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Sihanouk, le petit roi du Cambodge, dont l’histoire, à la fois pittoresque, trouble et perverse, est souvent placée sous l’influence de son entourage féminin, est mort le 15 octobre 2012 à Pékin. Sa disparition a donné lieu à un fantastique télescopage entre rêve et réalité, entre mythe et cynisme.
De la vie de ce souverain fantasque, perdu par ses propres vanités, le million de Cambodgiens qui s’étaient rassemblés en pleurs et bougies allumées le long du parcours du cercueil rentré de Chine n’ont retenu que l’histoire tronquée, édulcorée et arrangée, en même temps qu’il fut submergé par les puissantes réminiscences de la monarchie khmère, d’essence hindouiste et brahmane.
Trois jours après le retour de la dépouille, ces Cambodgiens étaient toujours là, agglutinés aux portes du palais, exprimant par de longues plaintes lamentées l’angoisse du mythe refuge à jamais évanoui au milieu des vendeurs à la sauvette, ramassant quelques pauvres riels sur le dos des pleureuses.
Une expression inattendue de la puissance de l’esprit, de la force de l’histoire et de ses mythes, que les cyniques au pouvoir, matérialistes et antimonarchiques, héritiers du communisme le plus radical, progressiste et antireligieux, sont à des années-lumière de comprendre.
Le petit peuple n’analysait rien et ne comprenait pas non plus. Mais il véhiculait par sa ferveur affichée une insondable sagesse paysanne, exprimant, comme malgré lui, une exaltation et une détresse venant du fond des âges, qui dépassaient le petit roi…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 27/12/2013
- https://doi.org/10.3917/comm.143.0515
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