le niveau de confort », confirme Marie-Laurence De Keersmaecker. Pendant cette même période, le logement le plus courant (à savoir l’appartement d’une superficie comprise entre 55 et 84 m2 ) a vu son loyer croître de 8 %  [7].

11Toujours sur cette période, le prix des logements les moins confortables a augmenté de 10 %, ce qui confirme le fait – paradoxal – que ce sont les biens en mauvais état dont le loyer s’apprécie le plus  [8]. On le voit, la surchauffe des loyers touche d’abord les bas tarifs, afférents à des biens de piètre qualité. Dit autrement, l’envolée des prix de la location affecte au premier chef les personnes pauvres. En cause, notamment : la plus grande rotation de locataires dans cette frange dégradée du bâti, étant entendu que c’est entre deux contrats de bail que le bailleur est autorisé à réévaluer un loyer (normalement) cadenassé en cours de bail, hors indexation  [9]. La « double peine » est patente : à la fois les ménages paupérisés affectent une fraction intolérable de leur budget aux frais de logement et, en plus, ils ont à affronter des conditions de salubrité particulièrement pénibles (et dangereuses pour leur santé et leur intégrité physique).

12Par ailleurs, ce renchérissement des tarifs locatifs se justifie en partie par une augmentation de la qualité des logements, sous l’impulsion de différentes mesures réglementaires (le Code bruxellois du logement, notamment  [10] ), ce qui serait un moindre mal. Mais l’explication n’est que partielle. Les véritables causes sont à trouver ailleurs.

13Si le marché du logement se révèle tendu dans tout le pays, la Région bruxelloise est la plus touchée par le phénomène pour quatre raisons au moins. D’abord, la capitale compte une proportion de locataires nettement plus forte (57 %) que dans les autres régions du pays (25 % environ en Wallonie ou en Flandre)  [11]. Objectivement ensuite, c’est dans cette zone urbaine exiguë, soumise à une forte pression à la fois foncière et démographique, que la flambée atteint ses sommets alors que la hauteur des revenus de substitution (allocation de chômage, revenu d’intégration, etc.) n’est pas plus élevée à Bruxelles qu’ailleurs en Belgique. L’enjeu est loin d’être anodin dans la mesure où pas moins de la moitié des locataires bruxellois émarge à un système ou un autre de la sécurité sociale. Les bénéficiaires du revenu d’intégration sociale éprouvent donc plus de difficultés à habiter dans la capitale (où pourtant le marché de l’emploi les appelle) car il n’existe pas d’évolution des allocations en lien avec la localisation du domicile. Bruxelles, enfin, accueille sur son territoire une centaine de milliers de personnes liées de près ou de loin aux institutions européennes, dotées donc d’un pouvoir d’achat élevé, ce qui contribue à tirer les prix vers le haut  [12].

14Pour ce qui est du loyer dans le logement social, signalons encore qu’il progresse aussi, mais reste, en moyenne, plus de deux fois moins élevé que les tarifs en vigueur dans le secteur privé à Bruxelles (224 euros  [13] contre 508  [14] ).

15Ces observations peuvent notamment servir à faire pièce à l’argument présenté par certains selon lequel Bruxelles ne vivrait pas une crise du logement, mais une crise des locataires (dont l’érosion du pouvoir d’achat leur fermerait l’accès à l’habitat bien davantage qu’un tarif locatif élevé). Certes, les locataires tendent à s’appauvrir, comme on le verra plus loin, mais il ne faut pas oublier que, souvent, c’est la hauteur des loyers qui justement les précarise, poussant alors les intéressés à s’endetter. Parmi les nombreuses factures à régler, les frais de logement sont généralement les premiers à être acquittés par le locataire – même en difficulté – tant est prégnante la crainte de l’expulsion (et est aigu le souci corrélatif de « s’accrocher » à son habitat le plus longtemps possible, quitte à se saigner). Conséquence : l’enveloppe budgétaire réservée normalement aux soins médicaux est rognée la plupart du temps en premier lieu, entraînant à son tour des problèmes de santé, et donc d’emploi, etc. Si dès lors le problème du logement peut se révéler être une conséquence directe de la pauvreté, il constitue également – et surtout – un élément déclencheur de cette paupérisation.

1.1.2. Logements sociaux

16La situation ne serait pas encore trop extrême si, dans le même temps, la capitale comptait une proportion de logements publics susceptible de recueillir les exclus du parc privé. Tel n’est, hélas, pas le cas, tant s’en faut. Le patrimoine géré par les sociétés de logement social compte, en effet, 38 000 unités seulement (7,6 % du parc immobilier bruxellois global), cependant que la moitié des ressortissants de la capitale satisfait, en termes de revenus, aux conditions d’admission dans le parc public. Et, à ce stock déjà exigu, il faut encore retrancher 1 800 unités de logement inoccupées (le plus souvent en travaux ou en voie de l’être). Si, à titre de comparaison, le logement social wallon accueille jusqu’à un locataire sur quatre, le ratio tombe à un sur sept en région bruxelloise  [15].

17Par rapport précisément à la Wallonie, la région bruxelloise semble doublement en retrait puisqu’elle compte à la fois moins de propriétaires et moins de logements sociaux (au regard du public éligible) comme on l’a vu  [16]. Certes, on trouve toujours moins de propriétaires dans les (grandes) villes qu’en milieu rural  [17], mais avec ses 43 %, Bruxelles reste en recul de 5 à 15 points par rapport aux autres centres urbains belges  [18]. On retrouve là, dans une certaine mesure, le rôle de la capitale comme « aimant » de la pauvreté.

18À nouveau, la situation ne serait pas si grave si, dans le même temps, le parc public se distinguait par une grande facilité d’accès. Avec pas moins de 32 000 ménages inscrits sur la liste d’attente (mais 26 000 postulants « actifs  [19] »), on compte presque autant de demandeurs que de logements (occupés) dans le portefeuille immobilier social. Et, avec un taux de rotation de 5 % (ce qui signifie que seul un logement sur vingt est remis dans le circuit au terme de l’année)  [20], le candidat doit s’armer de patience, le temps d’attente pour les familles nombreuses pouvant culminer à dix ans.

19Il est vrai qu’est précisément mis en chantier un vaste plan de construction de 3 500 logements sociaux. Outre cependant le fait qu’on ne résorbera jamais de la sorte qu’un dixième de la file d’attente, cette initiative ne doit pas faire oublier que, depuis 1999, on n’a plus construit qu’un peu plus de vingt logements sociaux par an en moyenne sur le territoire bruxellois  [21], ce qui revenait à instaurer un moratoire de fait sur l’extension du parc public. Ceci, sans compter que les 3 500 habitations sociales promises par le Plan logement  [22] pour 2009 n’ouvriront pas leurs portes, pour le dernier d’entre eux à tout le moins, avant de nombreuses années  [23]. Certes, dans les habitations à loyer encadré, il n’y a pas que les logements sociaux sensu stricto. On trouve également les habitations dites à caractère social, comme les logements gérés par les agences immobilières sociales (2 000 unités en tout à Bruxelles) ou les biens produits à la faveur d’opérations de rénovation urbaine (dans les contrats de quartier par exemple : 447 unités produites entre 1995 et 2005  [24] ). Force est cependant de constater que, pour stimulantes que soient ces initiatives, elles restent à un volume global insuffisant pour constituer une véritable masse critique capable à la fois de représenter une alternative structurelle à l’habitat social et de peser réellement sur le marché du logement (en tirant les autres tarifs vers le bas). Ainsi qu’en conviennent les autorités elles-mêmes d’ailleurs, « les politiques menées de 1995 à 2005 visant la production du logement n’ont pas permis d’augmenter de manière très significative le parc de logements locatif » [25], même si des pans entiers de certains périmètres urbains ont pu, grâce à ces mesures, bénéficier de rénovations plus ou moins lourdes .

1.1.3. Valeurs acquisitives

20La problématique des prix à l’acquisition est directement liée à celle des loyers, tant la hauteur de ces derniers dépend directement du premier (le propriétaire cherchant en effet à amortir son investissement). À Bruxelles en tout cas, le prix à l’acquisition a doublé en cinq à dix ans  [26].

21Même si, dans le même temps, les taux d’intérêt ont opéré un repli spectaculaire et que les salaires ont connu parallèlement une revalorisation, de sorte qu’un bien immobilier ne coûterait finalement pas plus cher qu’auparavant (mais tout est question de capacité d’emprunt), il s’avère que cette réalité touche bien davantage la périphérie bruxelloise que la région elle-même et ne peut donc pas constituer une réponse satisfaisante. Par ailleurs, si le montant de la mensualité n’a pas trop augmenté en dépit de l’enchérissement des valeurs, c’est souvent parce que les banques tendent, en contrepartie, à allonger la durée des prêts. Il n’est pas rare, actuellement, de voir des accédants rembourser leur emprunt en 30 ou 40 ans, ce qui signifie qu’au total, ils paieront quand même beaucoup plus et s’endetteront sur du plus long terme, risquant ainsi d’obliger leurs propres enfants  [27].

22Il convient encore de pointer, dans le domaine de l’acquisitif, le phénomène des noodkoopers qui monte en puissance et qui, en substance, voit des personnes pauvres « acheter par nécessité » ; le remboursement d’un emprunt hypothécaire ne coûte pas nécessairement plus cher par mois qu’un loyer en effet, vu la surchauffe du coût de la location. Mais ces personnes ont souvent dû se saigner pour procéder à l’achat (au prix duquel il faut d’ailleurs ajouter encore le coût de la remise en état du bien, de l’assurance, etc.). Elles ne disposent plus toujours, par conséquent, des ressources nécessaires pour entretenir et gérer leur bâti sur le long terme. Au moindre revers matériel (comme une réparation imprévue ou encore un accroissement de la fiscalité immobilière, souvent oubliée dans le coût global lié à la propriété), elles se trouvent face à des difficultés financières. Le risque alors est la saisie et la revente du logement avec, parfois, une moins-value à la clé (la vente ne se fait pas toujours dans des conditions optimales en effet) et un endettement au long cours pour un bien qu’elles ne possèdent pourtant plus… Pas moins de 8 000 propriétaires perdent chaque année leur bien pour cette raison  [28].

23Il est intéressant de noter, à titre de comparaison, qu’un propriétaire sur deux en Wallonie n’a pas ou plus de charge hypothécaire liée à son logement  [29]. En cause : l’allongement de la durée de vie, qui fait qu’un ménage peut jouir plus longtemps qu’auparavant d’un bien totalement remboursé. Toutefois, l’extension actuelle de la durée des prêts se répercutera négativement sur cette statistique, avec le risque parfois d’endetter la génération d’après comme on l’a vu.

24En ce qui concerne, enfin, ce secteur particulier (qui concerne 91 % du parc locatif bruxellois), l’évolution montre que le marché des appartements est en progression constante depuis les années 1990, progression liée à un mouvement de subdivision et de découpe du bâti (ainsi, le nombre d’immeubles multi-familiaux a presque doublé depuis 1994). Précisément, le relèvement substantiel des prix de vente associés aux appartements observable ces dernières années  [30] s’explique pour une large partie par un report des aspirations des candidats acheteurs. Confrontés à la flambée des tarifs, ceux-ci n’ont d’autre choix que de troquer leur désir d’habitation unifamiliale contre un objectif, plus réaliste, consistant à faire acquisition d’un « simple » appartement.

1.1.4. Logements vides

25Pour compléter le tableau de la situation du logement à Bruxelles, signalons encore que l’on dénombre dans la région entre 15 000  [31] et 30 000  [32] logements vides. Parmi ceux-ci, 80 % appartiennent au secteur privé, dont 62 % à des particuliers  [33]. Le tout, sans prendre en considération les très nombreux étages vacants au-dessus des commerces qui, généralement, échappent à toute comptabilité  [34]. Sur ces nombreuses habitations improductives, 5 000 seraient louables en l’état, immédiatement  [35]. Et, lorsque l’on sait que deux logements en moyenne pourraient être réalisés dans une habitation vide, on réalise le potentiel qu’il y a là, potentiel à mettre en regard du nombre de ménages demandeurs d’un logement social (30 000 environ). L’équation est, certes, un peu simpliste, mais elle a le mérite de frapper les esprits et de mettre le doigt sur une grave injustice sociale.

1.2. TENTATIVE D’EXPLICATION

26Diverses explications circulent, mais il semble important, pour rendre compte de la situation critique de l’habitat à Bruxelles, de pointer un facteur insuffisamment mis en exergue à nos yeux : la faiblesse de la régulation publique – qu’elle soit fédérale ou régionale – en matière de logement.

27Un exemple de ce manque de volonté régulatrice des pouvoirs publics dans le secteur de l’immobilier peut être fourni par la situation actuelle à l’œuvre dans le quartier européen à Bruxelles.

28L’absence de soutien, comme l’allocation-loyer en vigueur dans d’autres pays, renforce la situation défavorable des locataires à faibles revenus. Par ailleurs, le financement d’une politique sociale du logement se heurte à Bruxelles à l’exiguïté des moyens financiers régionaux.

1.2.1. Un manque de régulation

29Le marché de l’immobilier reste aujourd’hui relativement libre de toute contrainte. La chose est d’autant plus étonnante que la puissance publique, dans notre société issue de l’État-providence, a investi un nombre croissant de secteurs d’activité pour en régler le libre accès (éducation, santé…). Pour le logement, en revanche, les autorités se montrent nettement moins coercitives et semblent dans une certaine mesure en abandonner la maîtrise aux forces du marché.

30En Belgique, le loyer initial est fixé à l’entière discrétion des parties (en pratique : du bailleur), à la hauteur que les contractants désirent, sans même que soit exigé un lien avec la qualité des lieux par exemple, comme cela se pratique pourtant dans de nombreux pays (comme la France  [36] ou les Pays-Bas  [37] ). Du ressort toujours de l’Autorité fédérale, la réglementation en matière du bail s’abstient de fixer une quelconque règle de détermination du loyer initial  [38], fut-elle purement indicative.

31Contrairement à la France, de nouveau, il n’existe en Belgique aucune taxe sur les plus-values immobilières (pour peu que la revente ait lieu cinq ans après l’achat), ce qui n’est pas de nature évidemment à freiner les velléités spéculatives des vendeurs (et, partant, la hausse – spectaculaire – des valeurs acquisitives).

32En ce qui concerne les logements abandonnés, force est de constater que les communes bruxelloises affichent un zèle très inégal pour lever la taxe – certes peu populaire – sur les immeubles vacants, de sorte qu’une municipalité sur deux n’en tire aujourd’hui aucun revenu un tant soit peu substantiel  [39]. Le texte lui-même semble peu contraignant puisque la majorité des règlements-taxes locaux exonèrent totalement certains propriétaires, comme les administrations publiques ou les personnes ne possédant pas d’autre habitation que l’immeuble visé par l’impôt  [40].

33À côté de l’outil fiscal, il existe un autre instrument permettant aux pouvoirs publics, de manière plus directement opérationnelle, de s’attaquer à la vacance immobilière et de prendre en gestion un immeuble abandonné pour le mettre en location à des personnes en difficulté, au besoin sans le consentement du propriétaire. Avatar – amélioré – du droit de réquisition en vigueur au niveau fédéral, ce « droit de gestion publique  [41] » institué en 2003 n’a toujours cependant fait l’objet d’aucune application dans la capitale  [42], en dépit du fait qu’a été mis sur pied parallèlement (malgré un certain décalage dans le temps) un fonds de préfinancement des – nécessaires – travaux de rénovation du bien  [43].

34Le système fiscal fédéral par ailleurs est conçu de manière telle qu’il encourage la mise en location à des tarifs élevés puisque le bailleur est taxé sur la base de ce revenu forfaitaire – et, à titre incident, largement sous-évalué  [44] – que constitue le revenu cadastral plutôt que sur la base du loyer réellement perçu de la part du locataire. Conséquence : le bailleur qui opterait pour la modération n’y gagnerait rien sur le plan fiscal et, partant, il se pénaliserait. Que le loyer soit élevé ou non, le propriétaire sera taxé exactement de la même manière. Pourquoi alors faire un effort qui ne sera aucunement récompensé par l’État ? Par ailleurs, ce mode de taxation favorise fortement la subdivision d’immeubles (dommageable sur le plan urbanistique aussi bien que pour la qualité de vie d’un quartier) puisque, là aussi, l’opération se révélera absolument indolore sur le plan fiscal (le revenu cadastral vaut en effet pour l’ensemble du bâtiment, qu’il soit découpé ou non) alors que, sur le plan des rentrées locatives, ce découpage maximisera les revenus du (multi-)bailleur.

35En matière de loyer, enfin, le pouvoir régional, pressé de toutes parts de « faire quelque chose » pour atténuer le poids financier de la location, rappelle qu’il n’est pas compétent en matière de loyer, du ressort toujours du pouvoir fédéral  [45]. Il est certes vrai que le législateur fédéral reste compétent, par l’entremise de la loi du 20 février 1991 sur les baux de résidence principale  [46], pour la matière du bail, nonobstant le fait que l’entité régionale jouisse depuis 1980 d’une compétence de principe pour l’ensemble de la politique du logement  [47]. L’allégation est toutefois réductrice dans la mesure où les régions ont reçu en 2001 un important pouvoir dans le domaine de la fiscalité immobilière (le précompte immobilier en l’espèce). Les régions ont été dotées en effet, par les accords de la Saint-Polycarpe de 2001  [48], d’attributions fiscales nouvelles  [49]. Parmi celles-ci figure non pas le pouvoir de toucher au revenu cadastral (apanage du fédéral) mais bien la prérogative de substituer à cette base n’importe quelle autre pour la détermination du précompte immobilier  [50]. Cette faculté permettrait par exemple à une région de calculer le précompte immobilier à partir non pas du revenu cadastral mais d’une quotité représentant la différence entre le loyer réellement demandé et un loyer de référence (calqué par exemple sur la grille en vigueur dans le secteur des agences immobilières sociales à Bruxelles). Ce système, soutenu notamment par une asbl comme le Rassemblement bruxellois pour le droit à l’habitat (RBDH), inciterait à coup sûr à la modération des loyers  [51]. Il est donc possible aujourd’hui de contrôler les loyers par le biais de la fiscalité, tout en veillant à ne pas instituer des mesures qui pousseraient les bailleurs à quitter le marché locatif. Des possibilités de régulation du loyer au bénéfice mutuel des parties, via des incitants fiscaux par exemple et des loyers de référence, existent donc bel et bien  [52].

