Le 26 novembre 2015, le Financial Times citait le Premier ministre néerlandais Mark Rutte, qui comparait la crise migratoire européenne à la situation de l’Empire romain face aux invasions barbares.
Or, qu’il en ait été conscient ou pas, le Premier ministre entrait de plain-pied dans un débat historiographique qui divise aujourd’hui la communauté scientifique dans des termes où il est difficile de ne pas voir, comme dans sa déclaration, le reflet des controverses actuelles autour de l’immigration. En effet, les années 1960 ont vu se développer une école historique qui a remis en cause l’image traditionnelle des invasions barbares dans un révisionnisme global qui, à partir des années 1990, en est venu à nier la notion même que les migrations aient pu être un facteur dans la chute de l’Empire romain d’Occident.
Tout n’est pas à rejeter dans cette remise en cause d’une vision quelque peu cinématographique d’un déferlement sanguinaire de combattants blonds vêtus de peaux de bête détruisant des villes en marbre blanc, où de savants rhéteurs en toge débattaient des formes grammaticales chez Virgile ou Homère.
Révisionnisme nécessaire en ce qui concerne la frontière entre l’Empire et les Barbares où certains voyaient dans le « limes » la stricte séparation entre une civilisation toujours menacée et des forces obscures toujours menaçantes. C’était plus ou moins la thèse avancée par Edward Luttwak dans The Grand Strategy of the Roman Empire. Or l’archéologie prouve que c’est d’une zone frontalière dont il faut parler, où, de part et d’autre des postes de garde romains, se développait une culture mixte…