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La réédition en 2009 par les éditions Payot de l’ouvrage de Christelle Taraud offre l’occasion de rappeler l’une des études les plus originales réalisées au cours des dix dernières années sur le genre en situation coloniale. Cette enquête très fouillée sur l’histoire de l’organisation de la prostitution au Maghreb sous l’ordre colonial français, depuis les années 1830 jusqu’au début des années 1960, repose sur le dépouillement systématique des archives françaises civiles et militaires de l’outre-mer (Aix-en-Provence, Nantes, Paris, Vincennes), l’analyse d’un volume impressionnant de fonds iconographiques (cartes postales, photographies, cinéma), et des sources publiées (presse, récits de voyage, littérature). Dans cette étude, Christelle Taraud pose une question centrale : en quoi l’administration française a-t-elle organisé un système de prostitution inédit dans cette région qui a participé pleinement du dispositif colonial, et à ce titre était en rupture avec l’organisation sociale et politique de la métropole ?
Il est significatif que la réglementation des mœurs ait accompagné fidèlement l’ordre colonial. À Alger, dès 1831, les prostituées sont enregistrées par la police – dès 1889 à Tunis, à partir de 1914 à Casablanca (p. 57). À Alger, le 11 août 1830, s’ouvre un établissement pour le contrôle médical des femmes publiques (p. 245). Enfin, selon Christelle Taraud, les premiers bordels militaires de campagne (BMC) ont été organisés par l’armée, probablement en 1831, dès le début de la conquête algérienne (p…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 27/06/2011
- https://doi.org/10.4000/clio.10128