36De manière générale, l’argument tiré de l’incompétence des entités fédérées en matière de loyer risque de perdre toute sa pertinence dans les semaines à venir dès lors, comme on le verra plus loin, que le gouvernement fédéral actuel s’est mis d’accord pour transférer aux régions la matière du bail de résidence principale.

1.2.2. L’exemple du quartier européen

37D’aucuns stigmatisent, non sans raison, le « ghetto d’eurocrates » voué monofonctionnellement (à 90 %  [53] ) au bureau que constitue le quartier européen. L’Europe, cependant, a parfois bon dos ; les responsables politiques, belges et bruxellois, ne sont eux-mêmes pas toujours étrangers à la situation qu’ils dénoncent, contribuant de la sorte à la construction de cette image négative commodément collée au dos de l’Europe. Relevons tout d’abord que les institutions communautaires se sont érigées, par l’intermédiaire de promoteurs privés, sur des terrains – précédemment – publics pour l’essentiel, terrains que les autorités auraient pu affecter au logement, en partie à tout le moins, au lieu de les vendre  [54]. Au minimum, une clause d’affectation urbanistique liant les acheteurs devrait assortir chaque aliénation de ce type, ce qui n’a pas toujours été fait dans le passé. Dans le quartier européen, les pouvoirs publics ont donc « créé artificiellement une pression immobilière très forte  [55] ».

38Par ailleurs, la volonté déclarée des autorités publiques  [56] (et réaffirmée à de nombreuses reprises) d’introduire de la mixité – c’est-à-dire du logement – dans un quartier européen affecté tout entier au bureau ne résiste pas longtemps à l’épreuve des faits et des pratiques, puisque le Plan régional d’affectation du sol de 2001, rangeant une large partie du périmètre européen en « zone administrative », confirme la fonction essentiellement tertiaire de la zone. Il ne devrait cependant pas être trop malaisé de réintroduire du logement dans ces périmètres dédiés au tertiaire, dès lors que certaines surfaces de bureau ont été obtenues précisément par la subdivision – pas toujours légale – d’anciennes maisons unifamiliales, qu’il s’agit par conséquent de rendre à leur affectation initiale.

39Épinglons enfin un certain manque de détermination pour réclamer les charges d’urbanisme dues par l’Europe en compensation de la construction de bureaux (spécialement le Parlement européen et ses extensions) et censées aboutir à la production de logements. Le problème, en réalité, est multiple. D’abord, une part importante des m2 promis n’a pas été réalisée ni même planifiée (jusqu’à un quart selon l’Atelier de recherche et d’action urbaines (ARAU). Si les bureaux ont bien été édifiés, eux, on attend encore, par endroits, les habitations projetées. Par ailleurs, quand les bâtiments sont bien érigés, il s’agit parfois d’infrastructures hôtelières de luxe. Au demeurant, même lorsque du résidentiel proprement dit sort de terre, on a affaire parfois à des logements (de standing) de petite taille, pied-à-terre voués manifestement à être occupés par des travailleurs en transit plutôt que par des résidents durables.

40À ce stade, une mise au point s’impose, mais elle est essentielle. Le manque de prescription régulatrice des autorités publiques ne doit pas faire croire pour autant qu’il « suffirait », en creux, d’adopter demain chacune des mesures précitées pour instantanément résoudre la crise du logement. Loin des solutions simplistes, il convient d’être conscient des difficultés pour faire advenir ne serait-ce que l’une de ces actions, et plus encore dans une matière comme le logement où bailleur et locataire ont des intérêts éminemment liés, culminant dans l’établissement et le maintien de relations locatives harmonieuses. Une radicalité de mauvais aloi n’aurait d’autre résultat que de braquer l’une ou l’autre des parties (ou les deux), contribuant ainsi à rétrécir encore l’offre de logements. Pas davantage sans doute n’est-il souhaitable de mettre en œuvre l’ensemble des actions projetées, sauf à enfermer le secteur de l’immobilier dans un carcan réglementaire rigide peu propice au maintien de l’investissement des bailleurs dans la sphère locative.

1.2.3. Un palliatif lui-même absent : l’allocation-loyer

41Face à cette situation, on aurait pu croire alors que les pouvoirs publics, assumant en quelque sorte leur incapacité à peser réellement sur le marché immobilier, allaient pallier leur impuissance en « détendant » le secteur, par exemple par des chèques-loyers destinés, a minima, à mitiger l’impact des loyers élevés sur le budget des plus démunis. Du reste, cette mesure est déjà d’application dans les pays limitrophes (France  [57], Pays-Bas  [58], Allemagne, Angleterre  [59] ).

42Dans un double contexte de dérégulation totale du loyer dans le parc privé et d’exiguïté du patrimoine public, ce complément financier mensuel payé par la puissance publique au locataire en difficulté pouvait exciper d’une certaine logique. À défaut de résorption structurelle des causes de la crise du logement, une aide ponctuelle de ce type se serait indiquée. Certes, l’on n’aurait touché ainsi qu’au symptôme du problème, refoulé un temps seulement, mais une précieuse solution d’urgence n’en aurait pas moins été aménagée dans l’attente d’une extension significative du parc public.

43Loin d’être un épouvantail, l’allocation-loyer (qui suscite aujourd’hui une large adhésion dans les rangs associatifs puisque le dispositif est défendu jusqu’à une asbl – le Syndicat des locataires des logements sociaux – connue pour avoir, au départ, affiché de nettes réticences) constitue dès lors une solution de pur bon sens dans la mesure où, face à la saturation du parc public et à la hauteur des loyers dans le secteur privé, il n’y a d’autre choix que d’assurer une certaine solvabilité aux ménages qui patientent pour un logement social et qui, dans l’intervalle, stationnent dans un parc privé extrêmement onéreux alors qu’ils n’ont que des revenus modestes. En attendant l’amélioration de l’offre publique, cette solution (éventuellement transitoire) est susceptible d’atténuer le sacrifice financier produit par d’aucuns pour se loger. Et, pour solvabiliser le locataire, deux solutions seulement existent : soit on limite ses dépenses en instaurant une régulation des loyers (ce qui ne semble pas près d’être fait), soit on augmente alors son pouvoir d’achat via un complément financier mensuel : l’allocation-loyer  [60].

44Et pourtant, aucune région du pays n’a instauré une allocation-loyer un tant soit peu généralisée  [61]. Il existe en Wallonie une allocation de déménagement et de loyer, ou ADeL  [62] et à Bruxelles une allocation de déménagement-installation et d’intervention dans le loyer, ou ADIL  [63]. Ces allocations aident le preneur à faibles revenus ayant quitté un logement insalubre – ou inadapté à son âge ou à son handicap – pour un appartement adéquat, à combler la différence entre les deux loyers. Toutefois, elles ne remplissent qu’une utilité restreinte dès lors que le nouveau logement doit obéir à des critères de salubrité passablement stricts, suffisamment sévères en tout cas pour atteindre des niveaux de loyer élevés et exclure de facto de leur public cible les personnes à bas revenus. L’exiguïté des moyens financiers de ces dernières les empêche de pouvoir prétendre à ces logements en bon état de conformité, même avec le coup de pouce pécuniaire de la région. Au minimum, la prime est absorbée en une fois par le surloyer  [64].

45Quoi qu’il en soit, et contrairement aux prédictions de certains, le système d’allocation-loyer ne contribuerait pas forcément à faire grimper les loyers si l’on veille à mettre en place, parallèlement, un certain nombre de garde-fous. Sur ce sujet précisément, les conseils supérieurs du logement, tant de Wallonie que de la Région bruxelloise, ont initié – et conclu – une réflexion de longue haleine, et ont remis récemment des rapports particulièrement instructifs à l’intention des pouvoirs publics. Précisément, en région wallonne, une forme encore embryonnaire d’allocation-loyer (octroyée dans le cadre d’une prise en gestion du bien par une agence immobilière sociale) a vu le jour au début de l’année 2008, dans la foulée directe des travaux du Conseil supérieur du logement. Ce projet-pilote est suivi avec attention par les observateurs même si, pour l’heure, il reste assez restreint : seul un nombre limité de logements, dans un nombre limité de communes, pourra en effet bénéficier de l’aide. Et il faudra impérativement que l’opération, si elle est couronnée de succès, prenne beaucoup plus d’ampleur. Dans la région bruxelloise, il existe également un projet expérimental  [65], mais il se révèle fort restrictif. Sont uniquement concernées en effet par l’allocation-loyer bruxelloise les personnes logées dans le secteur public non social (régies communales, CPAS, etc.). Dans la mesure cependant où les difficultés les plus aiguës se situent non pas dans ce segment-là mais bien dans le parc privé, cette option, de fait, ne peut manquer d’étonner.

46Entre autres arguments, l’absence d’allocation-loyer généralisée à Bruxelles interdit de laisser dire, sans autre forme de contextualisation, que « Bruxelles reste encore abordable financièrement en regard d’autres capitales européennes ». Il est vrai, par rapport à des villes comme Londres, Paris, Rome ou Berlin, que le coût de l’immobilier est moins élevé à Bruxelles et ce, tant sur le plan locatif qu’acquisitif. Il faut cependant dire en contrepartie qu’on compte aussi beaucoup plus de logements sociaux dans ces métropoles qu’à Bruxelles. À Amsterdam par exemple, deux tiers des locataires occupent un logement du parc public. De plus, dans nombre de grandes villes européennes, un système d’allocation-loyer a été instauré. Dans la mesure dès lors où Bruxelles reste en retrait à la fois en termes d’offre publique et de soutien financier à la location, il est difficile de comparer valablement sa situation avec celle d’autres places européennes.

47Il convient, en finale, d’éviter de verser pour autant dans un angélisme béat. Les expériences en cours à l’étranger en matière d’allocation-loyer enseignent aux autorités tentées en Belgique par une éventuelle transposition qu’il faut se montrer doublement vigilant. Le succès du dispositif, tout d’abord, ne sera assuré que si l’on parvient à déjouer les manœuvres d’anticipation des bailleurs que la perspective de l’introduction d’une telle mesure peut convaincre de rehausser leurs tarifs en prévision. Ensuite, les fonds affectés une politique de l’allocation-loyer ne sauraient en aucune manière être distraits de l’enveloppe budgétaire dédiée à la construction de logements sociaux (ni même, plus globalement, de la politique du logement en général). L’aide à la personne, oui, mais pas au détriment de l’aide – essentielle – à la pierre. Ici aussi, un effort de régulation est attendu de la part des pouvoirs publics, lesquels gagneraient à associer étroitement la mise sur pied d’un système d’allocation-loyer à l’instauration d’un encadrement des loyers, voire à faire précéder celle-là par celui-ci, histoire de désamorcer l’effet d’anticipation.

1.2.4. La position budgétaire ambivalente de la Région bruxelloise

48Une politique sociale en matière de logement doit être financée. Or, la Région bruxelloise est davantage captive que les deux autres régions de ses recettes fiscales régionales et, notamment, des recettes provenant des impôts immobiliers. Ces dernières constituent en 2007 (dans le budget initial des recettes de la Région bruxelloise) 38 % des recettes escomptées alors que, en Wallonie, elles représentent environ 21,5 % et, en Région flamande, 29 %  [66]. Bruxelles est donc dans une position très ambivalente vis-à-vis du marché immobilier : celui-ci représente à la fois, en amont, une manne importante de moyens financiers régionaux (donc de moyens pour mener des politiques régionales) et il est également, en aval, un des facteurs d’exclusion sociale et de précarisation les plus prégnants. D’où la perversion suivante : plus le marché immobilier est actif (et on compte actuellement 13 000 transactions annuelles dans le secteur acquisitif contre 10 000 il y a peu), plus la Région engrange des rentrées fiscales, mais au plus alors l’exclusion sociale et la dualisation se creusent encore. Par ailleurs, comme Bruxelles est fort dépendante de ses recettes immobilières, elle subit de plein fouet, plus que les autres régions, les fluctuations de la conjoncture immobilière. Cette autonomie fiscale, dont il convient de manière générale de se féliciter, est donc à double tranchant, singulièrement quand la conjoncture est basse  [67].

1.3. LA RÉGIONALISATION DE LA LOI SUR LE BAIL D’HABITATION

49Le gouvernement fédéral actuel s’est constitué, on le sait, sous la promesse de procéder à une réforme de l’État, programmée en deux temps. Dans le premier train de réformes institutionnelles, on devrait retrouver, outre des matières comme la sécurité routière, les implantations commerciales ou encore l’économie sociale, la régionalisation du droit du bail d’habitation (en sus du bail à ferme et de la procédure judiciaire relative à l’expropriation). Passée un peu inaperçue dans cette première vague, qui a pris la forme d’une proposition de loi spéciale déposée au Sénat le 5 mars 2008  [68], la régionalisation du bail du bien destiné à l’habitation n’en induirait pas moins des conséquences très fortes sur le rapport locatif privé (le logement social est déjà une compétence régionale depuis 1980  [69] ), qui concerne tout de même en Belgique un million de personnes en tout.

50Il est possible, quoi qu’il en soit, que cette réforme annonce l’adoption par les régions de réglementations contraignantes en matière de loyers. Force est de constater à cet égard que la question mérite bien de se poser avec une acuité particulière dans la Région de Bruxelles-Capitale comme on l’a vu. Si les régions sont tentées par l’introduction d’un contrôle du loyer, il faut cependant éviter qu’une éventuelle régulation trop brutale des loyers aboutisse, par effet pervers, à un désinvestissement du secteur locatif de la part des propriétaires et, par voie de conséquence, à un rétrécissement de l’offre qui, à demande égale (et cette demande a même tendance à gonfler ainsi qu’on l’a mentionné plus haut), aura pour résultat inverse une revalorisation des tarifs de la location  [70]. Afin par ailleurs de ne point trop braquer les acteurs dans une question aussi sensible que celle-là, il conviendrait de s’adosser sur les réflexions et expériences existantes, au premier rang desquelles on pointera les commissions paritaires locatives  [71].

51Certains, à l'annonce d'une régionalisation prochaine du droit du bail, ont poussé de véritables cris d'orfraie, évoquent même un apocalyptique « chaos  [72] ». Il ne semble cependant pas qu'une telle indignation s'indique.

52Il s'agit d'abord moins d'une « régionalisation » effective du droit du bail que d'une potentialité puisque, tant que les entités fédérées n'auront pas repris à leur compte le régime afférent aux baux de résidence principale, la loi du 20 février 1991 reste intégralement d'application.

53Signalons par ailleurs qu'il y a longtemps que le bail du logement social est régionalisé, intégralement, et que personne n'y trouve à redire. Chaque région a ainsi l'occasion de décliner sa politique du logement social suivant ses spécificités  [73].

54On l'aura compris, la régionalisation du bail d'habitation comporte à notre estime au moins autant d'avantages que d'inconvénients, au moins autant d'opportunités que de dangers. Il y a, là, une belle marge de manœuvre à exploiter par le législateur régional. Le tout est de respecter certains garde-fous (destinés notamment à éviter la concurrence entre régions) et de s'abstenir d'agir dans la précipitation, en faisant du passé table rase. Le droit au logement a suffisamment besoin de matérialisation pour ne pas tolérer le statu quo.

2. MUTATIONS URBAINES

55Soumise aux pressions diverses qui viennent d’être décrites, Bruxelles change de visage. Une série de mutations urbaines, indicatives d’évolutions tant institutionnelles qu’économiques ou sociologiques, se font jour dans le domaine de l’habitat, qu’il s’agit ici de mettre au mieux en évidence.

56Une ville, cependant, n’est pas une entité abstraite ; elle abrite, d’abord et avant tout, des gens, une population, des individus qui déploient le siège principal de leur existence dans un lieu physique appelé logement. Il convient dès lors d’appréhender les transformations du fait urbain à partir de sa composante première, l’habitation.

2.1. UNE DEMANDE EN HABITAT SOCIAL EN FORTE PROGRESSION

57Déjà préoccupante aujourd’hui, la situation de l’habitat à Bruxelles risque encore de s’aggraver demain. La crise du logement, qui a commencé – fait inédit – à affecter la classe moyenne également, pourrait bien s’étendre encore dans les années qui viennent. Si l’offre de logements publics a du mal à décoller, la demande en habitat social connaît, elle, une augmentation spectaculaire dans le même temps. Quatre facteurs au moins doivent être épinglés à l’appui du phénomène.

58La région, tout d’abord, regagne des habitants (la population globale est ainsi passée de 948 000 à 1 048 000 habitants entre 1996 et 2008, soit un bond de 100 000 âmes, plus de 10 % d’augmentation  [74] ). Pour une large part, cependant, cet essor démographique est à attribuer à l’immigration extra-européenne  [75]. Il s’agit de personnes défavorisées bien davantage que de membres de la classe moyenne qui reviendraient en ville après un épisode d’exode urbain. En tout cas, le Bureau du plan va jusqu’à pronostiquer un accroissement de 170 000 personnes supplémentaires à l’horizon 2020, ce qui risque de rendre très vite dépassées les éventuelles mesures d’extension de l’offre de logements.

