CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 Drôle d’histoire que l’histoire d’une revue. Cela a commencé... au siècle dernier, en 1991. Autant dire une autre époque. Une époque marquée par de multiples contradictions avec son lot de crises et de malheurs, mais à la différence de celle que nous vivons aujourd’hui, elle était aussi pleine d’espérance. On pouvait avoir l’illusion que le système international nécrosé par une interminable guerre froide allait se métamorphoser et devenir plus équilibré ; c’est ce qui s’est passé... mais seulement pendant quelques années.

2 Dans ce contexte, avec Hamadi Essid et Alain Gresh, j’ai voulu organiser un colloque international pour contribuer à un dialogue entre Israéliens et Palestiniens. A priori, c’était impossible. L’OLP était considérée par Israël comme une organisation terroriste et la législation israélienne punissait de prison tout citoyen israélien qui aurait un contact avec ses responsables. Pour contourner cette difficulté, nous avons été chercher des parlementaires européens susceptibles de dialoguer à la tribune avec les uns puis avec les autres pour éviter formellement la discussion directe entre les deux parties. Après bien des démarches nous avons réussi à convaincre des députés israéliens du Meretz et du parti travailliste, des responsables importants de l’OLP et donc des députés du parlement européen.

3 Pendant deux jours, au Sénat à Paris en janvier 1989, il y eut ainsi de passionnants échanges sur les possibilités d’une paix israélo-palestinienne. La presse internationale en rendit largement compte [1]. Le lendemain, nous avons ressenti un grand vide avec l’envie de continuer ce dialogue d’une autre manière. Le seul moyen que nous avons trouvé fut de créer une revue.

4 Le temps d’y penser et de l’imaginer et on se retrouve quelques mois plus tard pour en définir l’esprit, la structure et l’équipe. Pour le titre, on avait convenu d’arriver avec des propositions écrites. Nous sortons donc, en même temps, nos papiers et on s’aperçoit que l’on avait écrit les mêmes mots en tête de liste : Confluences Méditerranée... Encore quelques mois et, en la personne de Denis Pryen, pdg de l’Harmattan, nous trouvons un éditeur disposé à la publier.

5 Le premier numéro sort à l’automne 1991 avec un graphisme de couverture conçue à partir d’une idée de Bernard Ravenel : des lettres de tous les alphabets de la Méditerranée posées comme une marquetterie sur le sable... Et dans son éditorial Hamadi Essid écrit : « Avec Confluences, nous proposons au lecteur une revue politique de réflexion et de dialogue... je crois que l’échange d’idées, la réflexion en commun sont les moyens les plus civilisés et les plus efficaces pour parvenir à la solution des crises et des conflits. Mais c’est là une opinion de toute évidence très peu partagée et c’est pour la soutenir que nous, un petit groupe d’hommes et de femmes de bonne volonté[2], avons songé à créer cet espace de confrontation d’analyses et d’opinion que sera Confluences ». Et il ajoutait pour conclure : « Commençons par ce qui est à mon avis le plus difficile et le plus naturel : le dialogue entre Juifs et Arabes. Peut-être le rêve sera-t-il possible ? Peut-être, de nouveau, la lumière viendra-t-elle d’Orient ? »

6 Pour bien comprendre la portée de cette ambition, il faut rappeller qu’Hamadi Essid était aussi un acteur politique puisqu’il est alors le représentant de la Ligue des Etats arabes à Paris. Il ne cesse de dialoguer en privé et dans les médias avec le président du CRIF, Théo Klein, qui accepta de faire partie du comité de parrainage de la revue après avoir activement participé au colloque de janvier 1989 où il avait ainsi commencé son intervention : « Ce que mon ami Hamadi Essid vous a dit au début de son exposé, je peux le reprendre à mon compte : nous sommes convaincus l’un et l’autre de la nécessité du dialogue... Nous l’avons mené parce que nous étions violemment opposés. Mais, en même temps, nous avons manifesté le respect que nous avions pour celui avec lequel nous n’étions pas d’accord ».

7 Le 27 novembre 1991, quelques jours apès la sortie du premier numéro, Hamadi Essid décède brutalement à l’âge de 51 ans. Le meilleur hommage qu’on pouvait lui rendre était de continuer. Un quart de siècle plus tard, fidèle à la ligne « politique » de ses débuts, Confluences est toujours là et se porte très bien grâce notamment à la diffusion numérique développée par Cairn. Au fil du temps, de nouveaux membres ont rejoint l’équipe intiale pour consolider et renouveler Confluences sous l’impulsion dynamique de Pierre Blanc, son rédacteur en chef depuis 2008.

Notes

  • [1]
    On retrouvera les débats du colloque et les commentaires de la presse internaationale dans : L’Europe et le conflit israélo-palestinien, Débat à trois voix, sous la direction de Jean-Paul Chagnollaud et Alian Gresh, L’Harmattan, 1989.
  • [2]
    Le comité de rédaction est composé de Anissa Brarrak, Elie Barnavi, Christian Bruschi, Régine Doqouis-Cohen, Alain Gresh, Bassma Kodmani, Bénédicte Muller, Bernard Ravenel. Le comité de parrainage : Adonis, André Azoulay, Michel Jobert, Paul Kessler, Théo Klein, William Quandt et Pierre Salinger.
Jean-Paul Chagnollaud
Directeur de Confluences Méditerranée.
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 05/04/2017
https://doi.org/10.3917/come.100.0009
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