Article
Genève l’a célébré, et 2012 aura vu paraître quantité d’ouvrages sur Rousseau. Rousseau. Le grand malentendu mérite l’attention. Son auteur a porté, en philosophe, tous ses efforts sur le langage et particulièrement sur la rhétorique de Rousseau. Allons droit à la thèse.
Rousseau ne se borne pas à forger du sens figuré ; comme lui-même le dit plaisamment, tous en forgent, à l’exception du géomètre et du sot. Mais ce qui est propre à Rousseau, qui n’était ni l’un ni l’autre, c’est de prendre indûment ses figures au propre. Peinant à distinguer la signification et l’expression, déplorant l’abstraction opérée par les signes de convention, Rousseau incurve le signe vers l’ostension même, vers l’image – vision sensible, ou trope : « Rhétorique suprême ! » écrit-il au sujet d’Antoine exhibant le cadavre de César. Sans exclure celui-ci, la rhétorique que poursuit Nanine Charbonnel ne désigne pas tant l’art oratoire, massif et perpétuel, que le poids des figures. En un mot, Rousseau irait jusqu’à confondre signe et symbole et qualifier de « propre » le langage figuré lui-même, pourvu qu’il corresponde à « ce qu’il ressent en propre et dans son propre à soi ». Le faire-comme-si des figures disparaît ; la figure devient concept. « L’éducation négative » prônée par l’Émile, la Souveraineté indivisible ? Des hyperboles prises au propre. La relation de l’un au Tout dans le Contrat social, la Volonté générale ou le Législateur ? Des synecdoques traitées de même. Enfin, le Corps politique, la Voix de la conscience, le Livre de la Nature n’existent puissamment qu’à ne plus être de simples métaphores…
Plan
Auteur
- Mis en ligne sur Cairn.info le 27/12/2013
- https://doi.org/10.3917/comm.143.0701
![Chargement](./static/images/loading.gif)
Veuillez patienter...