59On enregistre, par ailleurs, une tendance croissante au démariage (divorces, séparations…), tendance encore accélérée par l’adoption de la dernière loi réformant le divorce du 27 avril 2007 et qui contribue à faciliter celui-ci. Pas moins d’un ménage sur deux est aujourd’hui composé d’une seule personne à Bruxelles, tandis que le nombre de familles monoparentales tend à se multiplier :+ 56 % au cours des vingt dernières années. Quoi qu’il en soit, ce phénomène fait qu’à nombre de personnes égal (et on a vu à l’inverse que la population croissait), la demande en logements enfle fatalement, vu l’augmentation du nombre de ménages (dont une bonne part d’isolés).

60La population bruxelloise, par ailleurs, a vu ses conditions de vie se dégrader très significativement en une ou deux décennies. Ainsi, le revenu des Bruxellois plafonne aujourd’hui (en 2005) à 85 % de la moyenne nationale alors qu’il culminait à 102 % lors de la naissance de la région (1989). Par ailleurs, le nombre de titulaires du revenu d’intégration a été multiplié par 3,32 depuis la création de la Région bruxelloise en 1989  [76]. À titre d’information, le secteur du logement social en Région wallonne enregistre lui aussi une baisse du nombre d’actifs de l’ordre de 30 % depuis 1994  [77], ce qui pareillement met en exergue une paupérisation certaine des personnes déjà défavorisées. Aujourd’hui, un quart seulement des locataires sociaux à Bruxelles a une activité rémunérée  [78] (un cinquième, même, en Wallonie  [79] ), le solde relevant donc d’un régime particulier de la sécurité sociale.

61Enfin, la pression qu’exerce la présence des institutions européennes à Bruxelles sur les prix de l’immobilier de la capitale, qui s’est accrue ces dernières années par le biais des différents élargissements, pourrait bien s’intensifier encore. Signalons à cet égard que la part des fonctionnaires européens qui décident d’habiter à Bruxelles plutôt qu’en périphérie ne cesse de croître, à proportion en fait que s’aggravent les problèmes d’accès à la capitale. Ce ratio d’Européens péri-urbanisés est en effet en reflux constant depuis une dizaine d’années au moins. En 1994 par exemple, ce n’était pas loin d’un fonctionnaire sur deux (45 %) qui optait pour l’exil hors de Bruxelles  [80], chiffre qui est tombé à 37 % quatre années plus tard seulement  [81] et à un tiers environ aujourd’hui (28 %  [82] ou 35 %  [83] suivant les sources). En cause : les difficultés croissantes de mobilité pour rallier la ville, couplées, de manière positive, aux efforts entrepris pour revitaliser le centre urbain (ce qui a eu pour effet de réhabiliter le choix de Bruxelles comme lieu d’implantation viable et durable aux yeux des nouveaux arrivants).

62En ce qui concerne la surface de bureau par exemple, le mouvement n’est pas près de s’achever puisque le vice-président de la Commission européenne (Siim Kallas) annonce un besoin supplémentaire de 700 000 m2 de bureaux pour les dix années à venir  [84]. Parallèlement, cet instrument majeur de planification urbaine qu’est le Schéma directeur du réaménagement du quartier européen, adopté par le gouvernement bruxellois le 24 avril 2008, annonce un triplement des surfaces du bureau dédiés à l’Union dans la zone (de 170 000 à 400 000 m2, répartis essentiellement le long de la rue de la Loi), ce qui, au passage, renforce encore la vocation principalement tertiaire du quartier Léopold. Il s’agira par ailleurs de « libérer les gabarits » des bâtiments construits, ce qui laisse augurer d’une recomposition du skyline bruxellois (pour l’heure plutôt plat il est vrai).

63Certes, les fonctionnaires européens ne se répartissent pas uniformément sur l’ensemble du territoire bruxellois, se concentrant pour l’essentiel à Etterbeek (à proximité immédiate des lieux de travail) et dans les deux Woluwe  [85]. Toutefois, les augmentations de tarifs constatées dans ces quartiers haut de gamme se répercutent souvent sur les périmètres contigus, par un jeu de dominos peu regardant des limites communales. Les prix que les fonctionnaires européens poussent à la hausse dans un nombre certes restreint de quartiers n’en obligent pas moins les autres candidats à l’acquisition, moins en fonds mais tout autant déterminés à acheter, à se rabattre sur des périmètres légèrement moins chers (pas nécessairement adjacents), contribuant à leur tour à gonfler les tarifs, et ainsi de suite  [86].

2.2. CASSER LA POLARISATION SPATIALE DE FAIT DU LOGEMENT SOCIAL

64Proclamée à l’envi  [87], la notion de mixité sociale a cependant le défaut de se voir exclusivement déclinée en actions unilatérales. Autrement dit, la mixité en ville s’accomplit essentiellement lorsque des personnes aisées investissent des quartiers pauvres ; l’inverse, en revanche, est beaucoup plus rare. En un mot, la mixité sociale est à sens unique. Ainsi, les autorités publiques tentent d’attirer et de stabiliser des revenus moyens dans les quartiers difficiles (qu’on songe à la réduction d’impôt pour les dépenses de rénovation afférentes à un logement situé dans une zone d’action positive des grandes villes, au gel du revenu cadastral pendant cinq ans en cas de travaux engagés sur une habitation sise dans le même périmètre  [88], à l’amplification de l’abattement sur le droit d’enregistrement en cas d’achat d’un bien dans un espace de développement renforcé du logement et de la rénovation en Région de Bruxelles-Capitale  [89], ou encore aux avantages prévus au bénéfice des investisseurs immobiliers privés dans le cadre des volets 2 et 3 des contrats de quartier bruxellois). En sens contraire, les incitants pour implanter des ménages précarisés au sein de périmètres favorisés sont, eux, quasi inexistants  [90].

65Dans ce cadre, il convient de signaler que les autorités publiques tentent actuellement de disséminer le logement social partout dans la ville (dans les beaux quartiers y compris donc) plutôt que de le concentrer géographiquement comme autrefois dans des zones appelées dès lors à devenir des ghettos  [91]. Car, en ce qui concerne la localisation du parc public, force est de constater qu’elle est très peu uniforme ou linéaire aujourd’hui. En région bruxelloise, on trouve 20 % de logement social à Watermael-Boitsfort contre seulement 3 % à Ixelles. La distribution, on le voit, n’a rien d’homogène. Une logique similaire prévaut en Wallonie : pas moins de la moitié du parc social se trouve dans le Hainaut, et un tiers en province de Liège, le reste étant réparti – de manière presque marginale – dans les autres provinces. On assiste donc bien à une polarisation spatiale de fait, imputable aux autorités elles-mêmes. Car il est bien de la responsabilité des pouvoirs publics de créer – ou non – des habitations sociales. Il est vrai, épinglent pour mieux se dédouaner, certaines autorités, que les locataires sociaux ne rapportent pas grand-chose en termes de fiscalité et, au contraire, « mangent » des budgets sociaux. Il n’empêche, le besoin en logement bon marché existe partout, même – voire surtout – dans les communes dites aisées. Et les édiles locaux qui prétendent le contraire, arguant par exemple d’une faible demande dans leur municipalité, souvent détournent cette demande, qu’ils réorientent discrètement vers une commune censément plus accueillante, et qui devient, partant, vite le « déversoir » de la misère.

66Par rapport à cette situation, la Région wallonne a décidé, dans le cadre du plan d’ancrage local du logement, d’assigner à chaque commune un objectif de 10 % de logements sociaux. D’abord d’ordre incitatif, cette mesure est en train de prendre un tour davantage coercitif dans la mesure où la dotation du Fonds des communes prendra très prochainement en considération le taux de logements sociaux par entité en vue de déterminer la clé de répartition des subsides. Certes, il est permis de s’interroger sur la pertinence de déployer un critère rigide comme celui-là. L’offre publique en logements ne doit-elle pas dépendre également de la disponibilité foncière de chaque commune (sans même parler ici de la demande) ? Est-il justifié, plus spécifiquement, d’imposer un tel ratio à la campagne où les possibilités d’emploi sont souvent moins nombreuses qu’en ville ? Déplacer des pauvres là où ils sont loin de tout, dans des zones mal desservies en transports en commun par surcroît, n’a guère de sens en effet et risque au contraire de renforcer l’effet ghetto. En outre, ne risque-t-on pas, par là, de faire de « l’étalement urbain » dénoncé, à juste titre, au nom de considérations écologiques ? Il n’empêche, un signal – fort – est donné, qui vise à briser la polarisation spatiale de fait qui caractérise l’offre actuelle de logements sociaux.

67Les ambitions, à Bruxelles, sont moins volontaristes, mais le Plan pour l’avenir du logement n’en envisage pas moins de créer 3 500 logements sociaux  [92]. Et, dans un but assumé de mixité sociale, des projets relativement imposants sont alors élaborés sur certains terrains choisis dans des communes plutôt cossues : 300 logements à Ixelles, 100 logements à Uccle et jusqu’à 1 000 logements (potentiellement à tout le moins) à Woluwe-Saint-Pierre, commune la plus riche de Bruxelles. Par un classique effet nimby, les riverains se sont toutefois élevés contre ces projets, pas toujours sans raison du reste. Ce qui a amené alors les autorités, concernant le terrain à Woluwe-Saint-Pierre plus particulièrement, à mettre sur pied des ateliers de participation spécifiques en vue de désamorcer la contestation. Certes, il est encore trop tôt pour évaluer ces lieux de participation citoyenne, mais il est possible que la démarche débouche sur une réelle prise en considération – dans la mesure qu’il convient – de l’opinion des habitants et ne soit pas réduite à un simple alibi.

2.3. SOCIALISER LE MARCHÉ PRIVÉ

68Si l’offre de logements publics peine à s’étoffer, ou à tout le moins ne se développe pas à la même vitesse que la demande, il convient alors de veiller à socialiser le marché privé. Construire du logement social coûte cher et prend du temps, mais peut-être est-il permis d’atteindre le même résultat (proposer des habitations à des tarifs accessibles) en conventionnant le parc privé existant. Les agences immobilières sociales, précisément, remplissent ce rôle.

69Par ailleurs, les agences sont porteuses d’une double mixité sociale. Tout d’abord, en Wallonie par exemple, elles mêlent, dans leur public cible, ménages à revenus précaires et ménages à revenus modestes. Ensuite, comme elles captent des logements dans le parc privé, çà et là, elles évitent une concentration et un confinement dans certains quartiers disqualifiés des personnes fragilisées socio-économiquement, réparties ainsi plus harmonieusement au sein du tissu urbain que les locataires sociaux.

70Les agences immobilières sociales rencontrent assurément un beau succès, mais, malgré une progression plus ou moins linéaire, le nombre total de logements gérés par les agences immobilières sociales (2 000 à Bruxelles, 3 000 en Wallonie) reste à un niveau insuffisamment élevé pour espérer exercer efficacement un effet régulateur sur le marché locatif privé  [93]. En effet, l’injection de logements précédemment improductifs dans le secteur privé de la location augmenterait l’offre et, par conséquent relâcherait avantageusement la pression sur les prix. Hélas, pour sortir ses pleins effets, cette idée doit atteindre, dans la pratique, un seuil minimal de réalisation, qui n’est actuellement pas atteint. Même si ces initiatives sont assurément stimulantes et complémentaires au logement social traditionnel, elles restent cependant marginales en termes quantitatifs, le stock de logements n’étant pas suffisant pour entraîner un réel effet déflationniste des loyers.

71Pour dynamiser encore le secteur des agences immobilières sociales, deux mesures récentes doivent être rappelées :

  • réduction fédérale d’impôt – pouvant aller jusqu’à 750 euros annuels – pendant une durée totale de neuf ans (loi du 27 décembre 2006)  [94] ;
  • exemption totale du précompte immobilier en Wallonie pour le propriétaire qui confie son bien à une agence immobilière sociale (décret wallon du 27 avril 2006)  [95].

72Par ailleurs, pour rendre le système encore plus attractif auprès des propriétaires toujours réticents, il conviendrait, dans le cadre de l’impôt fédéral sur les personnes physiques, d’exonérer le contribuable de la majoration de 40 % du revenu cadastral en cas de mise en location – non professionnelle – du bien.

73Enfin, la Région bruxelloise a relevé les montants des loyers susceptibles d’être reçus par le propriétaire  [96], ce qui devrait incontestablement renforcer la position concurrentielle des agences immobilières sociales  [97] L’assurance de la régularité du loyer ne compense pas toujours sa modicité aux yeux des propriétaires. À l’heure toutefois où les loyers tendent à connaître des évolutions différenciées en région bruxelloise (avec une seconde couronne notablement plus chère que la première  [98], même si un certain nivellement vers le haut s’observe progressivement), il serait peut-être judicieux de moduler dans une certaine proportion une grille des tarifs locatifs qui, pour l’instant, est appliquée de manière totalement uniforme sur l’ensemble du territoire bruxellois.

2.4. INTERPÉNÉTRATION DES FONCTIONS

74Entre les différents opérateurs du logement, on constate depuis quelques années une certaine interpénétration des fonctions, comme si les prérogatives de l’un déteignaient sur l’autre, et inversement. La mission de bailleur social en tout cas est en proie à une redéfinition relativement substantielle aujourd’hui. L’on a déjà vu que les agences immobilières sociales contribuaient à la socialisation du marché privé, en mettant des franges du parc privé en location à des tarifs proches des loyers pratiqués par les sociétés de logement social. L’inverse est également vrai puisqu’en Wallonie, par exemple, les sociétés de logement social ont été autorisées récemment à exercer les attributs des agences immobilières sociales. Par ailleurs, ces sociétés de logement de service public peuvent désormais proposer à la location des habitations « à loyer d’équilibre » dont les tarifs ne sont guère éloignés de ceux qui sont en vigueur dans le parc privé. Les sociétés de logement de service public peuvent même vendre une partie de leur parc aux occupants actuels. Un plan d’aliénation de 10 000 logements (sur les 103 000 unités existantes) a été mis en chantier, avec priorité aux communes comptant déjà plus de 10 % de logements sociaux sur leur territoire.

75Les sociétés de logement social ne sont pas les seules à voir leurs missions étoffées puisque le Fonds du logement, par exemple, historiquement associé à l’octroi de prêts hypothécaires à des taux avantageux, met également des biens sur le marché locatif (dans le cadre dit de l’aide locative). Et, pour sa part, la commune, par le truchement du droit de gestion publique, est appelée à traquer la vacance immobilière, ce dont elle s’acquitte non sans peine d’ailleurs  [99].

76Si l’on peut comprendre que, face à la situation extrême que représente actuellement la crise du logement, les opérateurs publics diversifient leurs actions, il faut éviter pour autant de brouiller la lisibilité du message, tant il est vrai qu’une offre de soutiens publics au logement restera inexploitée par ses bénéficiaires si elle n’est pas comprise par eux.

2.5. LA LIMITATION DANS LE TEMPS DU BAIL SOCIAL

77Le logement social se caractérise par un double problème actuellement. D’abord, nombre de grands logements dans le patrimoine public sont en situation de sous-occupation, due essentiellement au départ des enfants. Ainsi, plus d’un ménage social sur deux habite en Wallonie dans un bien social trop vaste pour lui  [100]. En cause notamment : la sur-représentation des seniors (40 % dans le parc social bruxellois  [101], un tiers en Wallonie  [102] ). Le cas de figure classique est celui des parents âgés qui habitent un logement social devenu trop vaste car déserté par les enfants à l’âge adulte. Par ailleurs, de nombreux locataires sociaux voient leur niveau de vie augmenter jusqu’à dépasser le plafond des revenus d’admission. Or, rien n’oblige les bailleurs sociaux à les expulser du parc public (et, même, rien ne le leur permet), trop heureuses qu’elles sont de pouvoir compter sur des locataires à forte capacité contributive (ce qui est précieux vu l’équilibre financier précaire des sociétés de logement) et, en même temps, vecteurs de mixité sociale.

78Il n’empêche, face à une liste d’attente qui s’allonge (et au sein de laquelle les familles nombreuses ont à patienter le plus longtemps), il est devenu indécent de ne pas réserver les rares places disponibles à ceux qui en ont le plus besoin. Pour remédier à ce problème, vient d’être mis en place en Région wallonne le bail à durée déterminée (neuf ans  [103] ) mais renouvelable, qui permet à la société de logement de réexaminer la situation au terme du contrat en regard aussi bien des ressources financières du ménage que de la composition familiale. En cas de manquement à l’une de ces conditions (niveau des revenus et logement proportionné), le bailleur est libre de ne pas reconduire le contrat. Et, sans attendre l’expiration du délai de neuf ans, la société de logement peut procéder à la résiliation du bail tous les trois ans dans ces mêmes hypothèses. Ce qui ne signifie nullement pour autant que le ménage devenu plus aisé se verra immanquablement indiquer la porte de sortie. La société voulait se préserver cette possibilité extrême, c’est fait, mais peut-être commencera-t-elle par proposer au locataire, au nom de cette fameuse mixité sociale, de rester dans les lieux, en contrepartie d’un loyer adapté (à la hausse). Il n’en reste pas moins que la réforme (relative à la durée déterminée) est prise, selon l’aveu même du gouvernement wallon, « dans le souci d’améliorer la rotation des locataires  [104] ».

79Certes, le loyer est déjà censé épouser la courbe du revenu, à coup d’adaptations annuelles (tous les 1er janvier, quelle que soit la date anniversaire de la signature du contrat)  [105] ou d’augmentations immédiates (si le différentiel atteint les 15 % minimum)  [106], mais il y a loin parfois de la théorie à la pratique. L’objectif visé par la nouvelle réglementation (bail à durée déterminée et vérification triennale de la hauteur des revenus – ainsi que de la composition familiale) n’est autre que de rendre systématique un contrôle qui, pour l’instant il est vrai, ne se fait pas avec suffisamment de régularité. En tout état de cause, le gouvernement ne dissimule pas qu’une de ses ambitions, en général, est bien de « rétablir l’équilibre financier » des sociétés de logement social  [107]. La société est toutefois autorisée à proroger la convention, pour neuf nouvelles années  [108]. L’opération peut se répéter autant de fois qu’elle l’estime opportun (aucune limite maximale n’est en effet imposée). Et, en tout état de cause, elle devrait se répéter tant que le ménage satisfait aux critères d’éligibilité, d’après l’esprit de la législation  [109]. Le ministre du Logement affirme lui-même que le bail à durée déterminée est « toujours renouvelable », ce qui constitue une indication en ce sens  [110].

2.6. LA FÉMINISATION DU MAL - LOGEMENT

80Une autre tendance observable actuellement consiste en une certaine féminisation du mal-logement. Certes, un loyer élevé est cher pour tout le monde, et le mauvais état d’un logement affecte de la même manière son occupant, masculin ou féminin. Et pourtant, un examen plus approfondi révèle vite une réalité trop méconnue : le mal-logement a bien un genre, il se décline principalement au féminin. Pourquoi ? Notamment parce que les femmes, à la base, ne jouissent pas des mêmes ressources matérielles que les hommes (écart salarial moyen de 25 %). Résultat : le coût du logement absorbe une part du budget plus grande (en chiffres relatifs) chez la femme que chez l’homme, ce qui risque d’entraîner celle-ci (davantage que celui-là) sur la pente du surendettement  [111].

81Indice de cette surexposition des femmes à la précarité : elles sont largement majoritaires (60 %) dans le logement social, marqué par là par un certain « matriarcat  [112] ». Plus de la moitié des locataires (53 %), par ailleurs, sont des femmes célibataires (avec ou sans progéniture), du moins officiellement. Comme, dans le même temps, 80 % des locataires sociaux bénéficient d’une allocation sociale, ceux-ci tendent à dissimuler toute relation intime, même durable, de crainte de glisser du taux isolé au taux cohabitant, contraignant ainsi le partenaire à se domicilier fictivement ailleurs (et grevant de la sorte le budget du ménage : 250 euros environ la location d’une sonnette ou d’une boîte aux lettres !).

82Plus généralement, la précarisation des femmes est à relier à la montée en puissance des ménages monoparentaux qui, à 75 %, sont dirigés par des femmes. Et, dans près de quatre cas sur dix (39 %), ces mères célibataires ont un minimum de deux enfants, ce qui, contrairement aux idées reçues, ne va pas sans induire un besoin accru en grands logements, besoin encore exacerbé par la généralisation progressive de la garde alternée (depuis la loi du 18 juillet 2006).

83Par ailleurs, en ce qui concerne la qualité des logements, les mères célibataires en Wallonie sont les moins bien loties, derrière les isolés (masculins ou féminins) et les couples, dans cet ordre. Pour ce qui est cette fois du statut d’occupation, on ne recense, dans le groupe des femmes monoparentales, presque pas plus de propriétaires (53 %) que de locataires (47 %), alors que les mères en couple ayant accédé à la propriété sont, elles, plus de cinq fois plus nombreuses que leurs homologues célibataires qui n’ont pas un accès au marché acquisitif (84 % contre 16 %).

84Passablement aiguës, les difficultés de logement rencontrées par les femmes demeurent paradoxalement peu visibles dans la mesure où le sans-abrisme reste encore une réalité largement masculine. C’est que les femmes redoutent par-dessus tout de se retrouver dans ce milieu empreint de violence qu’est la rue, qui plus est lorsqu’elles ont avec elles des enfants (dont la garde leur serait instantanément retirée). Résultat : l’errance au féminin se vit différemment, mais de manière non moins problématique. Elles développent des stratégies de débrouillardise pour éviter d’échouer à la rue, ce qui les fait par exemple alterner les hébergements de fortune chez des connaissances ou des parents. Mais, de stabilité, point.

85À elle seule, l’explication financière ne suffit cependant pas pour rendre compte de l’aggravation des conditions de logement des femmes. Parfois, c’est spécifiquement en raison de leur sexe que des femmes éprouvent, en tant que femmes, des difficultés d’accès au logement. C’est que certains bailleurs véhiculent des stéréotypes massifs à l’encontre des femmes (avec enfants de surcroît), ce qui les conduit alors à leur préférer des locataires masculins. Il existe bien une loi anti-discrimination pour combattre ce genre de comportement (loi du 25 avril 2007), mais elle n’a pas encore déployé tous ses effets, tant s’en faut  [113].

86Dans la matière du logement social, en tout cas, il convient de se réjouir que le gouvernement wallon ait, par l’arrêté précité du 6 septembre 2007, instauré des points de priorité spécifiques pour les femmes victimes de violences conjugales  [114] et ait repensé la notion même de logement proportionné afin de tenir compte de la réalité de la garde alternée  [115].

2.7. L’ATOMISATION DES FAMILLES

87Il circule actuellement une idée suivant laquelle la fragmentation des familles amenuise la nécessité de grands logements. Certes, on fait actuellement moins d’enfants que nos parents par exemple et, parallèlement, le nombre de séparations gonfle, ce qui pourrait induire la nécessité de renforcer l’offre en petits logements. Dans le même temps cependant, avec l’instauration de l’hébergement égalitaire par la loi du 18 juillet 2006  [116], la garde des enfants est, par défaut (c’est-à-dire à défaut d’indication en sens contraire des ex-conjoints), alternée. Le père aura donc, plus qu’auparavant (et les premières indications sur l’effectivité de la loi en attestent avec éloquence), la garde de ses enfants pendant la moitié du temps. Il faut par conséquent non pas moins de grands logements, comme on pourrait le croire, mais au contraire deux fois plus de grands logements, chacun des parents devant en effet accueillir la progéniture une semaine sur deux.

88Quoi qu’il en soit, dans la région bruxelloise par exemple, le nombre moyen de pièces par habitation (1,70) est nettement inférieur à la moyenne nationale (1,86)  [117]. Ainsi, plus de 30 % des logements privés à Bruxelles sont dans l’incapacité d’offrir une chambre à chaque membre du ménage  [118]. En cause, notamment : l’obsession de certains propriétaires peu scrupuleux de fractionner l’immeuble en un maximum de petits appartements, afin de rentabiliser au maximum l’investissement de départ. Résultat : l’offre locative dans le parc privé à Bruxelles est essentiellement composée d’appartements (91 %), lesquels ne comptent la plupart du temps qu’une chambre (43 %) ou deux (33 %)  [119]. Par voie de conséquence, les logements de plus grande taille s’arrachent tandis que leurs loyers s’envolent  [120].

89Les sociétés de logement social ne proposent guère plus d’habitations destinées aux grands ménages. En l’état actuel du bâti, ce genre de logement se fait rare au sein du patrimoine géré par les sociétés immobilières de service public. Et cette proportion a encore tendance à être dégressive à cet égard puisque le nombre de grands logements (trois chambres ou plus) a connu un repli de 22 % entre 1990 et 1998 au sein du parc immobilier public de la région  [121]. C’est que les vastes opérations de rénovation du bâti social entamées dans les années 1990  [122], pour indispensables qu’elles soient, n’en ont pas moins pour conséquence de réduire le nombre de pièces par logement soumis à réhabilitation (et même de diminuer le nombre de logements tout court  [123] ). En moyenne, en tout cas, les appartements de quatre chambres ou plus ne représentent que 4 % du volume global  [124].

2.8. LA RECONVERSION DES BUREAUX EN LOGEMENTS

90La région bruxelloise compte de nombreuses surfaces de bureau vides et surnuméraires (10 % environ sur un total de 13 millions de m2 ), qu’il est question actuellement de réaffecter éventuellement en logement. Ces surfaces de bureau restent inoccupées car, construites il y a vingt à trente ans, elles ne sont actuellement plus aux normes (superficie, air conditionné, câblage, etc.). La philosophie est également, à beaucoup plus long terme, de tenter de recentrer les bureaux en certains endroits de la ville (comme les gares et les stations de transport en commun), histoire de soulager certains quartiers soumis aujourd’hui à une forte pression immobilière.

91Une étude a été commandée par la secrétaire d’État au Logement de la Région bruxelloise, qui en a livré les résultats au mois de novembre 2007. Ont ainsi été identifiés 121 immeubles de bureau offrant un potentiel intéressant pour l’habitation. Ces 350 000 m2 de bureau, situés principalement le long de l’avenue Louise et de la chaussée de Charleroi, ainsi qu’à l’intérieur des limites mêmes du Pentagone, sont convertibles sans trop de difficultés matérielles selon les promoteurs de l’étude et pourraient offrir jusqu’à 3 200 logements supplémentaires.

92L’idée est assurément stimulante, mais elle risque alors, sauf peut-être pour les bureaux qui étaient déjà précédemment du logement, de requérir des travaux de rénovation assez lourds (vu la hauteur et la spécificité des normes de qualité des bureaux) qui auront pour effet de faire rentrer ces bureaux reconvertis en habitat dans le segment résidentiel haut de gamme, parc déjà en suroffre (et, en toute hypothèse, en totale inadéquation avec les besoins sociaux actuels). Fera-t-on, en d’autres termes, autre chose que du loft ? Par ailleurs, les espaces obtenus après réhabilitation pourraient bien être relativement grands, ce qui poussera également les prix à la hausse. D’ores et déjà, 10 000 m2 ont été réaffectés dans le quartier Louise et, au total, une soixantaine de bâtiments de bureau ont fait l’objet à Bruxelles d’une transformation, permettant la création de 1 200 logements.

93Quoi qu’il en soit, les paramètres favorisant la reconversion sont multiples : une superficie de plateau n’excédant pas 500 m2 (pour permettre la division de l’espace en plus ou moins petites unités de logement), l’insertion du bâtiment dans un environnement de type résidentiel, des possibilités de parking, etc. L’ensemble de ces conditions explique que, pour plus de la moitié des superficies vides, une transformation soit exclue (surtout dans le quartier européen). Il ne devrait cependant pas être trop malaisé de réintroduire du logement dans certains périmètres urbains dédiés au tertiaire dès lors que certaines surfaces de bureau ont été obtenues précisément par la subdivision d’anciennes maisons unifamiliales, qu’il s’agit par conséquent de rendre à leur affectation initiale.

2.9. LUTTE CONTRE LA VACANCE IMMOBILIÈRE

94En matière de lutte contre les immeubles inoccupés, les outils de type répressif ont largement fait les preuves de leur inefficacité comme on l’a vu, qu’il s’agisse du droit de réquisition fédéral ou du droit de gestion publique régional (ou encore, mais dans une moindre mesure, de la taxe communale). Pour parvenir à réhabiliter les logements vides, la voie coercitive n’est pas la seule à suivre, ont estimé alors les autorités. Des mesures incitatives doivent impérativement être déployées aux côtés des dispositifs de nature plus sanctionnelle. En clair, il faut donner aux propriétaires privés les moyens pécuniaires pour mettre fin, avec leur assentiment, au déclassement de leur habitation. Cette option suppose cependant une certaine dose de cynisme puisqu’elle conduira en bout de course à récompenser financièrement des propriétaires négligents. La Région wallonne, en tout cas, emprunte résolument cette voie. Elle alloue ainsi des prêts à 0 % de 25 000 euros au propriétaire d’un logement vide qui le confie, après rénovation, à une agence immobilière sociale pendant la durée du prêt. Dans le même registre, un subside de l’ordre de 35 000-45 000 euros est accordé au propriétaire qui, après rénovation toujours, en délègue la gestion à une agence immobilière sociale pendant neuf ans au minimum. On le voit, les avantages ne sont pas minces.

95En filigrane de ces mesures, un changement de philosophie à épingler : s’il y en a naturellement, et en nombre, tous les propriétaires de logements vides ne sont pas des spéculateurs. Parfois, c’est le manque de moyens financiers pour réaffecter les lieux qui contraint ces propriétaires à laisser le bien inexploité. Comme l’indique une étude de l’Université de Liège  [125], le grand âge du propriétaire constitue le registre explicatif principal (hors la spéculation, difficilement quantifiable), justifiant à lui seul près de 30 % des cas d’abandon. Conjuguées à la baisse des revenus, les difficultés – d’ordre physique – grandissantes rencontrées par les aînés pour entretenir le logement amènent ceux-ci en effet à se désintéresser, dans une proportion substantielle, de leur patrimoine bâti. En bref, pour ces propriétaires-là, les mesures incitatives conviennent mieux que les coercitives.

2.10. L’IMPORTANCE PRISE PAR LA PARTICIPATION DES HABITANTS

2.10.1. La participation des habitants dans le logement social

96Autant il importe de développer des mesures susceptibles d’apporter une solution à la crise du logement, autant il est capital que celles-ci soient élaborées en concertation étroite avec les personnes directement concernées. Ce n’est qu’à cette condition-là que les habitants, traditionnellement considérés comme de simples objets des politiques publiques (lesquelles tendent dès lors à écraser leurs spécificités), pourront devenir les véritables sujets desdites actions mises en place par les autorités. Et pourtant, la participation ne se décrète pas ; pas davantage ne s’improvise-t-elle.

97Le thème de la participation a aujourd’hui le vent en poupe, dans le domaine du logement notamment, qu’on se réfère aux contrats de quartier  [126] ou encore au Plan logement (qui vise à construire 5 000 logements sociaux et moyens à Bruxelles)  [127]. Le logement social n’échappe donc pas à cette tendance. La chose semble d’autant plus s’indiquer dans le parc public que la coexistence entre locataires y est parfois vécue sur un mode conflictuel, du fait de la grande hétérogénéité du public (on trouve, schématiquement, un grand nombre de personnes âgées, plutôt de nationalité belge, et à la fois beaucoup de jeunes, souvent issus de l’immigration).

98Par ailleurs, le parc immobilier public, à Bruxelles entre autres, souffre d’un mal notoire. « Il y a une césure entre les sociétés immobilières et les locataires », diagnostiquait il y a une quinzaine d’années un directeur d’une société de logement social (et un des inspirateurs de l’ordonnance relative aux conseils consultatifs des locataires sociaux)  [128]. « Les locataires ont le sentiment que les sociétés de logement social sont devenues de grosses machines éloignées de leurs préoccupations », renchérit une parlementaire régionale bruxelloise  [129].

99Il s’avère donc éminemment nécessaire de travailler la participation dans le parc public, raison pour laquelle le projecteur sera braqué ici sur les conseils consultatifs des locataires dans les logements sociaux bruxellois.

2.10.2. Les conseils consultatifs de locataires

100Actuellement régis par le Code bruxellois du logement de 2004  [130], les conseils consultatifs de locataires existent sur le plan législatif, en fait, depuis 2000 (mais, informellement, depuis plus longtemps)  [131].

101Auprès de chaque société immobilière de service public de la région (SISP), est institué un conseil consultatif de locataires qui édicte le Code du logement  [132]. La règle d’un conseil par SISP est cependant théorique et ne correspond pas à la réalité de ce jour. Ainsi, aux deuxièmes – et dernières à ce jour – élections, qui eurent lieu le 27 janvier 2007, seules 21 SISP sur 33 ont organisé un scrutin, faute d’un nombre suffisant de candidatures valables déposées dans les 12 autres  [133].

102Quand il y en a un, le conseil consultatif de locataires comprend entre cinq (minimum) et quinze (maximum) représentants de locataires, qui exercent cette activité à titre gratuit.

103Les compétences du conseil consultatif des locataires sont triples. De façon générale, il émet, d’initiative ou à la demande du conseil d’administration de la SISP, des avis « sur toute question autre qu’à caractère individuel », relative aux compétences de ce dernier  [134]. D’autre part, sauf dans les cas d’urgence justifiés par des « circonstances exceptionnelles ou imprévisibles  [135] », l’avis préalable du conseil consultatif des locataires est requis pour une série de matières : les programmes d’entretien, de rénovation et d’aménagement portant sur les immeubles dont le montant dépasse 62 000 euros hors TVA, la ou les méthodologie(s) établie(s) par la SISP en vue du calcul des charges locatives, l’adoption ou la modification du règlement d’ordre intérieur de la SISP, tout programme relatif aux équipements collectifs de la SISP ainsi que tout programme par lequel la SISP entend s’adresser aux locataires en matière d’animation culturelle ou sociale. Au cas où la SISP n’aurait pas recueilli l’avis du conseil consultatif sur un de ces points, la SLRB annule, le cas échéant, la décision litigieuse  [136]. Enfin, le conseil consultatif de locataires peut, de sa propre initiative ou à la demande de la SISP, impulser ou collaborer à des activités d’animation au sein des sites de logements sociaux.

2.10.3. Évaluation  [137]

104Il faut le dire d’emblée, l’instauration des conseils consultatifs des locataires (du moins, leur institutionnalisation et leur généralisation) n’a nullement été issue d’une demande des locataires eux-mêmes  [138]. Ce projet, en réalité, est le fait des autorités politiques directement  [139] (parfois non sans arrière-pensée politique  [140] ). Et ce, contrairement aux « ancêtres » participatifs comme les comités de quartier ou les associations d’habitants, qui sont, eux, l’émanation directe des citoyens. Il est vrai que, depuis ces temps glorieux, la situation a incontestablement changé : la pauvreté s’est creusée et la capacité de l’État à résorber cette précarité est entamée  [141]. Face à cette « désaffiliation » croissante des individus marginalisés, il importe plus que jamais de retisser du lien social. Il est particulièrement intéressant, par conséquent, d’examiner comment cette mesure participative, imposée et décidée d’en haut, a été appliquée dans le secteur public du logement. Le déficit de légitimité dont les conseils consultatifs ont hérité en quelque sorte à leur naissance a-t-il été résorbé ?

105À Bruxelles, lors des premières élections en 2004, on a enregistré un fort taux de participation puisque 18 % des locataires (le double de la Wallonie) s’étaient déplacés. Par contre, le scrutin suivant, en 2007, n’a plus mobilisé que 11 % des preneurs. En cause : une certaine déception dans le chef des locataires face à la première expérience participative dans le logement social. Le nombre de candidats lui-même, en 2007, est en chute libre : 213 (contre près du double trois ans auparavant). Dans nombre de SISP, d’ailleurs, le nombre de candidats équivalait tout juste au nombre de places disponibles, de sorte qu’il n’y a pas eu véritablement de choix. Du reste, le total de SISP où s’est tenue une élection a perdu 4 unités, tout en n’en gagnant que deux nouvelles. Ce sont 12 sociétés (sur 33) qui sont donc, cette fois, restées à l’écart, soit plus du tiers.

106De manière générale, on note une participation plus forte dans les quartiers « favorisés » où les gens possèdent sans doute un capital socioculturel plus élevé et où beaucoup de locataires se révèlent être des personnes déjà mobilisées dans des réseaux associatifs divers. On aurait pu croire, au fond, que les gens les plus mécontents de leur propre situation d’habitant seraient aussi les plus prompts à prendre part à l’élection, afin d’essayer d’améliorer leur sort. C’est l’inverse, en fait, qui se produit : plus on est satisfait, plus on s’engage. Ce n’est pas pour autant qu’il n’y a eu aucune mobilisation dans les quartiers moins valorisés, mais cela a demandé alors une forte implication du monde associatif, qui a assumé là une essentielle fonction de relais – ou de passeur – auprès des habitants.

107On constate par ailleurs une certaine corrélation entre les non-votants aux élections politiques (fédérales, régionales…) et les non-votants aux élections des conseils consultatifs de locataires ; ce sont bien souvent les mêmes, alors qu’au sein des conseils consultatifs de locataires, on peut voter à partir de 16 ans déjà, et que la nationalité, là, n’importe pas. La possibilité offerte à un public d’enfin s’exprimer n’a manifestement pas porté ses fruits. Il y a donc un enjeu essentiel à combler le fossé entre ceux qui sont déjà impliqués à la base dans le devenir de la société et tous ceux qui restent en dehors de tout processus de participation (qui s’auto-excluent en quelque sorte).

108Pour expliquer la baisse de participation observée lors des secondes élections, on peut pointer entre autres la propre position des sociétés de logements sociaux face à ces comités consultatifs de locataires d’un genre nouveau. Ainsi, deux attitudes extrêmes se rencontrent fréquemment. Si certaines de ces sociétés de logement considèrent le représentant des locataires comme un réel partenaire, elles versent parfois dans l’excès en utilisant alors le délégué comme courroie de transmission des décisions venant des responsables. Le délégué se trouve alors dans une situation des plus inconfortables, réduit à être une sorte d’antenne décentralisée du conseil d’administration, un simple relais des ordres émanant d’en haut, alors qu’il est censé exercer un rôle de porte-parole des locataires avant tout. Ceci étant dit, la situation inverse se rencontre également, à savoir que la société de logement ne tient nullement le délégué du conseil consultatif de locataires comme un égal, ce qui débouche alors soit sur un conflit frontal soit, tout au contraire, sur de l’indifférence froide et polie. Dans les deux cas, le désenchantement guette, et le désinvestissement est à attendre.

109De leur côté, les délégués des conseils disent ne pas toujours se sentir suffisamment soutenus par leur base, les locataires sociaux eux-mêmes, leurs mandants. Ce à quoi ces derniers rétorquent : si les locataires qui votent doivent en plus participer aux réunions, à quoi cela sert-il alors de déléguer une personne et d’avoir des représentants ?

110Enfin, les locataires souhaiteraient évoquer aussi au sein des conseils consultatifs des problèmes spécifiques qu’ils estiment cruciaux comme la hauteur des loyers ou l’attribution des logements, alors qu’ils sont réglementairement tenus de traiter de sujets plus neutres tels que les équipements, les charges locatives ou encore les programmes culturels. Et, même sur ces points que d’aucuns jugent limités, les conseils n’ont de toute façon qu’un pouvoir d’avis, aucunement décisionnel donc, ce qui peut contribuer à décourager les locataires  [142].

111Il importe toutefois, et le point est capital, de relativiser quelque peu cette amertume. N’oublions d’abord point que les cinq thèmes précités (charges locatives, règlement d’ordre intérieur, etc.) n’encadrent que l’intervention obligatoire du conseil consultatif, là où son avis est requis par la réglementation. Le conseil reste par conséquent toujours libre d’émettre un avis, d’initiative ou à la demande de la SISP, sur n’importe quel sujet ayant trait aux compétences du conseil d’administration, à condition que ce thème soit « autre qu’à caractère individuel  [143] », ce qui laisse de la marge on en conviendra. Ainsi, certains conseils ont entrepris d’instruire cette question cruciale du loyer, au grand bonheur des locataires visiblement  [144].

112Et rappelons également qu’à ces avis, même émis en dehors de toute demande de sa part, la SISP est tenue par la réglementation d’apporter une réponse. Elle doit en effet informer à intervalles réguliers (et sur une base bisannuelle au minimum) le conseil consultatif des suites réservées à ses avis. Elle n’est autorisée par ailleurs à s’écarter de l’avis du conseil qu’en motivant sa décision. La pratique montre à cet égard que cette exigence de motivation, quand elle est respectée, a permis au conseil d’administration sinon de modifier son point de vue, à tout le moins de mieux l’argumenter et d’introduire de la transparence dans un processus trop souvent marqué jusque-là par une certaine opacité.

113L’expérience montre encore que le simple fait pour un conseil consultatif d’avoir pu informer la SISP des difficultés de certains locataires (pas toujours suffisamment consciente des répercussions sociales de ses décisions) a pu freiner les velléités du conseil d’administration dans l’augmentation des loyers et charges  [145] .

114Signalons enfin que, de l’avis des intéressés eux-mêmes, l’exclusion des questions d’ordre individuel (comme l’attribution des logements) du champ d’action des conseils est jugée, à l’expérience, bénéfique. Si cette particularité a suscité un certain scepticisme dans un premier temps, c’est elle, en définitive, qui a permis que les débats soient de bonne tenue la plupart du temps.

115Aussi loin, en conclusion, de la panacée que de l’outil d’instrumentalisation des locataires, ni recette miracle ni simple supplétif de la SISP, l’organe participatif en vigueur dans le logement social constitue avant tout un moyen précieux de faire se parler les différents interlocuteurs au sein du parc public (lesquels, d’ordinaire, ne font que se toiser avec plus ou moins de méfiance). La relation locative ne peut que mieux s’en porter.

2.11. LA DÉCONNEXION DU PRIX DU FONCIER

116Avec ses 43 % de propriétaires, la Région bruxelloise reste largement en deçà de la moyenne nationale qui, elle, culmine à 75 %, une des plus élevées d’Europe  [146]. Si le Belge, comme on dit communément, a une brique dans le ventre (qui a un coût pour les finances publiques d’ailleurs  [147] ), le Bruxellois demeure à l’écart, eu égard à la pression foncière qui atteint des sommets dans la région. C’est dans ce cadre que le droit de superficie peut constituer une réponse appropriée. Cet attribut, nous apprend la loi – toujours en vigueur – du 10 janvier 1824, est un « droit réel, qui consiste à avoir des bâtiments, ouvrages ou plantations sur un fonds appartenant à autrui ». Temporaire, le droit de superficie ne peut être établi pour un terme excédant cinquante années, sauf la faculté de le renouveler un nombre indéterminé de fois. En un mot, le droit de superficie confère à son titulaire, pour une durée déterminée, l’essentiel des droits attachés à la propriété sur un bien qui ne lui appartient pourtant pas. Traditionnellement, ce bien est vierge de toute construction (d’où l’appellation « droit de superficie »), libre alors au superficiaire (le titulaire du droit) d’y ériger les bâtiments qu’il désire, contre due indemnisation – à leur valeur actuelle – à l’expiration de sa prérogative. À Etterbeek, toutefois, qui a lancé un programme original en la matière, le fonds est déjà bâti, ce qui ne modifie en rien cependant le régime du droit de superficie.

117Mais quels sont, au juste, les avantages de ce droit de superficie par rapport à un achat classique par exemple ? Le prix, incontestablement. Tout d’abord, le superficiaire ne paie rien pour le fonds. Le coût du foncier proprement dit, qui pèse lourd traditionnellement dans le calcul du prix de vente, est ainsi neutralisé. Par ailleurs, le droit d’enregistrement, qui atteint les 12,5 % à Bruxelles (avec abattement toutefois sur les premiers 60 000 euros  [148] ), chute à 0,2 % lorsqu’il s’agit non pas d’un transfert de propriété mais d’une constitution d’un droit de superficie.

118Passablement avantageux, le droit de superficie ne s’éteint pas moins au bout de cinquante ans maximum. Quelles sont dès lors, en regard cette fois d’une prise en location classique, les vertus d’un pareil droit de superficie ? La durée, tout d’abord. En plus d’être longue, celle-ci est garantie (alors que la matière du bail connaît, elle, de nombreuses hypothèses de résiliation anticipée). Par ailleurs, le superficiaire dispose de la faculté, pour la durée restant à courir, de mettre le bien en location et, même, de vendre son droit, toutes choses qu’il n’est pas permis de faire avec un bien loué (du moins sans l’accord du bailleur). Enfin, la constitution d’une hypothèque sur le bien soumis à superficie est autorisée, pour une durée qui n’excède pas celle du droit de superficie.

119Naturellement, le droit de superficie ne va pas sans entraîner dans le chef de son titulaire une série d’obligations. En plus d’acquitter la redevance (unique) à la signature de la convention et de restituer le bien à l’expiration du terme convenu, le superficiaire est tenu de conserver le logement et de l’entretenir en bon père de famille. Vu par ailleurs qu’il est considéré comme le propriétaire pendant toute la durée de son droit, il doit régler l’ensemble des charges – fiscales notamment – afférentes à l’exercice du droit de propriété. Enfin, les parties restent libres d’aménager en sus des contraintes spécifiques ; en l’espèce, la commune d’Etterbeek (le « tréfoncier » en langage juridique) a veillé à assigner aux superficiaires le soin d’occuper personnellement le bien pendant les dix premières années  [149].

3. QUAND LES HABITANTS SE RÉAPPROPRIENT LA VILLE ET RÉINVENTENT L’HABITAT

120On a l’habitude d’enseigner que c’est le droit qui permet de changer la société, mais, dans la pratique, on constate que, souvent, l’instance juridique ne fait « que » (c’est déjà beaucoup) ratifier des évolutions de société bien antérieures à l’adoption de la loi. Beaucoup d’initiatives sont en effet prises « en bas », par la société civile elle-même. Le législateur a donc également pour mission, après les avoir dûment évalués naturellement, de repérer et faire croître ces projets informels, sans vouloir toujours chercher à innover ou à imposer ses propres solutions. Hautement valorisées aujourd’hui par les responsables politiques, les agences immobilières sociales, exemple pris parmi d’autres, sont issues en fait de formules associatives locales qui n’ont été reconnues par les autorités (récupérées disent certains) que dans un second temps. Les pouvoirs publics gagneraient donc à cultiver une certaine modestie en vue de faire éclore et grandir (par un encadrement juridique et financier adéquat) des idées novatrices en dépit du fait que celles-ci ne proviennent pas de leur giron.

3.1. L’HABITAT INTERGÉNÉRATIONNEL

121Dans la liste, longue assurément, des projets associatifs qui éveillent l’intérêt et qui devraient jouer un rôle d’aiguillon auprès des pouvoirs publics, on pointera tout d’abord l’habitat dit intergénérationnel qui, comme son nom l’indique, fait se côtoyer au sein d’un même bâtiment un couple de seniors (au rez-de-chaussée) et un ménage plus jeune (aux étages).

122L’habitat intergénérationnel incarne de manière emblématique les vertus d’une formule « gagnant-gagnant » qui voit l’ensemble des parties (ici, le propriétaire âgé, le jeune couple et, même, la puissance publique) tirer profit ensemble du dispositif mis en place.

123Du point de vue du senior tout d’abord, les bénéfices sont évidents. La présence habituelle sous le même toit d’une ou de plusieurs autres personnes est clairement de nature à rasséréner la personne âgée, surexposée traditionnellement en cas de chute par exemple. Cette même présence induit par ailleurs un sentiment de sécurité appréciable, tout en contribuant à atténuer la solitude dont souffrent particulièrement les aînés. Au-delà, le jeune couple hébergé pourra livrer quelques menus services, dont la – faible – charge de travail sera sans commune mesure avec l’agrément qu’en retirera le senior. Un peu de bricolage par-ci, une petite course par là : la personne âgée accueillera vraisemblablement ces coups de pouce (qui ne « coûtent » pas grand-chose à leur auteur) comme une bénédiction. Signalons au demeurant que, sur un strict plan pécuniaire, l’hébergement intra muros d’un autre ménage dans un bien laissé – partiellement – à l’abandon auparavant représente une opération passablement avantageuse. Non seulement le bâtiment précédemment improductif génère à présent un revenu locatif mais, également, l’occupation de l’intégralité de la maison prémunit celle-ci contre une dégradation trop rapide. Enfin, last but not least, l’aménagement d’une formule de ce type permettra au senior de rester dans ses murs.

124En ce qui concerne cette fois le ménage hébergé, les avantages ne sont pas moins nombreux. Il trouvera là tout d’abord, en échange des menus services évoqués plus haut, l’occasion de se loger à prix doux, ce qui se révèle notablement malaisé à l’heure actuelle. Plus spécifiquement, dans une logique de solidarité informelle bilatérale, le ménage hébergé est fondé à son tour à attendre quelque appui de la part de son cocontractant (âgé). Ce dernier réceptionnera un colis postal pour son locataire durant les heures de travail par exemple, tout comme, au pied levé, il pourra éventuellement faire office de baby sitter providentiel.

125Avantageuse pour les deux parties au contrat de bail, la formule de l’habitat intergénérationnel (déjà adoptée par des asbl actives en région bruxelloise comme Dar Al Amal ou Les trois pommiers) ne va pas sans induire de très substantiels bénéfices pour la puissance publique également. Confrontées à un manque criant de logements appropriés pour les personnes âgées et, en même temps, dramatiquement impuissantes à résorber le phénomène de la vacance immobilière (particulièrement lorsque le bien n’est pas intégralement à l’abandon, comme l’illustre la problématique – lancinante – des étages vides au-dessus des commerces), les autorités trouveront dans le mécanisme de l’habitat intergénérationnel le moyen de travailler sur ces deux fronts simultanément. Par ailleurs, cette fameuse mixité sociale que les instances étatiques appellent de leurs vœux sera réalisée au sein même de chaque immeuble kangourou. Dans la ligne, il peut être opportun de signaler que les étudiants qui viennent de l’extérieur suivre leur parcours académique – et habiter – à Bruxelles choisissent, dans 50 % des cas, de demeurer dans la ville une fois leur cursus achevé. Voilà des « clients » tout indiqués pour l’habitat intergénérationnel, qui viendraient ainsi renforcer avantageusement l’assiette fiscale de la région à moyen terme (alors que, à l’heure actuelle, les pouvoirs locaux ont plutôt tendance à surtaxer les kots d’étudiants). Plus globalement, l’éclosion de pareils îlots de solidarité chaude ne peut que contribuer, fût-ce à la marge, à remailler le tissu social et à réintroduire la figure du collectif dans un domaine – l’habitat – presque exclusivement décliné sur le mode des relations inter-individuelles. Au demeurant, une décrue des tarifs locatifs ne pourra que soulager une puissance publique qui semble renoncer à toute velléité de régulation dans le domaine des loyers. Encadrer, enfin, la formule du logement kangourou en la dotant par exemple d’incitants fiscaux coûte en toute hypothèse moins cher à la puissance publique que de subventionner des maisons de repos (ou de financer des aides à domicile). Or, en extrapolant les données actuelles, il faudra à moyen terme prévoir plus de 15 000 lits supplémentaires en homes (sur les 125 000 existants) si l’on veut épouser l’évolution démographique en cours aujourd’hui. Et une autre étude, menée par la Confédération de la construction de Bruxelles, de préconiser même, sur une base linéaire, la construction de 80 maisons de repos par an d’ici 2050.

126S’il peut cumuler les avantages, le logement intergénérationnel n’en reste pas moins grevé d’importantes limites sur le plan légal. Pour le dire autrement, le mécanisme se heurte à différents obstacles d’ordre juridique qui non seulement empêchent toute généralisation du principe, mais sont aussi susceptibles de mettre en péril l’existence des quelques initiatives existantes. Citons deux de ces obstacles.

127Un habitat intergénérationnel un peu trop intégré, qui prévoirait un ou plusieurs espaces communs par exemple, risque d’entraîner pour ses occupants allocataires sociaux un glissement plus que fâcheux du taux isolé au taux cohabitant, avec une perte sèche oscillant en moyenne, suivant les situations, entre 200 et 400 euros par mois. Et ce, même si les deux couples ne formaient aucunement une unité socio-économique au sens traditionnel du terme.

128Au-delà des considérations pécuniaires, l’habitat intergénérationnel affronte également des vicissitudes juridiques liées aux prescrits urbanistiques. Par exemple, le couple de seniors qui désirerait aménager les étages supérieurs de sa maison dans la perspective d’une location (de type kangourou ou autre) sera très probablement contraint d’engager des travaux afin de créer une ou plusieurs unités de logement autonomes dans ce qui était auparavant une unifamiliale. Or, s’ils sont lourds (ce qu’ils risquent d’être dès lors qu’on modifie l’affectation même du bâti), ces travaux requièrent impérativement un permis d’urbanisme, lequel ne s’obtient plus cependant – de la commune – qu’avec grande difficulté. Il est vrai que bien des excès ont été commis dans le passé  [150].

3.2. L’ÉPARGNE COLLECTIVE SOLIDAIRE

129L’épargne collective solidaire est un outil qui permet l’accès à la propriété pour les personnes qui, justement, cumulent les difficultés les plus aiguës à trouver un logement (étrangers, familles nombreuses, défavorisés). L’association Coordination et initiatives pour et avec les réfugiés et étrangers (CIRÉ) et le Fonds du logement (qu’il soit de Wallonie ou de Bruxelles) ont ainsi développé un système de tontine qui permet à chaque membre de cotiser dans un pot commun, qu’il peut activer lorsqu’il souhaite acheter une maison.

130Certes, l’accédant à la propriété peut recevoir un prêt hypothécaire couvrant jusqu’à 100 % de la somme, mais l’argent n’arrive sur le compte en fait qu’au moment de la signature de l’acte officiel de vente alors qu’il faut déjà, au moment de la signature cette fois du compromis de vente (qui intervient quatre mois plus tôt), verser – sur fonds propres donc – un dixième du montant total, ce qui est souvent insurmontable pour les personnes défavorisées. D’où l’utilité de recourir à ce pot commun pour régler cet acompte, laquelle cagnotte sera renflouée quatre mois après, au moment de l’octroi du prêt, ce qui permettra à d’autres d’y faire appel, et ainsi de suite.

131Quel bilan tirer de l’expérience ? Un premier groupe (de 25 familles nombreuses allochtones) s’est constitué en 2003 sous l’égide du CIRÉ. Le montant mensuel de l’épargne s’élevait à 75 euros et la durée totale de cotisation, à 30 mois, pour l’ensemble des participants (tous doivent donc épargner jusqu’au bout, même – et surtout – ceux qui auraient acheté un bien avant l’arrivée du terme). À l’arrivée, près de la moitié du groupe (11 ménages) a pu accéder à la propriété grâce à ce mécanisme, ce qui constitue un résultat tout à fait encourageant si l’on considère le profil extrêmement précarisé du public visé, et un seul d’entre eux a arrêté de cotiser après son achat (avant d’être rappelé à l’ordre par le groupe, soucieux de voir reconstituée la cagnotte). Au total, on ne compte d’ailleurs pas plus de 10 % d’arriérés de cotisation. Après deux ans et demi, cette association momentanée de fait s’est donc dissoute et tout le monde a récupéré alors son argent – majoré des intérêts –, même ceux qui ont puisé dans le pot pour acquérir un bien (l’avance a en effet été remboursée, et en une fois, quatre mois plus tard via le prêt du Fonds du logement). Suite au succès rencontré par ce groupe « fondateur », deux autres se sont constitués courant 2006, dont l’un s’oriente même vers la construction (d’un immeuble collectif, avec le Fonds bruxellois du logement comme maître d’ouvrage). Relevons d’ores et déjà que les accédants de cette seconde vague, bien qu’habitant Bruxelles à la base, choisissent dans leur majorité d’acheter en Wallonie (où les prix sont – légèrement – plus doux que dans la région bruxelloise), alors que ce type de migration-là était largement minoritaire au sein de la première expérience.

132En ce qui concerne les personnes en état de précarité spécifiquement, cette mise en réseau et ce partage d’expériences en matière d’accès à la propriété semblent d’autant plus pertinents que la pauvreté, contrairement à une opinion courante, n’est pas qu’une affaire de ressources pécuniaires. D’abord et avant tout, elle procède d’un délitement du lien social, d’un affaiblissement du réseau informel d’entraide et de solidarité. Également, elle trouve sa source dans le défaut de maîtrise des mesures législatives et des réglementations en vigueur dans le chef de ceux qui ne disposent que d’un capital culturel et social restreint. Qui ne comprend ni – a fortiori – ne connaît la loi est tôt ou tard amené à en subir la rigueur. Dans ce cadre, l’épargne collective solidaire contribue avantageusement à la diffusion de la norme et, in fine, au remaillage du tissu social.

133La propriété en résumé, à laquelle le système d’épargne collective solidaire offre une voie d’accès privilégiée, a ceci de particulièrement bénéfique pour les ménages précarisés qu’elle constitue sans doute, en matière d’habitat, le plus puissant vecteur d’intégration sociale et d’émancipation économique. Mettant l’occupant à l’abri des fluctuations de volonté du bailleur, la propriété garantit à son titulaire une certaine indépendance dans les lieux. Le pouvoir de gestion que l’attribut confère par ailleurs au propriétaire permet à ce dernier d’investir – matériellement et affectivement – le bien et de le façonner à son image, ce qui ne peut que favoriser l’appropriation du logement par son habitant. La qualité globale du bâti dans une ville augmente d’ailleurs à proportion du taux de propriétaires. En plus, enfin, de constituer une épargne forcée (que son titulaire pourra réutiliser à terme, lui donnant un autre usage), la propriété représente un rempart de choix contre l’inflation dès lors que, par rapport à des loyers traditionnellement indexés, le montant mensuel du remboursement de l’emprunt hypothécaire reste, lui, la plupart du temps invariable avec le temps  [151].

134Dans ce cadre, les pouvoirs publics gagneraient à éviter dans la mesure du possible de dissuader, par des réglementations inappropriées – parce qu’elles n’ont au départ pas été conçues en fonction, les initiatives existantes. Ce comportement réclame de la part des responsables une véritable vision, un sens de l’anticipation (qui sait en effet si ces formules alternatives d’habitat, élaborées le plus souvent en réaction à une crise du logement qui tend à s’installer pour de bon, ne deviendront pas demain de véritables modèles pérennes – à l’instar des agences immobilières sociales ?) et une certaine dose de courage politique (corriger ses lois en conséquence). Repérer les initiatives stimulantes, les encadrer (juridiquement et financièrement) et les accompagner tout au long de leur développement constituent assurément un office exigeant, mais ô combien exaltant.

135À ce sujet, par exemple, il est urgent, comme le réclame avec force le Collectif Solidarité contre l’exclusion notamment  [152], d’entamer la réforme des statuts d’isolé et cohabitant dans le cadre des allocations sociales. Sinon, le phénomène dit de l’habitat dit solidaire (qui voit des personnes défavorisées habiter dans un même lieu sans former pour autant une communauté de vie) ne connaîtra jamais l’expansion qu’il mérite, eu égard aux très vives difficultés d’accès, à titre individuel, à un logement décent et abordable financièrement.

136En tout état de cause, ce n’est qu’à cette condition (le support d’initiatives associatives existantes par les autorités) que la tant vantée participation des habitants à la prise de décision publique pourra, enfin, être prise au sérieux.

ANNEXES

1.

Taxe sur les immeubles inoccupé

tableau im1
1. Taxe sur les immeubles inoccupés 2005 2006 Anderlecht - 69 940 Auderghem 3 600 16 253 Berchem-Ste-Agathe 161 950 116 125 Bruxelles 1 111 482 232 083 Etterbeek 51 320 16 200 Evere 3 720 26 747 Forest 90 000 116 000 Ganshoren 11 280 6 400 Ixelles 837 988 217 448 Jette 66 663 88 961 Koekelberg - - Molenbeek-St-Jean 181 835 435 811 Saint-Gilles 199 320 243 142 St-Josse-ten-Noode - 11 408 Schaerbeek 411 736 415 219 Uccle 67 36 78 558 Watermael-Boitsfort - - Woluwe-St-Lambert 31 285 41 645 Woluwe-St-Pierre 120 727 15 370 Source : Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, Questions et réponses, n° 41,15 juin 2008, p. 99.

Taxe sur les immeubles inoccupé

Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, Questions et réponses, n° 41,15 juin 2008, p. 99.
2.

Parcs communaux de logement sociaux (au 31 décembre 2007)

tableau im2
2. Parcs communaux de logement sociaux (au 31 décembre 2007) Communes Parc total Logements sociaux % Anderlecht 41 293 4 970 12,0 Auderghem 13 901 874 6,3 Berchem 8 477 608 7,2 Bruxelles 66 700 7 677 11,5 Etterbeek 21 584 1 455 6,7 Evere 14 780 2 200 14,9 Forest 21 916 1 328 6,0 Ganshoren 9 846 1 336 13,6 Ixelles 41 325 1 412 3,4 Jette 18 853 1 292 6,9 Koekelberg 7 576 519 6,9 Molenbeek 31 532 3 431 10,9 Saint-Gilles 21 441 1 056 3,9 Saint-Josse 9 697 809 8,4 Schaerbeek 48 421 2 238 4,6 Uccle 34 728 1 604 4,6 Watermael-Boitsfort 11 936 2 102 17,6 Woluwe-Saint-Lambert 23 478 2 637 11,2 Woluwe-Saint-Pierre 17 327 907 5,2 Région de Bruxelles-Capitale 464 811 38 514 8,3 Source : P. ZIMMER, La production de logements publics dans la Région de Bruxelles-Capitale, Rencontres écologiques d’été, 2008.

Parcs communaux de logement sociaux (au 31 décembre 2007)

P. ZIMMER, La production de logements publics dans la Région de Bruxelles-Capitale, Rencontres écologiques d’été, 2008.

Notes

  • [1]
    À cet égard, cf. notamment P. ZIMMER , « La politique du logement de la Région de Bruxelles-Capitale », Les échos du logement, 2006, n° 2, pp. 4 et s.
  • [2]
    « On s’accorde à reconnaître », observe Primo Lévi, « qu’un pays est d’autant plus évolué que les lois qui empêchent le misérable d'être trop misérable et le puissant trop puissant y sont plus sages et plus efficaces » (P. LÉVI , Si c'est un homme, Paris, Juillard, 1987, p. 94).
  • [3]
    Contrairement donc aux dépenses d'alimentation par exemple, d'une grandeur relative équivalente quelle que soit la classe sociale (12 % des ressources financières totales environ), la part du loyer dans le budget d'un ménage augmente à proportion que la famille descend dans l'échelle sociale. Comme s'il existait un prix plancher indépassable, qui reste relativement élevé (200-300 euros), pour les logements locatifs, fut-ce des taudis. Il n'y a, pour s'en persuader, qu'à considérer d'ailleurs les tarifs absolument indécents pratiqués par les marchands de sommeil : plusieurs centaines d'euros pour une simple paillasse posée à même le sol dans un environnement fortement insalubre, paillasse qui plus est à partager, sur la même journée, entre plusieurs personnes (suivant un système de tournante appliqué notamment dans les entreprises : 3 x 8).
  • [4]
    M.-L. DE KEERSMAECKER et S. DE CONINCK, « La situation du marché locatif à Bruxelles », in La crise du logement à Bruxelles : problème d'accès et/ou de pénurie ?, sous la direction de N. BERNARD et W. VAN MIEGHEM, Bruylant, 2005, p. 14.
  • [5]
    M. VAN CRIEKINGEN, « Que deviennent les quartiers centraux à Bruxelles ? », Brussels studies, n° 1, 12 décembre 2006, p. 1.
  • [6]
    Plan national d'action pour l'intégration sociale 2002-2005.
  • [7]
    M.-L. DE KEERSMAECKER, « Des loyers en constante évolution », SLRB Info, n° 51-52, juillet-décembre 2007, p. 19.
  • [8]
    Ibidem, p. 19.
  • [9]
    Si toutefois le bailleur met fin à des baux de courte durée successifs conclus à chaque fois avec des preneurs différents, le loyer de ces baux ne peut, pendant une période de neuf ans, être supérieur au loyer de départ – afférent au premier contrat–, hors indexation et révision, toujours autorisées (art. 7, § 1er bis, du Livre III, Titre VIII, Chapitre II, Section II, du Code civil). Force est cependant de constater que cette disposition est rarement appliquée. C'est que, notamment, il est impossible au nouveau locataire de connaître le niveau du loyer précédent. La situation est cependant susceptible actuellement de s'éclaircir avec la procédure d'enregistrement obligatoire mis sur la tête du bailleur par la loi du 27 décembre 2006, qui pourrait aboutir à la création d'un cadastre centralisé des loyers.
  • [10]
    Cf. les art. 4 à 17 du Code bruxellois du logement. Cf. aussi l'arrêté du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 4 septembre 2003 déterminant les exigences élémentaires en matière de sécurité, de salubrité et d'équipement des logements, Moniteur belge, 19 septembre 2003. Cf. sur la question notamment F. LAMBOTTE, « Les communes et le Code bruxellois du logement », Normes d'habitation : Wallonie, Bruxelles (dossier n° 10 du Journal des juges de paix et de police), Bruxelles, La Charte, 2008, pp. 57 et s.
  • [11]
    P. ZIMMER, « Le logement social et la médiation sociale de marché dans la Région de Bruxelles-Capitale », Les cahiers des sciences administratives, sous la direction de G. GENERET, Larcier, n° 13/2007, pp. 41 et s. Cf. également P. DE DECKER et J. LAUREYS, « Le marché du logement se polarise-t-il à Bruxelles et en Wallonie ? », Les échos du logement, 2007, n° 1, p. 6.
  • [12]
    Au total donc, la part des agents de l’Union européenne et de ses organisations satellites dans la population bruxelloise s’élève, familles incluses, à 105 000 unités, soit 10 % environ (Bruxelles en Europe, l'Europe à Bruxelles. 50 ans de convergences, Bordeaux, Le Castor Astral, 2007, p. 115).
  • [13]
    Rapport annuel 2007 de la Société du logement de la Région de Bruxelles-Capitale, p. 22. En Wallonie, à titre de comparaison, le hiatus est moindre puisque le loyer social s'élève à 293 euros contre 411 dans le secteur privé (conférence, donnée à Spa le 24 avril 2008 dans le cadre de la journée d'étude des secrétaires de CPAS wallons, par l'inspecteur général a.i. de la Division du Logement de la Direction générale de l'aménagement du territoire, du logement et du patrimoine de la Région wallonne).
  • [14]
    M.-L. DE KEERSMAECKER, « Des loyers en constante évolution », op. cit., p. 19.
  • [15]
    Cf. N. BERNARD, « Le logement social à Bruxelles : origines, perspectives d'avenir et comparaisons européennes », Les cahiers des sciences administratives, op. cit., pp. 77 et s.
  • [16]
    Cf. également l'Atlas de la santé et du social de Bruxelles-Capitale 2006 de l'Observatoire de la santé et du social de la Commission communautaire commune de Bruxelles, p. 63 ainsi que P. ZIMMER, Dix ans de politique du logement social à Bruxelles, Bruxelles, SLRB, 2000.
  • [17]
    Cf. J. CHARLES, Structure de la propriété sur le marché locatif privé bruxellois, Bruxelles, Prospective Research for Brussels, 2007.
  • [18]
    Charleroi totalise ainsi 58,2 % de propriétaires, Gand, 53,2 %, Anvers 53,1 % et Liège 49,3 %. Cf. les résultats de l'enquête socio-économique menée en 2001 auprès de 96,9 % des ménages du pays par l'Institut national des statistiques, à la demande du Ministère des Affaires économiques.
  • [19]
    On en compte 32 000 en tout, desquels il faut cependant retrancher tous ceux qui ont été radiés, à défaut d'avoir confirmé leur candidature par exemple (cf. Société du logement de la Région de Bruxelles-Capitale, Rapport annuel 2007 p. 14).
  • [20]
    5,64 % très exactement (Société du logement de la Région de Bruxelles-Capitale, Rapport annuel 2006, p. 104).
  • [21]
    23,33 logements neufs en moyenne annuelle sur les neuf derniers exercices (Société du logement de la Région de Bruxelles-Capitale, Rapport annuel 2007, p. 38).
  • [22]
    Cf. infra.
  • [23]
    Cf. le numéro spécial de Bruxelles en mouvements (revue d'Inter-environnement Bruxelles) « À la recherche des logements prévus », n° 208-209,15 septembre 2008.
  • [24]
    Cf. « Bruxelles change… ! 10 ans de politique de la ville en Région de Bruxelles-Capitale », Cahiers du SRDU, n° 4, novembre 2007, p. 48.
  • [25]
    Ibidem, p. 47.
  • [26]
    Cf. l'étude publiée par le réseau de courtiers immobiliers ERA le 24 septembre 2008 (Le marché belge de l'immobilier reste fort dans un contexte économique troublé).
  • [27]
    On peut également craindre que l’allongement de la durée des prêts fragilise la situation financière des pensionnés car le remboursement d’une mensualité hypothécaire peut s’avérer malaisé au moment où les revenus chutent de manière brutale.
  • [28]
    Cf. P. DE DECKER et V. GEURTS, Home ownership at risk in Belgium, Universiteit Antwerpen, 2004.
  • [29]
    P. CARLIER, S. FONTAINE et B. MONNIER, « La qualité de l'habitat wallon. Synthèse des résultats de l'enquête », Les échos du logement, 2007, n° 4, p. 15.
  • [30]
    Cf. I. THOMAS et D. VANNESTE, « Le prix de l'immobilier en Belgique : un peu de géographie ! », Les échos du logement, 2007, n° 1, p. 20.
  • [31]
    14 642 très exactement, suivant le rapport d'activités 2003 de l'Intercommunale bruxelloise de distribution d'eau (IBDE). Ce chiffre est calculé sur la base statistique d'une consommation annuelle inférieure à 5m 3, laquelle mesure doit encore être considérée comme un plancher.
  • [32]
    Étude Sitex préalable à l'adoption du Plan régional de développement tel qu'arrêté par le gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale le 12 septembre 2002, Moniteur belge, 15 octobre 2002.
  • [33]
    Proposition d'ordonnance instaurant une taxe sur les immeubles abandonnés, Développements, Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, Doc. parl. 150/1,5 novembre 1991, p. 1.
  • [34]
    Parce qu'il se caractérise par une longue durée et qu'il se conclut avec une personne n'habitant pas les lieux, le bail commercial est particulièrement prisé par les propriétaires, relativement peu sollicités dans ce cas de figure par leur locataire commerçant (surtout en regard de la situation en cours dans le bail de résidence principale). Lequel bailleur préfère souvent dès lors laisser vides les étages supérieurs, proportionnellement peu rentables, plutôt que de multiplier les baux (de nature différente qui plus est) sur le même bien. Le vœu de tranquillité l'emporte souvent sur le souci de rentabilité maximale. Du reste, la plupart du temps, il n'existe pas d'accès privatif aux étages, la voie d'entrée traditionnelle donnant en effet directement dans le commerce.
  • [35]
    Cf. C. MORENVILLE, « Squats, auto-gestion et mobilisation collective : les nouvelles formes de lutte », Démocratie, 1er décembre 2003, n° 23, p. 6.
  • [36]
    Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, Journal officiel, 8 juillet 1989, art. 17 et s., modifiés par la loi n° 92-722 du 29 juillet 1992, art. 34 (Journal officiel, 30 juillet 1992) ainsi que par la loi n° 94-624 du 21 juillet 1994 art. 16 et 17 (Journal officiel, 24 juillet 1994).
  • [37]
    Loi du 18 janvier 1979 (Huurprijzenwet Woonruimte). Cf. également l'arrêté d'exécution de la loi (Besluit huurprijzen woonruimte) du 18 juin 1979.
  • [38]
    Dans l'hypothèse en effet de la prorogation du contrat (avec le même locataire donc), les conditions de départ – dont le loyer – doivent être intégralement maintenues.
  • [39]
    Sur le sujet, cf. notamment N. BERNARD, « Le régime fiscal applicable aux immeubles abandonnés en Wallonie, en Flandre et à Bruxelles. Convergences et ruptures », Les échos du logement, 2005, n° 1 et 2.
  • [40]
    Cf. G.-F. PARMENTIER, « La fiscalité des immeubles inoccupés ou l'impôt sur le non-revenu », Revue générale de fiscalité, mars 1996, p. 101.
  • [41]
    Art. 18 et s. du Code bruxellois du logement établi par l'ordonnance du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale du 17 juillet 2003, Moniteur belge, 9 septembre 2003.
  • [42]
    Il est vrai que l'opérateur public ayant capté le logement risque de ne pas rentrer dans ses frais puisque des travaux de rénovation plus ou moins lourds devront très certainement être engagés dans un bien laissé vide et qu'il devra en supporter le coût, même préfinancé. Certes, il peut se payer sur les loyers versés au locataire avant de les rétrocéder au propriétaire dessaisi mais, vu que le loyer doit rester modique et que la durée maximale de prise en gestion est « limitée » à neuf ans, un remboursement intégral est illusoire (sauf à ne prendre en gestion que des immeubles faiblement dégradés, ce vers quoi l'on s'achemine).
  • [43]
    Arrêté du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 30 novembre 2006 organisant le fonds Droit de gestion publique, Moniteur belge, 18 décembre 2006. Cette avance sans intérêt ne couvre toutefois pas l'intégralité de la somme.
  • [44]
    En moyenne, les loyers perçus à l'heure actuelle doivent probablement être quatre fois plus élevés que le revenu cadastral sur la base duquel les propriétaires continuent d'être taxés. En fait, le Conseil supérieur des finances avait établi ce ratio à 3,21 en 1996 (Conseil supérieur des finances, section Fiscalité et Parafiscalité, Taxation des loyers et réforme de la fiscalité immobilière, février 1997, p. 21). Eu égard à l'augmentation constante des loyers enregistrée depuis, et compte tenu singulièrement du pic observable à la fin des années 1990, l'estimation la plus basse doit se situer aujourd'hui aux alentours de 4. En 1989 déjà, une proposition de loi suggérait de multiplier le revenu cadastral par 1,66 (proposition de loi déposée à la Chambre des représentants le 10 novembre 1989 par M. Vogels et H. Simons modifiant le Code civil en ce qui concerne les contrats de louage et tendant à sauvegarder le droit au logement par la réglementation des loyers et la protection du locataire occupant, Chambre, Doc. parl. 959/1,10 novembre 1989).
  • [45]
    Par la réforme de l'État de 1980, les régions ont hérité de la politique du logement dans son ensemble (art. 6, § 1er, IV, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, Moniteur belge, 15 août 1980), étant entendu que la matière du bail, non incluse dans le logement sensu stricto, reste résiduelle à l'État fédéral (cf. la loi du 20 février 1991 modifiant et complétant les dispositions du Code civil relatives aux baux à loyer, Moniteur belge, 22 février 1991).
  • [46]
    Cf. la section 2 (« Des règles particulières aux baux de résidence principale du preneur ») du chapitre II (« Du louage des choses ») du titre VIII (« Du contrat de louage ») du livre III (« Des différentes manières dont on acquiert la propriété ») du Code civil, introduit par la loi du 20 février 1991 modifiant et complétant les dispositions du Code civil relatives aux baux à loyer, Moniteur belge, 22 février 1991.
  • [47]
    Loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980, art. 6, § 1er, IV.
  • [48]
    Cf. la loi spéciale du 13 juillet 2001 portant refinancement des communautés et extension des compétences fiscales des régions, Moniteur belge, 3 août 2001.
  • [49]
    Cf. B. JURION, « Logement et fiscalité immobilière. Quelles politiques possibles pour les régions ? », Le logement dans sa multidimensionnalité : une grande cause régionale, sous la direction de N. BERNARD et C. MERTENS, Namur, Publications de la Région wallonne, collection Études et documents, 2005, pp. 161 et s.
  • [50]
    Le précompte immobilier, également appelé le foncier, est un impôt qui profite essentiellement aux communes, pour prix des services divers qu'elles rendent à leurs administrés.
  • [51]
    Plus le loyer demandé est élevé et s'écarte du loyer de référence, plus grande, en effet, sera la base d'imposition. À l'inverse, un loyer qui se rapprocherait dudit loyer de référence vaudrait au bailleur une diminution notable du précompte immobilier. Cf. Rassemblement bruxellois pour le droit à l'habitat, « Pistes concrètes pour un encadrement des loyers », Art. 23, n° 19, avril-mai-juin 2005, pp. 20 et s.
  • [52]
    Cf. notamment N. BERNARD, « Huit propositions pour un encadrement praticable et équilibré des loyers », Les échos du logement, mars 2006, n° 1, pp. 1 et s.
  • [53]
    Bruxelles en Europe, l'Europe à Bruxelles. 50 ans de convergences, op. cit., p. 43.
  • [54]
    Par exemple l'îlot Van Maerlant, anciennement propriété de l'État belge, ou encore l'îlot Comines-Froissart, appartenant auparavant à la Région bruxelloise, et tous deux récemment cédés.
  • [55]
    Cf. B. MORITZ, « OmbudsPlanMédiateur : une nouvelle chance pour le quartier européen ? », Bruxelles l'Européenne. Capitale de qui ? Ville de qui ? European Brussels. Whose capital ? Whose city ?, sous la direction de C. Hein, Bruxelles, ISACF - La Cambre et La Lettre volée, 2006, p. 212.
  • [56]
    Résolution concernant l'implantation des institutions européennes à Bruxelles adoptée par le Parlement bruxellois le 21 février 2003, Parlement bruxellois, Doc. parl. A-403/1, point 3,14 février 2003.
  • [57]
    Cf. A. LAFERRÈRE, « Les aides personnelles au logement : réflexion économique à partir de l'expérience française », in Le logement dans sa multidimensionnalité : une grande cause régionale, sous la direction de N. BERNARD et C. MERTENS, Namur, Publications de la Région wallonne, collection Études et documents, 2005, pp. 140 et s.
  • [58]
    Cf. M. ELSINGA, « Politique de la location et subside locatif aux Pays-Bas », in La crise du logement à Bruxelles. Problème d'accès et/ou de pénurie ?, sous la direction de N. BERNARD et W. VAN MIEGHEM, Bruxelles, Bruylant, 2005, pp. 91 et s.
  • [59]
    Pour ces deux derniers pays, cf. Rassemblement bruxellois pour le droit à l'habitat, « L'allocation-loyer », Art. 23, n° 11, avril-mai-juin 2003, pp. 15 et s.
  • [60]
    cf. sur le thème N. BERNARD, « L'allocation-loyer (couplée à un conventionnement des loyers) : non pas la panacée, mais un remède directement opérationnel pour atténuer la crise du logement », Les échos du logement, 2006, n° 3, pp. 9 et s.
  • [61]
    On compte pourtant de nombreux partis politiques en appui de la mesure, à en croire du moins la carte blanche signée sous la législature précédente par les chefs de groupe au Parlement bruxellois de ce qui allait constituer l'Olivier francophone – Parti socialiste, CDH et Écolo – (La Libre Belgique, 23 avril 2004 et Le Soir, 26 avril 2004) et à en croire, surtout, l'Accord de majorité de la législature régionale bruxelloise 2004-2009 (Un avenir et une ambition pour Bruxelles, p. 28). Quant au MR, pas moins favorable au dispositif – mais sous une forme quelque peu différente –, il a déposé à Bruxelles une proposition d'ordonnance en ce sens (cf. la proposition d'ordonnance déposée le 19 décembre 2002 au Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale par Olivier de Clippele et Marion Lemesre instaurant une allocation loyer sous forme de chèque, Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, Doc. parl. A-386/1,19 février 2002, proposition relevée de caducité au tout début de l'actuelle législature (cf. proposition d'ordonnance déposée par Olivier de Clippele et Marion Lemesre le 20 juillet 2004 instaurant une allocation-loyer sous forme de chèque, Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, Doc. parl. A-21/1,20 juillet 2004), mais repoussée, depuis, en commission du logement).
  • [62]
    Code wallon du logement, art. 14, § 2,2°, modifié par le décret du Parlement wallon du 20 juillet 2005 modifiant le Code wallon du logement, Moniteur belge, 25 août 2005.
  • [63]
    Arrêté du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 22 décembre 2004 instituant une allocation de déménagement-installation et d'intervention dans le loyer, Moniteur belge, 16 mars 2005.
  • [64]
    Cf. notamment W. VAN MIEGHEM, « La réforme de déménagement, d'installation et de loyer (ADIL) en région bruxelloise », Les échos du logement, 2005, n° 3 et 4, p. 73.
  • [65]
    Arrêté du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 6 mars 2008 instituant une allocation loyer, Moniteur belge, 29 avril 2008.
  • [66]
    Dans ces deux autres régions, plus de 50 % des ressources proviennent de la ristourne fédérale de l’impôt sur les personnes physiques.
  • [67]
    Cf. P. ZIMMER, « L'évolution de la situation budgétaire de la Région de Bruxelles-Capitale après les accords du Lambermont (2001) », conférence donnée à Bruxelles le 5 juin 2008.
  • [68]
    Cf. Proposition de loi spéciale portant des réformes institutionnelles, Sénat, Doc. parl. 4-602/1,5 mars 2008.
  • [69]
    Loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980, Moniteur belge, 15 août 1980, art. 6, § 1er, IV.
  • [70]
    Pour une approche économique de la problématique, cf. X. WAUTHY, « Analyse économique du contrôle du marché du logement », La crise du logement à Bruxelles. Problème d'accès et/ou de pénurie ?, sous la direction de N. BERNARD et W. VAN MIEGHEM, Bruxelles, Bruylant, 2005, pp. 19 et s. ainsi que A.-M. DE KERCHOVE et S. WIBAUT, « Une analyse économique du blocage des loyers », in Ébauches d'un droit au logement effectif, Bruxelles, La Charte, 1997, pp. 205 et s.
  • [71]
    Il s'agit d'une expérience-pilote mise sur pied par les autorités fédérales de 2005 à 2007 consistant à installer dans trois villes du pays (Bruxelles, Gand et Charleroi) des commissions composées paritairement (bailleurs et locataires) et investies d'une triple mission : faire de la médiation locative, élaborer une grille d'objectivation des loyers et, last but not least, rédiger un bail-type. Sur cette expérience stimulante, à laquelle il n'a malheureusement pas été donné de suite, cf. T. DAWANCE, N. BERNARD et al., Recherche sur la mise en place d’expériences-pilotes, en matière de commissions paritaires locatives, Bruxelles, Service public de programmation Intégration sociale, Lutte contre la pauvreté et Économie sociale, 2007.
  • [72]
    Cf. la carte blanche publiée par la directrice du Syndicat national des propriétaires, B. LALOUX, « Régionaliser les locations, c'est créer le chaos », Le Soir, 27 février 2008.
  • [73]
    Cf. notamment le bail-type porté par l'annexe n° 3 de l'arrêté du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 26 septembre 1996 organisant la location des habitations gérées par la Société du logement de la Région bruxelloise ou par les sociétés immobilières de service public, Moniteur belge, 14 novembre 1996.
  • [74]
    SPF Économie 2008.
  • [75]
    Cf. le Plan de développement international de Bruxelles - Rapport final, 31 août 2007, p. 71.
  • [76]
    Cf. P. ZIMMER, « L'évolution de la situation budgétaire de la Région de Bruxelles-Capitale après les accords du Lambermont (2001) », op. cit.
  • [77]
    31 % très exactement (Société wallonne du logement, Rapport sur l'application de la réglementation locative. Exercice 2001-2003, p. 30).
  • [78]
    Le parc social bruxellois compte en effet, à côté des salariés (24,14 %) et des indépendants (0,38 %), 29,19 % de chômeurs, 25,02 % de titulaires du revenu d'intégration, etc. Rapport annuel 2007 de la Société du logement de la Région de Bruxelles-Capitale, p. 14.
  • [79]
    Société wallonne du logement, 2007.
  • [80]
    Cf. MENS EN RUIMTE, De sociaal-economische impact van de Europese en internationale instellingen te Brussel, Bruxelles, 1994.
  • [81]
    Ibidem, 1998.
  • [82]
    Y. CONRAD, « Les fonctionnaires européens et leur famille à Bruxelles », in Bruxelles, l'européenne. Regards croisés sur une région capitale. Brussel, hart van Europa. Een verkennende blik op een kapitale regio, sous la direction de M. DUMOULIN, Louvain-la-Neuve et Bruxelles, Institut d'Études européennes de l'Université catholique de Louvain et Tempora, 2001, p. 138.
  • [83]
    IRIS CONSULTING, L'impact socio-économique des institutions européennes et internationales dans la Région de Bruxelles-Capitale, Bruxelles, actualisation 2001.
  • [84]
    Bruxelles en Europe, l'Europe à Bruxelles. 50 ans de convergences, op. cit., p. 51.
  • [85]
    Commission européenne et Iris Consulting, 1998.
  • [86]
    Cet important effet de « contagion » (entre différents sous-segments du parc) requiert, pour dûment apprécier l'influence de l'Europe sur l'immobilier à Bruxelles, de prendre en considération non seulement l'impact direct de l'Union sur les valeurs d'achat mais également son impact indirect. Sur le thème, cf. N. BERNARD, « L'influence de l'Union européenne sur les prix de l'immobilier à Bruxelles », Brussels Studies, n° 21,2008.
  • [87]
    Cf. entre autres l'interview donnée par le ministre-président de la Région de Bruxelles-Capitale Charles Picqué à La Tribune de Bruxelles (La Libre Belgique) le 20 avril 2006 ainsi que la carte blanche (« De la maison unifamiliale à l'immeuble tour, quelle densité pour Bruxelles ? ») publiée sur son site internet par la secrétaire d'État au Logement Françoise Dupuis le 19 octobre 2007.
  • [88]
    Faute d'arrêté royal, ces deux mesures n'ont pas reçu de commencement d'exécution.
  • [89]
    C'est le premier Plan régional de développement (PRD) qui a introduit la notion (arrêté du 3 mars 1995 du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale arrêtant le Plan régional de développement, Moniteur belge, 27 mars 1995). S'adossant au constat que « certaines parties du territoire connaissent un réel déficit d'investissement résidentiel » combiné avec une disqualification du bâti, cet outil programmatique instaure l'espace de développement renforcé du logement destiné à accueillir une action renforcée des autorités régionales dans le domaine de l'habitat. Soucieux d'axer les efforts en matière de revitalisation urbaine sur la réhabilitation des bâtiments existants également, le législateur bruxellois, à la faveur de l'adoption du deuxième PRD, rebaptise la zone en Espace de développement renforcé du logement et de la rénovation (arrêté du 12 septembre 2002 du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale arrêtant le Plan régional de développement, Moniteur belge, 15 octobre 2002).
  • [90]
    Il y a bien les agences immobilières sociales (qui donnent en location, pour compte des propriétaires, des biens à des tarifs réduits contre la garantie d'un paiement régulier du loyer et une remise en état du logement), mais les rendements locatifs maximaux qu'elles peuvent offrir sont trop faibles, en seconde couronne à Bruxelles singulièrement, pour espérer rallier davantage qu'un petit nombre de propriétaires. En ce sens, il faut saluer l'arrêté du gouvernement bruxellois du 28 février 2008 (Moniteur belge, 28 mars 2008) qui, dans ses articles 12 et suivants, relève les barèmes de 10 % environ.
  • [91]
    Même si ces terrains-là ne sont pas toujours mobilisés (tant s’en faut), il est intéressant de signaler à cet égard que la grande majorité des réserves foncières du secteur du logement social (90 %) se situe en seconde couronne, de même que 60 % du patrimoine public existant.
  • [92]
    Lancé sous la législature régionale précédente, ce plan (qui envisage également la construction de 1 500 logements – locatifs – moyens) constitue le fer de lance du gouvernement actuel en matière de logement. Il s'agit d'édifier les logements promis sur des terrains publics (communaux pour la plupart) sous le mode du droit de superficie. En sus de la Société du logement de la Région de Bruxelles-Capitale (SLRB), la Société de développement pour la Région de Bruxelles-Capitale (SDRB), la Société régionale d'investissement de Bruxelles (SRIB) et, depuis peu, le secteur privé sont les véhicules financiers. Récemment, la secrétaire d'État au Logement a confié son intention, pour parachever l'exécution du programme, de faire l'acquisition d'une série de biens (vides) sur le marché privé qu'elle réaffecterait à du logement moyen. On trouvera de plus amples renseignements sur ce plan dans le numéro spécial de SLRB Info « Le Plan régional du logement », n° 53, janvier-juin 2008.
  • [93]
    Telle n'était certes pas l'intention initiale des instigateurs des agences immobilières sociales mais, chemin faisant, il n'est pas interdit de lui assigner cette nouvelle fonction, d'ordre macro-économique.
  • [94]
    Loi-programme (I) du 27 décembre 2006, Moniteur belge, 28 décembre 2006,3e édition, art. 14.
  • [95]
    Décret du Parlement wallon du 27 avril 2006 modifiant l'article 255 du Code des impôts sur les revenus, Moniteur belge, 15 mai 2006.
  • [96]
    Cf. les articles 12 et suivants de l'arrêté du gouvernement bruxellois du 28 février 2008 (Moniteur belge, 28 mars 2008).
  • [97]
    En l'absence de pareille revalorisation, l'écart entre les montants, totalement libres, offerts sur le marché privé et ceux, conventionnés, proposés dans le secteur des agences immobilières sociales ne pouvait en effet que se creuser vu la flambée du coût de la location. Voilà donc de manière générale le mécanisme des agences immobilières sociales tributaire d'une logique de marché qui le dépasse de loin et sur lequel il convient d'agir, sous peine de cantonner les agences immobilières sociales dans un sous-segment marginal.
  • [98]
    Cf. Observatoire de l'habitat de la Région de Bruxelles-Capitale, Observatoire des loyers, Enquête 2005.
  • [99]
    Pour rappel, pas une seule opération de droit de gestion publique n'a été encore réalisée, dans aucune des dix-neuf communes de la région bruxelloise, depuis que la mesure a été lancée (en 2003).
  • [100]
    50,28 % au 31 décembre 2005 (Société wallonne du logement, 2007).
  • [101]
    43,18 % (Société du logement de la Région bruxelloise, Le logement social bruxellois. 1989-2004, 2005, 2e édition, p. 91).
  • [102]
    35,62 % au 31 décembre 2005 (Société wallonne du logement, 2007).
  • [103]
    Art. 6, al. 3, du bail-type établi par l'annexe n° 5 de l'arrêté du gouvernement wallon du 6 septembre 2007.
  • [104]
    Cf. arrêté du 6 septembre 2007, Exposé du dossier.
  • [105]
    Art. 29, § 1er, de l'arrêté du gouvernement wallon du 6 septembre 2007 et art. 20, § 1er, de l'arrêté du gouvernement wallon du 25 février 1999.
  • [106]
    Art. 29, § 3, al. 1er, 2°, de l'arrêté du gouvernement wallon du 6 septembre 2007 et art. 20, § 3, al. 1er, 2°, de l'arrêté du gouvernement wallon du 25 février 1999.
  • [107]
    Cf. arrêté du 6 septembre 2007, Exposé du dossier.
  • [108]
    Art. 6, al. 2, du bail-type établi par l'annexe n° 5 de l'arrêté du gouvernement wallon du 6 septembre 2007.
  • [109]
    Cf. art. 3, § 2,4°, de l'arrêté du gouvernement wallon du 6 septembre 2007.
  • [110]
    Commission de l'Aménagement du territoire, des Transports, de l'Énergie et du Logement, Parlement wallon, Compte rendu analytique, CRA 104,13 mars 2006, p. 11.
  • [111]
    Cf. pour de plus amples développements N. BERNARD, « Les femmes, la précarité et le mal-logement », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1970,2007.
  • [112]
    Cette situation peut cependant s'expliquer par le fait notamment que les femmes en général sont surexposées à la précarité matérielle (et que le logement social s'adresse avant tout aux personnes défavorisées) et par le fait aussi que les règles d'attribution des habitations sociales font la part belle en Wallonie à certains critères plus féminins que masculins (points de priorité en cas de violence conjugale, en cas de charge d'enfants pour un parent seul, en cas de grossesse…).
  • [113]
    Cf. entre autres N. BERNARD, « Le secteur du logement à l'épreuve des réglementations anti-discrimination », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1926,2006.
  • [114]
    Désormais, la personne qui quitte une habitation « à cause de violences conjugales » (dûment attestées par le CPAS) bénéficie officiellement de huit points de priorité dans l'attribution d'un logement sociale.
  • [115]
    Les chambres qui ne sont occupées qu'à « temps partiel » par des enfants en garde alternée ne sont pas considérées comme excédentaires.
  • [116]
    Loi du 18 juillet 2006 tendant à privilégier l'hébergement égalitaire de l'enfant dont les parents sont séparés et réglementant l'exécution forcée en matière d'hébergement d'enfants, Moniteur belge, 4 septembre 2006.
  • [117]
    Cf. Observatoire de la santé et du social de la Commission communautaire commune de Bruxelles, Atlas de la santé et du social de Bruxelles-Capitale 2006, p. 70.
  • [118]
    Cf. M.-L. DE KEERSMAECKER et S. DE CONINCK, « La situation du marché locatif à Bruxelles », in La crise du logement à Bruxelles : problème d'accès et/ou de pénurie ?, sous la direction de N. BERNARD et W. VAN MIEGHEM, Bruxelles, Bruylant, 2005, p. 16.
  • [119]
    Ibidem, p. 8.
  • [120]
    Observatoire de l'habitat de la Région de Bruxelles-Capitale, Observatoire des loyers. Enquête 2006.
  • [121]
    Rassemblement bruxellois pour le droit à l'habitat, « Achat ou rénovation : accessible pour les faibles revenus ? », Art. 23, n° 5, octobre-novembre-décembre 2001, p. 4.
  • [122]
    Cf. notamment N. BERNARD, « Le logement social à Bruxelles : à la fois irremplaçable et à dépasser », Produire et financer des logements à Bruxelles, actes de la 38e école urbaine organisée par l’Atelier de recherche et d’action urbaines (ARAU), Bruxelles, 2008, pp. 105 et s.
  • [123]
    Cette opération de réfection de grande ampleur a, en effet, rétréci encore l'offre publique puisque, comme le reconnaît la secrétaire d'État bruxelloise au Logement elle-même, trois logements sociaux n'en font en moyenne plus que deux après travaux, dans le but toujours de respecter les normes de superficie minimale.
  • [124]
    Cf. P. Zimmer, Dix ans de politique du logement social à Bruxelles, Bruxelles, SLRB, 2000, p. 66.
  • [125]
    Université libre de Bruxelles (GUIDE), Université catholique de Louvain (CREAT) et Université de Liège (LEPUR), Reconstruire la ville sur la ville. Recyclage des espaces dégradés, Rapport final de l'étude commandée par la Conférence permanente du développement territorial de la Région wallonne, septembre 2004, pp. 62 et s.
  • [126]
    Cf. notamment N. BERNARD, « La participation des habitants dans les contrats de quartier bruxellois », Les valeurs démocratiques comme stratégies de prévention, actes du colloque organisé à Charleroi les 12 et 13 mai 2004 par le Centre interuniversitaire de formation permanente (CIFoP), la Ville de Charleroi et la Ville d'Anvers, Charleroi, 2005, p. 124 et s.
  • [127]
    Cf. entre autres C. MERCIER et B. MORITZ, « Démarche participative et projets de logements publics : du “nimbysme’ au ‘wimbysme” ? », La Revue nouvelle, 2008, n° 2, pp. 77 et s.
  • [128]
    Proposition d'ordonnance modifiant l'ordonnance du 9 septembre 1993 portant modification du Code du logement pour la Région de Bruxelles-Capitale et relative au secteur du logement social, discussion générale, intervention de Rudi Vervoort, Parlement bruxellois, Compte rendu analytique, CRA 15,3 mars 2000, p. 30.
  • [129]
    Proposition d'ordonnance modifiant l'ordonnance du 9 septembre 1993, discussion générale, intervention de Françoise Schepmans, rapporteuse, Parlement bruxellois, Compte rendu analytique, CRA 15,3 mars 2000, p. 28.
  • [130]
    Art. 71 et s. du Code bruxellois du logement tel qu'institué par l'ordonnance du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale du 17 juillet 2003 (Moniteur belge, 9 septembre 2003) et complété par l'ordonnance du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale du 1er avril 2004 (Moniteur belge, 29 avril 2004).
  • [131]
    Ordonnance du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale du 22 décembre 2000 modifiant l'ordonnance du 9 septembre 1993 portant modification du Code du logement pour la Région de Bruxelles-Capitale et relative au secteur du logement social, Moniteur belge, 21 juillet 2001.
  • [132]
    Article 72 du Code bruxellois du logement.
  • [133]
    Pour un compte-rendu plus détaillé de ces dernières élections, cf. Compte rendu intégral, commission Logement, Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, Doc. parl. 43, réunion du 27 février 2007, pp. 33 et s.
  • [134]
    Art. 75, § 1er, du Code bruxellois du logement.
  • [135]
    Art. 75, § 2, du Code bruxellois du logement.
  • [136]
    Art. 76, al. 2, du Code bruxellois du logement.
  • [137]
    Les enseignements évaluatifs qui vont suivre sont principalement tirés, outre des propres observations de l'auteur, de C. SCHAUT, « Le Conseil consultatif des logements sociaux en Région de Bruxelles-Capitale. Un dispositif à prétention participative », Les cahiers des sciences administratives, sous la direction de G. GENERET, Larcier, Bruxelles, n° 13/2007, pp. 63 et s. ; de F. MELERY, « Les conseils consultatifs des locataires institués auprès des sociétés immobilières de service public – Les élections du 31 janvier 2004 », SLRB Info, n° 38-39, avril-septembre 2004, pp. 30 et s. ; de P. ALLAER, « LE CoCoLo - HmW, du projet à la réalité. Synthèse et réflexions », SLRB Info, n° 47, septembre 2006 ; idem, « Rôle de l'administrateur, éthique et déontologie. Quatre ans d'expérience à Bruxelles », intervention au 2e Forum annuel des comités consultatifs de locataires et de propriétaires organisé à Seneffe le 3 novembre 2007 par l'Association wallonne des comités consultatifs de locataires et de propriétaires ; du rapport Le logement social bruxellois 1989-2004, Bruxelles, Société du logement de la Région bruxelloise, 2005,2e édition, pp. 45 et s. ; du Compte rendu intégral de la réunion de la commission du Logement du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, Doc. parl. 43,27 février 2007, pp. 33 et s. ; du n° 2 des Échos du Parlement bruxellois, « Une belle avancée pour le logement social : les conseils consultatifs des locataires », février-mars 2001, p. 4 ; de plusieurs numéros du Bulletin d'information du conseil consultatif de locataires de l'Habitation moderne ; ainsi que de divers documents issus de la Fédération bruxelloise des unions de locataires (FÉBUL).
  • [138]
    Dans l'implantation de ces COCOLO au sein des cités sociales, en revanche, le secteur associatif a joué un rôle de premier plan.
  • [139]
    Dans l'implantation des conseils consultatifs de locataires au sein des cités sociales et leur ancrage dans le terrain, en revanche, le secteur associatif a, là, joué un rôle de premier plan.
  • [140]
    Il s'agissait dans le chef de l'un ou l'autre responsable régional de réduire (encore) l'influence proprement locale dans la gestion du logement social. Naguère, en effet, certaines sociétés de logement étaient devenues des baronnies tendant à échapper à toute forme de pouvoir centralisé. S'est amorcé ensuite un mouvement de « reprise en main » par l'autorité régionale, mouvement qui a commencé au début des années 1990 avec l'imposition de critères – réglementaires et uniformes – d'attribution des logements. Et ces paramètres d'octroi ont, par surcroît, été rendus objectifs, ce qui amenuisait encore l'autonomie des SISP, autrefois guettées par le clientélisme et susceptibles de céder à la tentation de se constituer, par cette entremise, un réseau d'obligés au sein de la commune.
  • [141]
    Et nos sociétés actuelles ont peut-être, aussi, hypertrophié le poids de l'expert, de sorte que la parole des « simples usagers » semble nécessaire à titre de contrepoids.
  • [142]
    On trouvera de plus amples développements dans N. BERNARD et L. LEMAIRE, Le bail de logement social à Bruxelles et en Wallonie. Approche descriptive, comparative et critique, Bruxelles, Larcier, 2008 (à paraître).
  • [143]
    Art. 75, § 1er, du Code bruxellois du logement.
  • [144]
    Cf. notamment l'avis d'initiative rendu le 21 novembre 2007 par le conseil consultatif de locataires de l'Habitation moderne sur les « augmentations de loyer en 2008 ».
  • [145]
    Cf. P. ALLAER, « Rôle de l'administrateur, éthique et déontologie. Quatre ans d'expérience à Bruxelles », op. cit.
  • [146]
    Cf. notamment N. BERNARD, « Accession à la propriété : un regard européen sur le retard français », Le Bulletin européen du Moniteur, n° 663,22 mars 2004 (France).
  • [147]
    Cf. B. MONNIER et P. ZIMMER, « Fiscalité immobilière : le coût de la brique dans le ventre », Les échos du logement, 2008, n° 2, pp. 17 et s.
  • [148]
    Ce montant est même porté à 75 000 euros dans certaines zones prioritaires, à savoir les espaces de développement renforcés du logement et de la rénovation urbaine tels que délimités dans le Plan régional de développement.
  • [149]
    Cf. N. BERNARD, « Le droit de superficie pour sortir de la crise du logement ? », CountrySide Magazine (revue de l'European Landowners’ Organization), n° 104,2008, pp. 8 et s.
  • [150]
    Cf. N. BERNARD, « Le logement intergénérationnel : quand l'habitat (re)crée du lien social », La Revue nouvelle, 2008, n° 2, pp. 67 et s.
  • [151]
    Cf. sur le thème, N. BERNARD, M.-E. AYALDE et P. DEGRYSE, « L'épargne collective solidaire : une solution pour sortir “par le haut” de la crise du logement », Les échos du logement, 2008, n° 1, pp. 33 et s.
  • [152]
    Cf. entre autres « Statut cohabitant : pour en finir avec l’injustice », Ensemble ! Pour la solidarité, contre l’exclusion, n° 63, septembre-octobre 2008.
Français

La situation du logement à Bruxelles ne peut qu’interpeller l’observateur. Loyers élevés, carence de logements sociaux, valeurs acquisitives en hausse, pléthore de logements vides : tous les indicateurs sont pour le moins préoccupants. À l’heure où la Région de Bruxelles-Capitale s’apprête à souffler ses vingt bougies, il a semblé intéressant de se pencher sur ce que le gouvernement actuel a désigné, avec l’emploi, comme l’une de ses priorités.
La région s’est profondément transformée en vingt ans, et il se pourrait fort que les recompositions encore à venir dépassent celles du passé. Comment des évolutions comme l’atomisation des familles ou la polarisation spatiale du logement social vont-elles réorganiser l’offre de logements de la capitale et, à travers cette offre, comment vont-elles bouleverser les comportements de la population ? Sera-t-il possible de socialiser le marché privé ? Comment reconvertir des bureaux en logements ? Comment assurer la mixité sociale du logement ?
Les habitants ne font pas que subir la ville et ses métamorphoses. Ils la modèlent à leur tour, dans un vaste mouvement de réappropriation du fait urbain. Nicolas Bernard évoque les expériences de participation des locataires de logements sociaux et les perspectives qu’offre l’habitat intergénérationnel. Une importance particulière est attachée par Nicolas Bernard aux personnes qui vivent dans la précarité. Une ville attire des personnes paupérisées persuadées d’y trouver les secours et les expédients susceptibles de les extraire de la misère. À cet égard, il évoque les pratiques d’épargne collective solidaire, qui n’ont pas encore trouvé d’appui du côté des pouvoirs publics.

La situation du logement à Bruxelles ne peut qu’interpeller l’observateur. Loyers élevés, carence de logements sociaux, valeurs acquisitives en hausse, pléthore de logements vides : tous les indicateurs sont pour le moins préoccupants. À l’heure où la Région de Bruxelles-Capitale s’apprête à souffler ses vingt bougies, il a semblé intéressant de se pencher sur ce que le gouvernement actuel a désigné, avec l’emploi, comme l’une de ses priorités. La région s’est profondément transformée en vingt ans, et il se pourrait fort que les recompositions encore à venir dépassent celles du passé. Comment des évolutions comme l’atomisation des familles ou la polarisation spatiale du logement social vont-elles réorganiser l’offre de logements de la capitale et, à travers cette offre, comment vont-elles bouleverser les comportements de la population ? Sera-t-il possible de socialiser le marché privé ? Comment reconvertir des bureaux en logements ? Comment assurer la mixité sociale du logement ? Les habitants ne font pas que subir la ville et ses métamorphoses. Ils la modèlent à leur tour, dans un vaste mouvement de réappropriation du fait urbain. Nicolas Bernard évoque les expériences de participation des locataires de logements sociaux et les perspectives qu’offre l’habitat intergénérationnel. Une importance particulière est attachée par Nicolas Bernard aux personnes qui vivent dans la précarité. Une ville attire des personnes paupérisées persuadées d’y trouver les secours et les expédients susceptibles de les extraire de la misère. À cet égard, il évoque les pratiques d’épargne collective solidaire, qui n’ont pas encore trouvé d’appui du côté des pouvoirs publics.
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/11/2008
https://doi.org/10.3917/cris.1993.0007
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